Université Jean Moulin
Facultés de
Droit et de Science Politique
15, quai Claude Bernard, 69007, LYON
Mémoire sur
Le panafricanisme d'intégration comme
réponse aux problèmes
sécuritaires
africains.
Université Jean Moulin
Facultés de
Droit et de Science Politique
15, quai Claude Bernard, 69007, LYON
Mémoire sur
Le panafricanisme d'intégration comme
réponse aux problèmes
sécuritaires
africains.
REMERCIEMENTS
Je remercie Monsieur DEGILA pour son aide précieuse et sa
disponibilité.
Je remercie les membres de ma famille pour leur soutien
indéfectible, eux, dont
l'exemplarité, le courage et
l'abnégation sont une inspiration de tous les jours.
TABLE DES ABBREVIATIONS & SIGLES
ACRI African Crisis Response Initiative
AFL Armed Forces of Liberia
AEF Afrique Equatoriale Française
ANAD Accord de Non Agression et de Défense
AOF Afrique Occidentale Française
CCEG Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
CEDEAO Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
CEEAC Communauté Economique des Etats de l'Afrique
Centrale
CEMAC Communauté et Monétaire des Etats d'Afrique
Centrale
COPAX Conseil de Paix et de Sécurité d'Afrique
Centrale
EASBRIG Eastern Africa Brigade
ECOMOG Economic Community of West African States Cease-fire
Monitoring Group
FAA Forces Africaines en Attente
FAC Forces Armées de la Communauté
FOMAC Force Multinationale d'Afrique Centrale
IGAD Intergouvernemental Authority on Development
LURD Liberians United for Reconciliation and Democracy
MAP Millenium African Plan
MPJ Mouvement pour la Paix et la Justice
MPIGO Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest
MODEL Movement for Democracy in Liberia
NAACP National Association for the Advancement of Colored
People
NEPAD New Partnership for Africa's Development
ONU Organisation des Nations Unies
OUA Organisation de l'Unité Africaine
PAM D Protocole d'Assistance Mutuelle en matière de
Défense
PLANELM Planning Element
PNA Pacte de Non Agression
RDA Rassemblement Démocratique Africain
RDC République Démocratique du Congo
RECAMP Renforcement des Capacités Africaines au Maintien
de la
Paix
RUF Revolutionary United Front
SADC Southern African Development Community
SADCBRIG SADC Brigade
UA Union Africaine
ULIMO United Liberation Movement of Liberia for Democracy
UMA Union du Maghreb Arabe
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I. UNE BREVE HISTOIRE DU PANAFRICANISME EN AFRIQUE
1) Un désir né hors d'Afrique.
A. DE BLYDEN A GARVEY.
B. PANAFRICANISME OU PANNEGRISME ?
2) L'avènement du panafricanisme politique.
A. LE RENOUVEAU DU PANAFRICANISME POLITIQUE.
B. LES INDEPENDANCES SOUS LE SCEAU DU PANAFRICANISME.
3) Le panafricanisme au sein du système international.
A. PANAFRICANISME DE COOPERATION VERSUS PANAFRICANISME
D'INTEGRATION.
B. L'OUA : ENCHANTERESSE PUIS DESENCHANTEE.
II. UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EST-ELLE POSSIBLE ?
1) L'Etat africain et l'échec du rôle de
régulateur.
A. L'ETAT INADAPTE
B. LA PROBLEMATIQUE DES FORCES ARMEES EN AFRIQUE.
2) Pour une autre vision de la sécurité.
A. L'INTRICATION DES DILEMMES DE SECURITE
B. LA SECURITE HUMAINE AU COEUR DE LA PROBLEMATIQUE
SECURITAIRE.
III. LA CEDEAO COMME EXEMPLE DE
LA MISE EN PLACE D'UNE
COMMUNAUTE DE SECURITE EN AFRIQUE DE L'OUEST.
1) Pourquoi l'Afrique de l'Ouest ?
A. UNE HISTOIRE DANS L'HISTOIRE.
B. L'AFRIQUE DE L'OUEST : UNE REGION CRISOGENE
2) L'ECOMOG : Le franchissement d'un palier nécessaire.
A. DU PNA A L'ECOMOG.
B. UN BILAN MITIGE
3) Une initiative encourageante pour une région et pour
tout un continent.
A. LES MECANISMES DE PREVENTION, DE GESTION ET DE
REGLEMENTS DE CONFLIT
B. VERS LES FORCES AFRICAINES EN ATTENTE (F.A.A)
IV. UNE VOLONTE DES ELITES ET DES MASSES.
1) Le « panafricanisation » des masses.
A. DEPASSER LES DIFFERENCES IDENTITAIRES.
B. STIMULER UNE AFRIQUE DES PEUPLES.
2) L'Afrique des peuples comme complément de l'Afrique des
Etats.
A. LE CLIVAGE AFRIQUE NOIRE-AFRIQUE BLANCHE.
B. LES AIRE REGIONALES COMME RAMPE DE LANCEMENT
3) Afrique des Etats ou Etats-Unis d'Afrique ?
A. SUPRA-GOUVERNANCE ET QUERELLES DE LEADERSHIP
B. LE FEDERALISME : VOEU PIEUX ?
INTRODUCTION
Conflit du Kivu persistant en 2009, coup d'Etat en
Guinée en décembre 2008 et réveil des tensions en
Guinée-Bissau qui ont conduit à l'assassinat du Président
Vieira, l'Afrique a encore été le théâtre de
conflits armés et de troubles qui mettent en danger la stabilité
des Etats et du continent.
Depuis les indépendances des années 60,
l'Afrique est plongée dans le cercle vicieux de la violence et a du mal
à sortir de cette spirale. Et pourtant l'indépendance fut une
longue quête et un Graal difficile à obtenir. Sur sa route le
mouvement indépendantiste africain a croisé à plusieurs
reprises la route d'un autre mouvement : le panafricanisme.
Le panafricanisme fait aujourd'hui partie du vocabulaire
politique africain mais le chemin vers cette reconnaissance a été
long et semé d'embûches car le panafricanisme contrairement
à ce que son nom indique n'est pas né en Afrique. Venu des
Etats-Unis et des Antilles britanniques, il s'est forgé au contact du
mouvement d'émancipation des noirs. Entre son départ des
Etats-Unis et son arrivée en Afrique le mouvement aura mûri
passant d'une revendication intellectuelle à un militantisme politique,
d'un mouvement localisé à une dynamique mondialisé. Au
contact des différents hommes qui ont fait son histoire, le
panafricanisme a connu plusieurs courants ; signe de la vitalité d'un
concept qui a accompagné les pays africains vers
l'indépendance.
Mais avant d'être un mouvement politique, le
panafricanisme est une aventure intellectuelle menée par des hommes qui
rêvaient d'un monde meilleur et pour qui l'Afrique était le lieu
de réalisation de ce rêve. L'Afrique, berceau de
l'humanité, devait être le lieu de renaissance de toutes ses
populations enchaînées par l'esclavage puis par la colonisation.
La recherche de liberté dépassait le simple cadre politique de
l'indépendance, le but était de retrouver une identité, la
leur. L'aspiration identitaire a donc appelé à l'aspiration
politique. Mais alors peut-on parler de l'Afrique comme d'une entité
culturelle ? Non pas vraiment car l'Afrique, si elle est une entité par
les lois de la géographie, ne représente pas un bloc culturel
mais plutôt un formidable espace en
perpétuelle mutation et empreint d'une vitalité
marquée par l'entrecroisement des civilisations et des dynamiques
migratoires, culturelles et politiques. L'Afrique de l'âge d'or n'a
jamais existé, l'Afrique une et indivisible non plus.
Mais force est de constater que malgré l'accession aux
indépendances, l'idée a du mal à s'imposer aux Africains
alors qu'elle fut une évidence pour ses concepteurs. Bien entendu il est
plus facile de concevoir un plan que de lui donner corps et les obstacles
à la réalisation de cette unité sont nombreux. Comme nous
le disions précédemment l'Afrique n'a jamais connu l'unité
et ce même avant la colonisation. L'histoire du continent est cependant
marquée par ses constructions politiques vastes qu'on oublie souvent de
mentionner car l'Afrique est le berceau de l'Egypte antique, de la Nubie et de
grands empires qui se sont étendues sur de grands espaces. Les Empires
Songhaï, Kongo, Zoulou, du Ghana, du Kanem, du Mali sont autant
d'illustrations de la richesse d'une Afrique qui n'a jamais cessé de
marquer l'histoire et l'universel. La fabrique historico-sociale africaine n'a
ainsi jamais cessé de fonctionner.
Fort de toutes ces constatations, il nous apparaissait
important de nous pencher sur l'histoire du panafricanisme et de son
évolution car le panafricanisme vise l'unité de l'Afrique. Une
unité multidimensionnelle qui doit permettre au continent et à
ses fils de gagner la place qui leur revient de droit dans la communauté
internationale. L'unité passe donc par plusieurs niveaux et au vu des
conflits qui se sont multipliés depuis les indépendances l'aspect
sécuritaire est un volet indispensable à la réalisation de
l'unité africaine. En effet comment des Etats qui ne se sentent pas en
sécurité dans leur environnement peuvent-ils s'engager dans une
union qui réclame une confiance mutuelle et un engagement total ?
Comment des Etats peuvent-ils penser à bâtir une union s'ils sont
incapables d'assurer leur propre sécurité ? Comment peuvent-ils
garantir leur sécurité individuelle ? Comment créer un
climat de confiance pour bâtir cette union ? Le panafricanisme est
à notre avis la réponse à toutes ces questions.
Depuis sa naissance, le panafricanisme est à la
recherche de l'unité du continent, unité des
peuples africains
et unité territoriale brisant les frontières nées de la
Conférence de Berlin
de 1885. Cette recherche d'unité a
conduit les dirigeants africains à se réunir à la
conférence d'Addis-Abeba de 1963 pour donner naissance
à l'Organisation de l'Unité Africaine (QUA), la première
organisation panafricaine regroupant tous les Etats africains
indépendants. 40 ans plus tard l'OUA est remplacée par l'Union
Africaine (UA) car son bilan loin d'être positif a montré les
limites du panafricanisme actuel et notamment dans le domaine
sécuritaire.
Au cours de notre exposé, nous nous
intéresserons donc au panafricanisme comme réponse aux
problèmes sécuritaires africains à travers toutes les
initiatives qui ont existé et qui continuent d'exister. Dans un premier
temps nous reviendrons sur l'histoire du panafricanisme en Afrique car comme je
le disais précédemment le panafricanisme, né d'un
désir ressenti hors du continent, a été
développé aux Etats-Unis et aux Antilles britanniques et a
été porté par des hommes comme DuBois, Blyden ou encore
Garvey. En traversant l'Atlantique, nous verrons que ce panafricanisme
intellectuel a entrepris sa mue pour passer d'un militantisme intellectuel et
scientifique à un militantisme politique. Cette phase se
caractérisa notamment par l'émergence d'une nouvelle
génération de panafricanistes comme Nkrumah, Padmore, Kenyatta
très engagés politiquement et réclamant plus fortement que
jamais l'indépendance.
Nous verrons que tout comme le panafricanisme des
débuts qui s'exprimait selon les tendances duBoisiste (panafricanisme
par les élites) et garveyiste (panafricanisme par les masses) ; le
panafricanisme politique, qui s'impose et permet l'indépendance des pays
africains, est lui aussi tiraillé entre 2 sensibilités : d'un
côté les partisans d'un panafricanisme minimaliste misant sur la
coopération des Etats et de l'autre les partisans d'un panafricanisme
maximaliste et prônant l'intégration des Etats dans une
fédération africaine. Une fois de plus la synergie des
sensibilités n'a pu être faite et nous verrons que tout comme le
panafricanisme duBoisiste avait triomphé, le panafricanisme minimaliste
s'imposa à Addis-Abeba et à travers une QUA dont l'idée
était enchanteresse mais dont la concrétisation s'opéra
dans un total désenchantement.
Dans une seconde partie nous nous pencherons sur l'une des
idées principales du
panafricanisme d'intégration :
l'émergence d'une fédération africaine et la
constitution
d'une armée africaine. Ces 2 éléments
devant permettre l'érection d'une communauté de
sécurité synonyme d'une Afrique unifiée
et pacifiée. La conférence d'Addis-Abeba en consacrant un
panafricanisme de coopération a enterré l'idée d'une
communauté de sécurité. De plus l'OUA (qui tentera
d'exister autant que faire se peut) avait face à elle un obstacle :
l'Etat africain. Nous verrons que cet Etat africain est en échec dans
son rôle de régulateur de la société et que cet
échec à assumer son rôle dans la société et
la nation l'empêche de se consacrer à bâtir une
sécurité collective. Néanmoins au vu de la dimension
identitaire des conflits africains et de l'inadéquation des espaces
identitaires avec les espaces institutionnels, les Etats africains gagneraient
à s'unir car les conflits qu'ils traversent sont hybrides n'étant
ni complètement interétatique ni exclusivement
intraétatique.
Dans une troisième partie nous étudierons
l'alternative qui s'est imposé à un continent incapable de
réaliser son union : le sous-régionalisme. Nous verrons par le
biais de la CEDEAO, l'expérience des pays de l'Afrique de l'ouest.
L'Afrique de l'ouest pour 2 raisons : tout d'abord parce que cette
région est minée par des conflits depuis les
indépendances, ensuite parce que l'histoire de la région est
marquée par l'existence de grands espaces politiques, culturels avant la
colonisation et leur rémanence à travers la nouvelle organisation
institutionnelle. De plus nous montrerons qu'il n'y a pas forcément
incompatibilité entre les Etats africains et l'idée d'une
communauté de sécurité ; et ce à travers l'exemple
de la CEDEAO qui s'est distinguée par une réelle volonté
de construire un espace sûr pour la concrétisation de cet
objectif. Nous verrons que la réussite des sous- régionalismes
est une alternative crédible et viable et qu'elle permet de ressusciter
l'idée de la communauté dé sécurité si
chère aux panafricanistes convaincus.
Enfin dans une dernière partie nous insisterons sur
l'importance de joindre les masses au projet panafricain car ce dernier repose
bien entendu sur la volonté des élites dirigeantes, mais si cette
volonté n'est pas sous-tendue par l'implication des masses, elle n'a que
peu de chances de se concrétiser. Le panafricanisme ne reposant par
seulement sur une conception politico-politique ; il est important de
réaliser l'Afrique des peuples car sans l'Afrique des peuples, l'Afrique
des Etats n'a pas lieu d'être. Si les peuples ne peuvent
dépasser les différences identitaires pour se
retrouver autour d'une identité africaine transcendantale,
l'échec est plus que probable.
I. UNE BREVE HISTOIRE DU PANAFRICANISME EN
AFRIQUE.
