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Le panafricanisme d'intégration comme réponse aux problèmes sécuritaires africains.

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par Cheikh GUEYE
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master Relations Internationales Sécurité Internationale et Défense. 2009
  

Disponible en mode multipage

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    Université Jean Moulin
    Facultés de Droit et de Science Politique
    15, quai Claude Bernard, 69007, LYON

    Mémoire sur

    Le panafricanisme d'intégration comme réponse aux problèmes
    sécuritaires africains.

    Université Jean Moulin
    Facultés de Droit et de Science Politique
    15, quai Claude Bernard, 69007, LYON

    Mémoire sur

    Le panafricanisme d'intégration comme réponse aux problèmes
    sécuritaires africains.

    REMERCIEMENTS

    Je remercie Monsieur DEGILA pour son aide précieuse et sa disponibilité.

    Je remercie les membres de ma famille pour leur soutien indéfectible, eux, dont
    l'exemplarité, le courage et l'abnégation sont une inspiration de tous les jours.

    TABLE DES ABBREVIATIONS & SIGLES

    ACRI African Crisis Response Initiative

    AFL Armed Forces of Liberia

    AEF Afrique Equatoriale Française

    ANAD Accord de Non Agression et de Défense

    AOF Afrique Occidentale Française

    CCEG Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement

    CEDEAO Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

    CEEAC Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

    CEMAC Communauté et Monétaire des Etats d'Afrique Centrale

    COPAX Conseil de Paix et de Sécurité d'Afrique Centrale

    EASBRIG Eastern Africa Brigade

    ECOMOG Economic Community of West African States Cease-fire

    Monitoring Group

    FAA Forces Africaines en Attente

    FAC Forces Armées de la Communauté

    FOMAC Force Multinationale d'Afrique Centrale

    IGAD Intergouvernemental Authority on Development

    LURD Liberians United for Reconciliation and Democracy

    MAP Millenium African Plan

    MPJ Mouvement pour la Paix et la Justice

    MPIGO Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest

    MODEL Movement for Democracy in Liberia

    NAACP National Association for the Advancement of Colored People

    NEPAD New Partnership for Africa's Development

    ONU Organisation des Nations Unies

    OUA Organisation de l'Unité Africaine

    PAM D Protocole d'Assistance Mutuelle en matière de Défense

    PLANELM Planning Element

    PNA Pacte de Non Agression

    RDA Rassemblement Démocratique Africain

    RDC République Démocratique du Congo

    RECAMP Renforcement des Capacités Africaines au Maintien de la

    Paix

    RUF Revolutionary United Front

    SADC Southern African Development Community

    SADCBRIG SADC Brigade

    UA Union Africaine

    ULIMO United Liberation Movement of Liberia for Democracy

    UMA Union du Maghreb Arabe

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION

    I. UNE BREVE HISTOIRE DU PANAFRICANISME EN AFRIQUE

    1) Un désir né hors d'Afrique.

    A. DE BLYDEN A GARVEY.

    B. PANAFRICANISME OU PANNEGRISME ?

    2) L'avènement du panafricanisme politique.

    A. LE RENOUVEAU DU PANAFRICANISME POLITIQUE.

    B. LES INDEPENDANCES SOUS LE SCEAU DU PANAFRICANISME.

    3) Le panafricanisme au sein du système international.

    A. PANAFRICANISME DE COOPERATION VERSUS PANAFRICANISME

    D'INTEGRATION.

    B. L'OUA : ENCHANTERESSE PUIS DESENCHANTEE.

    II. UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EST-ELLE POSSIBLE ?

    1) L'Etat africain et l'échec du rôle de régulateur.

    A. L'ETAT INADAPTE

    B. LA PROBLEMATIQUE DES FORCES ARMEES EN AFRIQUE.

    2) Pour une autre vision de la sécurité.

    A. L'INTRICATION DES DILEMMES DE SECURITE

    B. LA SECURITE HUMAINE AU COEUR DE LA PROBLEMATIQUE

    SECURITAIRE.

    III. LA CEDEAO COMME EXEMPLE DE LA MISE EN PLACE D'UNE

    COMMUNAUTE DE SECURITE EN AFRIQUE DE L'OUEST.

    1) Pourquoi l'Afrique de l'Ouest ?

    A. UNE HISTOIRE DANS L'HISTOIRE.

    B. L'AFRIQUE DE L'OUEST : UNE REGION CRISOGENE

    2) L'ECOMOG : Le franchissement d'un palier nécessaire.

    A. DU PNA A L'ECOMOG.

    B. UN BILAN MITIGE

    3) Une initiative encourageante pour une région et pour tout un continent.

    A. LES MECANISMES DE PREVENTION, DE GESTION ET DE

    REGLEMENTS DE CONFLIT

    B. VERS LES FORCES AFRICAINES EN ATTENTE (F.A.A)

    IV. UNE VOLONTE DES ELITES ET DES MASSES.

    1) Le « panafricanisation » des masses.

    A. DEPASSER LES DIFFERENCES IDENTITAIRES.

    B. STIMULER UNE AFRIQUE DES PEUPLES.

    2) L'Afrique des peuples comme complément de l'Afrique des Etats.

    A. LE CLIVAGE AFRIQUE NOIRE-AFRIQUE BLANCHE.

    B. LES AIRE REGIONALES COMME RAMPE DE LANCEMENT

    3) Afrique des Etats ou Etats-Unis d'Afrique ?

    A. SUPRA-GOUVERNANCE ET QUERELLES DE LEADERSHIP

    B. LE FEDERALISME : VOEU PIEUX ?

    INTRODUCTION

    Conflit du Kivu persistant en 2009, coup d'Etat en Guinée en décembre 2008 et réveil des tensions en Guinée-Bissau qui ont conduit à l'assassinat du Président Vieira, l'Afrique a encore été le théâtre de conflits armés et de troubles qui mettent en danger la stabilité des Etats et du continent.

    Depuis les indépendances des années 60, l'Afrique est plongée dans le cercle vicieux de la violence et a du mal à sortir de cette spirale. Et pourtant l'indépendance fut une longue quête et un Graal difficile à obtenir. Sur sa route le mouvement indépendantiste africain a croisé à plusieurs reprises la route d'un autre mouvement : le panafricanisme.

    Le panafricanisme fait aujourd'hui partie du vocabulaire politique africain mais le chemin vers cette reconnaissance a été long et semé d'embûches car le panafricanisme contrairement à ce que son nom indique n'est pas né en Afrique. Venu des Etats-Unis et des Antilles britanniques, il s'est forgé au contact du mouvement d'émancipation des noirs. Entre son départ des Etats-Unis et son arrivée en Afrique le mouvement aura mûri passant d'une revendication intellectuelle à un militantisme politique, d'un mouvement localisé à une dynamique mondialisé. Au contact des différents hommes qui ont fait son histoire, le panafricanisme a connu plusieurs courants ; signe de la vitalité d'un concept qui a accompagné les pays africains vers l'indépendance.

    Mais avant d'être un mouvement politique, le panafricanisme est une aventure intellectuelle menée par des hommes qui rêvaient d'un monde meilleur et pour qui l'Afrique était le lieu de réalisation de ce rêve. L'Afrique, berceau de l'humanité, devait être le lieu de renaissance de toutes ses populations enchaînées par l'esclavage puis par la colonisation. La recherche de liberté dépassait le simple cadre politique de l'indépendance, le but était de retrouver une identité, la leur. L'aspiration identitaire a donc appelé à l'aspiration politique. Mais alors peut-on parler de l'Afrique comme d'une entité culturelle ? Non pas vraiment car l'Afrique, si elle est une entité par les lois de la géographie, ne représente pas un bloc culturel mais plutôt un formidable espace en

    perpétuelle mutation et empreint d'une vitalité marquée par l'entrecroisement des civilisations et des dynamiques migratoires, culturelles et politiques. L'Afrique de l'âge d'or n'a jamais existé, l'Afrique une et indivisible non plus.

    Mais force est de constater que malgré l'accession aux indépendances, l'idée a du mal à s'imposer aux Africains alors qu'elle fut une évidence pour ses concepteurs. Bien entendu il est plus facile de concevoir un plan que de lui donner corps et les obstacles à la réalisation de cette unité sont nombreux. Comme nous le disions précédemment l'Afrique n'a jamais connu l'unité et ce même avant la colonisation. L'histoire du continent est cependant marquée par ses constructions politiques vastes qu'on oublie souvent de mentionner car l'Afrique est le berceau de l'Egypte antique, de la Nubie et de grands empires qui se sont étendues sur de grands espaces. Les Empires Songhaï, Kongo, Zoulou, du Ghana, du Kanem, du Mali sont autant d'illustrations de la richesse d'une Afrique qui n'a jamais cessé de marquer l'histoire et l'universel. La fabrique historico-sociale africaine n'a ainsi jamais cessé de fonctionner.

    Fort de toutes ces constatations, il nous apparaissait important de nous pencher sur l'histoire du panafricanisme et de son évolution car le panafricanisme vise l'unité de l'Afrique. Une unité multidimensionnelle qui doit permettre au continent et à ses fils de gagner la place qui leur revient de droit dans la communauté internationale. L'unité passe donc par plusieurs niveaux et au vu des conflits qui se sont multipliés depuis les indépendances l'aspect sécuritaire est un volet indispensable à la réalisation de l'unité africaine. En effet comment des Etats qui ne se sentent pas en sécurité dans leur environnement peuvent-ils s'engager dans une union qui réclame une confiance mutuelle et un engagement total ? Comment des Etats peuvent-ils penser à bâtir une union s'ils sont incapables d'assurer leur propre sécurité ? Comment peuvent-ils garantir leur sécurité individuelle ? Comment créer un climat de confiance pour bâtir cette union ? Le panafricanisme est à notre avis la réponse à toutes ces questions.

    Depuis sa naissance, le panafricanisme est à la recherche de l'unité du continent, unité des
    peuples africains et unité territoriale brisant les frontières nées de la Conférence de Berlin
    de 1885. Cette recherche d'unité a conduit les dirigeants africains à se réunir à la

    conférence d'Addis-Abeba de 1963 pour donner naissance à l'Organisation de l'Unité Africaine (QUA), la première organisation panafricaine regroupant tous les Etats africains indépendants. 40 ans plus tard l'OUA est remplacée par l'Union Africaine (UA) car son bilan loin d'être positif a montré les limites du panafricanisme actuel et notamment dans le domaine sécuritaire.

    Au cours de notre exposé, nous nous intéresserons donc au panafricanisme comme réponse aux problèmes sécuritaires africains à travers toutes les initiatives qui ont existé et qui continuent d'exister. Dans un premier temps nous reviendrons sur l'histoire du panafricanisme en Afrique car comme je le disais précédemment le panafricanisme, né d'un désir ressenti hors du continent, a été développé aux Etats-Unis et aux Antilles britanniques et a été porté par des hommes comme DuBois, Blyden ou encore Garvey. En traversant l'Atlantique, nous verrons que ce panafricanisme intellectuel a entrepris sa mue pour passer d'un militantisme intellectuel et scientifique à un militantisme politique. Cette phase se caractérisa notamment par l'émergence d'une nouvelle génération de panafricanistes comme Nkrumah, Padmore, Kenyatta très engagés politiquement et réclamant plus fortement que jamais l'indépendance.

    Nous verrons que tout comme le panafricanisme des débuts qui s'exprimait selon les tendances duBoisiste (panafricanisme par les élites) et garveyiste (panafricanisme par les masses) ; le panafricanisme politique, qui s'impose et permet l'indépendance des pays africains, est lui aussi tiraillé entre 2 sensibilités : d'un côté les partisans d'un panafricanisme minimaliste misant sur la coopération des Etats et de l'autre les partisans d'un panafricanisme maximaliste et prônant l'intégration des Etats dans une fédération africaine. Une fois de plus la synergie des sensibilités n'a pu être faite et nous verrons que tout comme le panafricanisme duBoisiste avait triomphé, le panafricanisme minimaliste s'imposa à Addis-Abeba et à travers une QUA dont l'idée était enchanteresse mais dont la concrétisation s'opéra dans un total désenchantement.

    Dans une seconde partie nous nous pencherons sur l'une des idées principales du
    panafricanisme d'intégration : l'émergence d'une fédération africaine et la constitution
    d'une armée africaine. Ces 2 éléments devant permettre l'érection d'une communauté de

    sécurité synonyme d'une Afrique unifiée et pacifiée. La conférence d'Addis-Abeba en consacrant un panafricanisme de coopération a enterré l'idée d'une communauté de sécurité. De plus l'OUA (qui tentera d'exister autant que faire se peut) avait face à elle un obstacle : l'Etat africain. Nous verrons que cet Etat africain est en échec dans son rôle de régulateur de la société et que cet échec à assumer son rôle dans la société et la nation l'empêche de se consacrer à bâtir une sécurité collective. Néanmoins au vu de la dimension identitaire des conflits africains et de l'inadéquation des espaces identitaires avec les espaces institutionnels, les Etats africains gagneraient à s'unir car les conflits qu'ils traversent sont hybrides n'étant ni complètement interétatique ni exclusivement intraétatique.

    Dans une troisième partie nous étudierons l'alternative qui s'est imposé à un continent incapable de réaliser son union : le sous-régionalisme. Nous verrons par le biais de la CEDEAO, l'expérience des pays de l'Afrique de l'ouest. L'Afrique de l'ouest pour 2 raisons : tout d'abord parce que cette région est minée par des conflits depuis les indépendances, ensuite parce que l'histoire de la région est marquée par l'existence de grands espaces politiques, culturels avant la colonisation et leur rémanence à travers la nouvelle organisation institutionnelle. De plus nous montrerons qu'il n'y a pas forcément incompatibilité entre les Etats africains et l'idée d'une communauté de sécurité ; et ce à travers l'exemple de la CEDEAO qui s'est distinguée par une réelle volonté de construire un espace sûr pour la concrétisation de cet objectif. Nous verrons que la réussite des sous- régionalismes est une alternative crédible et viable et qu'elle permet de ressusciter l'idée de la communauté dé sécurité si chère aux panafricanistes convaincus.

    Enfin dans une dernière partie nous insisterons sur l'importance de joindre les masses au projet panafricain car ce dernier repose bien entendu sur la volonté des élites dirigeantes, mais si cette volonté n'est pas sous-tendue par l'implication des masses, elle n'a que peu de chances de se concrétiser. Le panafricanisme ne reposant par seulement sur une conception politico-politique ; il est important de réaliser l'Afrique des peuples car sans l'Afrique des peuples, l'Afrique des Etats n'a pas lieu d'être. Si les peuples ne peuvent

    dépasser les différences identitaires pour se retrouver autour d'une identité africaine transcendantale, l'échec est plus que probable.

