Université Toulouse le Mirail-UFR de
psychologie Département de Psychopathologie clinique
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Mémoire de master 1 présenté par
Camille PATRY
Sous la direction de Claude COLLADO Maitre de
Conférence à l'UTM
Membre du jury : Elaine COSTA-FERNANDEZ
« Notre arbre de vie plonge ses racines dans la terre
arrosée du sang qu'ont laissé s'écouler les blessures
provoquées par les conflits de nos parents » . MR
Moro.
Je tiens à remercier l'ensemble des personnes qui,
de près ou de loin, ont contribué
à l'élaboration de ce mémoire.
Ma grand-mère, Guglielmina Corazza, qui m'a fait
partager son histoire et m'a raconté son pays ; mes parents, Claude
Patry et Nathalie Corazza. Tout d'abord pour m'avoir donné l'envie de
découvrir le monde, et pour avoir soutenu mes projets personnels. Puis,
je les remercie plus particulièrement de leurs encouragements durant
cette année universitaire et de la patience dont ils ont fait preuve
pour les relectures de ce travail.
Je remercie également Claude Collado pour ses
conseils, ses encouragements et sa disponibilité.
Véronique Grenier et Anna Fornerod pour leur
précieuse aide. Enfin, merci aux jeunes femmes qui ont accepté
de participer à cette recherche.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE THEORIQUE
I/ LA CULTURE ET L'INDIVIDU
II/ L'INTEGRATION CONFLICTUELLE DES MODELES CULTURELS
III/ LES SIGNES CLINIQUES
PROBLEMATIQUE
PARTIE METHODOLOGIQUE
I/ PROTOCOLE EXPERIMENTAL
II/ HYPOTHESES DE RECHERCHE
III/ PRESENTATION DES RESULTATS IV/ INTERPRETATION DES
RESULTATS
DISCUSSION ET CONCLUSION
· Références
bibliographiques
· Index thématique
· Index onomastique
· Annexes I
· Table des matières
INTRODUCTION
Nous vivons actuellement dans une
société française multiculturelle. En effet, l'importance
des phénomènes migratoires est une réalité que tout
un chacun peut appréhender quotidiennement et, selon les historiens,
nous assistons aujourd'hui à l'une des plus grandes migrations connues.
Celle-ci est liée à plusieurs facteurs. Il y a une immigration
dû aux raisons d'ordre économique, qui se manifeste aujourd'hui
principalement par le regroupement familial et la fondation d'une famille dans
le pays d'accueil. D'autres motifs d'immigration sont d'ordre sociopolitique,
liés à la fuite devant les persécutions raciales, le
climat de guerre du pays d'origine, etc. On peut également
évoquer des facteurs idéologiques pour expliquer certains exils,
qui paraissent moins dramatiques ou moins impérieux. Les
idéologies actuelles étant fondées sur la consommation de
biens et sur le principe de jouissance immédiate, certains sont
attirés par la représentation idéale des pays occidentaux
en la matière, où ils espèrent trouver plus d'aisance
économique et sociale que dans leur pays d'origine.
Il n'en reste pas moins que l'exil, qu'il soit
forcé ou choisi, provoque un changement radical, avec une perte des
repères habituels, qui n'est que partiellement compensée par le
regroupement dans la terre d'adoption avec les membres de la même
communauté. La migration impose ainsi un réaménagement
psychique profond. L'adaptation au pays d'accueil oblige l'individu à
modifier son système de défense et le confronte à des
normes différentes et parfois antinomiques de celles de sa culture
d'origine. Si l'on se réfère à la définition de
l'acculturation de Devereux (1972)1, on conçoit que le
migrant intègre plus ou moins les modèles culturels du pays
d'accueil.
Cependant, si l'intégration des populations
migrantes a soulevé de nombreuses questions dont ont
découlé des recherches en sciences humaines, force est de
constater qu'aujourd'hui, nombre de jeunes adultes ne sont plus eux-mêmes
dans cette dynamique de voyage, mais portent l'exil de leurs parents comme une
donnée de leur existence. Il est alors question de l'intégration
de ces enfants de migrants, qui se sont développés dans un
contexte biculturel. Les médias ne cessent de démontrer que cette
question est au coeur des débats actuels de notre société,
et on retrouve sur le devant de la scène les problèmes
liés à l'intégration de ces jeunes.
1 « L'acculturation recouvre l'ensemble des
phénomènes résultants d'un contact continu et direct entre
des groupes d'individus appartenant à différentes cultures, et
aboutissant à des transformations affectant les modèles culturels
originaux de l'un ou des deux groupes ». Devereux, G. (1972).
Ethnopsychanalyse Complémentariste. Paris :
Flammarion (1985) p. 253.
Plusieurs recherches ont, quant à elles,
révélé une absence de résultats significatifs sur
le taux de morbidité des enfants de familles migrantes ;
néanmoins, elles constatent une prévalence des échecs
scolaires et des difficultés d'adaptation sociale, surtout à
l'adolescence.
On peut alors se demander quels sont les
éléments qui entrent en jeu dans l'évolution de la
personnalité dans ce contexte biculturel. Il s'agit notamment pour ces
individus d'aménager les différentes valeurs culturelles dont ils
sont imprégnés, celles de la culture parentale et celles de la
culture du pays d'accueil. A ce sujet, Couchard (1999) affirme que le sujet est
le plus souvent écartelé entre des modèles culturels
contradictoires.
Mais il est également question de la
dialectique, propre à tout individu, entre les besoins du moi et ceux du
lien à l'autre, entre filiation et affiliation. On peut avancer que la
pluralité des références culturelles va compliquer
davantage encore la conciliation de ces différents besoins.
Dès lors, développement de la
personnalité dans un double contexte culturel induiraitil une
fragilité de la structuration psychique ? Notre recherche a pour
objectif de répondre à cette question, en explorant
différents éléments de la dynamique psychique des jeunes
femmes d'origine Maghrébine qui ont grandit en France.
Nous commencerons par faire une présentation
succincte des différentes théories et recherches qui ont trait
à cette problématique.
A l'issue de cette partie théorique, nous
exposerons notre propre recherche, dans laquelle nous utilisons le test de
Rorschach que nous avons administré à six jeunes femmes d'origine
Maghrébine. Nous étudierons les manifestions de l'angoisse
présentes dans les protocoles de celles-ci, et le système
défensif mis en place. Puis nous nous pencherons sur les
modalités d'investissement de la représentation de soi telles
qu'elles transparaissent dans les contenus des productions au Rorschach. Nous
comparerons ensuite les réponses des participantes aux normes
françaises en vigueur pour la population adulte, en vue d'observer une
possible influence des spécificités culturelles de ces jeunes
femmes.
Enfin, les résultats, ainsi que
l'intérêt de la recherche, seront débattus. Il nous
semble cependant intéressant de signaler dès maintenant que
nous sommes tous amenés à rencontrer cette
problématique à un moment donné au cours de notre
carrière. Il s'agit alors d'en tenir
compte afin de penser ces enfants de migrants dans leur
complexité et dans leur singularité, pour nous permettre de mieux
les comprendre, les aider et les soigner.
PARTIE THEORIQUE
I/ LA CULTURE ET L'INDIVIDU
1/ La culture : un essai de
définition
Il n'existe pas d'homme sans culture. Il est donc
nécessaire d'appréhender le concept de culture, qui reste
cependant complexe. Dans l'avenir d'une illusion
(1927), Freud considère la culture comme ce qui distingue l'homme de
l'animal ; et déjà bien avant, en conclusion de
Totem et Tabou (1913), il rapprochait l'histoire des
différentes cultures de l'évolution de leurs réalisations
artistiques, sociales, morales et religieuses. Effectivement, si l'on se
réfère au dictionnaire, le sens commun donné est :
<< ensemble des structures sociales et des manifestations artistiques,
religieuses, intellectuelles qui définissent un groupe, une
société par rapport à une autre
»2.
En se recentrant sur une conception plus
psychologique, nous constatons que de nombreux auteurs ont cherché
à déterminer les modalités d'inscription de la culture
dans la structuration de la personnalité. Lacan (1966), dans
Ecrits, envisage la culture comme s'inscrivant au
plus profond du sujet, dans la structure même du discours. Il
précise que pour l'enfant, un mot puise sa signification profonde dans
ses rôles immédiats, l'un d'intégration au réel du
quotidien et à la culture adoptée par les parents, et l'autre
vécu d'une réalité intérieure se rattachant
à une culture idéale qui passe dans l'imaginaire. Force est alors
de constater que la culture s'inscrit à de multiples niveaux qui rendent
compte du vécu individuel de celle-ci. Elle est un lien entre la
réalité psychique et l'environnement de l'individu.
Winnicott (1975) a conceptualisé le lieu
où se créer ce lien comme une troisième aire, celle de
<< l'expérience culturelle » : << Si cette aire doit
être considérée comme une part de l'organisation du moi,
c'est là une part du moi qui n'est pas un moi-corps, qui n'est pas
fondée sur le modèle d'un fonctionnement du corps, mais sur les
expériences du corps » 3. Il précise que
l'expérience culturelle prend tout son sens sous le terme freudien de
<< sublimation ». Nous ne connaissons de meilleur exemple de
sublimation que l'art. Freud
2 Le Petit Larousse
Illustré (1992).
3 Winnicott, D.W. (1971).
Jeu et réalité. Paris : Gallimard
(1975). (p140).
note à ce sujet : << l'art accomplit par
un moyen particulier une réconciliation des deux principes (principe de
réalité et principe de plaisir) »4. Ainsi nous
comprenons davantage que Ben Slama (1983) nomme << processus tertiaires
» les fonctions psychiques à l'oeuvre dans la culture, qui
dès lors réconcilieraient les processus primaires et les
processus secondaires.
Or, une dimension du non-moi se joue également
dans ces processus. La culture recouvre un univers de significations
utilisées par les membres d'un groupe ; elles permettent notamment
l'établissement d'un code commun de compréhensions et de
réactions au monde que nous pouvons désigner comme le cadre
culturel, formation relativement immuable dans un espace culturel
donné.
Kaës (1998) précise que << la
culture soutient le processus de la structuration en introduisant le sujet
à l'ordre de la différence, spécialement dans les rapports
décisifs des sexes et des générations, à l'ordre de
la langue et à l'ordre de la nomination, c'est-à-dire au
système de désignation du sujet dans sa place dans une
généalogie, dans sa position sexuée, dans son affiliation
sociale et culturelle »5.
2/ Culture et psychisme
De nos jours, les médias, à l'instar des
enjeux de l'intégration des populations d'origines biculturelles
à la société d'accueil, dévoilent fort bien
l'affrontement des spécialistes de la psychologie interculturelle au
sujet des particularités culturelles propres à chacun et des
principes d'universalité du psychisme humain.
a) L'universalisme
Nombre de cliniciens s'en tiennent à
l'universalité des processus psychiques. Freud (1913) affirme dans
Totem et Tabou l'existence d'une structure psychique
commune à tous les êtres humains quels que soient leur
appartenance et leur cadre culturel. Il induit ainsi que l'inconscient est un
invariant culturel. Cette thèse repose sur le constat que les conditions
psychologiques de la naissance et du développement de tout individu sont
analogues partout, et de ce fait, peu soumises aux facteurs culturels. Freud
reconnaît le rôle primordial et universel de la sexualité
infantile. C'est autour du modèle oedipien (que Freud entend
4 Freud, S. (1911).
Formulation sur les deux principes du cours des événements
psychiques. Psychanalyse à
l'Université, 14, 1979. (p 194).
5 Kaës, R. (1998).
Différence culturelle, souffrance de la langue et travail de
préconscient dans deux dispositifs de groupe. In : R, Kaës et al.
(Ed), Différence culturelle et souffrances de
l'identité (pp. 45-87). Paris : Dunod. (p. 46).
retrouver dans toutes les cultures) et aussi de
l'angoisse de castration et du refoulement (qui découlent de cet oedipe
universel), que l'on voit s'articuler la démarche freudienne. Ainsi
chaque culture se voit soumise pour une certaine part, aux mêmes
principes que ceux qui règlent l'évolution adaptative ou les
aléas morbides d'une individualité, principes qui
obéissent aux lois communes organisant l'imaginaire des
collectivités.
Pour les auteurs s'inscrivant dans ce courant, ces
principes prévalent sur les facteurs culturels dans l'organisation
psychique humaine. Mais cette position universaliste va cependant être
contestée à partir des années 1920-1930.
b) Le culturalisme
A l'inverse, certains auteurs optent pour la
prévalence des particularités culturelles. Ce courant s'appuie
notamment sur les travaux de M. Mead (1963) qui concluent que la culture et
l'éducation d'une société structurent la
personnalité d'une manière indélébile.
Kardinier (1969) développe alors le concept de
« personnalité de base >>, comme « la configuration
psychologique particulière propre aux membres d'une
société donnée >>6. L'approche
culturaliste a mis en évidence que l'on ne peut négliger
l'importance des spécificités culturelles sur le
développement des systèmes de pensée. En effet, des
instances psychiques se trouvant plus en contact avec le social, subissent
nécessairement des influences différentes selon la culture
originaire du sujet, notamment le surmoi dans l'origine duquel Freud souligne
l'empreinte des figures parentales et de la morale ambiante.
Néanmoins, force est de constater que l'on ne
peut réduire la personnalité à un ensemble de traits
attribués au sujet en tant que caractéristiques de sa culture,
dans une vision descriptive et statique.
c) L'approche
complémentariste
Devereux (1970), fondateur de cette approche,
récuse l'isomorphisme simplificateur qui veut réduire le sujet
à sa seule composante culturelle et inversement. « Historiquement,
la culture et l'esprit humain sont des coémergents et se
présupposent réciproquement >>7.Par
conséquent, l'être humain se structure en interaction avec son
système culturel d'appartenance. L'originalité de son oeuvre a
sans doute été d'ouvrir la réflexion sur la
part
6 Kardinier, P. (1969).
L'individu dans la société. Paris :
Gallimard. (p. 336).
7 Devereux, G. (1970).
Essais d'ethnopsychiatrie générale.
Paris : Gallimard. (p. 371).
inconsciente de la culture, qui recouvrerait à
la fois un système standardisé de défenses, un code
symbolique commun et le support des représentations et des
identifications collectives. Il fait ainsi la différence entre deux
types d'inconscients : l'inconscient individuel propre au sujet et à son
historicité, et l'inconscient ethnique que chacun possède en
commun avec les membres de sa culture. Il pose donc l'étroite
interrelation entre individualité et culture.
Nombres d'auteurs le succédant s'inscrivent
dans ce courant ethnopsychanalytique où les conflits inconscients,
désirs de se réaliser, fantasmes archaïques se retrouvent
chez tous, mais empruntent des formes singulières en fonction de la
culture du sujet. En effet, pour Moro et Revah-Levy (1998), « les
cultures, comme les langues, sont plurielles. Elles ne constituent pas des
essences séparées mais des formes d'expression différentes
d'un universel que l'on ne peut décrire, jusqu'à maintenant, que
par approximations >>8.
Nous pouvons donc dire que ces auteurs penchent pour une
conception dynamique entre culture et psychisme, où ces entités
sont en interaction réciproque constante.
3/ Le double contexte culturel
La précédente explication des rapports
entre l'individu et la culture nous permet de nous interroger quant aux
processus mis en jeu pour les sujets évoluant dans un contexte
biculturel.
a) « L'entre-deux » cultures
:
Les jeunes d'origine Maghrébine qui ont grandi
en France sont effectivement en situation de double référence
culturelle. Ils se distinguent en cela par une position que Siboni (1991)
dénomme l'entre-deux et qu'il définit
« comme une forme de coupure-lien entre deux termes...Entre deux cultures
c'est encore plus évident : de telles entités ne viennent pas se
recoller ou s'opposer le long d'un trait, d'une frontière, d'un bord
où deux traces viennent s'aligner pour accomplir le long du trait qui
les sépare. Au contraire, il s'agit d'un vaste espace où
recollement et intégration doivent être souples, mobiles, riches
de jeux différentiels. C'est l'espace d'entre-deux qui s'impose comme
lieu d'accueil des différences qui se rejouent>>. 9
8 Moro, M.R., Revah-Levy, A.
(1998).Soi-même dans l'exil. In : R, Kaës et al. (Ed),
Différence culturelle et souffrances de
l'identité (pp. 107-129). Paris : Dunod. (p.
111).
9 Siboni, D. (1991).
Entre-deux, l'origine en partage. Paris : Seuil.(
pp.10-11).
Nous avons choisi d'adopter la position de cet auteur
sur le lieu où va se jouer la double appartenance culturelle des enfants
de migrants. Cependant, il paraît nécessaire de comprendre comment
chaque modèle culturel intervient dans la structuration du sujet afin
d'entrevoir la complexité des processus psychiques propre à cet
entre-deux.
b) La filiation
Il est inconcevable de nier le rôle parental
dans la transmission de la culture. L'enfant dans sa détresse
originelle, reçoit à travers la relation primordiale avec la
figure maternelle, tout un système de significations qui varie d'une
culture à l'autre. En effet, au cours des premiers mois, la mère
aménage le monde de l'enfant à sa manière ; elle l'ouvrira
progressivement et << à petite dose », de par la fonction
d'object-présentering définit par
Winnicott (1957). << La mère partage avec son petit enfant un
morceau à part du monde, le gardant suffisamment petit pour que l'enfant
ne soit pas dans la confusion, l'agrandissant très progressivement afin
de satisfaire la capacité grandissante de l'enfant à jouir du
monde »10. Or, la mère appréhende le monde selon
des catégories déterminées par un codage culturel. Par
conséquent, les parents vont véhiculer de manière
consciente ou non des significations culturelles. La libidinisation du corps,
l'éducation sexuelle, tout comme les repères identificatoires
sont marqués par les idéaux et les interdits
culturels.
Les recherches portant sur la question de la
bi-culturalité nous apprennent que les jeunes de la deuxième
génération restent imprégnés par la culture
d'origine. Ils portent des marqueurs identitaires appartenant à la
culture de la mère, du père et de l'affectivité. Les liens
émotionnels avec la culture d'origine sont tenaces, et l'appartenance
culturelle de la famille constitue un pôle de structuration important et
qui reste efficient malgré l'acculturation. Néanmoins, nous
admettrons qu'elle ne résume pas l'identité du sujet.
c) L'affiliation
Les enfants d'immigrés se développent
depuis leur petite enfance dans l'environnement Français. Nous savons
que le rôle de socialisation des parents est très vite
relayé, entre autres par différentes institutions. En effet,
quelque soit le statut légal des parents, les enfants vont à
l'école et sont donc élevés dans le cadre du
système d'éducation Français. De Carmoy (1993) nous
affirme que << le code scolaire est chargé symboliquement des
significations culturelles qu'il faut pouvoir manier si l'on veut s'adapter
à la société
10 Winnicott, D.W. (1957). Le
monde à petite dose. In : L'enfant et sa famille.
Paris : Payot (1979). (p.75).
d'accueil »11. Par la lecture et
l'écriture notamment, ils vont donc s'inscrire dans les logiques du
monde français.
C'est sans compter les réseaux relationnels que
ces enfants vont se créer. Nous pouvons par conséquent stipuler
que par les jeux d'échanges et d'identifications aux pairs, ils vont
intégrer des modèles culturels français. De plus,
Vinsonneau et Camilleri (1987) nous indiquent que ceux-ci « exercent un
puissant attrait sur les jeunes car ils procèdent d'un groupe
majoritaire en position de pouvoir donc assurés du prestige
intrinsèque ; ils sont sanctionnés positivement de façon
constante, dans la mesure où les comportements qui y obéissent
sont adaptatifs et efficaces »12.
Dès lors, nous remarquons que les valeurs issues
de la culture d'origine et celles de la culture française ne cessent de
se rencontrer dans un enchevêtrement dynamique.
d) Les possibilités
d'aménagement
Il nous semble tout d'abord intéressant de
souligner qu'entre la culture Française et la culture Maghrébine,
la différence des valeurs véhiculées est importante compte
tenu de l'éloignement des modes de vies, des principes religieux etc. En
continuant de nous appuyer sur la notion
d'entre-deux, nous nous sommes donc interrogés
sur le jeu de ces différences entre les deux modèles culturels en
présence dans ce lieu.
- L'intégration des cultures
Différentes recherches sur la
problématique identitaire des enfants de migrants montrent que les
systèmes culturels vont s'interpénétrer pour structurer
l'identité de l'individu. Clanet (1990) conçoit le système
identitaire comme une entité plurielle qui intègre diverses
identifications puisées dans le milieu familial et extra-familial. Il
parle alors d'un « pluralisme cohérent » dans la mesure
où le sujet peut mobiliser des mécanismes de défenses et
d'adaptation pour dépasser les conflits intrapsychiques et
interpersonnels. Pigott (1993) assure, quant à lui, qu'un enfant peut
parfaitement intégrer plusieurs langues sans pour cela qu'il soit
contraint au refoulement d'une partie de lui-même ou que l'on craigne un
clivage. De plus, Fdhil (1999) affirme qu'il est infondé de parler
d'incohérence culturelle dans la mesure où ces enfants de
migrants ont la possibilité d'orienter les relations entre deux
cultures
11 De Carmoy, R. (1993).
Entre intégration et rupture : les adolescentes musulmanes à la
recherche de leur identité. Neuropsychiatrie de l'Enfance,
41, pp. 637-643.
12 Vinsonneau, G. et
Camilleri, C. (1987). Pour une approche en psychologie culturelle :
contribution à l'étude de la dynamique identitaire du jeune
immigré en France. Neuropsychiatrie de
l'Enfance, 35, pp. 475-483.
vers l'interaction : << la contradiction entre
les cultures n'exclue pas, selon nous, la survie communicative, même si
les rapports de force sont inégaux >>13. Son
étude démontre que la situation << d'entre-deux >>
cultures peut représenter un facteur de richesse pour la construction
identitaire du sujet, et que l'identification à un double modèle
culturel permet la construction d'une image de soi valorisée.
L'arrangement de cet espace entre culture d'origine et culture d'accueil
aboutirait dès lors à ce qu'il nomme le << modèle
culturel intégrateur >>.
- Le rôle de l'environnement
Plusieurs auteurs s'accordent donc pour affirmer que
la double appartenance culturelle peut faire émerger un processus
dynamique enrichissant et source de créativité. Cependant, nombre
d'entre eux évoquent le rôle de l'environnement, notamment de
l'environnement familial, dans ce brassage dynamique des cultures. En
s'appuyant sur des travaux psychanalytiques, Bergeret (1993) précise
cette idée : << Au registre manifeste, l'accès à une
universalité de bon aloi serait perçu comme succédant aux
refoulements des données archaïques originales. Mais au registre
latent, pour parvenir à une élaboration transculturelle positive
du retour du refoulé, il apparaît nécessaire, ne serait-ce
que pour être en mesure d'en refouler les représentations les plus
gênantes, de posséder préalablement une idée
solidement ancrée de la valeur de notre culture particulière
d'origine >>14. Il s'agit bien pour ces personnes de
s'inscrire dans le monde d'ici en s'appuyant sur le monde d'origine des
parents. Alors, il est forcément question de l'intrication entre
filiation et affiliation, et il faut concilier leurs transmissions conscientes
et inconscientes. Ceci en sachant que la qualité de la transmission
externe dépend de la qualité de la transmission interne
(parents-enfant). Moro (2004), quant à elle, a effectué une
étude auprès de la population d'enfants de migrants qui
réussissent bien à l'école. Elle met ainsi en
évidence trois facteurs positifs dont bénéficie cette
population. << L'enfant bénéficie d'un milieu suffisamment
sécure et riche en stimulations de toutes sortes ; l'enfant trouve dans
l'environnement des adultes qui lui servent d'initiateurs dans le nouveau monde
; l'enfant est doué de capacité personnelles singulières
et d'une estime de soi importante >>15.
13 Fdhil, A. (1999).
Biculturalisme, scolarité et image de soi. Bulletin de
psychologie, 443, pp. 577-580.
14 Bergeret, J. (1993).
Psychanalyse et universalité culturelle. Revue
Française de Psychanalyse, LVII, 3, pp.
809-839.
15 Moro, M.R. (2004).
Psychothérapie transculturelle de l'enfant et de
l'adolescent. Paris : Dunod (p.93).
Nous pouvons donc affirmer que cet « entre-deux
>> cultures peut se révéler comme un lieu propice à
la vie créative, qui rend compte de la potentialité du sujet
d'inventer de nouvelles formes de vie à partir de ces expériences
culturelles.
Cependant, l'intrication constante des
différents « matériaux >> qui s'y déposent est
complexe. Et, comme nous Moro (2004) l'a précisé, plusieurs
conditions doivent être réunies afin que les sujets issus de
l'immigration puissent bénéficier de cette richesse identitaire.
Schnapper (1991), Dans un travail sociologique sur l'intégration, a
étudié la question de la destinée des enfants de migrants.
Elle discerne alors le phénomène de « sursélection
>> auquel ils sont soumis, et conclut à ce propos : « ceux
qui le surmonte en tirent un bénéfice supplémentaire dans
la logique de l'affirmation de soi et de la recherche de la distinction, mais
le risque d'échec est statistiquement élevé pour ceux qui
n'ont pas les mêmes atouts individuels et sociaux >>16.
Qui plus est, l'actualité nous permet de constater la souffrance de
nombreux jeunes adultes qui se sentent exclus en raison de leurs origines. Cela
nous conduit donc à explorer le pourquoi des failles si souvent
présentes dans cet espace « interculturel >>.
16 Schnapper, D. (1991).
La France de l'intégration. Sociologie de la nation en
1990. Paris : PUF. (p.198).
II/ L'INTEGRATION CONFLICTUELLE DES MODELES
CULTURELS
1/ Les transmissions défectueuses de
l'environnement
a) Les figures de l'étrangetéMoro
(2002), dans son ouvrage, fait part de l'expérience des
consultations
transculturelles d'Avicenne qui nous montrent
l'importance des actes racistes au quotidien, et leurs répercussions sur
la clinique des enfants de migrants.
Pour définir le racisme, il est
intéressant de se référer au sentiment
d'inquiétante étrangeté théorisé par Freud
(1919). On comprend alors que l'individu qui projette sur autrui ses propres
fantasmes archaïques et qui s'en effraie en retour, est prototypique du
phénomène de racisme. << Il se trouve que cet
étrangement inquiétant est l'entrée de l'antique terre
natale du petit d'homme, du lieu dans lequel il a séjourné une
fois et d'abord >>17. Ainsi, l'un peut devenir un ensemble de
projections de ce que l'autre refoule ou dénie de lui-même. On
peut en déduire que le racisme apparaît comme une construction
défensive contre ce moi étranger considérer
négativement. Effectivement, la rencontre avec l'étranger menace
le narcissisme identitaire : reconnaître que l'autre est fait de la
même humanité que soi, partiellement inconnaissable. Le racisme
reviendrait donc au refus narcissique de cette expérience.
Apparaît alors ce que Kaës (1998) nomme les <<
représentations des cultures poubelles >>.
Vinsonneau et Camilleri (1987) proposent eux le terme
d'<< identité prison >> pour définir <<
l'enfermement de l'autre dans une identité transformée en
substance que constituent les stéréotypes négatifs
>>18. Ils mettent en évidence que la
catégorisation des individus selon leurs nationalités
désignent une place occupée dans un rapport asymétrique de
pouvoir, et agit à la fois dans la réalité objective et
dans les subjectivités, au niveau des
représentations.
C'est par ce cheminement que le racisme conduit
à l'assujettissement idéologique de l'autre, et dans des cas
extrêmes, à la négation de son existence. Dans les actes
racistes, c'est l'estime de soi qui est attaquée, et le lien à
l'autre dénié, ce qui mène à la perte de
sécurité de soi. La peur de la différence culturelle qui
est manifestée dans la société d'accueil induit des
représentations dévalorisantes courantes, dont la culture
d'origine des enfants de migrants est
17 Freud, S. (1919).
L'inquiétante étrangeté et autres essais.
Paris : Gallimard. (p. 252).
18 Vinsonneau, G. et
Camilleri, C. (1987). Pour une approche en psychologie culturelle :
contribution à l'étude de la dynamique identitaire du jeune
immigré en France. Neuropsychiatrie de
l'Enfance, 35, pp. 475-483.
l'objet. Mais, la nécessité pour eux de
reconnaître ces deux cultures comme les leurs peut les conduire dans une
impasse : dans la mesure où ils adoptent certains aspects de la culture
du pays d'accueil, ne sont-ils pas entrain de contribuer à leur propre
dévalorisation ?
b) Les fragilités de la
parentalité- La remise en cause du statut parental
La dévalorisation de la culture va de paire
avec la dévalorisation parentale. Il est vrai que les images de la
culture familiale étant stigmatisées, il se produit notamment une
détérioration objective du statut du père au sein de la
famille. En effet, le père est bien souvent un homme identifié
d'abord comme immigré ; il est donc disqualifié par son statut
social, ceci marquant la difficulté d'élaboration d'une image
paternelle rassurante. Nombres d'auteurs ont remarqué que les migrants
qui arrivent en France peuvent se sentir insécurisés par les
coutumes et les moeurs françaises qui constituent une menace pour leur
identité. Par conséquent, les parents se replient parfois sur les
valeurs traditionnelles de leur culture d'origine dans des attitudes
défensives excessives qui figent leurs capacités
évolutives.
Dès lors, plusieurs cas de figures se
présentent, qui nous permettent d'entrevoir les conséquences de
ces processus sur la relation parents-enfants. Les parents, par une sorte de
fidélité symbolique à la culture d'origine, peuvent
rigidifier les règles d'éducation de celle-ci, et par là
accroitre la différence d'avec les modèles éducatifs
français. A l'inverse, les parents se sentant parfois impuissants
eux-mêmes dans la société, traduisent ce sentiment
d'impuissance devant leurs enfants. Comme le souligne Marteaux (2002), ils
peuvent interpréter le discours éducatif français comme
une interdiction pour eux d'éduquer leurs enfants, ce qui mène
à une possible démission de leurs rôles
d'éducateurs.
- L'ambiguïté des roles
Il se surajoute à la dévalorisation du
statut parental ce que Moro et Nathan (1989) qualifient d'« inversion du
portage ». La structure familiale est souvent remaniée autour d'une
modification des rôles, voire de leur inversion quand l'enfant devient le
guide de ses parents, qu'il les porte dans ce nouveau monde. Effectivement,
l'enfant de migrants devient parfois le médiateur des parents par
rapport à la société d'accueil. On peut observer ce type
de relation chez l'enfant-interprète qui assume le rôle de liaison
entre ses parents et les milieux institutionnels, les parents pratiquant peu ou
mal la langue française écrite ou parlée. On imagine
dès lors la blessure narcissique de ceux-ci, dépendants de leurs
enfants.
Bettschart (1987) en déduit que << le
processus d'identification aux parents est totalement mis en cause par la
dévalorisation et l'incapacité de ceux-ci >>19.
Certains de ces enfants peuvent heureusement prendre de la distance en
valorisant certaines capacités de leurs parents.
Mais, dans ce cas de figure, l'enfant doit assumer des
responsabilités quant au fonctionnement familial, voire parfois prendre
le rôle et la fonction de parent. Un processus de parentification
s'établit ainsi, dans lequel la séparation des
générations est abolie dans certains domaines. Ce processus
induit donc une filiation paradoxale dans laquelle l'enfant est non seulement
au dessus de la loi paternelle, mais où il prend le rôle de parent
et ancêtre de ses propres parents.
Moro (2002) rajoute que l'enfant, qui connaît
mieux les logiques de la société d'accueil que ses parents, n'a
pas de guide au sein de la famille pour lui faire découvrir ce monde et
l'investir. Effectivement, la migration entraine une rupture dans le codage
culturel du monde. La figure maternelle se trouve défaillante dans sa
fonction de << présentation de l'objet et du monde
>>20, ne connaissant généralement que peu les
significations culturelles du pays d'accueil. C'est alors l'enfant qui devient
le guide de ses parents pour investir les logiques du monde environnant. De ce
fait, l'enfant issu d'une famille immigrée <<a un statut de
premier, ce qui ne vas pas sans une dose d'angoisse et d'incertitude
>>21.
- Le deuil parental indépasséIl est
évident que l'exil impose au migrant une série de
réaménagements psychiques
qui vont modifier son rapport à la culture
d'origine. Devereux (1972) postule que l'acculturation aboutit à des
transformations qui affectent les modèles culturels originaux. Il
infère alors l'existence d'un phénomène de
résistance à l'acculturation, qu'il explique par le désir
de singularité ethnique et d'autonomie culturelle.
Pigott (1993), quant à lui, définit la
culture comme objet et présente certains cas de figure où le
milieu d'accueil demeure étranger et étrange pour le migrant.
Celui-ci reste alors à distance de ce mauvais objet, en même temps
que le pays d'origine conserve un statut d'objet perdu au deuil interminable.
Or, cette attitude ne restera pas sans effet sur la relation parents-enfant.
Les parents se tournent vers le passé, leurs attaches et leur pays,
empêtrés dans un système d'idéalisation et, non
seulement la transmission de la culture d'origine risque d'être
défectueuse car déconnectée du réel, mais le
fossé entre eux et l'enfant tourné vers l'avenir s'agrandit. Dans
certains cas, l'intégration même de l'enfant est perçue par
les parents comme
19 Bettschart, W. (1987).
Quelques aspects de psychologie et de psychopathologie des enfants des familles
migrantes. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 35, pp.