« Mouvement d'unité africaine. » 1
« Doctrine qui tend à développer
l'unité et la solidarité africaines. » 2
« Mouvement politique et culturel qui considère
l'Afrique, les Africains et les descendants d'Africains hors d'Afrique comme un
seul ensemble visant à régénérer et unifier
l'Afrique ainsi qu'à encourager un sentiment de solidarité entre
les populations du monde africain. Le panafricanisme glorifie le passé
de l'Afrique et inculque la fierté par les valeurs africaines. »
3
Les définitions du panafricanisme sont nombreuses et
l'évolution des définitions est intéressante à
analyser pour saisir son sens, ses origines et son cheminement à travers
l'histoire. C'est ce que nous allons tenter de faire tout au long de ce premier
chapitre car si le panafricanisme met l'Afrique au centre de ses
préoccupations il n'en est pas moins important de savoir d'où il
vient car comprendre d'où vient le panafricanisme c'est aussi expliquer
où il est allé et où il se dirige.
1) Un désir né hors d'Afrique.
A. DE BLYDEN A GARVEY
Pour trouver les premiers chantres du panafricanisme, il faut
se tourner non pas vers l'Afrique mais plutôt de l'autre
côté de l'Atlantique : les Etats-Unis d'Amérique et les
Antilles Britanniques.
1 P. DECRAENE, Le Panafricanisme, Paris, P.U.F.,
n° 847
2 J. REY-DEBOVE, A. REY (dir.), Le Nouveau Petit
Robert de la langue française, Le Robert, 2006, 2837 p.
3 Wikipédia.
Dans la littérature classique du panafricanisme, on
retrouve cette importance des Etats-Unis et des Antilles Britanniques à
travers des hommes comme William Edward Burghardt DuBois ou encore Marcus
Garvey.
Le premier est souvent considéré comme le
père du Panafricanisme car il en fut le premier théoricien
véritable. Ralliant la cause des noirs Américains à celle
du panafricanisme, il acquit une certaine popularité ; aussi sa
pensée qui n'envisageait qu'une amélioration aux Etats-Unis
s'élargit avec le temps. Il incita les noirs Américains à
renouer avec leurs origines africaines.
De DuBois il faut donc retenir 2 idées principales :
À Les Noirs Américains doivent « unir »
leur destin à celui de l'Afrique. À L'Afrique peut se
développer en tant qu'Afrique.
On retrouve ces 2 idées majeurs chez un homme né
36 ans avant DuBois, il s'agit de Edward Wilmot Blyden, noir Américain
qui participa à l'aventure libérienne4. Il eut une
influence importante au Libéria et en Sierra Leone et on retiendra de
lui notamment son oeuvre Christianity, Islam and The Negro Race où il
souligne le caractère unificateur de l'Islam en Afrique subsaharienne
comparé à celui démoralisateur du christianisme
importé par les colons. Ce n'est pas tant l'analyse que le cadre et
l'objet d'étude qui interpellent. De ses écrits germent les
premières conceptions panafricanistes appelant les noirs à
s'engager pour le développement de l'Afrique noire. Cet engagement
ferait de Blyden le vrai père du panafricanisme. Dans la lignée
des Blyden et DuBois on peut aussi citer Henry Sylvester-Williams, avocat
britannique qui avait noué de solides rapports avec les noirs africains
de Grande-Bretagne, conseillé des chefs bantous d'Afrique
méridionale. De Londres à Washington, le panafricanisme comme
volonté d'une élite noire de prendre ne charge le destin d'une
race et de sa terre d'Afrique se développe : le panafricanisme est
né. Du moins un panafricanisme.
4 En 1822, le Libéria est fondé par une
société américaine de colonisation la
Société Nationale Américaine de Colonisation pour y
installer des esclaves noirs libérés.
Pendant ce temps, aux Antilles Britanniques et
précisément en Jamaïque Marcus Garvey voit le jour en 1887.
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, Garvey deviendra l'autre
grande figure du panafricanisme. Mais contrairement à DuBois qui
prônait un panafricanisme de et par les élites, Garvey se
distingue par son panafricanisme des masses et par les masses. Il s'opposa au
« guidage » blanc qui était prévu par DuBois à
travers notamment l'Association Nationale pour l'Avancement des Gens de
Couleur5 qui regroupait blancs libéraux et noirs.
Contrairement à DuBois dont les écrits et la praxis s'adressaient
à une élite, Garvey se heurta tout de suite à
l'hostilité des intellectuels et bourgeois noirs y compris DuBois qui
lui reprochèrent de diaboliser l'homme blanc.
Cependant on retrouve aussi chez Garvey l'idée du
rapprochement des noirs Américains d'avec l'Afrique même si pour
Garvey la solution est radicale : les Noirs devaient retourner en Afrique, leur
« mère patrie ».
Même si la conception de Garvey fut des plus violentes,
elle partageait avec les autres l'idée d'une union politique africaine ;
Garvey en 1920 lors de sa fameuse « Déclaration des Droits des
Peuples Nègres du Monde » en 54 points ne s'autoproclama-t-il pas
président des Etats-Unis d'Afrique ?
Il faut donc parler DES panafricanismes plus que d'un, avec
des visions diverses selon les figures de proue, avec une grande mosaïque
de discours mais avec un même but.
B. PANAFRICANISME OU PANNEGRISME ?
La seconde moitié du XIXème siècle est
une période phare de l'histoire des Etats- Unis d'Amérique pour 2
raisons : la guerre de Sécession et l'esclavagisme. Parce que la guerre
civile opposa les Etats confédérés du Sud esclavagistes
à ceux de l'Union abolitionnistes, parce que l'esclavagisme était
de plus en plus dénoncée en témoigne le succès de
la Case l'Oncle Tom de Harriet Beecher-Stowe (1811-1896),
5 En anglais National Association for Advancement of
Coloured People (N.A.A.C.P)
cette période fut un terreau pour l'émergence
sinon le renforcement des revendications identitaires : ici celle des noirs.
Il est ainsi impossible de ne pas établir de
parallèle entre le mouvement d'émancipation des noirs et le
mouvement panafricaniste. Le panafricanisme a été amorcé
par des descendants d'esclaves à la recherche d'un projet de
société où ils seraient mieux acceptés car
malgré l'abolition de l'esclavage sur tout le territoire
américain par le congrès de Washington du 31 janvier 1865, les
noirs subissent toujours la ségrégation et l'exploitation et ce
même au niveau institutionnel. L'homme noir n'est pas encore sur un
même pied d'égalité que son congénère blanc
et il lui faudra attendre encore un siècle.
Entre ces 2 mouvements le mariage de coeur et de raison est
évident et toutes les figures précédemment cités,
de Blyden à Garvey ont utilisé cette alliance. Garvey ne
fonda-t-il pas l'Universal Negro Improvement Association and African
Communities League (UNIA-ACL) dans le but d'unir le peuple noir, ne
créa-t-il pas plusieurs organisations dans le but de promouvoir et de
subvenir aux besoins des populations noires ?
Si l'exemple de Garvey est radical dans ce qu'il recherche
constamment l'opposition entre Blancs et Noirs pour alimenter sa conception du
panafricanisme, les panafricanistes les moins belliqueux ont compris l'enjeu de
l'association.
Dans une société qui les marginalisait, les
rejetait, les noirs ont vu en l'Afrique l'espoir d'un nouveau projet de
société, une société qui est d'ailleurs
naturellement leur. Nous retiendrons cette déclaration restée
célèbre : « Nous sommes Africains pas parce que nous sommes
nés en Afrique mais parce que l'Afrique est née en nous.
»6. Une fois de plus le contexte va jouer son rôle car ce
projet de société est sous-tendu par une quête plus
importante : celle de l'identité. Les noirs qui développent le
panafricanisme sont marqués par le clivage Noir/Blanc, ils se
définissent de façon pragmatique ou radicale par rapport aux
blancs.
6 La paternité de cette phrase reste inconnue.
Certains l'auraient attribué à Marcus GARVEY.
Ainsi si l'Amérique est la terre des Blancs alors
l'Afrique est la terre de tous les Noirs, le lieu de leurs réalisations
politique, économique, culturelle et spirituelle. Cependant on ne peut
s'empêcher de se demander où s'arrête ce pannegrisme et
où comment le panafricanisme. Dans les principales théories
panafricanistes du XIXème et du début du XXème
siècle il est intéressant de noter la prééminence
de la cause noire sur celle panafricaine. Lorsque DuBois se demandait s'il
était possible, s'il était probable que 9 millions d'hommes
puissent accomplir, sur le plan économique ,de véritables
progrès , s'ils étaient privés de droits politiques ,
s'ils étaient réduits à n'être qu'une caste servile
et si on ne leur laissait que la chance la plus infime de développer
leurs jeunes intellectuellement doués ; il ne faisait pas
référence aux Africains, s'il fonda la N.A.A.C.P en 1908, ce
n'était que pour lutter contre la ségrégation aux
Etats-Unis. Ce ne sera que plus tard qu'il fera référence
à l'Afrique comprenant que subordonner le problème des noirs
américains à celui de l'Afrique créerait l'engouement
nécessaire à l'avancement de la situation aux Etats-Unis et
pourquoi pas en Afrique par la suite.
On peut alors légitimement s'interroger sur la valeur
de ces panafricanismes nés au XIXème siècle. Ont-ils tenu
compte tenu de la réalité de l'Afrique ? Une Afrique qui n'a
jamais existé en tant qu'entité politique. Ont-ils tenu compte de
la réalité culturelle de l'Afrique ? Une Afrique marquée
par sa pluri-culturalité et par la mosaïque des peuples qui la
composent. Si la dimension negro-centrée de ce panafricanisme des
débuts pourrait le faire croire, l'apparition des thèmes de
l'historiographie panafricaniste doit nous montrer que l'histoire comme
discipline scientifique a aussi occupé une place de première
importance pour les pères fondateurs, et ce aussi bien en Afrique qu'aux
Etats-Unis en passant par les Antilles. En effet sous la plume de Blyden,
d'Africanus Horton, et d'auteurs moins connus aujourd'hui, tels que
l'abbé Boilat (Esquisses sénégalaises, 1853), Reindorf
(History of the Gold Coast and Ashanti, 1889), Sibthorpe (History of Sierra
Leone, 1868), Johnson (The History of the Yorubas,1921) ou encore de
Casely-Hayford (Ethiopia Unbound : Studies in Race Emancipation. United Empire,
1911), apparurent des thèmes tels que l'Afrique comme berceau de
l'humanité,
l'antériorité et l'unité des
civilisations nègres, l'exemplarité de l'Ethiopie à
travers sa très longue histoire ou encore l'éclat de la vie
politique, économique, culturelle et scientifique des Etats africains au
Moyen-âge sans oublier les ravages de la Traite et de l'esclavage et la
capacité de survie des sociétés africaines
confrontées aux intrusions les plus destructrices ; les
résistances africaines à l'esclavage et aux dominations
étrangères.
Dès lors il est intéressant de voir que ces
panafricanismes ont été plus negro-centrés plus
qu'afro-centrés. Néanmoins cette dimension participe de
l'histoire du panafricanisme en ce qu'on le trouvera tout au long du
XXème siècle notamment chez les afrocentristes comme Cheikh Anta
Diop qui continuèrent de placer l'homme noir au centre du débat
panafricain ou encore chez les penseurs de la négritude.
Le panafricanisme a été marqué dès
ses débuts par un militantisme intellectuel et culturel qui a
précédé et va accompagner les luttes politiques.
2) L'avqnement du panafricanisme politique
Si le XIXème siècle marque la naissance du
panafricanisme, le XXème est synonyme de renouveau car alimenté
par les futures élites africaines venus étudier en Europe et
synonyme de maturation car en traversant l'Atlantique le panafricanisme
entreprend sa mue. Il est l'heure que le panafricanisme se recentre sur
l'Afrique et que le combat déjà militant se fasse politique.
A. LE RENOUVEAU DU PANAFRICANISME.
1900. Le dernier siècle du millénaire. Londres,
capitale du plus grand empire colonial. Un homme, Henry Sylvester-Williams. Et
un mot, panafricanisme. Ce dernier est l'instigateur de la première
réunion panafricaniste fort des liens qu'il a su créer entre les
panafricanistes américains et les Africains venus étudier en
Europe. 32 personnes participent à cette
conférence dont Du Bois (11 Américains, 10 Caribéens, 5
Londoniens, 1 Canadiens et seulement 4 Africains d'Abyssinie, de la Côte
d'Or, du Libéria et de la Sierre Leone.) et de nombreuses associations
sont invitées à l'image de la Société
Anti-esclavagiste Britannique, le Comité pour la Protection des Races
Indigènes et la Lutte contre le Trafic d'Alcool, la
Société de Protection des Aborigènes ou encore la
Société des Amis des Noirs. Le mouvement panafricaniste et le
mouvement anti-esclavagiste, à travers les conclusions de la
conférence, adressent ensemble un message à la reine Victoria et
lui demandent de « prendre les mesures nécessaires pour influencer
l'opinion publique sur les conditions de vie et les lois qui régissent
les autochtones dans plusieurs parties du monde, particulièrement en
Afrique du Sud, en Afrique de l'Ouest, aux Antilles et aux Etats-Unis
»7.
Suivra du 19 au 21 février 1919, le premier
congrès panafricain, prolongement naturel de la précédente
conférence. Ce congrès est différent parce qu'il arrive
à la fin de la première guerre mondiale et se veut une
réponse à la Conférence de la Paix qui débuta un
mois plus tôt à Versailles. Ce congrès marque
définitivement le passage du témoin car depuis la
conférence de Londres Sylvester-Williams est mort en 1911 puis Blyden en
1912, le panafricanisme a perdu ses pères fondateurs. Une nouvelle
étape est engagée et est symbolisée par des hommes comme
Du Bois ou encore Blaise Diagne élu premier député noir
français en 1911. Le ton aussi a changé ; on est passé des
requêtes aux exigences, exigences adressées à la toute
nouvelle Société des Nations. Lors des conclusions, le
congrès exige « un code législatif international pour la
protection des indigènes d'Afrique, un bureau permanent pour
l'application de ces lois »8. Les congressistes
réclament aussi la mise à disposition de la terre pour les
indigènes, l'investissement de capitaux, la limitation des cessions de
concessions pour lutter contre l'exploitation des indigènes et
l'épuisement du bien-être naturel des pays, l'abolition de
l'esclavage, des châtiments corporels, du travail forcé,
l'établissement d'un code du travail par
7 Rapport de la Conférence Panafricaine de
Londres du 23-25 juillet 1900.
8 Rapport du Congrès Panafricain de Paris du
19-21 février 1919.
l'Etat, une éducation gratuite pour les
indigènes et ce même en langue maternelle et leur formation
professionnelle. Mais la plus importante des exigences qui préfigurent
les futures luttes indépendantistes concerne les droits des
indigènes de participer au Gouvernement. En effet pour les congressistes
« les indigènes d'Afrique doivent avoir le droit de participer au
Gouvernement aussi vite que leur formation le leur permet, et
conformément au principe selon lequel le Gouvernement existe pour les
indigènes et non l'inverse. Ils devront immédiatement être
autorisés à participer au gouvernement local et tribal, selon
l'ancien usage, et cette participation devra graduellement s'étendre, au
fur et à mesure que se développent leur éducation et leur
expérience, aux plus hautes fonctions des états ; de façon
à ce que l'Afrique finisse par être gouvernée par le
consentement des africains... »9 .