    I. UNE BREVE HISTOIRE DU PANAFRICANISME EN AFRIQUE.

    « Mouvement d'unité africaine. » 1

    « Doctrine qui tend à développer l'unité et la solidarité africaines. » 2

    « Mouvement politique et culturel qui considère l'Afrique, les Africains et les descendants d'Africains hors d'Afrique comme un seul ensemble visant à régénérer et unifier l'Afrique ainsi qu'à encourager un sentiment de solidarité entre les populations du monde africain. Le panafricanisme glorifie le passé de l'Afrique et inculque la fierté par les valeurs africaines. » 3

    Les définitions du panafricanisme sont nombreuses et l'évolution des définitions est intéressante à analyser pour saisir son sens, ses origines et son cheminement à travers l'histoire. C'est ce que nous allons tenter de faire tout au long de ce premier chapitre car si le panafricanisme met l'Afrique au centre de ses préoccupations il n'en est pas moins important de savoir d'où il vient car comprendre d'où vient le panafricanisme c'est aussi expliquer où il est allé et où il se dirige.

    1) Un désir né hors d'Afrique.

    A. DE BLYDEN A GARVEY

    Pour trouver les premiers chantres du panafricanisme, il faut se tourner non pas vers l'Afrique mais plutôt de l'autre côté de l'Atlantique : les Etats-Unis d'Amérique et les Antilles Britanniques.

    1 P. DECRAENE, Le Panafricanisme, Paris, P.U.F., n° 847

    2 J. REY-DEBOVE, A. REY (dir.), Le Nouveau Petit Robert de la langue française, Le Robert, 2006, 2837 p.

    3 Wikipédia.

    Dans la littérature classique du panafricanisme, on retrouve cette importance des Etats-Unis et des Antilles Britanniques à travers des hommes comme William Edward Burghardt DuBois ou encore Marcus Garvey.

    Le premier est souvent considéré comme le père du Panafricanisme car il en fut le premier théoricien véritable. Ralliant la cause des noirs Américains à celle du panafricanisme, il acquit une certaine popularité ; aussi sa pensée qui n'envisageait qu'une amélioration aux Etats-Unis s'élargit avec le temps. Il incita les noirs Américains à renouer avec leurs origines africaines.

    De DuBois il faut donc retenir 2 idées principales :

    À Les Noirs Américains doivent « unir » leur destin à celui de l'Afrique. À L'Afrique peut se développer en tant qu'Afrique.

    On retrouve ces 2 idées majeurs chez un homme né 36 ans avant DuBois, il s'agit de Edward Wilmot Blyden, noir Américain qui participa à l'aventure libérienne4. Il eut une influence importante au Libéria et en Sierra Leone et on retiendra de lui notamment son oeuvre Christianity, Islam and The Negro Race où il souligne le caractère unificateur de l'Islam en Afrique subsaharienne comparé à celui démoralisateur du christianisme importé par les colons. Ce n'est pas tant l'analyse que le cadre et l'objet d'étude qui interpellent. De ses écrits germent les premières conceptions panafricanistes appelant les noirs à s'engager pour le développement de l'Afrique noire. Cet engagement ferait de Blyden le vrai père du panafricanisme. Dans la lignée des Blyden et DuBois on peut aussi citer Henry Sylvester-Williams, avocat britannique qui avait noué de solides rapports avec les noirs africains de Grande-Bretagne, conseillé des chefs bantous d'Afrique méridionale. De Londres à Washington, le panafricanisme comme volonté d'une élite noire de prendre ne charge le destin d'une race et de sa terre d'Afrique se développe : le panafricanisme est né. Du moins un panafricanisme.

    4 En 1822, le Libéria est fondé par une société américaine de colonisation la Société Nationale Américaine de Colonisation pour y installer des esclaves noirs libérés.

    Pendant ce temps, aux Antilles Britanniques et précisément en Jamaïque Marcus Garvey voit le jour en 1887. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, Garvey deviendra l'autre grande figure du panafricanisme. Mais contrairement à DuBois qui prônait un panafricanisme de et par les élites, Garvey se distingue par son panafricanisme des masses et par les masses. Il s'opposa au « guidage » blanc qui était prévu par DuBois à travers notamment l'Association Nationale pour l'Avancement des Gens de Couleur5 qui regroupait blancs libéraux et noirs. Contrairement à DuBois dont les écrits et la praxis s'adressaient à une élite, Garvey se heurta tout de suite à l'hostilité des intellectuels et bourgeois noirs y compris DuBois qui lui reprochèrent de diaboliser l'homme blanc.

    Cependant on retrouve aussi chez Garvey l'idée du rapprochement des noirs Américains d'avec l'Afrique même si pour Garvey la solution est radicale : les Noirs devaient retourner en Afrique, leur « mère patrie ».

    Même si la conception de Garvey fut des plus violentes, elle partageait avec les autres l'idée d'une union politique africaine ; Garvey en 1920 lors de sa fameuse « Déclaration des Droits des Peuples Nègres du Monde » en 54 points ne s'autoproclama-t-il pas président des Etats-Unis d'Afrique ?

    Il faut donc parler DES panafricanismes plus que d'un, avec des visions diverses selon les figures de proue, avec une grande mosaïque de discours mais avec un même but.

    B. PANAFRICANISME OU PANNEGRISME ?

    La seconde moitié du XIXème siècle est une période phare de l'histoire des Etats- Unis d'Amérique pour 2 raisons : la guerre de Sécession et l'esclavagisme. Parce que la guerre civile opposa les Etats confédérés du Sud esclavagistes à ceux de l'Union abolitionnistes, parce que l'esclavagisme était de plus en plus dénoncée en témoigne le succès de la Case l'Oncle Tom de Harriet Beecher-Stowe (1811-1896),

    5 En anglais National Association for Advancement of Coloured People (N.A.A.C.P)

    cette période fut un terreau pour l'émergence sinon le renforcement des revendications identitaires : ici celle des noirs.

    Il est ainsi impossible de ne pas établir de parallèle entre le mouvement d'émancipation des noirs et le mouvement panafricaniste. Le panafricanisme a été amorcé par des descendants d'esclaves à la recherche d'un projet de société où ils seraient mieux acceptés car malgré l'abolition de l'esclavage sur tout le territoire américain par le congrès de Washington du 31 janvier 1865, les noirs subissent toujours la ségrégation et l'exploitation et ce même au niveau institutionnel. L'homme noir n'est pas encore sur un même pied d'égalité que son congénère blanc et il lui faudra attendre encore un siècle.

    Entre ces 2 mouvements le mariage de coeur et de raison est évident et toutes les figures précédemment cités, de Blyden à Garvey ont utilisé cette alliance. Garvey ne fonda-t-il pas l'Universal Negro Improvement Association and African Communities League (UNIA-ACL) dans le but d'unir le peuple noir, ne créa-t-il pas plusieurs organisations dans le but de promouvoir et de subvenir aux besoins des populations noires ?

    Si l'exemple de Garvey est radical dans ce qu'il recherche constamment l'opposition entre Blancs et Noirs pour alimenter sa conception du panafricanisme, les panafricanistes les moins belliqueux ont compris l'enjeu de l'association.

    Dans une société qui les marginalisait, les rejetait, les noirs ont vu en l'Afrique l'espoir d'un nouveau projet de société, une société qui est d'ailleurs naturellement leur. Nous retiendrons cette déclaration restée célèbre : « Nous sommes Africains pas parce que nous sommes nés en Afrique mais parce que l'Afrique est née en nous. »6. Une fois de plus le contexte va jouer son rôle car ce projet de société est sous-tendu par une quête plus importante : celle de l'identité. Les noirs qui développent le panafricanisme sont marqués par le clivage Noir/Blanc, ils se définissent de façon pragmatique ou radicale par rapport aux blancs.

    6 La paternité de cette phrase reste inconnue. Certains l'auraient attribué à Marcus GARVEY.

    Ainsi si l'Amérique est la terre des Blancs alors l'Afrique est la terre de tous les Noirs, le lieu de leurs réalisations politique, économique, culturelle et spirituelle. Cependant on ne peut s'empêcher de se demander où s'arrête ce pannegrisme et où comment le panafricanisme. Dans les principales théories panafricanistes du XIXème et du début du XXème siècle il est intéressant de noter la prééminence de la cause noire sur celle panafricaine. Lorsque DuBois se demandait s'il était possible, s'il était probable que 9 millions d'hommes puissent accomplir, sur le plan économique ,de véritables progrès , s'ils étaient privés de droits politiques , s'ils étaient réduits à n'être qu'une caste servile et si on ne leur laissait que la chance la plus infime de développer leurs jeunes intellectuellement doués ; il ne faisait pas référence aux Africains, s'il fonda la N.A.A.C.P en 1908, ce n'était que pour lutter contre la ségrégation aux Etats-Unis. Ce ne sera que plus tard qu'il fera référence à l'Afrique comprenant que subordonner le problème des noirs américains à celui de l'Afrique créerait l'engouement nécessaire à l'avancement de la situation aux Etats-Unis et pourquoi pas en Afrique par la suite.

    On peut alors légitimement s'interroger sur la valeur de ces panafricanismes nés au XIXème siècle. Ont-ils tenu compte tenu de la réalité de l'Afrique ? Une Afrique qui n'a jamais existé en tant qu'entité politique. Ont-ils tenu compte de la réalité culturelle de l'Afrique ? Une Afrique marquée par sa pluri-culturalité et par la mosaïque des peuples qui la composent. Si la dimension negro-centrée de ce panafricanisme des débuts pourrait le faire croire, l'apparition des thèmes de l'historiographie panafricaniste doit nous montrer que l'histoire comme discipline scientifique a aussi occupé une place de première importance pour les pères fondateurs, et ce aussi bien en Afrique qu'aux Etats-Unis en passant par les Antilles. En effet sous la plume de Blyden, d'Africanus Horton, et d'auteurs moins connus aujourd'hui, tels que l'abbé Boilat (Esquisses sénégalaises, 1853), Reindorf (History of the Gold Coast and Ashanti, 1889), Sibthorpe (History of Sierra Leone, 1868), Johnson (The History of the Yorubas,1921) ou encore de Casely-Hayford (Ethiopia Unbound : Studies in Race Emancipation. United Empire, 1911), apparurent des thèmes tels que l'Afrique comme berceau de l'humanité,

    l'antériorité et l'unité des civilisations nègres, l'exemplarité de l'Ethiopie à travers sa très longue histoire ou encore l'éclat de la vie politique, économique, culturelle et scientifique des Etats africains au Moyen-âge sans oublier les ravages de la Traite et de l'esclavage et la capacité de survie des sociétés africaines confrontées aux intrusions les plus destructrices ; les résistances africaines à l'esclavage et aux dominations étrangères.

    Dès lors il est intéressant de voir que ces panafricanismes ont été plus negro-centrés plus qu'afro-centrés. Néanmoins cette dimension participe de l'histoire du panafricanisme en ce qu'on le trouvera tout au long du XXème siècle notamment chez les afrocentristes comme Cheikh Anta Diop qui continuèrent de placer l'homme noir au centre du débat panafricain ou encore chez les penseurs de la négritude.

    Le panafricanisme a été marqué dès ses débuts par un militantisme intellectuel et culturel qui a précédé et va accompagner les luttes politiques.

    2) L'avqnement du panafricanisme politique

    Si le XIXème siècle marque la naissance du panafricanisme, le XXème est synonyme de renouveau car alimenté par les futures élites africaines venus étudier en Europe et synonyme de maturation car en traversant l'Atlantique le panafricanisme entreprend sa mue. Il est l'heure que le panafricanisme se recentre sur l'Afrique et que le combat déjà militant se fasse politique.

    A. LE RENOUVEAU DU PANAFRICANISME.

    1900. Le dernier siècle du millénaire. Londres, capitale du plus grand empire colonial. Un homme, Henry Sylvester-Williams. Et un mot, panafricanisme. Ce dernier est l'instigateur de la première réunion panafricaniste fort des liens qu'il a su créer entre les panafricanistes américains et les Africains venus étudier en

    Europe. 32 personnes participent à cette conférence dont Du Bois (11 Américains, 10 Caribéens, 5 Londoniens, 1 Canadiens et seulement 4 Africains d'Abyssinie, de la Côte d'Or, du Libéria et de la Sierre Leone.) et de nombreuses associations sont invitées à l'image de la Société Anti-esclavagiste Britannique, le Comité pour la Protection des Races Indigènes et la Lutte contre le Trafic d'Alcool, la Société de Protection des Aborigènes ou encore la Société des Amis des Noirs. Le mouvement panafricaniste et le mouvement anti-esclavagiste, à travers les conclusions de la conférence, adressent ensemble un message à la reine Victoria et lui demandent de « prendre les mesures nécessaires pour influencer l'opinion publique sur les conditions de vie et les lois qui régissent les autochtones dans plusieurs parties du monde, particulièrement en Afrique du Sud, en Afrique de l'Ouest, aux Antilles et aux Etats-Unis »7.

    Suivra du 19 au 21 février 1919, le premier congrès panafricain, prolongement naturel de la précédente conférence. Ce congrès est différent parce qu'il arrive à la fin de la première guerre mondiale et se veut une réponse à la Conférence de la Paix qui débuta un mois plus tôt à Versailles. Ce congrès marque définitivement le passage du témoin car depuis la conférence de Londres Sylvester-Williams est mort en 1911 puis Blyden en 1912, le panafricanisme a perdu ses pères fondateurs. Une nouvelle étape est engagée et est symbolisée par des hommes comme Du Bois ou encore Blaise Diagne élu premier député noir français en 1911. Le ton aussi a changé ; on est passé des requêtes aux exigences, exigences adressées à la toute nouvelle Société des Nations. Lors des conclusions, le congrès exige « un code législatif international pour la protection des indigènes d'Afrique, un bureau permanent pour l'application de ces lois »8. Les congressistes réclament aussi la mise à disposition de la terre pour les indigènes, l'investissement de capitaux, la limitation des cessions de concessions pour lutter contre l'exploitation des indigènes et l'épuisement du bien-être naturel des pays, l'abolition de l'esclavage, des châtiments corporels, du travail forcé, l'établissement d'un code du travail par

    7 Rapport de la Conférence Panafricaine de Londres du 23-25 juillet 1900.

    8 Rapport du Congrès Panafricain de Paris du 19-21 février 1919.

    l'Etat, une éducation gratuite pour les indigènes et ce même en langue maternelle et leur formation professionnelle. Mais la plus importante des exigences qui préfigurent les futures luttes indépendantistes concerne les droits des indigènes de participer au Gouvernement. En effet pour les congressistes « les indigènes d'Afrique doivent avoir le droit de participer au Gouvernement aussi vite que leur formation le leur permet, et conformément au principe selon lequel le Gouvernement existe pour les indigènes et non l'inverse. Ils devront immédiatement être autorisés à participer au gouvernement local et tribal, selon l'ancien usage, et cette participation devra graduellement s'étendre, au fur et à mesure que se développent leur éducation et leur expérience, aux plus hautes fonctions des états ; de façon à ce que l'Afrique finisse par être gouvernée par le consentement des africains... »9 .