490-497.
20 Winnicott (1957), Cf.
notion d'object-présentering qui a
précédemment été abordée p. 7.
21 Moro, M.R. (2002).
Enfants d'ici venus d'ailleurs. Paris : La
Découverte. (p. 106).
un obstacle au retour possible dans le pays. Les
paroles teintées de nostalgie d'une mère d'origine
Algérienne, qui raconte son exil, nous permettent d'en prendre
clairement conscience : « quand je suis arrivée en France, j'ai eu
ma première grossesse, donc je ne pouvais plus rentrer au pays
>>22. En conséquence, on peut s'interroger, dans cette
situation, sur le poids inconscient que ces pensées vont faire porter
à l'enfant.
En outre, dans un mouvement paradoxal, il arrive que
les parents privent l'enfant de la connaissance du pays d'origine, gardant
cette culture comme un secret de parents. Ainsi, ils parlent peu du pays aux
enfants, et ceux-ci auront d'autant plus de mal à se situer dans la
généalogie.
2/ La contradiction des valeurs
culturelles
Il est nécessaire d'ajouter aux points
précédemment décrits l'éloignement des deux
cultures que le sujet de deuxième génération doit
introjecter. Comme nous l'avons déjà relevé, les valeurs
culturelles Françaises et Maghrébines sont parfois très
différentes ; nous constatons mêmes que certaines d'entre-elles
induises des injonctions contradictoires. Ne pouvant faire un recueil exhaustif
de toutes les valeurs culturelles présentes dans ces modèles
culturels, nous avons choisi d'étayer notre pensée sur les
schémas structurants du féminin et du masculin, qui nous semblent
occuper une place importante dans la vie quotidienne de chacun.
Plusieurs auteurs notent à ce propos qu'au sein
de la culture Maghrébine, la distance entre le monde des hommes et le
monde des femmes est maintenue strictement. La question est
étudiée dans les textes coraniques qui établissent une
certaine séparation dans le couple. Ainsi, dans la sourate de la
génisse, il est dit que « les hommes sont supérieurs aux
femmes et ont autorité sur elles du fait de la prééminence
que Dieu leur a accordé... >>23. La tradition vient
étayer la religion dans la séparation claire de l'univers
féminin et de l'univers masculin. Yahyaoui (1994) précise
qu'« elle institue une séparation dans le réel, mais suspend
l'imaginaire collectif dans des espèces d'univers peuplés de
contraintes, de peurs, et de suspicions réciproques
>>24. On visualise bien comment la différenciation des
sexes est très
22 Benguigui, Y. (1997).
Mémoires d'immigrés, l'héritage
maghrébin. Canal + et Bandits. Interview de Khira
Allam.
23 Le Coran. La génisse.
Sourates n° II, versets 183-187.
24 Yahyaoui, A. (1994). La
captivante étrangeté du féminin. In : A, Yahyaoui (Ed),
Destins de femmes, réalités de l'exil,
(75-87). Grenoble : La pensée Sauvage. (p. 77).
forte, marquée, sans passage d'un univers à
l'autre ; les contes, proverbes et comportements sociaux abondent en ce
sens.
Néanmoins, un fonctionnement social
définit découle de la séparation ainsi posée.
Effectivement, il y a, dans les familles Maghrébines, une
continuité et une cohérence entre le dedans (familial)
assumé par la mère, et le dehors (social, culturel) assumé
par le père. Dans ce fonctionnement, la femme est en quelque sorte
dispensée de s'accommoder du monde socioculturel
périphérique. Vinsonneau et Camilleri (1987) appuient cette
position, et ajoutent que, dans un contexte traditionnel, les femmes acceptent
les privilèges attribués aux hommes en échange de la
soumission de ceux-ci à leurs obligations propres, et souvent
complémentaires à celles des femmes. Or, au sein de la
société Française, la séparation des rôles
sexués n'est pas, ou n'est plus aussi nette ; la logique s'en trouve par
conséquent détruite et la cohérence du système
s'effondre.
Par conséquent, Du fait de la distance qui
sépare les cultures Maghrébine et Française, les individus
issus de l'immigration sont soumis à des logiques contradictoires, qui
dévoilent la complexité de l'être en relation avec un
environnement pluriel. Il alors est intéressant de se demander comment
vont s'aménager ces injonctions contradictoires chez des sujets pour qui
l'environnement familial se base sur les valeurs culturelles
Maghrébines, mais qui évoluent cependant dans le contexte
socioculturel Français.
Pour conclure sur les points
précédemment abordés, nous pouvons assurer que
l'intégration de chacun des modèles culturels en présence
va, sinon être conflictuelle, tout du moins être une épreuve
difficile pour les enfants de migrants.
3/ Le risque transculturel
a) La coupure des liens
Un certain nombre de travaux considèrent que la
situation biculturelle entraine un conflit culturel qui se situe au niveau du
choix des valeurs, en raison de l'incohérence des modèles
culturels en présence. On conçoit dès lors que le maintien
des liens dans cet espace d'entre-deux cultures puisse être
problématique. Et lorsque les liens ne se tissent pas, il n'est d'autre
issue que la séparation de ces modèles de nature
différente. Moro (2002) soutient que la solution défensive
à ce conflit est de cliver ces deux mondes culturels. « Pour
grandir, en effet, l'enfant de migrant doit construire patiemment un
nécessaire clivage entre le monde lié
à la culture familiale -le monde de
l'affectivité -et la monde du dehors, de l'école par exemple
-monde de la rationalité et du pragmatisme
»25.
- Le déni de l'affiliation à la
société d'accueil
L'une des possibilités d'aménagement de
ce clivage s'apparente au rejet du modèle culturel français et
l'idéalisation de la culture d'origine. Le sujet se replie dans
l'identité unique du pays des parents, parfois jusqu'à la
caricaturer à travers les habits, l'importance des interdits etc. Il
impose de cette façon une différence, dans un mécanisme
d'identification mortifère à celui qui semble être en
position de force. A ce sujet, Bergeret (1993) parle d'un
tribalisme régressif, où l'individu qui
ne peut se constituer un imaginaire identificatoire de départ assez
solide, instituera ses différences comme défenses contre ce
manque. Vinsonneau et Camilleri (1987) assimilent ce procédé
à un mécanisme dissociatif. Le sujet revendique son appartenance
au groupe d'origine dont il évacue les contenus culturels, et
dénie l'appartenance à la société d'accueil qui,
pourtant, l'alimente de ses contenus et de ses modèles. Cependant, ce
système s'accompagnerait résolument d'une souffrance. En effet,
les significations culturelles de la société d'accueil doivent
être acquises et acceptées si l'on veut s'adapter au monde
environnant. Mais, dans le même temps, elles deviennent objets d'une
ambivalence puisqu'elles créent une faille au sein de laquelle se loge
un sentiment de trahison envers la communauté d'origine et ses
valeurs.
- Le déni de la filiation
A l'inverse, Moro et Nathan (1989) postulent que
l'objet du processus de déni ne peut être que la filiation, le
sujet se retrouvant par conséquent en quête de ses origines. Ils
ajoutent que ce déni est partagé par la famille. En effet,
l'enfant de migrant peut apparaître comme étranger aux yeux de ses
propres parents puisqu'il maitrise des significations culturelles qui leurs
sont inconnues. Alors, en miroir de ses parents, l'enfant fantasmera
s'être réaliser seul, et tentera par divers moyen de
réécrire son histoire, quitte à nier l'appartenance
à la culture familiale originelle.
25 Moro, M.R. (2002). Enfants d'ici venus
d'ailleurs. Paris : La Découverte. (p.60).
b) la vulnérabilité spécifique
des enfants de migrants
Couchard (1999) assure que les adultes issus de
l'immigration sont rendus plus vulnérables par les discordances et les
ruptures qui existent entre les normes sociales et culturelles prescrites
pendant l'enfance et celles imposées par le pays d'accueil. Nous nous
sommes alors interrogés sur le concept de vulnérabilité
mis en lumière dans cette situation.
- Définition de la vulnérabilitéLa
vulnérabilité psychologique a été l'objet de
nombreuses recherches. Tomkiewicz et
Manciaux (1987) définissent la
vulnérabilité comme un état de moindre résistance
aux nuisances et aux agressions. De nombreux facteurs environnementaux et
internes interviennent dans la genèse de la vulnérabilité.
A. Freud (1978) a montré qu'« on ne peut expliquer la
vulnérabilité par les caractéristiques individuelles de
l'enfant, mais il faut la comprendre en termes plus généraux et
impersonnels. Je considère maintenant que le progrès de l'enfant
le long des lignes de développement vers la maturité
dépend de l'interaction de nombre d'influences extérieures
favorables avec des dons innés favorables et une évolution
favorables des structures internes >>26. On comprend
dès lors que la vulnérabilité est une notion dynamique
puisqu'elle affecte un processus en développement, et joue un rôle
psychique secondaire. Par conséquent, le sujet vulnérable a un
fonctionnement psychique plus fragile, de façon qu'un
événement interne ou externe, bien qu'il puisse être
considéré comme minime, entrainera un dysfonctionnement
important.
- La situation transculturelle source de
vulnérabilitéMoro (1988) propose le concept d'enfant
exposé27 comme une
représentation
efficiente de la vulnérabilité
spécifique aux enfants de migrants. C'est à partir du déni
de la filiation qu'elle le développe : «ce concept qui prend la
forme d'un fantasme partagé par l'enfant et sa famille cristallise
l'étrangeté radicale de ces enfants par rapport à ceux qui
leurs ont donnée la vie >>28. L'affaiblissement de la
mère dans sa fonction
d'object-présentering est à prendre en
compte dans la genèse de cette vulnérabilité. Si l'on se
réfère au postulat déjà
26 Freud, A. (1978).
Avant-propos. In : E.J. Anthony, C. Chiland, C. Koupernik (Eds.),
L'enfant dans sa famille. L'enfant vulnérable.
Paris : P.U.F. (pp. 13-14).
27 Cet appellation s'appuie
sur la mythologie, dans laquelle exposer un enfant signifie l'abandonner dans
un milieu hostile et dangereux, ainsi Persée qui fut enfermé dans
un coffre en bois et jeté aux flots.
28Moro, M.R. (1988).
D'où viennent ces enfants si étranges ? Logiques de l'exposition
dans la psychopathologie des enfants de migrants. Nouvelle Revue
d'Ethnopsychiatrie, 12, 69-84.
émis que la mère a une perception
confuse du monde environnant29, on admet que ce monde qui l'entoure
et qu'elle ne maitrise pas soit source pour elle d'incertitudes. Et ne pouvant
initier elle-même l'enfant au monde extérieur, elle aura par
conséquent la conviction d'exposer son enfant aux dangers de cet
environnement qui peut apparaître comme hostile. Elle transmettra
potentiellement à l'enfant cette perception labile du cadre externe,
génératrice d'angoisse et d'insécurité. Ainsi, la
vulnérabilité spécifique à l'enfant de migrants
apparaît de telle sorte que « si des événements
internes ou externes viennent déstabiliser son mode d'être, alors
l'angoisse le submerge, avec toutes ses traductions. Car, dans ces moments, ni
ses parents, ni le groupe culturel ne peuvent l'aider à anticiper et
à colmater l'angoisse »30.
Mais le clivage de la structuration culturelle propre
à cette population (qu'il soit accompagné du déni de la
filiation ou de l'intégration du modèle culturel de la
société d'accueil) suffit à expliquer leur
vulnérabilité. En effet, si l'on établit l'homologie entre
la structuration psychique et la structuration culturelle, ces deux
structuration étant liées l'une à l'autre, alors l'une
étant fragile car non homogène, et l'autre sera forcément
plus précaire. Ces mécanismes de clivage sont donc
déterminants de cette vulnérabilité spécifique.
Grandir en situation transculturelle est un facteur potentiel de risque pour la
structuration psychique.
A ce stade de notre exposé, nous savons que la
rencontre des deux modèles culturels qu'intègrent les enfants de
migrants donne lieu à un processus dynamique. Nous avons tout d'abord
observé que ce processus pouvait se révéler facteur d'une
richesse identitaire pour ces personnes. Toutefois, comme Moro (2004) le
souligne, il est nécessaire que le sujet ait
bénéficié, entre autres conditions, d'un environnement
suffisamment sécure. Or, nous venons de remarquer que le
développement de la personnalité dans un double contexte culturel
est jalonné de tribulations. Dès lors, ce processus dynamique est
susceptible de s'inverser et se révèle source de
vulnérabilité psychologique. On peut donc avancer que la
situation d'entredeux cultures expose le sujet à un risque conflictuel
accru, que l'on peut expliquer par les failles des transmissions familiales et
extra-familiales. On peut notamment déduire que cette population va
être soumise à des désirs contradictoires émanant de
ces failles, qui vont favoriser l'émergence d'une fragilité
psychique.
29 Cf. p. 11
30 Moro, M.R. (2002).
Enfants d'ici venus d'ailleurs. Paris : La
Découverte. (p.103).
III/ LES SIGNES CLINIQUES
1/ L'angoisse
Il n'est d'expression plus direct d'un conflit interne
que l'angoisse. De plus, Róheim (1943) assure que les systèmes de
défense contre l'angoisse sont << l'étoffe même dont
la culture est faite »31. Ainsi, nous sommes amenés
à nous interroger quant aux modalités de défense contre
l'angoisse des sujets dont la structuration culturelle peut s'avérer,
à première vue, relativement précaire. Le point,
dernièrement soulevé, qu'est la vulnérabilité
spécifique aux sujets issus de l'immigration, illustre
spécialement bien cette pensée. En effet, si on admet que la
vulnérabilité est une moindre résistance aux excitations
internes et externes qui sont ressenties comme excessives et faisant effraction
(ce qui donne alors à la situation son aspect traumatique), on peut
postuler que l'angoisse fera logiquement suite à celles-ci.
a) Définition de l'angoisse
L'angoisse est avant tout le retentissement physique
d'un affect ; elle s'éprouve davantage que de pouvoir se verbaliser,
dans une dialectique entre le corps et le psychisme. Freud (1926) affirme que
l'affect d'angoisse est << angoisse devant quelque chose. Il s'y attache
un caractère d'indétermination et d'absence d'objet ; dans
l'usage correct de la langue son nom lui-même change lorsqu'elle a
trouvé un objet, il est remplacé par celui de peur
»32. Cette première qualification permet notamment de la
différencier jusque dans ses accès paroxystiques, de
l'anxiété et de l'effroi. En effet, l'effroi
(Schreck chez Freud) correspond à
l'état de terreur qui envahit le sujet lorsqu'il se trouve face un
danger auquel il n'était pas préparé. Ici, la dimension de
surprise est donc essentielle. L'anxiété, bien qu'elle puisse
être issue de l'inconscient, fixe l'affect sur un objet redouté.
L'angoisse quant à elle, a pour caractéristique
générale de ne répondre à aucune cause objective.
De plus, l'accès d'angoisse lie impressions psychologiques et
manifestations physiologiques qui, même si elles peuvent êtres
présentes dans les deux autres états cités, ont alors ici
une allure beaucoup plus explosive. On peut ainsi résumer l'angoisse par
ces trois traits pathognomoniques : << d'abord la survenance
inopinée, inexpliquée et brutale, ensuite le cortège
physiopsychologique
31 Róheim, G.
Origine et fonction de la culture. Paris : Gallimard
(1972). (p.127).
32 Freud, S. (1926).
Inhibition, symptôme et angoisse. Paris : P.U.F (2005).
(p.77).
d'oppression, d'écrasement, de mort
menaçante, enfin l'impression de paralysie qui parait condamner le
patient, ne serait-ce qu'une minute durant, à l'immobilité
angoissée »33.
b) La théorie freudienne de
l'angoisse
Freud a proposé deux grandes lignes
théoriques de l'angoisse qui peuvent, à première vue,
apparaître contradictoires. Néanmoins, nombre d'auteurs remarquent
qu'elles ne se renient pas, mais permettent de penser toute la
complexité de l'angoisse.
- La première conception freudienne
Dans cette première théorie, l'angoisse
renvoie aux modalités économiques de l'appareil psychique, dans
le sens où son apparition provient de la non satisfaction de la pulsion.
C'est également dans cette conception que Freud fait la distinction
entre angoisse devant un danger réel (Realangst)
et angoisse
névrotique.
L'angoisse devant un danger
réel dépend des pulsions d'autoconservation, et se
rapproche de l'effroi ; elle est liée à celui-ci en ce sens
qu'elle est motivée par l'effroi objectivement repérable
répondant à la situation de danger inattendu. L'objet est le
danger survenu, mais il va naitre de cette situation un état
émotionnel d'angoisse qui fait abstraction de l'objet. L'angoisse
réelle pourrait ainsi être qualifié de
compréhensible et Le Gall (1976) précise qu'elle est susceptible
d'écarter l'effroi du trauma, consistant ainsi une réaction
défensive. A l'inverse, Freud, dans Au-delà du
principe de plaisir (1920), parle de l'angoisse
névrotique, comme un accès libre et spontané,
sans lien appréciable. La menace vient, ici, d'ailleurs. On peut alors
rapprocher ce type d'angoisse de l'angoisse infantile. L'enfant est dans
l'incapacité d'apprécier la situation dangereuse, il ne
connaît pratiquement pas l'angoisse devant un danger
réel. Par contre, Giudicelli (1983) définit
l'angoisse infantile par la réaction de l'enfant « à la
séparation d'avec la mère par une angoisse que rien ne vient
combler ; la libido ayant pour vecteur l'objet maternel et lui seul
»34. La libido se trouve donc inemployée, sans objet sur
laquelle se porter, et c'est en cela que l'angoisse de l'enfant
préfigure l'angoisse névrotique de
l'adulte. Il existe toutefois une différence majeure entre les deux.
Chez l'adulte, il ne s'agit plus d'une libido inemployée, mais d'une
libido détachée de la représentation. On sait que la
pulsion comporte, au niveau psychique, le double aspect de l'affect et de la
représentation ; et lorsque les deux ne peuvent rester liés, cela
provoque un conflit psychique. La représentation qui se trouve
inacceptable est refoulée, tandis que la tension accumulée
ne
33 Le Gall, A. (1976).
L'anxiété et l'angoisse. Paris : P.U.F
(1985). (p.28).
34 Giudicelli, S. (1983). Le
concept d'angoisse. L'Evolution Psychiatrique, 48,
pp. 655-673.
trouve d'autre issue et se décharge dans le moi
sous forme d'angoisse. Ici, c'est donc le refoulement qui est à
l'origine de l'angoisse, donnant naissance à une angoisse flottante,
prête à s'attacher à n'importe quelle représentation
pouvant lui servir de prétexte.
Freud note cependant que le processus
névrotique ne se limite pas à ça, et qu'il existe bien des
travestissements de cette décharge. Ainsi le travail du refoulement
aboutit à des productions symboliques qui lient l'angoisse à une
représentation plus stable qui devient lieu du danger ; il s'agit
là d'un mécanisme de défense qui permet une certaine
maitrise de cette angoisse par l'évitement de la situation angoissante,
dont l'expression prototypique est bien sur la phobie.
- La deuxième conception freudienne
C'est dans Inhibition, symptôme et
angoisse (1926) que Freud insiste sur la fonction de l'angoisse,
faisant du moi la véritable instance maitresse de l'angoisse. Il
définit alors le
signal d'angoisse comme une réaction du
moi face au danger, qui utilise une petite quantitéd'angoisse
dans le but de déclencher les opérations de défenses. On
observe donc un premier revirement dans la théorisation de
l'angoisse, où celle-ci n'est plus issue du refoulement,
mais provoque le refoulement. La source de l'angoisse, quant à elle,
peut être externe ou interne (du ça ou du surmoi).
Une deuxième modification établit que
l'angoisse suscitée n'est pas nouvelle, mais liée à la
représentation ancienne d'une situation de danger qui fut inconnu
à l'époque. Pour être plus clair, le danger qui menace fait
écho à un danger déjà éprouvé, et le
moi libère l'angoisse liée à celui-ci dans des proportions
juste suffisantes pour susciter le refoulement de la motion dangereuse.
Cependant, le danger inconnu n'étant pas le même selon les
étapes du développement psychosexuel, l'angoisse prend une
signification différente. Giudicelli (1983) précise ainsi que le
signal d'angoisse apparait « devant toute perte
imminente d'objet qui serait reviviscence, et de l'angoisse de
séparation d'avec la mère dans l'Anté-OEdipe, et de
l'angoisse de castration dans l'oedipe »35.
Or, il arrive que les capacités
défensives du moi échouent à prévenir le danger.
Freud reprend alors certains aspects fondamentaux de sa première
théorie pour définir l'angoisse
automatique qui, involontaire, surgit quand s'instaure une
situation de danger analogue à la représentation ancienne, mais
contre laquelle le moi ne peut lutter. Une manifestation du ça envahit
ainsi le moi qui, débordé, ne peut que subir cette angoisse.
Brusset (1976) explique que l'angoisse consiste alors en « une
décharge du fait de la transformation brusque et
35 Ibid.
violente de la libido qui pénètre par
effraction avant que l'élaboration ai pu jouer à son niveau
»36.
A l'issue de ces lignées théoriques, on
peut affirmer que la psyché humaine dispose de plusieurs
possibilités, ce qui pousse certains auteurs à écarter le
point de vue dichotomique des théories freudiennes de l'angoisse, au
profit d'une vision unifiée d'une théorie des
angoisses.
c) Les contemporains de Freud
- La stabilité structurelle
Malgré la particularité de l'angoisse
d'apparaître sans objet, plusieurs auteurs s'accordent à
décrire les formes d'expression de l'angoisse comme
prédéfinies par la structure de personnalité du sujet.
L'angoisse doit alors être référée de manière
claire et précise à ces structures fondamentales qui articulent
le développement et le fonctionnement psychique, et dont Bergeret (1972)
souligne la stabilité et l'immuabilité. En effet, il assure que
<< la stabilité des structures vraies implique également du
même coup une impossibilité foncière de passer de la
structure névrotique à la structure psychotique (ou inversement)
à partir du moment où un moi spécifique est
organisé dans un sens ou dans l'autre »37.
Cet auteur propose ainsi une correspondance stable
entre type d'angoisse et structure psychopathologique. Dans la structure
névrotique, le moi est immuablement organisé autour du
génital et de l'oedipe où l'angoisse névrotique proprement
dite est l'angoisse de castration. C'est une angoisse
de faute, centrée sur un passé érotisé. Dans la
structure psychotique, la problématique est plus archaïque et les
limites du moi demeurent << fragiles ». L'angoisse est une
angoisse de morcellement ; elle apparaît
sinistre, de désespoir, de repli et de mort. L'organisation limite
occupe une position intermédiaire entre la structure névrotique
et la structure psychotique ; Bergeret (1972) nous dit qu'elle est non
réellement structurée au sens figé du terme, dans le sens
où elle se présente comme une organisation plus fragile pouvant
évoluer et se rapprocher d'une structure névrotique ou
psychotique. Le moi a dépassé le danger de morcellement, mais n'a
pas pu cependant accéder à une relation d'objet génitale.
La relation d'objet demeure donc centrée sur une dépendance
à l'autre, où l'angoisse est une angoisse de perte
d'objet. C'est une angoisse de << manque à être
», où la moindre perte d'objet affectif est vécue
dramatiquement.
36 Brusset, B. (1976).
L'angoisse chez l'enfant. Perspective psychiatrique,
56, n°18, pp. 118-127.
37 Bergeret, J. (1972).
Psychologie pathologique théorique et
clinique. Paris : Masson (2004). (p. 152).
Dans une perspective strictement structurelle, il s'agit
donc d'analyser et de qualifier l'angoisse en référence à
ces trois grandes organisations psychopathologiques.
- L'unicité du sujet
Chabert (1983) s'appuie sur les théories de
Widlöcher pour affirmer que l'on peut contester cette position si <<
on considère qu'au sein d'une même organisation psychopathologique
plusieurs registres de problématique peuvent se côtoyer et
mobiliser des mécanismes de défense diversifiés
»38 . Elle précise qu'il se dégage des rencontres
cliniques un fonctionnement psychique qui n'illustre pas toujours la position
drastique de Bergeret quant aux caractéristiques propres à chaque
structure.
En outre, Widlöcher (1984) considère
qu'une approche psychanalytique de la psychopathologie devrait utiliser au
mieux les apports spécifiques de la situation thérapeutique. Il
souligne en cela que la psychanalyse exploite la sémiologie originale
donnée par le sujet. Ainsi, elle ne renvoie pas à une
classification des maladies, mais s'efforce d'articuler les signes entres eux
afin d'en dégager les modalités économiques, dynamiques et
topiques, tout en dégageant le caractère d'unicité propre
à chaque personne. Dès lors, même si la structure
névrotique s'organise autour de l'oedipe et de l'angoisse de castration,
on admet qu'elle puisse mettre en scène des problématiques
hétérogènes dont il ressortira d'autres formes
d'expression de l'angoisse.
d) L'approche cognitiviste
Force est de constater que le terme d'angoisse n'est
pas pratique courante dans le modèle théorique cognitiviste. A
l'inverse des positions précédemment observées, cette
approche se différencie clairement des modèles psychanalytiques
du psychisme humain. L'inconscient a ici un rôle nettement secondaire ;
comme l'explique Cottraux (2001), les théories cognitivistes
réfutent l'existence d'un << inconscient-réservoir »
où stagnent des pulsions refoulées...ils décrivent un
inconscient fait de schémas qui traitent l'information provenant du
milieu extérieur »39. Et c'est sans doute pour cette
raison que l'angoisse et l'anxiété sont deux termes
interchangeables et confondus.
Le symptôme apparait par un traitement
erroné et pathologique de l'information qui découle des
situations ambiguës. Il s'installe alors comme une habitude acquise par
conditionnement.
38 Chabert, C. (1983).
Le Rorschach en clinique adulte. Interprétation
psychanalytique. Paris : Dunod (1997). (p. 207).
39 Cottraux, J. (2001).
Les thérapies cognitives. Comment agir sur nos
pensées. Paris : Retz.
Ainsi, ce modèle théorique explique
l'anxiété par la présence de schémas de danger dont
l'origine peut être à la fois biologique et psychosociale. Les
individus anxieux focalisent leur perception de l'environnement et de leurs
sensations physiques en fonctions de processus cognitifs dominés par la
recherche systématique de possibles dangers. Ces schémas sont
stockés dans la mémoire à long terme. Les distorsions
cognitives aboutissent à un traitement erroné de l'information
qui provoque une exagération du danger. L'anxiété est
ainsi reliée à des situations déclanchantes et aux
représentations mentales qui appréhendent ces situations. Pour
être plus claire, une expérience antérieure de perte de
contrôle sur l'environnement provoque de mauvaises croyances qui tendent
à généraliser la peur de perte de contrôle à
toutes les situations ultérieures se rapprochant de la première.
L'anxiété a donc pour but de prévenir cet
hypothétique retour des événements en évitant ces
situations. Elle constitue cependant une réponse émotionnelle
considérée comme inappropriée.
A la différence du modèle
théorique psychanalytique, les cognitivistes postulent que
l'anxiété est reliée à un événement
situé dans la mémoire de l'individu, que nous qualifions de
« traumatique >> et qui ne peut avoir eu lieu que dans la
réalité extérieure, alors que la psychanalyse prend compte
du caractère angoissant de certains fantasmes et certaines
expériences inconscientes, ainsi que du caractère pulsionnel de
l'angoisse.
2/ Les mécanismes de
défense
Il est difficile d'évoquer l'angoisse sans
mentionner les mécanismes de défense du moi qui sont liés
à celle-ci, qu'ils en soient la source dans la première
théorie freudienne de l'angoisse, ou le résultat dans la
deuxième théorie freudienne.
a) La théorie psychanalytique
Les mécanismes de défense sont un
concept psychanalytique qui décrit principalement les défenses
inconscientes du moi face aux conflits intrapsychiques. Selon A. Freud (1936),
la défense est principalement dirigée contre les pulsions, les
représentations et les affects qui y sont liés : « Le moi
n'est pas seulement en conflit avec les rejetons du ça qui essayent de
l'envahir...il se défend avec la même énergie contre les
affects liés à ces pulsions instinctuelles... Tous ces affects...
se voient soumis à toutes sortes de mesures qu'adopte le moi pour les
maitriser >>40.
40 Freud, A. (1936).
Le moi et les mécanismes de défense.
Paris : PUF (1996). p. 32.
De plus, dans la théorie freudienne, les
mécanismes de défense rendent comptent de la formation des
symptômes ; tout symptôme est considéré comme le
produit d'un conflit défensif, et constitue un compromis entre la
pulsion et la défense. S. Freud, à ce sujet, a postulé un
lien intime entre des défenses particulières et des affections
psychopathologiques déterminées. Ainsi, selon l'organisation
psychopathologique du sujet, le système défensif prendra des
formes cliniques spécifiques. Les mécanismes de défense se
rattachent donc aux stades du développement psychosexuel tels que le
sujet les aborde. On peut dès lors les placer sur un continuum allant
des opérations défensives les plus archaïques
utilisées par le nourrisson aux opérations défensives plus
élaborées mises en place lors de l'abord de la
génitalité. Néanmoins, il ne s'agit pas ici de distinguer
les opérations défensives en entité adaptées ou
inadaptées selon leur niveau d'élaboration. Tout d'abord, la
classification des mécanismes de défense ne fait pas l'objet d'un
consensus : « nous avons tant de peine à classer et à
grouper les mécanismes de défense pour en faire une
présentation théorique >>41. En outre, un sujet
peut avoir recours à tout un éventail d'opérations
défensives différentes qu'il articule entre elles. On peut aussi
signaler qu'un mécanisme de défense d'un niveau archaïque
peut se révéler utile dans une situation
extrême.
Bergeret (1972) affirme qu'« un sujet n'est
jamais malade parce qu'il a des défenses, mais parce que les
défenses qu'il utilise habituellement s'avèrent comme soit
inefficaces, soit trop rigides, soit mal adaptées aux
réalités internes et externes, soit trop exclusivement d'un
même type et que le fonctionnement mental se voit ainsi entravé
dans sa souplesse, son harmonie, son adaptation
>>42.
b) La classification des mécanismes de
défense selon le DSM IV
Le DSM IV (Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders) est un manuel athéorique qui
établit les critères diagnostics des différents troubles
psychiatriques tels qu'ils sont reconnus dans la psychiatrie internationale.
Selon ce manuel, « les mécanismes de défense sont des
processus psychologiques automatiques qui protègent l'individu de
l'anxiété ou de la prise de conscience des dangers ou des
facteurs de stress internes et externes >>43. A l'inverse de
la théorie psychanalytique, ce manuel propose une échelle de
fonctionnement défensif qui classe hiérarchiquement les
mécanismes de défense en sept niveaux allants des plus
adaptés aux moins adaptés.
41 Id. p. 58.
42 Bergeret, J. (1972).
Psychologie pathologique théorique et
clinique. Paris : Masson (2004). (p. 104-105).
43 Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders (1994). p. 751.
Ainsi, les deux premiers niveaux regroupent les
mécanismes de défense qui sont classés comme
adaptés. Le niveau adaptatif élevé
assure une adaptation optimale aux facteurs de stress. On y
retrouve l'humour, la sublimation, l'anticipation, la répression,
l'altruisme, l'auto-observation, l'affiliation ou la capacité de recours
à autrui, et l'affirmation de soi par l'expression des sentiments. Le
niveau des inhibitions mentales et des formations de
compromis regroupe les défenses que l'on associe souvent
à l'organisation névrotique de la personnalité. Elles ont
pour objectif de maintenir hors de la conscience des idées, affects
souvenirs, désirs ou craintes potentiellement menaçant. Ce niveau
comprend le refoulement, le déplacement, la formation
réactionnelle, l'annulation, l'isolation, la dissociation et
l'intellectualisation.
Les cinq niveaux suivant comprennent les
mécanismes de défense qualifiés d'« immatures »
ou inadaptés. Chabrol et Callahan (2004) précisent que «
chez l'adulte, leur usage prédominant est mal adaptatif et
habituellement lié à un trouble de la personnalité
»44. Le niveau de distorsion mineure de
l'image regroupent les défenses caractéristiques des
personnalités limites et narcissiques qui visent la régulation de
l'estime de soi. Il s'agit de la dépréciation,
l'idéalisation, et l'omnipotence. Ce sont des opérations
dérivées du clivage de l'objet ou du moi. Le niveau
du désaveu concerne les défenses qui empêchent
la prise de conscience de facteurs de stress, d'affects ou d'idées
inacceptables. Ce sont les opérations de déni, de projection et
de rationalisation. Le niveau de distorsion majeure de
l'image comprend le clivage du moi ou de l'objet, l'identification
projective, et la rêverie autistique. Le niveau de
l'agir met en jeu un système de défense qui passe
par l'action ou le retrait comme réponse au conflit. Il regroupe le
passage à l'acte, le retrait apathique, la plainte associant demande
d'aide et son rejet, et l'agression passive. Enfin, le niveau de
la dysrégulation défensive décrit les
mécanismes de défense caractéristiques des psychoses, qui
se caractérisent par une rupture avec la réalité
objective. Ce sont alors des défenses contre une désorganisation
plus importante, et contre une angoisse d'anéantissement. On retrouve la
projection délirante, et le déni psychotique et la distorsion
psychotique.