Le congrès de 1921 qui se tiendra entre Bruxelles,
Londres et Paris donnera naissance au Manifeste de Londres qui en reprenant
l'idée d'un gouvernement local autonome, en demandant la reconnaissance
des indigènes comme civilisés et donc un traitement plus juste et
plus équitable, se livre à un factum contre la colonisation et
l'Angleterre désigné comme particeps criminis. Ce
manifeste sera complété par les résolutions de Paris qui
reprennent les idées principales du manifeste londonien et y ajoute
celle du retour des nègres sur leurs terres. La jonction entre les 2
sensibilités du panafricanisme (afro-centré et
negro-centré) s'opère et se fera à New York, aux
Etats-Unis là où le panafricanisme avait fait ses débuts.
En novembre 1927, le vent indépendantiste qui souffle déjà
en Europe s'empare du Congrès qui énonce clairement que les
Africains ont le droit de participer à leur propre gouvernement, que le
développement de l'Afrique passe par les Africains et évoque la
possibilité pour ces derniers de s'armer pour se défendre si un
désarmement mondial n'intervient pas. Gouvernance africaine,
défense africaine, économie africaine si le mot
indépendance n'est pas encore prononcé les revendications des
congrès successifs s'en rapprochent.
9 Rapport du Congrès Panafricain de Paris du
19-21 février 1919.
Les congrès ne furent pas les seuls vecteurs de la
contestation ; entre temps étudiants et intellectuels africains de tout
horizon intensifient le militantisme ; en cette période
d'entre-deux-guerres, l'appel à l'autodétermination se fait de
plus en plus fort et même s'il a fallu attendre la Charte de l'Atlantique
de 1941 pour que le message semblât être entendu, des associations
tels que l'Union des Etudiants d'Afrique de l'Ouest créée en
1925, l'Etoile Nord-Africaine en 1928 qui se prononce déjà pour
l'indépendance totale de l'Algérie, en sont des exemples. Mais le
tournant du panafricanisme interviendra en 1945 lors du fameux congrès
de Manchester que beaucoup considère comme le moment où le
panafricanisme politique atteint sa maturité.
B. LES INDEPENDANCES SOUS LE SCEAU DU
PANAFRICANISME.
« A ce moment, ce fut comme si tout Londres m'avait
déclaré la guerre. Pendant quelques minutes je ne pus rien faire
d'autre qu'observer les visages des passants impassibles, me demandant
intérieurement si ces gens-là étaient conscients de leur
colonialisme maladif, et priant pour que le jour vienne où je puisse
jouer mon rôle dans la chute de ce système. Mon nationalisme
remontait à la surface; j `en étais prêt à passer
par l'enfer s `il le fallait, pour atteindre cet objectif »10 .
Ces propos sont ceux de Kwame Nkrumah, étudiant à
l'Université de Pennsylvanie de passage à Londres.
L'évènement dont il parle c'est l'invasion de l'Ethiopie par
l'Italie fasciste. Car bien avant le congrès de Manchester de 1945, la
crise italoéthiopienne (1935-1936) a marqué de son empreinte un
panafricanisme arrivant à maturité politique. Le spectacle d'une
communauté internationale amorphe face à l'agression d'un pays
africain par l'Italie fasciste a profondément interpellé. Mais
le
10 John Brown, «Public diplomacy Press
Review», Institute for the Study of Diplomacy, Georgetown University,
Washington DC, 22 Mai 2004, à partir d'un article de Richard
Pankhurst.
fait que ce pays soit l'Ethiopie, symbole d'une Afrique libre,
civilisée, fière est un sacrilège que les panafricanistes
ne peuvent laisser passer. Dès lors le panafricanisme entre dans une
nouvelle phase qui se précisera lors du congrès de Manchester et
qui se concrétisera avec les indépendances à la fin des
années 50 et au début des années 60. Le mouvement
s'accélère et prend une allure franchement politique
symbolisé par le congrès de Manchester qui se déroula du
15 au 19 octobre. Le congrès est l'occasion d'un passage de
témoin entre la génération de militants intellectuels
symbolisée par DuBois et la génération des militants
politiques comme Padmore et Nkrumah. Le congrès renouvelle dans son
compte rendu l'idée de « l'Afrique aux Africains. ». A ce
congrès sont présents quelques uns des hommes qui feront
l'histoire de leurs pays respectives au moment des indépendances :
Nkrumah propose une fédération ouest-africaine regroupant les
pays de l'Afrique Occidentale Française (A.O.F), les colonies
britanniques et portugaises ; Jomo Kenyatta vient rendre compte de la situation
au Kenya, en Rhodésie du nord et du sud et au Nyassaland.
Le congrès de Manchester est un tournant car
après 1945, les organisations politiques et indépendantistes se
multiplient. En décembre 1945, Nkrumah créa le Secrétariat
National Ouest-Africain pour qui « « l'indépendance
complète et absolue des peuples d'Afrique occidentale est l'unique
solution du problème qui se pose », au sein du Secrétariat
il tente d'établir des liens avec les députés de l'A.O.F
dans l'espoir qu'à la décolonisation son projet de
fédération ouest-africaine puisse voir le jour.
Parallèlement à l'existence du Secrétariat, le
Rassemblement Démocratique Africain (RDA) naquit en 1946 lors du
congrès de Bamako. Le RDA fut une première en Afrique car en tant
que premier parti politique panafricain il regroupait des élus
français venus des colonies comme Félix Houphouët-Boigny,
Modibo Keïta, Sékou Touré et avait pour but
l'indépendance. Le RDA malgré une activité intense fut
rapidement divisé car certains leaders comme Houphouët- Boigny
prévoyait une union avec la France une fois l'indépendance
acquise, ce qui
créa un clivage avec d'autres membres comme
Sékou Touré11 mais surtout un obstacle à
l'union des autres mouvements indépendantistes ouest-africains
britanniques et portugais.
Le mouvement final est en marche et les indépendances
vont commencer avec le Ghana dont Nkrumah devient le premier président
en 1957. En Afrique française, la deuxième moitié des
années 50 est une accélération du processus de
décolonisation qui, de la loi Deferre de 1956 au
référendum de 1958, conduira 2 ans plus tard à
l'indépendance des colonies de l'A.O.F et de l'Afrique Equatoriale
Française (A.E.F).
Une fois les indépendances acquises dans les
années 1960, le panafricanisme va pouvoir entamer la dernière
phase : l'unification de l'Afrique chère à Nkrumah, Garvey,
DuBois, Blyden et tous ceux qui ont rendu possible l'indépendance des
pays africains.
3) Le panafricanisme au sein du système
international.
« Un homme seul ne peut se marier. J'ai attendu la France
sur le parvis de l'Eglise, avec mon bouquet de fleurs fanés. »
Félix Houphouët-Boigny.
« La révolution n'est pas un processus à une
étape. » Martin Luther King.
Les années 1960 marque donc le passage du
panafricanisme à l'ultime phase : car les indépendances
n'étaient qu'une étape pour les panafricains, une étape
importante certes, mais une étape qui devait permettre à
l'Afrique de s'unir et de se
11 Sékou Touré fut le seul dirigeant qui
vota non au référendum de 1958 sur la Communauté
Française et accéda immédiatement à
l'indépendance.
dégager des chaînes d'une colonisation qui l'a
humiliée et balkanisée. Mais l'histoire prévue par les
panafricains et notamment par Nkrumah ne va pas s'écrire. L'unité
qui semblait exister pendant la colonisation pour une Afrique aux africains,
une Afrique indépendante et libre éclate avec les
indépendances. L'OUA cristallise l'échec du panafricanisme
à franchir l'ultime étape.
A. PANAFRICANISME D'INTEGRATION VERSUS
PANAFRICANISME DE COOPERATION.
En Avril 1958, Nkrumah organisa à Accra capitale du
Ghana12 fraîchement indépendant la Conférence
des Etats Indépendants d'Afrique à laquelle participèrent
les 8 Etas souverains du continent, les 4 du Maghreb (Maroc, Lybie, Egypte et
Tunisie) et les 4 d'Afrique subsaharienne (Ghana, Libéria, Ethiopie et
Soudan). Au cours de cette conférence les Etats présents avaient
renouvelé leur engagement panafricain et exhorté les autres
peuples africains à combattre pour leur indépendance. En
septembre 1958 l'indépendance de la Guinée est une occasion
supplémentaire pour le leader ghanéen de montrer son engagement :
l'union Ghana-Guinée naquit avec un prêt de 10.000.000 des deniers
ghanéens accordé à la Guinée, en outre il fait
inscrire dans la constitution du Ghana la possibilité de céder
une partie de la souveraineté en cas d'unification.
Avec les indépendances massives des années 60,
les entreprises panafricaines s'intensifient avec notamment la
Fédération du Mali regroupant le Mali actuel et le
Sénégal. Mais l'éclatement de la Fédération
quelques mois après sa création est un signe avant-coureur de ce
que sera l'aventure panafricaine en Afrique. En effet les obstacles à
l'unification vont se multiplier. En Afrique de l'ouest sous l'impulsion de la
France qui veut contrer les velléités fédéralistes
de Nkrumah13, la Côte
12 Nkrumah rebaptise la Côte d'Or Ghana en
hommage à l'empire du Ghana qui exista en Afrique de l'ouest.
13 L'Union Ghana-Guinée de 1958 s'est
étendue au Mali. Nkrumah est sur le point de convaincre le Burkina- Faso
et le Bénin de rejoindre l'Union.
d'Ivoire crée le conseil de l'Entente auquel
participent le Burkina-Faso, le Niger et le Bénin.
A l'échelle continentale, la division est encore plus
profonde entre le groupe de Monrovia et celui de Casablanca, entre les
progressifs et les modérés, entre les partisans d'une unification
immédiate comme Nkrumah et les partisans d'une unification progression
grâce aux paliers régionaux et enfin entre les Etats africains
hostiles à l'Occident et favorables à un socialisme africain et
les Etats africains favorables au bloc occidental capitaliste.
C'est dans cet environnement que se tint la première
conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement d'Afrique en mai 1963
à Addis-Abeba. La conférence ne fut bien évidemment pas le
moment de l'unification des peuples africains, perspective
écartée sous la pression des modérés du groupe de
Casablanca majoritaire. Les réunions suivantes, au Caire en 1964
à Accra en 1965 consacrèrent l'intangibilité de
frontières nées de la colonisation, la non-ingérence des
Etats africains dans les affaires d'un autre Etat, bref la victoire d'un
panafricanisme minimaliste, d'un panafricanisme de coopération
symbolisant le cinglant manque de volonté de la plupart des dirigeants.
Pour FALVAREZ qui s'est intéressé à l'OUA la
conférence d'Addis-Abeba fut le lieu d'« une unanimité faite
de renoncement, un nivellement par le bas. »14 ; le constat est
encore plus sévère et montre la responsabilité des
dirigeants dans l'échec d'Addis-Abeba car « Addis- Abeba vient
après que les chefs de l'Afrique révolutionnaire aient
commencé à se sentir mal à l'aise dans l'isolement que
leur procuraient leur intransigeance et leur attachement aux principes. Et
d'autre part des chefs d'Etat qui n'étaient en somme que des structures
de parade, courant à l'abri du morcellement africain la grande
exploitation du néocolonialisme, avaient de plus en plus mauvaise
conscience en voyant que tous les attributs de leur indépendance
politique ne suffisaient pas à leur conférer une dignité
d'Africains. A Addis-Abeba, on essaya de mettre fin au
désagrément des uns et à la mauvaise conscience des
autres. Après Addis-Abeba,
14 FALVAREZ L.L., Lumumba ou l'Afrique
frustrée, CUJAS, 1965, p.181
plus besoin de continuer dans l'intransigeance unitaire, alors
que toute l'unité apparemment possible fut réalisée
là-bas. »15
B. L'O.U.A : ENCHANTERESSE PUIS DESECHANTEE.
En près de 40 ans d'existence, l'OUA a eu un bilan plus
que mitigé marqué par un certain immobilisme et une
difficulté à s'imposer aux Etats africains. En même temps
il était difficile pour cette organisation de se faire une place car ses
statuts la rendaient complètement dépendante de la volonté
des Etats. Malgré sa formidable capacité à réunir
tous les chefs d'Etats du continent au moins une fois par an lors de la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernements, l'OUA a
été réduite au rôle de tribune où chaque Etat
venait exposer ses points de vue et en profitaient même pour
régler des problèmes étrangers au rôle de
l'organisation. L'OUA a donc eu un pouvoir d'exécution
négligeable et un pouvoir d'initiative inexistant qui ne lui a jamais
permis d'entreprendre des actions : ce qui est un échec pour une
organisation qui défendait la démocratie et ne pouvait même
pas se l'appliquer à elle-même
D'un point de vue politique, l'OUA était vouée
à l'échec dès le départ par le principe de
non-ingérence qui lui a toujours interdit d'intervenir directement dans
les conflits en tant qu'organisation internationale. Ce principe limita donc
son action à la seule médiation qui s'avéra peu
probante.
D'un point de vue économique, le traité d'Abuja
qui fut signé en 1991 et qui prévoit un marché continental
commun à l'horizon 2025 est en pleine stagnation et les
prévisions sont de plus en plus sceptiques car le manque de
volonté politique des Etats se traduit au niveau économique par
une faible allocation de ressources. Déjà privée
d'indépendance politique, l'OUA n'a jamais disposé des fonds
nécessaires aux objectifs ambitieux qu'elle s'est fixée.
15 Ibid.
D'un point de vue institutionnel, l'OUA n'a jamais
été une organisation supranationale mais une instance
internationale où la coopération fut le maître mot. L'OUA
n'a donc jamais joué un rôle fédérateur et
intégrateur laissant ce rôle aux organisations régionales
conformément à la diplomatie des cercles concentriques voulues
par les modérés et qui prévoyaient des intégrations
régionales avant une éventuelle intégration
continentale.
Manquant constamment de marge de manoeuvre, l'OUA n'a jamais
été en mesure d'évoluer vers une forme supranationale et
intégratrice car verrouillée par son statut et par des Etats qui
dès le départ avaient juré sa perte et c'est dans le
domaine sécuritaire que cela s'est exprimé le mieux.
II. UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EST-ELLE POSSIBLE
?
Depuis les indépendances jusqu'à aujourd'hui les
Etats africains n'ont jamais été capables de construire cette
communauté de sécurité chère à Kwame Nkrumah
et qui aurait du permettre à l'Afrique de vivre protégée
des désordres internes et externes par une armée commune forte et
d'évoluer dans la paix et la démocratie vers une Afrique toujours
plus stable et sûr. L'échec de l'établissement de cette
communauté de sécurité repose sur l'acteur principal
qu'est l'Etat africain.