    Le congrès de 1921 qui se tiendra entre Bruxelles, Londres et Paris donnera naissance au Manifeste de Londres qui en reprenant l'idée d'un gouvernement local autonome, en demandant la reconnaissance des indigènes comme civilisés et donc un traitement plus juste et plus équitable, se livre à un factum contre la colonisation et l'Angleterre désigné comme particeps criminis. Ce manifeste sera complété par les résolutions de Paris qui reprennent les idées principales du manifeste londonien et y ajoute celle du retour des nègres sur leurs terres. La jonction entre les 2 sensibilités du panafricanisme (afro-centré et negro-centré) s'opère et se fera à New York, aux Etats-Unis là où le panafricanisme avait fait ses débuts. En novembre 1927, le vent indépendantiste qui souffle déjà en Europe s'empare du Congrès qui énonce clairement que les Africains ont le droit de participer à leur propre gouvernement, que le développement de l'Afrique passe par les Africains et évoque la possibilité pour ces derniers de s'armer pour se défendre si un désarmement mondial n'intervient pas. Gouvernance africaine, défense africaine, économie africaine si le mot indépendance n'est pas encore prononcé les revendications des congrès successifs s'en rapprochent.

    9 Rapport du Congrès Panafricain de Paris du 19-21 février 1919.

    Les congrès ne furent pas les seuls vecteurs de la contestation ; entre temps étudiants et intellectuels africains de tout horizon intensifient le militantisme ; en cette période d'entre-deux-guerres, l'appel à l'autodétermination se fait de plus en plus fort et même s'il a fallu attendre la Charte de l'Atlantique de 1941 pour que le message semblât être entendu, des associations tels que l'Union des Etudiants d'Afrique de l'Ouest créée en 1925, l'Etoile Nord-Africaine en 1928 qui se prononce déjà pour l'indépendance totale de l'Algérie, en sont des exemples. Mais le tournant du panafricanisme interviendra en 1945 lors du fameux congrès de Manchester que beaucoup considère comme le moment où le panafricanisme politique atteint sa maturité.

    B. LES INDEPENDANCES SOUS LE SCEAU DU PANAFRICANISME.

    « A ce moment, ce fut comme si tout Londres m'avait déclaré la guerre. Pendant quelques minutes je ne pus rien faire d'autre qu'observer les visages des passants impassibles, me demandant intérieurement si ces gens-là étaient conscients de leur colonialisme maladif, et priant pour que le jour vienne où je puisse jouer mon rôle dans la chute de ce système. Mon nationalisme remontait à la surface; j `en étais prêt à passer par l'enfer s `il le fallait, pour atteindre cet objectif »10 . Ces propos sont ceux de Kwame Nkrumah, étudiant à l'Université de Pennsylvanie de passage à Londres. L'évènement dont il parle c'est l'invasion de l'Ethiopie par l'Italie fasciste. Car bien avant le congrès de Manchester de 1945, la crise italoéthiopienne (1935-1936) a marqué de son empreinte un panafricanisme arrivant à maturité politique. Le spectacle d'une communauté internationale amorphe face à l'agression d'un pays africain par l'Italie fasciste a profondément interpellé. Mais le

    10 John Brown, «Public diplomacy Press Review», Institute for the Study of Diplomacy, Georgetown University, Washington DC, 22 Mai 2004, à partir d'un article de Richard Pankhurst.

    fait que ce pays soit l'Ethiopie, symbole d'une Afrique libre, civilisée, fière est un sacrilège que les panafricanistes ne peuvent laisser passer. Dès lors le panafricanisme entre dans une nouvelle phase qui se précisera lors du congrès de Manchester et qui se concrétisera avec les indépendances à la fin des années 50 et au début des années 60. Le mouvement s'accélère et prend une allure franchement politique symbolisé par le congrès de Manchester qui se déroula du 15 au 19 octobre. Le congrès est l'occasion d'un passage de témoin entre la génération de militants intellectuels symbolisée par DuBois et la génération des militants politiques comme Padmore et Nkrumah. Le congrès renouvelle dans son compte rendu l'idée de « l'Afrique aux Africains. ». A ce congrès sont présents quelques uns des hommes qui feront l'histoire de leurs pays respectives au moment des indépendances : Nkrumah propose une fédération ouest-africaine regroupant les pays de l'Afrique Occidentale Française (A.O.F), les colonies britanniques et portugaises ; Jomo Kenyatta vient rendre compte de la situation au Kenya, en Rhodésie du nord et du sud et au Nyassaland.

    Le congrès de Manchester est un tournant car après 1945, les organisations politiques et indépendantistes se multiplient. En décembre 1945, Nkrumah créa le Secrétariat National Ouest-Africain pour qui « « l'indépendance complète et absolue des peuples d'Afrique occidentale est l'unique solution du problème qui se pose », au sein du Secrétariat il tente d'établir des liens avec les députés de l'A.O.F dans l'espoir qu'à la décolonisation son projet de fédération ouest-africaine puisse voir le jour. Parallèlement à l'existence du Secrétariat, le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) naquit en 1946 lors du congrès de Bamako. Le RDA fut une première en Afrique car en tant que premier parti politique panafricain il regroupait des élus français venus des colonies comme Félix Houphouët-Boigny, Modibo Keïta, Sékou Touré et avait pour but l'indépendance. Le RDA malgré une activité intense fut rapidement divisé car certains leaders comme Houphouët- Boigny prévoyait une union avec la France une fois l'indépendance acquise, ce qui

    créa un clivage avec d'autres membres comme Sékou Touré11 mais surtout un obstacle à l'union des autres mouvements indépendantistes ouest-africains britanniques et portugais.

    Le mouvement final est en marche et les indépendances vont commencer avec le Ghana dont Nkrumah devient le premier président en 1957. En Afrique française, la deuxième moitié des années 50 est une accélération du processus de décolonisation qui, de la loi Deferre de 1956 au référendum de 1958, conduira 2 ans plus tard à l'indépendance des colonies de l'A.O.F et de l'Afrique Equatoriale Française (A.E.F).

    Une fois les indépendances acquises dans les années 1960, le panafricanisme va pouvoir entamer la dernière phase : l'unification de l'Afrique chère à Nkrumah, Garvey, DuBois, Blyden et tous ceux qui ont rendu possible l'indépendance des pays africains.

    3) Le panafricanisme au sein du système international.

    « Un homme seul ne peut se marier. J'ai attendu la France sur le parvis de l'Eglise, avec mon bouquet de fleurs fanés. »

    Félix Houphouët-Boigny.

    « La révolution n'est pas un processus à une étape. » Martin Luther King.

    Les années 1960 marque donc le passage du panafricanisme à l'ultime phase : car les indépendances n'étaient qu'une étape pour les panafricains, une étape importante certes, mais une étape qui devait permettre à l'Afrique de s'unir et de se

    11 Sékou Touré fut le seul dirigeant qui vota non au référendum de 1958 sur la Communauté Française et accéda immédiatement à l'indépendance.

    dégager des chaînes d'une colonisation qui l'a humiliée et balkanisée. Mais l'histoire prévue par les panafricains et notamment par Nkrumah ne va pas s'écrire. L'unité qui semblait exister pendant la colonisation pour une Afrique aux africains, une Afrique indépendante et libre éclate avec les indépendances. L'OUA cristallise l'échec du panafricanisme à franchir l'ultime étape.

    A. PANAFRICANISME D'INTEGRATION VERSUS

    PANAFRICANISME DE COOPERATION.

    En Avril 1958, Nkrumah organisa à Accra capitale du Ghana12 fraîchement indépendant la Conférence des Etats Indépendants d'Afrique à laquelle participèrent les 8 Etas souverains du continent, les 4 du Maghreb (Maroc, Lybie, Egypte et Tunisie) et les 4 d'Afrique subsaharienne (Ghana, Libéria, Ethiopie et Soudan). Au cours de cette conférence les Etats présents avaient renouvelé leur engagement panafricain et exhorté les autres peuples africains à combattre pour leur indépendance. En septembre 1958 l'indépendance de la Guinée est une occasion supplémentaire pour le leader ghanéen de montrer son engagement : l'union Ghana-Guinée naquit avec un prêt de 10.000.000 des deniers ghanéens accordé à la Guinée, en outre il fait inscrire dans la constitution du Ghana la possibilité de céder une partie de la souveraineté en cas d'unification.

    Avec les indépendances massives des années 60, les entreprises panafricaines s'intensifient avec notamment la Fédération du Mali regroupant le Mali actuel et le Sénégal. Mais l'éclatement de la Fédération quelques mois après sa création est un signe avant-coureur de ce que sera l'aventure panafricaine en Afrique. En effet les obstacles à l'unification vont se multiplier. En Afrique de l'ouest sous l'impulsion de la France qui veut contrer les velléités fédéralistes de Nkrumah13, la Côte

    12 Nkrumah rebaptise la Côte d'Or Ghana en hommage à l'empire du Ghana qui exista en Afrique de l'ouest.

    13 L'Union Ghana-Guinée de 1958 s'est étendue au Mali. Nkrumah est sur le point de convaincre le Burkina- Faso et le Bénin de rejoindre l'Union.

    d'Ivoire crée le conseil de l'Entente auquel participent le Burkina-Faso, le Niger et le Bénin.

    A l'échelle continentale, la division est encore plus profonde entre le groupe de Monrovia et celui de Casablanca, entre les progressifs et les modérés, entre les partisans d'une unification immédiate comme Nkrumah et les partisans d'une unification progression grâce aux paliers régionaux et enfin entre les Etats africains hostiles à l'Occident et favorables à un socialisme africain et les Etats africains favorables au bloc occidental capitaliste.

    C'est dans cet environnement que se tint la première conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement d'Afrique en mai 1963 à Addis-Abeba. La conférence ne fut bien évidemment pas le moment de l'unification des peuples africains, perspective écartée sous la pression des modérés du groupe de Casablanca majoritaire. Les réunions suivantes, au Caire en 1964 à Accra en 1965 consacrèrent l'intangibilité de frontières nées de la colonisation, la non-ingérence des Etats africains dans les affaires d'un autre Etat, bref la victoire d'un panafricanisme minimaliste, d'un panafricanisme de coopération symbolisant le cinglant manque de volonté de la plupart des dirigeants. Pour FALVAREZ qui s'est intéressé à l'OUA la conférence d'Addis-Abeba fut le lieu d'« une unanimité faite de renoncement, un nivellement par le bas. »14 ; le constat est encore plus sévère et montre la responsabilité des dirigeants dans l'échec d'Addis-Abeba car « Addis- Abeba vient après que les chefs de l'Afrique révolutionnaire aient commencé à se sentir mal à l'aise dans l'isolement que leur procuraient leur intransigeance et leur attachement aux principes. Et d'autre part des chefs d'Etat qui n'étaient en somme que des structures de parade, courant à l'abri du morcellement africain la grande exploitation du néocolonialisme, avaient de plus en plus mauvaise conscience en voyant que tous les attributs de leur indépendance politique ne suffisaient pas à leur conférer une dignité d'Africains. A Addis-Abeba, on essaya de mettre fin au désagrément des uns et à la mauvaise conscience des autres. Après Addis-Abeba,

    14 FALVAREZ L.L., Lumumba ou l'Afrique frustrée, CUJAS, 1965, p.181

    plus besoin de continuer dans l'intransigeance unitaire, alors que toute l'unité apparemment possible fut réalisée là-bas. »15

    B. L'O.U.A : ENCHANTERESSE PUIS DESECHANTEE.

    En près de 40 ans d'existence, l'OUA a eu un bilan plus que mitigé marqué par un certain immobilisme et une difficulté à s'imposer aux Etats africains. En même temps il était difficile pour cette organisation de se faire une place car ses statuts la rendaient complètement dépendante de la volonté des Etats. Malgré sa formidable capacité à réunir tous les chefs d'Etats du continent au moins une fois par an lors de la conférence des chefs d'Etats et de gouvernements, l'OUA a été réduite au rôle de tribune où chaque Etat venait exposer ses points de vue et en profitaient même pour régler des problèmes étrangers au rôle de l'organisation. L'OUA a donc eu un pouvoir d'exécution négligeable et un pouvoir d'initiative inexistant qui ne lui a jamais permis d'entreprendre des actions : ce qui est un échec pour une organisation qui défendait la démocratie et ne pouvait même pas se l'appliquer à elle-même

    D'un point de vue politique, l'OUA était vouée à l'échec dès le départ par le principe de non-ingérence qui lui a toujours interdit d'intervenir directement dans les conflits en tant qu'organisation internationale. Ce principe limita donc son action à la seule médiation qui s'avéra peu probante.

    D'un point de vue économique, le traité d'Abuja qui fut signé en 1991 et qui prévoit un marché continental commun à l'horizon 2025 est en pleine stagnation et les prévisions sont de plus en plus sceptiques car le manque de volonté politique des Etats se traduit au niveau économique par une faible allocation de ressources. Déjà privée d'indépendance politique, l'OUA n'a jamais disposé des fonds nécessaires aux objectifs ambitieux qu'elle s'est fixée.

    15 Ibid.

    D'un point de vue institutionnel, l'OUA n'a jamais été une organisation supranationale mais une instance internationale où la coopération fut le maître mot. L'OUA n'a donc jamais joué un rôle fédérateur et intégrateur laissant ce rôle aux organisations régionales conformément à la diplomatie des cercles concentriques voulues par les modérés et qui prévoyaient des intégrations régionales avant une éventuelle intégration continentale.

    Manquant constamment de marge de manoeuvre, l'OUA n'a jamais été en mesure d'évoluer vers une forme supranationale et intégratrice car verrouillée par son statut et par des Etats qui dès le départ avaient juré sa perte et c'est dans le domaine sécuritaire que cela s'est exprimé le mieux.

    II. UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EST-ELLE POSSIBLE ?

    Depuis les indépendances jusqu'à aujourd'hui les Etats africains n'ont jamais été capables de construire cette communauté de sécurité chère à Kwame Nkrumah et qui aurait du permettre à l'Afrique de vivre protégée des désordres internes et externes par une armée commune forte et d'évoluer dans la paix et la démocratie vers une Afrique toujours plus stable et sûr. L'échec de l'établissement de cette communauté de sécurité repose sur l'acteur principal qu'est l'Etat africain.