On retrouve donc dans cette classification une
description des principaux mécanismes de défense, qui se
rattachent à un mode d'organisation de la personnalité selon les
trois grandes organisations névrotiques, limites, et
psychotiques.
44 Chabrol, H., Callahan, S.
(2004). Mécanismes de défense et coping.
Paris : Dunod. p. 33.
3/ La représentation de
soi
Nous avons également remarqué que le
conflit vécu par ces jeunes en situation d'entre-deux cultures se situe
principalement entre les aspirations internes et les attentes qu'ils
perçoivent de l'environnement, qui ne cessent de se contrarier. Or, S'il
est une notion psychologique qui prend en compte cette dynamique, c'est bien la
notion de << représentation de soi ». En effet, longtemps
abordée à travers << l'image » en termes descriptifs,
la représentation de soi semble apparaître comme
l'émergence d'un processus complexe soumis à des variations
internes et externes. C'est un concept qui englobe l'identité et les
relations à l'environnement.
a) Perspective interactionniste et
structurale
Dans cette perspective, la personnalité de
l'individu est le résultat de l'interaction entre un univers
intérieur et un monde extérieur. Ainsi, Clanet (1990) souligne
que la personnalité doit être appréhendée à
deux niveaux. Au niveau synchronique où elle
est fonction des interactions de l'individu et de ses milieux socioculturels ;
au niveau diachronique, où elle est fonction
des interactions relatives au passé qui a modelé certaines
structures, et de certaines exigences du présent auxquelles ces
structures réagissent. L'environnement social et culturel, lorsqu'il est
intériorisé, constitue donc le contenu même de la vie
psychique.
G.H. Mead (1963), qui a été l'un des
principaux auteurs qui ont influencé la perspective interactionniste,
conçoit la construction de l'identité entre le << je »
constituant la partie créatrice, et le << moi » davantage
centré sur les rôles ; cette distinction permet d'éclairer
l'influence de la société sur l'individu, mais aussi le pouvoir
que celui-ci a d'agir sur le monde qui l'entoure. Selon lui, le << soi
» est un processus dynamique qui émerge d'une interaction entre ces
deux pôles ; le << je » représenterait le << soi
» en tant que sujet, et le << moi » représenterait le
<< soi » en tant qu'objet. La représentation de soi se situe
alors au niveau intra-individuel, mais dépend en même temps des
rapports à autrui, et donc du niveau inter-individuel, dans le sens
où celui-ci influence la façon dont le sujet construit son
identité. L'identité est ici envisagée comme une structure
de la représentation de soi qui se construit, comme le souligne
Zavalloni (1986), par une perpétuelle négociation entre le
<< vouloir être » et le << devoir être » dans
une dialectique entre l'intégration au groupe et les aspirations
personnelles. La représentation de soi apparaît donc plus
dépendante de l'environnement que dans d'autres approches.
b) Perspective cognitiviste
La conception cognitive postule que l'individu
sélectionne toute information dans son histoire propre, mais aussi dans
l'environnement en tant qu'il fait l'objet d'un encodage, puis les traitent
pour construire des représentations internes de celles-ci. Il organise
alors les informations qui le concernent en une représentation de soi
qui va guider son comportement. Ainsi, dans cette perspective, la
représentation de soi peut être considérée comme une
cellule de traitement de l'information qui interprète et organise les
événements et les expériences. Or, comme tout
système de traitement de l'information, celui-ci peut produire des
informations erronées qui viendront biaiser la représentation de
soi. Elle peut à tout instant faire l'objet d'une évaluation
engendrant une image de soi positive ou négative.
Mais la représentation de soi se
présente aussi comme un processus dynamique pouvant prendre des allures
de cercles vertueux ou vicieux. Ainsi, rétrospectivement, une
représentation de soi positive ou négative a des impacts sur le
traitement des informations venant de l'extérieur. Costalat-Founeau
(1994) affirme qu'il est évident que des informations incongruentes par
rapport à l'idée que l'on se fait de soi vont entrainer des
désordres affectifs qui agiront sur la représentation de soi. Une
des façons pour l'individu de réguler les affects est alors de ne
choisir que les informations positives qui le concernent. A l'inverse, une
représentation de soi négative amène l'individu à
ne sélectionner arbitrairement que les informations qui la
confirme.
Cette approche met donc l'accent sur la
manière dont l'individu ordonne et traite toutes les informations le
concernant pour construire activement sa représentation de soi et la
réguler. L'environnement social est ici simplement
considéré comme source d'information dont l'individu dispose ; il
ne prend donc pas réellement un rôle actif dans la
représentation de soi.
c) Perspective psychanalytique
Dans cette perspective, la représentation de
soi accorde une place à l'environnement, mais plutôt dans la
façon dont il est perçu par le sujet que dans son action
présente sur la personnalité du sujet. Rausch De Traubenberg et
Sanglade (1984) Définissent la représentation de soi comme une
notion inconsciente qui inclut « tout autant l'image du corps que les
relations qui gravitent autour de cette image, relations suscitées par
cette image et qui la structure en retour »45. Il s'agit donc
ici du sujet, tel qu'il se vit dans son corps et dans son univers relationnel.
La notion de représentation de soi se réfère à
l'identité en tant que
45 Rausch De Traubenberg, N.
Sanglade, A. (1984). Représentation de soi et relation d'objet au
Rorschach. Grille de représentation de soi. Revue de
Psychologie Appliquée, vol. 34, 1, pp. 41-57.
capacité à reconnaître ses propres
limites et à se concevoir comme unité en correspondance avec
l'environnement et pourtant différent, mais également à la
manière d'être au monde, c'est-à-dire à la
capacité d'ouverture et d'intégration au monde qui va
découler de cette identité.
Freud a maintes fois souligné le rôle
primordial de l'environnement dans la construction de la personnalité.
Pour lui, construire une identité dépend d'un moi envisagé
dans une structure historique et sociale. C'est notamment à travers les
processus d'identification, dans le sens où il existe une recherche de
satisfaction qui oriente l'individu vers l'investissement libidinal des objets
externes (et en particulier des objets d'amour), que le sujet se constitue un
réseau de liens affectifs. La représentation de soi sera par
conséquent fonction des conditions du développement libidinal, de
la stabilité et de la souplesse des identifications, mais aussi
témoin du type de relation d'objet du sujet.
Boizou, Chabert et Rausch De Traubenberg (1979)
soulignent qu'elle va alors « de la simple ébauche du schéma
corporel », dans ses aspects les plus régressifs, « à
la réalisation de son unité vers la projection d'une image du
corps sexué en situation dans le monde, face à l'autre, qui ouvre
l'accès à l'identification et à la maturité
»46. On peut ainsi comprendre la représentation de soi
en référence au développement psychosexuel de l'individu
dans le modèle psychopathologique.
d) Représentation de soi et image de
soi
Nous avons remarqué que nombre d'auteurs ayant
travaillé sur la représentation de soi y associent le concept
d'image de soi. Nous avons nous-mêmes été amené
à en faire usage dans notre recherche. Comme nous l'avons exposé
précédemment, la représentation de soi est une notion
inconsciente. A l'inverse, selon le dictionnaire de psychologie47,
l'image de soi correspond à la représentation et à
l'évaluation que l'individu se fait de lui-même. Rouvière
(1994) précise que « l'image de soi concerne la
représentation que le sujet se fait de ses capacités et de ses
potentialités dans les différents domaines de sa vie personnelle
et sociale et de ses possibilités à venir »48.
Ainsi, il nous semble pertinent de définir l'image de soi comme
l'équivalent de la représentation de soi au niveau
conscient.
46 Boizou, M.F. Chabert, C.
Rausch De Traubenberg, N. (1979). Représentation de soi.
Identité, Identification au Rorschach chez l'enfant et l'adulte.
Bulletin de psychologie, 339, 271-277.
47 Doron, R. Parot, F.
(1991). Dictionnaire de Psychologie. Paris : P.U.F
(2006).
48 Rouvière, H.
(1994). L'estime de soi, l'image de soi et les stratégies
de coping aux risques de la maladie, du cancer et du Sida.
Thèse de doctorat dirigée par P. TAP.
Université Toulouse II. p. 174.
PROBLEMATIQUE
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les
phénomènes migratoires ont pris une ampleur considérable,
donnant naissance actuellement à une grande diversité culturelle
en France. Après l'intérêt relatif à
l'intégration des populations migrantes elles-mêmes, nous sommes
aujourd'hui à une époque où il est question de
l'intégration des enfants d'immigrés. En effet, il est facile de
constater que les enjeux de cette situation sont au coeur de polémiques
véhiculées par les médias, que ce soit à travers le
port du foulard islamique à l'école, le malaise des banlieues ou
autres débats d'actualité.
Ces événements ont fait émerger
chez les spécialistes des questionnements quant à la
structuration culturelle et psychique de cette population qui a grandi dans ce
double contexte culturel. Certains auteurs affirment que la position
d'entre-deux cultures favorise l'établissement d'une «
personnalité multiculturelle », qui retire de la pluralité
des modèles culturels une richesse intérieure et des potentiels
créateurs accrus. A l'inverse, d'autres auteurs admettent que
l'intégration des deux modèles culturels demeure
problématique, et constitue la source d'une structuration psychique
précaire.
On sait maintenant que chaque modèle culturel
prend une part active dans la structuration de la personnalité.
Néanmoins, à la lumière du fonctionnement sociétal
actuel en France, nous postulons que réunir les conditions favorables
à l'émergence d'une construction de la personnalité
multiculturelle source de bénéfices parait difficile. Dès
lors, la situation d'entredeux cultures ne provoquerait-elle pas une certaine
fragilité de la structuration psychique?
En regard de ces éléments, nous allons
tenter de repérer certains signes d'une vulnérabilité
psychique chez les participants à notre étude. Nous utiliserons
dans ce but le test de Rorschach.
H01 se centrera sur l'expression d'un conflit
psychique latent, à travers les manifestations de
l'angoisse.
H02 aura pour objectif d'analyser les
mécanismes de défense face au conflit, leur coût pour
l'économie psychique et leur efficacité.
Plus précisément en rapport aux conflits
d'appartenance entre les cultures, H03 étudiera les
modalités d'investissement de la représentation de
soi.
En vue de l'affiliation culturelle spécifique
à cette population, H01 s'attachera à l'analyse
normative des réponses au Rorschach, en comparaison avec les normes
actuelles établies pour la population Française
adulte.
Ensuite, nous apprécierons si ces
hypothèses sont vérifiées. Puis nous pourrons discuter des
résultats. Nous évoquerons notamment les problèmes
méthodologiques se rapportant à l'utilisation des tests
projectifs pour des cultures différentes de la culture occidentale. Nous
comparerons également nos résultats à ceux d'une
étude similaire sur certains points. Enfin, nous débattrons de
l'intérêt de nos résultats pour la pratique clinique, et de
la possibilité de les généraliser à une population
plus grande.
PARTIE METHODOLOGIQUE
I/ PROTOCOLE EXPERIMENTAL
1/ Caractéristiques des
participants
Six jeunes femmes d'origine maghrébine ont
participé à l'étude. Effectivement, en regard des
différences culturelles propres au statut de la femme, nous avons choisi
ouvertement d'effectuer notre recherche sur des sujets de sexe féminin.
En outre, afin d'uniformiser les facteurs culturels, nous nous sommes
centrés sur l'origine exclusivement Maghrébine des participantes.
Le Maghreb parait en effet véhiculer des valeurs culturelles
relativement homogènes, puisque basées sur les principes de
l'Islam. D'après le recueil d'informations qui a succédé
la passation du test de Rorschach (Cf. annexe 1), quatre jeunes femmes sont
d'origine Marocaine et deux sont d'origine Algérienne. Au moment de la
passation du test, elles étaient âgées de 23 à 32
ans (âge moyen = 27 ans). Toutes exercent une activité
salariée et vivent hors du foyer parental ; aucune d'entres elles n'a
d'enfant. Quatre d'entre elles sont nées en France ; deux jeunes femmes
sont nées au Maroc, mais sont arrivées enfants en France (2 ans
1/2 et 8 ans). Toutes les participantes ont donc été
éduquées et scolarisées en France. Par contre, tous leurs
parents sont nés au Maghreb pour rejoindre la France entre 1960 et 1984.
A l'exception de l'une d'entres elles, les participantes sont de religion
Musulmane, pratiquante ou non.
2/ Matériel utilisé : le test de
Rorschach
En 1920, Hermann Rorschach, médecin psychiatre,
créa un test composé de taches d'encre qui permet
d'établir un diagnostic psychologique de la personnalité. Ce test
présente un matériel peu défini, que le sujet structure en
fonction de sa personnalité ; la projection est donc le mécanisme
clé de cette tâche. Ainsi, les réponses données par
le sujet correspondent à des « perceptions sensorielles
complétées subjectivement »49. C'est sur cette
base que Rorschach, en se référant à la théorie
psychanalytique, repère des significations manifestes
49 Rausch De Traubenberg, N.
(1970). La pratique du rorschach. Paris : P.U.F
(2006).p. 7.
issues des perceptions du sujet, mais également
des significations latentes auxquelles renvoient ces perceptions. Depuis,
nombre d'auteurs ont poursuivi l'exploration de ce test en fonction des
courants théoriques auxquels ils appartiennent.
On ne peut que souligner la richesse des
renseignements recueillis par ce test. Loosli-Usteri (1969) estime qu'il met en
jeu « toute la personnalité, avec ses qualités et ses
faiblesses, ses complexes et ses compensations, ses aspirations et ses
échecs, ses motifs secrets et ses réalisations
>>50. Chabert (1983) propose une investigation psychanalytique
du test de Rorschach, en se basant sur le modèle de l'appareil psychique
élaboré par Freud. Elle nous ouvre dès lors sur une
interprétation qui admet « la résonance fantasmatique et la
réactivation de contenus latents se réclamant de registre
conflictuels divers [...] relevant du développement libidinal
>>51. Chaque facteur est ainsi étudié dans une
perspective dynamique, révélant sa pluralité de
sens.
Cependant, la richesse du test de Rorschach oblige
à une interprétation fine et complexe du matériel offert
par le sujet. Le clinicien faisant appel à cette méthode se livre
à son « sens clinique >> par un travail associatif dans
lequel la subjectivité intervient nécessairement, mais doit aussi
s'appuyer sur les données quantitatives du psychogramme. Cette
démarche doit constituer la première étape d'analyse, et
« l'interprétation du psychogramme procède
généralement par quatre phases successives : l'intelligence,
l'affectivité, les points vulnérables, la synthèse de la
personnalité >>52. Les données du psychogramme
sont étudiées en référence à des normes
statistiques révisées régulièrement. L'analyse du
psychogramme, outre les renseignements qu'elle nous donne, constitue la
meilleure garantie contre les projections propres au clinicien. En effet,
Collado (2007-2008) affirme que c'est la rigueur de cette étape qui
fournit une certaine objectivité dans les conclusions du test,
élevant ainsi le Rorschach au-dessus des autres épreuves de cette
nature. C'est à l'issue de cette étape seulement qu'il convient
de compléter celle-ci par une analyse dynamique et symbolique du
protocole.
Anzieu (1961) stipule que le test de Rorschach
provoque une régression profonde chez le sujet, et mobilise les
mécanismes de défense destinés à lutter contre
l'angoisse la plus primitive. C'est en ce sens que l'analyse dynamique du
protocole permet d'évaluer l'intensité de l'angoisse du sujet, sa
nature selon le registre conflictuel auquel elle se rattache, ainsi que les
moyens défensifs mis en oeuvre pour lutter contre cette
angoisse.
50 Loosli-Usteri, M. (1969).
Manuel pratique du test de Rorschach. Paris : Hermann
(1976). p. 141.
51 Chabert, C. (1983). Le
Rorschach en clinique adulte. Interprétation psychanalytique. Paris :
Dunod (1997). p. 3.
52 Anzieu, D. (1961).
Les méthodes projectives. Paris : P.U.F
(1976).p. 103.
Rausch De Traubenberg et Sanglade, quant à eux,
se sont centrés sur l'étude de la représentation de soi au
Rorschach, et nous indiquent que << les réponses concentrent sur
elles tout autant l'investissement narcissique que l'investissement d'autrui et
en sont les révélateurs »53. Ils ajoutent qu'une
analyse profonde permet de situer le stade atteint par le sujet dans la
recherche de lui-même.
C'est donc par cet aspect pluridimensionnel que le test
de Rorschach se présente comme un instrument adéquat pour notre
recherche.
3/ Procédure
a) Le recrutement des sujets
Notre démarche pour trouver les participants
à notre recherche fut tout d'abord guidée par le principe de non
connaissance des sujets. Il nous a semblé que cela était
essentiel pour limiter les biais d'interprétation des résultats
en nous restreignant aux données récoltées lors de la
rencontre dans le cadre de notre étude. En effet, nous avons ainsi pu
nous appuyer sur les seuls critères que nous avons choisi pour l'analyse
des protocoles de Rorschach, évitant par là même d'y
entremêler des manifestations trop subjectives qui auraient
été induites par une relation préexistante ente le testeur
et les testés.
Nous avons donc commencé par poser des annonces
indiquant les caractéristiques principales des sujets recherchés
dans le cadre de notre recherche de master 1 en psychologie (Cf. annexe 2).
Néanmoins, il s'est avéré que ce moyen n'a pas
porté ces fruits puisqu'une seule de nos participantes a
été recrutée de cette manière. Outre le fait que
les termes << recherche en psychologie » puissent avoir un
caractère << inquiétant » pour une grande partie de la
population, nous avons envisagé après-coup que les personnes
répondant à cette annonce fussent en réalité
susceptibles d'avoir une demande particulière d'aide sous-jacente
à leur volontariat, demande à laquelle nous ne pouvions
répondre. Ainsi le sujet n° 4, rencontré dans le cadre de
cette démarche, a subit un traumatisme (qui a donné lieu à
un suivi psychiatrique encore d'actualité lors de notre rencontre), et
qui a semblé motiver, au moins en partie, sa participation. Par la
suite, nous avons donc été mis en contact avec les participants
par connaissances ou des amis.
Le premier contact fut établit par
téléphone. Les sujets étaient alors informés de la
nature de la tâche (passation d'un test projectif) et de la
durée approximative de la rencontre. L'objet
53 Rausch De Traubenberg, N.
Sanglade, A. (1984). Représentation de soi et relation d'objet au
Rorschach. Grille de représentation de soi. Revue de
Psychologie Appliquée, vol. 34, 1, pp. 41-57.
précis de l'étude ne fut cependant pas
dévoilé afin de ne pas influencer l'attitude des participants
lors de la rencontre. Nous prîmes soin d'évoquer les règles
déontologiques auxquelles s'est soumise la recherche, notamment du
respect de l'anonymat, du caractère éclairé de leur
consentement, et de la possibilité de se retirer du protocole de
recherche à tout moment. Il leur fut également
précisé que leur participation était non lucrative et
qu'il n'y aurait pas de restitution complète des résultats.
Enfin, après accord des participants, il fut convenu d'un rendez-vous
pour cette rencontre.
b) Le déroulement des
rencontres
Les rencontres ont eu lieu dans un cadre neutre afin
d'éviter la présence de stimuli externes pouvant interagir dans
l'appréhension de la tâche. Elles se déroulèrent
l'après-midi, au sein de l'Université Toulouse le Mirail, dans
les salles se situant au niveau du parc du château. L'ambiance y
était relativement calme et la luminosité assez satisfaisante
pour ne pas utiliser de lumière artificielle.
Un temps d'accueil était réservé
afin de mettre à l'aise le sujet, d'expliquer la situation et de
réduire l'inquiétude due à la rencontre. Le participant
installé, il lui fut rappelé les principes évoqués
lors de l'entretien téléphonique, puis nous lui demandâmes
de compléter et de signer l'accord écrit de participation
à la recherche (Cf. annexe 3). Nous nous assurâmes
également de l'absence de problème de vue.
Une fois la situation établie, nous
débutions la passation du test de Rorschach. Prenant note des conseils
de Rausch De Traubenberg (1970), le testeur se plaça sur la gauche du
sujet afin d'éviter une possible anxiété provoquée
par la position de face à face, celle-ci pouvant être
perçue comme une véritable « situation d'examen et sous une
surveillance impérieuse »54. La consigne utilisée
fut la même pour tous les participants et formulée de
manière impersonnelle et peu précise, laissant ainsi libre cours
à l'interprétation personnelle du sujet de la tâche. La
consigne donnée fut donc : « Je vais vous montrer des
planches qui ne représentent rien et vous pourrez me dire tout ce
à quoi cela pourrait vous faire penser ».
La passation du test s'est ensuite
déroulée en deux temps, comme le préconise l'usage en
France, le premier destiné à la passation proprement dite, et le
second réservé pour l'enquête. Après la passation,
un temps de parole était proposé dans un cadre moins formel,
où le sujet était invité à formuler ses questions
et à parler de son ressenti quant à cette expérience ;
nous espérions ainsi réduire les hypothétiques
bouleversements provoqués par la situation. A la fin
54 Rausch De Traubenberg, N.
(1970). La pratique du rorschach. Paris : P.U.F
(2006).p. 12.
de ce temps, nous avons recueilli quelques informations
qui nous ont permis de mieux cibler les caractéristiques propres
à chaque sujet.
Enfin, nous avons veillé à remercier le
participant pour sa contribution, et à lui préciser que nous
restions à sa disposition pour d'éventuelles questions
tardives.
II/ HYPOTHESES DE RECHERCHE
1/ Hypothèse
générale
Ainsi que nous l'avons montré
précédemment, nombre d'auteurs admettent que les enfants de
migrants, confrontés à deux modèles culturels distincts,
sont soumis à un développement complexe. La création de
liens entre filiation et affiliation, qui apparaît comme
nécessaire à la stabilité de la personnalité,
demeure parfois fragile. Après une série de recherches, Moro
(1988, 1994, 2002, 2004) évoque l'existence d'une
vulnérabilité psychologique spécifique
aux enfants de migrants. Toutefois, ces travaux se sont
principalement basés sur une population d'enfants et d'adolescents, dans
lesquelles elle décrit trois périodes de risque électif
qui sont : << la mise en place des interactions précoces
mèreenfant avant un an, le début des grands apprentissages
scolaires entre six et huit ans et l'adolescence »55. Or, qu'en
est-il de la structuration psychique une fois ces périodes
passées ? Nous serions tentés de penser que cette
vulnérabilité psychique perdure à l'âge adulte, et
affaiblit le niveau des excitations internes ou externes pouvant être
assimilées par le moi. C'est donc dans la continuité de ces
travaux que nous formulons l'hypothèse générale de cette
recherche :
Les jeunes adultes issus de l'immigration présentent
une vulnérabilité psychologique.
Nous postulons que la double appartenance culturelle
influence la qualité du fonctionnement psychique. Dès lors, la
variable indépendante correspond à << jeunes adultes issus
de l'immigration », et la variable dépendante est attribuée
à << vulnérabilité psychologique ». Afin de
maitriser au mieux les facteurs de la variable indépendante, notre
étude se base sur des jeunes femmes d'origine
Maghrébine.
Cette hypothèse sera analysée à
travers le test de Rorschach. En effet, ce matériel favorisant
l'excitation de l'appareil psychique, il nous parait être un outil
adéquat à estimer le seuil de tolérance du moi aux
excitations, et les conséquences de la vulnérabilité sur
l'organisation psychique des sujets.
55 Moro, M.R. (1994).
Parents en exil. Psychopathologie et migrations.
Paris : PUF (2002).p.24.
2/ Hypothèses opérationnelles
:
a) HO1 : les jeunes femmes d'origine
Maghrébine expriment des manifestations de l'angoisse au
Rorschach
Selon Violet-Conil et Canivet (1952), « Il y a
traumatisme, donc angoisse, chaque fois que le Moi perd sa capacité
d'assimiler une excitation accrue »56. Or, si le propre de la
vulnérabilité psychique est une moindre résistance aux
excitations internes et externes, l'angoisse devrait surgir plus facilement
chez les individus vulnérables. On peut ainsi émettre
l'hypothèse que face aux excitations induites par le test de Rorschach,
la vulnérabilité psychique des sujets se traduira par des
manifestations attestant de l'angoisse qu'ils ressentent. Selon Bohm
(cité par Violet-Conil et Canivet), au Rorschach, les signes de
l'angoisse se manifestent tout d'abord sur les caractéristiques
générales du protocole. Ce sont :
> L'appauvrissement général de la
production
> La coartation du TRI
> L'aspect de la succession (rigide et
accompagnée de F+% élevé, relâchée et
accompagnée de choc-couleur, ou incohérente)
> Les interprétations fantastiques et fuyantes
dans les planches multicolores > Le trouble du balancement
des facteurs introversif-extratensif
Ensuite, l'angoisse se traduit par des manifestations sur
les éléments des réponses telles qu'elles sont
présentées ci-dessous :
Dans le mode d'appréhension
|
Dans le déterminant
|
Dans le contenu
|
- Abaissement du nombre de
|
- Nombreuses F-
|
- Symétries nombreuses
|
G
|
- K peu nombreuses et de
|
- Anatomies nombreuses et
|
- Do d'inhibition
|
mauvaise qualité
|
de mauvaises qualités
|
- Nombreux Dd et Dbl
|
- FC ou CF nombreuses et
|
- Mauvaises originalités
|
|
dysphoriques, E purs
|
- interprétations sexuelles
|
|
- Clob
|
dépressives
|
|
- C isolées et explosives
|
- Hd et Ad plus nombreux
|
|
- Chocs-couleurs, Choc noir ou Choc-vide
|
que H et A.
|
56 Violet-Conil, M. Canivet,
N. (1952). Le test de Rorschach et le diagnostic de l'angoisse.
Rorschachiana, Revue Internationale de Rorschach et d'Autres
Méthodes Projectives, Vol. I, Cahiers 2,
78-127.
Anzieu (1961), dans son tableau de l'angoisse
pathologique, ajoute les signes suivants : > Indicateur
d'angoisse > 15%
> Refus (ou peu de réponses) aux planches IV,
VI, VII et IX
> Refus de réponses couleurs, fuite du
rouge
> Augmentation du temps par
réponse.
b) HO2 : les jeunes femmes d'origine
Maghrébine mettent en place un système défensif
coûteux contre l'angoisse
Après avoir analysé H02, il
est intéressant d'étudier le système défensif afin
de pouvoir rendre compte de la dynamique psychique propre aux sujets. Notre
hypothèse générale indique que le seuil des excitations
assimilables par le moi devrait se situer relativement bas. De ce fait, nous
pouvons nous interroger sur l'aménagement défensif mis en place
devant une source d'excitations telle que le Rorschach. Nous émettons
l'hypothèse que les participants à notre recherche doivent avoir
recours à des mécanismes de défense moins souples, qui
vont entraver le fonctionnement psychique dans sa souplesse, son harmonie et
son adaptation.
Chabert (1983) propose d'observer les
mécanismes de défense au Rorschach à travers l'analyse des
procédés d'élaboration du discours. Elle ajoute que ces
mécanismes vont se traduire à travers trois types de
données : les manifestations hors réponse (verbalisation ou
caractéristiques qualitatives non verbales), dans la réponse, au
sein d'une séquence associative stigmatisée par une cotation et
à travers un ou plusieurs facteurs combinés dont le regroupement
permet de dégager un mécanisme de défense
spécifique. En outre, elle distingue quatre grandes catégories de
procédés d'élaboration du discours renvoyant à des
mécanismes de défense sous-jacents.
Les procédés rigides consistent
à utiliser les données perceptives du matériel, soit dans
le but d'éviter ou de minimiser le surgissement d'éléments
en rapport avec la réalité interne du sujet, soit pour permettre
à celle-ci de s'exprimer grâce à une stratégie de
justification et de rationalisation. Ceux-ci sont observables dans
:
> Les manifestations hors réponses,
verbales ou non : les précautions verbales, le doute, les
ruminations, la dénégation portant sur l'aspect externe de la
perception, l'attachement au détail, les précisions scrupuleuses
et les formations réactionnelles.
> Les réponses ou séquences de
réponses : la dénégation de la représentation,
la formation réactionnelle, le doute traduit par l'hésitation
entre deux perceptions pour la même réponse.
> Les facteurs spécifiques : une
formalisation excessive (F% > 65%), l'expression d'affect à minima
(TRI coarté ou introversif, réponses sensorielles peu
nombreuses), le doute (F #177; élevé), le souci de maitrise du
matériel (augmentation du G%), l'attachement aux détails (forte
utilisation du D et Dd), l'intellectualisation (combinaison de G
organisés, kinesthésies et contenus spécifiques,
artistiques), la négation des liens, soit entre représentation et
affects (augmentation du F% et faiblesse des déterminants sensoriels),
soit entre deux représentations (fragmentation des réponses en D
ou Dd avec l'accent porté sur l'absence de rapport entre les
réponses successives), les formations réactionnelles (FC
fréquentes).
Les procédés labiles visent
à lutter contre l'émergence de représentations
gênantes par le recours à la fantaisie et aux affects. Ils se
traduisent par :
> Les manifestations hors réponse :
commentaires réguliers donnant l'impression d'une
réactivité immédiate au matériel, la dramatisation,
la labilité des réactions émotionnelles, l'accent
porté sur la méconnaissance sous forme de
dénégations successives, la manipulation labile du
langage.
> Les réponses ou séquences de
réponses : le refoulement (refus ou incapacité d'associer
notamment aux planches IV et VI chargées en symbolisme sexuel), la
dénégation quand une représentation dont la dimension
symbolique évidente et évitée (un certain type de contenu,
par exemple brouillard ou fumée, est alors investi dans une fonction
d'écran à la représentation), l'érotisation des
relations à travers des mises en scènes kinesthésiques, la
mise en avant de la réactivité émotionnelle (primat de la
couleur dans le déterminant au sein d'une séquence de
réponses).
> Les facteurs spécifiques renvoyant
à des mécanismes de refoulement : le souci de se maintenir
relativement à distance du matériel (G vagues ou
impressionnistes), le recourt aux manifestations sensorielles (TRI
extratensif), la suggestibilité (grande variété des
réponses C, C', E et Clob), la prévalence accordée
à la réactivité subjective (F% bas), le symbolisme
transparent des contenus (notamment pour les symboles sexuels), l'affrontement
entre désirs contradictoires (représentations et/ou affects
opposés). En outre, l'échec des mécanismes de refoulement
est observable par une fuite en avant dans l'interprétation
(précipitation dans la multiplication des réponses), des
manifestations émotionnelles très intenses (TRI extratensif
très dilaté), une perte de contrôle sur la
réalité objective (F+% très bas) et des contenus
très crus à valence sexuelle et régressive.
Les procédés d'inhibition marquent
la lutte contre une implication projective ressentie comme dangereuse. Ils se
repèrent par :
> Les manifestations hors réponse :
une restriction de la production, une participation subjective peu
engagée, une verbalisation minime, le temps de latence long, les
silences nombreux, le refus des planches qui n'est pas rare. Dans le même
temps, les quelques commentaires portent sur le blocage associatif et les
manifestations anxieuses sont parfois très visibles au niveau du
comportement.
> Les réponses ou séquences de
réponses : anonymat des personnages humains (sans identité
sexuelle), projection d'action floues, indéterminées
(répression kinesthésiques fréquentes), réduction
des charges émotionnelles apparentes (formules du style « un peu
», « à peine »), évitement perceptif de
localisations particulières (détails rouges des planches II et
III, ou à valence symbolique), banalisation ou placage d'images
stéréotypées.
> Les facteurs spécifiques
évitant la confrontation avec les stimuli angoissants et
révélant les difficultés d'implication : G primaires ou
à l'inverse découpage extrême du matériel, F%
élevé avec beaucoup de F#177;, TRI et formule
complémentaire coartés. Les défaillances de tels
mécanismes peuvent se constater par l'émergence de
bouffées d'angoisses traduites par la présence de Clob, C', E et
kinesthésies isolées à thème de chute ou de
vertige. Au niveau des contenus, on trouve des contenus « phobiques »
(A anxiogènes), des contenus révélant des
inquiétudes corporelles, ou des contenus banalisés à
outrance, factuels, concrets.
Bien entendu, tous ces critères apparaitront
différemment selon s'ils concourent à la mise en
place de défenses de type névrotique ou
de type limite. A contrario, les procédés en
processus
primaires sous-tendent des mécanismes de
défense psychotiques. Ils se remarquent par :
> Les manifestations hors réponses :
méfiance du sujet argumentée par des remarques faisant preuve
d'un vécu persécutif, décalage entre les productions
spontanées et l'enquête, production importante, mal
ordonnée, prolixité du discours, verbalisation confuse laissant
surgir des bizarreries et des discordances...
> Réponses ou séquences de
réponses : localisations arbitraires, mal définies ou peu
cohérente (G mal organisés, immenses Dd aux découpes rares
ou bizarres), médiocrité du contrôle formel (beaucoup de
F-), réponses kinesthésiques à valeur
interprétative ou délirante, absence de contention des mouvements
pulsionnels (présence de C
pures), contenus marquant l'absence
d'intégrité corporelle ou la confusion des règnes (Hd,
Anat, Sang, H/A, H/Obj).