Dans cette partie nous essayerons de comprendrons comment
l'échec de Etat africain dans son rôle de régulateur de la
société est un facteur handicapant lorsqu'il s'agit de s'engager
dans la construction d'une communauté de sécurité. Ensuite
nous tenterons de mettre en évidence la spécificité de la
sécurité en Afrique marquée par l'intrication de
différents dilemmes de sécurité et l'importance de la
notion de sécurité humaine.
1) L'Etat africain et l'échec du rôle de
régulateur.
L'Etat africain hérité de la décolonisation
se veut un Etat moderne. Dans sa conception wébérienne du terme,
l'Etat africain a du mal à assumer son rôle. L'Etat
africain a aujourd'hui du mal à exercer sa domination
sur la nation et surtout il a du mal à revendiquer le monopole de la
violence physique. A travers ses 2 éléments qui
caractérisent l'Etat moderne nous verrons comment l'Etat africain est
inadapté aux ersatz d'Etats-nations existants sur le continent et
ensuite comment à travers la problématique des forces
armées il lui est difficile d'avoir le monopole de la violence
physique.
A. UN ETAT INADAPTE.
Depuis les indépendances, le continent africain est
stigmatisé par ses régimes despotiques et sanguinaires, ses
sempiternels coups d'Etat sanglants et ses conflits identitaires. De tels
problèmes amènent forcément à s'interroger sur
l'Etat en Afrique qui semble être un échec au vu des
éléments cités plus haut. Pourquoi ce continent a tant de
mal à se doter d'Etats modernes et efficaces ? On ne peut remettre en
cause l'Etat africain sans étudier son historicité. Durant ces 40
dernières années, l'école de la dépendance s'est
penchée sur le sujet pour montrer que l'historicité du continent
s'est confondue avec l'historicité du monde occidental dont il
dépend, ce qui lui a fait subir les transformations du système
via la colonisation notamment. La logique centre-périphérie du
système né de cette période s'est poursuivie avec la
décolonisation et dans les pays périphériques africains,
les nouveaux hommes forts n'étaient que d'anciens
privilégiés du régime colonial. L'échec de l'Etat
africain s'expliquerait donc par l'échec d'un greffe d'un Etat qui n'a
pas respecté l'historicité propre du continent.
En outre l'échec de l'Etat en Afrique a amené
à réfléchir sur sa compatibilité avec les
structures sociales dans tout ce qu'elles englobent (tradition, ethnie). Sophia
MAPPA par l'exemple du Congo dans son livre Pouvoirs TLECiTIRQQeI7
eTIPSRuIRIL COTETWQ AfLiIXI,ll'ift171RQ uQivIL7aliste s'est
efforcée de développer le sujet à travers la notion de
pouvoir d'Etat. En effet qu'entend-on par chef d'Etat ? Par appareil d'Etat ?
L'auteur met en lumière une conception africaine de l'Etat empreinte
d'une volonté de modernité mais aussi d'un attachement aux
traditions16. L'Etat laissé par les
Occidentaux a subi les perversions de sa rencontre avec les valeurs
traditionnelles : le chef d'Etat est avant tout un chef ethnique qui est au
service exclusif de son ethnie. Le clivage avec l'idéal africain
s'opère et toutes les constructions politiques s'expriment à
travers ce clivage ethnicotraditionnel que la démocratie et le
pluralisme ne font que renforcer. Les pratiques traditionnelles se sont donc
retrouvées au sommet de l'Etat et de la classe politique où le
chef d'Etat a un pouvoir mystique et le chef de parti aussi.
Les clivages ethnico-traditionnels sont omniprésents
car au clivage ethnique se joint le clivage de l'âge où les
générations luttent pour le pouvoir sans pour autant remettre en
cause la tradition qui reste idéalisée.
On comprend donc que l'Etat africain se nourrit de ces
micro-nationalismes qui le pervertissent et l'empêchent de jouer son
rôle dans la société car selon Mathieu MOUNIKOU comment
l'Etat africain assumerait-il une telle mission alors qu'il n'est pas
imprégné de l'idéal d'un projet de société
?17.
L'Etat africain est donc en dérive n'agissant plus en
fonction d'un projet de société et au profit de toute la nation,
il fonctionne en oligarchie au profit d'une petite portion de la population et
dans le seul but de maintenir son pouvoir et ce quelqu'en soient les moyens. Le
pouvoir économique en est une illustration car l'Etat africain semble
avoir pour leitmotiv « se servir plutôt que servir » et comme
le soulignent MM. FOTTORINO, GUILLEMIN et ORSENNA « Tout Etat parce qu'il
ne produit pas pour vivre, mais a besoin de prélever pour exister, est
rentier. Mais l'Etat africain transgresse, en cette matière, les limites
de l'admissible. Il a dépassé la rente pour se livrer à la
prédation . Ses origines coloniales lui ont appris les secrets et la
saveur du prélèvement. »18.
16 MAPPA S., Pouvoirs traditionnels et pouvoir
d'État en Afrique, l'illusion universaliste, Karthala, 1998, 208
pages.
17 MOUNIKOU M., L'Afrique est-elle incapable de s'unir
? : lever l'intangibilité des frontières et opter pour un
passeport commun, L'Harmattan, 2002, p.11 5.
18 FOTTORINO E., GUILLEMIN C., ORSENNA E., Besoin
d'Afrique, Le Livre de Poche, 1994, p.33
Le problème de l'Etat africain ne repose pas simplement
sur l'incompatibilité, il repose plutôt sur la juxtaposition des 2
modèles. Il faudrait que l'un des 2 soit incorporé dans l'autre
pour obtenir un modèle applicable, respectueux et respecté de
tous. Et tant que cette démarche ne sera pas entreprise l'Etat africain
sera toujours en proie à des crises d'institutions et de
modèles.
B. LA PROBLEMATIQUE DES FORCES ARMEES EN AFRIQUE.
L'Etat africain a, nous l'avons vu, du mal à porter un
projet de société. Il ne cherche qu'à satisfaire des
intérêts particuliers et les forces armées sont souvent
l'instrument de cette quête.
Au sortir de la colonisation, 2 types d'armées existent
en Afrique, les armées classiques nés du transfert de
compétences entre la métropole et ses ex-colonies et les
armées populaires soit nées de la lutte politique et militaire
pour l'indépendance soit nées après un brusque changement
de régime comme un coup d'Etat. Si les armées classiques se sont
longtemps distinguées des armées populaires par leur
éloignement de la sphère politique, la donne a changé car
les forces armées sont devenues avec le temps un instrument de pouvoir.
Loin de leurs prérogatives qui consistent à garantir la
souveraineté nationale et l'intégrité territoriale, les
forces armées se sont retrouvées dans la sphère politique
et l'espace public.
L'Etat africain y voit un double avantage : les forces
armées permettent aux dirigeants arrivés au pouvoir
illégalement ou désireux d'y rester de le conserver tout aussi
illégalement. A cet effet l'armée est soit façonnée
à l'image du chef de l'Etat en recrutant exclusivement dans son clan
d'appartenance ou alors elle est concurrencée et affaiblie par des
milices personnelles. Dès lors les caractéristiques de
l'armée classique sont sacrifiées sur l'autel de la politique car
les militaires rentrent dans le jeu politique. De plus l'armée perd son
rôle d'institution totale car elle ne permet plus le brassage des
identités présentes à l'échelle de la nation.
Les forces armées en plus d'être un instrument de
pouvoir deviennent un instrument de déstabilisation politique car une
fois introduit dans le jeu politique les militaires
ont du mal à se défaire du pouvoir, en
témoigne la longue tradition de régimes militaires qui se
perpétuent malgré la démocratisation. Elles sont un
élément de déstabilisation sociale par la confiscation du
pouvoir qu'elles permettent, les violences physiques et psychologiques qu'elles
exercent sur les populations et par les systèmes tentaculaires de
pillage, d'affairisme qui s'organisent et vampirisent des pans entiers de
l'économie et de la société.
Les forces armées perdent alors leur raison
d'être, leur éthique et leur rigueur confisquées par un
pouvoir politique qui y voit un allié ; un allié encombrant qu'il
est difficile de maîtriser et qui bien des fois finit par franchir la
ligne et se substitue aux autorités car le pouvoir appelle le
pouvoir.
2) Pour une autre vision de la
sécurité.
La nature des conflits africains nous poussent à nous
interroger sur la notion de sécurité et ses implications en
Afrique. Qu'entend-on par sécurité ? S'agit-il seulement de la
sécurité des Etats. Non car les conflits africains sont bien
entendu des conflits interétatiques mais avant tout ce sont souvent des
conflits intraétatiques qui mettent aux prises des acteurs d'un
même Etat. Le double caractère de ces conflits a pour
conséquence l'intrication des différents dilemmes de
sécurité mais surtout l'importance de la sécurité
humaine qui est un enjeu d'une extrême importance.
A. L'INTRICATION DES DILEMMES DE SECURITE
Les conflits africains se distinguent par leur dimension
intraétatique. Ce sont des conflits identitaires qui mettent aux prises
des groupes défendant des identités et qui se sentent
menacés réciproquement. En Afrique ce sont souvent les ethnies
qui portent le dilemme de sécurité, à l'image du
génocide du conflit au Libéria où
Kran, Mandingues, Mano et Gio s'opposèrent ou encore
à l'image de la guerre en République Démocratique du Congo
(RDC) où Hutu et Tutsis s'opposent.
La dimension identitaire des conflits apporte une clé
de lecture supplémentaire pour comprendre la dynamique des conflits.
On constate qu'en Afrique les conflits interétatiques
découlent souvent de l'extension de conflits d'abord
intra-étatiques. Cette extension du conflit à une échelle
régionale est possible d'une part parce que les Etats décident de
s'affronter mais aussi parce que les espaces identitaires traversant les
frontières permet l'extension du conflit aux pays qui sont
traversés par ces espaces identitaires. L'exemple du conflit des Grands
Lacs qui réunit la RDC, le Rwanda, le Burundi, l'Angola, l'Ouganda entre
autres trouve son origine dans le génocide rwandais de 1994 ; la fuite
des Hutus génocidaires en RDC voisine a permis la transposition du
conflit Hutu-Tutsi sur le territoire congolais.
Le facteur identitaire est omniprésent dans les
conflits parce qu'omniprésent dans les Etats. Les Etats en place ne
cherchent pas seulement à garantir l'intégrité de leur
territoire, ils cherchent avant tout à maintenir leur pouvoir en place
et ce quitte à mettre en danger l'intégrité de leur
territoire ou à négliger leurs missions tels que la protection
des civils.
L'intrication des dilemmes de sécurité estompent
les différences entre temps de paix et temps de guerre pour les civils ;
des civils qui deviennent des acteurs des conflits en plus d' en être les
victimes.
B. LA SECURITE HUMAINE AU COEUR DE LA PROBLEMATIQUE
SECURITAIRE.
Outre l'imbrication des dilemmes de sécurité,
l'autre aspect particulier des conflits africains repose sur la notion de
sécurité humaine. En effet si les conflits ne reposent plus
seulement sur les Etats, il est important de prendre en compte les
identités et les individus qui les défendent ou en subissent les
conséquences. La sécurité humaine a été
construit pour protéger les individus et ce même contre l'Etat
lorsque celui-ci sous prétexte de sa souveraineté, ne lui fournit
pas la
protection nécessaire. C'est un concept qui doit servir
de base à l'ingérence humanitaire car l'objectif reste bel et
bien la protection des civils qui sont confrontés à plusieurs
menaces, une menace directe des combats qui met en danger sa
sécurité personnelle, et des menaces indirectes nés des
conséquences du combat comme l'insécurité sanitaire dont
l'insécurité alimentaire est un volet charnière. A ce
propos l'insécurité alimentaire est une grande
caractéristique des conflits africains où l'approvisionnement en
denrées alimentaires devient rapidement un enjeu conflictuel
instrumentalisé par les Etats et les groupes belligérants.
Si la sécurité humaine met peu l'accent sur les
Etats c'est aussi parce qu'en Afrique , les Etats-nations n'ont d'Etats-nations
que le nom , et donc pour appréhender les enjeux de la
sécurité il est important d'identifier tous les acteurs qui
gravitent autour de l'Etat. Dès lors l'Etat devenant un enjeu de lutte,
il n'est plus le seul référentiel à prendre en compte la
sécurité nationale devient un enjeu moins présent dans les
conflits.
Ce n'est qu'en prenant compte de ces changements que l'Afrique
peut être capable d'établir une communauté de
sécurité où tous les aspects de la sécuritaires
sont pris en compte, de la spécificité des conflits africains et
même de chaque conflit car aucun conflit ne se ressemble, on peut
dégager des éléments semblables mais les dynamiques
restent propres à chaque conflit.
III. LA CEDEAO
COMME EXEMPLE DE LA MISE EN PLACE D'UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EN AFRIQUE DE
L'OUEST.
Comme cela a été dit dans la partie
précédente, la réussite d'une communauté de
sécurité repose sur les membres qui les composent, à
savoir les Etats. Or l'Etat est en proie à 2 défis :comment
gérer la nation ? Comment gérer ses relations avec les autres
nations ?
En Afrique, ces défis s'entremêlent souvent du
fait de l'artificialité des Etats-nations qui composent le continent.
Dès lors la réussite de la communauté de
sécurité nécessite que ces actions ne soient
dissociés l'une de l'autre et soient même conjuguées.
La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO) est un exemple de la mise en place d'une communauté de
sécurité en Afrique, certes dans l'espace réduit qu'est
l'Afrique de l'Ouest. Alors bien sûr la CEDEAO n'est pas la seule
organisation régionale existante en Afrique mais elle fut la
première. Cependant au-delà de son ancienneté, ce sont les
circonstances de sa naissance, la région dans laquelle elle est
née et son évolution qui sont les motivations de notre choix.
Ainsi notre étude de cas se fera selon 3 axes : le
passé à savoir la naissance de l'organisation, son présent
puisque contrairement à ce que son nom l'indique la CEDEAO n'est pas
demeurée une communauté simplement économique, elle a
évolué pour répondre aux défis de la
sous-région et l'une de ces réponses fut l'ECOMOG en
matière de sécurité ; enfin son futur parce que
l'évolution continue pourquoi pas vers l'extension de l'ECOMOG à
l'échelle du continent et la naissance de forces armées communes
africaines.
1) Pourquoi l'Afrique de l'Ouest ?
En 1963, la création de l'OUA a consacré la
victoire d'un panafricanisme minimaliste où l'intégration laissa
place à la coopération.
Parallèlement, en Afrique de l'Ouest et
conformément à la diplomatie des cercles concentriques
prônée par Léopold Sédar Senghor, la
Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest voit le jour le
28 mai 1975.
La « petite soeur » de l'OUA qui fut
créée dans un but économique verra ses prérogatives
s'étendre jusqu' à se démarquer par la remise en question
de la non-ingérence, sacralisée par ces mêmes Etats
à Addis-Abeba. L'ECOMOG est l'instrument de cette communauté
économique qui a compris qu'elle ne devait dissocier communauté
économique et communauté de sécurité.