    Dans cette partie nous essayerons de comprendrons comment l'échec de Etat africain dans son rôle de régulateur de la société est un facteur handicapant lorsqu'il s'agit de s'engager dans la construction d'une communauté de sécurité. Ensuite nous tenterons de mettre en évidence la spécificité de la sécurité en Afrique marquée par l'intrication de différents dilemmes de sécurité et l'importance de la notion de sécurité humaine.

    1) L'Etat africain et l'échec du rôle de régulateur.

    L'Etat africain hérité de la décolonisation se veut un Etat moderne. Dans sa conception wébérienne du terme, l'Etat africain a du mal à assumer son rôle. L'Etat

    africain a aujourd'hui du mal à exercer sa domination sur la nation et surtout il a du mal à revendiquer le monopole de la violence physique. A travers ses 2 éléments qui caractérisent l'Etat moderne nous verrons comment l'Etat africain est inadapté aux ersatz d'Etats-nations existants sur le continent et ensuite comment à travers la problématique des forces armées il lui est difficile d'avoir le monopole de la violence physique.

    A. UN ETAT INADAPTE.

    Depuis les indépendances, le continent africain est stigmatisé par ses régimes despotiques et sanguinaires, ses sempiternels coups d'Etat sanglants et ses conflits identitaires. De tels problèmes amènent forcément à s'interroger sur l'Etat en Afrique qui semble être un échec au vu des éléments cités plus haut. Pourquoi ce continent a tant de mal à se doter d'Etats modernes et efficaces ? On ne peut remettre en cause l'Etat africain sans étudier son historicité. Durant ces 40 dernières années, l'école de la dépendance s'est penchée sur le sujet pour montrer que l'historicité du continent s'est confondue avec l'historicité du monde occidental dont il dépend, ce qui lui a fait subir les transformations du système via la colonisation notamment. La logique centre-périphérie du système né de cette période s'est poursuivie avec la décolonisation et dans les pays périphériques africains, les nouveaux hommes forts n'étaient que d'anciens privilégiés du régime colonial. L'échec de l'Etat africain s'expliquerait donc par l'échec d'un greffe d'un Etat qui n'a pas respecté l'historicité propre du continent.

    En outre l'échec de l'Etat en Afrique a amené à réfléchir sur sa compatibilité avec les structures sociales dans tout ce qu'elles englobent (tradition, ethnie). Sophia MAPPA par l'exemple du Congo dans son livre Pouvoirs TLECiTIRQQeI7 eTIPSRuIRIL COTETWQ AfLiIXI,ll'ift171RQ uQivIL7aliste s'est efforcée de développer le sujet à travers la notion de pouvoir d'Etat. En effet qu'entend-on par chef d'Etat ? Par appareil d'Etat ? L'auteur met en lumière une conception africaine de l'Etat empreinte d'une volonté de modernité mais aussi d'un attachement aux

    traditions16. L'Etat laissé par les Occidentaux a subi les perversions de sa rencontre avec les valeurs traditionnelles : le chef d'Etat est avant tout un chef ethnique qui est au service exclusif de son ethnie. Le clivage avec l'idéal africain s'opère et toutes les constructions politiques s'expriment à travers ce clivage ethnicotraditionnel que la démocratie et le pluralisme ne font que renforcer. Les pratiques traditionnelles se sont donc retrouvées au sommet de l'Etat et de la classe politique où le chef d'Etat a un pouvoir mystique et le chef de parti aussi.

    Les clivages ethnico-traditionnels sont omniprésents car au clivage ethnique se joint le clivage de l'âge où les générations luttent pour le pouvoir sans pour autant remettre en cause la tradition qui reste idéalisée.

    On comprend donc que l'Etat africain se nourrit de ces micro-nationalismes qui le pervertissent et l'empêchent de jouer son rôle dans la société car selon Mathieu MOUNIKOU comment l'Etat africain assumerait-il une telle mission alors qu'il n'est pas imprégné de l'idéal d'un projet de société ?17.

    L'Etat africain est donc en dérive n'agissant plus en fonction d'un projet de société et au profit de toute la nation, il fonctionne en oligarchie au profit d'une petite portion de la population et dans le seul but de maintenir son pouvoir et ce quelqu'en soient les moyens. Le pouvoir économique en est une illustration car l'Etat africain semble avoir pour leitmotiv « se servir plutôt que servir » et comme le soulignent MM. FOTTORINO, GUILLEMIN et ORSENNA « Tout Etat parce qu'il ne produit pas pour vivre, mais a besoin de prélever pour exister, est rentier. Mais l'Etat africain transgresse, en cette matière, les limites de l'admissible. Il a dépassé la rente pour se livrer à la prédation . Ses origines coloniales lui ont appris les secrets et la saveur du prélèvement. »18.

    16 MAPPA S., Pouvoirs traditionnels et pouvoir d'État en Afrique, l'illusion universaliste, Karthala, 1998, 208 pages.

    17 MOUNIKOU M., L'Afrique est-elle incapable de s'unir ? : lever l'intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun, L'Harmattan, 2002, p.11 5.

    18 FOTTORINO E., GUILLEMIN C., ORSENNA E., Besoin d'Afrique, Le Livre de Poche, 1994, p.33

    Le problème de l'Etat africain ne repose pas simplement sur l'incompatibilité, il repose plutôt sur la juxtaposition des 2 modèles. Il faudrait que l'un des 2 soit incorporé dans l'autre pour obtenir un modèle applicable, respectueux et respecté de tous. Et tant que cette démarche ne sera pas entreprise l'Etat africain sera toujours en proie à des crises d'institutions et de modèles.

    B. LA PROBLEMATIQUE DES FORCES ARMEES EN AFRIQUE.

    L'Etat africain a, nous l'avons vu, du mal à porter un projet de société. Il ne cherche qu'à satisfaire des intérêts particuliers et les forces armées sont souvent l'instrument de cette quête.

    Au sortir de la colonisation, 2 types d'armées existent en Afrique, les armées classiques nés du transfert de compétences entre la métropole et ses ex-colonies et les armées populaires soit nées de la lutte politique et militaire pour l'indépendance soit nées après un brusque changement de régime comme un coup d'Etat. Si les armées classiques se sont longtemps distinguées des armées populaires par leur éloignement de la sphère politique, la donne a changé car les forces armées sont devenues avec le temps un instrument de pouvoir. Loin de leurs prérogatives qui consistent à garantir la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale, les forces armées se sont retrouvées dans la sphère politique et l'espace public.

    L'Etat africain y voit un double avantage : les forces armées permettent aux dirigeants arrivés au pouvoir illégalement ou désireux d'y rester de le conserver tout aussi illégalement. A cet effet l'armée est soit façonnée à l'image du chef de l'Etat en recrutant exclusivement dans son clan d'appartenance ou alors elle est concurrencée et affaiblie par des milices personnelles. Dès lors les caractéristiques de l'armée classique sont sacrifiées sur l'autel de la politique car les militaires rentrent dans le jeu politique. De plus l'armée perd son rôle d'institution totale car elle ne permet plus le brassage des identités présentes à l'échelle de la nation.

    Les forces armées en plus d'être un instrument de pouvoir deviennent un instrument de déstabilisation politique car une fois introduit dans le jeu politique les militaires

    ont du mal à se défaire du pouvoir, en témoigne la longue tradition de régimes militaires qui se perpétuent malgré la démocratisation. Elles sont un élément de déstabilisation sociale par la confiscation du pouvoir qu'elles permettent, les violences physiques et psychologiques qu'elles exercent sur les populations et par les systèmes tentaculaires de pillage, d'affairisme qui s'organisent et vampirisent des pans entiers de l'économie et de la société.

    Les forces armées perdent alors leur raison d'être, leur éthique et leur rigueur confisquées par un pouvoir politique qui y voit un allié ; un allié encombrant qu'il est difficile de maîtriser et qui bien des fois finit par franchir la ligne et se substitue aux autorités car le pouvoir appelle le pouvoir.

    2) Pour une autre vision de la sécurité.

    La nature des conflits africains nous poussent à nous interroger sur la notion de sécurité et ses implications en Afrique. Qu'entend-on par sécurité ? S'agit-il seulement de la sécurité des Etats. Non car les conflits africains sont bien entendu des conflits interétatiques mais avant tout ce sont souvent des conflits intraétatiques qui mettent aux prises des acteurs d'un même Etat. Le double caractère de ces conflits a pour conséquence l'intrication des différents dilemmes de sécurité mais surtout l'importance de la sécurité humaine qui est un enjeu d'une extrême importance.

    A. L'INTRICATION DES DILEMMES DE SECURITE

    Les conflits africains se distinguent par leur dimension intraétatique. Ce sont des conflits identitaires qui mettent aux prises des groupes défendant des identités et qui se sentent menacés réciproquement. En Afrique ce sont souvent les ethnies qui portent le dilemme de sécurité, à l'image du génocide du conflit au Libéria où

    Kran, Mandingues, Mano et Gio s'opposèrent ou encore à l'image de la guerre en République Démocratique du Congo (RDC) où Hutu et Tutsis s'opposent.

    La dimension identitaire des conflits apporte une clé de lecture supplémentaire pour comprendre la dynamique des conflits.

    On constate qu'en Afrique les conflits interétatiques découlent souvent de l'extension de conflits d'abord intra-étatiques. Cette extension du conflit à une échelle régionale est possible d'une part parce que les Etats décident de s'affronter mais aussi parce que les espaces identitaires traversant les frontières permet l'extension du conflit aux pays qui sont traversés par ces espaces identitaires. L'exemple du conflit des Grands Lacs qui réunit la RDC, le Rwanda, le Burundi, l'Angola, l'Ouganda entre autres trouve son origine dans le génocide rwandais de 1994 ; la fuite des Hutus génocidaires en RDC voisine a permis la transposition du conflit Hutu-Tutsi sur le territoire congolais.

    Le facteur identitaire est omniprésent dans les conflits parce qu'omniprésent dans les Etats. Les Etats en place ne cherchent pas seulement à garantir l'intégrité de leur territoire, ils cherchent avant tout à maintenir leur pouvoir en place et ce quitte à mettre en danger l'intégrité de leur territoire ou à négliger leurs missions tels que la protection des civils.

    L'intrication des dilemmes de sécurité estompent les différences entre temps de paix et temps de guerre pour les civils ; des civils qui deviennent des acteurs des conflits en plus d' en être les victimes.

    B. LA SECURITE HUMAINE AU COEUR DE LA PROBLEMATIQUE SECURITAIRE.

    Outre l'imbrication des dilemmes de sécurité, l'autre aspect particulier des conflits africains repose sur la notion de sécurité humaine. En effet si les conflits ne reposent plus seulement sur les Etats, il est important de prendre en compte les identités et les individus qui les défendent ou en subissent les conséquences. La sécurité humaine a été construit pour protéger les individus et ce même contre l'Etat lorsque celui-ci sous prétexte de sa souveraineté, ne lui fournit pas la

    protection nécessaire. C'est un concept qui doit servir de base à l'ingérence humanitaire car l'objectif reste bel et bien la protection des civils qui sont confrontés à plusieurs menaces, une menace directe des combats qui met en danger sa sécurité personnelle, et des menaces indirectes nés des conséquences du combat comme l'insécurité sanitaire dont l'insécurité alimentaire est un volet charnière. A ce propos l'insécurité alimentaire est une grande caractéristique des conflits africains où l'approvisionnement en denrées alimentaires devient rapidement un enjeu conflictuel instrumentalisé par les Etats et les groupes belligérants.

    Si la sécurité humaine met peu l'accent sur les Etats c'est aussi parce qu'en Afrique , les Etats-nations n'ont d'Etats-nations que le nom , et donc pour appréhender les enjeux de la sécurité il est important d'identifier tous les acteurs qui gravitent autour de l'Etat. Dès lors l'Etat devenant un enjeu de lutte, il n'est plus le seul référentiel à prendre en compte la sécurité nationale devient un enjeu moins présent dans les conflits.

    Ce n'est qu'en prenant compte de ces changements que l'Afrique peut être capable d'établir une communauté de sécurité où tous les aspects de la sécuritaires sont pris en compte, de la spécificité des conflits africains et même de chaque conflit car aucun conflit ne se ressemble, on peut dégager des éléments semblables mais les dynamiques restent propres à chaque conflit.

    III. LA CEDEAO COMME EXEMPLE DE LA MISE EN PLACE D'UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EN AFRIQUE DE L'OUEST.

    Comme cela a été dit dans la partie précédente, la réussite d'une communauté de sécurité repose sur les membres qui les composent, à savoir les Etats. Or l'Etat est en proie à 2 défis :comment gérer la nation ? Comment gérer ses relations avec les autres nations ?

    En Afrique, ces défis s'entremêlent souvent du fait de l'artificialité des Etats-nations qui composent le continent. Dès lors la réussite de la communauté de sécurité nécessite que ces actions ne soient dissociés l'une de l'autre et soient même conjuguées.

    La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est un exemple de la mise en place d'une communauté de sécurité en Afrique, certes dans l'espace réduit qu'est l'Afrique de l'Ouest. Alors bien sûr la CEDEAO n'est pas la seule organisation régionale existante en Afrique mais elle fut la première. Cependant au-delà de son ancienneté, ce sont les circonstances de sa naissance, la région dans laquelle elle est née et son évolution qui sont les motivations de notre choix.

    Ainsi notre étude de cas se fera selon 3 axes : le passé à savoir la naissance de l'organisation, son présent puisque contrairement à ce que son nom l'indique la CEDEAO n'est pas demeurée une communauté simplement économique, elle a évolué pour répondre aux défis de la sous-région et l'une de ces réponses fut l'ECOMOG en matière de sécurité ; enfin son futur parce que l'évolution continue pourquoi pas vers l'extension de l'ECOMOG à l'échelle du continent et la naissance de forces armées communes africaines.

    1) Pourquoi l'Afrique de l'Ouest ?

    En 1963, la création de l'OUA a consacré la victoire d'un panafricanisme minimaliste où l'intégration laissa place à la coopération.

    Parallèlement, en Afrique de l'Ouest et conformément à la diplomatie des cercles concentriques prônée par Léopold Sédar Senghor, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest voit le jour le 28 mai 1975.

    La « petite soeur » de l'OUA qui fut créée dans un but économique verra ses prérogatives s'étendre jusqu' à se démarquer par la remise en question de la non-ingérence, sacralisée par ces mêmes Etats à Addis-Abeba. L'ECOMOG est l'instrument de cette communauté économique qui a compris qu'elle ne devait dissocier communauté économique et communauté de sécurité.