> Les facteurs spécifiques :
mauvaise qualité de l'ancrage dans la réalité objective
(F+% et F+% élargi faibles, diminution significative des Ban),
désintérêt pour le réel (D% faible, réponses
humaines et animales déréelles fréquentes à
connotation persécutante), fragilité des barrières
internes et massivité des affects (TRI très dilaté, K
délirantes ou interprétatives, ? C très
élevé avec dominance de C pures, contenus en
référence au corps dans des images tronquées,
morcelées, Anat, A ou Obj contaminés ou fragmentés), ou au
contraire tonalité émotionnelle abrasée (TRI
coarté), absence de réactivité spécifique aux
planches.
Il nous semble cependant important de préciser
que c'est la massivité de ces manifestations qui peut signer un
fonctionnement psychotique ; les émergences en processus primaires
peuvent apparaître ponctuellement, marquant alors seulement des points de
fragilité qui sont compensés par ailleurs.
c) H03 : Les jeunes femmes d'origine
Maghrébine font preuve d'une représentation de
soiperturbée
Moro (1988, 1994, 2002, 2004) fait l'hypothèse
que la vulnérabilité dont elle fait état est liée
à la dissociation entre filiation et affiliation à laquelle ils
sont soumis. Etant donné les enjeux identitaires et relationnels que
cette proposition soulève, nous faisons l'hypothèse que de la
fragilité de la structuration psychique se répercute sur la
représentation de soi. Nous nous basons sur la grille de
représentation de soi (Cf. annexe 4) élaborée
par Rausch De Traubenberg et Sanglade (1984). Dans un souci de clarté,
nous ne ferons pas usage du système de cotations qui s'y rattache, mais
nous utiliserons simplement cette grille comme schéma de
compréhension des données. Cet instrument nous permet notamment
de dégager la relation dynamique du sujet à ses objets internes
et externes, et de situer l'identité et les identifications du sujet
à travers le jeu des pulsions libidinales et agressives. La grille se
compose de quatre colonnes :
> La première colonne fait état de
l'image corporelle de la représentation de
soi, unitaire ou non, à travers l'objet
représenté. Le contenu est classé en fonction de son
appartenance au monde humain, animal ou au monde de l'inanimé. Le monde
humain et le monde animal sont ordonnés selon la valence de la
réponse, qui va du plus intégré au moins
intégré. Le monde de l'inanimé n'est pas ordonnée
hiérarchiquement mais reste significatif.
> La deuxième colonne analyse
le mode de relation à l'objet. Les items vont
des interactions aux actions isolées jusqu'à la simple
dénomination statique ; les interactions et actions peuvent être
positives, neutres, agressives, de dépendance ou incongrues. Les items,
des points de vue de la réciprocité et de l'animation, sont
ordonnées respectivement du positif au négatif, et du plus
performant au nul.
> La troisième colonne spécifie
l'identification sexuelle en regard de sa
détermination, de son ambivalence ou de son
instabilité.
> La quatrième colonne rend compte des facteurs
spécifiques précisant le caractère de
différenciation ou d'indifférenciation entre soi et
l'autre.
d) H04 : le double contexte culturel
propre aux jeunes femmes d'origine Maghrébine entraine des écarts
par rapport aux normes admises au Rorschach
Cette hypothèse a pour objectif de
vérifier si le fonctionnement psychique des sujets, pris dans sa
globalité, présente des caractéristiques communes chez
tous les testés. Il s'agit donc de repérer les écarts
significatifs par rapport aux valeurs normatives de référence.
Nous nous référons pour cela aux normes adultes
communiquées par Claude Collado et présentées
ci-dessous.
Modes d'appréhension
|
Déterminants
|
Contenus
|
G = 20-30%
|
F% = 50-60%
|
A% = 35-50%
|
D = 60% G/D 1/3
|
F+% = 80-90%
|
A > Ad
|
Dd = 6-10%
|
K = 5 à 7
|
H% = 15-20%
|
|
K > kan
|
|
Dbl = 3%
|
kan = 25-50%
|
H/Hd 2/1
|
Do = 0%
|
FC > CF + C
|
|
|
FE > EF + E
|
|
|
RC% = 30-40%
|
|
R = entre 25 et 30
|
Ban = 16% (en référence à la liste
française des banalités)
|
Indicateur d'angoisse < 12%
|
Le TRI doit être plus dilaté que la formule
secondaire
|
III/ PRESENTATION DES RESULTATS ET
INTERPRETATION
1/ Protocole de Leïla :
a) Présentation de la participante
:
Leïla est née à Millau, dans
l'Aveyron. C'est une jeune femme de 23 ans au jour de notre rencontre, qui
effectue diverses missions intérim et projette de partir en suite
travailler à Londres. Ses parents sont Marocains ; Son père est
arrivé vers la fin des années 1960, et sa mère l'a rejoint
en 1983. Elle se définit comme Musulmane mais peu pratiquante.
Cependant, elle semble gênée face à cette
question.
b) Les représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est très bas.
Le TRI et la FS sont inversés.
· Dans les modes d'appréhension :
2 réponses incluant le blanc (dont une en Ddbl
associée à un contenu Hd teinté d'une tonalité
dysphorique)
· Dans les déterminants :
1 seule K
1 CF dysphorique, deux FC (dont 1 FC') et une tendance
CF.
2 FE (dont 1 associé à une tendance Fclob,
et l'autre à un Choc).
1 Choc.
· Dans les contenus :
H = Hd
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Peu de réponses et avec présence de signes
d'angoisse aux planches IV, VI, VII et IX.
La planche IV fait apparaître la FE tendance
Fclob, la planche VI comprend la FE et le Choc, La planche VII la FC', et la
planche IX la CF dysphorique.
La couleur rouge est fuite à la planche II, et
non intégrée à la réponse à la planche
III.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : la verbalisation
indique le doute et l'accent, porté sur la méconnaissance de la
procédure à suivre signe un désir d'éviter la
confrontation avec le stimulus. Le discours semble donc prendre lui-même
un aspect défensif.
Réponse : une seule réponse qui
comprend un doute entre deux représentations très proches. La
représentation est une banalité en G, ce qui nous fait penser
à des difficultés d'implication relevant d'une inhibition
défensive.
· Planche II :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
est réduite à quelques mots indiquant une inhibition.
Réponses : la première réponse
se maintient à une banalité confirmant le fonctionnement
inhibiteur du sujet ; la couleur n'est pas intégrée à la
réponse et la réponse à tendance à être
déniée à l'enquête. La deuxième
réponse semble se concentrée sur le Blanc (associée
à 1 F+/-) dans le but d'éviter le rouge. Nous pensons
également à un fonctionnement sur le mode de l'inhibition pour
ces réponses.
· Planche III :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
est toujours minime.
Réponse : la seule réponse produite
correspond à la banalité en G, le contenu humain est anonyme
(sans identité sexée ni fonction), le rouge est
évité. Le sujet est toujours sur le registre de
l'inhibition.
· Planche IV :
Manifestations hors réponses : Verbalisation
minime, et expression d'un besoin de réassurance dans la conduite
à adopter qui signe une difficulté face à la
planche.
Réponse : la FE de texture sur un contenu
animal irréel indique une régression défensive face
à une représentation anxiogène, indiquant une
défense par les affects pour mettre à distance la
représentation gênante, mais qui bloque les associations dans le
même temps.
· Planche V :
Manifestations hors réponses : La verbalisation
est toujours très restrictive lors de la passation.
Réponse : La participation subjective est peu
impliquée ; l'unique réponse est une persévération
et une banalité ; il semble que le sujet soit très
inhibé.
· Planche VI :
Manifestations hors réponses : l'accent est
porté sur la méconnaissance, le temps de latence est
doublé.
Réponse : La réponse est explicitement
anxiogène et accompagnée d'un Choc. L'angoisse est ici
fixée sur la représentation dont le contenu est phobique. Par
ailleurs, on voit apparaître à l'enquête une nouvelle
association dont le contenu est régressif, teinté
d'oralité, et qui semble venir renforcer le fonctionnement
défensif du sujet. Les mécanismes d'inhibition sont donc
très présent ici mais paraissent peu efficaces face à
l'angoisse.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
est encore axée sur la méconnaissance du sujet quant à la
tâche à accomplir dans un souci d'éviter la confrontation
au stimulus. Réponse : la couleur est utilisée mais indique une
sensibilité des affects dépressifs et le contenu est
marqué par la régression qui s'accentue à l'enquête
(dessin d'éléphants). Le registre défensif semble
s'élaboré sur le mode de la labilité.
· Planche VIII :
Manifestations hors réponses : le sujet fait
un petit commentaire sur la présence de couleurs et les affects positifs
associés. Le temps de latence réduit indique une
réactivité immédiate au matériel.
Réponse : Après la banalité
élaborée en kinesthésie, la réactivité
à la couleur tient une place importante dans la deuxième
réponse. Les réponses laissent transparaitre la
suggestibilité du sujet au matériel ici et l'utilisation des
affects. Les contenus très factuels indiquent néanmoins la
persistance de l'inhibition.
· Planche IX :
Manifestations hors réponses : la
verbalisation est imprégnée des affects ressentis, la
réaction à la planche est rapide, les commentaires sont plus
nombreux et les verbalisations sur la méconnaissance se
répètent (<< je ne sais pas »).
Réponse : l'utilisation de la couleur
prédomine dans la première réponse ; elle est
complétée à l'enquête par << la fumée
» dans une valence régressive et agressive. L'utilisation des
affects comme moyens défensifs est étayé par une fuite
dans un Ddbl pour la deuxième réponse dont le contenu parait
anxiogène.
· Planche X :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
est plus prolixe qu'au début du protocole, les commentaires sur
l'aspect formel de la planche sont nombreux. Le temps de latence est
court.
Tous ces signes concourent à la mise en place
de manifestations émotionnelles intenses. L'association avec le terme
« bordel » est déniée, ce qui fait penser à la
présence de culpabilité quant à l'excitation pulsionnelle
induite par le stimulus (dont on peut retrouver les signes dans les
commentaires du sujet sur les « limites rouges »).
Réponse : la kinesthésie d'objet signe
l'émergence des pulsions sexuelles du sujet. La couleur est importante
dans la détermination de la réponse et dévoile la
prégnance du registre émotionnel.
· Facteurs spécifiques :
Le G% élevé arbore le souci de se maintenir
à distance du matériel.
Le F% élargi et le F+% élevés,
ainsi que le nombre de réponses banalisés témoignent d'une
participation subjective plutôt basse. L'apparition de contenu phobique
anxiogène appuie l'usage de mécanismes de défense sur le
registre de l'inhibition.
Plusieurs signes peuvent également assurer d'un
fonctionnement labile : le TRI est extratensif, la sensibilité à
l'environnement est représentée par la variété des
déterminants C, C', E et Clob, Le F% bas montre la prévalence
accordée à l'émotion, et plusieurs contenus à
valence régressive apparaissent dans le protocole. Nonobstant, il semble
que certains de ces signes montrent davantage les défaillances du
système défensif et le débordement du Moi par
l'angoisse.
Le système défensif de Leïla
opère donc principalement sur le registre de l'inhibition. En effet,
après l'analyse descriptive des conduites défensives
repérées dans le protocole, on remarque des difficultés
d'implication dans la passation qui se manifestent notamment par une forte
présence de G primaires, une réponse F+/-, l'utilisation de
contenus factuels et une persévération. La verbalisation, quand
elle n'est pas restreinte, se concentre sur des remarques descriptifs sur le
matériel qui ne sont pas cotables (planches VII, IX et X). Le TRI n'est
pas très dilaté.
Outre le fait que les mécanismes de
défense de Leïla semblent entraver le Moi dans ses capacités
d'analyse, de créativité et d'expression, ils paraissent,
à plusieurs reprises, insuffisants à contenir ses angoisses ;
elles transparaissent entre autres à travers la CF, le choc, le FE
tendance Fclob . Les conflits latents mobilisent une grande énergie
psychique qui semble également appauvrir le fonctionnement
global.
L'apparition de la couleur aux planches chromatiques a
un effet désinhibant. Cela permet à Leïla de varier ses
défenses, et notamment de recourir aux affects pour se défendre
des représentations gênantes. On observe ces
procédés très timidement à la planche VIII, et
plus
franchement à la planche IX. Ils opèrent
une contention correcte des mouvements pulsionnels. Cela dit, on constate que
le discours centré sur les émotions soutient le refoulement
massif puisque certaines << réponses » sont tellement vagues
qu'elles ne sont pas cotable.
Le système défensif de Leïla
s'avère donc rigide, et gêne son fonctionnement psychique
puisqu'il ne permet une utilisation harmonieuse des capacités du moi ;
la réalité interne semble étouffée, au
détriment des possibilités intellectuelles, imaginatives et de
l'expression subjective.
d) La représentation de soi :
D'après la grille établie pour les
réponses de Leïla57, plusieurs indices font état
de difficultés quant à la représentation de
soi.
La présence d'un seul H (Planche III), qui plus
est non sexué, montre l'embarras de cette jeune femme face à son
image corporelle. Il est à noter que le discours de l'enquête met
l'accent sur l'interstice blanc, interprété comme <<
séparation entre les jambes et le haut du corps ».
Néanmoins, la présence d'une seule Hd, de six A entiers,
l'absence de réponses
anat. et la
reconnaissance de la symbolique phallique planche IV et VI nous permettent
d'inférer que la représentation de soi est largement
esquivée, donc anxiogène, mais unitaire. Rausch De Traubenberg
précise aussi que la représentation de soi est unitaire
dès que la perception du D courant planche VIII est correcte, ce qui est
le cas pour Leïla. L'absence de réponses comprenant une
détermination sexuée dans le protocole signale les anicroches de
l'identification sexuelle.
Au niveau de l'analyse du mode de relation à
l'objet, il semble que l'investissement d'autrui soit évité.
Aucune interaction n'est présenté dans le protocole ; les deux
actions bilatérales (planche III et VIII) sont peu
spécifiées et ne laissent pas apparaître de motion
pulsionnelle particulière. De plus, on observe deux réponses
comportant un caractère agressif sans action (planche IV et IX)
indiquant la sensibilité anxieuse de Leïla à
l'agressivité venant de l'environnement. La tendance kp (planche IX)
insiste sur la gêne provoquée par le jugement d'autrui. La
réponse qui comprend une action simple impliquant kob (planche X)
témoigne du désir d'investissement libidinal dans un contexte
socialisé, indiquant par là même que les relations d'objet
ne sont pas complètement évitées. Toutefois, on remarque
que cette réponse intervient à la fin du test, alors même
que notre relation testeur-testé va se terminer.
57 Cf. Annexe p.
VIII.
e) Interprétation dynamique :
L'analyse du psychogramme de Leïla fait
apparaître le manque d'investissement des capacités
intellectuelles. A première vue, le fonctionnement intellectuel parait
très pauvre (R très bas, G% élevé, peu de
kinesthésies, persévération, 3F+ sur 4 sont des
banalités). Toutefois, l'exploration du F+% élargi montre la
bonne qualité formelle de la plupart des réponses. Si on le
combine à l'utilisation d'une G organisé, il précise la
présence de capacités intellectuelles. La
légèreté des facteurs intellectuels semble résulter
davantage d'un manque d'implication dans le test. Effectivement, le
surinvestissement du mode d'appréhension globale, associé
à la faiblesse d'appréhension des détails, dévoile
la superficialité de l'approche du matériel. Les facteurs G sont
associés à des déterminants de bonne qualité
formelle, démontrant ainsi les aptitudes synthétiques.
Néanmoins, la prégnance des G primaires témoigne de son
utilisation défensive, au détriment des potentialités
imaginatives. La présence d'une seule K confirme la carence de
créativité. Le fonctionnement décrit jusqu'ici s'inscrit
donc dans l'utilisation de défenses rigides par cette jeune femme.
Leïla est capable d'utiliser les couleurs, ce qui indique qu'elle est
sensible aux sollicitations externes. Le RC% et le A% bons, ainsi que les FC
> CF témoignent de l'expression socialisée et maitrisée
des émotions. Cependant, les difficultés à intégrer
le rouge aux planches II et III désignent l'embarras dans le maniement
de l'agressivité. De plus, La FC' et les deux FE font apparaître
l'anxiété latente contre laquelle Leïla se défend. Le
TRI et le RC% sont de type extratensif alors que la FS est introversif, ce qui,
selon Canivet (cité par Collado) indique un conflit. Cela précise
le fonctionnement sur le mode de l'inhibition de Leïla, d'autant plus que
les formules sont plutôt rétractées.
Le DblD associé à F +/- planche II, la
tendance Fclob planche IV, le Choc planche VI, la CF à valence
régressive et agressive et le Ddbl planche IX, sont autant de signes
indiquant que le sujet est parfois dépassé par l'angoisse, qui
désorganise quelque peu le Moi.
Par ailleurs, on remarque que Leïla montre des
signes d'angoisse principalement aux planches dont la symbolique sexuelle est
patente. A la planche II, la réitération de la réponse
« papillon », qui est aussi une banalité, montre que le sujet
met en place de forts mécanismes d'inhibition dès la rencontre
avec ce stimulus. A l'enquête, Leïla a du mal à retrouver
cette réponse, et le discours inclue l'interstice blanc (Dd 24), ce qui
signale la gêne ressentie face au rouge. La qualité formelle floue
(F+/-) de la seconde réponse révèle
l'anxiété latente. L'engramme est distinctement focalisé
sur la grande lacune centrale. Selon Chabert (1983), la centration sur le Dbl
s'inscrit toujours dans le contexte d'une faille et porte l'accent sur
l'incomplétude. Elle ajoute que l'apparition de ce type de
réponse à la planche II renvoie
souvent à l'angoisse de castration, notamment,
à la difficulté de se confronté à la
différence des sexes. De plus, Collado nous dit que les aspects sexuels
et le blanc de la planche réfléchissent la sexualité
féminine. Ainsi, il semble que Leïla soit angoissée face
à sa propre sexualité. Aux planches IV et IV, l'apparition de
deux FE de texture dont la tonalité est dysphorique marque les
difficultés face à l'identification à l'image paternelle.
Chabert soutient que les estompages de texture ont à voir avec la
carence des besoins fondamentaux. Or, ces deux planches provoquent un mouvement
régressif chez Leïla, qui s'exprime par la toute-puissance
attribuée à la réponse « monstre » planche IV et
par la survenue d'une réponse de registre oral à l'enquête
planche VI (« feuille de salade »). Alors que la FE planche IV se
présente doublée d'une tendance Fclob dans une valence
régressive-agressive, celle de la planche VI est accompagnée d'un
choc sexuel et se rattache à un contenu explicitement phobique
doué d'attribut viril (« moustaches »). Selon Mucchielli
(cité par Collado), la planche VI reflète la capacité du
sujet à s'assumer comme individu sexué. Par ailleurs, même
si l'angoisse est moins manifeste, on entrevoit la touche
d'anxiété que dégage la structure inachevée de la
planche VII. La sensibilité au gris témoigne bien de
l'anxiété diffuse de Leïla, et le commentaire qui suit
insiste sur le caractère ouvert de l'image. Elle force la mise en place
de défenses fortes par une régression infantile de sorte que la
symbolique féminine est esquivée.
La planche IX révèle l'émergence
de l'angoisse dans un registre conflictuel différent. Selon Monod
(citée par Chabert), cette planche témoigne de la position du
sujet tel qu'il se situe, seul face au monde. Or, la CF reflète
l'intensité émotionnelle dégagée, dont la
tonalité semble plutôt agressive (flammes et fumée).
D'ailleurs, notre patiente exprime clairement les affects négatifs
émanant de cette perception (« le bas est plus positif que le haut,
je le préfère »). La deuxième réponse, «
une observation », est appréhendée dans le Ddbl 23. Chabert
affirme que le Ddbl associé au regard témoigne de la
réactivation d'une culpabilité primaire ou d'un vécu
d'ordre persécutif. Ainsi, l'ensemble de ces réactions marquent
les craintes massives de Leïla face aux relations socio-affectives
profondes. D'autres facteurs dévoilent la perplexité de cette
jeune femme face au monde social. Toutefois, les mécanismes de
défense inhibent la survenue manifeste de l'angoisse. Nous pouvons
déjà désigner l'extratensivité du TRI alors que la
FS est introversif comme indice de cette problématique, puisque Collado
évoque à ce propos l'inharmonie entre le moi intime et l'image
que le sujet cherche à donner de lui-même. Qui plus est, les
commentaires réguliers lors de la passation montrent l'importance de
l'approbation du testeur et le besoin de réassurance que
nécessite l'appréhension de la tâche (principalement
planche I, IV, VII et IX). L'ensemble du discours
planche I signale le sentiment
d'insécurité de Leïla face aux situations nouvelles et au
jugement d'autrui. L'unique réponse correspond à la
banalité, et indique donc sa difficulté à s'affirmer
personnellement. La seule K du protocole, planche III, est très peu
spécifiée et entraine la mise en place d'une forte inhibition
face aux sollicitations extérieures. Il parait alors difficile pour
Leïla de se montrer telle qu'elle est devant autrui. On constate
également qu'elle est embarrassée face à la planche V
(commentaire, temps court, une seule réponse ban). Selon Anzieu
(cité par Collado), cette planche renseigne sur la représentation
de soi face au monde et sur l'état du moi. Or, l'enquête met
l'accent sur la dévalorisation (« un insecte car il est plus petit
que sur les autres dessins »). Pour la psychanalyse, la planche VIII
symbolise la rencontre avec le monde extérieur. L'apparition des
couleurs semble soulager Leïla. Elle autorise la projection de mouvement
en kan et l'utilisation adéquate de la couleur. On peut donc penser que
le comportement socio-affectif du sujet est adapté. Cependant Mucchielli
précise que cette planche suggère l'implication peu profonde du
sujet dans les relations sociales. Qui plus est, les réponses de
Leïla restent très factuelles. On comprend alors qu'elle peut
appréhender de manière positive l'environnement, mais dans un
fonctionnement qui reste très conformiste. Les réactions face aux
couleurs vives de la planche X font apparaître le paradoxe dans lequel se
situe le sujet. La réponse kob exprime clairement le désir
d'investissement libidinal, alors même que le transfert touche à
sa fin. La réponse adoucit néanmoins le pronostic quant aux
difficultés d'implication dans des relations socioaffective profonde,
malgré les commentaires signant la répression des pulsions
sexuelles par le Surmoi (les D9 sont interprétés comme des «
limites qui gênent le dessin »).
A l'issue de l'analyse du protocole de Leïla, on
observe que les mécanismes de défense sont rigides et entravent
le fonctionnement du Moi. De plus, ils sont parfois dépassés par
l'angoisse et laissent apparaître une forte conflictualité quant
aux identifications sexuelles. Le reste du temps, ils luttent ardemment contre
l'expression de la vie interne. Ainsi, Il semble très difficile pour
Leïla de s'affirmer face à autrui et de s'impliquer dans des
relations profondes. Ces différents constats nous permettent de
confirmer l'hypothèse selon laquelle Leïla présente une
vulnérabilité psychologique.
2/ Protocole de Sabrina
a) Présentation de la
participante
Sabrina est une jeune femme d'origine
Algérienne âgée de 25 ans lors de la passation de
l'épreuve. Elle est née à Lille, et son père et sa
mère sont arrivés respectivement en 1968 et 1971 en France. Elle
travaille également en intérimaire dans une usine. Elle ne
pratique pas de religion.
b) Les représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est inférieur à la norme.
Le TRI et la FS sont inversés et la FS est plus
dilatée que le TRI.
· Dans les modes d'appréhension :
1 DblD associée à un contenu Hd d'une
valence affective ambivalente.
· Dans les déterminants :
Une seule K
2 CF (dont 1 dysphorique), et 1 tendance CF.
3 FE (une associé à une remarque
symétrie, une associé au Hd à valence affective
ambivalente, et une associé à un contenu dysphorique), et 1
tendance FE.
· Dans les contenus :
2 symétries.
1 radio sous-tendant une réponse anatomie et 1
réponse foetus.
1 réponse sexuelle crue.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Le rouge n'est pas intégré aux
réponses de la planche II et III.
Pas de réponse couleur à la planche X avec
un temps par réponse supérieur à 1 minute.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : La verbalisation
peu apparaître légèrement minime.
Réponse : hésitation entre deux
représentations assez proches qui donne lieu à une
interprétation irréelle. Le recours à la banalité
pour la seule réponse dénote une certaine inhibition qui laisse
néanmoins entrevoir la subjectivité de cette jeune
femme.
Manifestations hors réponse : l'accent de la
verbalisation est porté sur le blocage associatif. Réponse : la
réponse est peu détaillée au début et marque
l'inhibition du sujet qui se lève ensuite pour laisser apparaître
une association révélatrice d'angoisse. L'enquête indique
une difficulté à retrouver la représentation
détaillée en après-coup qui nous permet d'inférer
l'émergence des processus primaire dans cette réponse. Le sujet
incorpore d'ailleurs le fond blanc de la planche à l'enquête comme
pour se défendre contre l'agressivité évoquée par
le rouge ; le déplacement sur un contenu animal semble s'installer comme
compromis à l'élaboration de l'agressivité. Le contenu
foetus et gémellité permettent d'entrevoir une angoisse de
séparation. Les mécanismes de défense paraissent donc ici
comme débordés par les processus primaires et les angoisses du
sujet.
· Planche III :
Réponse : la première réponse en
F- s'impose comme un recours au formel face à la gêne
représentée par la planche. Dans la deuxième
réponse, l'identité sexuée de l'engramme humain est
légèrement déniée laissant ainsi entrevoir une
certaine anxiété face à l'identification sexuelle.
Celle-ci ne bloque pas l'élaboration du sujet qui projette une relation
positive sur la planche. Nous pouvons faire l'hypothèse d'une formation
réactionnelle face à l'agressivité évoquée
par le rouge.
· Planche IV :
Manifestations hors réponses : critique du
matériel et précautions verbales (« une sorte de
>>).
Réponses : les réponses sont
focalisées sur l'aspect formel du matériel, ce qui suppose
l'utilisation de procédés rigides. La première
réponse comprend une dénégation du contenu humain et un
déplacement sur un contenu fantastique du monde enfantin.
Néanmoins, la rigidité et la régression ne permettent pas
de maintenir à l'écart la représentation sexuelle
phallique qui émerge crument et semble teintée d'une puissance
angoissante.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : précautions
verbales (« ça ressemble >>).
Réponse : la réponse, qui comprend une
hésitation entre deux représentations suivie d'une mise à
distance (« de dos >>), dévoile une sensibilité
anxiogène. Cependant, la construction de la réponse en kan figure
un système défensif opérationnel qui maintient à
distance les affects gênants sans entraver le fonctionnement
psychique.
Manifestations hors réponses : verbalisation
axée sur l'intellectualisation, suivie d'une remarque sur le blocage
associatif ; une précaution verbale.
Réponses : le contenu de la première
réponse s'inscrit dans une transparence du symbolisme sexuel
féminin dans une tonalité dépressive (impression de
fragilité) qui est déniée (« jolie fleur ») ;
Sabrina se défend par un déplacement sur un contenu intellectuel.
La deuxième réponse exprime clairement un symbole sexuel masculin
sur le mode de la sublimation. L'aspect estompé de la planche n'est pas
pris en compte, les deux réponses sont purement formelles. Tous ces
signes indiquent que les procédés rigides sous-tendent le
refoulement qui intervient face à la représentation
anxiogène de relations sexuelles.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : le temps de
latence est légèrement plus court.
Réponses : l'aspect régressif des
projections est prévalent à cette planche. Ce sont deux engrammes
humains qui expriment la faiblesse du moi et l'angoisse face à l'imago
maternelle. L'ambivalence affective qui accompagne la représentation
maternelle peut révéler à travers le déplacement
sur le contenu fictif et enfantin. La symétrie signale, au niveau le
plus manifeste, un recours aux caractéristiques objectives du
matériel. Ces procédés évitent le
débordement par le moi d'une angoisse envahissante, et laissent
simplement apparaître une sensibilité anxieuse face à la
problématique de Sabrina.
· Planche VIII :
Manifestations hors réponses : réaction
à la couleur qui s'inscrit dans une formation
réactionnelle.
Réponses : La première réponse
expose une inquiétude corporelle exprimée dans une réponse
«scientifique » ; après la banalité, la
troisième réponse s'inscrit également dans une
démarche intellectuelle (G combiné). La couleur semble importante
dans la détermination des réponses ici. L'intellectualisation
s'inscrit dans les procédés rigides qui permettent au sujet de se
défendre correctement face aux projections qui sont angoissantes (comme
le confirme le choix des planches négatives). En effet, ceux-ci ne
bloquent pas l'expression des affects.
· Planche IK :
Réponses : la première réponse
apparaît une fois de plus sur le mode de la régression, dans une
verbalisation imprégnée d'affects. La deuxième
réponse est centrée sur l'axe médian, mais intègre
la couleur dans une projection en mouvement, faisant appel à un
mouvement pulsionnel que l'on peut interpréter dans un sens de
vitalité. L'affectivité prend donc une
place essentielle dans le système
défensif du sujet dans une planche qui réactive l'affrontement
contradictoire des désirs (représentations et affects positifs
alors que Sabrina dit ne pas être << inspirée >> par
cette planche). En rapport avec la symbolique de la planche, on peut
émettre l'hypothèse d'une inquiétude quant aux relations
à autrui opposé au désir d'établir ces relations ;
les défenses interviendraient donc dans ce conflit afin de
réduire l'angoisse face aux relations d'objets.
· Planche X :
Manifestations hors réponses : le temps de
latence est relativement court.
Réponses : La couleur n'est pas
intégrée dans les réponses et signe une mise à
l'écart des émotions. La première réponse formel
est associée à un contenu architecture qui signifie le besoin de
structuration du sujet face à l'angoisse révélée
ici. La deuxième réponse indique la représentation d'un
visage humain, mais elle est exprimé dans le contenu masque, qui
s'inscrit lui-même dans un registre régressif. Sabrina use donc de
mécanismes de défense variés contre ses
préoccupations concernant les inquiétudes corporelles et les
relations humaines.
· Facteurs spécifiques :
On relève donc des signes de l'utilisation de
procédés rigides : intellectualisation et formations
réactionnelles.
En outre, on observe aussi des signes de l'utilisation
de procédés labiles : un contenu sexuel cru, des contenus
à valence régressive, TRI extratensif. Le symbolisme transparent
de certains contenus et l'affrontement entre désirs contradictoires
signalent l'utilisation des mécanismes de refoulement.
Le système défensif de Sabrina se base
principalement sur des procédés rigides. Le G%
élevé s'apparente à un souci de maitrise du
matériel. En effet, les G sont souvent organisés. Au niveau du
discours, on observe l'usage de précautions verbales : << une
sorte de >> (planche IV, VI, VII, VIII), << ça ressemble
assez >> (planche V), << on a l'impression de voir >>
(planche X), ainsi qu'une critique sur l'aspect externe du matériel
(planche IV). On voit également apparaître plusieurs formations
réactionnelles : le terme << jolie >> est associé
à un contenu dont la tonalité dépressive est patente
(planche VI), ou il est utilisé avec insistance à la planche IX
qui dégage des affects dysphoriques chez le sujet ; de même, la
formation réactionnelle planche VIII est claire dans le commentaire
<< ouah la couleur >>, alors que la réponse qui suit est
imprégnée d'anxiété et que cette planche fait
l'objet du choix négatif à l'épreuve du choix des
planches. Enfin, Sabrina se défend par des intellectualisations
planche
VI où l'accent est porté sur des
connaissances en horticulture, et planche VIII dans des contenus scientifique
et symbolique.
Par ailleurs, on distingue beaucoup de
régressions au sein du protocole puisque 6 réponses apparaissent
dans un contexte régressif (planche II, VI, VII, IX et X). Hormis la
réponse planche II qui spécifie nettement une régression
au stade foetal, les autres réponses s'inscrivent simplement le registre
du monde enfantin (plusieurs réponses font appel notamment à des
personnages de dessins-animés).
De plus, Sabrina a parfois recours aux affects pour se
défendre des représentations gênantes, comme le stipule le
G impressionniste planche VIII qui intègre la couleur et la
réponse CF planche IX.
Les mécanismes de défense de Sabrina
semblent relativement efficaces à contenir l'angoisse. En effet, Elle ne
présente aucun choc ni de Fclob qui sont les signes les plus directs
d'envahissement par l'angoisse. Ils n'inhibent pas à outrance les
capacités intellectuelles ou adaptatives du moi et permettent aux
émotions de s'exprimer (utilisation variée des
déterminants). Néanmoins, l'importance des régressions
indique que le sujet tend à se comporter de façon immature face
aux excitations pénibles. De plus, force est de constater
l'anxiété latente qui est présente tout au long du
protocole, sur laquelle nous reviendrons plus tard, et qui précise que
le système défensif de Sabrina doit lutter contre de vives
problématiques internes.
d) La représentation de soi :
A travers la grille de présentation de soi de
Sabrina58, on observe 5 réponses se référant
à des engrammes humains, tous nettement définis au niveau des
identifications sexuelles. Sabrina est donc capable de se représenter
comme individu sexué. La présence du D banal planche VIII et la
majorité des engrammes humains et animaux entiers (4 humains entiers et
5 animaux entiers) précise que l'image corporelle est unitaire.