A. L'HISTOIRE DANS L'HISTOIRE
12 ans après Addis-Abeba, 15 Etats décident de
créer une organisation régionale dans le but de promouvoir leur
développement économique. Ces 15 Etats choisissent de se
regrouper au nom de leur appartenance à un même espace
géographique : l'Afrique de l'Ouest.
Cependant si la CEDEAO marque la naissance de l'Afrique de
l'Ouest en tant qu'espace institutionnel, on peut dire que l'Afrique de l'Ouest
comme espace géographique, culturel a existé bien avant la
CEDEAO. On ne parle pas seulement des Afriques Occidentales Britannique et
Française nées de la colonisation. Il faut remonter encore plus
car l'histoires des peuples ouest-africains s'entremêlent depuis des
siècles au rythme des chefferies, royaumes et empires qui se sont
constitués avant l'arrivée des colons. Ces liens tissés se
retrouvent aujourd'hui et font que l'Afrique de l'Ouest un cas si
particulier.
Tout d'abord l'histoire de l'Afrique de l'Ouest est l'histoire
de ses empires. On peut citer l'empire millénaire du Ghana19
et de sa capitale Koumbi Saleh qui exista entre 300 et 1300 et dont les
richesses naturelles (minerais de fer et d'or), l'organisation (en royaumes et
en provinces) et l'armée (près de 200.000 hommes) en firent un
empire puissant. L'aire d'influence de cet empire couvrait une bonne partie du
Mali actuel, une partie du Burkina Faso20, une partie de la
Guinée, de la Mauritanie et était limitrophe du
Sénégal actuel.
19L'empire du Ghana n'a rien à voir avec le
Ghana actuel . C'est en hommage à cet empire qui fut le premier
d'Afrique de l'ouest que Nkrumah rebaptisa son pays pour symboliser
l'engagement de son pays nouvellement indépendant sur la voie du
panafricanisme.
20 A ce titre on retiendra que l'empire du Ghana
commence avec le royaume de Wagadu qu'on localisa entre le
Sénégal et le Niger actuels. C'st du nom de ce royaume que vient
le nom de la capitale actuel du Burkina- Faso, Ouagadougou signifiant «
habitants du Ouagadou ou Wagadu »
L'empire du Ghana
Source :
http://planetejeanjaures.free.fr/geo/ghanaempire.htm
Pendant que l'empire du Ghana subissait l'offensive almoravide
qui convoitait ses richesses, dans la région du Manding la famille
Keïta l'emporte sur les 4 autres familles composant le clan malinké
(les familles Condé, Camara, Konaté et Traoré).Dès
1050 les Keïta imposent l'Islam au clan et refusent la soumission a
l'Empire de plus en plus affaibli. Dès lors commence l'histoire de
l'Empire du Mali qui connaitra son apogée sous le règne de
l'illustre Soundiata Keïta qui mit en déroute son principal ennemi
de l'époque Soumaoro Kanté roi du Sosso en 1235. Une fois le
Sosso annexé, Soundiata Keïta en fit de même avec tous les
royaumes et empires de la région, les regroupa sous son empire et prit
le titre de Mansa signifiant « roi des rois ». L'empire du Mali aura
marqué l'histoire par une remarquable organisation administrative et
militaire : en effet l'empire était composé de différentes
ethnies notamment les Wolofs, les Malinkés, les Bambaras et les
Toucouleurs réparties en 30 clans (16 clans d'hommes libres; 4 clans de
griots; 5 clans maraboutiques, et 5 clans d'artisans), de plus il comportait 2
gouvernements militaires au Nord à Soura et au Sud à Sankaran.
L'empire du Mali réussit à demeurer un Etat structuré avec
une organisation stricte, un Etat et des lois notamment la Charte du
Manden21 prônant le respect de la vie humaine, la
liberté individuelle, la justice, l'équité et la
solidarité entre
21 Datant vraisemblablement de 1222 le contenu de la
Charte a été retranscrit grâce aux travaux de Wa Kamissoko
dans les années 1970
tous les peuples. De plus la vie économique fut
prospère grâce à l'essor du commerce transsaharien
L'Empire du Mali atteignit son acmé au début du
XIVème siècle22 et s'étendit sur
tout le Sénégal, une bonne partie du Mali, une partie du Burkina
Faso, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, de la Gambie, de la
Mauritanie et du Niger.
L'Empire du Mali.
Source : htp://planetejeanj
aures.free.fr/geo/mali_empire.
ht m
Au cours du XIVème et du XVème siècles ,
l'empire du Mali déclina face à la montée de ses royaumes
vassaux et notamment le royaume de Gao mené par Sonni Ali Ber depuis
1464. En 1468, Sonni Ali Ber prit la ville de Tombouctou puis Djenné 5
ans plus tard achevant l'empire du Mali et amorçant l'empire
Songhaï qui s'étendra à son paroxysme à la
Guinée, à la Guinée-Bissau, au Mali, au Niger, au
Sénégal et à une partie du Nigéria. Tout comme son
prédécesseur, l'empire songhaï fut un Etat extrêmement
bien organisée avec une administration centrale et à
l'économie prospère grâce aux échanges
transsahariens. Cette réussite lui vaudra la convoitise du sultan
marocain Ahmed al-Mansur Saadi qui attaquera l'empire et le fera chuter en
1591.
22 Sous le règne de Mansa Moussa.
L'empire Songhaï
Source :
http://planetejeanjaures.free.fr/geo/songhaiempire.htm
Donc bien avant la colonisation, l'Afrique de l'ouest a
été marquée par ses mutations géopolitiques, ses
grands espaces géographiques où cohabitèrent plusieurs
ethnies et où se rencontrèrent les cultures. Fort de ses empires
et de ses royaumes qui se sont étendus sur toute la région, elle
explique aujourd'hui l'originalité de l'Afrique de l'Ouest où les
Etats-nations nés de la colonisation avait hérité d'un
passé commun et d'un lien historique qui unissait leurs peuples les uns
aux autres transcendant les frontières par les ethnies, les langues, la
culture.
Carte des langues parlées en Afrique de
l'Ouest.
B. UNE REGION CRISOGENE
Forte de près du tiers de la population africaine
répartie sur 6.143.457 km2 soit le cinquième du
territoire africain, l'Afrique de l'ouest est devenue la principale zone de
conflit du continent, et ce depuis les années 90 jusqu'à
présent.
Carte de l?Afrique de l?Ouest
Source :
http://www.diakadi.com/afriquedelouest/afriquedelouest.gif
Du début de la guerre civile au Libéria en 1989
à la crise ivoirienne de 2002, la sous-région est secouée
par des conflits. A bien observer les pays touchés par ces conflits on
constate que ce sont tous des pays frontaliers, et que le déroulement de
chaque conflit ne peut se comprendre sans s?intéresser aux situations
des pays voisins. Ainsi la guerre civile qui éclata en Sierra Leone doit
se comprendre comme le prolongement de celle du Libéria. Foday Sankoh
chef du RUF (Revolutionary United Front) qui déclencha la guerre civile
en 1991 était un proche de Charles Taylor ; ce dernier l?épaula
économiquement, militairement et politiquement par intérêt
pour les provinces diamantifères sierra-léonaises. La
Guinée pris dans l?étau libéro-sierra-léonais est
obligée d?accueillir les réfugiés des conflits ; les
populations autochtones développant assez rapidement une
agressivité vis-à- vis de ces nouveaux immigrés
créent une nouvelle zone de tension dans un pays qui n?était pas
directement affecté par le conflit. On peut parler d?effets
collatéraux. Le dernier et non moins important effet collatéral
de la guerre civile du Libéria est la crise ivoirienne de 2002, la crise
ivoirienne a souvent été réduite à sa dimension
locale (opposition entre le Nord musulman et le Sud catholique, opposition
entre les forces gouvernementales et les
40
rebelles des forces nouvelles) or pour comprendre cette crise
il faut remonter à la guerre civile du Libéria 13 ans plus
tôt. Lorsque la guerre civile éclate au Libéria,
Félix Houphouët-Boigny alors président de la Côte
d'Ivoire soutint le mouvement de Charles Taylor, son successeur
Konan-Bédié en fit de même. Mais en 2002 Laurent Gbagbo,
opposant de longue date à Houphouët-Boigny arrive au pouvoir, ses
rapports avec Taylor n'étant pas les mêmes il contribua
personnellement à le faire chuter en fournissant des armes aux factions
anti-Taylor le LURD et le MODEL. Taylor qui voit d'un mauvais oeil
l'implication de la Côte d'Ivoire décide de soutenir
militairement, politiquement et logistiquement 2 groupes ivoiriens
opposés au gouvernement le MPJ et le MPIGO. Si l'intervention de Charles
Taylor était motivée par des raisons économiques, son
ingérence dans les affaires ivoiriennes doit lui garantir une porte de
sortie, un moyen de négociations avec le pouvoir ivoirien.
Les conflits en Afrique de l'Ouest sont donc marqués
par leur régionalisation et leur imbrication. Ce
double-phénomène est possible à cause de plusieurs
raisons. La première d'entre elles est ethnique car tous ces conflits
ont une dimension ethnique qui si elle ne se trouve pas à la base du
conflit vienne rapidement la renforcer, lui servir de justification. Et vu
qu'en Afrique de l'ouest les espaces ethniques dépassent les espaces
étatiques modernes, les conflits intra étatiques prennent une
tournure interétatique via ces espaces ethniques partagés. La
seconde raison repose sur la fragilité des Etats car sur les 16 Etats
qui composent la sous-région 3 Etats sont en crise (Guinée,
Guinée-Bissau, Mauritanie), 4 Etats sont en période de sortie de
crise et dont l'équilibre reste précaire (Côte d'Ivoire,
Libéria, Niger, Sierra Leone), 9 Etats plus ou moins
considérés comme forts et stables (Bénin, Burkina Faso,
Cap-Vert, Gambie, Ghana, Nigéria, Sénégal, Togo)
même si certains d'entre eux connaissent des troubles internes (le
problème casamançais au Sénégal, les tensions
religieuses au nord du Nigéria. Avec près de la moitié des
Etas en difficulté il est très difficile de faire de la
région une zone sûre d'autant plus que si les Etats faibles ne
peuvent assurer leur sécurité, les autres Etats se distinguent
par leur rôle actif dans le déclenchement et le déroulement
des conflits. S'ajoute à la faiblesse des Etats, la complicité
d'autres et aux dimensions culturelle, ethnique, stratégique et
économique, la
présence étrangère qu'elle soit
française, américaine ou onusienne complexifie la situation par
la multiplication des acteurs sur le terrain.
Conflits en Afrique de l'ouest
Source : Haut Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés (UNHCR).
2) L'ECOMOG : le franchissement d'un palier
nécessaire.
Dès sa création en 1975 , la CEDEAO fait de la
sécurité et de la stabilité de la région un
objectif important car le développement économique ne peut
exister si l'insécurité règne. Ainsi nous verrons que
l'ECOMOG est l'aboutissement d'un processus entamée en 1978 avec la
signature du Pacte de Non Agression et constitue un tournant important dans
la
gestion de crise et la pratique de maintien de la paix par les
Etats africains jusque là soumis au principe de non-ingérence
sacralisé lors de la conférence d'Addis-Abeba à l'origine
de l'OUA. Cependant si l'initiative ne peut être que saluée nous
verrons que dans la pratique le bilan est mitigée.
A. DU PNA A L'ECOMOG.
Le 9 juin 1977, les 7 des 9 pays francophones de l'Afrique de
l'ouest23 se réunissent et signent ce qui fut le premier
accord de défense collective signé dans la sous-région.
L'ANAD (Accord de Non Agression et de Défense) est né. Moins d'un
an plus tard son extension à toute la CEDEAO donnera naissance au
Protocole de Non Agression (PNA).
Le 22 avril 1978, la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de la CEDEAO réunie à Lagos signe le PNA
proposé par le Nigéria et le Togo. Etaient présents tous
les pays de la CEDEAO hormis la Gambie. Par le PNA, les Etats s'engageaient
à ne pas recourir à la menace, à ne pas utiliser la force
et l'agression ou à tout autre moyen contraires aux chartes de l'ONU et
de l'OUA. Le PNA s'est réalisé dans un contexte particulier qui
peut expliquer sa mise en place car à l'époque près de la
moitié des pays sont dirigés par des militaires24.Le
pacte resta au stade des bonnes intentions car chaque Etats continua à
privilégier ses propres intérêts, les dirigeants
défendant jalousement leur pouvoir, refusant de faire confiance à
leurs homologues et surtout complotant les uns contres les autres contrairement
à l'esprit du protocole.
La fin des années 1970 fut marquée par des
troubles qui plongèrent la sous -région dans le chaos et dont
l'acmé sera atteinte à la fin des années 90. Le
début des années 80 marque une nouvelle prise de conscience
symbolisée par la signature du Protocole d'Assistance en Matière
de Défense (PAMD) le 29 mai 1981 à Freetown (Sierre Leone) et
23 Ces Etats étaient regroupés dans la
Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO)
24 Le Colonel KEREKOU au Bénin, le Major
Général BOAKYE au Ghana, le Général LAM IZANA en
Haute-Volta, le Sergent-chef DOE au Liberia, le Lieutenant TRAORE au Mali, le
Colonel KOUNTCHE au Niger, le Général OBASANJO au Nigeria et le
Général EYADEMA au Togo.
qui entrera en vigueur en 1986. La signature de ce
traité collectif de défense prévoyait que les Etats
signataires s'apporteraient une aide et une assistance mutuelle de
défense et que toute menace d'agression armée ou toute agression
armée dirigée de l'extérieur contre l'un quelconque des
Etats membres constituerait une menace ou une agression contre l'ensemble de la
communauté.25 L'autre grande nouveauté est la
création des Forces Armées Alliés de la Communauté
(FAAC) qui devaient permettre une réaction collective dans le cas
où un Etat membre était victime d'un conflit armé
intérieur fomenté et soutenu activement de l'extérieur et
qui mettait en danger la paix et la sécurité d'autres
états membres.
Tout comme son prédécesseur, le PAMD
échoua et ce, toujours pour les mêmes raisons. Mais vers la fin
des années 90, la tension qui émerge au Libéria «
où l'ethnicisation des cercles politiques, économique et
militaire au profit des Krahn et accessoirement des Mandingues, ainsi que la
politique de répression à l'encontre des Gio et des Mano
»26 fait craindre le pire et pousse les Etats de la
Communauté à fournir un nouvel effort qui donner a naissance au
Groupe de Surveillance du Cessez-le-feu27.
Cependant l'ECOMOG ne naquit pas spontanément, les
circonstances d'alors permettent de l'expliquer. La guerre froide touche
à sa fin et les Etats-Unis alliés historiques28 du
Libéria n'ont pas l'intention d'intervenir militairement pour aider le
président DOE. Devant le peu de réaction des américains
(et des Nations Unies dans leur sillage) et la présence
libyenne29, le Nigéria de BABANGIDA décida
d'intervenir pour aider DOE. Face à la réaction du « grand
» nigérian, la Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny
25 Article 2 du PAMD.
26 Fabrice WEISSMAN, « Libéria :
derrière le chaos, crises et interventions internationales »,
Relations internationales et stratégiques, n° 23, automne 1996, p.