    A. L'HISTOIRE DANS L'HISTOIRE

    12 ans après Addis-Abeba, 15 Etats décident de créer une organisation régionale dans le but de promouvoir leur développement économique. Ces 15 Etats choisissent de se regrouper au nom de leur appartenance à un même espace géographique : l'Afrique de l'Ouest.

    Cependant si la CEDEAO marque la naissance de l'Afrique de l'Ouest en tant qu'espace institutionnel, on peut dire que l'Afrique de l'Ouest comme espace géographique, culturel a existé bien avant la CEDEAO. On ne parle pas seulement des Afriques Occidentales Britannique et Française nées de la colonisation. Il faut remonter encore plus car l'histoires des peuples ouest-africains s'entremêlent depuis des siècles au rythme des chefferies, royaumes et empires qui se sont constitués avant l'arrivée des colons. Ces liens tissés se retrouvent aujourd'hui et font que l'Afrique de l'Ouest un cas si particulier.

    Tout d'abord l'histoire de l'Afrique de l'Ouest est l'histoire de ses empires. On peut citer l'empire millénaire du Ghana19 et de sa capitale Koumbi Saleh qui exista entre 300 et 1300 et dont les richesses naturelles (minerais de fer et d'or), l'organisation (en royaumes et en provinces) et l'armée (près de 200.000 hommes) en firent un empire puissant. L'aire d'influence de cet empire couvrait une bonne partie du Mali actuel, une partie du Burkina Faso20, une partie de la Guinée, de la Mauritanie et était limitrophe du Sénégal actuel.

    19L'empire du Ghana n'a rien à voir avec le Ghana actuel . C'est en hommage à cet empire qui fut le premier d'Afrique de l'ouest que Nkrumah rebaptisa son pays pour symboliser l'engagement de son pays nouvellement indépendant sur la voie du panafricanisme.

    20 A ce titre on retiendra que l'empire du Ghana commence avec le royaume de Wagadu qu'on localisa entre le Sénégal et le Niger actuels. C'st du nom de ce royaume que vient le nom de la capitale actuel du Burkina- Faso, Ouagadougou signifiant « habitants du Ouagadou ou Wagadu »

    L'empire du Ghana

    Source : http://planetejeanjaures.free.fr/geo/ghanaempire.htm

    Pendant que l'empire du Ghana subissait l'offensive almoravide qui convoitait ses richesses, dans la région du Manding la famille Keïta l'emporte sur les 4 autres familles composant le clan malinké (les familles Condé, Camara, Konaté et Traoré).Dès 1050 les Keïta imposent l'Islam au clan et refusent la soumission a l'Empire de plus en plus affaibli. Dès lors commence l'histoire de l'Empire du Mali qui connaitra son apogée sous le règne de l'illustre Soundiata Keïta qui mit en déroute son principal ennemi de l'époque Soumaoro Kanté roi du Sosso en 1235. Une fois le Sosso annexé, Soundiata Keïta en fit de même avec tous les royaumes et empires de la région, les regroupa sous son empire et prit le titre de Mansa signifiant « roi des rois ». L'empire du Mali aura marqué l'histoire par une remarquable organisation administrative et militaire : en effet l'empire était composé de différentes ethnies notamment les Wolofs, les Malinkés, les Bambaras et les Toucouleurs réparties en 30 clans (16 clans d'hommes libres; 4 clans de griots; 5 clans maraboutiques, et 5 clans d'artisans), de plus il comportait 2 gouvernements militaires au Nord à Soura et au Sud à Sankaran. L'empire du Mali réussit à demeurer un Etat structuré avec une organisation stricte, un Etat et des lois notamment la Charte du Manden21 prônant le respect de la vie humaine, la liberté individuelle, la justice, l'équité et la solidarité entre

    21 Datant vraisemblablement de 1222 le contenu de la Charte a été retranscrit grâce aux travaux de Wa Kamissoko dans les années 1970

    tous les peuples. De plus la vie économique fut prospère grâce à l'essor du commerce transsaharien

    L'Empire du Mali atteignit son acmé au début du XIVème siècle22 et s'étendit sur tout le Sénégal, une bonne partie du Mali, une partie du Burkina Faso, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, de la Gambie, de la Mauritanie et du Niger.

    L'Empire du Mali.

    Source : htp://planetejeanj aures.free.fr/geo/mali_empire. ht m

    Au cours du XIVème et du XVème siècles , l'empire du Mali déclina face à la montée de ses royaumes vassaux et notamment le royaume de Gao mené par Sonni Ali Ber depuis 1464. En 1468, Sonni Ali Ber prit la ville de Tombouctou puis Djenné 5 ans plus tard achevant l'empire du Mali et amorçant l'empire Songhaï qui s'étendra à son paroxysme à la Guinée, à la Guinée-Bissau, au Mali, au Niger, au Sénégal et à une partie du Nigéria. Tout comme son prédécesseur, l'empire songhaï fut un Etat extrêmement bien organisée avec une administration centrale et à l'économie prospère grâce aux échanges transsahariens. Cette réussite lui vaudra la convoitise du sultan marocain Ahmed al-Mansur Saadi qui attaquera l'empire et le fera chuter en 1591.

    22 Sous le règne de Mansa Moussa.

    L'empire Songhaï

    Source : http://planetejeanjaures.free.fr/geo/songhaiempire.htm

    Donc bien avant la colonisation, l'Afrique de l'ouest a été marquée par ses mutations géopolitiques, ses grands espaces géographiques où cohabitèrent plusieurs ethnies et où se rencontrèrent les cultures. Fort de ses empires et de ses royaumes qui se sont étendus sur toute la région, elle explique aujourd'hui l'originalité de l'Afrique de l'Ouest où les Etats-nations nés de la colonisation avait hérité d'un passé commun et d'un lien historique qui unissait leurs peuples les uns aux autres transcendant les frontières par les ethnies, les langues, la culture.

    Carte des langues parlées en Afrique de l'Ouest.

    B. UNE REGION CRISOGENE

    Forte de près du tiers de la population africaine répartie sur 6.143.457 km2 soit le cinquième du territoire africain, l'Afrique de l'ouest est devenue la principale zone de conflit du continent, et ce depuis les années 90 jusqu'à présent.

    Carte de l?Afrique de l?Ouest

    Source : http://www.diakadi.com/afriquedelouest/afriquedelouest.gif

    Du début de la guerre civile au Libéria en 1989 à la crise ivoirienne de 2002, la sous-région est secouée par des conflits. A bien observer les pays touchés par ces conflits on constate que ce sont tous des pays frontaliers, et que le déroulement de chaque conflit ne peut se comprendre sans s?intéresser aux situations des pays voisins. Ainsi la guerre civile qui éclata en Sierra Leone doit se comprendre comme le prolongement de celle du Libéria. Foday Sankoh chef du RUF (Revolutionary United Front) qui déclencha la guerre civile en 1991 était un proche de Charles Taylor ; ce dernier l?épaula économiquement, militairement et politiquement par intérêt pour les provinces diamantifères sierra-léonaises. La Guinée pris dans l?étau libéro-sierra-léonais est obligée d?accueillir les réfugiés des conflits ; les populations autochtones développant assez rapidement une agressivité vis-à- vis de ces nouveaux immigrés créent une nouvelle zone de tension dans un pays qui n?était pas directement affecté par le conflit. On peut parler d?effets collatéraux. Le dernier et non moins important effet collatéral de la guerre civile du Libéria est la crise ivoirienne de 2002, la crise ivoirienne a souvent été réduite à sa dimension locale (opposition entre le Nord musulman et le Sud catholique, opposition entre les forces gouvernementales et les

    40

    rebelles des forces nouvelles) or pour comprendre cette crise il faut remonter à la guerre civile du Libéria 13 ans plus tôt. Lorsque la guerre civile éclate au Libéria, Félix Houphouët-Boigny alors président de la Côte d'Ivoire soutint le mouvement de Charles Taylor, son successeur Konan-Bédié en fit de même. Mais en 2002 Laurent Gbagbo, opposant de longue date à Houphouët-Boigny arrive au pouvoir, ses rapports avec Taylor n'étant pas les mêmes il contribua personnellement à le faire chuter en fournissant des armes aux factions anti-Taylor le LURD et le MODEL. Taylor qui voit d'un mauvais oeil l'implication de la Côte d'Ivoire décide de soutenir militairement, politiquement et logistiquement 2 groupes ivoiriens opposés au gouvernement le MPJ et le MPIGO. Si l'intervention de Charles Taylor était motivée par des raisons économiques, son ingérence dans les affaires ivoiriennes doit lui garantir une porte de sortie, un moyen de négociations avec le pouvoir ivoirien.

    Les conflits en Afrique de l'Ouest sont donc marqués par leur régionalisation et leur imbrication. Ce double-phénomène est possible à cause de plusieurs raisons. La première d'entre elles est ethnique car tous ces conflits ont une dimension ethnique qui si elle ne se trouve pas à la base du conflit vienne rapidement la renforcer, lui servir de justification. Et vu qu'en Afrique de l'ouest les espaces ethniques dépassent les espaces étatiques modernes, les conflits intra étatiques prennent une tournure interétatique via ces espaces ethniques partagés. La seconde raison repose sur la fragilité des Etats car sur les 16 Etats qui composent la sous-région 3 Etats sont en crise (Guinée, Guinée-Bissau, Mauritanie), 4 Etats sont en période de sortie de crise et dont l'équilibre reste précaire (Côte d'Ivoire, Libéria, Niger, Sierra Leone), 9 Etats plus ou moins considérés comme forts et stables (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Gambie, Ghana, Nigéria, Sénégal, Togo) même si certains d'entre eux connaissent des troubles internes (le problème casamançais au Sénégal, les tensions religieuses au nord du Nigéria. Avec près de la moitié des Etas en difficulté il est très difficile de faire de la région une zone sûre d'autant plus que si les Etats faibles ne peuvent assurer leur sécurité, les autres Etats se distinguent par leur rôle actif dans le déclenchement et le déroulement des conflits. S'ajoute à la faiblesse des Etats, la complicité d'autres et aux dimensions culturelle, ethnique, stratégique et économique, la

    présence étrangère qu'elle soit française, américaine ou onusienne complexifie la situation par la multiplication des acteurs sur le terrain.

    Conflits en Afrique de l'ouest

    Source : Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR).

    2) L'ECOMOG : le franchissement d'un palier nécessaire.

    Dès sa création en 1975 , la CEDEAO fait de la sécurité et de la stabilité de la région un objectif important car le développement économique ne peut exister si l'insécurité règne. Ainsi nous verrons que l'ECOMOG est l'aboutissement d'un processus entamée en 1978 avec la signature du Pacte de Non Agression et constitue un tournant important dans la

    gestion de crise et la pratique de maintien de la paix par les Etats africains jusque là soumis au principe de non-ingérence sacralisé lors de la conférence d'Addis-Abeba à l'origine de l'OUA. Cependant si l'initiative ne peut être que saluée nous verrons que dans la pratique le bilan est mitigée.

    A. DU PNA A L'ECOMOG.

    Le 9 juin 1977, les 7 des 9 pays francophones de l'Afrique de l'ouest23 se réunissent et signent ce qui fut le premier accord de défense collective signé dans la sous-région. L'ANAD (Accord de Non Agression et de Défense) est né. Moins d'un an plus tard son extension à toute la CEDEAO donnera naissance au Protocole de Non Agression (PNA).

    Le 22 avril 1978, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO réunie à Lagos signe le PNA proposé par le Nigéria et le Togo. Etaient présents tous les pays de la CEDEAO hormis la Gambie. Par le PNA, les Etats s'engageaient à ne pas recourir à la menace, à ne pas utiliser la force et l'agression ou à tout autre moyen contraires aux chartes de l'ONU et de l'OUA. Le PNA s'est réalisé dans un contexte particulier qui peut expliquer sa mise en place car à l'époque près de la moitié des pays sont dirigés par des militaires24.Le pacte resta au stade des bonnes intentions car chaque Etats continua à privilégier ses propres intérêts, les dirigeants défendant jalousement leur pouvoir, refusant de faire confiance à leurs homologues et surtout complotant les uns contres les autres contrairement à l'esprit du protocole.

    La fin des années 1970 fut marquée par des troubles qui plongèrent la sous -région dans le chaos et dont l'acmé sera atteinte à la fin des années 90. Le début des années 80 marque une nouvelle prise de conscience symbolisée par la signature du Protocole d'Assistance en Matière de Défense (PAMD) le 29 mai 1981 à Freetown (Sierre Leone) et

    23 Ces Etats étaient regroupés dans la Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO)

    24 Le Colonel KEREKOU au Bénin, le Major Général BOAKYE au Ghana, le Général LAM IZANA en Haute-Volta, le Sergent-chef DOE au Liberia, le Lieutenant TRAORE au Mali, le Colonel KOUNTCHE au Niger, le Général OBASANJO au Nigeria et le Général EYADEMA au Togo.

    qui entrera en vigueur en 1986. La signature de ce traité collectif de défense prévoyait que les Etats signataires s'apporteraient une aide et une assistance mutuelle de défense et que toute menace d'agression armée ou toute agression armée dirigée de l'extérieur contre l'un quelconque des Etats membres constituerait une menace ou une agression contre l'ensemble de la communauté.25 L'autre grande nouveauté est la création des Forces Armées Alliés de la Communauté (FAAC) qui devaient permettre une réaction collective dans le cas où un Etat membre était victime d'un conflit armé intérieur fomenté et soutenu activement de l'extérieur et qui mettait en danger la paix et la sécurité d'autres états membres.

    Tout comme son prédécesseur, le PAMD échoua et ce, toujours pour les mêmes raisons. Mais vers la fin des années 90, la tension qui émerge au Libéria « où l'ethnicisation des cercles politiques, économique et militaire au profit des Krahn et accessoirement des Mandingues, ainsi que la politique de répression à l'encontre des Gio et des Mano »26 fait craindre le pire et pousse les Etats de la Communauté à fournir un nouvel effort qui donner a naissance au Groupe de Surveillance du Cessez-le-feu27.

    Cependant l'ECOMOG ne naquit pas spontanément, les circonstances d'alors permettent de l'expliquer. La guerre froide touche à sa fin et les Etats-Unis alliés historiques28 du Libéria n'ont pas l'intention d'intervenir militairement pour aider le président DOE. Devant le peu de réaction des américains (et des Nations Unies dans leur sillage) et la présence libyenne29, le Nigéria de BABANGIDA décida d'intervenir pour aider DOE. Face à la réaction du « grand » nigérian, la Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny

    25 Article 2 du PAMD.

    26 Fabrice WEISSMAN, « Libéria : derrière le chaos, crises et interventions internationales », Relations internationales et stratégiques, n° 23, automne 1996, p. 83.