Cependant, on note que 4 des réponses humaines, ainsi que la tendance Hd
planche X, s'inscrivent dans un registre régressif (engrammes enfants
et/ou irréels), ce qui laisse penser que le sujet adopte une position
quelque peu immature et anxieuse face à sa sexualité. De
même, la présence de 2 engrammes jumeaux précise la
fragilité des assises narcissiques de Sabrina. On remarque d'ailleurs
que cette caractéristique apparaît face aux deux planches dont la
symbolique féminine est patente (planche II et VII).
58 Cf. Annexe p.
IX.
Au niveau des relations d'objet, Sabrina
présente une seule K dans son protocole, ce qui semble indiquer qu'elle
montre des difficultés dans l'abord des relations sociales.
Néanmoins, cette kinesthésie est de bonne qualité, et
s'inscrit dans une interaction réciproque positive. Elle prend donc
valeur de pronostic plutôt positif et représente les
possibilités d'investissement dans les relations socio-affectives. La
kinesthésie animal planche V signale également les
capacités d'action face à l'environnement, et la
kinesthésie d'objet planche IX sous-tend la force des pulsions de vie.
Sabrina est également capable d'élaborer ses pulsions agressives,
comme le témoigne la kinesthésie animale planche II qui, selon
Rausch De Traubenberg, est un indice d'une représentation de soi d'un
niveau évolué. Nonobstant, la forte régression
associée à la projection de l'interaction réciproque
agressive précise que le maniement de l'agressivité est encore
problématique. 2 autres réponses apparaissent dans un contexte
agressif sans action ou d'action agressive subie. Tous ces signes
déterminent l'hypothèse selon laquelle les relations d'objet
opèrent dans un registre génital, mais elles paraissent
menaçantes pour Sabrina, et forcent parfois une régression aux
stades antérieurs.
e) Interprétation dynamique
Plusieurs éléments du protocole de
Sabrina font état de bonnes capacités intellectuelles. Les
contenus utilisés sont variés, les G sont
régulièrement organisés, et associés à des
F+. D'ailleurs, Sabrina donne une réponse globale organisée
à la planche VIII qui se prête peu à ce mode
d'appréhension, ce qui témoigne, selon Collado, d'un bon niveau
intellectuel. Le F% est correcte, ainsi que le F+%, bien qu'il ait tendance
à être élevé, ce qui pourrait signifier que ce sujet
agit sur un mode défensif. Le A% relativement faible insisterait en ce
sens. De même, la faiblesse du D% et l'absence de Dd dénotent un
manque d'analyse du matériel, qui prend alors sens de défense
face à l'implication dans l'épreuve. Le système
défensif entrave donc l'harmonie intellectuelle et inhibe quelque peu le
sujet, comme le confirme le nombre de réponses total qui est en-dessous
de la norme. Au niveau de la structure affective, la formule CF > FC
dévoile l'immaturité affective de cette jeune femme. La
récurrence des contenus appartenant au monde enfantin soutient cette
hypothèse. La présence de 3 réponses FE précise la
tonalité anxieuse de l'affectivité, mais qui reste toutefois bien
contrôlée ; elle ne semble pas entraver l'adaptation du sujet. Par
ailleurs, le TRI extratensif qui s'oppose à la FS introversif est un
indice de conflit. Ceci confirme le fonctionnement inhibé de Sabrina. De
plus, la FS est plus dilatée, ce qui, d'après Canivet, exprime
encore l'inhibition de la vie psychique. Le H% élevé semble
indiquer quant à lui que Sabrina est quelque peu
préoccupée par les relations humaines.
En effet, plusieurs facteurs témoignent du
<< malaise >> de Sabrina face aux sollicitations environnementales.
Tout d'abord, on remarque que cette jeune femme adopte un comportement
d'emblé inhibé à la planche I. Or, selon Collado, cette
planche réactive le vécu d'une situation nouvelle sous le
jugement d'autrui. Si l'on se réfère aux détails
donnés à l'enquête, on peut penser que le regard d'autrui
est menaçant pour Sabrina puisque l'engramme perçu est
doté d'attributs agressifs (<< griffes >>, <<
mandibules >>). Le fait que les deux animaux perçus soient
<< mélangés l'un avec l'autre >> fait ressortir la
fragilité du Moi dans ce contexte. De même, la thématique
agressive évoquée par la planche II provoque l'émergence
d'angoisse qui se repère facilement dans la forte régression
qu'elle induit et le recours à la symétrie pour lutter contre
elle. Néanmoins, Sabrina montre qu'elle est capable d'élaborer
les pulsions agressives en les déplaçant sur une
kinesthésie animale. Mais, si l'on se réfère à la
signification d'attitude affective infantile que Rausch De Traubenberg attribue
à la kan, on ne peut que constater la prégnance du recours
à la régression. La présence d'une FE de texture à
la planche V et le fait que l'engramme soit perçu de dos
dévoilent la sensibilité anxieuse du sujet face à cette
planche. Chabert affirme que les estompages de texture représentent une
protection contre les stridences désagréables de la
réalité externe. Ainsi, on peut penser que Sabrina recherche un
soutien qui lui permettrait de réalisé son unité
personnelle. La perception kinesthésique indiquerait qu'avec un minimum
d'étayage, cette jeune femme est tout à fait capable
d'élaborer une image de soi positive face au monde. De même, la FE
de perspective planche VIII, sous-tend une réponse anatomie. Or, selon
la psychanalyse, une telle réponse indique des relations sociales
conflictuelles avec intériorisation du conflit. Le contenu est
déterminé par une action agressive subie (<< crâne
ouvert >>), ce qui confirme la sensation de menace qui émane de la
rencontre avec le monde extérieur. Cependant, force est de constater
qu'après cette première appréhension anxieuse de la
planche, Sabrina donne deux autres réponses, dont une G secondaire qui
prend en compte la couleur, et qui, selon Collado, témoigne d'un bon
équilibre affectif. Le système défensif permet ici de
dépasser le conflit pour appréhender correctement la situation et
renforce le pronostic positif quant aux possibilités évolutives
du sujet. La kinesthésie humaine investie d'une interaction
réciproque positive planche III, et la kob planche IX
représentant directement les pulsions de vie, insistent également
sur le désir d'investissement libidinal dans les relations
socio-affectives.
Par ailleurs, Chabert précise que l'estompage
de perspective dénonce les insuffisances narcissiques, tout en
constituant une tentative d'y faire face. On observe ce fonctionnement à
plusieurs reprises dans le protocole de Sabrina. En effet, la faiblesse des
assises narcissiques
transparait clairement à travers la
thématique de gémellité. D'après Chabert, les
scénarios relationnels qui impliquent deux personnages ou deux animaux
dans une relation narcissique de double ont pour visée
l'évitement d'une relation entre deux êtres différents, ce
qui pourrait engendrer une conflictualité impossible à admettre.
Or, ce type de réponse apparaît une première fois à
la planche II qui, pour Canivet (cité par Collado), renvoie au
problème des relations mère-enfant, puis à la planche VII,
particulièrement reconnue comme planche maternelle. Ceci semble indiquer
que la relation de Sabrina à sa mère n'a pas été
suffisamment sécurisante pour envisager sereinement la séparation
et assurer au sujet une stabilité des assises narcissiques. De
même, Loosli-Ustéri (citée par Collado) affirme que le
creux blanc planche VII doit refléter les aspects maternels
sécurisants. Or, le contenu projeté par Sabrina dans ce creux
signifie clairement l'ambivalence de l'imago maternelle, qui apparaît
soit comme << princesse », soit comme << sorcière
». En outre, on remarque que le sujet met en place des mécanismes
pour lutter contre ces failles narcissiques. La présence de deux
contenus architecture (planche IX et X) est un indice de solidité de
l'image du Moi. Ce type de contenu insiste sur les limites
intérieur/extérieur. De plus, le protocole de Sabrina fait
apparaître à plusieurs reprises ce que Chabert nomme les
réponses << peau », dont le contenu évoque une surface
limitante entre dedans et dehors. En effet, la première réponse
de la planche VII est investie d'une fonction (<< indien ») et la
deuxième et parée d'objets (<< bijoux », <<
colliers », << chose qui lui couvre tout le crâne »).
L'ensemble de ces signes rend compte de l'établissement de
barrières très investies dans le but de se défendre face
à la fragilité narcissique.
Enfin, il nous semble important de noter
l'anxiété que ressent Sabrina face à son identité
sexuelle. Comme nous l'avons précisé auparavant, les
identifications sexuelles sont définies. Néanmoins, on constate
une certaine hésitation dans l'attribution de l'identité
féminine à l'engramme humain planche III : << je dirais pas
des femmes, mais ça a quand même le corps un peu de femme ».
Cette hésitation est minime puisqu'elle est totalement levée
à l'enquête. On perçoit une réponse sexuelle crue et
dépressive à la planche IV: << gros appareil génital
qui traine par terre ». Elle dévoile la puissance angoissante
attribuée à l'imago paternelle. On repère d'ailleurs
l'embarras du sujet dans le maniement excessif de la planche. De plus, la
planche VI fait ressortir une grande impression de << fragilité
» associée à un contenu dont la symbolique sexuelle
féminine est patente. Or, pour Monod, cette planche évoque la
position de la femme face à l'autre sexe. On peut donc penser que
Sabrina se sent quelque peu menacée dans sa féminité face
au sexe masculin. Le fait que le symbole phallique soit
interprété comme « quelque chose de
sacré » semble préciser la puissance accordée
à la position masculine et la dévalorisation de la position
féminine qui y est associée.
A travers cette analyse, nous percevons clairement la
fragilité des assises narcissiques de Sabrina et ses difficultés
d'affirmation dans sa position féminine. Ceci explique probablement le
manque d'assurance qu'elle ressent face à l'environnement et aux
relations socio-affectives en général. Cependant, plusieurs
signes indiquent que le système défensif de cette jeune femme,
quoique légèrement rigide, semble efficace et lui permette de
surmonter ses difficultés avec un minimum d'étayage. Sabrina
parait capable se tourner vers les autres et de s'investir. Etant
donnée les possibilités d'évolution positive, nous ne
pouvons confirmer l'hypothèse d'une vulnérabilité
psychologique chez ce sujet.
3/ Protocole de Narjis
a) Présentation de la
participante
Narjis a 24 ans lors de notre rencontre. Elle est
née en Ariège, de parents Marocains. Sa mère est
arrivée en 1978 en France, mais elle n'a aucune idée de la
période d'immigration de son père. Elle est Auxiliaire de Vie
Scolaire, s'occupant d'une petite fille handicapée moteur. Narjis est de
confession musulmane et pratiquante.
b) Représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est inférieur à la norme.
La succession est relâchée et
accompagnée de Chocs (dont un choc couleur).
· Dans les modes d'appréhension :
2 Dd (1 associé au choc au noir et l'autre
à une réponse sexuelle crue).
· Dans les déterminants :
3 F-.
1 seule K.
2 FC (dont une dysphorique et rattachés à
des contenus anatomie et Hd).
2 C pures.
4 FE (dont 2 associés à Hd).
2 chocs (un choc au noir et un choc
couleur).
· Dans les contenus :
2 anatomies.
2 réponses sexuelles et une tendance.
Hd > H et Ad > A.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Indicateur d'angoisse = 38,1% (avec 3 contenus
présents sur les 4 facteurs). 1 seule réponse à la planche
IX et pas de réponse couleur à la planche X. Augmentation du
temps par réponse à la planche VII et IX.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : précaution
verbale (« impression de voir »).
Réponse : les 2 réponses sont
données en F+ et D, ce qui montre l'attachement au concret ; la seconde
représentation est déniée dans une verbalisation qui
insiste sur l'importance de la logique pour le sujet. Celui-ci parait donc se
défendre de l'anxiété exprimée distinctement
à l'enquête par des procédés rigides.
· Planche II :
Manifestations hors réponse : restriction de la
verbalisation et du discours ; les temps de latence et de réponse sont
très courts.
Réponse : Le rouge est évité
dans la réponse ; néanmoins, l'enquête révèle
l'angoisse qui y est associée dans un contexte de castration. Le contenu
de la réponse correspond à une banalité. Le fonctionnement
défensif s'élabore sur le mode de l'inhibition, néanmoins
il ne suffit pas à maintenir à l'écart des
représentations et des affects teintés d'angoisse.
· Planche III :
Manifestations hors réponse : précaution
verbale (« impression de voir ») et commentaire sur le blocage
associatif concernant le rouge.
Réponse : la première réponse
est encore une banalité et signale une persévération.
L'action représentée est très floue et indique que
l'imagination est inhibée. L`identité sexuée des engrammes
est présente mais l'enquête révèle la faiblesse de
l'image corporelle de Narjis (la réponse devient H/A et la
deuxième réponse Anat) contre laquelle elle essaie de se
défendre par une dénégation (l'aspect dysphorique du rouge
est dénié à l'enquête). On retrouve donc
une angoisse face à l'identification sexuelle
féminine ; la remarque face au rouge et l'association avec le contenu
anatomie signe la suggestibilité du sujet.
· Planche IV :
Manifestations hors réponses : le temps de
latence est très élevé. Choc. A la fin de la planche, la
verbalisation concerne le blocage associatif.
Réponses : Narjis est submergée par
l'angoisse. La première réponse apparaît en Dd et signale
la fuite dans les éléments perceptifs face à la
massivité dysphorique de la planche. Le lien entre les deux
représentations est dénié (« ne vas pas du tout avec
tout le reste ») et l'angoisse est trop présente pour permettre
l'élaboration d'une identification sexuelle masculine. La focalisation
sur la tête d'animal vient peut-être contre-investir la
représentation sexuelle masculine. Les représentations sont
également déniées au début de l'enquête. La
deuxième réponse s'exprime dans une tonalité distinctement
dépressive dont l'estompage met en évidence l'insatisfaction des
besoins fondamentaux. En conséquence, les procédés rigides
sont insuffisants à contenir l'angoisse du sujet.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : temps de latence
élevé et précaution verbale (« j'aurais dit »).
Réponse : la première réponse, qui fait apparaître
la banalité, s'avère quelque peu anxieuse à
l'enquête (papillon sans ailes). La deuxième réponse (F-
Ad) dévoile les défaillances du contrôle formel face
à une représentation imprégnée d'agressivité
mais qui apparaît de façon moins crue qu'à d'autres
planches. Le matériel réactive donc une anxiété
contre laquelle Narjis se défend correctement puisque les
procédés d'élaboration ne signalent pas de
désorganisation patente.
· Planche VI :
Réponses : le recours à l'axe
médian et à l'estompage de perspective soulignent la
fragilité narcissique du sujet en même temps qu'ils montrent la
tentative d'y faire face. L'angoisse est latente dans les trois
réponses. La confrontation à la relation sexuelle parait
anxiogène, et l'apparition de deux réponses sexuelles montre
l'échec du refoulement.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
minime et les temps de latence et de réponse longs équivoquent
à des procédés d'inhibition.
Réponses : les réponses semblent
s'inscrire dans un contexte régressif. A l'enquête, le discours
concernant la deuxième réponse arbore une formation
réactionnelle (« tout est bien représenté »).
Dans le même mécanisme qu'à la planche IV, l'investissement
du contenu tête
signe probablement l'évitement de la
représentation sexuelle féminine. Le système
défensif construit sur des procédés d'inhibition entrave
légèrement l'expression de la vie imaginative.
· Planche VIII :
Réponses : la première réponse
fait apparaître l'utilisation du refoulement pour lutter contre une
identification sexuelle inquiétante ; à l'enquête, la
verbalisation concernant cette représentation est fortement
érotisée. La deuxième réponse est une
banalité ; le contenu animal reste très vague. La
troisième réponse fait explicitement apparaître les
mécanismes de refoulement en jeu ; l'association d'un G impressionniste
et du C pur révèle le recours aux affects dans un souci de
maintien à distance du matériel. Les procédés
labiles du discours sous-tendent les mécanismes de refoulement qui
laissent toutefois transparaitre les préoccupations libidinales de
Narjis.
· Planche IX :
Réponses : la présence du choc à
la fadeur confirme l'hypothèse d'une fragilité de
l'identité et de l'identification sexuelle notamment. Le discours est
essentiellement centré sur les émotions, et la seule
réponse en G impressionniste et C démontre le refoulement.
L'affrontement entre des désirs contradictoires transparait au sein de
la réponse même qui indique deux affects opposés (vie et
mort). Narjis semble envahit par l'émotion dans son aspect
défensif qui bloque les capacités intellectuelles
ici.
· Planche X :
Réponses : L'ensemble du discours et des
réponses dévoilent l'insistance des inquiétudes face aux
relations sexuelles. La première réponse s'inscrit comme une
persévération quasiidentique à la réponse 15 et
indique la récurrence des inquiétudes du sujet quant à sa
propre sexualité/féminité. La réponse anatomie qui
suit accentue ce phénomène alors que la troisième
réponse laisse apparaître l'anxiété face à
l'autre sexe. Le système défensif s'appuie sur des
procédés rigides (non prise en compte de la couleur) mais semble
inopérant : Le moi est envahit par les
préoccupations.
· Facteurs spécifiques :
Les procédés rigides se manifestent par
une forte utilisation du D et du Dd qui indiquent l'attachement aux
détails et la négation des liens entre les
représentations. De plus le F% est dans la norme et montre le recours au
formel pour maintenir la vie psychique interne à distance.
Par ailleurs, le recours aux affects intervient
également et s'exprime à travers une mise à distance du
matériel (G impressionnistes), une érotisation des relations
homme/femme latente,
l'affrontement entre des désirs contradictoires
et le TRI extratensif. Le refoulement est souvent mis en échec. On
observe ce phénomène par une relative perte de contrôle sur
la réalité objective (F+% inférieur à la norme),
l'apparition de contenus sexuels crus et des manifestations
émotionnelles très intenses à la planche VIII et IX (C
pures).
Les mécanismes de défense de Narjis
interviennent principalement dans le cadre des procédés labiles
du discours. On remarque d'emblée la grande suggestibilité du
sujet par rapport aux qualités chromatiques des planches. D'autant plus
que l'expression des affects prend un aspect souvent excessif, soulignant la
mise en place du recours à la dramatisation. Les planches noires
suscitent des commentaires anxieux ou dépressifs (planche I, IV, V) et
l'apparition de la couleur planche VII entraine l'expression direct des
émotions positives (<< chaleur >>, << coeur >>
etc.) ; Le rouge soulève des préoccupations somatiques, et les
deux planches grises appellent à l'utilisation de l'estompage. Quant
à la planche IX, elle laisse transparaitre de manière
exagérée l'affrontement d'affects opposés (<< la
vie, la mort >>). Les engrammes humains sont caricaturés dans leur
identité sexuelle ; les personnages féminins sont décrits
par leur << poitrine >>, leurs << fesses >>, leurs
<< parties intimes >> (planche III, VIII, X). La planche VI et la
planche X dévoilent la prégnance de l'érotisation des
relations homme/femme. L'utilisation de G impressionnistes indique le souci de
se maintenir à distance du matériel. On entrevoit ce
mécanisme de façon explicite à la planche IX où il
témoigne de l'intensité du refoulement. Enfin, le TRI extratensif
souligne le recours soutenu aux manifestations sensorielles (présence de
2 C pures et la FS est extratensive pure). Néanmoins, Plusieurs facteurs
témoignent de l'utilisation synchronique de procédés
rigides. On constate une forte utilisation des détails (D%
élevé), et, face à l'angoisse provoquée par la
planche IV, Narjis se réfugie dans un Dd en premier lieu et insiste sur
l'absence de lien entre ce détail et le reste de la planche. Le discours
concernant la réponse anatomie planche III montre l'utilisation d'une
dénégation : << le rouge ça relie au sang, mais ce
n'est pas négatif, ça fait pas peur >>, et le discours
planche VII indique une formation réactionnelle : << tout est bien
représenté >>.
Toutefois, face à l'acuité de l'angoisse
que nous pouvons déceler à travers plusieurs manifestations
explicites (2 chocs, indicateur d'angoisse = 38,1% entre autres), les
mécanismes de défense de Narjis semblent peu efficaces. De
même, ils ne parviennent pas toujours à maintenir l'adaptation du
Moi à la réalité objective, comme l'exprime le F+% qui est
un peu faible (75%).
d) La représentation de soiLa
grille de représentation de soi de Narjis59 montre que cette
jeune femme est
globalement préoccupée par cette
problématique. Au niveau de l'image du corps, on remarque que les
réponses Hd et les réponses Ad sont supérieures aux
réponses A et H, ainsi que la présence de deux anatomies, ce qui
signe la gêne de Narjis à percevoir son entité corporelle.
Néanmoins, la perception de plusieurs engrammes humains entiers dont
l'identité sexuelle est clairement définie précise que la
nature du conflit se situe ailleurs que dans une perception morcelée du
schéma corporel qui relèverait d'un fonctionnement psychotique.
Plusieurs Hd et Ad témoignent d'ailleurs de la focalisation sur la
partie << tête >> aux planches dont le symbolisme sexuel est
patent (IV, VII), et servirait en ce sens là de défenses face aux
représentations sexuelles anxiogènes. A l'inverse, d'autres
engrammes humains, qu'ils soient perçus entièrement ou non,
insistent fortement sur les attributs sexuels. Cela se produit
particulièrement pour les représentations féminines
(planche III, VIII et X) et la persévération s'inscrit dans ce
contexte. Ainsi, ils notifient davantage le questionnement paroxystique de
Narjis quant à sa féminité qu'ils ne signifient la
stabilité de son identité sexuelle.
Par ailleurs, la présence d'une seule
kinesthésie au sein du protocole précise l'inhibition de Narjis
par rapport à l'investissement des relations d'objet. La K planche III
représente une action très neutre, et la tendance kp planche VII
marque la timidité de ce sujet à s'engager dans une relation. De
même, la description des personnages planche II qui sont << face
à face >> et ont les << mains collées >> nous
amène à penser que la perception du mouvement est proche de la
conscience, mais reste refoulée devant le danger que représente
l'expression des motions agressives suscitées. De plus, Narjis donne
deux réponses (planche IV et V) qui incluent soit un caractère
agressif sans action, soit une action agressive subie, et qui signalent donc la
sensation de menace qui peut émaner du monde environnant.
e) Interprétation dynamique
Si l'on se réfère aux valeurs du
psychogramme de Narjis, on relève que le niveau intellectuel est
correct. Le type d'appréhension est varié et
équilibré, ce qui pourrait indiquer une certaine harmonie
intellectuelle. Toutefois, on remarque que le système défensif
vient infiltrer ce constat. 3 G sont des banalités tandis que les 2
autres se rapportent distinctement à des représentations
écrans. Ce mode d'appréhension est donc plus représentatif
d'une approche superficielle du matériel que de capacités
synthétiques et imaginatives. L'unique K
59 Cf. Annexe p.
X.
témoigne également des carences de
créativité. De même, l'apparition des Dd indique une
désorganisation de la pensée, et non une finesse dans l'analyse
du matériel, puisque l'un apparaît en premier lieu lors du choc
à la planche IV et l'autre est associé à un F- et une
réponse sexe à la planche VI. Le F+% est relativement faible et,
si l'on observe les réponses F- de Narjis, on se rend compte qu'elles
portent le poids des préoccupations fantasmatiques de cette jeune femme,
qui débordent alors dans la sphère intellectuelle. Narjis semble
aussi avoir du mal à contrôler ses émotions ; en premier
lieu, nous pouvons nous référer à l'extratensivité
des deux formules du TRI (la FS est extratensive pure). Les émotions
envahissent facilement le Moi. C'est d'ailleurs un des principaux
mécanismes de défense du sujet qui sous-tend le refoulement des
représentations gênantes (contexte d'apparition des 2 C pures). Il
s'agit surement d'affects << superficiels » plutôt que de
débordement pulsionnel à proprement parler. Quant aux deux
réponses FC qui indiqueraient une certaine harmonie entre les facteurs
intellectuels et émotionnels, force est de constater qu'elles renvoient
à des contenus qui sont rattachés aux conflits inconscients. Tous
ces signes nous amènent donc à penser que les
problématiques inconscientes de Narjis occupent une place importante
dans son psychisme. Soit elles mobilisent une grande énergie psychique
pour s'en défendre, soit elles enrôlent l'ensemble de la
sphère cognitive et émotionnelle lorsqu'elles ne sont pas
suffisamment contenues.
Par ailleurs, il est difficile de ne pas remarquer la
tonalité érotique de l'ensemble du protocole. L'identité
sexuelle de cette jeune femme est au coeur de ses préoccupations. Nous
avons déjà évoqué le caractère excessif des
qualifications sexuelles des engrammes féminins ; ils sont presque
à chaque fois décrit à travers << la poitrine
», << les fesses », les parties intimes ». Le symbolisme
féminin de la planche VII est bien reconnu, mais il rend Narjis
anxieuse. Cela se remarque notamment par une forte manipulation des planches et
des temps relativement longs. De plus, on perçoit plusieurs
mécanismes de défense qui luttent efficacement contre
l'émergence d'une représentation sexuelle. Les deux
réponses s'inscrivent dans un contexte régressif, portent sur des
contenus << tête » et se localisent dans le haut de la
planche. Le terme << fillettes » figure bien le caractère non
pubère de l'engramme humain. Quant à la FE de texture, elle met
en évidence l'anxiété et la régression que Narjis
effectue afin de l'apaiser. Les planches VI et X dévoilent la
problématique du sujet dans ses rapports avec le sexe opposé. En
effet, la confrontation avec les détails phalliques de la planche VI
donne lieu à une FE de perspective et une mise à distance de
l'engramme perçu : << vraiment une image de très loin
». Selon Chabert, la FE de perspective représente le
décalage entre les aspirations profondes du sujet et sa position
effective qu'il déprécie. Les réactions de Narjis à
cette
planche figurent donc son fonctionnement en faux-self.
L'apparente facilité avec laquelle elle aborde le thème de la
sexualité ne ferait que masquer la faiblesse de l'estime de soi dans les
situations mettant en jeu un comportement sexuel. Les réponses de la
planche X précise l'angoisse latente qui découle de la
confrontation au sexe masculin. On y voit encore une représentation
féminine très sexualisée, doublée d'une
réponse anatomie (« ovaires »). Puis, face à ces
réponses, apparaît une représentation masculine anxieuse
qui entraine le recours à l'estompage. C'est probablement cette angoisse
latente qui bloque l'émotivité de notre patiente puisqu'elle ne
donne aucune réponse intégrant la couleur à une planche
qui provoque normalement l'extratensivité. En outre, à la planche
III, on remarque que le conflit d'identification sexuelle déstabilise le
Moi puisqu'il entraine la confusion des règnes : les femmes
perçues deviennent mi-femmes, mi-animaux. Ainsi, l'ensemble de la
sphère identitaire est fragilisé. Le choc planche XI est
accompagné d'un discours qui met l'accent sur le «
dégradé » de la planche. Nous pensons donc qu'il s'agit d'un
choc à la fadeur, ce qui d'après Collado, indique un manque de
structuration de l'identité. La réponse qui suit signale
l'intensité du refoulement face aux pulsions qui paraissent
difficilement maitrisables. En effet, la psychanalyse considère que
cette planche met le sujet en face de ses propres pulsions, et Narjis donne ici
une C pure qui représente sans façon le conflit entre les
désirs contradictoires du sujet.
Qui plus est, ce protocole montre une expression
franche de l'angoisse de castration. La problématique de Narjis se situe
donc clairement dans le registre oedipien. Dès la première
planche, notre patiente projette une image masculine dysphorique. Le discours
de l'enquête marque la fragilité des limites du Moi, conflit
probablement réanimé face au père oedipien venant troubler
la relation mère-enfant. Elle se défend de ce flou par une
réponse peau : « avec un long manteau
». Narjis est aussi très sensible à l'agressivité
suggérée par la planche II. La couleur rouge réactive
l'angoisse de castration et la culpabilité ; le sujet associe cette
couleur à « la douleur, la maladie, la pauvreté ». En
conséquence, le Surmoi oppressant inhibe globalement le psychisme :
Narjis, donne une seule réponse banale et peu détaillée
lors de la passation, le temps de latence et de la planche est très
court, et la kinesthésie est réprimée. Selon Collado, le
Choc-Clob planche IV est l'expression de l'angoisse face au Surmoi. Cette
angoisse est telle qu'elle donne à une perception en Dd en premier lieu,
associée à un contenu « tête d'insecte » qui
signale le déni de la puissance paternelle. Celle-ci fait retour dans la
réponse qui suit : « feuille qui a été bouffée
par les insectes ». Par ailleurs, Rausch de Traubenberg affirme que la
véritable représentation de soi commence à travers la
reconnaissance du stimulus et de sa signification. Or, si la signification est
reconnue en après-
coup par le sujet, elle donne lieu à une
réponse franchement dépressive. La FE de texture insiste ici sur
les carences affectives. Ceci nous amène à nous questionner sur
la qualité de la relation de Narjis à sa mère. Il semble
qu'elle n'est pas été assez sécurisante pour envisager une
séparation sereine. On comprend alors la menace que représente
l'imago paternelle dans sa fonction de tiers séparateur. Enfin,
l'angoisse libérée à cette planche est tellement forte
qu'elle persiste à la planche V. En effet, la thématique de
castration est encore représentée dans les réponses du
sujet à cette planche, alors que celle-ci ne suggère pas ce type
de problématique en temps normal. La banalité est bien vue, mais
l'enquête fait apparaître une réponse de type <<
défect >> : << on voit le papillon sans forcément
voir les ailes >>. De plus, la deuxième réponse prend un
caractère agressif et menaçant.
Les conflits de Narjis sont si intenses qu'ils
paraissent envahir sa vie affective et relationnelle. Si l'on se
réfère aux planches chromatiques qui suscitent les sollicitations
au monde extérieur, on constate la prégnance de la
thématique sexuelle. L'émotivité est soit mise en avant de
manière factice (G impressionnistes déterminés par des C
pures planche VIII et IX), soit totalement refoulée (absence de
réponses couleurs planche X). Cela signifie probablement que cette jeune
femme se maintient à des relations quelque peu superficielles et ressent
des difficultés à s'investir dans des relations plus profondes.
Le H% très élevé révèle effectivement les
inquiétudes du sujet par rapport aux relations sociales en
général.
Pour conclure, nous pensons pouvoir dire que Narjis
présente les caractéristiques d'un fonctionnement
hystérique. Le questionnement de celle-ci sur son identité
féminine occupe la première place dans sa vie psychique. La
résurgence du conflit oedipien mobilise l'ensemble des fonctions du Moi.
Il envahit la sphère intellectuelle et force la mise en place de
défenses << coûteuses >> pour l'économie
psychique et insuffisantes à contenir l'angoisse. Les fragilités
identitaires qui en découlent entravent son adaptation sociale.
Plusieurs signes laissent penser que cette participante adopte un comportement
en faux-self dans son monde relationnel. Cette analyse aboutit donc à
la confirmation de l'hypothèse de départ : Narjis présente
un fonctionnement psychique vulnérable.
4/ Protocole d'Amel
a) Présentation de la
participante
Amel, âgée de 24 ans lors de la
passation du test, est née à Toulouse de parents
Algériens. Son père est arrivé en 1964 et sa mère
l'a rejoint en 1976. Elle effectue un Certificat d'Aptitudes Professionnelles
dans le domaine de la coiffure. Cette jeune femme est musulmane mais non
pratiquante. Par ailleurs, elle a été victime d'une agression
donnant lieu à un procès, durant lequel elle a été
soumise à la passation de quelques planches du Rorschach en 2006. Elle
est toujours suivie par un médecin psychiatre depuis ce
jour.
b) Représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est très bas et le discours associatif est
très pauvre.
· Dans les déterminants :
1 seule K.
2 C pures (1 associée au contenu sang). 1
Fclob
1 EF.
1 Choc majeur.
· Dans les contenus :
1 réponse sang.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Refus des planches II, VI et IX.
1 seule réponse à IV associée au
Fclob.
b) Les mécanismes de défense
:
· Planche I :
Manifestations hors réponse : la verbalisation
est d'emblée minime ; un commentaire sur le blocage
associatif.
Réponse : La seule réponse est une
banalité. L'ensemble de ces caractéristiques montre une
inhibition importante d'Amel.
· Planche II :
Manifestations hors réponse : Refus ; le discours
exprime clairement le recours au caractère objectif du matériel
(« une tache noire »).
Réponse : l'inhibition est quelque peu
levée à l'enquête pour permettre l'expression d'une
réponse qui reste toutefois très floue. (Pas de
kinesthésie et anonymat complet des engrammes humains).
· Planche III :
Manifestations hors réponse : toujours le recours
aux caractères objectifs de la planche, accompagné d'une
verbalisation portant sur le blocage associatif ; le discours est restreint.
Réponses : la première réponse est
caractérisé par le défaut de précisions quant
à l'action projetée et à l'identité des humains.
Elle signale également l'inhibition du sujet. En outre, celle-ci ne
réussit pas à contenir l'angoisse d'Amel qui transparait
clairement dans la deuxième réponse.
· Planche IV :
Manifestations hors réponses : recours aux
données objectives du matériel.