83.
27 En anglais Economic Community of West African
States Cease-fire Monitoring Group (ECOMOG).
28 Le Libéria a été fondé
par des esclaves américains.
29 Kadhafi s'étant proclamé champion
révolutionnaire depuis les années 70 espérait constituer
un contrepoids aux Etats-Unis en faisant d'un Libéria
révolutionnaire un allié stratégique et
économique.
30 qui veut éviter l'hégémonie
nigériane soutint TAYLOR chef du Front National et Patriotique du
Libéria. Les pays de la communauté connaissent leurs
première épreuve et se montrent incapables d'y apporter une
réponse commune, chacun défendant ses propres
intérêts. Finalement grâce à une réactivation
du PNA, le président BABANGIDA obtint de la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement la création du Comité Permanent de
Médiation censé apporter une solution définitive à
un conflit qui dure depuis 8 mois et dont on craint les dommages
collatéraux à l'échelle régionale. C'est dans le
cadre de ce comité composé cette année là du Ghana,
du Mali, du Nigéria du Togo et de la Gambie présidente en
exercice de la CEDEAO31 , que l'ECOMOG voit le jour au cours de la
réunion des 6 et 7 août 1990 même si aucun accord de paix
donc aucun cessez-le-feu n'existe encore ; pour la force l'objectif est de se
positionner en force tampon pour mettre fin au conflit et provoquer le
cessez-le-feu.
C'est ainsi que commence l'histoire de l'ECOMOG et que
l'Afrique de l'ouest entre dans une nouvelle phase en ce qui concerne le
maintien de la paix et la gestion des crises.
B. UN BILAN MITIGE.
En presque 20 ans d'existence l'ECOMOG a pris part à 4
opérations de maintien dans la sous-région tout d'abord au
Libéria, puis en Sierra Leone, ensuite en Guinée- Bissau et enfin
en Cote d'Ivoire. L'ECOMOG a ses succès (rien que sa création
dans un contexte difficile en est un) mais elle traine aussi derrière
elle quelques échecs.
Au Libéria le bilan est plus que mitigé car son
intervention est émaillée par un comportement et des agissements
en contradiction totale avec l'esprit de la mission.
30 Dans le sillage de la Côte d'Ivoire on
retrouve aussi entre autres le Burkina-Faso de Blaise Compaoré.
L'objectif de Houphouët-Boigny, soutenue par la France est d'éviter
qu'un pays anglophone devienne
l'hégémon de la région majoritairement
francophone et considéré comme le pré-carré de la
France.
31 On notera l'absence des pays francophones comme
la Côte d'Ivoire, du Sénégal, du Burkina-Faso qui sont des
pays phares de la région mais conformément à la
stratégie « française » minimisent leur implication
dans une résolution qui serait menée par le Nigéria.
L'ECOMOG s'est allié à des factions rebelles
opposées à Taylor comme l'ULIMO et l'AFL leur facilitant
l'accès aux armes : ce fut une grave erreur car même si la force
manquait d'hommes et que ces factions se battaient contre le même ennemi,
une force d'intervention qui se veut neutre ne peut soutenir des mouvements qui
bafouent le jus in bello en violant, pillant et spoliant sans distinction. Pis
encore des éléments de la force auraient pris une part active
dans ses exactions qui ont contribué à ternir quelque peu l'image
de la force et des hommes de bonne foi qui la constituaient. La deuxième
erreur est une erreur stratégique et concerne les bombardements
aériens menés par l'armée nigériane. Ces
bombardements censés affaiblir l'ennemi en détruisant ses
positions ont connu d'importantes ratés : entrepôts de nourriture,
convois d'assistance, hôpitaux civils ne furent pas
épargnés, le pire demeurant le bombardement en plein jour de la
rue principale de la ville de Kakata en décembre 1992.
L'opération en Sierra Leone fut aussi marquée
par le lourd tribut civil dont ont été responsables les rebelles
mais surtout l'enrôlement des enfants qui rajouta à la dimension
tragique du conflit. Cependant les erreurs de la mission en Sierra Leone ne
repose pas sur les épaules des combattants car même leurs
dirigeants n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur la stratégie
commune à adopter. La situation fut telle que l'ECOMOG ne put jamais
totalement protégé les civils qui furent livrés à
eux-mêmes et surtout à la merci des rebelles.
L'expérience bissau-guinéenne fut quant à
elle l'une des plus frustrantes et l'une des plus stupéfiantes car
malgré la relative rapidité de réaction des Etats de la
sous-région via l'envoi de troupes sénégalaises et
guinéennes32 et la signature d'un accord de cessez-le- feu et
l'établissement d'un plan de sortie de crise (gouvernement d'union
national + déploiement de l'ECOMOG) 6 mois après le début
de la crise, l'ECOMOG trop peu fourni
32 L'envoi des troupes sénégalaises a
une double crainte : la détérioration de la situation et la
contagion au Sénégal en cas d'accession au pouvoir du chef des
rebelles Ansumane MANE par ailleurs allié du MFDC casamançais.
en hommes33 ne peut qu'assister impuissante au
renversement du président VIEIRA par les rebelles moins de 3 mois
après son arrivée.
La mission ivoirienne fut des plus modestes même si
près de 1500 hommes y participèrent vu l'importance de la
Côte d'Ivoire mais l'ECOMOG fut plus une force secondaire devant les 4000
soldats français de l'opération Licorne.
L'ECOMOG a donc connu son lot d'échecs mais il ne faut
pas négliger ses « victoires » car au Libéria l'ECOMOG
a réussi à repousser les rebelles hors de Monrovia et à
sanctuariser la ville qui ne connut plus d'attaques hormis celle d'octobre
1992, la sanctuarisation de la ville permit l'établissement d'un
gouvernement provisoire ; la force par son intervention a permis de mettre fin
au nettoyage ethnique dont étaient victimes les Mandingues et les Kran,
offert un cadre de travail plus sûr aux organisations humanitaires et
posé les bases des élections présidentielles de 1997
même si Charles Taylor fut élu.
En Sierra Leone elle réussit à restaurer le
pouvoir en place contribuant à ramener le calme dans un pays qui a
retrouvé sa stabilité.
Pour toutes les raisons précédemment
cités il était important de se pencher sur l'ECOMOG car
même si le bilan reste mitigé et que d'importants efforts restent
à fournir, l'émergence de cette force a ouvert la voie à
la possibilité à une autogestion des conflits qui conduirait
à une Afrique de l'ouest plus sûr mais surtout elle laisse
envisager qu'une communauté de sécurité à
l'échelle africaine serait possible en se basant sur les
expériences sous-régionales comme celle de la CEDEAO.
3) Une initiative encourageante pour une région et
pour tout un continent.
L'expérience ouest-africaine à travers la CEDEAO
a montré toute l'étendue du chemin qu'il restait à
parcourir pour que les Etats de la sous-région mais aussi de tout le
continent soient capables de prévenir des conflits et dans le cas
échéant de les gérer et d'y mettre fin.
33 600 hommes inexpérimentés
constituaient la force d'intervention.
Les années 90 ont donc marqué une prise de
conscience accrue concernant les conflits qui sont devenus un fléau pour
tout le continent. En outre la fin de la guerre froide et le
désintérêt des grandes puissances pour l'Afrique des
conflits a poussé les Etats à rechercher des solutions et
à ne plus compter sur les interventions extérieures.
Cependant ne plus compter sur les interventions
extérieures ne signifient pas renoncer à une aide
extérieure mais adapter cette aide aux besoins réels et aux
objectifs à attendre pour la sécurité et la
stabilité du continent.
A. LES MECANISMES DE PREVENTION, DE GESTION, DE
REGLEMENT DES CONFLITS .
Au sein de la CEDEAO comme au sein de l'OUA, les années
90 sont marquées par la naissance de mécanismes de
prévention, de gestion et de règlements de conflits. Ces
mécanismes sont une avancée non négligeable en ce qu'elles
constituent une tentative par les Etats africains de se doter de moyens
institutionnels viables pour mieux gérer les conflits sur le continent
ou dans la région de ressort dans le cas de la CEDEAO.
Prolongement de l'ECOMOG, le Mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité de la CEDEAO se veut la colonne
vertébrale de l'ambition de sécurité collective d'une
nouvelle CEDEAO dixit Olesegun OBASANJO, président nigérian
d'alors. Ce mécanisme est censé apporter la stabilité et
la solidité nécessaires. Solide par la structure avec la CCEG
comme autorité suprême ,le Secrétariat Exécutif et
le Conseil pour la Médiation et la Sécurité. Ce conseil
est la réelle nouveauté car en son sein sont regroupés la
Commission de la Défense et de la Sécurité, le Conseil des
Sages, le Centre d'observation et de contrôle d'alerte précoce et
l'ECOMOG34.
La Commission de la Défense et de la
Sécurité réunit les chefs d'Etat major des pays et
a
pour objectif de formuler le mandat des forces pour le maintien de la
paix, de définir les
termes de référence pour les
forces, de nommer le Commandant des forces et de définir la
34 Le bras militaire du Mécanisme a
gardé le nom « ECOMOG »
composition des contingents. Dans sa tâche cette
commission est appuyée par le centre d'observation et de contrôle
d'alerte précoce chargé d'évaluer un risque pays, par le
Conseil qui regroupe des personnalités du continents connus pour leurs
expériences de la diplomatie et de la médiation et par l'ECOMOG
dont elle a maintenant le contrôle.
Si le Mécanisme de la CEDEAO date de 1999 celui du
l'OUA date de 1993 il a été adopté au Caire par la CCEG de
l'OUA dans la nuit du 29 au 30 juin. L'objectif alors pour l'OUA est de jouer
un rôle de premier plan dans toutes les actions visant à instaurer
la paix et la stabilité sur le continent et de mener si
nécessaire une action rapide pour prévenir, gérer et
régler les conflits lorsqu'ils interviennent. Le Mécanisme
prévoyait un Organe Central (composé des membres en exercice du
bureau de la CCEG) et d'un Secrétariat Général
chargé d'exécuter les décisions prises par l'Organe
Central. On peut saluer la rotation mise en place dans cet organe qui se veut
l'équivalent du Conseil de Sécurité de l'ONU mais qui
devait permettre une représentation régionale équitable.
Le Secrétariat devait disposer d'un grand pouvoir d'initiative pour
prévenir les conflits car contrairement à la CEDEAO qui a fini
par intervenir directement dans les conflits, l'objectif du Mécanisme en
totale contradiction avec sa déclaration d'intention se cantonna
à la prévention de conflits pour laquelle l'intervention
politique prédominait et l'intervention militaire était
négligée. De plus l'organe central à la base ne disposait
que de pouvoirs limités ce qui annulait la liberté d'initiative
du Secrétariat et enfin d'un point de vue juridictionnel, l'organisme
central se retrouve dans un vide puisque le règlement des conflits et le
maintien de la paix ne fait pas partie des buts et objectifs de
l'Organisation35 ce qui remet constamment en cause la
légitimité des décisions.
La crise ivoirienne des années 2000 a montré
l'insuffisance des mécanismes car malgré les
efforts, la
rigidité des organisations, leur non-adéquation avec la nature
des conflits
africains qui demandent un engagement rapide, important et
soutenu et leur maque
35 Selon l'article 8 de la Charte de l'OUA, toute
création de nouvel organe doit être conforme aux buts et objectifs
de la Charte de l'Organisation. Donc la création du Mécanisme et
des organes qui la composent aurait du être précédé
par la révision de la Charte
d'effectivité plombent toujours les efforts ; cependant la
constante mais lente évolution de l'Afrique de la sécurité
doit être un espoir.
B. VERS LES FORCES AFRICAINES EN ATTENTE.
L'idée des Forces Africaines en Attente (F.A.A) ou
encore Force Africaine Pré-positionnée a été
introduite dans le protocole relatif à la création du conseil de
paix et de sécurité de l'Union Africaine instauré le 9
novembre 2002. Les F.A.A représentent un pas de plus vers une
communauté de sécurité africaine parce plus en phase avec
les réalités du terrain. C'est une initiative qui a le
mérite de s'appuyer sur les sous-régions à savoir la
CEDEAO, la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale (CEMAC), l'Autorité Intergouvernementale pour le
Développement (IGAD et, la Communauté Sud-Africaine de
Développement (SADC)36.
Cette force panafricaine devra permettre de faire face
à 6 types de scénario allant de l'aide militaire pour une mission
politique (scénario 1) à l'intervention d'urgence si la
communauté internationale ne réagit pas suffisamment rapidement
(scénario 6) en passant par les missions d'observation
déployées conjointement avec une mission des Nations Unies
(scénario 2), les missions d'observation sans l'ONU (scénario 3),
les déploiements de forces de maintien de la paix pour des missions de
déploiement préventif (scénario 4) ou des missions
complexes et multidimensionnelles avec la présence de groupes hostiles
(scénario 5)
La mise en oeuvre de la force devait se faire en 2 phases :
une première phase s'étendant jusqu'en juin 2005 devant permettre
l'établissement d'une cellule de planification pour chaque région
et pour le continent (PLANELM), la mise en place des Etat-major
régionaux et l'érection des forces régionales capables
d'intervenir pour des scénarios de type 1 et 2. La deuxième se
terminant en 2010 devant permettre la mise en place définitive de la
force et son effectivité pour tous les scénarios.
36 L'Union de Maghreb arabe restant volontairement en
retrait.
En se reposant sur les structures sous-régionales l'UA,
à la différence de son aînée l'OUA, s'appuie sur une
volonté et des ressorts institutionnalisés qui comblent les vides
juridiques qui vouaient à l'échec les tentatives de
sécurité collective à l'échelle continentale. Car
le processus entrepris par l'OUA au début des années 90 et qui a
conduit à la naissance du Mécanisme, a eu lieu dans toute Afrique
dans le cadre des communautés économiques régionales. Si
le Mécanisme n'a vu le jour qu'en 1999 pour l'Afrique de l'Ouest, en
Afrique australe la SADC a créé l'Organe chargé de la
politique, de la défense et de la sécurité en
199637 ; en Afrique centrale (CEEAC) un Conseil de Paix et de
Sécurité de l'Afrique Centrale (COPAX) est aussi né en
1999. Seuls l'IGAD et l'U MA ne possèdent pas structures institutionnels
comparables aux autres communautés régionales.
A partir de ces communautés régionales, devront
être opérationnelles 5 brigades : l'EASBRIG en Afrique de l'Est,
les Forces Africaines de le Communauté (FAC) en Afrique de l'Ouest, la
SADCBRIG en Afrique du Sud, la Force Multinationale de l'Afrique Centrale
(FOMAC) et une force dépendante de l'UMA mais qui n'est pas encore
lancé. L'objectif au-delà de l'opérabilité de
chacune des forces sera d'obtenir leur interopérabilité
d'où le Comité d'Etat-major et l'aspiration à un
système stratégique, tactique et opératif commun à
travers la formation38. Sans négliger l'aide de la
communauté internationale à travers des programmes tels que la
RECAMP39 françaises, l'ACRI40 américaine et
sans oublier le soutien financier qui a été un grand frein
à la construction d'une communauté de sécurité
viable.