    27 En anglais Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group (ECOMOG).

    28 Le Libéria a été fondé par des esclaves américains.

    29 Kadhafi s'étant proclamé champion révolutionnaire depuis les années 70 espérait constituer un contrepoids aux Etats-Unis en faisant d'un Libéria révolutionnaire un allié stratégique et économique.

    30 qui veut éviter l'hégémonie nigériane soutint TAYLOR chef du Front National et Patriotique du Libéria. Les pays de la communauté connaissent leurs première épreuve et se montrent incapables d'y apporter une réponse commune, chacun défendant ses propres intérêts. Finalement grâce à une réactivation du PNA, le président BABANGIDA obtint de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement la création du Comité Permanent de Médiation censé apporter une solution définitive à un conflit qui dure depuis 8 mois et dont on craint les dommages collatéraux à l'échelle régionale. C'est dans le cadre de ce comité composé cette année là du Ghana, du Mali, du Nigéria du Togo et de la Gambie présidente en exercice de la CEDEAO31 , que l'ECOMOG voit le jour au cours de la réunion des 6 et 7 août 1990 même si aucun accord de paix donc aucun cessez-le-feu n'existe encore ; pour la force l'objectif est de se positionner en force tampon pour mettre fin au conflit et provoquer le cessez-le-feu.

    C'est ainsi que commence l'histoire de l'ECOMOG et que l'Afrique de l'ouest entre dans une nouvelle phase en ce qui concerne le maintien de la paix et la gestion des crises.

    B. UN BILAN MITIGE.

    En presque 20 ans d'existence l'ECOMOG a pris part à 4 opérations de maintien dans la sous-région tout d'abord au Libéria, puis en Sierra Leone, ensuite en Guinée- Bissau et enfin en Cote d'Ivoire. L'ECOMOG a ses succès (rien que sa création dans un contexte difficile en est un) mais elle traine aussi derrière elle quelques échecs.

    Au Libéria le bilan est plus que mitigé car son intervention est émaillée par un comportement et des agissements en contradiction totale avec l'esprit de la mission.

    30 Dans le sillage de la Côte d'Ivoire on retrouve aussi entre autres le Burkina-Faso de Blaise Compaoré. L'objectif de Houphouët-Boigny, soutenue par la France est d'éviter qu'un pays anglophone devienne

    l'hégémon de la région majoritairement francophone et considéré comme le pré-carré de la France.

    31 On notera l'absence des pays francophones comme la Côte d'Ivoire, du Sénégal, du Burkina-Faso qui sont des pays phares de la région mais conformément à la stratégie « française » minimisent leur implication dans une résolution qui serait menée par le Nigéria.

    L'ECOMOG s'est allié à des factions rebelles opposées à Taylor comme l'ULIMO et l'AFL leur facilitant l'accès aux armes : ce fut une grave erreur car même si la force manquait d'hommes et que ces factions se battaient contre le même ennemi, une force d'intervention qui se veut neutre ne peut soutenir des mouvements qui bafouent le jus in bello en violant, pillant et spoliant sans distinction. Pis encore des éléments de la force auraient pris une part active dans ses exactions qui ont contribué à ternir quelque peu l'image de la force et des hommes de bonne foi qui la constituaient. La deuxième erreur est une erreur stratégique et concerne les bombardements aériens menés par l'armée nigériane. Ces bombardements censés affaiblir l'ennemi en détruisant ses positions ont connu d'importantes ratés : entrepôts de nourriture, convois d'assistance, hôpitaux civils ne furent pas épargnés, le pire demeurant le bombardement en plein jour de la rue principale de la ville de Kakata en décembre 1992.

    L'opération en Sierra Leone fut aussi marquée par le lourd tribut civil dont ont été responsables les rebelles mais surtout l'enrôlement des enfants qui rajouta à la dimension tragique du conflit. Cependant les erreurs de la mission en Sierra Leone ne repose pas sur les épaules des combattants car même leurs dirigeants n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur la stratégie commune à adopter. La situation fut telle que l'ECOMOG ne put jamais totalement protégé les civils qui furent livrés à eux-mêmes et surtout à la merci des rebelles.

    L'expérience bissau-guinéenne fut quant à elle l'une des plus frustrantes et l'une des plus stupéfiantes car malgré la relative rapidité de réaction des Etats de la sous-région via l'envoi de troupes sénégalaises et guinéennes32 et la signature d'un accord de cessez-le- feu et l'établissement d'un plan de sortie de crise (gouvernement d'union national + déploiement de l'ECOMOG) 6 mois après le début de la crise, l'ECOMOG trop peu fourni

    32 L'envoi des troupes sénégalaises a une double crainte : la détérioration de la situation et la contagion au Sénégal en cas d'accession au pouvoir du chef des rebelles Ansumane MANE par ailleurs allié du MFDC casamançais.

    en hommes33 ne peut qu'assister impuissante au renversement du président VIEIRA par les rebelles moins de 3 mois après son arrivée.

    La mission ivoirienne fut des plus modestes même si près de 1500 hommes y participèrent vu l'importance de la Côte d'Ivoire mais l'ECOMOG fut plus une force secondaire devant les 4000 soldats français de l'opération Licorne.

    L'ECOMOG a donc connu son lot d'échecs mais il ne faut pas négliger ses « victoires » car au Libéria l'ECOMOG a réussi à repousser les rebelles hors de Monrovia et à sanctuariser la ville qui ne connut plus d'attaques hormis celle d'octobre 1992, la sanctuarisation de la ville permit l'établissement d'un gouvernement provisoire ; la force par son intervention a permis de mettre fin au nettoyage ethnique dont étaient victimes les Mandingues et les Kran, offert un cadre de travail plus sûr aux organisations humanitaires et posé les bases des élections présidentielles de 1997 même si Charles Taylor fut élu.

    En Sierra Leone elle réussit à restaurer le pouvoir en place contribuant à ramener le calme dans un pays qui a retrouvé sa stabilité.

    Pour toutes les raisons précédemment cités il était important de se pencher sur l'ECOMOG car même si le bilan reste mitigé et que d'importants efforts restent à fournir, l'émergence de cette force a ouvert la voie à la possibilité à une autogestion des conflits qui conduirait à une Afrique de l'ouest plus sûr mais surtout elle laisse envisager qu'une communauté de sécurité à l'échelle africaine serait possible en se basant sur les expériences sous-régionales comme celle de la CEDEAO.

    3) Une initiative encourageante pour une région et pour tout un continent.

    L'expérience ouest-africaine à travers la CEDEAO a montré toute l'étendue du chemin qu'il restait à parcourir pour que les Etats de la sous-région mais aussi de tout le continent soient capables de prévenir des conflits et dans le cas échéant de les gérer et d'y mettre fin.

    33 600 hommes inexpérimentés constituaient la force d'intervention.

    Les années 90 ont donc marqué une prise de conscience accrue concernant les conflits qui sont devenus un fléau pour tout le continent. En outre la fin de la guerre froide et le désintérêt des grandes puissances pour l'Afrique des conflits a poussé les Etats à rechercher des solutions et à ne plus compter sur les interventions extérieures.

    Cependant ne plus compter sur les interventions extérieures ne signifient pas renoncer à une aide extérieure mais adapter cette aide aux besoins réels et aux objectifs à attendre pour la sécurité et la stabilité du continent.

    A. LES MECANISMES DE PREVENTION, DE GESTION, DE REGLEMENT DES CONFLITS .

    Au sein de la CEDEAO comme au sein de l'OUA, les années 90 sont marquées par la naissance de mécanismes de prévention, de gestion et de règlements de conflits. Ces mécanismes sont une avancée non négligeable en ce qu'elles constituent une tentative par les Etats africains de se doter de moyens institutionnels viables pour mieux gérer les conflits sur le continent ou dans la région de ressort dans le cas de la CEDEAO.

    Prolongement de l'ECOMOG, le Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO se veut la colonne vertébrale de l'ambition de sécurité collective d'une nouvelle CEDEAO dixit Olesegun OBASANJO, président nigérian d'alors. Ce mécanisme est censé apporter la stabilité et la solidité nécessaires. Solide par la structure avec la CCEG comme autorité suprême ,le Secrétariat Exécutif et le Conseil pour la Médiation et la Sécurité. Ce conseil est la réelle nouveauté car en son sein sont regroupés la Commission de la Défense et de la Sécurité, le Conseil des Sages, le Centre d'observation et de contrôle d'alerte précoce et l'ECOMOG34.

    La Commission de la Défense et de la Sécurité réunit les chefs d'Etat major des pays et a
    pour objectif de formuler le mandat des forces pour le maintien de la paix, de définir les
    termes de référence pour les forces, de nommer le Commandant des forces et de définir la

    34 Le bras militaire du Mécanisme a gardé le nom « ECOMOG »

    composition des contingents. Dans sa tâche cette commission est appuyée par le centre d'observation et de contrôle d'alerte précoce chargé d'évaluer un risque pays, par le Conseil qui regroupe des personnalités du continents connus pour leurs expériences de la diplomatie et de la médiation et par l'ECOMOG dont elle a maintenant le contrôle.

    Si le Mécanisme de la CEDEAO date de 1999 celui du l'OUA date de 1993 il a été adopté au Caire par la CCEG de l'OUA dans la nuit du 29 au 30 juin. L'objectif alors pour l'OUA est de jouer un rôle de premier plan dans toutes les actions visant à instaurer la paix et la stabilité sur le continent et de mener si nécessaire une action rapide pour prévenir, gérer et régler les conflits lorsqu'ils interviennent. Le Mécanisme prévoyait un Organe Central (composé des membres en exercice du bureau de la CCEG) et d'un Secrétariat Général chargé d'exécuter les décisions prises par l'Organe Central. On peut saluer la rotation mise en place dans cet organe qui se veut l'équivalent du Conseil de Sécurité de l'ONU mais qui devait permettre une représentation régionale équitable. Le Secrétariat devait disposer d'un grand pouvoir d'initiative pour prévenir les conflits car contrairement à la CEDEAO qui a fini par intervenir directement dans les conflits, l'objectif du Mécanisme en totale contradiction avec sa déclaration d'intention se cantonna à la prévention de conflits pour laquelle l'intervention politique prédominait et l'intervention militaire était négligée. De plus l'organe central à la base ne disposait que de pouvoirs limités ce qui annulait la liberté d'initiative du Secrétariat et enfin d'un point de vue juridictionnel, l'organisme central se retrouve dans un vide puisque le règlement des conflits et le maintien de la paix ne fait pas partie des buts et objectifs de l'Organisation35 ce qui remet constamment en cause la légitimité des décisions.

    La crise ivoirienne des années 2000 a montré l'insuffisance des mécanismes car malgré les
    efforts, la rigidité des organisations, leur non-adéquation avec la nature des conflits
    africains qui demandent un engagement rapide, important et soutenu et leur maque

    35 Selon l'article 8 de la Charte de l'OUA, toute création de nouvel organe doit être conforme aux buts et objectifs de la Charte de l'Organisation. Donc la création du Mécanisme et des organes qui la composent aurait du être précédé par la révision de la Charte

    d'effectivité plombent toujours les efforts ; cependant la constante mais lente évolution de l'Afrique de la sécurité doit être un espoir.

    B. VERS LES FORCES AFRICAINES EN ATTENTE.

    L'idée des Forces Africaines en Attente (F.A.A) ou encore Force Africaine Pré-positionnée a été introduite dans le protocole relatif à la création du conseil de paix et de sécurité de l'Union Africaine instauré le 9 novembre 2002. Les F.A.A représentent un pas de plus vers une communauté de sécurité africaine parce plus en phase avec les réalités du terrain. C'est une initiative qui a le mérite de s'appuyer sur les sous-régions à savoir la CEDEAO, la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), l'Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD et, la Communauté Sud-Africaine de Développement (SADC)36.

    Cette force panafricaine devra permettre de faire face à 6 types de scénario allant de l'aide militaire pour une mission politique (scénario 1) à l'intervention d'urgence si la communauté internationale ne réagit pas suffisamment rapidement (scénario 6) en passant par les missions d'observation déployées conjointement avec une mission des Nations Unies (scénario 2), les missions d'observation sans l'ONU (scénario 3), les déploiements de forces de maintien de la paix pour des missions de déploiement préventif (scénario 4) ou des missions complexes et multidimensionnelles avec la présence de groupes hostiles (scénario 5)

    La mise en oeuvre de la force devait se faire en 2 phases : une première phase s'étendant jusqu'en juin 2005 devant permettre l'établissement d'une cellule de planification pour chaque région et pour le continent (PLANELM), la mise en place des Etat-major régionaux et l'érection des forces régionales capables d'intervenir pour des scénarios de type 1 et 2. La deuxième se terminant en 2010 devant permettre la mise en place définitive de la force et son effectivité pour tous les scénarios.

    36 L'Union de Maghreb arabe restant volontairement en retrait.

    En se reposant sur les structures sous-régionales l'UA, à la différence de son aînée l'OUA, s'appuie sur une volonté et des ressorts institutionnalisés qui comblent les vides juridiques qui vouaient à l'échec les tentatives de sécurité collective à l'échelle continentale. Car le processus entrepris par l'OUA au début des années 90 et qui a conduit à la naissance du Mécanisme, a eu lieu dans toute Afrique dans le cadre des communautés économiques régionales. Si le Mécanisme n'a vu le jour qu'en 1999 pour l'Afrique de l'Ouest, en Afrique australe la SADC a créé l'Organe chargé de la politique, de la défense et de la sécurité en 199637 ; en Afrique centrale (CEEAC) un Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique Centrale (COPAX) est aussi né en 1999. Seuls l'IGAD et l'U MA ne possèdent pas structures institutionnels comparables aux autres communautés régionales.

    A partir de ces communautés régionales, devront être opérationnelles 5 brigades : l'EASBRIG en Afrique de l'Est, les Forces Africaines de le Communauté (FAC) en Afrique de l'Ouest, la SADCBRIG en Afrique du Sud, la Force Multinationale de l'Afrique Centrale (FOMAC) et une force dépendante de l'UMA mais qui n'est pas encore lancé. L'objectif au-delà de l'opérabilité de chacune des forces sera d'obtenir leur interopérabilité d'où le Comité d'Etat-major et l'aspiration à un système stratégique, tactique et opératif commun à travers la formation38. Sans négliger l'aide de la communauté internationale à travers des programmes tels que la RECAMP39 françaises, l'ACRI40 américaine et sans oublier le soutien financier qui a été un grand frein à la construction d'une communauté de sécurité viable.