Réponse : hésitation entre deux termes
très proches pour la même représentation. La perception de
la représentation est peu caractérisée (« animal
»). Le caractère de puissance est contre-investit à
l'enquête par une projection beaucoup plus petit (« insecte »),
ce qui peut être interprété comme une défense
vis-à-vis de l'autorité paternelle source d'angoisse.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : recours aux
données objectives du matériel et commentaire sur le blocage
associatif.
Réponse : la seule réponse se
caractérise par son contenu stéréotypé et banal.
L'inhibition persiste.
· Planche VI :
Manifestations hors réponses : refus de la
planche qui signe un fonctionnement sur le mode d'une inhibition
complète face à cette planche patente en symbolisme. La
tâche est complètement évitée.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : le discours est
toujours très restreint.
Réponses : la première réponse
annonce la tonalité anxiogène que prend la planche pour
le sujet. Elle peut aussi être comprise comme une
représentation écran qui sous-tend le refoulement mis en place
pour lutter contre une représentation gênante. La deuxième
réponse
est encore très peu détaillée ;
les engrammes humains sont anonymes (<< individus >>). Le sujet est
donc encore inhibé ; l'enquête laisse néanmoins
transparaitre les inquiétudes corporelles d'Amel, mais le discours qui
les concerne est très peu évocateur.
· Planche VIII :
Manifestations hors réponse : la verbalisation
est réduite aux quelques mots indiquant les projections.
Réponses : les deux réponses ont un
contenu très banal. Dans la deuxième réponse, la couleur
est incluse, ce qui signe une certaine capacité d'expression des
émotions. Mais, toute implication subjective reste
évitée.
· Planche IX :
Manifestation hors réponse : Refus qui annonce
l'inhibition massive du sujet.
· Planche X :
Manifestation hors réponse : le discours est
toujours très restreint.
Réponses : la première réponse
s'inscrit dans un recours au formel qui révèle des
difficultés d'implication (F+/-), alors que la deuxième
réponse notifie l'utilisation de l'affectivité dans un souci de
mise à distance du matériel (G vague en C pure). L'implication
subjective et profonde n'est pas révélée, les
comportements défensifs prédominent.
· Facteurs spécifiques :
Plusieurs facteurs attestent de l'utilisation de
procédés d'inhibition qui semblent dominants dans ce protocole :
les 3 refus, la forte utilisation du G primaire, les contenus souvent
banalisés à outrance. Les défaillances des
mécanismes d'inhibitions s'observent notamment à travers
l'émergence de bouffée d'angoisse à des planches
spécifiques. Amel utilise parfois quelques procédés
labiles : mise à distance du matériel (G Vagues), recours aux
manifestations sensorielles (TRI extratensif, C pure planche X).
Le protocole d'Amel présente donc un
caractère excessivement restrictif. Tout d'abord, trois planches sont
refusées. Qui plus est, les procédés d'élaboration
du discours marquent nettement une inhibition massive. Le discours est
extrêmement parcimonieux tout au long du protocole. De plus, la
récurrence des phrases, toujours identiques, << ce sont des
tâches >> et << ça ne m'inspire pas >> (planche
I, II, III, IV, V et IX) montrent le scepticisme de notre patiente à
s'impliquer dans l'épreuve projective. Ces manifestations s'accompagnent
de perceptions très factuelles, et qui restent peu définies :
<< bête ou animal >> planche IV, << animaux >>
planche VIII, << papillon >> planche I et V, sans plus de
précisions. Quant aux
contenus humains, ils ont définis par les
termes << individus >> ou << personnes >>, et ils sont
perçus << face à face >> à chaque fois,
indiquant probablement par là une répression
kinesthésique. On remarque aussi que l'enquête elle-même ne
donne lieu à aucune association et s'en tient à une description
sommaire de l'engramme. Par ailleurs, on note deux réponses <<
insectes >> (planche IV et X) et une réponse << sang
>> (planche III), évoquant le déplacement de l'angoisse sur
un contenu anxiogène par la mise en place de mécanismes de
défense de type phobique. On peut également constater les
manifestations directes du refoulement planche VII et X. En effet, la
perception << nuages >> dans une réponse EF de diffusion
(planche VII) joue le rôle de représentation écran
empêchant la représentation angoissante d'être
projetée. Il en va de même pour la réponse << nature
>> en G vague déterminé par une C pure.
Nous entrevoyons ainsi que l'angoisse latente domine
le fonctionnement psychique d'Amel, mais est exploitée au
bénéfice du refoulement et de l'inhibition massive de toute vie
interne. Le Moi est alors grandement restreint dans ses fonctions au profit
d'un système défensif très ferme.
c) La représentation de
soi60
S'il on inclut la représentation apparut en
après-coup lors de l'enquête (planche II), le protocole d'Amel
comprend trois représentations humaines entières, ainsi que cinq
représentations animales entières. On peut donc avancer que ce
sujet dispose d'une représentation de soi unitaire au niveau de l'image
corporelle. Nonobstant, l'une des réponses A, perçue en F+/-,
évoque plusieurs insectes perçus sur la totalité de la
planche (planche X) et une réponse << sang >> apparaît
associée au H (planche III). Cela présage éventuellement
d'une inquiétude quant à l'image du corps. On remarque aussi
qu'aucune des perceptions ne possède d'identité sexuée, le
vocable employé étant réduit à << individus
>> et << personnes >>. Amel évite ainsi toute
identification sexuelle de son corps. On peut d'ailleurs considérer le
refus de la planche VI comme équivalent à ce conflit, cette
planche étant d'après LoosliUstéri (citée par
Collado) la << planche sexuelle par excellence >>.
De même, toute projection de mouvements ou
expressions d'affects en lien avec les représentations humaines est
esquivée. La seule kinesthésie du protocole est la
banalité planche III, où l'action est très neutre et tend
à représenter une simple posture. Le terme << face à
face >> introduit quand même un minimum d'échange, mais qui
reste craintif ; la
60 Cf. Annexe p.
XI.
même formule langagière est
appliquée aux autres engrammes humains perçus sans mouvement,
montrant de la sorte la sensibilité anxieuse et le repli d'Amel face au
monde socio-affectif. De plus, il est à noté que la
kinesthésie du protocole est suivie de la réponse « sang
», ce qui marque la tonalité agressive et menaçante
rattachée aux relations humaines.
d) interprétation dynamique
:
Comme nous l'avons déjà
remarqué, Amel est très inhibée, ce qui influence
l'ensemble de son protocole. Effectivement, si l'on se réfère aux
données du psychogramme, on distingue que la pauvreté et le
déséquilibre de son type d'appréhension s'inscrit
directement dans ce mode de fonctionnement. L'emploi massif du G, la faiblesse
de l'usage du D et l'absence des autres modes d'appréhensions traduisent
de grosses difficultés à s'engager personnellement dans la
projection. Sur les huit G, deux sont de contours très flous et
apparaissent comme représentations écrans ; un autre est de forme
indéfinie (F+/-). Quant aux G associés à des
déterminants formels corrects, ils se maintiennent à des
perceptions factuels. Le type d'appréhension ne renvoie donc pas
à de réelles capacités imaginatives et arbore le manque
d'analyse du matériel. Par ailleurs, il semble que notre patiente ait
tendance à se laisser submerger par ses émotions lorsque celle-ci
ne sont pas réprimées. Ce constat transparait notamment à
travers la primauté de la couleur lorsque celle-ci apparaît dans
le déterminant ; en effet on note l'emploi de deux C pures pour une FC,
et d'une EF qui représente le seul estompage du protocole. On peut
ajouter à ce sujet le F% qui est quelque peu faible ainsi que
l'extratensivité des deux formules du TRI.
Dans ce contexte, il est difficile d'entrevoir la vie
fantasmatique d'Amel. Néanmoins, quelques indices peuvent nous
éclairer sur les conflits qui animent sa psyché. On remarque
justement que la faiblesse de l'estime de soi réduit l'implication du
sujet dans le champ socioaffectif. Le signe le plus significatif du malaise
d'Amel à ce propos constitue en son refus de la planche IX. Monod et
Anzieu (cités par Chabert) considérant que cette planche
évoque la position du sujet face au monde, on dénote alors une
paralysie d'Amel ; elle se bloque totalement lorsque les sollicitations
environnementales sont trop fortes ou demandent un engagement profond. Dans le
même registre, on constate que les réponses planche VIII se
maintiennent à une approche impersonnelle du matériel
malgré la prise en compte de la couleur (une FC) dont l'utilisation est
forcée. Les réactions à cette planche sont donc
très contrôlées, indiquant un manque de
spontanéité et une hyper adaptabilité face au monde
extérieur. De plus, comme nous l'avons exposé auparavant, la K
planche III révèle une réticence de notre sujet à
s'engager dans les relations humaines. Nous pourrions stipuler que
la récurrence de la position << face a
face » pour les engrammes humains renseigne sur poids du regard d'autrui,
qui semble déstabilisant pour Amel. On comprend que la situation de
jugement par les autres soit désagréable pour elle si l'on
rapproche de ce constat deux réponses signalant la fragilité de
sa personnalité. La EF de diffusion apparaît a la planche VII, que
certains auteurs considèrent comme la planche du
déséquilibre. Or, selon Chabert, les estompages de diffusion
traduisent une certaine fragilité de l'identité, notamment par
l'aspect flou, instable et éphémère de la perception.
Cette réponse souligne alors la faiblesse du Moi d'Amel, dont on peut
dégager la tonalité anxieuse envahissante, et qui se distingue
surtout face aux sources de déséquilibre. Pour la psychanalyse,
la planche X suggère le morcellement du Moi. Or, Amel donne deux
réponses G a cette planche qui se prête davantage au
découpage et a l'appréhension des détails. La
première réponse est déterminée par un F+/-, ce
qui, d'après Rausch De Traubenberg, peut signaler l'incertitude du sujet
et l'anxiété. Cette proposition est d'autant plus valable que le
contenu de la perception s'apparente a un contenu phobique. La réponse
qui suit met en évidence l'étendue des mécanismes de
défense en réaction a cet état anxieux a travers une
perception vague déterminée par une C pure. L'assemblage de ces
facteurs signe donc la fragilité du Moi de notre patiente, qui l'oblige
a recourir a de fortes défenses. Son équilibre psychique est vite
déstabilisé.
D'autre part, cette jeune femme se montre très
sensible a la thématique de l'agressivité dans les rapports
sociaux. Le refus qu'elle fait de la planche II exprime cette crainte puisque
l'enquête débloque la perception humaine évocatrice d'une
lutte (<< face a face »). Les réponses qui suivent a la
planche III ne se dégagent pas de ce thème, alors que ce stimulus
apporte habituellement un sentiment de détente ; l'engramme humain est
implicitement associé a la réponse << sang ». Collado
précise que la réponse << sang » est rattaché a
l'angoisse de castration. D'autres signes dévoilent la
sensibilité d'Amel a cette angoisse. Il s'agit principalement de ses
réactions a la planche IV, indiquant un refus de reconnaître le
caractère de puissance suggéré. Le sujet use d'une
projection caractérisée par sa petite taille dans la
réalité (<< insecte ») pour éviter l'impression
de domination. Mais, dans le même temps, celleci témoigne du
retour du refoulé son aspect anxiogène. De plus, Bohm
(cité par Collado) fait de cette planche celle du symbolisme sexuel,
notamment a travers son caractère phallique. Ainsi, si l'on relie
l'anxiété d'Amel a ce stimulus et son refus de la planche VI, on
peut conclure a son incapacité d'assumer sa féminité.
Cette jeune femme refuse tout contact faisant appel a la sexualité. De
même, on remarque que le symbolisme féminin de la planche VII
n'est pas du tout sollicité.
De cette interprétation, on peut conclure
qu'Amel se présente comme une personne fragile et facilement
déstabilisée. A cet égard, le monde extérieur est
perçu comme potentiellement menaçant, et de ce fait elle semble
réticente à l'approcher ou à s'engager personnellement
dans les relations sociales. Force est de constater que face à la
précarité de son équilibre psychique, elle met en place un
système défensif démesurément rigide.
Néanmoins, nous pensons qu'elle a subi un traumatisme important
auparavant, qui, s'il n'est pas à l'origine de sa fragilité
psychique, y a fortement contribué. En effet, elle nous a affirmé
avoir été victime d'une agression, à laquelle a suivi une
expertise psychiatrique dans le cadre du procès. Ceci coïncide avec
son refus de la planche II et VI où s'exprime la vivacité des
séquelles traumatiques. De plus, nous pensons que notre attitude, dans
cette situation, n'a pas forcément favorisé l'expression
subjective du testé. Nous avons-nous-mêmes été
quelque peu interloqués par l'inhibition de cette personne, ainsi que
par les conditions dans lesquels elle avait déjà passé le
test de Rorschach. Sous couvert de précautions face à ce sujet
qui paraissait traumatisée, il nous semble que nous n'avons
peut-être pas su l'encourager suffisamment et créer le climat
nécessaire à sa libre expression. Ceci aurait ainsi permis une
meilleure appréhension du fonctionnement psychique d'Amel. C'est donc
avec réserve que nous validons l'hypothèse initiale d'une
vulnérabilité du fonctionnement psychique d'Amel.
5/ Protocole de Mina
a) Présentation de la
participante
Mina est née au Maroc. Elle est arrivée
en France à l'âge de 2 ans 1/2 avec sa mère, rejoignant son
père ici depuis les années 60. Elle a donc effectué
l'ensemble de sa scolarité en France. Elle a vécu chez sa tante
à partir de l'âge de 5 ans, ses parents ayant
décédé dans un accident de voiture. Elle-même a
subit un traumatisme crânien lors de cet accident, qui a donné
lieu à un suivi médicale et psychologique. Dans ce contexte, elle
relate avoir passé plusieurs fois le test de Rorschach lors de cette
période. Agée de 31 ans lors de notre rencontre, elle est
aide-soignante. De confession musulmane, elle n'est pas
pratiquante.
b) Représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est très bas.
Troubles du balancement des facteurs
introversif-extratensif : Le TRI et la FS sont inversées ; le TRI est
extratensif alors que le RC% tend vers l'introversion.
· Dans les déterminants :
2 F- (toutes les 2 à la planche VII).
1 seule K.
3 CF.
1 Fclob accompagné d'une tendance
Choc.
· Dans les contenus :
Hd = H.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Peu de réponses à la planche IV et
IX.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : Manipulation
labile du langage avec l'accent porté sur la dédramatisation
d'une situation pénible par l'humour. Le discours peut se comprendre
comme un moyen d'éviter la tâche.
Réponse : hésitation entre plusieurs
représentations proches pour une seule perception banale qui signale une
implication subjective minime. Les mécanismes de défense semblent
être présents davantage dans le discours que dans la projection
elle-même.
· Planche II :
Manifestations hors réponses : commentaire
centré sur la difficulté de projection au début, qui est
contredite ensuite. Le discours est labile.
Réponses : les réponses indiquent une
formation réactionnelle face à l'agressivité
suggérée par le stimulus. La première réponse signe
une utilisation de l'affectivité pour appuyer les défenses, et la
deuxième réponse démontre une érotisation des
relations à travers une mise en scène kinesthésique. Ces
processus permettent de maintenir le refoulement de la motion pulsionnelle
gênante (agressivité et culpabilité).
Manifestations hors réponse : le temps de
latence succinct témoigne d'une réactivité
quasiimmédiate au matériel.
Réponse : les engrammes humains non
sexués constituent l'unique représentation qui est par ailleurs
une banalité. L'échec des procédés d'inhibition
à l'oeuvre ici laisse émerger à l'enquête les
témoins de l'instabilité de l'identité sexuée de
Mina.
· Planche IV :
Manifestations hors réponse : le temps de
latence est encore très court, la verbalisation est minime et les
affects manifestés (rires) paraissent opposés à ceux
réellement ressentis face au stimulus. L'inhibition à l'oeuvre
est donc étayée par le recours à
l'émotivité.
Réponse : L'unique perception dévoile
l'angoisse de Mina (? choc et Fclob) face à l'autorité
paternelle. Le symbolisme sexuel relié à l'angoisse de castration
est transparent (pinces). Face à cette angoisse, le sujet se
défend par la régression et le rejet du problème dans le
passé (« d'un autre temps »). Le refoulement ne suffit pas
à contenir l'angoisse de Mina face à un surmoi
oppressant.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : le temps de latence
est toujours très court ; la verbalisation est succincte.
Réponse : L'attitude de Mina face à
cette planche nous révèle surtout l'intensité de
l'angoisse face à la planche précédente, qui perturbe le
fonctionnement du Moi. Les mécanismes de défense sont
dépassés par cette angoisse.
· Planche VI :
Réponses : la première réponse
signale le refoulement massif mis en place face à cette planche. C'est
le prototype d'une représentation écran face au symbolisme sexuel
suggéré, dont la tonalité dysphorique transparait
clairement à l'enquête. Celui-ci s'avère plutôt
efficace et permet une formation de compromis satisfaisante qui s'exprime dans
la deuxième réponse faisant preuve de bonnes capacités
imaginatives et d'une maitrise du matériel.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : le discours est
focalisé sur la méconnaissance la dénégation de la
sollicitation projective du matériel.
Réponses : les mécanismes de
défense sont défaillants car le Moi perds ses fonctions
adaptatives (2 F-). Mina essaie de contrôler le surgissement de
l'angoisse par l'utilisation des données formelles du matériel.
Néanmoins, ce contrôle échoue et le Moi est
désorganisé.
Manifestations hors réponse : les commentaires
sont immédiatement tournés sur la couleur et les affects positifs
associés. Le discours est plus abondant et semble intervenir en faveur
d'un évitement de la projection.
Réponse : A l'inverse du discours, la
réponse n'est aucunement déterminée par la couleur. Le
contenu est banal et l'implication du sujet est minime. Les mécanismes
de défense variés marquent une lutte contre l'implication
projective ressentie comme dangereuse, et inhibe le Moi dans ses
capacités intellectuelles.
· Planche IX :
Manifestations hors réponse : le discours est
succinct.
Réponse : Une seule réponse dont la
tonalité est dysphorique ; la couleur prime dans la détermination
de la perception, et le D blanc est ressenti comme un vide. Les mouvements
pulsionnels submergent le Moi et le système défensif est
inefficace.
· Planche X :
Manifestations hors réponses : Le temps de
latence très court et les commentaires centrés sur
l'émotivité induite par la couleur montrent une réaction
immédiate au matériel.
Réponses : La première réponse
donnée en G impressionniste révèle l'utilisation des
affects comme défenses face à la gêne occasionnée
par le matériel. La deuxième réponse indique une formation
de compromis réussie, sous-tendue par une perception de bonne
qualité formel et résultant d'une fine analyse du
matériel. Le contenu dévoile la tonalité quelque peu
anxieuse de l'affirmation de soi face au regard d'autrui, mais ceci ne
compromet pas les fonctions adaptatives du Moi.
· Facteurs spécifiques :
De nombreux facteurs attestent de l'usage de
procédés labiles. Les temps de latence souvent très courts
et les commentaires réguliers donnent l'impression d'une
réactivité immédiate au matériel, le recours aux
manifestations sensorielles (TRI extratensif), notamment planche II et X,
l'utilisation de G impressionniste montre le souci de maintien à
distance du matériel, la sensibilité au symbolisme
suggéré par les planche semble importante et le symbolisme des
contenus est parfois transparents, le F% bas signale la prévalence de la
réactivité subjective, Les mécanismes de refoulement
paraissent prédominant et sont sous-tendus par quelques
difficultés à retrouver les représentations lors de
l'enquête. Ils provoquent, en outre, une perte de contrôle sur la
réalité objective (planche VII) qui abaissent significativement
le F+%.
Par ailleurs, les procédés
d'inhibitions oeuvrent de temps en temps ; on voit apparaître des G
primaires et des procédés d'évitement de la confrontation
au matériel, ainsi qu'une utilisation défensive de contenus
banalisés aux planches où la production est restreinte et
où Mina s'appuie sur les données perceptives du matériel
(notamment planche VIII).
Le système défensif de Mina s'appuie
ainsi sur un panel de mécanismes variés. Néanmoins, les
caractéristiques générales du protocole indiquent la
prédominance des procédés labiles. Le discours est parfois
lui-même manipulé comme défense face à l'implication
projective, notamment planche I et VIII. Les temps de latence sont souvent
prompt, témoignant dès lors d'une réactivité
immédiate au matériel. L'extratensivité du TRI,
composé uniquement de déterminants où la couleur
prédomine (3 CF) marque le recours aux manifestations sensorielles. Le
discours planches VIII et X fait apparaître la suggestibilité de
Mina à la couleur. Le F% relativement bas indique également une
mise en avant de l'affectivité. De plus, on entrevoit la tonalité
érotique accordée aux relations dans la kinesthésie
animale planche II. Cette réponse montre d'ailleurs le renforcement du
système défensif face à ce stimulus puisqu'elle constitue
aussi un déplacement des motions pulsionnelles sur le contenu animal, et
qu'elle s'apparente à une formation réactionnelle face aux
pulsions agressives que le matériel suscite. D'autre part, on distingue
clairement les manifestations du refoulement à travers l'utilisation de
l'estompage planche VI et le G impressionniste planche X qui signent la mise en
place de représentations écrans. De plus, le sujet a parfois du
mal à retrouver ses réponses lors de l'enquête (planches II
et VII). La réponse planche IV s'inscrit quant à elle dans un
recours à la régression et une mise à distance de
l'engramme perçu (« sorti d'un autre temps »). Nonobstant,
Mina parait inhibée face aux planches III et V, auxquelles le discours
se restreint et les réponses se maintiennent à des
banalités. A la planche VII, les commentaires se focalisent sur le
blocage associatif et les réponses s'inscrivent dans recours au formel
qui échoue. Quant à la planche VIII, elle montre également
un recours à un contenu factuel déterminé uniquement par
la forme malgré les remarques positives provoquées par
l'apparition de la couleur.
Somme toute, les mécanismes de défense
desservent le Moi en affaiblissant ses fonctions d'adaptation. Effectivement,
ils provoquent occasionnellement une perte de contrôle sur la
réalité objective planche VII qui abaisse significativement le
F+%. Constatant que le R est très bas, les fonctions intellectuelles
paraissent également restreintes. De plus, ils ne suffisent pas toujours
à contenir les préoccupations fantasmatiques de Mina, ce que l'on
remarque entre
autres par l'émergence de contenus crus à
valence sexuelle lors de l'enquête planche III et de l'angoisse planche
IV et IX.
d) La représentation de
soi61
D'après la récapitulation des
réponses de Mina, on remarque huit réponses comprenant des
représentations animales ou humaines entières et une seule
représentation humaine partielle. Ce sujet dispose donc d'une image
corporelle de soi unitaire. Néanmoins, l'apparition d'une seule
réponse H parmi ces engrammes entiers précise que les
identifications sont incommodantes et doivent la plupart être
déplacées sur des contenus animaux pour être
représentables ; ce constat vaut notamment pour les réponses A
planche II, IV et VII. De plus, trois perceptions animales sont
qualifiées de << bizarres », parmi lesquelles deux ne sont
<< pas finies ». L'image inconsciente du corps est
subséquemment vécue comme non aboutie ; elle n'est pas vraiment
assumée. On peut rattacher ces difficultés d'affirmation de
l'image corporelle aux troubles de l'identification sexuelle de Mina, qui
transparait à travers plusieurs facteurs. En effet, la réponse H
comprend des attributs sexuels mixtes. Mina qualifie ses représentations
d' << hermaphrodites ». Cette réaction signifie que cette
jeune femme est dans une recherche active de son identité sexuelle, qui
demeure de ce fait instable. De même, l'épreuve du choix des
planches détermine la tonalité dysphorique accordée aux
planches suggérant fortement l'identification aux imagos parentales.
Pour les planches les moins agréables, elle choisit la planche IV dont
le symbolisme paternel est patent et la planche VII qui réactive
l'identification féminine et/ou maternelle. Or, on connaît
l'importance des relations aux imagos parentales dans la mise en place des
repères fondamentaux concernant l'image du corps. De plus,
l'appréhension de la planche VI, dont le symbolisme sexuel est
également transparent, provoque une réponse << nuage
», ce qui d'après Rausch De Traubenberg, constitue une
régression à une représentation de soi embryonnaire. Cette
régression permet ainsi à Mina d'éviter de se
représenter comme être sexué. La confrontation avec des
symboles sexuels parait donc fortement anxiogène pour Mina, ranimant
sans doute ces incertitudes quant à son identité
sexuelle.
Par ailleurs, le protocole de cette participante
présente peu de kinesthésies, mais celles-ci marquent bien son
ambivalence quant aux investissements objectaux. La kan de la planche II et la
K de la planche III s'inscrivent dans un contexte positif qui témoigne
de la capacité de Mina à nouer des liens sociaux
agréables. La kan est d'ailleurs très érotisée, et
manifeste par
61 Cf. Annexe p.
XII.
là le désir libidinal de cette jeune
femme de s'investir dans une relation intime. Cependant, il semble qu'il ne
soit pas vraiment assumé puisqu'il ne peut être projeté sur
des engrammes humains. La kan planche V révèle quant à
elle les craintes de Mina face au monde extérieur. Le fait que le
papillon ait « du mal à s'envoler » montre en effet une
représentation de soi peu épanouie dans les relations sociales.
De même, le thème de destruction qui se dégage de
l'appréhension de la planche IX souligne ses réticences à
s'investir dans des relations profondes qui paraissent menaçantes et
potentiellement déstructurantes. L'ensemble de ces facteurs nous
permettent donc de penser que Mina est capable de relations d'objet sur un mode
génital mais manque de confiance en elle. Elle souhaite s'investir dans
des relations socio-affectives, et parallèlement redoute que celles-ci
ne lui soient défavorables.
e) Interprétation dynamique
Les valeurs du psychogramme de Mina dévoilent
un certain manque d'implication dans l'épreuve qui correspond à
un comportement défensif. En conséquence, les fonctions
intellectuelles du Moi paraissent peu investies. Mina n'use que de deux modes
d'appréhension différents et dans des proportions mal
réparties. Le G% élevé se compose principalement de
perceptions factuelles ou révèle une appréhension peu
élaborée du matériel. Le D% modique s'inscrit dans le
même mode de fonctionnement en signalant le défaut d'analyse du
matériel. Ce type d'appréhension atteste donc d'une conduite
défensive par le recours à une réalité globale et
adaptative contre l'émergence de représentations plus
engageantes. En effet, la présence d'un G organisé de bonne
qualité formelle (planche VI) précise que le sujet dispose de
bonnes capacités d'élaboration mentale. De même, certains D
associé à des F+ montre la finesse analytique de Mina lorsque les
motions pulsionnelles sont correctement maitrisées (planches II et X).
Cependant, majorité des D (planches VI, VII et IX) montrent
l'échec des tentatives de contrôle, auquel suit
inévitablement une désorganisation du Moi. Le F% et le F+%
relativement faible soutiennent l'axiome de la faiblesse du Moi de notre sujet
à contenir ses émotions qui, lorsqu'elles émergent,
envahissent les fonctions intellectuelles. Par ailleurs, quand la couleur ou
l'estompage sont intégrés dans les réponses, ils
prédominent systématiquement dans le déterminant, quelque
soit la tonalité affective associée. La structure
émotionnelle de Mina apparaît de ce fait instable ; cette jeune
femme se montre très impulsive. Le TRI extratensif renforce le constat
d'un tel comportement, tandis que la FS introversif indique qu'elle dispose
vraisemblablement d'aptitudes à contenir ces affects qui pourraient
être développées. Néanmoins, comme l'affirme Canivet
(cité par Collado), l'inversion de ces deux formules signifie que les
émotions sont probablement mises en avant
de façon défensive alors que la
personnalité profonde est inhibée. Ce qui précède
nous permet d'inférer que les conflits inconscients de Mina indisposent
son fonctionnement psychique. Soit les mécanismes de défense
affaiblissent les fonctions intellectuelles du Moi et répriment
l'expression de sa subjectivité, soit ils sont inefficaces à
contenir les préoccupations fantasmatiques.
Or, nous entrevoyons plusieurs fois dans le protocole
de Mina que le registre conflictuel se situe principalement au niveau oedipien.
En effet, les réactions de notre patiente à la planche IV
témoignent de la prégnance de l'angoisse de castration par
rapport à laquelle la mobilisation de plusieurs mécanismes de
défense ne suffit pas à la contenir ; c'est face à cette
planche qu'apparaît le Fclob et la tendance au choc. Elle prend donc un
aspect dysphorique, qui ressort aussi dans la réponse << monstre
>>. On peut affirmer que la représentation est castratrice de par
sa description à l'enquête où Mina lui attribue <<
des pinces >>. Or, selon la théorie psychanalytique, les
réponses dysphoriques à cette planche indique que l'oedipe n'est
pas bien dépassé. D'autre part, il semble que l'angoisse de
castration est été si intense face à ce stimulus qu'elle
se répercute sur la réponse suivante à la planche V.
Celle-ci insiste sur la malformation des membres de l'engramme perçu, ce
qui d'après Collado témoigne également de la
sensibilité à cette angoisse. On remarque aussi que la
confrontation avec le symbolisme sexuel de la planche VI provoque
immédiatement la mise en place d'une EF de diffusion qui, outre sa
fonction défensive, rend compte de la fragilité des assises
narcissiques. En effet, le caractère flou de cette perception
dévoile l'inconsistance de l'enveloppe corporelle face à ce
stimulus et, dans le même temps, marque l'émergence de l'angoisse
de perte d'objet par l'aspect sombre attribué à ce << gros
nuage noir >>. Il semble que l'image paternelle soit ici
interprétée dans sa fonction de fauteur de trouble dans la
relation à la mère, et que cette relation n'ait pas
été assez sécure pour autoriser l'accession à une
position sexuée assumée. Toutefois, après cet accès
d'angoisse, le système défensif de Mina reprend le dessus et lui
permet d'explorer de façon satisfaisante le matériel en tenant
compte du symbolisme phallique de la planche. Il reste que reconnaissance des
détails phalliques demeure craintive puisqu'elle consiste dans
l'attribution de << cornes >> situées dans des Dd. Mina
évite d'interpréter les D phalliques, qui réactivent sans
doute trop l'angoisse. Par ailleurs, la formation réactionnelle planche
II et la qualité de la K planche III signent la possibilité de
formations de compromis réussies face à la problématique
oedipienne lorsque les références à l'image paternelle ou
au symbolisme phallique ne sont pas trop suggérées. Malgré
tout, la kinesthésie humaine révèle comme nous l'avons
déjà dit les troubles de l'identification sexuelle de Mina. A ce
niveau, nous nous permettons de revenir sur la réponse << cornes
>>
planche VI. La théorie psychanalytique stipule
que le bas de cette planche évoque la féminité. Or, c'est
dans cette partie que Mina projette les caractéristiques phalliques de
la planche. Ce constat peut correspondre a un déni qui signale ainsi la
difficulté de cette jeune femme a reconnaître sa
féminité. Cette problématique persiste également a
la planche VII où la suggestion du symbolisme féminin et/ou
maternel perturbe le Moi dans ses fonctions adaptatives. Effectivement,
après la levée du blocage associatif, les deux réponses
qui apparaissent sont des F-. De plus, l'investissement du détail
inférieur comme lien contraste avec la perception des animaux qui
<< se tournent le dos ». Ce sont d'ailleurs des animaux des
fonds-sous marins, environnement qui renvoie généralement a
l'image maternelle archaïque. La succession de ces deux réponses
rappelle donc le climat d'insécurité qui se dégage des
relations précoces. La planche IX, très saturée en
symbolisme maternel-féminin selon Chabert, déclenche aussi des
réactions d'angoisse chez notre sujet. La lacune centrale est
interprétée comme un << gros trou », une blessure.
L'appel a la régression suscité par ce stimulus met donc en
évidence des affects dépressifs qui prédominent dans la
détermination de la projection (CF) ; ils sont sous-tendus par
l'expression << avec rien autour », laquelle confirme l'impression
de solitude et le manque d'étayage.
Cette planche révélant en même
temps le vécu des relations a l'environnement, nous en déduisons
que les carences affectives précoces n'ont pas permis a Mina de
construire une image de soi suffisamment forte pour appréhender
sereinement les relations socio-affectives profondes. Ses associations montrent
ici un environnement hostile envers elle, qui parait même menaçant
: << c'est tout les arbres qu'on a coupé ». On retrouve
d'ailleurs cette problématique a travers la planche V où l'image
de soi est vécue sur un mode dépressif (<< il a les ailes
qui tombent »), et où la kinesthésie témoigne des
difficultés d'affirmation de soi et d'action face au monde
extérieur (<< il a du mal a s'envoler »). Il est a noter que
les réactions du sujet a la planche I marquent également
l'embarras du sujet a s'affirmer face a au jugement d'autrui et a la
nouveauté de la situation. En effet, cette jeune femme hésite
plusieurs fois entre des perceptions voisines, pour finir par ressentir le
besoin de justifier sa réponse : << je sais qu'elle est bizarre ma
chauve-souris ». En outre, son comportement face a la planche VIII, il
illustre la stupeur de notre patiente dans les situations socio-affectives
impromptues. Après une première réaction enjouée
face a la couleur, elle a du mal a définir sa perception qui,
finalement, n'est aucunement déterminée par la couleur. Cet
enchainement découvre donc un comportement superficiel et
défensif face aux sollicitations sociales, doublé d'une
inhibition des affects authentiques. Pourtant, la K planche III démontre
les capacités de Mina a s'investir dans des relations sociales
agréablement vécues. De même que ses réponses a
la
planche X expriment ses pulsions libidinales et son
désir de s'inscrire dans une vie sociale épanouie (<< c'est
la fête, il y a tout le monde »). Cette dernière planche nous
permettrait ainsi d'établir un pronostic positif quant aux
possibilités du sujet de dépasser ses angoisses pour participer
activement à la vie en société. Par ailleurs, nous
interprétons sa dernière réponse << masque avec des
décorations » comme révélatrice du transfert positif
que Mina a établit sur le testeur et sur l'épreuve.