Malgré tout cela, le principal reste et restera
toujours la volonté des Etats qui sont les seuls à pouvoir
impulser l'effort intense, soutenu et continu condition sine qua non à
la réalisation du projet cher à Kwame Nkrumah.
37 Cet organe est venu compléter la Commission
inter-Etats de Défense et de Sécurité.
38 L'école du maintien de la paix Alioune
Blondin BEYE a été lancée en 2005 au Mali dans ce but.
39 RECAMP pour Renforcement des Capacités
Africaines en matière de Maintien de la Paix.
40 ACRI pour African Crisis Response Initiative.
ETATS
CPS
UA
EASBRIG
IGAD CEDEAO CEEAC SADC UMA
ECOMOG
FAC
FOMAC
F.A.A
SADCBRIG
?
ETATS
L'architecture de défense de l'Union
Africaine.
IV. UNE VOLONTE DES ELITES ET DES MASSES
Au cours de la première partie nous avons essayé
de comprendre l'histoire du panafricanisme, nous avions notamment
distingué 2 panafricanismes à travers Marcus GARVEY et W.E.B
DuBois : un panafricanisme des élites et par les élites
représenté par DuBois et un panafricanisme des masses
défendu par GARVEY. Le panafricanisme post- colonisation a marqué
la victoire d'un panafricanisme des élites qui en a oublié qu'un
tel processus réclamait effectivement un engagement des gouvernants mais
reposait surtout et par-dessus tout sur les masses, seules capables de faire de
l'idéal africain une réalité. En témoigne la nature
identitaire des conflits africains.
Le panafricanisme en arrivant en Afrique s'est
délesté d'un poids dont elle subit les conséquences
aujourd'hui. Nous verrons au cours de cette dernière partie comment la
panafricanisation des masses est un processus sur lequel il faut miser autant
que sur l'aspect sécuritaire. Ensuite nous verrons que par cette
panafricanisation des masses l'Afrique des peuples est possible, ce qui est une
condition sine qua non à une Afrique des Etats. Enfin nous nous
interrogerons sur la viabilité du projet bientôt centenaire des
Etats- Unis d'Afrique.
1) Le « panafricanisation » des masses.
« Il est essentiel que nous soyons nourris de notre
culture et de notre histoire si nous voulons créer cette
personnalité africaine qui doit être la base intellectuelle de
notre avenir panafricain. »
Kwame Nkrumah.
Ces paroles de Nkrumah semblent avoir été
perdues de vue par les dirigeants africains plus préoccupés
à consolider leurs tout nouveaux Etats-nations et qui dès la
conférence de l'OUA à Addis-Abeba ont voulu « marqué
leur territoire » en sanctuarisant leurs frontières sans laisser la
moindre place à une possible union du
continent. La naissance de l'OUA a signifié
l'échec du panafricanisme qui vise l'intégration au profit d'une
version allégée maintenant la carte de l'Afrique dessinée
par la colonisation sans tenir compte de la réalité historique du
continent. Cela explique notamment la nature identitaire des conflits en
Afrique car les espaces étatiques ne correspondent pas aux
différents espaces identitaires.
Le but des Etats africains et des organisations panafricaines
dont ils sont à l'origine doit se recentrer sur les acteurs principaux
de la réussite d'une communauté africaine : les peuples. Sans
l'adhésion complète des peuples et leur participation consciente
et active au projet panafricain, il n'y aura pas d'issue viable. Cette
adhésion passe par le dépassement des différences
identitaires et la stimulation d'une Afrique des peuples au vu de l'histoire
qui nous unit.
A. DEPASSER LES DIFFERENCES IDENTITAIRES.
Nul ne peut nier aujourd'hui que les frontières
actuelles en Afrique ne correspondent aux espaces historiques, culturels qui
ont existé et continuent d'exister sur le continent ; d'où la
multiplication des conflits. Mais s'en tenir à ce constat nous semble
réducteur car si les guerres civiles ont pu exister en Afrique c'est
qu'elles ont été portées par des populations contre
d'autres populations pour des raisons ethniques. Si les conflits se sont
généralisés à l'échelle de toute une
région comme cela a été le cas en Afrique de l'Ouest ou
dans la région de Grands Lacs, c'est parce qu'elles ont
été portées par les populations.
Pour que l'Afrique puisse devenir une communauté de
sécurité voire même plus, il faut que les populations
puissent dépasser leurs différences identitaires et construire
ensemble une Afrique unie et pacifiée. La tâche est ardue car les
conflits identitaires ne datent pas de la décolonisation, la
colonisation par l'intervention des puissances étrangères a
même gelé la situation. L'histoire de l'Afrique est marquée
comme l'histoire de tous les autres continents par les guerres entre les
différents espaces politiques qui ont existé. A cet effet nous
rappelons l'histoire des 3 empires en Afrique de l'Ouest qui se sont
succédé les uns au détriment des autres ; la constitution
de ces espaces était marquée du sceau de l'identité
ethnique ainsi avait-
on l'empire Djolof qui réunissait les royaumes d'ethnie
wolof, l'empire du Mali initié par les Mandingues, l'empire Kongo qui
réunissait les Bakongo. De ce point de vue l'histoire de l'Afrique ne
diffère en rien de l'histoire de l'Europe ou de l'Asie.
Léchec des Etats africains repose sur leur
incapacité à appréhender le facteur identitaire dans la
construction de l'union. Tout d'abord en jouant sur les discriminations
identitaires pour asseoir leurs pouvoirs au sein de leurs propres Etats, puis
en se servant des différends identitaires pour en déstabiliser
d'autres. Les problèmes sécuritaires subsisteront en Afrique tant
que les tensions identitaires ne seront pas aplanies. Pour se faire il faut
favoriser l'émergence d'une identité africaine qui transcende les
autres identités. Le but étant de mettre la richesse de toutes
les identités au service de la cause africaine. Pour ce faire il faut
avoir recours à l'histoire comme l'ont les fait des hommes comme Cheikh
Anta Diop ; par la science ils ont recherché à connaître
l'Afrique, à savoir qu'elle a été son évolution et
par une meilleure connaissance du passé permettre aux Africains de jeter
un autre regard sur une Afrique riche de ses langues, de ses traditions et fier
de son histoire.
B. STIMULER UNE AFRIQUE DES PEUPLES.
Les Etats africains doivent donc inviter les masses à
se joindre au processus en leur faisant prendre conscience de l'existence d'une
Afrique des peuples, une Afrique partageant des valeurs, une histoire et un
patrimoine commun.
Les langues sont une excellente illustration de ce patrimoine
culturel qui unit tous les peuples d'Afrique. Sur le continent,
l'Académie africaine des langues a recensé plus de 2000 langues
(vivantes !) en Afrique de celles pratiquées par plusieurs pays à
celles pratiquées par des petits villages. Le nombre important des
langues donne l'idée de la richesse culturelle du continent même
si l'on observe que ces langues se regroupent en 4 familles :
s" La famille afro-asiatique composée de 353 langues
vivantes dont 299 parlées en Afrique et totalisant 340 millions de
locuteurs.
s" La famille nilo-saharienne composée de 197 langues
vivantes et 35 millions de locuteurs.
s" La famille khoisan composée de 22 langues vivantes et
360 000 locuteurs est la plus petite famille linguistique africaine
s" La famille nigéro-congolaise compte près de 1
500 langues vivantes, ce qui fait d'elle la plus grande famille linguistique du
monde.
Les familles linguistiques en Afrique
Source : Wikipedia.
En s'intéressant à la répartition des
langues sur le continent, on s'aperçoit que l'Afrique de l'Ouest est le
point de convergence des familles afro-asiatique et nigéro-congolaise.
Elle est un trait d'union entre l'Afrique subsaharienne et le Maghreb vu que le
berbère et l'arabe sont pratiquées de part et d'autre du
Sahara.
En outre l'Afrique de l'ouest est le point de convergence des
langues nihilo- sahariennes et nigéro-congolaises constitue un pont
entre l'Afrique saharienne et celle subsaharienne. Enfin la grande famille
nigéro-congolaise montre par son étendue les liens unissant les
populations allant du ouest-africain à l'extrémité sud du
continent.
Par ces dynamiques linguistiques fortes, l'Afrique des peuples
a toujours existé. En prenant l'exemple de l'Afrique de l'ouest on
constate la parenté des Etats modernes par le biais des aires
linguistiques c'est le cas des populations du Burkina-Faso, de la Côte
d'Ivoire, du Togo et du Bénin et du Togo appartenant en totalité
ou en partie au groupe des Gour.
Les groupes linguistiques en Afrique de
l'Ouest.
Source : http://www.atlas-ouestafrique.org/
De plus l'existence de langues véhiculaires que l'on
retrouve dans plusieurs
pays prouve une fois de plus que les peuples arrivent à
dépasser les frontières physiques au profit d'un patrimoine
commun : le peul, le songhaï, le wolof et le yoruba.
Les langues véhiculaires en Afrique de
l'Ouest.
Source : http://www.atlas-ouestafrique.org/
L'exemple des langues est une illustration parfaite de
l'existence de liens forts entre les peules africains. En cultivant cet
héritage commun, les Etats africains gagneraient à pacifier le
continent mais de surcroît ils arriveraient à faire participer les
masses à un processus qui est aussi le leur.
2) /'AfrIIXHIIIF SeX SMs 1RP P H1RP SQP lefIIell'AfriqXe
IIIF( UM
L'un des grands débats du panafricanisme a porté
sur l'espace géographique que l'on désigné par Afrique. De
par ses origines, le panafricanisme a dès ses
origines été un mouvement intimement lié
aux populations noires ; Marcus GARVEY ne se battait-il pas pour l'Afrique des
noirs et de ses descendants ? Les afrocentristes comme Cheikh A nta Diop ne
pensaient-ils pas que l'Afrique était le continent des seuls noirs au vu
de sa préhistoire et de son histoire ? Le débat entre
l'Afrique noire et l'Afrique blanche n'est pas nouveau et la
nature des rapports entre ces 2 Afriques est aujourd'hui un des grands
défis qui se présentent à la communauté du
continent.
Nous verrons donc l'historique de ce clivage et ensuite nous
verrons comment les aires régionales actuelles peuvent permettre de
dépasser cet obstacle qui en est un parmi d'autres sur la route de
l'Afrique des peuples.
A. LE CLIVAGE AFRIQUE NOIRE- AFRIQUE BLANCHE.
Le Maghreb tient en Afrique une place particulière qui
lui a valu le surnom d'Afrique blanche. Ce surnom fait référence
à la supposée ambigüité de sa position par rapport au
projet panafricain mais aussi à son métissage car si le Maghreb
est indéniablement africain par les lois géographiques, il
entretient des liens millénaires avec la péninsule arabique.
Il est clair que le Maghreb a accordé moins
d'importance au panafricanisme que les pays d'Afrique subsaharienne, en
témoigne la ligne de conduite panarabe des pays du Maghreb à la
première conférence panafricaine organisée sur le sol
africain au Ghana où les dirigeants maghrébins et Nasser le
premier préférèrent miser sur l'unionisme arabe. Cependant
l'unionisme ne les empêcha pas de se positionner favorablement à
une union africaine et cet engagement s'accentua avec l'échec d'un
Maghreb panarabe. En 1963, les pays du Maghreb participèrent à la
conférence d'Addis-Abeba qui donna naissance à l'OUA, n'est-ce
pas Kadhafi qui lança l'appel à la rénovation de l'OUA
à Syrte prouvant les pays maghrébins pouvaient s'impliquer
politiquement dans le projet panafricain, le président Bourguiba ne
déclara-t-il pas que la Tunisie était une terre de pointe et de
liaison, ouverte au monde et profondément enracinée corps et
âme dans le continent africain ?
Les raisons politiques ne sont pas les seuls à avoir
été évoquées. L'argument identitaire est aussi
utilisé. En effet on peut dire que l'identité des pays du Maghreb
a été très tôt imprégnée par l'Islam
et par la civilisation arabe. Du VIIème au XIIème siècle
le Maghreb connut une islamisation totale avec l'invasion
des Almohades ; cette invasion et l'islamisation qui
s'ensuivit scella les liens qui unissent identité nord-africaine et
Islam : la culture et l'identité nord-africaine sont liés
à l'Islam. Cet aspect permet d'expliquer la préférence
première de ces Etats pour le panarabisme dont ils se sont sentis
toujours plus proches. Cependant au regard de l'histoire l'Afrique
subsaharienne et le Maghreb partage une histoire commune et un patrimoine
commun : une histoire à travers l'Egypte antique, à travers la
Nubie, à travers les rapports entre nos anciens empires et les
cités maghrébines ; par le patrimoine car l'islamisation d'une
partie non négligeables du continent a tissé des liens
indéfectibles qui persistent mais surtout par la civilisation
berbère qui est un pont à travers le Sahara.
Les divergences d'intérêt, de culture ne
suffisent pas à expliquer la persistance du clivage qui demeure entre
l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne car le panafricanisme recherche
justement à dépasser ces limites de race, d'ethnie, de tribu et
de religion. Il appartient aux élites et aux masses de rechercher la
convergence plutôt que de laisser les différences retarder
l'évolution du continent vers une unité profitable à
tous.
B. LES AIRES REGIONALES COMME RAMPE DE LANCEMENT.
CEDEAO, UEMOA, CEMAC, CEEAC, IGAD, SADC, UMA sont autant
d'exemples d'organisations existant en Afrique. Elles ont pour
particularité de regrouper les Etats africains en 5 zones
géographiques : l'Afrique de l'ouest, l'Afrique centrale, l'Afrique de
l'est, l'Afrique du sud et l'Afrique du nord ou Maghreb.
Nées dans le sillage de l'Organisation de
l'Unité Africaine, ces organisations lui ont survécu et ce pour
plusieurs raisons. Tout d'abord parce qu'il est certainement plus facile de
faire fonctionner une organisation de 5 à 15 Etats qu'une organisation
de 53 Etats. Mais la vraie différence réside dans la
volonté des Etats. Les organisations régionales ont vraiment
été le lieu de l'expérience panafricaine. Les Etats
montrèrent pour les organisations régionales plus
d'intérêt et plus d'entrain quitte à ménager les
sensibilités. Les pays de l'Afrique de l'ouest divisés entre
anglophones et francophones, entre panafricanistes de coopération et
d'intégration, réussissent néanmoins
à avancer dans un même sens à travers la CEDEAO. Les pays
de l'Afrique centrale éprouvés par les conflits régionaux
qui déchirent la région n'en ont ,pour autant, jamais
abandonné le projet d'une communauté économique,
financière et de sécurité.
Les organisations régionales africaines sont
importantes car elles reposent sur des affinités géographiques
bien entendu, mais aussi et surtout sur des affinités culturelles,
historiques qui permettent une meilleure effectivité que l'OUA et l'UA
qui sont une construction politique à grande échelle sans
réalité historique. Les organisations régionales reposent
sur un continuum historique et spatial qu'il est important de cultiver. Si les
organisations régionales réussissent à développer
des identités ouest-africaines, centre-africaines, est-africaines,
ouest-africaines et nord- africaines alors il sera plus facile de
développer à l'échelle du continent une identité
africaine. Cependant les organisations régionales ne doivent demeurer
une fin en soi, il faut que les actions qu'elles entreprennent aient toujours
pour objectif l'union progressive du continent et pourquoi pas à terme
son unité.
3) Afrique des Etats ou Etats-Unis d'Afrique ?
L'idée des Etats-Unis d'Afrique est une vieille
idée inséparable de l'histoire du panafricanisme. Elle fait son
apparition au début du 20ème siècle et sera
pour la première fois exposée publiquement par Marcus GARVEY qui
s'autoproclama président des Etats-Unis d'Afrique en 1924.
Depuis ce temps pourtant, rien n'y fait, ni les
indépendances ni la volonté de dirigeants comme Nkrumah,
l'Afrique se refuse à l'idée Cependant la création de l'UA
sur les cendres encore chaudes de l'OUA a relancé l'idée. Le
président libyen KADHAFI qui avait lancé l'appel de Syrte en
faveur d'une réforme de l'OUA avait parcouru l'Afrique se rendant
à Accra en 2007 près de 50 ans après la conférence
panafricaine où Nkrumah avait exposé son projet d'une union
africaine pour mettre fin à la balkanisation de l'Afrique née de
la conférence de Berlin de
1885. Au cours de sa tournée il propose à son
tour une Afrique fédérale avec un gouvernement et une
armée composé de 2.000.000 hommes.
C'est le renouveau d'une idée enterré 44 ans
plus tôt lors de la conférence d'Addis-Abeba où les
souverainistes l'avaient emporté sur les fédéralistes et
une Afrique des Etats.
A. SUPRA-GOUVERNANCE ET QUERELLES DE LEADERSIP.
Le 2 février 2009, Mouammar Kadhafi devient le
président de l'UA à la suite d'une campagne qu'il a menée
depuis le début des années 2000 pour une Afrique
fédérale. Cependant il ne faut pas se leurrer car les raisons
pour lesquels le fédéralisme a toujours échoué en
Afrique existent toujours. Premièrement on retrouve le courant
souverainiste qui est le plus fort en Afrique car aujourd'hui malgré
tous les efforts, aucun Etats n'est prêt à céder une partie
ou la totalité de sa e au profit d'une supra-gouvernance. L'UA est
toujours perçue comme une menace possible par les Etats, peut-être
moins qu'en 1963, mais la perception demeure. Secondement persistent les
querelles de leadership, d'égo que l'on retrouve dans le foisonnement
d'idées à l'échelle du continent avec entre autres le plan
OMEGA proposé par le chef d'Etat sénégalais Abdoulaye
WADE, le Millenium African Plan (MAP) initié par les présidents
algérien, sud-africain et nigérian ou encore le Nouveau
Partenariat pour le Développement Africain41 qui est une
fusion de 2 plans précédemment cités et dont les chefs
d'Etat réclament la paternité. Troisièmement on retrouve
encore une fois le manque de volonté car aujourd'hui pour la plupart des
Etats africains des Etats-Unis ne sont pas nécessaires car des pays qui
ne peuvent réaliser une unité sous régionale ne peuvent
réaliser une unité continentale. Cependant l'unification
régionale et l'unité continentale ne sont pas
élémentaires mais complémentaires et rien n'empêche
objectivement de tenter l'unité institutionnelle et territoriale.
41 En anglais New Partnership for African Development
(NEPAD).
Il ne faudrait pas que l'idée des Etats-Unis d'Afrique
tourne à une bataille d'égo dont l'Afrique sortira une nouvelle
fois perdante.
B. LE FEDERALISME : VOEU PIEUX ?
Dès lors que l'idée des Etats-Unis d'Afrique a
toujours autant de mal à s'imposer à l'esprit des dirigeants
africains, on peut se demander si le fédéralisme sera possible un
jour en Afrique et si nous ne ferions pas mieux d'oublier ce projet.
« L'Afrique doit s'unir ». En prononçant ses
mots le président ghanéen Kwame Nkrumah voyait déjà
les pays indépendants africains détruire les frontières
artificielles nées de la colonisation pour permettre la naissance d'une
Afrique unie et la renaissance d'une Afrique longtemps bafouée et
humiliée. Près de 60 ans après ses propos, l'Afrique a
perdu Nkrumah, Bourguiba, Sankara, Lumumba, Olympio et tant d'autres hommes qui
croyaient à cette Afrique-là. La construction de l'Afrique
politique a volontairement occulté le fédéralisme et
enterré l'idée dans une charte consacrant l'intangibilité
des frontières héritées de la colonisation et la
non-ingérence dans les affaires étrangères.
Les ennemis de l'Afrique fédérale ne se trouvent
pas qu'en Afrique. Les ex- puissances coloniales comme la France qui avait
volontairement démembré son empire à la
décolonisation sur le principe du « diviser pour mieux
régner » n'avait aucun intérêt à ce que
l'Afrique forme un bloc car son influence s'y diluerait et s'y amenuiserait.
Les Etats-Unis en plein guerre froide craignant que le communisme ne s'empare
de toute l'Afrique n'encouragea pas du tout l'aventure. La situation n'est plus
la même aujourd'hui mais les grandes puissances se montrent toujours
réticent à l'idée du fédéralisme en
témoigne le peu de soutien qu'elle apporte. Les Etats africains restent
encore à la merci des intérêts et des contingences
extérieures dont elle devra se dégager un jour si elle veut
réaliser l'Afrique fédérale, enfin si elle le veut
vraiment...
CONCLUSION
Au cours de cet exposé nous avons tenté de
monter que le panafricanisme était un concept sur lequel l'Afrique
devait s'appuyer. Tout d'abord parce que ce concept a toujours bercé les
rêves d'avenir du continent. Il a existé et continue d'exister par
les Africains et pour les Africains, dès lors nous devons être
capables de lui trouver la place qui lui revient de droit.
Oui !Le panafricanisme est une solution aux problèmes
sécuritaires africains. Nous avons essayé de le montrer tout au
long de notre exposé en s'appuyant sur l'exemple de la CEDEAO et sur le
contre-exemple de l'OUA. Alors bien sûr la première se situe
à un niveau sous-régional alors que la seconde est une
organisation à échelle continentale ; on peut se servir de cet
argument pour essayer d'expliquer l'échec de l'OUA mais ce serait
passé à côté de l'essentiel. Car l'émergence
et le développement de la CEDEAO en Afrique de l'ouest n'a pas
été une chose facile, au contraire car on rappelle que la
région était secouée par les crises. De plus dans cette
région se sont rencontrées les 2 tendances du panafricanisme qui
s'étaient affrontés à Addis-Abeba. Malgré cela ,
les Etats de l'Afrique de l'ouest ont fini par comprendre qu'il était de
leur intérêt de se réunir autour d'une communauté
pour assurer la sécurité de la région et sa
stabilité face à des conflits qui non seulement menace la
stabilité du pays dans lequel il se déroule mais finit par causer
des dommages collatéraux à une échelle régionale :
les Etats ont réussi à faire coïncider leurs
intérêts particuliers et l'intérêt
général. Et même si les résultats ne sont pas les
meilleurs, ils témoignent d'une volonté d'avancer ensemble.
Si le panafricanisme manque de s'imposer en Afrique c'est donc
de la faute d' Etats africains qui n'ont pas compris l'intérêt de
réaliser l'union du continent à l'heure où les grands
ensembles régionaux se renforcent et pèsent de tout leur poids
dans le jeu international. Prisonnier de ce même jeu international, ils
ne voient pas l'extraordinaire opportunité qui leur est offerte de faire
entendre leurs exigences d'une seule voix peut-être,
mais d'une voix forte , sûr de sa force et soutenue par
près d'un milliard d'Africains. L'OUA est le symbole de ce manque de
clairvoyance des Etats africains qui n'ont jamais vu en l'organisation
internationale, un moyen de réaliser une Afrique unie mais plutôt
un instrument de leurs revendications particulières. L'OUA est ainsi
devenue le lieu de rendez-vous annuel des chefs d'Etats
désintéressés de la cause panafricaine mais profitant de
l'occasion pour régler des affaires d'autre ordre.
Le panafricanisme peut réussir à instituer une
Afrique forte mais à condition que les Etats l'encouragent et lui en
laissent l'occasion. Cependant cet engagement nécessite un sacrifice :
celui de la souveraineté. Les Etats doivent accepter de transmettre une
partie de leur souveraineté au profit d'une organisation panafricaine
qui saura ménager les intérêts de chacun mais
préserver l'intérêt général. La naissance de
l'UA sur les cendres de l'OUA peut-être l'occasion d'un nouveau
départ de l'idéal panafricain. En se basant sur le facteur
sécuritaire on peut être optimiste car l'organisation panafricaine
a évolué. De ses débuts en 1963 où elle sacralisa
le principe de non-ingérence à l'année 2005 marqué
par la naissance d'un Conseil de la Paix et de la Sécurité et
surtout des Forces Africaines en Attente, elle a évolué. Il
semble que l'UA ait retenue les leçons de son aîné et
travaille à ne pas les reproduire. Car si l'Afrique unie doit voir le
jour, il faut que l'UA soit capable de l'impulser et de la diriger, elle ne
doit plus être à la merci des seuls Etats, elle doit gagner une
autonomie qui lui permettra de mener une politique mue uniquement par cet
idéal.
Mais attention car la réussite du panafricanisme ne
repose pas sur la seule volonté politique il faut que les populations
adhérent au projet car si les populations ne soutiennent le
panafricanisme :l'échec est garanti. Le rôle de l'Etat africain
est de porter ce projet du vouloir vivre ensemble et d'y faire adhérer
les populations afin que les différences identitaires soient
transcendés. Car l'identité africaine n'existe pas, elle est
à construire. Elle ne fait pas partie des solidarités organiques
qui ont existé à travers le continent. Il revient donc aux masses
de favoriser la création d'une Afrique des peuples qui en
complément de l'Afrique des Etats permettra la réussite non
seulement de la communauté de sécurité mais de la le
succès de la communauté dans sa globalité.
Le défi panafricain est donc un défi global
où tous les aspects de la vie des Etats et des populations
s'entremêlent. C'est seulement lorsque les Etats auront compris
l'importance d'appréhender l'union africaine dans sa globalité
qu'une Afrique sûre, pacifiée et forte pourra voir le jour. Une
Afrique porté par un seul peuple partageant un même but et ayant
la même foi en l'avenir du continent comme entité.
Et à ce moment et ce seulement à ce moment nous
ne serons plus wolof, congolais ou maghrébin mais par-dessus tout nous
serons des Africains, fiers de l'histoire de leur continent et prêt
à écrire son futur.
« Là où s'abat le découragement
s'élève la victoire des persévérants.»
Thomas SANKARA.
« Lorsque nous luttons nous sommes en thérapie et
après le chaos survient la lumière.»42
M-1 de Dead Prez.
42 « When we struggle is therapy after chaos we get clarity.
» in Til we get there, Dead Prez, K'naan and Stori James (2000).
TABLE DES ANNEXES
V' Charte de l'OUA de 1963
V' Acte Constitutif de l'UA de 2002
V' Protocole relatif au mécanisme de prévention, de
gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité.
ANNEXES
Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine de
1963
Acte Constitutif de l'Union Africaine de 2002
Protocole de la CEDEAO relatif au mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité.
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http://www. sec.ecowas.int/
http://www.taurillon.org/Integration-un-succes-europeen-un-echec-africain-Mais-pourquoi
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS 4
TABLE DES ABBREVIATIONS & SIGLES 5
SOMMAIRE 7
INTRODUCTION 9
I. UNE BREVE HISTOIRE DU PANAFRICANISME EN AFRIQUE. 13
1) Un désir né hors d'Afrique. 13
A. DE BLYDEN A GARVEY 13
B. PANAFRICANISME OU PANNEGRISME ? 15
2) L'avènement du panafricanisme politique 18
A. LE RENOUVEAU DU PANAFRICANISME. 18
B. LES INDEPENDANCES SOUS LE SCEAU DU PANAFRICANISME. 21
3) Le panafricanisme au sein du système international.
23
A. PANAFRICANISME D'INTEGRATION VERSUS PANAFRICANISME DE
COOPERATION 24
B. L'O.U.A : ENCHANTERESSE PUIS DESECHANTEE. 26
II. UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EST-ELLE POSSIBLE ? 27
1) L'Etat africain et l'échec du rôle de
régulateur. 27
A. UN ETAT INADAPTE. 28
B. LA PROBLEMATIQUE DES FORCES ARMEES EN AFRIQUE 30
2) Pour une autre vision de la sécurité. 31
A. L'INTRICATION DES DILEMMES DE SECURITE 31
B. LA SECURITE HUMAINE AU COEUR DE LA PROBLEMATIQUE SECURITAIRE.
32
III. LA CEDEAO COMME EXEMPLE DE LA MISE EN
PLACE D'UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EN AFRIQUE DE L'OUEST 33
1) Pourquoi l'Afrique de l'Ouest ? 34
A. L'HISTOIRE DANS L'HISTOIRE 35
B. UNE REGION CRISOGENE 39
2) L'ECOMOG : le franchissement d'un palier nécessaire.
42
A. DU PNA A L'ECOMOG. 43
B. UN BILAN MITIGE. 45
3) Une initiative encourageante pour une région et pour
tout un continent. 47
A. LES MECANISMES DE PREVENTION, DE GESTION, DE REGLEMENT
DES CONFLITS . 48
B. VERS LES FORCES AFRICAINES EN ATTENTE. 50
IV. UNE VOLONTE DES ELITES ET DES MASSES 53
1) Le « panafricanisation » des masses. 53
A. DEPASSER LES DIFFERENCES IDENTITAIRES. 54
B. STIMULER UNE AFRIQUE DES PEUPLES. 55
2) L'Afrique des peuples comme complément de l'Afrique des
Etats. 58
A. LE CLIVAGE AFRIQUE NOIRE- AFRIQUE BLANCHE. 59
B. LES AIRES REGIONALES COMME RAMPE DE LANCEMENT. 60
3) Afrique des Etats ou Etats-Unis d'Afrique ? 61
A. SUPRA-GOUVERNANCE ET QUERELLES DE LEADERSIP. 62
B. LE FEDERALISME : VOEU PIEUX ? 63
CONCLUSION 64
TABLE DES ANNEXES 67
ANNEXES 68
Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine de 1963
69
Acte Constitutif de l'Union Africaine de 2002 70
Protocole de la CEDEAO relatif au mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement
des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité. 71
BIBLIOGRAPHIE 72
SITOGRAPHIE 73
TABLE DES MATIERES 74