    Malgré tout cela, le principal reste et restera toujours la volonté des Etats qui sont les seuls à pouvoir impulser l'effort intense, soutenu et continu condition sine qua non à la réalisation du projet cher à Kwame Nkrumah.

    37 Cet organe est venu compléter la Commission inter-Etats de Défense et de Sécurité.

    38 L'école du maintien de la paix Alioune Blondin BEYE a été lancée en 2005 au Mali dans ce but.

    39 RECAMP pour Renforcement des Capacités Africaines en matière de Maintien de la Paix.

    40 ACRI pour African Crisis Response Initiative.

    ETATS

    CPS

    UA

    EASBRIG

    IGAD CEDEAO CEEAC SADC UMA

    ECOMOG

    FAC

    FOMAC

    F.A.A

    SADCBRIG

    ?

    ETATS

    L'architecture de défense de l'Union Africaine.

    IV. UNE VOLONTE DES ELITES ET DES MASSES

    Au cours de la première partie nous avons essayé de comprendre l'histoire du panafricanisme, nous avions notamment distingué 2 panafricanismes à travers Marcus GARVEY et W.E.B DuBois : un panafricanisme des élites et par les élites représenté par DuBois et un panafricanisme des masses défendu par GARVEY. Le panafricanisme post- colonisation a marqué la victoire d'un panafricanisme des élites qui en a oublié qu'un tel processus réclamait effectivement un engagement des gouvernants mais reposait surtout et par-dessus tout sur les masses, seules capables de faire de l'idéal africain une réalité. En témoigne la nature identitaire des conflits africains.

    Le panafricanisme en arrivant en Afrique s'est délesté d'un poids dont elle subit les conséquences aujourd'hui. Nous verrons au cours de cette dernière partie comment la panafricanisation des masses est un processus sur lequel il faut miser autant que sur l'aspect sécuritaire. Ensuite nous verrons que par cette panafricanisation des masses l'Afrique des peuples est possible, ce qui est une condition sine qua non à une Afrique des Etats. Enfin nous nous interrogerons sur la viabilité du projet bientôt centenaire des Etats- Unis d'Afrique.

    1) Le « panafricanisation » des masses.

    « Il est essentiel que nous soyons nourris de notre culture et de notre histoire si nous voulons créer cette personnalité africaine qui doit être la base intellectuelle de notre avenir panafricain. »

    Kwame Nkrumah.

    Ces paroles de Nkrumah semblent avoir été perdues de vue par les dirigeants africains plus préoccupés à consolider leurs tout nouveaux Etats-nations et qui dès la conférence de l'OUA à Addis-Abeba ont voulu « marqué leur territoire » en sanctuarisant leurs frontières sans laisser la moindre place à une possible union du

    continent. La naissance de l'OUA a signifié l'échec du panafricanisme qui vise l'intégration au profit d'une version allégée maintenant la carte de l'Afrique dessinée par la colonisation sans tenir compte de la réalité historique du continent. Cela explique notamment la nature identitaire des conflits en Afrique car les espaces étatiques ne correspondent pas aux différents espaces identitaires.

    Le but des Etats africains et des organisations panafricaines dont ils sont à l'origine doit se recentrer sur les acteurs principaux de la réussite d'une communauté africaine : les peuples. Sans l'adhésion complète des peuples et leur participation consciente et active au projet panafricain, il n'y aura pas d'issue viable. Cette adhésion passe par le dépassement des différences identitaires et la stimulation d'une Afrique des peuples au vu de l'histoire qui nous unit.

    A. DEPASSER LES DIFFERENCES IDENTITAIRES.

    Nul ne peut nier aujourd'hui que les frontières actuelles en Afrique ne correspondent aux espaces historiques, culturels qui ont existé et continuent d'exister sur le continent ; d'où la multiplication des conflits. Mais s'en tenir à ce constat nous semble réducteur car si les guerres civiles ont pu exister en Afrique c'est qu'elles ont été portées par des populations contre d'autres populations pour des raisons ethniques. Si les conflits se sont généralisés à l'échelle de toute une région comme cela a été le cas en Afrique de l'Ouest ou dans la région de Grands Lacs, c'est parce qu'elles ont été portées par les populations.

    Pour que l'Afrique puisse devenir une communauté de sécurité voire même plus, il faut que les populations puissent dépasser leurs différences identitaires et construire ensemble une Afrique unie et pacifiée. La tâche est ardue car les conflits identitaires ne datent pas de la décolonisation, la colonisation par l'intervention des puissances étrangères a même gelé la situation. L'histoire de l'Afrique est marquée comme l'histoire de tous les autres continents par les guerres entre les différents espaces politiques qui ont existé. A cet effet nous rappelons l'histoire des 3 empires en Afrique de l'Ouest qui se sont succédé les uns au détriment des autres ; la constitution de ces espaces était marquée du sceau de l'identité ethnique ainsi avait-

    on l'empire Djolof qui réunissait les royaumes d'ethnie wolof, l'empire du Mali initié par les Mandingues, l'empire Kongo qui réunissait les Bakongo. De ce point de vue l'histoire de l'Afrique ne diffère en rien de l'histoire de l'Europe ou de l'Asie.

    Léchec des Etats africains repose sur leur incapacité à appréhender le facteur identitaire dans la construction de l'union. Tout d'abord en jouant sur les discriminations identitaires pour asseoir leurs pouvoirs au sein de leurs propres Etats, puis en se servant des différends identitaires pour en déstabiliser d'autres. Les problèmes sécuritaires subsisteront en Afrique tant que les tensions identitaires ne seront pas aplanies. Pour se faire il faut favoriser l'émergence d'une identité africaine qui transcende les autres identités. Le but étant de mettre la richesse de toutes les identités au service de la cause africaine. Pour ce faire il faut avoir recours à l'histoire comme l'ont les fait des hommes comme Cheikh Anta Diop ; par la science ils ont recherché à connaître l'Afrique, à savoir qu'elle a été son évolution et par une meilleure connaissance du passé permettre aux Africains de jeter un autre regard sur une Afrique riche de ses langues, de ses traditions et fier de son histoire.

    B. STIMULER UNE AFRIQUE DES PEUPLES.

    Les Etats africains doivent donc inviter les masses à se joindre au processus en leur faisant prendre conscience de l'existence d'une Afrique des peuples, une Afrique partageant des valeurs, une histoire et un patrimoine commun.

    Les langues sont une excellente illustration de ce patrimoine culturel qui unit tous les peuples d'Afrique. Sur le continent, l'Académie africaine des langues a recensé plus de 2000 langues (vivantes !) en Afrique de celles pratiquées par plusieurs pays à celles pratiquées par des petits villages. Le nombre important des langues donne l'idée de la richesse culturelle du continent même si l'on observe que ces langues se regroupent en 4 familles :

    s" La famille afro-asiatique composée de 353 langues vivantes dont 299 parlées en Afrique et totalisant 340 millions de locuteurs.

    s" La famille nilo-saharienne composée de 197 langues vivantes et 35 millions de locuteurs.

    s" La famille khoisan composée de 22 langues vivantes et 360 000 locuteurs est la plus petite famille linguistique africaine

    s" La famille nigéro-congolaise compte près de 1 500 langues vivantes, ce qui fait d'elle la plus grande famille linguistique du monde.

    Les familles linguistiques en Afrique

    Source : Wikipedia.

    En s'intéressant à la répartition des langues sur le continent, on s'aperçoit que l'Afrique de l'Ouest est le point de convergence des familles afro-asiatique et nigéro-congolaise. Elle est un trait d'union entre l'Afrique subsaharienne et le Maghreb vu que le berbère et l'arabe sont pratiquées de part et d'autre du Sahara.

    En outre l'Afrique de l'ouest est le point de convergence des langues nihilo- sahariennes et nigéro-congolaises constitue un pont entre l'Afrique saharienne et celle subsaharienne. Enfin la grande famille nigéro-congolaise montre par son étendue les liens unissant les populations allant du ouest-africain à l'extrémité sud du continent.

    Par ces dynamiques linguistiques fortes, l'Afrique des peuples a toujours existé. En prenant l'exemple de l'Afrique de l'ouest on constate la parenté des Etats modernes par le biais des aires linguistiques c'est le cas des populations du Burkina-Faso, de la Côte d'Ivoire, du Togo et du Bénin et du Togo appartenant en totalité ou en partie au groupe des Gour.

    Les groupes linguistiques en Afrique de l'Ouest.

    Source : http://www.atlas-ouestafrique.org/

    De plus l'existence de langues véhiculaires que l'on retrouve dans plusieurs

    pays prouve une fois de plus que les peuples arrivent à dépasser les frontières physiques au profit d'un patrimoine commun : le peul, le songhaï, le wolof et le yoruba.

    Les langues véhiculaires en Afrique de l'Ouest.

    Source : http://www.atlas-ouestafrique.org/

    L'exemple des langues est une illustration parfaite de l'existence de liens forts entre les peules africains. En cultivant cet héritage commun, les Etats africains gagneraient à pacifier le continent mais de surcroît ils arriveraient à faire participer les masses à un processus qui est aussi le leur.

    2) /'AfrIIXHIIIF SeX SMs 1RP P H1RP SQP lefIIell'AfriqXe IIIF( UM

    L'un des grands débats du panafricanisme a porté sur l'espace géographique que l'on désigné par Afrique. De par ses origines, le panafricanisme a dès ses

    origines été un mouvement intimement lié aux populations noires ; Marcus GARVEY ne se battait-il pas pour l'Afrique des noirs et de ses descendants ? Les afrocentristes comme Cheikh A nta Diop ne pensaient-ils pas que l'Afrique était le continent des seuls noirs au vu de sa préhistoire et de son histoire ? Le débat entre

    l'Afrique noire et l'Afrique blanche n'est pas nouveau et la nature des rapports entre ces 2 Afriques est aujourd'hui un des grands défis qui se présentent à la communauté du continent.

    Nous verrons donc l'historique de ce clivage et ensuite nous verrons comment les aires régionales actuelles peuvent permettre de dépasser cet obstacle qui en est un parmi d'autres sur la route de l'Afrique des peuples.

    A. LE CLIVAGE AFRIQUE NOIRE- AFRIQUE BLANCHE.

    Le Maghreb tient en Afrique une place particulière qui lui a valu le surnom d'Afrique blanche. Ce surnom fait référence à la supposée ambigüité de sa position par rapport au projet panafricain mais aussi à son métissage car si le Maghreb est indéniablement africain par les lois géographiques, il entretient des liens millénaires avec la péninsule arabique.

    Il est clair que le Maghreb a accordé moins d'importance au panafricanisme que les pays d'Afrique subsaharienne, en témoigne la ligne de conduite panarabe des pays du Maghreb à la première conférence panafricaine organisée sur le sol africain au Ghana où les dirigeants maghrébins et Nasser le premier préférèrent miser sur l'unionisme arabe. Cependant l'unionisme ne les empêcha pas de se positionner favorablement à une union africaine et cet engagement s'accentua avec l'échec d'un Maghreb panarabe. En 1963, les pays du Maghreb participèrent à la conférence d'Addis-Abeba qui donna naissance à l'OUA, n'est-ce pas Kadhafi qui lança l'appel à la rénovation de l'OUA à Syrte prouvant les pays maghrébins pouvaient s'impliquer politiquement dans le projet panafricain, le président Bourguiba ne déclara-t-il pas que la Tunisie était une terre de pointe et de liaison, ouverte au monde et profondément enracinée corps et âme dans le continent africain ?

    Les raisons politiques ne sont pas les seuls à avoir été évoquées. L'argument identitaire est aussi utilisé. En effet on peut dire que l'identité des pays du Maghreb a été très tôt imprégnée par l'Islam et par la civilisation arabe. Du VIIème au XIIème siècle le Maghreb connut une islamisation totale avec l'invasion

    des Almohades ; cette invasion et l'islamisation qui s'ensuivit scella les liens qui unissent identité nord-africaine et Islam : la culture et l'identité nord-africaine sont liés à l'Islam. Cet aspect permet d'expliquer la préférence première de ces Etats pour le panarabisme dont ils se sont sentis toujours plus proches. Cependant au regard de l'histoire l'Afrique subsaharienne et le Maghreb partage une histoire commune et un patrimoine commun : une histoire à travers l'Egypte antique, à travers la Nubie, à travers les rapports entre nos anciens empires et les cités maghrébines ; par le patrimoine car l'islamisation d'une partie non négligeables du continent a tissé des liens indéfectibles qui persistent mais surtout par la civilisation berbère qui est un pont à travers le Sahara.

    Les divergences d'intérêt, de culture ne suffisent pas à expliquer la persistance du clivage qui demeure entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne car le panafricanisme recherche justement à dépasser ces limites de race, d'ethnie, de tribu et de religion. Il appartient aux élites et aux masses de rechercher la convergence plutôt que de laisser les différences retarder l'évolution du continent vers une unité profitable à tous.

    B. LES AIRES REGIONALES COMME RAMPE DE LANCEMENT.

    CEDEAO, UEMOA, CEMAC, CEEAC, IGAD, SADC, UMA sont autant d'exemples d'organisations existant en Afrique. Elles ont pour particularité de regrouper les Etats africains en 5 zones géographiques : l'Afrique de l'ouest, l'Afrique centrale, l'Afrique de l'est, l'Afrique du sud et l'Afrique du nord ou Maghreb.

    Nées dans le sillage de l'Organisation de l'Unité Africaine, ces organisations lui ont survécu et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce qu'il est certainement plus facile de faire fonctionner une organisation de 5 à 15 Etats qu'une organisation de 53 Etats. Mais la vraie différence réside dans la volonté des Etats. Les organisations régionales ont vraiment été le lieu de l'expérience panafricaine. Les Etats montrèrent pour les organisations régionales plus d'intérêt et plus d'entrain quitte à ménager les sensibilités. Les pays de l'Afrique de l'ouest divisés entre anglophones et francophones, entre panafricanistes de coopération et

    d'intégration, réussissent néanmoins à avancer dans un même sens à travers la CEDEAO. Les pays de l'Afrique centrale éprouvés par les conflits régionaux qui déchirent la région n'en ont ,pour autant, jamais abandonné le projet d'une communauté économique, financière et de sécurité.