En conclusion, le protocole de Mina fait
apparaître une certaine fragilité des assises narcissiques qui ont
probablement entravé la résolution du complexe d'oedipe. Les
perturbations de la relation mère-enfant ont maintenu une angoisse face
à l'image paternelle vécue comme tiers séparateur. En
outre, l'histoire de cette jeune femme, nous ayant expliqué que ses deux
parents sont décédés au cours d'un accident durant son
enfance, concorde avec ce constat et pourrait être à l'origine de
ses perturbations. Somme toute, celles-ci ont entrainé des troubles de
la représentation de soi. L'identité sexuelle de cette jeune
femme est instable et ses conflits inconscients enrayent son ouverture vers le
monde extérieur. Face à ceux-ci, Mina met en place un
système défensif qui étouffe globalement le Moi, et
s'avère parfois insuffisant à contenir ses préoccupations
fantasmatiques. L'ensemble de ces éléments aboutissent
à la confirmation de l'hypothèse de départ : Mina
présente un fonctionnement psychique vulnérable. Toutefois,
il nous semble important de souligner qu'un travail psychothérapeutique
permettrait vraisemblablement de restaurer une image de soi suffisamment forte
pour exploiter pleinement ses ressources internes.
6/ Protocole de Fatiha
a) Présentation de la
participante
Fatiha est née au Maroc et est arrivée
en France à l'âge de 8 ans avec sa mère. Son père
est arrivé dans les années 1970. Agée de 32 ans lors de
notre rencontre, elle travaille dans un snack-bar. Dans le même temps,
elle passe des concours pour travailler dans le milieu hospitalier,
auprès des enfants. Fatiha est musulmane, mais ne pratique pas
régulièrement.
b) Représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est relativement bas.
Le TRI est coartatif.
· Dans le mode d'appréhension :
2 Dbl (planche II) et 2 G/Dbl (planche I et
VII).
· Dans les déterminants :
3 F- (2 associé au contenu anatomie et 1
associé à une tendance choc).
Aucune K.
1 Fclob et une tendance Fclob.
1 Choc au noir et une tendance choc au vide.
· Dans les contenus :
2 anatomies (associées à F-).
H = Hd.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
L'indicateur d'angoisse est supérieur à
15% (17,6%). Néanmoins, nous nous y réfèrerons avec
précaution car il ne contient que deux des quatre indicateurs (Hd et
anat).
Une seule réponse aux planches IV, VI, VII et
IX.
Une seule réponse incluant la couleur.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : Fuite en avant dans
l'interprétation avec 3 réponses données dans un temps
court ; la verbalisation est minime.
Réponse : les trois réponses traduisent
un recours aux données formelles du matériel qui laisse
malgré tout transparaitre l'angoisse latente de Fatiha. Le
système défensif opère cependant un contrôle de
celle-ci et le Moi n'est pas désorganisé.
· Planche II :
Réponses : les deux réponses signent
clairement le débordement de l'angoisse et des mouvements pulsionnels.
Elles sont toutes les deux déterminées par le blanc probablement
dans le souci d'éviter la confrontation aux stimuli trop excitant. La
première réponse en kob (associé au D rouge) marque la
profusion de la pulsion agressive, qui est toutefois exprimée dans un
contenu relativement socialisé qui indique un minimum de maitrise. La
deuxième
réponse émerge en processus primaire
signifiant la fragilité de la structuration interne ; le contrôle
formel échoue et la représentation est difficilement
récupérée à l'enquête. Le système
défensif est mis en échec et le Moi est
débordé.
· Planche III :
Manifestations hors réponse :
dénégation des sollicitations induites par la
planche.
Réponse : la première réponse
témoigne d'un fonctionnement encore désorganisé, peut
être suite à l'intensité de l'angoisse suscitée
planche II. Le recours au formel échoue et le contenu renforce
l'hypothèse d'une fragilité de la structuration interne. La
deuxième réponse manifeste le recours au formel et aux
données perceptives qui permet le retour à un fonctionnement plus
adaptatif. Nonobstant, le système défensif est alors trop rigide
pour recevoir les sollicitations externes normalement perçues comme le
montre l'absence de la K banale et indispensable. L'invitation du testeur
à l'enquête aux limites réussit à lever quelque peu
les défenses et autorise la projection d'un « corps de femme
», mais la perception kinesthésique n'est pas
donnée.
· Planche IV :
Manifestations hors réponse : la verbalisation
est minime.
Réponse : Fatiha donne une seule
réponse dans une tonalité plutôt dysphorique, dont le
contenu mythique indique la mise à distance de la représentation
gênante. Le Moi parait inhibé.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : le discours est
restreint au strict minimum.
Réponse : Fatiha fait ici un choc important
qui signale les défaillances du système défensif face
à l'émergence de l'angoisse; la facilité de la planche
permet toutefois la perception de la banalité mais dans une absence
d'implication subjective.
· Planche VI :
Manifestations hors réponse : la
dénégation de la projection, le commentaire critique sur le
matériel et le temps de latence long indique l'inhibition.
Réponse : la réponse est une
persévération en kob, cette fois-ci inscrite dans une
sensibilité anxieuse (?EF). Le contenu démontre la
sensibilité de Fatiha au symbolisme de la planche. Une réponse
sexuelle crue apparaît d'ailleurs à l'enquête. Le
système défensif semble bloquer les capacités du Moi tout
en contrôlant peu l'anxiété associée à
l'expression directe de la décharge pulsionnelle.
· Planche VII :
Manifestations hors réponse : le temps de latence
est très court.
Réponse : Fatiha hésite entre deux
perceptions très proches (une masculine et une féminine) pour la
réponse qui intègre le blanc. Le contrôle formel
raté et la tendance choc marquent la désorganisation du Moi par
l'angoisse suscité. Le système défensif entrave les
capacités intellectuelles du Moi et ne permet pas le maintien de
l'adaptation.
· Planche VIII :
Manifestations hors réponses : Commentaire
marquant la réactivité immédiate à la couleur et
fuite en avant dans les interprétations (3 réponses en 20
secondes). Forte manipulation de la planche.
Réponses : la première réponse
constituée par la banalité vue en mouvement dévoile les
possibilités imaginatives de Fatiha. La troisième réponse
est la seule du protocole qui intègre les couleurs ; elle est
difficilement retrouvée à l'enquête. Ainsi, malgré
l'affect positif associé à l'arrivée de la couleur,
celle-ci semble gênante. Il s'agit probablement d'une utilisation
défensive des affects, qui se montre par ailleurs efficace puisque les
trois réponses sont de bonne qualité et signent le bon
fonctionnement du Moi.
· Planche IX :
Manifestations hors réponse : commentaire
indiquant les affects positifs associés à la couleur.
Réponse : l'accent est porté sur le
débordement pulsionnel qui envahit Fatiha (kob explosive). Aucune autre
représentation n'est possible ; le moi est donc débordé
par la pulsion malgré la formation réactionnelle présente
dans le commentaire.
· Planche X :
Manifestations hors réponses : le commentaire
montre une réactivité immédiate à la couleur dans
une tonalité positive qui recouvre une formation
réactionnelle.
Réponses : la première réponse
en G vague notifie une mise à distance du matériel, mais à
travers de laquelle transparait la thématique dépressive. La
deuxième réponse précise l'anxiété
dégagée par l'appréhension de la planche ; toutefois, la
qualité formelle correcte et le contrôle opérant de cette
réponse démontre que le système défensif est
efficace.
· Facteurs spécifiques :
Le système défensif de Fatiha
s'avère prendre appui principalement sur des procédés
rigides.
La formalisation est quelque peu excessive
malgré le F% dans la norme, celui-ci étant parasité par
les débordements pulsionnelles cotés kob. Le TRI coartatif montre
le peu d'expression affective.
L'apparition de la couleur donne lieu à des
formations réactionnelles exprimées dans les commentaires
(affects positifs associés à une kob explosive planche IX,
à deux réponses dont la tonalité est dépressive
pour l'une et anxieuse pour l'autre à la planche X), plutôt
qu'à un recours aux émotions face à des
représentations gênantes. Les procédés d'inhibition
se présentent quelques peu à travers la restriction de la
production et l'utilisation de G primaires indiquant les difficultés
d'implications. Ces deux procédés sont parfois
dépassés par les émergences en processus primaires, qui
montrent un ancrage un peu faible dans la réalité objective (F+%
bas), qui est quelque peu relativisé par la qualité formelle des
kinesthésies mineures (F+% élargi = 75%).
Fatiha utilise souvent les données perceptives
du matériel afin d'éviter le surgissement
d'éléments en rapport avec sa vie psychique. Cependant, ce type
de défenses ne suffit pas toujours à lutter contre des mouvements
pulsionnels vigoureux. La forme détermine la plupart de ses perceptions
; le F% est dans la norme mais il tend vers le haut, et il serait probablement
très élevé si les forces pulsionnelles,
représentées par les kinesthésies d'objet, étaient
suffisamment contenues. Le TRI coartatif signale l'expression à minima
des affects. En outre, les commentaires positifs sur la couleur sont le
résultat d'un comportement plaqué puisqu'ils contrastent avec les
réactions face aux planches chromatiques ; les réponses ne sont
quasiment pas déterminées par la couleur (une seule FC), ou bien
même la représentation associée s'inscrit dans une
tonalité dysphorique (planche IX). De plus, le RC% ne marque pas de
réactivité particulière à la couleur.
L'épreuve du choix des planches démontre parfaitement le
caractère factice des réactions du sujet au stimulus couleur, si
bien qu'elles ne peuvent, à proprement parler, suggérer
l'utilisation de procédés labiles. La présence de deux
dénégations corrobore l'emploi de procédés rigides.
La première dénégation apparait à la planche II,
où la deuxième réponse est annulée en
après-coup et refoulée partiellement à l'enquête.
Puis, l'expression « je ne vois rien ici » planche III
témoigne d'une autre dénégation puisqu'elle apparaît
en réaction immédiate à la présentation de la
planche et, est directement suivi d'une réponse dysphorique. D'autre
part, Fatiha a parfois recours à des procédés
d'inhibition. On remarque alors une restriction de la production et
l'utilisation de G primaires (planches IV, V et VII). A l'inverse, les planches
I et VIII provoque une fuite en avant dans l'interprétation, chacune
donnant lieu à trois réponses dans un laps de temps très
court. On observe aussi la
mise en place du refoulement à la planche III,
empêchant la représentation humaine d'accéder à la
conscience alors que celle-ci est très fortement sollicitée par
le matériel. Le refoulement est cependant partiellement levé
à l'enquête aux limites pour autoriser la projection d'une seule
figure humaine. La EF de diffusion qui apparaît à la planche VI
signale également l'usage de ce mécanisme de
défense.
Etant donné l'émergence de mouvements
pulsionnels peu contrôlés et la prégnance de l'angoisse au
sein du protocole, il semble que le système défensif de Fatiha
soit régulièrement dépassé.
d) La représentation de
soi62
Plusieurs facteurs attestent d'une
représentation de soi d'un niveau intermédiaire. Nous remarquons
à travers la grille de représentation de soi de Fatiha que la
seule représentation humaine entière qui apparaît
présente un caractère irréel. Ceci étant dit, la
reconnaissance du caractère de puissance dégagée par ce
stimulus planche IV, ainsi que les réactions du sujet à la
planche VIII nous permettent d'écarter l'hypothèse d'une
représentation de Soi complètement morcelée. En effet,
Rausch De Traubenberg affirme la planche VIII se révèle
déstructurante dans tous les déficits d'identité plus ou
moins masqués. Or, force est de constater que Fatiha l'appréhende
correctement, perçoit le D banal et ne montre aucun signe particulier
témoignant d'une fragilité à ce niveau. La symbolique
phallique de la planche VI est également perçue, constituant par
là un signe positif. Néanmoins, elle provoque l'émergence
d'un mouvement pulsionnel intense et une régression à une
représentation de soi peu évoluée dévoilée
par la réponse « fumée ». L'identification sexuelle
parait possible, même si elle est trop angoissante pour être
assumée à ce jour. D'autres facteurs indiquent une image
corporelle quelque peu archaïque. Nous pouvons citer dans ce contexte la
projection de deux anatomies osseuses et la réponse « iles »
à la planche X, témoignant selon Rausch De Traubenberg d'une
fausse identité. De plus, il nous a fallu mener une enquête aux
limites avancée pour que la K banale planche III soit perçue.
L'engramme est alors appréhendé en configuration
unilatérale dont la description est donnée en termes rationnels
(« un corps de femme ») et ainsi isolée de toute implication
affective. Cette réponse montre donc tout autant les troubles de l'image
corporelle de cette jeune femme que ses difficultés à s'inscrire
dans une relation d'objet génitale.
62 Cf. Annexe p.
XIII.
A ce niveau, la seule kinesthésie
présente au sein du protocole, mises à part les
kinesthésies d'objet, est projetée dans la réponse A
banale à la planche VIII. Elle représente d'ailleurs une action
bilatérale neutre, minimisant ainsi toute implication dans une relation
duelle en même temps qu'elle signe une moindre réactivité
aux sollicitations relationnelles. Toutefois, le peu représentations
humaines et de représentations paires nous permettent de notifier que la
représentation de soi est perturbée chez ce sujet.
e) Interprétation dynamique
Nous remarquons par le montage du psychogramme de
Fatiha un type d'appréhension déséquilibré. Le G
très élevé se compose de plusieurs perceptions de bonnes
qualité formelle et d'un G secondaire (planche VI), pouvant ainsi
témoigner de capacités synthétiques. Néanmoins,
nous constatons que ce mode d'appréhension prend souvent une fonction
défensive permettant d'éviter la confrontation avec un
matériel anxiogène ; il sert parfois à éviter
l'appréhension en configuration bilatérale pour les planches
suscitant ce mode d'appréhension (planche III, VII), ou il s'inscrit
dans un mouvement d'évitement des détails (planche VI). Quant au
D% faible, ils peuvent représenter dans ce contexte un faible
intérêt pour le réel étant donné que le
protocole de cette jeune femme montre l'émergence directe de sa vie
fantasmatique et pulsionnelle plusieurs fois. La présence d'une seule
réponse incluant la couleur, connotée d'ailleurs d'une grande
conventionalité, précise le détachement de Fatiha quant au
monde extérieur. Le type coartatif du TRI marque l'abrasion de toute
expression socialisé de la vie psychique émotionnelle ou
imaginative. Nous pouvons ajouter ici le H% faible qui se compose d'un (H) et
d'un Hd, provoquant tous deux des manifestations anxieuses (Fclob et FE), et
témoignant du peu d'investissement des relations humaines. Toutefois,
les trois D de bonne qualité formelle qui apparaissent à la
planche VIII indiquent quand bien même le rapport au réel est
globalement maintenu. La présence de quatre banalités soutient ce
constat. Par ailleurs, le nombre de Dbl est très élevé et
apparaît systématiquement en première réponse. Il
est corroboré par la présence de deux Gbl, également
données en premier lieu. Outre la signification symbolique que nous
leurs accordons et que nous évoquerons plus tard, nous stipulons qu'ils
témoignent d'un comportement d'opposition du sujet vis-à-vis de
la consigne donnée. Le F% est d'une valeur correcte et précise
les tentatives de maitrise des émotions sollicitées. Nonobstant,
il est associé à un F+% médiocre qui signale
l'échec de ce contrôle. Si nous ajoutons à l'ensemble de
ces facteurs la présence de trois kob, il nous semble pouvoir postuler
que le Moi de Fatiha est régulièrement submergé par sa
dynamique interne, et que ses fonctions d'adaptations sont alors
obstruées. Effectivement, il
semble que les fantasmes de ce sujet envahissent
l'ensemble de l'appareil psychique dès la moindre excitation
externe.
Par ailleurs, le registre conflictuel se montre
polymorphique. Le début du protocole marque la prégnance du
registre de la castration primaire. Dès la première
réponse, Fatiha insiste sur les lacunes intermaculaires et les
interprète comme << les yeux>>, ceci dans une
tonalité anxieuse manifeste (?Fclob, précipitation dans les
réponses). Or, Chabert affirme que ces Dbl à la planche I
réactivent effectivement une culpabilité primaire ou un
vécu d'ordre persécutif lorsqu'ils sont associés au
regard. Nous pouvons ajouter ici la thématique de dévoration
présente dans l'interprétation des autres Dbl comme <<
bouche >>. Fatiha réussit néanmoins à donné
par la suite deux autres réponses qui nous précisent que ces
angoisses sont relativement contenues ; elles sont de bonnes qualité
formelle et ne présentent pas de débordement fantasmatique. Par
contre, la planche II, autrement plus difficile à appréhender,
mobilise une image au dynamisme pulsionnel dominant, projetée
également dans la lacune centrale, mais qui peut être
appréhendée dans le contexte de la castration secondaire. La
perception d'un << avion de chasse >>, décrit par sa
<< pointe >>, désigne la sensibilité du sujet aux
aspects phalliques de la planche. Chabert nous dit qu'une telle réponse
renvoie généralement à la blessure imposée par la
reconnaissance de la différence des sexes et par le sentiment
d'impuissance dans la situation oedipienne, en même temps qu'elle rend
compte de la lutte pour éviter la confrontation anxiogène.
L'insistance de la puissance suggérée par la
représentation phallique et le remplissage du Dbl par cette même
représentation, évoquant quant à lui la sexualité
féminine, nous permettre d'inférer que celle-ci s'inscrit dans un
déni des aspects féminins du matériel. La confrontation
à la situation oedipienne apparaît désorganisante chez
Fatiha. Elle provoque, après la première appréhension que
nous venons d'analysé, l'apparition de fantasmes de destruction.
Effectivement, la seconde réponse, toujours perçues dans un Dbl,
est une anatomie osseuse de qualité formelle médiocre, et annonce
la remise en cause de l'intégrité corporelle. Il semble donc que
cette jeune femme ne puisse supporter la blessure imposée par l'oedipe,
celle-ci induisant une régression à un registre conflictuel
prégénital. Par ailleurs, cette problématique
s'étend également à la planche III, tout d'abord
appréhendée comme << squelette d'un crabe >> de
mauvaise qualité formelle également. Fatiha essaie ensuite de se
réfugier dans la perception d'une banalité (<< noeud
papillon >>). Cette réponse insinuant une caractéristique
vestimentaire, elle nous fait penser que l'appel à la
représentation humaine est reconnu. Néanmoins, l'absence de la
<< K H ban >> étaye le constat déjà
émis antérieurement stipulant l'incapacité de se
confronter à la situation oedipienne et la désorganisation
patente de la pensée qui en résulte. Les réactions de
Fatiha à
la planche IV témoignent d'un retour à
un fonctionnement plus adaptatif. La réponse « géant »
reprend l'aspect structurant d'un corps humain tout en reconnaissant le
caractère de puissance suggéré par le matériel.
Nous y voyons certes quelques manifestations d'angoisse (Une seule
réponse en Fclob), mais celle-ci reste contrôlée et
s'inscrit davantage dans le contexte de castration secondaire. En effet,
l'image paternelle est reconnue ; elle peut être abordée de
manière plus élaborée grâce à la mise en
place de mécanismes de défense plus efficaces. Ceci dit, le choc
de la planche V révèle toute l'intensité de l'angoisse qui
est restée contenue à la planche IV. Il semble donc que l'image
paternelle oedipienne ait malgré tout été
traumatique.
D'autre part, le protocole de Fatiha se
caractérise aussi par l'absence quasi-totale d'identifications
féminines. Nous avons évoqué le déni des
caractéristiques féminines de la planche II. Cette jeune femme
répète ce comportement face à la planche VII dont
l'implication symbolique est nettement féminine/maternelle. Tout
d'abord, nous remarquons que la confrontation à ce stimulus provoque
massivement de l'angoisse. Fatiha fait ici une tendance au choc et donne une
seule réponse de mauvaise qualité formelle qui comprend la lacune
centrale. La réponse montre une négation de la sollicitation
symbolique de cette planche. Notre patiente hésite entre deux
perceptions très proches, l'une tenant plutôt d'une
représentation féminine, et l'autre d'une représentation
masculine : « une grenouille ou un crapaud ». De plus, Collado
soutient que des ressemblances entre la planche I, II, VII et IX
suggèrent des problèmes d'identification à l'image
maternelle. Or, nous observons que c'est aux planches I, II et VII que les
réponses du sujet comprennent les détails blancs. Celles-ci
peuvent ainsi être interprétées comme représentant
les carences de la relation à la mère et appelant ma mise en
place de mécanismes de déni pour combler ce manque. Nous nous
appuyons également sur les dires de Rausch De Traubenberg (citée
par Chabert) qui observe ce mode d'appréhension chez des sujets
insécures. Quant à la planche IX, nous pouvons la rapprocher de
la planche II de par l'émergence des mouvements pulsionnels agressifs
qu'elles induisent toutes les deux. On y retrouve l'expression de fantasmes de
destruction. L'appréhension de la planche VI déclenche elle aussi
la projection d'un mouvement pulsionnel qui s'inscrit dans une
persévération. De même qu'à la planche II, on
retrouve une représentation phallique associé à cette
force pulsionnelle ; une représentation sexuelle crue apparaît
à l'enquête dans la même localisation (« phallus ou
pénis »). Cette réponse est accompagnée d'un
refoulement de la partie féminine du stimulus. L'accent est donc
fortement porté sur la position active associée aux
identifications masculines. Fatiha se montre d'ailleurs anxieuse face à
cette planche ; le temps de latence est relativement long et elle ne
donne
qu'une seule réponse comprenant un estompage.
Enfin, la seule identification féminine apparaît dans un contexte
particulier. Il s'agit de la réponse que nous donne le sujet lorsque
nous avons menée l'enquête aux limites planche III. Nonobstant, Il
nous semble difficile de parler d'une réelle identification étant
donné son aspect purement physique. L'utilisation des termes <<
corps de femme >>, soutenus par une description << technique
>> évoque une identification corporelle de base et un rejet de
l'empreinte psychique de la féminité. L'ensemble de ces facteurs
indiquent donc que la différence des sexes est acquise, mais qu'elle
constitue la problématique centrale de Fatiha face à laquelle
elle doit recourir à des défenses archaïques.
Force est de constater que les failles fondamentales
du développement psychosexuel de cette jeune femme perturbent ses
relations sociales. Seule la planche VIII est appréhendée en
configuration bilatérale. Cette réponse a probablement
été encouragée par l'apparition de la couleur et la
banalité, témoignant quand bien même du minimum de
réceptivité aux sollicitations externes. A l'inverse des planches
où nous avons pu observer le débordement de la vie fantasmatique,
les perceptions ont ici un caractère très factuel. La couleur est
peu prise en compte, et la réponse incluant ce déterminant est
partiellement refoulée à l'enquête. Ces réactions
semblent attester d'une adaptation de façade à la
réalité socio-affective. L'ambivalence relationnelle de Fatiha se
dévoile aussi dans le transfert qu'elle fait sur le testeur et
l'épreuve. Nous remarquons en effet que la première
réponse du protocole associe un contenu masque à une sensation
dysphorique. Elle marque donc clairement l'anxiété du sujet qui
résulte de la situation nouvelle et de la confrontation à
nous-mêmes. Nous avons d'ailleurs déjà évoqué
que cette réponse révélait un vécu d'ordre
persécutif. Par contre, nous pouvons saisir la tonalité
dépressive qui transparait à travers la réponse <<
iles >> à la planche X, montrant d'après Schafer
(citée par Collado) comment le sujet sort du transfert.
A l'issue de cette analyse, nous discernons que le
registre conflictuel de Fatiha se situe à un niveau globalement
prégénital. Sa vie fantasmatique désorganise
régulièrement le Moi, qui met en place à plusieurs
reprises des mécanismes de défense archaïques. Par ailleurs,
lorsque les sollicitations sont moins intenses, elle dispose de
mécanismes de défense plus adaptatifs. En conséquence,
l'alternance entre les débordements pulsionnels et fantasmatiques et le
maintien d'une certaine adaptation à la réalité, la
représentation de soi d'un niveau globalement intermédiaire,
ainsi que le caractère polymorphe des défenses et des
problématiques, rendent compte d'un fonctionnement limite. De plus, il
nous parait intéressant de citer Rausch De Traubenberg qui affirme que
le TRI coartatif correspond à un mode de fonctionnement psychique
vulnérable, chez des sujets peu tolérants dans les
situations de stress en raison de la rigidité de
leurs mécanismes de défense. L'ensemble de ces signes nous
amènent donc à valider l'hypothèse de la
vulnérabilité psychologique de Fatiha.
7/ Analyse normative
Après une l'analyse singulière de
chaque protocole de notre recherche, il nous parait intéressant
d'observer si l'on retrouve des variations communes à l'ensemble des
psychogrammes de nos participantes.
a) Résultats
Tableau 1 : Comparaison des valeurs moyennes des sujets
aux normes du test de Rorschach
|
Facteur
|
Valeur moyenne
|
Ecart-type
|
Norme
|
Ecart à la norme
|
Modes d'appréhension
|
G%
|
48,9
|
16,52
|
20-30%
|
très supérieur
|
|
D%
|
44
|
13,68
|
60%
|
très inférieur
|
|
Dd%
|
2,9
|
4,48
|
6-10%
|
inférieur
|
|
Dbl%
|
4,2
|
4,99
|
3%
|
limite supérieur
|
Déterminants
|
F%
|
48,8
|
8,05
|
50-60%
|
limite inférieur
|
|
F+%
|
79,3
|
11,86
|
80-90%
|
limite inférieur
|
|
K
|
0,84
|
0,63
|
5-7
|
très inférieur
|
|
RC%
|
35,2
|
3,83
|
30-40%
|
-
|
Contenus
|
A%
|
40,1
|
11,14
|
35-50%
|
-
|
|
H%
|
20,1
|
8,50
|
15-20%
|
limite supérieur
|
Nombre de réponses
|
R
|
15,7
|
3,67
|
25-30
|
inférieur
|
facteurs additionnels
|
ban%
|
28,8
|
7,05
|
16%
|
supérieur
|
|
ang%
|
15,1
|
11,89
|
< 12%
|
supérieur
|
|
On peut d'or et déjà remarqué que
la population de cette recherche s'écarte souvent des normes
françaises puisque sur treize facteurs essentiels du psychogramme, il
n'y a que le RC% et le A% qui s'incluent précisément dans la
norme. D'autre part, le Dbl%, le F%, le
F+% et le H% sont très proches de la norme.
Néanmoins, les résultats de cette analyse devront être
appréhendés avec prudence, étant donné que
l'analyse statistique inférentielle ne révèle qu'une seule
valeur significative : le K (cf. annexe 6).
Tableau 2 : Distribution des 6 sujets par rapport aux
normes au test de Rorschach
Facteur
|
< norme
|
norme
|
> norme
|
G%
|
0
|
1
|
5
|
D%
|
5
|
1
|
0
|
Dd%
|
4
|
2
|
0
|
Dbl%
|
3
|
0
|
3
|
F%
|
3
|
3
|
0
|
F+%
|
3
|
3
|
0
|
K
|
6
|
0
|
0
|
RC%
|
1
|
5
|
0
|
A%
|
2
|
3
|
1
|
H%
|
2
|
2
|
2
|
R
|
6
|
0
|
0
|
Ban%
|
0
|
0
|
6
|
Ang%
|
-
|
4
|
2
|
|
Nonobstant, le tableau 2 met donc en évidence
dix facteurs pour lesquels plus de la moitié des sujets
s'écartent de la norme, dans un sens ou dans l'autre. On remarque
particulièrement que tous les sujets ont un ban % supérieur
à la norme, et un K et un nombre de réponses total
inférieur à la norme. Par la suite, cinq sujets sur six ont un D%
inférieur à la norme, puis un G% supérieur à la
norme ; quatre sujets sur six ont un Dd% inférieur à la
norme.
b) Hypothèses
d'interprétation
· Le facteur K, d'après Chabert (1983)
est le plus signifiant dans l'approche de la représentation de soi. Ils
reposent la question de la construction de la personne en relation avec son
environnement objectal. En outre, ils représentent les capacités
identificatoires, intellectuelles, imaginatives et de conscience de la vie
intérieure. Le nombre de K très bas nous permet de supposer que
l'ensemble de nos sujets présentent un défaut dans
l'intégration de la représentation de soi, ainsi qu'un
désinvestissement de la vie intérieure et
imaginative.
· Le nombre de réponses total,
inférieur à la norme pour toutes les participantes
également, peut indiquer une attitude d'inhibition ou un refus
d'engagement.
· Le ban% parait élevé
seulement en rapport au nombre de réponses total faible. D'après
Collado, il marque la conformité au groupe social. Nous pensons qu'il
est préférable de ne pas émettre d'hypothèse sur ce
facteur puisque si nous le considérons dans sa valeur numérique,
il se situe dans les normes.
· Le G% élevé associé au D%
faible pour 5 de nos testées peut être compris davantage comme
l'indice d'une approche superficielle de la tâche plutôt que comme
capacités imaginative étant donné le peu de K auxquels il
se rapporte. Il s'agirait alors d'une défense face à une
implication personnelle ressentie comme dangereuse.
· Le Dd% faible pour 4 sujets soutien
l'hypothèse émise ci-dessus pour les modes d'appréhension
selon laquelle l'approche du matériel reste superficielle.
· Selon Collado, le F% est un indice
d'adaptation et de contrôle de l'affectivité. Or, la moitié
de ces jeunes femmes ont un F% bas, ce qui montrait une propension assez
importante de notre population à se laisser déborder par les
affects.
· Toujours selon Collado, Le F+% bas, qui
concerne également la moitié des sujets, serait un indice de
difficultés importantes d'adaptation à l'environnement. Il peut
également être compris comme un signe de faiblesse du Moi ou
d'inhibition.
Nous avons tenté de cerner les principales
caractéristiques communes de la population de notre étude.
Effectivement, il semble que le contexte biculturel propre à notre
population induise des variations communes à l'ensemble de nos sujets
par rapport aux normes admises pour plusieurs facteurs. A l'inverse, d'autres
facteurs ne paraissent pas influencés par la variable
indépendante puisqu'ils présentent des écarts disparates
aux normes du test de Rorschach. Ainsi, nous observons des
caractéristiques communes doublées des signes de la
singularité de chacune de ces jeunes femmes. C'est pourquoi il est
indispensable de mettre en relations ces résultats avec l'analyse des
protocoles de chacune de nos participantes.
III/ DISCUSSION ET CONLUSION
L'objet de notre recherche était de
vérifier si les jeunes femmes en situation de double contexte culturel
présentaient une vulnérabilité psychologique. En effet,
nous avons observé à travers les différentes
théories exposées en première partie de ce travail que
certains auteurs considèrent que le développement de la
personnalité dans un contexte biculturel est une source de
potentialités. Toutefois, nombre d'entre eux précisent que les
conflits d'appartenance et les ruptures entre les modèles culturels en
question vont fragiliser la dynamique psychique de ces sujets. Afin de
vérifier l'hypothèse de cette vulnérabilité
spécifique, nous avons mis en place quatre hypothèses
opérationnelles.
La vulnérabilité psychologique
qualifiant un état de moindre résistance aux excitations internes
et externes, nous avons posé l'hypothèse H01 que nos
patientes auraient un seuil de tolérance à l'angoisse plus faible
que la population générale. Or, nous observons que la plupart de
nos participantes montrent des signes d'angoisse franche dans leurs protocoles.
Pour Sabrina, même si l'angoisse n'est pas aussi manifeste, nous
entrevoyons clairement qu'elle est présente tout au long de son
protocole dans une tonalité latente. De même, nous pouvons
remarquer que l'angoisse d'Amel face au test de Rorschach inhibe l'ensemble de
son fonctionnement psychique. D'après ces faits, il semble donc que nos
participantes fassent effectivement preuve d'un seuil de tolérance bas
face aux excitations psychiques, et que l'angoisse surgisse ainsi plus
facilement.
En conséquence de l'hypothèse
précédente, H02 s'attachait aux influences du
système défensif sur la dynamique psychique. D'après nos
analyses, Sabrina est la seule de nos participantes dont le système
défensif semble relativement efficace, tout en ne perturbant pas le
fonctionnement du Moi. En effet, les autres jeunes femmes incluses dans cette
étude montrent un système défensif rigide chacune à
leur manière, bloquant certaines fonctions du Moi, notamment les
capacités imaginatives et/ou intellectuelles. Dans le même temps,
leurs mécanismes de défense ne suffisent pas à contenir
l'angoisse qui émerge face à certains stimuli selon la
subjectivité propre à chaque sujet. Nous pouvons donc constater
que la majorité de nos patientes ont un système défensif
qui est globalement défaillant.
Enfin, étant donné que la question
identitaire demeure au centre de cette problématique, H03
examinait la représentation de soi de ces jeunes femmes. Or, l'analyse
de cette hypothèse se montre révélatrice puisque que nous
discernons que tous ces jeunes femmes ont une
identification sexuelle féminine
problématique. De plus, il ressort des interprétations que quatre
d'entre elles semblent avoir vécu une relation mère-enfant
perturbée. Nous pouvons rapprocher ce constat des théories
citées dans la première partie de cet ouvrage qui évoquent
les défaillances de la figure maternelle, particulièrement dans
sa fonction d'objectprésentering. Nous avons
également remarqué que toutes présentent des
difficultés d'affirmation de soi face à l'environnement social. A
ce niveau, nous avions mentionné les conséquences de la peur de
la différence culturelle que peut manifester la société
d'accueil, induisant notamment des représentations dévalorisantes
de la culture originelle, et attaquant par là l'estime de soi des sujets
concernés. Nous retrouvons d'ailleurs des difficultés
d'implication dans les relations sociales en générales qui
émanent probablement des instabilités identitaires de nos sujets.
La représentation de soi de nos participantes parait donc
altérée par ces facteurs, qu'ils proviennent de l'environnement
familial ou extérieur.
Enfin, H04 avait pour tâche
d'observer si des variables communes se retrouvaient dans les principales
valeurs normatives des psychogrammes de nos participantes. Or, nous remarquons
effectivement que plusieurs valeurs s'écartent des normes
françaises dans le même sens. Les facteurs les plus
représentatifs de ces divergences sont le K et le nombre de
réponses totales, tous deux très en dessous de la norme pour
toutes nos participantes. Ceux-ci nous aiguillent déjà sur
l'hypothèse d'une représentation de soi
généralement peu élaborée chez ces jeunes femmes,
et de comportements inhibés.
D'autre part, il nous semble intéressant de
signaler que la moitié de nos participantes ont un TRI extratensif et
une FS inversée introversif, alors même que cette
caractéristique est généralement signe de conflit entre
les aspirations profondes des sujets et l'image qu'ils donnent à voir
aux autres.
Il semble donc d'après l'ensemble de ces
résultats que nous puissions admettre la véracité de
l'hypothèse générale de cette étude :
les jeunes adultes issus de l'immigration présentent une
vulnérabilité psychologique.
Qui plus est, N. Vercruysse et C. Chomé (2002)
ont réalisé une étude similaire en Belgique, dans laquelle
elles ont administré le test de Rorschach à trente jeunes femmes
d'origines Maghrébine, se centrant sur l'axe des représentations
humaines et de relations. L'analyse des facteurs des psychogrammes de leurs
sujets montrent, à quelques divergences près, des variations
semblables à celles de nos participantes par rapport aux normes. Elles
observent un nombre de réponses total faible, un surinvestissement des
réponses globales associé à un nombre limité de
réponses détails, une restriction des indices formels, ainsi
qu'un nombre de
kinesthésies globales proche de 1. Les
conclusions auxquelles elles arrivent sont conformes aux nôtres sur
certains points. Leurs résultats témoignent notamment
d'importantes difficultés d'intégration de la
représentation de soi, tant au niveau des identifications primaires que
secondaires. De plus, ces auteurs remarquent que leurs sujets présentent
globalement des difficultés quant à la figuration et au maintien
du lien objectal, associées entre autres aux marques d'une
problématique de séparation-individuation. Il semble donc que la
vulnérabilité des jeunes femmes issues de l'immigration ne soit
pas spécifique à la France. Il serait alors nécessaire
d'effectuer des études similaires dans différents pays pour
établir des liens entre les modalités d'accueil des populations
migrantes et la vulnérabilité de leurs enfants.
Toutefois, il est nécessaire de situer les
biais qui ont pu intervenir dans les résultats de notre recherche. Tout
d'abord, nous nous basons sur six protocoles, ce qui est trop faible pour
valider en toute confiance la significativité des résultats. Il
aurait été bon gré d'étendre le protocole
expérimentale à davantage de participants. De plus,
l'historicité de chacune de nos participantes, hormis la situation
biculturelle, doit être prise en compte dans l'interprétation des
résultats. Or, ne les ayant rencontré qu'une seule fois, nous ne
pouvons faire de liens véritables entre celle-ci et le diagnostic
psychologique résultant de l'interprétation des protocoles. Nous
savons déjà que deux d'entre ces jeunes femmes ont un parcours de
vie atypique qui a vraisemblablement marqué leur psyché. Enfin,
notre manque d'expérience dans le maniement du test de Rorschach a
probablement interféré dans certaines valeurs et orienté
nos interprétations. Nous avions déjà évoqué
les conséquences de notre attitude face à Amel, concernant
l'embarras que nous avions ressenti face à son inhibition. Il se peut
que nous n'ayons pas adopté les positions les plus propices à
l'aisance dans la passation du test pour les autres sujets également.
Ceci a surement influencé le nombre de réponses de nos
participantes.
Nonobstant, en vue de la concordance des
résultats pour notre population, notre recherche semble être une
piste intéressante à développer. En effet, nous nous
demandons ce qu'il en est de cette vulnérabilité psychologique
pour les jeunes hommes issus de l'immigration. Ainsi, s'ils présentent
une vulnérabilité, s'exprime-t-elle de la même
manière que pour les jeunes femmes ou apparaît-elle sous des
modalités différentes ? De même, nous nous sommes
centrés sur la population d'origine Maghrébine ; toutes les
populations migrantes sont-elles exposées à cette
vulnérabilité ? Il serait donc intéressant
d'élargir cette expérience à différents
modèles culturels d'origine. Enfin, nous nous sommes
référés uniquement aux normes françaises pour
l'analyse des protocoles. Or, nous avons montré que les deux
modèles culturels en présence influent le développement de
la personnalité. Etant donné le peu de
données concernant les normes
Maghrébines au Rorschach, il nous parait important de développer
les études de terrain au Maghreb afin que nous puissions observer les
empreintes de la culture d'origine des sujets ayant grandi dans un double
contexte culturel. Ceci permettrait notamment de comparer nos résultats
à ces normes, et de restituer correctement les variations des facteurs
respectivement propres à la culture d'origine et à notre variable
indépendante.
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Canal + et Bandits.
INDEX THEMATIQUE
· Affiliation : 5, 8, 11, 13, 20, 30, 35, 41,
46
· Angoisse : 5, 9, 17, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28,
30, 34, 37, 42, 43, 45, 48, 50, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 62, 64, 65,
66, 68, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 80, 81, 84, 86,
87, 88, 89, 90, 91, 93, 95, 96, 101
· Appartenance : 8, 9, 11, 13, 20, 35, 41, 46,
101
· Double contexte culturel : 5, 10, 22, 34, 47,
101, 104
· Filiation : 5, 11, 13, 17, 20, 21, 22, 41,
46
· Identité : 11, 12, 15, 16, 20, 31, 32, 33,
45, 46, 49, 57, 63, 65, 67, 68, 69, 70, 72, 74, 76, 81, 84, 88, 93
· Intégration : 4, 7, 8, 10, 12, 14, 17, 19,
22, 31, 33, 34, 99, 103
· Mécanismes de défense : 12, 27, 28,
29, 30, 34, 37, 43, 44, 45, 49, 51, 54, 55, 56, 57, 59, 60, 65, 68, 70, 73, 76,
78, 80, 81, 82, 83, 86, 89, 96, 97, 98, 101
· Modèle culturel : 11, 13, 20, 22,
34
· Rorschach : 5, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42,
43, 47, 73, 79, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104
· Représentation de soi : 5, 13, 31, 32, 33,
35, 38, 46, 52, 55, 60, 61, 69, 71, 76, 84, 85,
88, 93, 94, 97, 99, 101, 102, 103
· Structuration psychique : 5, 22, 34, 41,
46
· Vulnérabilité psychologique : 21,
22, 41, 55, 64, 98, 101, 102, 103
INDEX ONOMASTIQUE
· ANZIEU, D: 37, 43, 55, 77
· BEN SLAMA, F: 8
· BERGERET, J: 13, 20, 26, 27, 29
· BETTSCHART, W: 17
· BOHM, E: 42, 78
· BOIZOU, M.F : 33
· BRUSSET, B : 25
· CALLAHAN, S: 30
· CAMILLERI, C : 12, 15, 19, 20
· CANIVET, N : 42, 53, 61, 63, 85
· CHABERT, C: 27, 33, 37, 43, 53, 54, 62, 63, 70,
77, 78, 87, 95, 96, 99
· CHABROL, H: 30
· CHOME, C. : 102
· CLANET, T: 12, 31
· COLLADO, C: 37, 47, 53, 54, 55, 61, 62, 63, 71,
76, 78, 85, 86, 96, 97, 100
· COTTRAUX, J: 27
· COUCHARD, F: 5, 21
· COSTALAT-FOUNEAU, A. M: 32
· DE CARMOY, R: 11
· DEVEREUX, G: 4, 9, 17
· FDHIL, A: 12
· FREUD, A: 21, 28
· FREUD, S: 7, 8, 9, 15, 23, 24, 25, 26, 29, 33,
37
· GIUDICELLI, S: 24, 25
· KAES, R: 8, 15
· KARDINIER, P : 9
· LACAN, J: 7
· LE GALL, A : 24
· LOOSLI-UTERI, M : 37, 63, 76
· MARTEAUX, A : 16
· MEAD, G.H : 31
· MEAD, M : 9
· MORO, M.R : 10, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21,
22, 41, 46
· NATHAN, T: 16, 20
· PIGOTT, C : 12, 17
· RAUSCH DE TRAUBENBERG, N : 32, 33, 38, 39, 46,
52, 61, 62, 71, 78, 84, 93, 96, 97
· REVAH-LEVY, A : 10
· ROHEIM, G : 23
· ROUVIERE, H : 33
· SANGLADE, A : 32, 38, 46
· SCHNAPPER, D : 14
· SIBONI, D : 10
· TOMKIEWICZ : 21
· VERCRUYSSE, N : 102
· VINSONNEAU, G : 12, 15, 19, 20
· VIOLET-CONIL, M : 42
· WIDLOCHER, D : 27
· WINNICOTT, D.W : 7, 11, 17
· YAHYAOUI, A : 18
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 4
PARTIE THEORIQUE
I/ LA CULTURE ET L'INDIVIDU 7
1/ La culture : un essai de définition
7
2/ Culture et psychisme 8
a) L'universalisme 8
b) Le culturalisme 9
c) L'approche complémentariste 9
3/ Le double contexte culturel 10
a) « L'entre-deux » cultures 10
b) La filiation 11
c) L'affiliation 11
d) Les possibilités d'aménagement
12
- L'intégration des cultures 12
- Le rôle de l'environnement 13
II/ L'INTEGRATION CONFLICTUELLE DES MODELES CULTURELS
15
1/ Les transmissions défectueuses de
l'environnement 15
a) Les figures de l'étrangeté
15
b) Les fragilités de la parentalité
16
- La remise en cause du statut parental 16
- L'ambiguïté des rôles 16
- Le deuil parental indépassé
17
2/ La contradiction des valeurs culturelles
18
3/ Le risque transculturel 19
a) La coupure des liens 19
- Le déni de l'affiliation à la
société d'accueil 20
- Le déni de la filiation 20
b) La vulnérabilité spécifique des
enfants de migrants 21
- Définition de la vulnérabilité
21
- La situation transculturelle source de
vulnérabilité 21
III/ LES SIGNES CLINIQUES 23
1/ L'angoisse 23
a) Définition 23
b) Les théories freudiennes de l'angoisse
24
- La première conception freudienne 24
- La deuxième conception freudienne 25
c) les contemporains de Freud 26
- La stabilité structurelle 26
- L'unicité du sujet 27
d) L'approche cognitiviste 27
2/ Les mécanismes de défense
28
a) La théorie psychanalytique 28
b) La classification des mécanismes de
défenses selon le DSM IV 29
3/ La représentation de soi
31
a) Perspective interactionniste et structurale
31
b) Perspective cognitiviste 32
c) Perspective psychanalytique 32
d) Représentation de soi et image de soi
33
PROBLEMATIQUE 34
PARTIE METHODOLOGIQUE
I/ PROTOCOLE EXPERIMENTAL 36
1/ Caractéristiques des participants
36
2/ Matériel utilisé : Le test de
Rorschach 36
3/ Procédure 38
a) Le recrutement des sujets 38
b) Le déroulement des rencontres 39
II/ HYPOTHESES DE RECHERCHE 41
1/ Hypothèse générale
41
2/ Hypothèses opérationnelles
42
a) HO1 : les jeunes femmes d'origine
Maghrébine
expriment des manifestations de l'angoisse au Rorschach
42
b) HO2 : les jeunes femmes d'origine
Maghrébine mettent
en place un système défensif coûteux
contre l'angoisse 43
c) H03 : les jeunes femmes d'origine
Maghrébine
font preuve d'une représentation de soi
perturbée 46
d) H04 : le double contexte culturel propre
aux jeunes femmes
d'origine Maghrébine entraine des écarts
par rapport
aux normes admises au Rorschach 47
III/ PRESENTATION DES RESULTATS ET INTERPRETATION
48
1/ Protocole de Leïla 48
a) Présentation de la participante 48
b) Les représentants de l'angoisse 48
c) Les mécanismes de défense
49
d) La représentation de soi 52
e) Interprétation dynamique 53
2/ Protocole de Sabrina 56
a) Présentation de la participante 56
b) Les représentants de l'angoisse 56
c) Les mécanismes de défense
56
d) La représentation de soi 60
e) Interprétation dynamique 61
3/ Protocole de Narjis 64
a) Présentation de la participante 64
b) Les représentants de l'angoisse 64
c) Les mécanismes de défense
65
d) La représentation de soi 69
e) Interprétation dynamique 69
4/ Protocole d'Amel 73
a) Présentation de la participante 73
b) Les représentants de l'angoisse 73
c) Les mécanismes de défense
73
d) La représentation de soi 76
e) Interprétation dynamique 77
5/ Protocole de Mina 79
a) Présentation de la participante 79
b) Les représentants de l'angoisse 80
c) Les mécanismes de défense
80
d) La représentation de soi 84
e) Interprétation dynamique 85
6/ Protocole de Fatiha 88
a) Présentation de la participante 88
b) Les représentants de l'angoisse 89
c) Les mécanismes de défense
89
d) La représentation de soi 93
e) Interprétation dynamique 94
7/ Analyse normative 98
a) Résultats 98
b) Hypothèses d'interprétation
99
DISCUSSION ET CONCLUSION 101
· Références bibliographiques
105
· Index thématique 109
· Index onomastique 110
ANNEXES I
1/ Présentation des participantes
II
2/ Annonce de recrutement de la population
III
3/ Accord de participation IV
4/Grille de Représentation de soi de N. Rausch
De Traubenberg & A. Sanglade V
5/ Grille de représentation de soi des
participantes VII
A/ Leïla VIII
B/ Sabrina IX
C/ Narjis X
D/ Amel XI
E/ Mina XII
F/ Fatiha XIII
6/ Analyse statistique des valeurs moyennes
XIV
ANNEXES II : Protocoles et psychogrammes des
sujets
1/ Leïla I
· Protocole II
· Psychogramme V
2/ Sabrina VI
· Protocole VII
· Psychogramme XI
3/ Narjis XII
· Protocole XIII
· Psychogramme XVI
4/ Amel XVII
· Protocole XVIII
· Psychogramme XXI
5/ Mina XXII
· Protocole XXIII
· Psychogramme XXVI
6/ Fatiha XXVII
· Protocole XXVIII
· Psychogramme XXXI
ANNEXES
1/ PRESENTATION DES PARTICIPANTES
Sujet
|
Age lors de la passation
|
Pays de naissance
|
Pays d'origine des parents
|
Religion
|
N° 1 : Leïla
|
23 ans
|
France
|
Maroc
|
Musulmane non pratiquante
|
N° 2 : Sabrina
|
25 ans
|
France
|
Algérie
|
Pas de religion ; certaines croyances
|
N° 3 : Narjis
|
24 ans
|
France
|
Maroc
|
Musulmane pratiquante
|
N°4 : Amel
|
27 ans
|
France
|
Algérie
|
Musulmane non pratiquante
|
N°5 : Mina
|
31 ans
|
Maroc ; arrivée en France à 2ans
1/2.
|
Maroc
|
Musulmane non pratiquante
|
N°6 : Fatiha
|
32 ans
|
Maroc ; arrivée en France à 8
ans
|
Maroc
|
Musulmane non pratiquante
|
Moyenne d'âge : 27 ans.
2/ ANNONCE DE RECRUTEMENT DE LA POPULATION :
Étudiante en Master 1 de
psychologie RECHERCHE Jeunes femmes d'origine
Maghrébine Volontaires pour passer le test projectif du Rorschach
dans le cadre de la réalisation de mon mémoire de
recherche
Contactez Camille:06 -- -- -- -- /
---------@hotmail fr Merci!
3/ ACCORD DE PARTICIPATION :
Je soussigné accepte de participer à la
recherche
scientifique menée par Mlle Camille PATRY, sous la
direction de Mr Claude COLLADO.
J'accepte l'analyse psychologique des données
obtenues sachant qu'il n'y a pas de bénéfice direct. Je peux
à tout moment et sans justification interrompre ma collaboration
à cette recherche. Je peux demander à ce que les données
me soient restituées, ou détruites.
J'ai la garantie de l'exploitation de cet entretien
à des seuls fins universitaires et scientifiques, ainsi que du respect
de mon anonymat.
Cette recherche est conforme au respect des dispositions
légales, éthiques et déontologiques.
Fait en double exemplaire à Toulouse,
le
Signature, précédé de la mention
« lu et approuvé » :
4/ GRILLE DE REPRESENTATION DE SOI (RAUSCH DE TRAUBENBERG
ET SANGLADE):
Première colonne Monde humain
:
01 : H Contenu humain entier
02 : H enf Contenu humain enfant
03 : H Humain défini par la fonction (rois, clown,
indiens...)
04 : (H) Humain irréel
05 : H/A Humain devenant animal ou
inversement
06 : HA Mélange des règnes humain et
animal
07 : Hd Partie du corps autre que la
tête
08 : Hdt Tête humaine ou partie de tête
humaine
09 : (Hd) Hd irréelle
00 : At Anatomie humaine
001 Squelette entier
002 Anatomie osseuse
003 Anatomie viscère
004 Sang, veines, artères
005 Foetus
Monde animal :
10 : peau d'animal
11 : A animal entier
12 : bébé animal
13 : animal préhistorique
14 : (A) animal irréel et chargé de toute
puissance
15 : animal anthropomorphe
16 : animal Walt Disney
17 : Ad autre que bouche, dents, cornes,
pinces
18 : Ad bouche, dents, cornes, pinces.
19 : (Ad) partie d'animal irréel
100 : Anatomie animal
101 squelette entier
102 anatomie osseuse
103 anatomie viscère
104 sang, veines, artères
Monde inanimé et divers :
20 : objets quelconques (y compris tableaux et peaux
d'animal)
21 : objets détails
22 : objets représentants l'humains (marionnettes,
poupée...)
23 : vêtements et accessoires (couronne, fleurs,
lunettes)
24 : objets signes de puissance (sceptres, totem,
blasons)
25 : architecture
26 : objets creux (vase)
27 : objets pointus, coupants, actifs (pinces, ciseaux,
armes, flèches)
28 : objet à moteur (voitures, vaisseaux, bombes,
explosifs)
29 : éléments naturels (grottes, rochers,
volcans, nuages)
30 : botanique
31 : géographie
33 : paysages
40 : alimentation
50 : lignes, traits, bâtons, pointes
51 : trous
52 : matières (peintures, papier,
encre)
60 : abstractions
61 : symboles
Seconde colonne
1 : Interaction réciproque positive (« se
font des révérences »)
2 : Interaction réciproque agressive (« se
battent »)
3 : Action bilatérale à caractère
neutre (« jouent du tam-tam »)
4 : Interaction actif/passif non agressive (l'un des
personnages ou animaux exerce une
action non agressive sur l'autre)
5 : Interaction actif/passif agressive
6 : Interaction actif/passif de dépendance
(mère et enfant...)
7 : Action simple et posture, impliquant K ou
kan
8 : Action à caractère agressif («
attraper »)
80 : caractère agressif ou menaçant sans
action (« méchant », animaux avec dards...)
9 : Action incongrue et bizarre
10 : Action subie (« homme battu »)
11 : Image en miroir
12 : Dénomination simple ou posture n'impliquant
pas K ou kan
13 : Dessin, caricature
14 : Statue, momie
15 : Etre humain ou animal mort
16 : Image incomplète (femme sans
tête...)
Troisième colonne
M : Masculin
F : Féminin
MF : Un personnage masculin, un personnage
féminin
/ : Non précisé
O : Ambivalent, bisexué ou instable
Quatrième colonne
D : Contenu détérioré
U : Unilatéral
J : Jumeaux, siamois
S : Scènes
Sx : réponse sexuelle
X : Imago parentale paternelle
Y : Imago parentale maternelle
GRILLE DE REPRESENTATION DE SOI DES
PARTICIPANTES
A/ Grille de représentation de soi de Leïla
Réponse
|
Contenus
Analyse de l'image corporelle de
la représentation de soi
|
Actions
Analyse du mode de relation à l'objet
|
Facteurs spécifiant l'identité sexuelle
et le caractère de différenciation soi/non-soi.
|
1
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
2
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
3
|
paysage
|
dénomination simple
|
|
4
|
humains entier
|
action bilatérale neutre et
non définie
|
/
|
5
|
animal irréel
|
caractère agressif sans action
|
|
6
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
7
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
8
|
Ad trompe
|
dénomination simple
|
|
9
|
animal entier
|
action bilatérale neutre
|
|
10
|
botanique
|
dénomination simple
|
|
11
|
élément naturel
|
caractère agressif sans action
|
|
12
|
Hd autre que tête
|
dénomination simple
|
/
|
13
|
abstraction
|
action simple
|
|
B/ Grille de représentation de Sabrina
Réponse
|
Contenus
Analyse de l'image corporelle de
la représentation de soi
|
Actions
Analyse du mode de relation à l'objet
|
Facteurs spécifiant l'identité sexuelle
et le caractère de différenciation soi/non-soi.
|
1
|
animal entier
|
caractère menaçant sans
action (griffes)
|
|
2
|
foetus animaux
|
interaction réciproque agressive
|
jumeaux
|
3
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
4
|
humains entiers
|
interaction réciproque positive
|
féminins
|
5
|
humain irréel puissant
|
dénomination simple
|
masculin
|
6
|
sexe
|
dénomination simple
|
réponse sexuelle
|
7
|
animal entier
|
action simple (kan)
|
|
8
|
botanique
|
dénomination simple
|
|
9
|
objet signe de puissance
|
dénomination simple
|
|
10
|
humain entier enfant
|
dénomination simple
|
masculin/jumeaux
|
11
|
Hd tête
|
dénomination simple
|
féminin
|
12
|
anatomie viscère
|
action subie (crâne ouvert)
|
|
13
|
animaux entiers
|
dénomination simple
|
|
14
|
objet symbole
|
dénomination simple
|
|
15
|
humain irréel
|
dénomination simple
|
masculin
|
16
|
élément naturel
|
action simple
|
|
17
|
objet quelconque
|
dénomination simple
|
|
18
|
objet représentant l'humain
(masque)
|
dénomination simple
|
|
C/ Grille de représentation de soi de Narjis
Réponse
|
Contenus Analyse de l'image corporelle de
la représentation de soi
|
Actions
Analyse du mode de relation à l'objet
|
Facteurs spécifiant l'identité sexuelle et
le caractère de différenciation
soi/non- soi.
|
1
|
humain entier
|
dénomination simple
|
(masculin à l'enquête)
|
2
|
partie d'animal
|
dénomination simple
|
|
3
|
humains entiers
|
dénomination simple
|
masculins
|
4
|
humains entiers (tendance H/A)
|
action bilatérale neutre et faible
|
féminins
|
5
|
anatomie viscère
|
dénomination simple
|
|
6
|
tête d'animal
|
dénomination simple
|
|
7
|
botanique
|
action subie (« bouffée »)
|
contenu détérioré
|
8
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
9
|
partie d'animal bouche
|
caractère agressif sans action
|
|
10
|
géographie
|
action simple impliquant kob
|
|
11
|
réponse sexuelle
|
dénomination simple
|
sexe masculin
|
12
|
réponse sexuelle
|
dénomination simple
|
sexe féminin
|
13
|
tête d'animal
|
dénomination simple
|
|
14
|
têtes humaines
|
dénomination simple
|
féminins
|
15
|
partie d'humain
|
dénomination simple
|
féminin + réponse sexuelle
|
16
|
animaux entiers
|
dénomination simple
|
|
17
|
abstraction
|
dénomination simple
|
|
18
|
abstraction
|
dénomination simple
|
|
19
|
partie d'humain
|
dénomination simple
|
féminin + réponse sexuelle
|
20
|
anatomie viscère
|
dénomination simple
|
féminin
|
21
|
tête humaine
|
dénomination simple
|
masculin
|
D/ Grille de représentation de soi d'Amel
Réponse
|
Contenus
Analyse de l'image corporelle de
la représentation de soi
|
Actions
Analyse du mode de relation à l'objet
|
Facteurs spécifiant l'identité sexuelle et
le caractère de différenciation soi/non-soi.
|
1
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
2
|
humains entiers
|
action bilatérale neutre et faible
|
/
|
3
|
anatomie sang
|
dénomination simple
|
|
4
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
5
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
6
|
élément naturel
|
dénomination simple
|
|
7
|
humains entiers
|
dénomination simple
|
/
|
8
|
animaux entiers
|
dénomination simple
|
|
9
|
botanique
|
dénomination simple
|
|
10
|
animaux entiers
|
dénomination simple
|
|
11
|
abstraction
|
dénomination simple
|
|
Réponse
|
Contenus
Analyse de l'image corporelle de
la représentation de soi
|
Actions
Analyse du mode de relation à l'objet
|
Facteurs spécifiant l'identité sexuelle et
le caractère de différenciation soi/non-soi.
|
1
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
2
|
partie d'humain
|
dénomination simple
|
|
3
|
animaux entiers
|
interaction réciproque positive
|
|
4
|
humains entiers
|
action bilatérale neutre
|
bisexués
|
5
|
animal irréel chargé de toute
puissance
|
caractère agressif sans action (« pinces
»)
|
|
6
|
animal entier
|
action simple impliquant kan
|
petite tendance contenu
détérioré (mal formé)
|
7
|
éléments naturels
|
dénomination simple
|
|
8
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
9
|
géographie
|
dénomination simple
|
|
10
|
animaux entiers
|
dénomination simple
|
|
11
|
animaux entiers
|
dénomination simple
|
|
12
|
botanique
|
action subie (« arbres coupés
»)
|
|
13
|
abstraction
|
dénomination simple
|
|
14
|
objet représentant l'humain
|
dénomination simple
|
|
Réponse
|
Contenus
Analyse de l'image corporelle de
la représentation de soi
|
Actions
Analyse du mode de relation à l'objet
|
Facteurs spécifiant l'identité sexuelle et
le caractère de différenciation soi/non-soi.
|
1
|
Objet représentant l'humain
(masque)
|
dénomination simple
|
|
2
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
3
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
4
|
objet à moteur
|
action impliquant kob
|
|
5
|
anatomie osseuse
|
dénomination simple
|
|
6
|
anatomie osseuse animale
|
dénomination simple
|
|
7
|
vêtement
|
dénomination simple
|
|
8
|
humain irréel
|
dénomination simple
|
|
9
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
10
|
objet à moteur
|
action impliquant kob
|
|
11
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
12
|
animaux entiers
|
action bilatérale neutre
|
|
13
|
animal entier
|
dénomination simple
|
|
14
|
botanique
|
dénomination simple
|
|
15
|
élément naturel
|
interaction actif/passif agressive
|
|
16
|
géographie
|
dénomination simple
|
|
17
|
tête humaine
|
dénomination simple
|
|
6/ ANALYSE STATISTIQUE DES VALEURS MOYENNES :
A/ Statistiques descriptives :
|
Leïla
|
Sabrina
|
Narjis
|
Amel
|
Mina
|
Fatiha
|
Moyenne
|
Ecart-type
|
G%
|
38,5
|
55,5
|
23,8
|
72,7
|
50
|
52,9
|
48,9
|
16,52
|
D%
|
46,1
|
38,9
|
66,7
|
27,3
|
50
|
35,3
|
44
|
13,68
|
Dd%
|
7,7
|
0
|
9,5
|
0
|
0
|
0
|
2,9
|
4,48
|
Dbl%
|
7,7
|
5,5
|
0
|
0
|
0
|
11,8
|
4,2
|
4,99
|
F%
|
38,5
|
50
|
57,1
|
45,4
|
42,8
|
58,8
|
48,8
|
8,05
|
F+%
|
90
|
88,9
|
75
|
90
|
66,7
|
65
|
79,3
|
11,86
|
K
|
1
|
1
|
1
|
1
|
1
|
0
|
0,84
|
0,63
|
RC%
|
38,5
|
38,9
|
33,3
|
36,4
|
28,6
|
35,3
|
35,2
|
3,83
|
A%
|
53,8
|
27,8
|
28,6
|
45,4
|
50
|
35,3
|
40,1
|
11,14
|
H%
|
15,4
|
27,8
|
33,3
|
18,2
|
14,3
|
11,8
|
20,1
|
8,50
|
R
|
13
|
18
|
21
|
11
|
14
|
17
|
15,7
|
3,67
|
Ban%
|
38,5
|
22,2
|
23,8
|
36,4
|
28,6
|
23,5
|
28,8
|
7,05
|
Ind. Ang.
|
7,7
|
11,1
|
38,1
|
9
|
7,1
|
17,6
|
15,1
|
11,89
|
B/ Test t de Student :
Les valeurs sont analysés selon la table de
t au risque á = 5% pour un degré de
liberté = 5. tT = 2,571. m = moyenne des sujet
; jl = norme.
facteur
|
hypothèse
|
tc
|
significativité de la différence
|
seuil de significativité
|
G%
|
m>t
|
0,5906
|
non significative
|
-
|
D%
|
m<j.t
|
- 0,4774
|
non significative
|
-
|
Dd%
|
m<j.t
|
- 0,4647
|
non significative
|
-
|
Dbl%
|
m>t
|
0,0981
|
non significative
|
-
|
F%
|
m<j.t
|
- 0,3144
|
non significative
|
-
|
F+%
|
m<j.t
|
- 0,1962
|
non significative
|
-
|
K
|
m<j.t
|
- 3,3437
|
significative
|
p<0,05
|
RC%
|
m = j.t
|
0,0532
|
-
|
-
|
A%
|
m = j.t
|
- 0,0879
|
-
|
-
|
H%
|
m=j.t
|
0,0551
|
-
|
-
|
R
|
m<j.t
|
- 1,3126
|
non significative
|
-
|
Ban%
|
m>t
|
0,7412
|
non significative
|
-
|
Ang%
|
m>t
|
0,1064
|
non significative
|
-
|
Résumé : En regard de la situation
actuelle en France, cette recherche a pour objet la structuration psychique des
jeunes adultes de la seconde génération de l'immigration. Elle
pose la question de la présence d'une vulnérabilité
psychologique chez six jeunes femmes d'origine Maghrébine. Afin d'y
répondre, nous avons utilisé le test de Rorschach ;
l'étude des protocoles est axée sur les manifestations de
l'angoisse, les mécanismes de défense, la représentation
de soi et une analyse comparative des facteurs principaux du psychogramme en
rapport aux normes françaises. A l'issue de cette recherche, nous
montrons que cinq de ces sujets présentent effectivement une
vulnérabilité psychologique. Il ressort en effet de l'analyse des
protocoles de Rorschach qu'elles font globalement preuve d'un seuil de
tolérance à l'angoisse relativement bas, d'un système
défensif coûteux, d'une représentation de soi
perturbée. Les psychogrammes présentent aussi des variations
communes. Ainsi, cette étude ouvre la voie à d'autres questions
en rapport avec la problématique, telles que la constitution de normes
Maghrébine pour le Rorschach, la présence de
vulnérabilité psychologique pour des populations d'autres
origines culturelles ou l'extension de cette recherche à une population
masculine.
***
Mots clés : double contexte culturel -
vulnérabilité psychologique - Rorschach.
***
Summary: Considering the current situation in France,
the subject of this research is the psychic structuring of young adult
descendants of immigrants. It suggests the presence of a psychological
vulnerability among six young women originally from North Africa. In order to
reply to it, we have used Rorschach test; examination of protocols is based on
displays of anguish, defense mechanisms, self-representation and a comparative
analysis of psychogramme main factors with regard to French norms. At the close
of this research, we prove that five of the participants show signs of
psychological vulnerability. The results of the Rorschach's protocol analysis
bring out that they all demonstrate a relatively low tolerance threshold to
anguish, costly defenses, and a disturbed self-representation. Psychogrammes
show common variations as well. Therefore, this study leads to other questions
in relation to this problem like the constitution of North Africa norms for the
Rorschach, the presence of psychological vulnerability among populations from
various origins or the extension of this research to a male
population.
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Keywords: double cultural context - psychological
vulnerability - Rorschach.
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