    Les organisations régionales africaines sont importantes car elles reposent sur des affinités géographiques bien entendu, mais aussi et surtout sur des affinités culturelles, historiques qui permettent une meilleure effectivité que l'OUA et l'UA qui sont une construction politique à grande échelle sans réalité historique. Les organisations régionales reposent sur un continuum historique et spatial qu'il est important de cultiver. Si les organisations régionales réussissent à développer des identités ouest-africaines, centre-africaines, est-africaines, ouest-africaines et nord- africaines alors il sera plus facile de développer à l'échelle du continent une identité africaine. Cependant les organisations régionales ne doivent demeurer une fin en soi, il faut que les actions qu'elles entreprennent aient toujours pour objectif l'union progressive du continent et pourquoi pas à terme son unité.

    3) Afrique des Etats ou Etats-Unis d'Afrique ?

    L'idée des Etats-Unis d'Afrique est une vieille idée inséparable de l'histoire du panafricanisme. Elle fait son apparition au début du 20ème siècle et sera pour la première fois exposée publiquement par Marcus GARVEY qui s'autoproclama président des Etats-Unis d'Afrique en 1924.

    Depuis ce temps pourtant, rien n'y fait, ni les indépendances ni la volonté de dirigeants comme Nkrumah, l'Afrique se refuse à l'idée Cependant la création de l'UA sur les cendres encore chaudes de l'OUA a relancé l'idée. Le président libyen KADHAFI qui avait lancé l'appel de Syrte en faveur d'une réforme de l'OUA avait parcouru l'Afrique se rendant à Accra en 2007 près de 50 ans après la conférence panafricaine où Nkrumah avait exposé son projet d'une union africaine pour mettre fin à la balkanisation de l'Afrique née de la conférence de Berlin de

    1885. Au cours de sa tournée il propose à son tour une Afrique fédérale avec un gouvernement et une armée composé de 2.000.000 hommes.

    C'est le renouveau d'une idée enterré 44 ans plus tôt lors de la conférence d'Addis-Abeba où les souverainistes l'avaient emporté sur les fédéralistes et une Afrique des Etats.

    A. SUPRA-GOUVERNANCE ET QUERELLES DE LEADERSIP.

    Le 2 février 2009, Mouammar Kadhafi devient le président de l'UA à la suite d'une campagne qu'il a menée depuis le début des années 2000 pour une Afrique fédérale. Cependant il ne faut pas se leurrer car les raisons pour lesquels le fédéralisme a toujours échoué en Afrique existent toujours. Premièrement on retrouve le courant souverainiste qui est le plus fort en Afrique car aujourd'hui malgré tous les efforts, aucun Etats n'est prêt à céder une partie ou la totalité de sa e au profit d'une supra-gouvernance. L'UA est toujours perçue comme une menace possible par les Etats, peut-être moins qu'en 1963, mais la perception demeure. Secondement persistent les querelles de leadership, d'égo que l'on retrouve dans le foisonnement d'idées à l'échelle du continent avec entre autres le plan OMEGA proposé par le chef d'Etat sénégalais Abdoulaye WADE, le Millenium African Plan (MAP) initié par les présidents algérien, sud-africain et nigérian ou encore le Nouveau Partenariat pour le Développement Africain41 qui est une fusion de 2 plans précédemment cités et dont les chefs d'Etat réclament la paternité. Troisièmement on retrouve encore une fois le manque de volonté car aujourd'hui pour la plupart des Etats africains des Etats-Unis ne sont pas nécessaires car des pays qui ne peuvent réaliser une unité sous régionale ne peuvent réaliser une unité continentale. Cependant l'unification régionale et l'unité continentale ne sont pas élémentaires mais complémentaires et rien n'empêche objectivement de tenter l'unité institutionnelle et territoriale.

    41 En anglais New Partnership for African Development (NEPAD).

    Il ne faudrait pas que l'idée des Etats-Unis d'Afrique tourne à une bataille d'égo dont l'Afrique sortira une nouvelle fois perdante.

    B. LE FEDERALISME : VOEU PIEUX ?

    Dès lors que l'idée des Etats-Unis d'Afrique a toujours autant de mal à s'imposer à l'esprit des dirigeants africains, on peut se demander si le fédéralisme sera possible un jour en Afrique et si nous ne ferions pas mieux d'oublier ce projet.

    « L'Afrique doit s'unir ». En prononçant ses mots le président ghanéen Kwame Nkrumah voyait déjà les pays indépendants africains détruire les frontières artificielles nées de la colonisation pour permettre la naissance d'une Afrique unie et la renaissance d'une Afrique longtemps bafouée et humiliée. Près de 60 ans après ses propos, l'Afrique a perdu Nkrumah, Bourguiba, Sankara, Lumumba, Olympio et tant d'autres hommes qui croyaient à cette Afrique-là. La construction de l'Afrique politique a volontairement occulté le fédéralisme et enterré l'idée dans une charte consacrant l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation et la non-ingérence dans les affaires étrangères.

    Les ennemis de l'Afrique fédérale ne se trouvent pas qu'en Afrique. Les ex- puissances coloniales comme la France qui avait volontairement démembré son empire à la décolonisation sur le principe du « diviser pour mieux régner » n'avait aucun intérêt à ce que l'Afrique forme un bloc car son influence s'y diluerait et s'y amenuiserait. Les Etats-Unis en plein guerre froide craignant que le communisme ne s'empare de toute l'Afrique n'encouragea pas du tout l'aventure. La situation n'est plus la même aujourd'hui mais les grandes puissances se montrent toujours réticent à l'idée du fédéralisme en témoigne le peu de soutien qu'elle apporte. Les Etats africains restent encore à la merci des intérêts et des contingences extérieures dont elle devra se dégager un jour si elle veut réaliser l'Afrique fédérale, enfin si elle le veut vraiment...

    CONCLUSION

    Au cours de cet exposé nous avons tenté de monter que le panafricanisme était un concept sur lequel l'Afrique devait s'appuyer. Tout d'abord parce que ce concept a toujours bercé les rêves d'avenir du continent. Il a existé et continue d'exister par les Africains et pour les Africains, dès lors nous devons être capables de lui trouver la place qui lui revient de droit.

    Oui !Le panafricanisme est une solution aux problèmes sécuritaires africains. Nous avons essayé de le montrer tout au long de notre exposé en s'appuyant sur l'exemple de la CEDEAO et sur le contre-exemple de l'OUA. Alors bien sûr la première se situe à un niveau sous-régional alors que la seconde est une organisation à échelle continentale ; on peut se servir de cet argument pour essayer d'expliquer l'échec de l'OUA mais ce serait passé à côté de l'essentiel. Car l'émergence et le développement de la CEDEAO en Afrique de l'ouest n'a pas été une chose facile, au contraire car on rappelle que la région était secouée par les crises. De plus dans cette région se sont rencontrées les 2 tendances du panafricanisme qui s'étaient affrontés à Addis-Abeba. Malgré cela , les Etats de l'Afrique de l'ouest ont fini par comprendre qu'il était de leur intérêt de se réunir autour d'une communauté pour assurer la sécurité de la région et sa stabilité face à des conflits qui non seulement menace la stabilité du pays dans lequel il se déroule mais finit par causer des dommages collatéraux à une échelle régionale : les Etats ont réussi à faire coïncider leurs intérêts particuliers et l'intérêt général. Et même si les résultats ne sont pas les meilleurs, ils témoignent d'une volonté d'avancer ensemble.

    Si le panafricanisme manque de s'imposer en Afrique c'est donc de la faute d' Etats africains qui n'ont pas compris l'intérêt de réaliser l'union du continent à l'heure où les grands ensembles régionaux se renforcent et pèsent de tout leur poids dans le jeu international. Prisonnier de ce même jeu international, ils ne voient pas l'extraordinaire opportunité qui leur est offerte de faire entendre leurs exigences d'une seule voix peut-être,

    mais d'une voix forte , sûr de sa force et soutenue par près d'un milliard d'Africains. L'OUA est le symbole de ce manque de clairvoyance des Etats africains qui n'ont jamais vu en l'organisation internationale, un moyen de réaliser une Afrique unie mais plutôt un instrument de leurs revendications particulières. L'OUA est ainsi devenue le lieu de rendez-vous annuel des chefs d'Etats désintéressés de la cause panafricaine mais profitant de l'occasion pour régler des affaires d'autre ordre.

    Le panafricanisme peut réussir à instituer une Afrique forte mais à condition que les Etats l'encouragent et lui en laissent l'occasion. Cependant cet engagement nécessite un sacrifice : celui de la souveraineté. Les Etats doivent accepter de transmettre une partie de leur souveraineté au profit d'une organisation panafricaine qui saura ménager les intérêts de chacun mais préserver l'intérêt général. La naissance de l'UA sur les cendres de l'OUA peut-être l'occasion d'un nouveau départ de l'idéal panafricain. En se basant sur le facteur sécuritaire on peut être optimiste car l'organisation panafricaine a évolué. De ses débuts en 1963 où elle sacralisa le principe de non-ingérence à l'année 2005 marqué par la naissance d'un Conseil de la Paix et de la Sécurité et surtout des Forces Africaines en Attente, elle a évolué. Il semble que l'UA ait retenue les leçons de son aîné et travaille à ne pas les reproduire. Car si l'Afrique unie doit voir le jour, il faut que l'UA soit capable de l'impulser et de la diriger, elle ne doit plus être à la merci des seuls Etats, elle doit gagner une autonomie qui lui permettra de mener une politique mue uniquement par cet idéal.

    Mais attention car la réussite du panafricanisme ne repose pas sur la seule volonté politique il faut que les populations adhérent au projet car si les populations ne soutiennent le panafricanisme :l'échec est garanti. Le rôle de l'Etat africain est de porter ce projet du vouloir vivre ensemble et d'y faire adhérer les populations afin que les différences identitaires soient transcendés. Car l'identité africaine n'existe pas, elle est à construire. Elle ne fait pas partie des solidarités organiques qui ont existé à travers le continent. Il revient donc aux masses de favoriser la création d'une Afrique des peuples qui en complément de l'Afrique des Etats permettra la réussite non seulement de la communauté de sécurité mais de la le succès de la communauté dans sa globalité.

    Le défi panafricain est donc un défi global où tous les aspects de la vie des Etats et des populations s'entremêlent. C'est seulement lorsque les Etats auront compris l'importance d'appréhender l'union africaine dans sa globalité qu'une Afrique sûre, pacifiée et forte pourra voir le jour. Une Afrique porté par un seul peuple partageant un même but et ayant la même foi en l'avenir du continent comme entité.

    Et à ce moment et ce seulement à ce moment nous ne serons plus wolof, congolais ou maghrébin mais par-dessus tout nous serons des Africains, fiers de l'histoire de leur continent et prêt à écrire son futur.

    « Là où s'abat le découragement s'élève la victoire des persévérants.»

    Thomas SANKARA.

    « Lorsque nous luttons nous sommes en thérapie et après le chaos survient la lumière.»42

    M-1 de Dead Prez.

    42 « When we struggle is therapy after chaos we get clarity. » in Til we get there, Dead Prez, K'naan and Stori James (2000).

    TABLE DES ANNEXES

    V' Charte de l'OUA de 1963

    V' Acte Constitutif de l'UA de 2002

    V' Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité.

    ANNEXES

    Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine de 1963

    Acte Constitutif de l'Union Africaine de 2002

    Protocole de la CEDEAO relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité.

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    http://www.operationspaix.net

    http://planetejeanjaures.free.fr/geo/afrique.htm

    http://www. sec.ecowas.int/ http://www.taurillon.org/Integration-un-succes-europeen-un-echec-africain-Mais-pourquoi

    TABLE DES MATIERES

    REMERCIEMENTS 4

    TABLE DES ABBREVIATIONS & SIGLES 5

    SOMMAIRE 7

    INTRODUCTION 9

    I. UNE BREVE HISTOIRE DU PANAFRICANISME EN AFRIQUE. 13

    1) Un désir né hors d'Afrique. 13

    A. DE BLYDEN A GARVEY 13

    B. PANAFRICANISME OU PANNEGRISME ? 15

    2) L'avènement du panafricanisme politique 18

    A. LE RENOUVEAU DU PANAFRICANISME. 18

    B. LES INDEPENDANCES SOUS LE SCEAU DU PANAFRICANISME. 21

    3) Le panafricanisme au sein du système international. 23

    A. PANAFRICANISME D'INTEGRATION VERSUS PANAFRICANISME DE COOPERATION 24

    B. L'O.U.A : ENCHANTERESSE PUIS DESECHANTEE. 26

    II. UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EST-ELLE POSSIBLE ? 27

    1) L'Etat africain et l'échec du rôle de régulateur. 27

    A. UN ETAT INADAPTE. 28

    B. LA PROBLEMATIQUE DES FORCES ARMEES EN AFRIQUE 30

    2) Pour une autre vision de la sécurité. 31

    A. L'INTRICATION DES DILEMMES DE SECURITE 31

    B. LA SECURITE HUMAINE AU COEUR DE LA PROBLEMATIQUE SECURITAIRE. 32

    III. LA CEDEAO COMME EXEMPLE DE LA MISE EN PLACE D'UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EN AFRIQUE DE L'OUEST 33

    1) Pourquoi l'Afrique de l'Ouest ? 34

    A. L'HISTOIRE DANS L'HISTOIRE 35

    B. UNE REGION CRISOGENE 39

    2) L'ECOMOG : le franchissement d'un palier nécessaire. 42

    A. DU PNA A L'ECOMOG. 43

    B. UN BILAN MITIGE. 45

    3) Une initiative encourageante pour une région et pour tout un continent. 47

    A. LES MECANISMES DE PREVENTION, DE GESTION, DE REGLEMENT

    DES CONFLITS . 48

    B. VERS LES FORCES AFRICAINES EN ATTENTE. 50

    IV. UNE VOLONTE DES ELITES ET DES MASSES 53

    1) Le « panafricanisation » des masses. 53

    A. DEPASSER LES DIFFERENCES IDENTITAIRES. 54

    B. STIMULER UNE AFRIQUE DES PEUPLES. 55

    2) L'Afrique des peuples comme complément de l'Afrique des Etats. 58

    A. LE CLIVAGE AFRIQUE NOIRE- AFRIQUE BLANCHE. 59

    B. LES AIRES REGIONALES COMME RAMPE DE LANCEMENT. 60

    3) Afrique des Etats ou Etats-Unis d'Afrique ? 61

    A. SUPRA-GOUVERNANCE ET QUERELLES DE LEADERSIP. 62

    B. LE FEDERALISME : VOEU PIEUX ? 63

    CONCLUSION 64

    TABLE DES ANNEXES 67

    ANNEXES 68

    Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine de 1963 69

    Acte Constitutif de l'Union Africaine de 2002 70

    Protocole de la CEDEAO relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement

    des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. 71

    BIBLIOGRAPHIE 72

    SITOGRAPHIE 73

    TABLE DES MATIERES 74






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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille