Introduction
Les premières formes de
sociétés humaines correspondaient à de petites
sociétés (famille, clan, tribu, cité) que les
spécialistes qualifient de sociétés holistes. Le terme
holiste vient du grec holos, signifiant « qui forme un
tout ». On veut donc dire que, dans ces sociétés, la
conciliation de l'être individuel et de l'être ensemble se fait au
bénéfice de ce dernier : le poids de la
société est très fort, le tout est plus important que la
partie, l'homme se définit d'abord par son appartenance social.
Sur le plan de leur organisation, de leur constitution, ces
sociétés se caractérisaient par trois traits qui
s'articulent : ce sont des sociétés religieuses,
théocratiques et hiérarchiques .Au total donc, dans ces
sociétés, l'individualité, la liberté individuelle
ont peu de place.
Cependant, la dynamique même de la liberté
conduit, au fil des alliances, des conquêtes, à la mise en place
d'ensembles humains plus étendus : royaumes, empires etc. L'horizon
s'élargit, la contrainte du groupe social se desserre,
l'individualité s'affirme et supporte de moins en moins la domination de
divinités tatillonnes et de cadres sociaux trop rigides. C'est ainsi que
se construisent les sociétés modernes c'est-à-dire des
sociétés accordant la priorité non plus au
« tout » mais à la plus petite partie :
l'individu, appelées sociétés individualistes. Leur
émergence connaît des rythmes et des étapes très
variables suivant les moments et suivant les lieux, mais, sur le plan
constitutionnel, elle se conclut par l'apparition de l'Etat moderne. Ce dernier
est une donnée fondamentale du droit constitutionnel car il est le
cadre privilégié d'exercice du pouvoir politique. Mais ce
pouvoir, assimilable à une énergie qui permet à son
détenteur de prévoir, d'impulser, de décider, et de
coordonner les activités des individus et groupes placés sous son
autorité a connu une évolution. A l'origine il était
diffus, ensuite personnel avant de devenir institutionnel. Le pouvoir diffus
correspond à la forme primitive du pouvoir antérieur à
l'apparition des formes organisationnelles des sociétés humaines.
Le pouvoir n'était pas confié à un titulaire physiquement
identifié mais était dispersé dans la communauté
.Tout le monde commande et obéit en même temps Invisible,
le pouvoir était néanmoins présent en ce sens que des
mécanismes de sanction existaient. Ils pouvaient être
déclenchés automatiquement en cas de violation. Des sanctions
pécuniaires (amendes), morales (réprobation), l'exclusion du
groupe etc....punissaient les infractions aux règles sociales. Quant au
pouvoir personnel ou individuel il reposait sur des rapports personnels entre
le souverain et ses sujets .Le pouvoir s'incarne dans la personne de son
détenteur respecté par ses vertus personnelles : sa force
physique, son prestige naturel, sa puissance matérielle ou occulte etc.
Mais l'inconvénient du pouvoir personnel est qu'il survit difficilement
à la cessation des fonctions du chef en place et engendre
inévitablement des guerres de succession. Enfin le pouvoir est dit
institutionnalisé lorsqu'il est dissocié de la personne de son
détenteur pour se reporter à une entité abstraite qui lui
sert de support. Le pouvoir existe en lui-même, indépendamment de
ses agents. Il se déploie conformément à des règles
générales impersonnelles et objectives qui déterminent son
mode d'acquisition et ses conditions d'exercice. On constate ainsi que la
dissociation du pouvoir avec les individus qui en assurent momentanément
la charge garantit sa continuité dans le temps. Le pouvoir se distingue
désormais de ses agents d'exercice qui ne sont que ses
dépositaires provisoires.
Ainsi selon l'organisation du pouvoir dans le cadre
étatique et notamment la détermination des initiaux d'impulsion
du pouvoir, plusieurs formes d'Etat peuvent être observées. Il
s'agit pour l'essentiel de l'Etat fédéral et de l'Etat unitaire.
Un Etat est dit fédéral quand les unités territoriales
qui le composent sont dotées en matière constitutionnelle,
législative et juridictionnelle, d'une autonomie telle qu'elles
méritent le nom d'Etats, bien qu'elles n'aient pas en principe de
compétences internationales. L'Etat fédéral est donc un
Etat composé de plusieurs autres Etats avec lesquels il partage les
compétences qu'exerce ailleurs l'Etat unitaire. La
fédération elle- même est une idée d'inspiration
libérale. A l'origine, elle était
inspirée du souci de respecter et de protéger les
identités des entités qui avaient choisi de se départir de
certains de leurs attributs étatiques au profit du nouvel Etat
.Cependant au-delà du fédéralisme, il existe des principes
d'organisation communs à tous les Etats fédéraux .Le
respect de ces principes se trouve garanti pratiquement partout par le juge
constitutionnelle. Conformément à la systématisation
effectuée par Georges Scelle, il apparaît que toute constitution
fédérale combine trois principes organisateurs :
superposition des ordres juridiques, autonomie des Etats
fédérés et participation de ces derniers au pouvoir
fédéral.
En ce qui concerne l'Etat unitaire qui préoccupe le
plus et qui nous servira d'ailleurs de cadre d'étude, il convient de
préciser qu'il se caractérise par l'existence d'un seul ordre
juridique à l'intérieur de l'Etat. Celui-ci apparaît
ainsi comme une structure juridique compacte ou tout s'articule autour du
principe d'unité. Le pouvoir au sein de la sphère étatique
procède « d'un centre d'impulsion unique ». L'Etat
est en quelque sorte « le maître des lieux » sur son
territoire et sa population. Il transmet sa volonté uniformément
sur tout son territoire et sur sa population qui est soumise à un
même et unique pouvoir. Deux traits caractérisent dès lors
l'Etat unitaire : la simplicité sur le plan institutionnel et la
cohésion de l'élément humain.
Cependant il peut être difficile de gérer un Etat
moderne à partir d'un centre unique et l'éloignement du lieu de
décision des administrés nuit tant à l'information du
pouvoir sur les problèmes réels des citoyens qu'à
l'adéquation entre ces problèmes et les décisions qui
seront prises. D'où l'existence de modalités d'organisation de
l'Etat unitaire : la déconcentration et la
décentralisation.
Toutes les deux se présentent comme une modalité
qui consiste à rapprocher l'administration de l'administré car,
selon NAPOLEON III, « on peut gouverner de loin mais on
n'administre bien que de près », en un mot, la
déconcentration et la décentralisation font en sorte que le
pouvoir ne s'exerce plus depuis la capitale mais sur place. Au surplus, il
s'agit d'une délégation du pouvoir administratif à
l'exclusion du pouvoir politique qui demeure l'apanage de l'Etat. Mais
au-delà, la déconcentration et la décentralisation se
différencient.
La déconcentration est une technique qui peut se
définir comme une modalité ou un relais de la centralisation .Il
y a déconcentration lorsque l'Etat central reconnaît un certain
pouvoir de décision à ses agents locaux. Les décisions
sont imputées à l'Etat, elles sont seulement prises par des
agents subordonnés hiérarchiquement au pouvoir central. Il s'agit
d'un simple aménagement technique de la prise de décision,
confiée à des représentants locaux du pouvoir
central : « C'est le même marteau qui frappe, mais on
raccourci le manche » (Odilon Barrot). En revanche, la
décentralisation consiste à transférer la gestion des
affaires locales à des collectivités autonomes et élues.
Dans la décentralisation l'Etat n'est pas la seule personne publique
.Au contraire il cohabite avec d'autres personnes publiques qui sont autant de
centres de décisions et d'appareils autonomes. La
décentralisation permet ainsi de réaliser une plus large
démocratie locale. Elle assure l'autonomie et la participation des
populations locales au choix de leurs représentants et à la prise
des décisions les intéressant. A travers la gestion des affaires
locales par les propres intéressés, la décentralisation
apparaît comme une école de formation civique qui habitue les
populations locales et leurs élus à être plus actifs,
c'est-à-dire à participer et non plus à subir. Sur le plan
purement technique, la décentralisation introduit la souplesse dans le
fonctionnement de l'Etat en raison de la rapidité et de l'adaptation des
décisions de l'Etat. Mais au-delà de ces avantages elle
présente également un certain nombre d'inconvénient. En
effet elle peut être un facteur d'affaiblissement de l'Etat, si dans les
anciens Etats la collectivité a précédé l'Etat, le
processus est renversé dans les nouveaux Etats de tiers -monde. A
l'instar de la nation, il revient à l'Etat de créer et de
cultiver un cadre favorable à la décentralisation. Or les
fondements sociologiques de ces Etats sont fragiles .Le fractionnement du
pouvoir central et sa dispersion entre les différentes
collectivités locales peuvent conduire à son affaiblissement.
Cependant la réussite de la décentralisation dépend en
grande partie de l'engagement politique des Etats. Sans une volonté
politique clairement exprimée, elle risque de rester toute
théorique. Mais certains Etats ont érigé l'exclusion en
système de gouvernement et pratiqué la discrimination ethnico
religieuse .Ainsi le sentiment d'injustice et les frustrations qui en ont
résulté chez les groupes exclus, ont suscité une
prédisposition à des oppositions violentes qui, dans leur
maturation se sont muées en conflits armés notamment
identitaires. C'est sans nul doute dans une telle perspective qu'on peut
placer notre étude qui se rapporte aux relations pouvant exister entre
les conflits identitaires et l'unité de l'Etat.
Par le vocable « Etat » on pourrait
entendre une collectivité humaine géographiquement
localisée et politiquement organisée ayant
généralement pour support sociologique une nation. Dès
lors il convient de préciser que toute société ne forme
pas un Etat. L'existence de l'Etat est subordonnée à des
éléments sociologiques dont la réunion est
nécessaire (population, territoire, autorité politique
exclusive), même si on y ajoute des caractéristiques juridiques
qui permettent de cerner ses attributs à savoir la souveraineté
et la personnalité juridique. Comme élément constitutif de
l'Etat, la population apparaît à la fois comme une
réalité démographique et juridique d'une part et d'autre
part comme une réalité sociologique symbolisée par la
nation.
Cette dernière est considérée comme le
substrat psychologique, le ferment le plus puissant de la cohésion de
l'Etat. On peut la définir comme un groupement humain dans lequel les
individus se sentent unis les uns aux autres par des liens à la fois
matériels et spirituels et se conçoivent comme différents
des individus qui composent les autres groupements nationaux. Un lien
privilégié, celui de la nationalité, unie, du reste,
l'Etat aux personnes.
Etant donné la complexité des facteurs sous
l'influence desquels se forment les nations, diverses conceptions se sont fait
jour, au XIXe siècle, concernant l'importance respective de ces
facteurs, parmi lesquelles les deux principales sont la conception allemande et
la conception française ou, en d'autres termes, la thèse
objective et la thèse subjective.
La conception allemande ; forgée par Fichte et
Treitschke est placée sous le signe du déterminisme La nation est
la résultante ou le produit nécessaire d'éléments
objectifs tels que l'ethnie, la race, le sol, le sang, la religion, la langue.
La communauté de langue ou de race tient une place importante ainsi que
le montre les pays déchirés par des querelles linguistiques qui
éprouvent les plus grandes difficultés à éviter le
séparatisme .Toutefois, il peut arriver que la variété des
langues, des cultures et des religions n'empêche pas le
développement d'une solidarité nationale (Suisse).
Au demeurant, s'appuyant essentiellement sur le facteur
racial, la conception objective de la nation a été poussée
jusqu'à ses conséquences les plus perverses par le IIIe Reich
qui avait légitimé le génocide du peuple juif en se
fondant sur des critères raciaux, en particulier sur la prétendue
supériorité de la race aryenne, de définition de la nation
.De nos jours, la politique de purification ethnique entreprise par les serbes
à l'endroit des bosniaques semble se rattacher à cette
thèse.
Quand à la conception française, elle a
été développée par des hommes politiques et
juristes français, notamment par Fustel de Coulanges, Renan. Elles
considèrent que la formation des nations est beaucoup plus complexe car
à coté des éléments objectifs doivent entrer en
compte les événements historiques, les intérêts
communs, les liens spirituels et surtout le volontarisme. La nation, disait
Renan « c'est un vouloir -vivre collectif1(*) ».
Le sentiment d'appartenance qui s'exprime par le
« vouloir-vivre en commun » s'enracine dans une histoire et
des souvenirs partagés. Le passé, les luttes communes, la
manière de vivre et de réagir de la même façon, en
définitive le comportement culturel sont autant d'éléments
dans l'appartenance à une communauté nationale .Mais quoi qu'il
en soit, on peut on peut affirmer que la nation dépend moins de
l'hétérogénéité des populations que de la
capacité du projet politique à résoudre les
rivalités et les conflits entre les groupes sociaux, religieux ou
régionaux. De ce point de vue la nation est considérée
comme une quête permanente, un processus qui vise à rassembler
des groupes humains hétérogènes et à, créer
une conscience nationale. Ainsi, les Etats africains ont été
délimités en fonction des frontières coloniales
arbitrairement tracées sans aucune considération des
unités linguistiques ,culturelles ,ethniques ou religieuses des
groupements humains vivant sur les territoires coloniaux. Mais il revient
à ces Etats de construire la nation sur la base de la cohabitation de
populations disparates mais partageant un minimum de sentiment et de
comportement national .La nation une fois en place rétroagit en
confortant l'Etat.
Par ailleurs le mot « conflit » pourrait
renvoyer à une situation sociale ou des acteurs en
interdépendance, soit poursuivent des buts différents,
défendent des valeurs contradictoires, ou des intérêts
divergents ou opposés, soit poursuivent simultanément et
compétitivement un même but. Mais en droit international on
distingue les conflits armés et les conflits non armes. Les conflits non
armés peuvent avoir deux dimensions, soit politique ou diplomatique,
soit juridique. Quant aux conflits armés on distingue les conflits
armés non internationaux (guerres civiles, conflits ethniques, religieux
etc....) opposant l'armée gouvernementale à des mouvements
rebelles et d'autre part les conflits armés internationaux (guerres
interétatiques, guerres d'occupation et guerres de libération
nationale).
Si les conflits de la première génération
c'est-à-dire -les conflits entre Etats- constituent un potentiel de
crise significatif, il n'en revêt pas moins une acuité secondaire
par rapport aux conflits de la seconde génération -c'est-à
-dire les conflits intra-étatiques- qui restent un grand sujet de
préoccupation.
Parmi ces derniers types de conflits on peut justement citer
les conflits identitaires qui se cristallisent sur des appartenances ethniques
et territoriales, linguistiques, confessionnelles et culturelles etc. Tous les
conflits, certes ne sont pas identitaires, mais ils sont très
caractéristiques de notre époque. Il y a conflit identitaire
lorsqu'un groupe social se persuade, à tort ou à raison, qu'il
est menacé de disparaître, soit sur le plan physique, soit sur le
plan politique. Il y a donc conflit identitaire lorsque la survie
réelle ou fantasmatique du groupe est en jeu, quand celui-ci se sent
dépossédé non seulement d'un territoire ou de son
territoire, mais plus grave, lorsqu'il se sent dépossédé
de son droit de vivre, de son identité de sa spécificité.
Il s'agit donc d'un conflit passionnel qui fait appel à une violence qui
peut être sans limite, une violence dans laquelle l'animal humain
retrouve volontiers ses instincts les plus sauvages.
La prise en charge d'une telle étude soulève un
certain nombre d'interrogations : les conflits identitaires remettent-ils
en causent l'unité de l'Etat ? Peut-on dire que le sentiment
d'appartenance à une collectivité nationale, même
imagée est en train de s'estomper au profit d'autres
identités ? Comment user de l'identité pour qu'elle ne soit
plus un obstacle mais plutôt un appui à la consolidation de
l'unité de l'Etat ?
Ce sujet est important à étudier à bien
des égards. D'une part, il nous permet de constater que dans la plus
part des pays battis autour d'une large diversité socioculturelle, la
gestion du pouvoir s'organise souvent dans l'exclusion, voire la
négation des spécificités propres aux minorités.
Ainsi montent les revendications identitaires et s'installent les risques de
déstabilisation.
D'autre part, il nous permet de noter en tout état de
cause que le péril identitaire qui se singularise par une violence
atroce et aveugle n'est pas une spécificité africaine. Quelle
soit linguistique, religieuse ou autres, la question des identités s'est
souvent posée de manière dramatique à travers le monde. De
l' Ex-Yougoslavie, au Timor oriental en passant par la région des grands
lacs, nombres d'Etats se sont trouvés déstabilisés
à partir du moment où des cultures ou des groupes majoritaires ou
dominants ont cherché de manière consciente ou non de s'affirmer
dans la négation ou l'assujettissement d'autres identités. Mais
aujourd'hui, les Etats sont conscients de la gravité de ces conflits et
cherchent à les prévenir .Ainsi le constat général
est le recours à la décentralisation qui est censée
exister dans tout Etat démocratique quelle que soit sa forme en vue de
permettre la participation des groupes identitaires à la gestion des
affaires publiques.
Au-delà de ces précisions, il convient
d'étudier dans une première partie les conflits identitaires
comme facteurs de déstabilisation de l'unité de l'Etat (Chapitre
1) avant de voir dans une seconde partie l'utilisation des identités
comme moyens de renforcement de l'unité (Chapitre 2).
CHAPITRE 1
Chapitre1 : Les identitaires, facteurs de
déstabilisation de l'unité de l'Etat
Aujourd'hui, beaucoup de régions du monde
sont secouées ou sont sur le point d'être bouleversées par
les conflits identitaires. Ces conflits ont trait à la nation, en tout
cas à la définition collective nationale, à
l'identité d'un groupe humain, que cette identité soit
nationale, ethnique ou religieuse. L'émiettement des Etats et
l'émiettement des sociétés politiques sur une base
ethnico nationale, voire religieuse nous fait poser la question de savoir si le
XXIe siècle ne sera pas celui de la balkanisation politique de la
planète et la retribalisation du monde ?
Les conflits identitaires sont des conflits d'une
grande véhémence, car ce sont des conflits qui touchent au
fondement des sociétés, là ou l'imaginaire collectif et
celui de chacun des membres de la société se retrouvent de
façon fusionnelle à savoir la nation. Ils sont devenus pour
longtemps un facteur aggravant de déstabilisation de l'unité des
Etats et sont source d'une grande violence.
Les Etats africains parvenus à l'indépendance
sont presque tous confrontés au même problème en raison de
l'hétérogénéité de la population et de lente
maturation d'une véritable nation .Cette situation est
génératrice de conflits dans la mesure où l'Etat ne
parvient pas toujours à régler le problème de la question
nationale, problème auquel, on le voit aujourd'hui, d'autres Etats sont
également confrontés, en Europe et ailleurs. En fait, selon les
objectifs des groupements qualifiés de peuples, d'ethnies ou de
minorités nationales, le problème est soit celui de la mise en
oeuvre de l'autodétermination, soit celui du respect des droits des
minorités nationales, reconnues par le droit international, notamment
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
L'objectif du peuple en lutte est soit la sécession
pour constituer un Etat nouveau, ou, au minimum, modifier la forme de l'Etat
(fédéralisme), soit obtenir le rattachement à un Etat
voisin (irrédentisme) ou encore une réforme radicale de la
structure du pouvoir, accusé d'organiser la domination d'une ethnie sur
les autres.
En Afrique la construction de l'unité nationale a
été pendant longtemps une nécessité
impérieuse. Pourtant les solidarités tribales, ethniques ou
classiques n'ont pas disparu, elles ont été utilisées
autant par les pouvoirs en place pour mieux asseoir leur domination que par les
populations qui les considèrent comme l'ultime recours pour survivre.
Ainsi de nombreux Etats ont été déstabilisés
à partir du moment où les idées de construction nationale,
d'unité nationale ont servi de prétexte, pour assujettir, exclure
et brimer les autres composantes démographiques de l'Etat qui ne sont
pas au pouvoir. De ce fait les communautés ont tendance à
rechercher leur identité en dehors de la nation en contestant souvent
leur appartenance à la nation, d'où la remise en cause de la
réalité sociologique de l'Etat (section1). En outre, de
manière générale les conflits identitaires
révèlent souvent des Etats fragiles voire, selon l'expression
chère à Zartman des « Etats en faillite
»2(*), largement
déstructurés (setion2)
Section 1 : La remise en cause de la
réalité sociologique de l'Etat
En Afrique la notion de nation est « un concept
moderne, d'importation occidentale »2(*)
L'Etat a souvent précédé la nation or,
l'Etat rassemble en son sein plusieurs ethnies dont les divisions ont
été accentuées par le colonisateur. Ainsi la construction
de l'Etat-nation s'est faite sous la bannière d'une ethnie dominante
qui va interdire l'expression plurielle d'identités différentes
.La construction nationale va être instrumentalisée sous
l'hégémonie de l'ethnie dominante. On voit aujourd'hui les
résultats de cette surimposition ethniciste, violente dans ses
effets ; naissance de guerres civiles, d'irrédentismes car il y a
une quasi-impossibilité à réaliser une véritable
synthèse nationaliste ; soit pour reprendre E .GELLNER
« l'unité de l'appartenance culturelle et du cadre
politique ».3(*)
Ainsi, le sentiment d'appartenance au groupe ethnique,
linguistique, religieux ou régional semble être plus sacré,
plus légitime que celui d'appartenir à l'Etat qui confère
la nationalité.
La violence de l'interethnique, la véhémence de
l'ethnicité est renforcée par les clivages religieux entre
chrétiens et musulmans ou chrétiens animistes.
La conjugaison de tous ces facteurs aboutit à une sorte
« d'empêchement national »4(*)
On a l'impression que le sentiment d'appartenance à
une entité nationale même imagée, s'estompe au profit
d'autres identités et d'autres allégeances. La
réalité étant l'existence de communautés
restreintes, attachées à leurs valeurs .De ce point de vue
l'individu se trouve partagé entre la loyauté à sa tribu,
à son ethnie et à sa religion dont il se sent plus proche et
l'allégeance à sa nation qui lui parait abstraite.
De ce point de vue, les conflits identitaires constituent une
atteinte à la cohésion de l'élément humain de
l'Etat d'une part (paragraphe 1) et entraînent d'autre part
l'effritement de la loyauté envers l'Etat (Paragraphe 2).
Paragaphe1 : Atteinte à la cohésion de
l'élément humain
La crise sociale économique et la crise étatique
sont insuffisantes pour déclencher les conflits identitaires. Pour qu'il
y ait éclosion de l'identitaire, il faut une situation à terme,
sur le plan régional, de menaces ou d'humiliation.
Les conditions de l'identitaire sont en général
liées à des conditions
d'hétérogénéité ethno -culturelle d'une
société. C'est parce qu'il y a un autre qui vit enfermé
avec vous dans le même espace politique corseté par les
mêmes frontières, que la vie devient invivable et que l'un des
deux est appelé à partir ou à mourir. Il ne peut y avoir
de conflit identitaire que lorsqu'il y a
hétérogénéité interne, que cette
hétérogénéité implique la présence de
minorités nationales ou de minorités religieuses. Pareillement,
l'autre possibilité de l'identitaire est la présence d'un
voisinage perçu comme hostile, surtout si ce voisinage soutient, dans
les cas d'hétérogénéité, l'une ou l'autre
des composantes du pays considéré. L'enfermement identitaire
illustre à l'échelle collective la phrase de Jean Paul
Sartre : « l'enfer, ce sont les autres ». La
plupart des crises identitaires se réfèrent à un Etat de
pureté historique et cette référence a pour fonction de
légitimer la destruction de l'autre, perçu comme le perturbateur
ou le menaçant, en tout cas, comme l'empêcheur de
« danser en rond ». Il en résulte que les conflits
identitaires posent le problème du vouloir vivre ensemble qui se
traduit souvent par le fait que la majorité ethnique, religieuse ou
raciale a souvent tendance à exercer son hégémonie sur le
plan politique au détriment des minorités. La tragédie
rwandaise dont a été victime l'ethnie tutsie montre à quel
point la cohabitation entre les ensembles sociaux au sein de l'Etat peut
être problématique. En effet on assiste souvent à une
forte polarisation de la société (A), ce qui conduit souvent
à des luttes sanglantes entre communautés étatiques
(B).
A- La polarisation de la société
Les conflits identitaires entraînent une forte
polarisation des sociétés. En effet dans ces conflits, la
majorité des acteurs, des positions idéologiques et des
configurations sociales tendent à se regrouper au sein de pôles
antagonistes et très marqués. La complexité et la
diversité des interactions sociales tendent à s'atténuer,
au moins dans les discours, au profit d'une séparation de la
société en communautés identitaires ou
idéologiques opposées. Dans une société où
existent plusieurs identités collectives, celles-ci se
reconnaissent dans la société à des signes
extérieurs qui sont parfois impossibles ou très difficiles
à cacher ou à simuler : l'apparence physique, le nom, qui
indique l'origine ethnique, le prénom, qui indique la religion etc.
Dans le cas du Rwanda comme du Burundi, le sentiment de différence a
été le fruit des constructions idéologiques et s'est
appuyé sur des paramètres peu rationnels mais
fonctionnels : la taille, la grandeur et l'épaisseur des narines,
la forme du visage. En Côte d'Ivoire la
politique «d'ivoirité» a été
particulièrement indexée comme une entreprise identitaire qui
aurait contribué à catégoriser les ivoiriens et à
envenimer les rapports sociaux.
De plus l'administration de certains pays mentionne même
l'identité collective sur les papiers d'identité
individuelle : la religion au Liban, l'appartenance aux catégories
hutu ou tutsi au Rwanda.Ceci contribue considérablement à la
polarisation de ces sociétés.
En situation de guerre, ces signes superficiels de
reconnaissance remplissent la même fonction que les uniformes des
armés réguliers. Ils permettent de distinguer au premier coup
d'oeil sur qui on doit tirer et à qui on peut faire confiance. Cette
classification immédiate des gens en groupes identitaires est dans
certains pays, une donnée permanente de la vie sociale, même en
temps de paix. Mais elle devient une préoccupation plus intense en
situation de violence, quand devient vitale la rapidité avec laquelle
chacun peut distinguer l'ami de l'ennemi. C'est pourquoi les groupes
identitaires ont, dans les guerres civiles une efficacité
immédiate que les groupes partisans ou les groupes
socio-économiques n'atteignent qu'après beaucoup d'efforts et
jamais complètement. Et c'est pourquoi aussi la violence renforce
toujours les frontières entre les groupes identitaires. Pour qu'un
conflit devienne violent, il faut généralement qu'il soit devenu
dominant dans une société. Tant au Rwanda, qu'au Burundi tout
est dominé par le problème des relations entre les deux ethnies
hutues et tutsies qui s'affrontent et éprouvent depuis toujours des
difficultés à cohabiter. L'histoire récente des deux pays,
émaillée de heurts violents entre les deux ethnies, de
massacres même, a développé entre hutus et tutsis une sorte
de sentiment de haine viscérale, culturelle et presque devenue
héréditaire. L'autre est ressenti comme l'ennemi naturel et
inévitable et la confiance entre les deux groupes est presque
impossible à imaginer à court terme. Le problème du
Burundi et du Rwanda est en effet appréhendé comme celui d'une
lutte séculaire entre deux ethnies antagonistes. Au Libéria, le
conflit est noué sur la base d'une opposition féroce entre les
congoes (américano-libériens) et les
« natives » (autochtones). Cette opposition trouve son
origine dans la décision prise par les EUA, au début du XIX
è siècle, d'installer dans ce territoire leurs esclaves
libérés ainsi que les esclaves capturés sur les navires
qui se livraient à la traite .Au soudan , le conflit a
divisé la population en deux entités distinctes et antagonistes,
possédant chacune ses particularités :le nord du pays ou
prédomine la culture arabo-musulmane et le sud dont la majorité
de la population a conservé la culture negro-africaine plus ou moins
modifiée par le christianisme .Mais quoi qu'il en soit on peut
retenir que l'administration coloniale à travers la manipulation
anthropologique a largement contribué a la polarisation des
sociétés africaines .En effet après avoir
assimilées les sociétés africaines à des tribus,
l'administration coloniale en a tiré toutes les conséquences pour
opérer une hiérarchisation de la société africaine
de la manière la plus fantaisiste .Cette classification est le fait de
l'ethnologie coloniale dont les précurseurs sont justement les
missionnaires .Dans une sa tentative de cerner la réalité
africaine, l'ethnologie a particulièrement mis l'accent sur les secteurs
sensibles stratégiques de l'époque c'est-à-dire les
groupes ethniques .La démarche se faisait en deux
étapes :
- La première étape consistait à
disséquer autant que possible les groupes humains côtoyés
au nom de cette règle de la différence propre à la
discipline, et qui doit selon les pères fondateurs de l'ethnologie
coloniale régir impérativement les africains.
- La seconde étape de la démarche consistait
à prendre parti, à marquer ses préférences pour
certains groupes ethniques et son aversion pour d'autres.
Cet exercice a, à n'en pas douter, donné lieu
aux jugements les plus fantaisistes qui ne reposent sur aucun
élément objectif sinon sur l'imagination fertile de ses
acteurs.
Incontestablement, le but visé était d'opposer
les groupes ethniques, de faire croire aux uns qu'ils sont meilleurs que les
autres, pour pouvoir ensuite mieux les exploiter. La carte de la division a
été jouée à fond et presque partout en Afrique. Ce
matraquage idéologique a fini par porter ses fruits car les populations
ont intériorisé le mythe et ont tendance à se regarder en
véritable chien de faïence. Les antagonismes ancestraux entre les
groupes ethniques autour desquels ont fait beaucoup de bruit et qui, pour
certains servent à expliquer les tensions et dissensions actuelles entre
groupes identitaires, trouveraient à notre sens leur origine dans cet
exercice périlleux auquel l'ethnologie coloniale n'a cessé de se
livrer. Au-delà de la polarisation des sociétés, les
conflits identitaires entraînent souvent des luttes sanglantes entre
communautés étatiques.
B -Lutte sanglante entre communautés
Les conflits identitaires sont devenus un facteur aggravant
de l'instabilité mondiale et ne cessent de livrer le monde un spectacle
d'horreurs, d'atrocités et de barbarie que la communauté
internationale regarde médusée. En fait, il s'agit de conflits
où s'affrontent des narcissismes collectifs en ce sens qu'ils touchent
à la fois à l'individu et au groupe auquel l'individu appartient
et par lequel il existe .Face aux acides déstructurants de la
modernité, face à la misère économique, à la
désintégration politique, l'identité collective d'un
groupe humain redevient le seul point stable. L'identitaire devient pour la
communauté et pour l'individu un des seuls repères structurants
.Ces conflits opposent donc deux ou plusieurs groupes dont un, au moins, est
persuadé que les autres veulent sa disparition .Pour l'un des groupes au
moins il y a complot et il se perçoit comme victime du complot.
Il s'agit donc de conflits passionnels qui font appel
à une violence qui peut être sans limite, une violence dans
laquelle l'animal humain retrouve volontiers ses instincts les plus
sauvages.
L'été 1994 a montré au monde
horrifié l'ampleur de ce que peut être un conflit identitaire. En
trois semaines, dans un petit pays, le Rwanda, un million de personnes sont
mortes en raison d'un affrontement ethnique. Le carnage dont hommes, femmes et
enfants ont été victimes au cours d'une centaine de jours entre
Avril et Juillet 1994 constitue l'un des événements les plus
abominables qui entacheront à tout jamais le XXe siècle dans la
mémoire des hommes .Les rwandais ont tué des rwandais,
décimant avec férocité la population tutsie du pays, mais
s'attaquant aussi aux hutus modérés. Les tueries furent
exécutées d'une façon horrible très souvent avec
des machettes, des houes et des gourdins cloutés .Des blessés
étaient achevés dans des hôpitaux. Des enfants furent
tués dans des écoles par leurs maîtres, des tueries eurent
lieu au sein des familles. On a l'impression que les tueurs avaient davantage
besoin d'être brutaux quand les victimes sont plus proches d'eux, afin
de se protéger eux-mêmes contre le risque de sympathie ou de
pitié, qui les rendraient incapables de poursuivre leur
« travail »5(*). Ces meurtres aveugles ont entraîné la
désintégration des communautés et des familles et, plus
généralement, brisé la cohésion nationale. A cet
égard le Rwanda constitue en effet un malheureux exemple de
déliquescence de l'Etat.
Hélas, depuis la période des
indépendances, de nombreux autres holocaustes à base de haine
ethnique, confessionnelle ou régionale sont responsables de million de
morts. En Ouganda, il y a eut en vingt ans un million de morts, au Soudan pour
la même période, huit cent mille, les conflits de l'ex -Congo, en
trente ans ont fait des centaines de milliers de morts.
Par ailleurs,plus de deux cinquante mille morts ,tel a
été le chiffre que laisse derrière elle la plus longue
guerre civile du XXe siècle ,la guerre du Liban qui a opposé des
communautés religieuses entre elles ,alors que les protagonistes avaient
tous le même origine ethnique . Par là, le conflit libanais, dans
sa longue horreur, est l'exemple le plus frappant de conflits identitaires
sanglants, prenant ses racines dans des affrontements de nature confessionnelle
.L'acharnement est un point marquant de ces conflits identitaires. Outre
l'intensité même des combats ,la violence se double d'une
quasi-absence des règles d'engagements et de l'inobservance
généralisée des lois de la guerre ( enlèvements
et meurtres de civils ,viols tortures ,massacres ,usage du terrorisme et
l'enrôlement d'enfants soldats ). C'est dire donc que parmi les victimes
de ces conflits, la proportion des populations civiles a tendance à
s'accroître .Ainsi les conséquences humanitaires des conflits
identitaires ont frappé la sensibilité des décideurs
politiques du continent. Les hordes de réfugiés et de personnes
déplacées affrontant quotidiennement la faim, la maladie, la
mort, la déscolarisation que ni les pays d'accueil, ni les
organisations humanitaires n'ont les moyens de prendre en compte, constituent
une équation insoluble.
De surcroît, ces réfugiés constituent une
source potentielle de conflits car dans leurs camps se mêlent criminels
de guerre, combattants déguisés et trafiquants d'armes. Ils
constituent une menace à la fois pour le pays d'origine qui souvent
exerce des représailles sur eux comme c'est le cas des
réfugiés en République Démocratique de Congo et
pour le pays d'accueil dont la sécurité est menacée par
ces représailles et par les trafics d'armes qui sont des
éléments fondamentaux de causalité dans la propagation des
conflits et la déstabilisation des Etats. Les bouleversements
qu'engendrent les conflits identitaires limitent les perspectives d'avenir,
tandis que le déplacement des populations brise les liens familiaux et
communautaires. D'où
un affaiblissement des
mécanismes de frein au comportement opportuniste ou criminel.
D'une entreprise nationale, le conflit identitaire
redevient local, communautaire et populaire. Certains de ces conflits visent la
destruction d'un Etat, d'autres la création d'un nouvel Etat ; ils
ont tous en commun, l'effacement de la hiérarchie pyramidale entre
Etat, armée et société .Cette hiérarchie trinitaire
serait désormais renversée, les deux premiers devenant
l'instrument de la troisième .Ainsi la légitimité
verticale et horizontale de l'Etat en certains endroits, s'estompe, menant
à sa faillite ou à son effondrement. Ce faisant la
loyauté et l'obéissance envers les institutions étatiques
s'effritent.
Paragraphe 2 : l'effritement de la loyauté et de
l'obéissance envers l'Etat
L'identitarisme, particulièrement ethnique, est
beaucoup plus souvent une création des élites, qui
s'approvisionnent, déforment et parfois inventent des aspects de la
culture du groupe q'ils représentent, afin de préserver leur
existence et leur bien être ou pour gagner des avantages politiques et
économiques pour le groupe autant que pour elles-mêmes .Par
conséquent, les conflits identitaires résultent de crises
d'identité et de discrimination. Lorsque celles -ci se manifestent, les
normes de comportement sont sujettes à de profondes remises en cause
(A).En outre, l'armée qui est considérée comme un symbole
de souveraineté, un moyen d'assurer la défense et
l'intégrité du territoire est divisée (B).
A- Des normes de comportement sujettes à
de profondes remises en cause
Les zones identitaires sont des zones où les Etats sont
passés au service d'une minorité, d'une couche sociale
précise et se retrouvent incapables d'assurer le moindre bien
-être économique ou démocratique à l'ensemble de
leurs citoyens. L'identitaire se nourrit donc d'injustice, des frustrations que
l'Etat partage pour le seul bénéfice d'un groupe. A ce stade,
l'identitaire se développe parce qu'il assure non seulement la survie du
groupe social face à une menace plus ou moins réelle, mais parce
qu'il légitime toutes les reconquêtes possibles de l'Etat, que ces
reconquêtes s'effectuent au nom de la nation, au nom d'un ensemble
religieux et culturel, ou encore au nom d'une ethnie. Ainsi dans la plupart des
conflits identitaires les valeurs communes dont l'Etat prétendait
être l'expression sont rejetées ; les règles qu'il
édicte ne sont plus respectées. En effet le consensus social sur
lequel reposent les fondements de la culture politique est rompu. Le contrat
social ne fait plus l'unanimité et provoque des divisions entre
communautés. Les groupes, clans et ethnies se menacent, s'exploitent et
se détruisent les uns les autres menant à un processus de
désintégration rapide de sociétés jusque
-là gérées de façon unitaire (ce qu'on appelle
libanisation.) Toute répression étatique, ou tentative de
renforcer l'Etat s'avère alors futile et provoque une résistance
qui affaiblit encore un peu plus la légitimité de l'Etat, menant
au dilemme des « Etats précaires » d'aujourd'hui, du
Tchad au Rwanda, de l'ex-Yougoslavie à l'Afghanistan. Il y a donc un
désaccord abyssal entre les différentes communautés
identitaires, sur les valeurs fondamentales à l'existence d'une
société de liberté, sur un pouvoir librement consenti et
collectivement partagé, sur un droit senti comme naturel.
Or dans les sociétés où il n'existe pas
un accord sur le vouloir vivre ensemble entre les groupes identitaires, la
nature même des choses et des hommes est remise en cause.
Au Maghreb la crise économique a eu des
conséquences politiques immédiates sur les entités
étatiques qui ont construit, en partie, leur légitimité
sur la capacité à intégrer les nouvelles
générations issues des systèmes éducatifs et
à leur assurer une promotion sociale.
Dans ce cadre la crise des dynamiques de croissance
économiques réduit largement les capacités distributives
des Etats et permet un développement du discours contestataire des
mouvements intégristes depuis la fin des années 70. Cette
contestation sera d'autant plus importante, que l'importation par certains pays
des éléments d'une pratique et d'un symbole de l'Etat occidental
était et continue à être récusée par des
populations encore marquées par l'héritage identitaire islamique
qui refuse toute séparation entre le politique et le religieux. La seule
source de légitimation dans cette perspective réside dans une
parfaite soumission du temporel au spirituel. Cette crise de l'Etat moderne
s'est traduite par une montée de la contestation intégriste et
son évolution vers un affrontement armé entre des groupes
islamistes et les forces régulières de l'ordre. Ainsi
l'Algérie s'est installée dans une situation de guerre civile
larvée. La crise est analysée par le discours
néo-orientaliste comme le résultat logique de l'échec de
la voie « occidentale » de modernité
empruntée par les élites maghrébines après les
indépendances. Cette voie a cherché à couper les pays
maghrébins de leur héritage politique et culturel en imposant des
catégories occidentales dans la gestion du politique .Ainsi, le principe
de laïcité, produit de l'histoire politique occidentale, a
été à la base des constructions étatiques
post-coloniales au Maghreb. Dans cette perspective la crise de la construction
étatique est analysée dans le discours néo-oriental comme
la crise de la greffe des catégories politiques occidentales et
l'échec de l'importation dans ces sociétés de la voie
occidentale de modernité.
Ainsi, en analysant le développement de la contestation
islamiste dans les pays arabes, F. Burgat précise que si l'impact de ce
discours « dépasse largement l'audience de la frange radicale
du courant islamiste ,si des pans entiers du paysage arabe demandent
aujourd'hui à l'unisson cette même « application de la
charia » et que la poussée islamiste est devenu le principe
réorganisateur de la scène politique sur plusieurs continents de
notre monde, c'est que ,bien au-delà de la seule réconciliation
avec le sacré, l'enjeu final de cette demande est la restauration de
tout un ordre symbolique déchu>>6(*).La soumission du politique au religieux à
travers la charia est au coeur des sociétés musulmanes.
L'hypothèse de la spécificité des
sociétés arabo- musulmanes défendue par les
néo-orientalistes dans l'analyse de la crise de l'Etat -nation se trouve
également dans le discours néo-khaldounien7(*).Ce courant soutient
l'idée que les constructions étatiques dans le monde arabe n'ont
jamais pu se débarrasser des « asabiyât »
(solidarités de corps segmentaires)qui se superposent et imposent
même leur logique à ces constructions .Ainsi ,l'Etat moderne dans
le monde arabe , en dépit d'un discours et d'une organisation moderne
,ne serait que l'expression d'une solidarité tribale ,régionale
ou religieux .Pour les néo-khaldouniens,la domination de l'Etat par les
solidarités provient du caractère pluriel et fortement
fragmenté des sociétés arabes. Dans ce contexte, la
solidarité et le lien social sont établis sur la base des liens
de sang ou d'appartenance ethnique. Outre la remise en cause des normes de
comportement, les conflits identitaires emportent également comme
conséquence la division de l'armée.
B- La division de l'armée
Les conflits identitaires qui correspondent à des
situations où le monopôle étatique des armes les plus
puissantes est contesté ou détruit, comportent plusieurs niveaux
d'intensité. Au niveau le plus bas de la violence, la répression
ou le maintien de l'ordre relève exclusivement de la police, et
l'armée peut rester en dehors du conflit. Cependant une telle attitude
n'est pas toujours adoptée par l'armée qui perd souvent son
unité au fur et à mesure du développement des
hostilités .Ainsi la division de l'armée en plusieurs forces
rivales contribue à l'aggravation du conflit. Le Liban a connu une telle
situation lors du conflit de 1975. En effet comme partie aux affrontements,
l'institution militaire ne sera pas impliquée dans le conflit interne
par une décision des pouvoirs publics avant l'été 1983.
Auparavant, en septembre 1975, elle avait été investie d'une
mission « d'interposition ». Mais le développement
des hostilités, et le clivage au sein de la société et de
la classe politique libanaise entre les deux grandes composantes
-chrétienne et musulmane -rejailliront sur une armée dont le
rôle était lui-même l'objet d'une vive controverse. Aussi,
l'armée libanaise subira -t-elle, à plus d'une reprise, des
processus de désintégration dont le résultat sera de
rallier à l'un ou l'autre camp certains de ses éléments
ou unités .Deux phases particulières du conflit seront
marqués par la dislocation de l'armée régulière.
C'est d'abord au cours de l'année 1976 que
différentes fractions de l'armée se distingueront les unes des
autres par leurs prises de position dans le conflit.
D'une manière générale, les forces
loyales au commandant en chef seront amenées à participer
ouvertement aux combats aux cotés des forces libanaises en octobre 1976
.Mais auparavant ou à la même époque, diverses tendances
à l'intérieur de l'armée faisaient leur apparition.
A la fin de janvier 1976 ,dans la Békaa ,un jeune
lieutenant sunnite 8(*)
quitte l'armée libanaise en compagnie de quelques hommes et constitue
une Armée du Liban Arabe -essentiellement musulmane - qui se voulait le
noyau de la future armée libanaise et qui adoptait le programme du
Mouvement National .Soutenu et encadré militairement par le Fath
,aidé financièrement par la Libye ,ce lieutenant allait chercher
à se relier aux parties de gauche, mais se retrouvera ,en
définitive,plus proche des groupes religieux musulmans que du mouvement
national avec l'objectif de refaire l'unité de tous les musulmans du
Liban . Au courant du mois de mars de cette année, une forteresse du
Liban-Sud et une série de casernes du Liban-Sud, de la Békaa et
du Liban-Nord proclament leur allégeance à l'armée du
Liban Arabe, ce qui lui permet de récupérer la majeure partie du
matériel de l'Armée libanaise.
A l'opposé, un autre groupe, l'Armée du Liban,
constitué en juin 1976 par un major chrétien, rassemble des
effectifs désireux de faire pièce à l'Armée du
Liban Arabe. Ainsi l'émiettement de l'armée libanaise a
été un tournant décisif de ce conflit qui sera plus longue
et meurtrière que le précédent.
Par ailleurs en Afrique, on assiste comme l'a si bien
écrit Babacar Sine : « à une armée
tribalisée vivant en son sein les clivages et les contradictions
ethniques qui minent et travaillent la société globale ...Ce
microcosme reproduit en son sein le profond malaise identitaire qui risque de
détruire le tissu social et national encore fragile de la plus part des
pays africains » 9(*)A cet égard, on peut citer entre autres
l'exemple de la Côte d'Ivoire
En effet la Côte d'Ivoire ne fait pas exception
à ce que l'on appelle la clochardisation des armées, à
l'image de beaucoup de pays africains .Cet état de fait n'est pas sans
pouvoir remettre en cause non seulement la suivie du régime, mais
également la paix et la stabilité de la société
toute entière. L'origine de la mutinerie de décembre 1999qui a
porté le général Robert Gueï au pouvoir, tout comme
celle de septembre 2002 n'était pas d'ordre politique au départ
mais plutôt d'ordre corporatiste. En effet, ces mutineries surviennent
à la suite de réclamations de soldats pour l'amélioration
de leurs conditions de vie.
En outre, l'armée ivoirienne souffre également
de l'instrumentalisation de l'ethnicité. Le pays n'échappe pas
à ce phénomène que l'on retrouve dans bon nombre de pays
africains.
Cette « ethnicisation »de l'armée a
pour conséquence majeure la perte du sens patriotique, la disparition de
l'esprit de groupe au sein de l'armée ainsi que l'effritement de la
loyauté envers l'Etat. En effet, le sentiment d'appartenance (ethnique,
régionale, clanique etc.) domine au sein des forces armées qui
sont nationales que de nom.
En fait, le recrutement et l'encadrement des soldats ne
répondent souvent qu'aux critères du
« clientélisme politico ethnique », et cela
s'explique par la volonté des autorités, de mieux contrôler
les soldats afin qu'ils soient faciles à manipuler. Ainsi certains
observateurs ont pu soutenir que les quelques centaines de soldats à
l'origine de la mutinerie et du putsch de décembre 1999avaient
été recrutés par le général Gueï pour
des raisons personnelles .En 2002, la mutinerie qu'elle ait été
ou non à un prétexte au déclenchement des
événements, s'est rapidement muée en une véritable
rébellion. Elle a aussi pris un tour plus politique. Alors qu'au
départ, le mouvement exprimait des intérêts
catégoriels et des frustrations sociales de sous-officiers
marginalisés, le message s'est politisé et
radicalisé : début octobre, les rebelles exigeaient le
départ du président Gbagbo et l'organisation de d'une table ronde
pour évoquer les problèmes et surtout ceux des populations du
nord, en partie la fin des exclusions ethniques, puis la mise en place d'une
période de transition et l'organisation de nouvelles élections.
De surcroît la rébellion a changé de nature en se
structurant et en se dotant, au fil des jours, des attributs d'une
organisation partisane dénommée le Mouvement patriotique de
Côte d'Ivoire (MPCI). De ce fait l'armée ivoirienne sera fortement
divisée. En effet ,une bonne partie des officiers et sous- officiers
ainsi que des hommes de troupes des forces armées nationales de
Côte d'Ivoire (FANCI) est entré en rébellion à
coté des forces nouvelles .On peut citer entre autres ,l'adjudant Tuo
Fozié et le sergent Chérif Ousmane qui commandaient les troupes
rebelles à Bouaké ,l'adjudant chef Massamba Koné ,chef des
rebelles de korhogo,le sergent -chef Irénée Kablan ,le caporal
Diarra Souba et le sergent- chef Souleymane Diomandé.
Pour la plupart, ces chefs rebelles ont un passé
militaire et politique en commun. A l'instar de Fozié, ils ont
été recrutés dans le fameux corps d'élite de la
FIRPAC (force d'intervention rapide parachutiste commando) et ont
été formés sous les ordres du général
Gueï et ont été parmi les « jeunes
gens » les plus actifs du coup d'Etat de 1999. Sous un autre
registre, au Nigeria, les clivages régionaux qui apparurent
immédiatement après l'indépendance, en détruisant
l'unité de l'armée, furent à l'origine du coup d'Etat de
1966 .Au cours de cette période des factions militaires se sont
constituées sur base de l'appartenance ethnique et régionale
.Sans doute les intérêts régionaux recouvrent -ils souvent
des revendications liées à l'appartenance ethnique. Après
avoir mis l'accent sur l'effritement de la loyauté et de
l'obéissance envers l'Etat, il urge maintenant de mettre l'accent sur la
déstructuration de l'Etat.
Section 2 : La déstructuration de l'Etat
D'une manière générale, les conflits
identitaires révèlent des Etats fragiles.
En effet la situation de conflit armé entraîne
une rupture de la démocratie qui laisse la voie à des pratiques
telles que la rupture de la légalité interne, la
désintégration de l'Etat de droit et la corruption
hypothéquant de ce fait le fonctionnement régulier des
institutions.
A cela s'ajoutent les phénomènes de
recomposition territoriale et l'effacement du rôle institutionnel de
l'Etat dans son monopôle sur l'usage de la force. L'Etat en certains
endroits s'apparente à une entité chaotique ingouvernable. Un
Etat comme la somalie a purement et simplement cessé d'exister en tant
qu'ensemble politique organisé. En outre, certains Etats ont perdu au
cours des dernières années, à des degrés divers,
pendant des périodes plus ou moins longues, le contrôle d'une
partie de leurs territoires. Le processus en cours qui vise à rassembler
des groupes humains hétérogènes et à créer
une conscience nationale n'est pas parvenu à son terme .De ce fait cette
situation a joué un rôle décisif dans la mise en marche du
processus de décomposition des structures étatiques.
Il est donc loisible de constater que les conflits
identitaires entraînent d'une part la destruction des bases
institutionnelles (paragraphe1) et d'autre part la destruction des bases socio
juridiques de l'Etat (paragraphe2).
Paragraphe 1 : La destruction des bases
institutionnelles
La destruction des bases institutionnelles est perceptible
à travers la destruction des biens publics (A) et la paralysie des
institutions (B).
A- La destruction des biens publics
Au plan matériel les conflits identitaires sont
l'occasion de détruire les infrastructures, en un mot l'outil de
production.
A l'exception notable du Rwanda où le Front
Patriotique Rwandais dans sa stratégie de conquête du pouvoir a
délibérément épargné les infrastructures des
effets de la guerre, dans tous les autres conflits la destruction de ce qui a
été construit au prix de maintes sacrifices et qu'il faudra
réhabiliter après la guerre est systématique.
Les principales pertes pour l'économie
engendrées par les conflits identitaires ne proviennent cependant pas
autant du gaspillage lié au détournement des ressources que des
dommages causés par ces mêmes ressources lorsqu'elles sont
utilisées pour alimenter la violence .Le coût le plus
évident résultent de la destruction des infrastructures. Au cours
de ces conflits, les forces rebelles prennent pour cible les infrastructures
matérielles du pays : cela fait partie de leur stratégie
.Les cibles privilégiés sont les moyens de communication et
d'approvisionnement de l'ennemi, tels que les systèmes de
télécommunication, aéroports, installations portuaires,
routes, chemins de fer, usines, mines de matières et ponts etc. Dans le
conflit ivoirien, des sites d'importance stratégique pour le
contrôle des villes ont été les cibles principales des
insurgés. Il s'agissait pour l'essentiel des casernes, des armures, des
écoles de police et de gendarmerie.
Ces destructions matérielles résultent de la
volonté farouche de détruire les biens publics et les ressources
essentielles de l'économie pour affaiblir le gouvernement .Il
résulte de cette atteinte aux infrastructures une chute de la production
agricole, industrielle et artisanale. Même dans les Etats où le
secteur minier est l'objet de convoitises, la production chute vertigineusement
au profit de circuits de contrebande à travers d'autres pays. Outre
cette destruction systématique des infrastructures stratégiques,
les troupes tant rebelles que gouvernementales pillent et détruisent
maisons, écoles et hôpitaux. Dans certains pays des
équipements dans le secteur de l'agriculture, de la communication et de
l'administration ont été détruits. Au cours du conflit
qui a déchiré le Libéria dans les années 1990,
toutes les grandes infrastructures ont été endommagées et
saccagées. Monrovia, le port le plus important, a subi des dommages
majeurs dans les premiers mois du conflit ; la plus part des
installations de la Liberian Electricity corporation permettant l'alimentation
en électricité du pays ont été détruites et
les systèmes de distribution et de transmission ont en majeur partie
disparu.
L'infrastructure est un facteur essentiel du
développement économique de sorte que sa destruction à une
telle échelle ne peut que réduire les revenus du pays. Mais en
plus de cette destruction des biens publics on assiste souvent à la
paralysie des institutions.
B -La paralysie des institutions
Les conflits identitaires ont souvent pour conséquence
une forte instabilité politique et une crise institutionnelle profonde
qui empêchent à l'Etat de fonctionner ou de mettre des
administrations en place. Certains de ces conflits ont plongé les
institutions étatiques dans une crise systémique qui a abouti
à l'effondrement de certains Etats. Il s'agit d'une
« situation où la structure, l'autorité, le droit et
l'ordre politique se sont émiettés et ont besoin d'être
recomposés ». 10(*)L'exemple le plus caractéristique de cette
situation est la Somalie. Depuis janvier 1991, cet Etat de la corne de
l'Afrique n'a plus de gouvernement
Central. Cette vacance du pouvoir a conduit à la
fragmentation du pays en une douzaine de « fiefs » dont les
« autorités » se concurrencent et se
recoupent11(*) . Depuis,
le pays ne s'est pas toujours remis et continue de constituer une entité
politique ingouvernable. Du point de vue juridique ,c'est l'existence
même de l'Etat qui est compromise du fait de l'écroulement de
l'édifice institutionnel servant d'assise au pouvoir politique .En fait
l'Etat somalien est victime de la dépravation qui conduit
inéluctablement à une sclérose de tout régime
juridique . Le droit officiel dans sa conception organico-formelle est
toujours en vigueur mais sans effectivité, sans efficacité,
à la limite inutile. Une telle situation a conduit à
l'éclatement de la nation ; du moins celle qui est en construction
.Il en résulte une certaine remise en cause du sentiment collectif du
vouloir vivre ensemble : la société en tant que groupe se
fragmente.
Mais dans toutes les crises institutionnelles, les textes en
vigueur se sont révélés inappropriés. En
République Démocratique du Congo chaque fois, il a fallu
élaborer un nouveau cadre juridique et une constitution ad hoc les deux
exemples les plus récents sont la conférence nationale souveraine
et le dialogue inter congolais.
Par ailleurs, Martin Lowenkopf résumait l'effondrement
de l'Etat avec l'exemple du Libéria en ces termes :
« non seulement l'Etat est absent dans sa fonction d'ordre et de
légitimité mais la société a volé en
éclats, la nation est fragmentée, la population dispersée
et l'économie en ruine. De plus, alors que l'Etat est vacant, ni ordre,
ni pouvoir, ni légitimité ne sont transmis à des groupes
(même si plusieurs organisations existantes pouvaient évoluer
dans ce Sens). La réalité et le symbole du pouvoir sont tous deux
à qui veut les prendre parmi les factions armées qui se
combattent »12(*) .Eu égard à ces précisions, il
importe de mettre l'accent sur la destruction des bases socio juridiques.
Paragraphe 2 : La destruction des bases socio
juridiques
Outre la destruction des bases institutionnelles, les
conflits identitaires produisent souvent deux autres résultats
essentiels : le découpage de l'espace géo humain en
« zones d'influence diverses » ou morcellement du
territoire (A) et l'éclipse des pouvoirs publics au profit des pouvoirs
de fait (B).
A : Le morcellement du territoire
Sur le plan militaire, les principaux affrontements
générés par les différentes sphères et
phases conflictuelles aboutissent souvent à diviser le territoire selon
plusieurs lignes de démarcation géopolitiques.
De façon générale les conflits
identitaires ont entraîné la désintégration de
certains Etats. Ainsi dans une telle situation les frontières de la
souveraineté de l'Etat sont brouillées, son territoire
morcelé en zones contrôlées par le gouvernement et la
dissidence armée. Chaque zone disposant de ses propres droits et
franchises et gérant de manière autonome ses
intérêts diplomatiques, commerciaux, financiers et militaires .En
Côte d'Ivoire le conflit a abouti à un partage du territoire. Les
rebelles du MPCI contrôlaient un peu plus de la moitié du nord du
pays (Bouaké, Korhogo, Katiola, Odienné et
Ferkessédougou). Les rebelles de l'Ouest exerçaient un
contrôle sur les régions frontalières avec la Guinée
et le Libéria. Le gouvernement contrôlait quant à lui la
partie côtière, c'est-à-dire Abidjan, Yamoussoukro, Dalao,
Agboville, Gagnoa et San Pedro .La ligne de démarcation
était contrôlée depuis la signature du cessez le feu du 17
Octobre 2002, à la fois par le gouvernement et les rebelles du MPCI, et
par les forces françaises présentes sur le terrain. La ville de
Bouaké (deuxième ville du pays avec plus de 560.000 habitants),
est rapidement devenue un point avancé dans le dispositif de
déstabilisation des institutions et des structures de l'Etat ivoirien.
Appelée capitale des populations d'ethnie
Baoulé, Bouaké fut sous le contrôle des forces
armées des forces nouvelles dès le déclenchement du
conflit de 2002et ce, jusqu'en 2007.
Les rebelles du MPCI ont tenté de s'organiser et
d'asseoir leur autorité sur le territoire dont ils étaient
maîtres dans le Nord du pays. Ainsi, ils délivraient des laissez
-passer portant l'entête et le cachet du MPCI. De plus, ils avaient
établi des centres d'opération dans la plus part des
localités q'ils contrôlaient : « sortes
d'état- major » dans les villes occupées par les
rebelles, ces centres étaient installés dans les casernes
militaires, les brigades de gendarmerie ou encore dans les bureaux de
préfecture.
A ces nombreux fractionnements s'ajoute la mutation de la
division administrative organique institutionnellement établie vers une
redistribution géo humaine à base communautaire provoquée
par le conflit. En effet, les structures de l'administration centrale de l'Etat
et les collectivités locales qui recouvraient un espace
géographique dont le tissu social était pluricommunautaire vont
subir de profonds changements morphologiques. Les combats et affrontements
fortement empreints de l'animosité ethnique entraînent des
transferts de population dans le sens d'une homogénéisation
communautaire.
La Somalie ne fait plus la une de l'actualité et
pourtant ce pays connaît aujourd'hui des processus de
déstructuration géopolitique parmi les plus acharnés
qu'ait connu le XXè siècle. L'ancienne Somalie n'existe plus et
a laissé la place à cinq ou six entités
contrôlées par les factions rivales qui chacune
bénéfice d'appui de pays de la région ainsi que l'aide des
grandes puissances. En une vingtaine d'années, le monde somalien sera
ainsi passé d'un pansomalisme armé et agressif à une
parcellisation clanique tout aussi armée, offrant un exemple assez rare
de la disparition d'un Etat en même temps que d'un chaos social profond
alors même que l'ensemble des populations est d'une grande
homogénéité ethnique. Il faut certainement trouver la
raison dans le fait que la société somalienne, malgré les
discours officiels, n'a jamais atteint le stade d'Etat-nation
consolidé .De ce fait l'implosion sociale a entraîné
une anarchie géopolitique dans une zone hautement stratégique.
Au libéra, en 1990, date de la première
intervention de l'ECOMOG, et Octobre 1992, le territoire libérien
était partagé en deux zones. L'une, sécurisée par
les casques blancs de l'ECOMOG autour de Monrovia, était en
théorie administrée par les institutions de transition
patronnées par la force d'interposition sous-régionale .Ainsi le
mandant de l'Intérim Government of National Unity (IGNU) et de son
successeur à partir de 1994, le Liberian National Transition Government
(LNTG), restait limité à la région de Monrovia, et cela,
uniquement grâce au soutien de l'ECOMOG. Le reste du pays était
aux mains du NPLF, qui créa alors son propre gouvernement à
Gbarnga, dans le centre du pays. En 1992, année où
l'étendue de ses conquêtes a culminé, Taylor
maîtrisait donc la majeure partie du territoire du Libéria, une
partie de la Guinée et de la Sierra Léone, dans une entité
dite « Grand Liberia », dont le centre était
situé à Gbarnga. Le territoire de Taylor pouvait se
prévaloir de détenir sa propre monnaie et son propre
système bancaire, un réseau de radio et télévision,
des terrains d'avions et jusqu'à 1993, son propre port.
Ces développements démontrent la pertinence
analytique limitée de la dichotomie Etat- société ou
d'autonomie de l'Etat nécessaire pour la création de
bureaucraties prévisibles et efficaces. Ainsi au cours de ces conflits,
les pouvoirs centraux (ou les instances censées tenir un tel rôle)
ont-ils été incapables de contrôler l'ensemble du
territoire national. Les conflits identitaires ont tendance à mettre en
jeu des Etats sans contrôle efficace sur leur territoire. C'est dire donc
que des mouvements d'insurrection peuvent exercer un contrôle efficace
sur les territoires situés de part et d'autre et de ce fait favoriser
la multiplication des pouvoirs de fait.
B- La multiplication des pouvoirs de fait
La rupture de l'idée de droit en paralysant l'Etat et
ses institutions cède le champ des prérogatives de la puissance
publique aux pouvoirs de fait. A l'ordre public sera substitué
l'équarrissage du territoire entre les innombrables formations
armées qui,selon leur importance ,étendront chacune leur
autorité soit sur quelques quartiers seulement à
l'intérieur de certaines de certaines villes ,soit sur des
régions plus étendues lorsque ce phénomène
coïncide avec la redistribution communautaire de l'espace. Ainsi on
assiste à la partition du territoire étatique en
différents « fiefs » contrôlés par des
seigneurs de la guerre qui se suppléent à l'Etat et font main
basse , dans les zones qu'ils contrôlent,sur les circuits
économiques et développent leurs propres normes sociales et
pratiquent administratives. Dans les régions contrôlées par
les gouvernements ,généralement la capitale et les villes proches
,la corruption devient une règle d'administration publique. Aux yeux
des factions et des chefs militaires, l'Etat devient une fiction que l'on subit
et dont on cherche à tirer profit. Dans la logique de la contagion des
conflits, les frontières poreuses et fictives sont devenues de
véritables passoires pour tous les mouvements rebelles. De fait les
Etats voisins empiètent sur la souveraineté de l'Etat en
décomposition en s'ingérant directement dans la politique .A cet
égard on note de plus en plus une intervention directe d'Etats
africains dans ces conflits soit pour aider les pouvoirs en place soit pour
appuyer les groupes rebelles ou insurgés.
Le Congo fournit l'exemple le plus symptomatique avec
l'implication de huit Etats africains dans ce conflit.
Par ailleurs, les conflits identitaires ont
débouché sur l'avortement du projet démocratique
amorcé au sein des Etats. Des « principautés
militaires » ont vu le jour au Rwanda, et en Ouganda avec comme
caractéristique principale l'usage récurrent de la force dans la
mise en oeuvre de leurs stratégies politiques internes et externes. Dans
le cas du Libéria, certains auteurs vont jusqu'à identifier un
« Etat fantôme » (shadow state), qui remplit un
certain nombre de fonctions étatiques sans en assumer les obligations.
Ainsi le NPLF de Taylor a-t-il cherché à assumer des
responsabilités étatiques officielles, en se dotant d'une
constitution, des ministères, d'une monnaie.
Ces conflits fragilisent considérablement
l'autorité centrale dans bien des pays.
La perte de l'Etat du monopôle de la violence a mis
à nu la faiblesse de construction étatique. Les conflits
identitaires sont d'autant plus menaçant qu'il s'agit le plus
souvent de conflits mettant aux prises des fronts ou des milices souvent
indisciplinés qui dérivent à l'occasion vers le
banditisme, pratiquent la prise de butin, enrôlent des enfants, s'en
prennent aux civils sans défense et n'hésitent pas à
recourir aux formes extrêmes de violence, au pillage de l'aide
humanitaire provoquant ainsi le déplacement des populations. Bref la
population est devenue l'otage d'un groupe.
De façon générale on peut retenir que les
conflits identitaires constituent aujourd'hui des facteurs aggravants de
déstabilisation de l'unité des Etats. En effet, le conflit
identitaire est perçu comme la manifestation de la fragmentation
politique, le résultat de la désintégration ou de la
reconfiguration d'entités politiques .Dès lors, il urge de
réfléchir sur la meilleure manière d'user de
l'identité pour qu'elle ne soit plus un obstacle mais plutôt un
élément de renforcement et de consolidation de l'unité de
l'Etat.
CHAPITRE 2
Chapitre2 :L'utilisation des identités
comme moyens de renforcement de l'unité de l'Etat
La reconstruction de l'Etat domine la préoccupation des
entités africaines, depuis surtout le lancement du renouveau
démocratique. Le succès de ce processus est lié aux types
de remèdes apportés aux causes de l'effondrement des
systèmes politiques et de l'autorité de l'Etat. Dans ces pays
issus de la colonisation, les identités sont souvent indexées
comme l'un des obstacles majeurs au fonctionnement de la
société.
L'option levée dans la plupart de ces Etats est celle
du rejet des identités qualifiées de source de tensions et de
conflits. L'édification de l'Etat parait à l'opposé de
toute reconnaissance de la participation des groupes identitaires à
l'exercice du pouvoir.
Ce rejet se concrétise souvent dans les
différentes constitutions organisant le pouvoir de ces pays. Les
groupes identitaires n'acceptent pas non plus cette mise à
l'écart d' où l'éclosion des conflits identitaires. Ainsi
c'est cette résistance qui donne aux hommes politiques
l'opportunité d'exploiter le phénomène identitaire comme
moyen d'accession, d'exercice et de conservation du pouvoir.
Cette utilisation politicienne des identités explique
les tensions et les conflits divers qui émaillent l'histoire du
continent.
Eu égard à cette situation, les Etats cherchent
des voies et moyens de leur nouvelle édification. Dès lors, il
convient de se questionner sur la meilleure manière d'user de
l'identité pour qu'elle ne soit pas un obstacle mais un appui à
la consolidation de l'unité de l'Etat.
La diversité des groupes ethniques, religieux ou
linguistiques dans un pays peut représenter sans doute une assurance,
sinon contre les conflits identitaires, du moins contre le risque qu'ils
dégénèrent en guerre civile. Et quand celle-ci a lieu
malgré tout, cette diversité peut y jouer un rôle
modérateur.
Ce n'est pas, comme on le pense souvent
l'hétérogénéité culturelle, linguistique ou
religieuse qui est dangereuse pour la paix civile ; c'est le refus
d'accepter cette hétérogénéité et la
volonté de réduire à un seul affrontement entre deux
groupes homogènes la diversité des groupes, des
intérêts et des conflits qui existent normalement dans une
société.
Ainsi, il nous semble que l'utilisation des identités
comme moyens de renforcement de l'unité de l'Etat passe
nécessairement par la reconnaissance et la participation des groupes
identitaires à la gestion des affaires publiques (section1) et par le
développement de stratégies destinées à submerger
les identités locales au profit d'une identité nationale
dominante (section2)
Section1 : La reconnaissance et la
participation des groupes identitaires à la gestion des affaires
publiques
La reconnaissance et la participation des groupes identitaires
à la gestion des affaires publiques constituent en réalité
un gage pour la préservation de la paix et de l'harmonie
sociale .En effet lorsque les groupes de population minoritaires sont
assurés de leurs droits ,lorsqu'ils peuvent participer pleinement
à la vie politique ,économique et sociale de leurs pays,lorsque
leur apport culturel est reconnu ,ils acquièrent alors le sentiment de
sécurité indispensable à l'élimination de la
tension et des conflits entre groupes identitaires.
Nous allons donc mettre l'accent successivement sur la
reconnaissance des identités dans l'affirmation de l'Etat-nation
(paragraphe1) et la participation des groupes identitaires à la gestion
des affaires publiques paragraphe2).
Paragraphe1 : La reconnaissance des identités
dans l'affirmation de l'Etat-nation
Cette reconnaissance passe nécessairement par la prise
en compte des spécificités propres à chaque groupe
identitaire (A) et par l'éducation à une culture citoyenne
(B).
A- La reconnaissance des
spécificités propres à chaque groupe
identitaire
S'il est une spécificité qui est
irréductible aux sociétés africaines d'hier et
d'aujourd'hui, c'est bel et bien la reconnaissance de la diversité des
nations ou des peuples, des langues, des cultures, des territoires etc.
Certes la colonisation européenne a détruit
systématiquement les appareils de l'Etat multinational et
balkanisé les nations et les territoires correspondants. Mais elle a
créé de toutes pièces, une multiplicité
d'entités politiques chevauchant une multitude de nationalités
dont la superposition complexifie encore la situation d'antan.
Ainsi dans de telles circonstances, il va de soit que la
volonté de vivre ensemble est liée au respect de l'autre, tel
qu'il est selon sa culture. Tel est le postulat qui a conduit à la
création, par les sociétés plurales, du droit à la
différence, pour utiliser le langage d'aujourd'hui.
Celui-ci est à la fois un droit de l'homme et un droit
des peuples car il reconnaît à toute personne humaine et à
toute nation ethnique, le droit de pratiquer sa langue, sa religion, sa
culture, de revendiquer son appartenance national-ethnique et de la
défendre s'il y a lieu.
C'est dire donc que l'unité nationale doit être
fondée sur l'égalité et le respect mutuel, la
tolérance et l'interdépendance des différentes
communautés, la lutte contre le tribalisme et la géopolitique. C'
est pourquoi la démocratisation de la société, qui
privilégie la loi du plus grand nombre, ne peut ignorer les droits des
minorités.
L'identité culturelle de chaque communauté doit
être reconnue et préservée en d'un enrichissement mutuel
.A cet égard l'assemblée générale des nations unies
a adopté le 16 décembre 1966 ,le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques dont l'article 27 dispose
que : « dans des Etats où il existe des
minorités ethniques ,religieuses ou linguistiques,les personnes
appartenant à ces minorités ne peuvent être privées
du droit d'avoir avec les autres membres de leur groupe leur propre culture ,de
professer et de pratiquer leur religion ,ou d'employer leur propre
langue ». Ainsi force est de constater que la reconnaissance des
spécificités propres aux groupes identitaires constitue à
bien des égards une condition « sine qua non»
à l'édification d'une véritable nation. Toutefois, il y a
lieu de préciser que la prise en compte de ces
spécificités se doit d'être globale et non exclusive les
uns des autres, pour favoriser un dialogue au sein des Etats africains.
Le refus du droit aux différences ethniques,
religieuses ou linguistiques se révèlent être l'une des
erreurs les plus lourdes de conséquences héritées du
passé politique de l'Afrique .Ce refus de la différence est en
effet allé de pair avec une répression qui, partout a abouti
à des conflits .Ainsi la force du lien ethnique, religieux, linguistique
est un facteur décisif qu'il faut se garder de sous-estimer d'où
la nécessité d'une culture citoyenne.
B- L'éducation à une culture citoyenne
La démocratie ne se réduit pas à un jeu
d'institutions. Elle est d'abord et avant tout, une certaine vision de la
condition humaine. C'est la vision en vertu de laquelle l'homme est tenu pour
apte à gérer sa condition d'être libre, c'est la question
de la construction de la citoyenneté.
La citoyenneté est une notion importante dans la
mesure où elle définit les éléments constitutifs
d'un Etat démocratique et indique les relations entre le pouvoir de
l'Etat et les individus. Selon Malcom Waters13(*), elle explique clairement les procédures et
les différentes pratiques définissant les relations entre
l'Etat-nation et ses composantes individuelles .La citoyenneté suppose
non seulement la disparition progressive de l'utilisation arbitraire du pouvoir
de l'Etat, mais également la relégation de ce que l'on a
appelé « la démocratie pro forma », dans
laquelle les citoyens « normaux » sont dirigés par
des soi-disant partis de masse ,des partis uniques nationaux, des mouvements
nationaux de libération etc. ayant à leur tête des
dirigeants autocrates qui définissent et leur imposent un comportement
particulier. IL nous semble que la démocratie devrait être
liée aux droits du citoyen à vivre ses propres aspirations et
programmes.
La citoyenneté pensons -nous, ce n'est pas seulement un
statut juridique qui crée des droits et des devoirs, elle est aussi, et
surtout un mode de division du travail politique .A ce titre, elle implique
un certain type de comportements fondés sur la tolérance, la
modération et la participation volontaire aux débats
politiques.
C'est pourquoi, nous pensons qu'à la suite de Guy
Hermet que « c'est la pratique de la citoyenneté qui fait le
citoyen, non l'introuvable citoyen préfabriqué qui imposerait la
citoyenneté »14(*). C'est dire que la citoyenneté exige une
certaine culture, une culture démocratique. Et cette culture citoyenne
se révèle plus que nécessaire dans les pays africains. Le
problème de la citoyenneté c'est que, même si elle
définit les conditions d'une égalité formelle, elle
structure et institutionnalise les inégalités reproduites
socialement.
Waters montre par exemple que dans les sociétés
capitalistes :
« la citoyenneté subdivise la
société en plusieurs individus souverains et les
réintègre dans une nation .Les relations
d'inégalité de classe ou de statut sont évacuées,
et une structure ainsi q'une idéologie d'objectifs communs sont
superposées »15(*).La construction de la citoyenneté
nécessite donc ,part conséquent ,une lutte de tous les instants
contre les privilèges dont bénéficient certaines classes
et certains groupes ,du fait du contrôle qu ils exercent sur les
ressources et /ou le pouvoir . On peut donc affirmer que la citoyenneté
exige une plus grande considération pour les droits des peuples ou des
minorités. Faute de quoi les minorités seront toujours
tentées de se replier derrière les identités telle que
l'ethnie, or une démocratie ne saurait se bâtir et
s'édifier sur une ethnie, mais sur la citoyenneté et
l'adhésion aux valeurs républicaines .Seulement cette
éducation à une culture citoyenne pour gagner en
crédibilité doit être menée par un gouvernement
légitime.
De ce fait au-delà de la reconnaissance des
identités dans l'affirmation de l'Etat-nation, il appartient aux
gouvernants d'assurer la participation des groupes identitaire à la
gestion des affaires publiques.
Paragraphe2 : La participation des groupes
identitaires à la gestion des affaires publique
Deux axes peuvent être explorés : le recours
à la décentralisation (A) et représentativité des
groupes identitaires au niveau du pouvoir central (B).
A- Le recours à la décentralisation
La décentralisation se présente aujourd'hui
comme une évidence généralisée dans la plupart des
régions du monde .Ainsi, cette forme d'organisation du pouvoir qui est
censée exister dans tout Etat démocratique quelle que soit sa
forme -unitaire ou fédérale -, peut être
considérée comme une modalité de prévention des
conflits. Elle permet en effet à des citoyens de participer à la
base à la gestion des affaires publiques et de se sentir
concernés par le devenir de leur Etat. De ce point, l'objectif de la
décentralisation est de garantir la démocratie,
l'égalité et la concurrence loyale des citoyens, la
pluralité et la libre expression de leur diversité, le maintien
de l'ordre publique et de la cohésion sociale.
Les collectivités locales apparaissent ainsi comme de
mécanismes institutionnels intermédiaires, des structures -relais
de promotion et de sauvegarde du dialogue sociale et de la démocratie.
Cependant il est vrai que dans la plupart des pays africains, les
problèmes liés à l'insuffisante alphabétisation des
ruraux, à la faiblesse des finances locales, à la
géographie administrative, limitent la portée de la
décentralisation. Néanmoins, force est de reconnaître que
par l'organisation d'élections libres et transparentes, les populations
ont le sentiment de maîtriser leur destin et ont ainsi un
dérivatif à la violence.
La décentralisation n'est pas, il est clair un antidote
contre la violence mais contribue à la prévenir .Elle permet
surtout de prendre en compte des particularismes régionaux et de leur
conférer la possibilité de s'exprimer. A cet égard la
décentralisation pourrait constituer une solution aux multiples
problèmes de sécession qui se posent à de nombreux pays.
En effet les populations d'une région, d'une commune
urbaine ou d'une communauté rurale pourront mieux résoudre
leurs problèmes à travers la décentralisation.
Au Mali, en 1972, une sécheresse persistante s'installe
dans la zone sahélienne. Ainsi les populations du nord, qui sont des
éleveurs transhumants, perdent leur cheptel, symbole de richesse
économique et culturelle. La solidarité nationale est bien en
deçà des attentes des populations. Les jeunes, en particulier, se
retrouvent sans occupation génératrice de revenus et sans
perspective d'avenir. Des milliers de jeunes Touaregs émigrent alors
vers la Libye où ils sont enrôlés dans la Légion
islamique et reçoivent une formation militaire et idéologique.
Tous ces facteurs donnent aux populations du Nord un sentiment
d'abandon par l'Etat, ce qui favorise l'émergence d'un mouvement
irrédentiste animé essentiellement par des jeunes qui
déclenchent des opérations militaires à partir de 1990. La
réponse est une répression violente et aveugle. Les
régions du Nord sont pratiquement sous état de siège. Mais
cette option militaire s'avérant inopérante, le gouvernement est
obligé de négocier.
Ces négociations interviennent dans un contexte
où les Maliens se sont débarrassés du régime
militaire en mars1991 et sont engagés dans un débat national pour
construire un état de droit et approfondir la démocratie.
Dès le mois d'avril 1992, le Pacte national de paix avec les Touaregs
est signé, promettant la fin de cette rébellion qui a
entraîné l'exil de centaines de milliers de Touaregs maliens. Le
Pacte National recommande l'intégration des ex-rebelles dans les
services publics et dans les activités socio économiques,
l'allégement du dispositif militaire dans les régions du Nord,
mais surtout la mise en oeuvre du programme de décentralisation avec un
statut spécial pour les régions du Nord etc.
Au cours des négociations, les éléments
de la rébellion obtinrent du gouvernement le principe d'un traitement
spécial intérimaire de leurs régions. Les instruments
d'administration intérimaire mis en place par le Pacte dans cette partie
du pays anticipaient la décentralisation. En effet, au plan
institutionnel, ils mettent en place dans les différentes
circonscriptions de base, les arrondissements, un Comité Transitoire
d'Arrondissement (CTA) qui associe à la gestion locale des parties
concernées les populations à travers leurs leaders
communautaires. Les collèges transitoires d'arrondissements ont
été dans le Nord Mali une première forme de
responsabilisation des communautés dans la gestion de leurs affaires.
La décentralisation, assurant aux communautés
rurales et urbaines des pouvoirs très importants d'auto administration,
d'autogestion et d'autopromotion, répond ainsi correctement à
une revendication fondamentale des rebelles. Cette décentralisation
signifie alors une plus grande déconcentration du pouvoir en faveur
des régions du Nord par rapport au pouvoir central.
En réalité le Nord sera le premier terrain
d'expérimentation de la politique de décentralisation au Mali,
qui plus tard sera étendu à l'ensemble du pays.
Par ailleurs, il ne serait pas inutile de rappeler que le
conflit casamançais avait occasionné une politique de
régionalisation même si une telle politique ne s'est pas
révélée très concluante.
Aujourd'hui avec la fin de l'Etat de providence, l'heure est
venue de responsabiliser les autorités locales pour répondre aux
besoins des populations rurales, en les associant de plus en plus à la
résolution des problèmes qui les concernent.
L'Etat doit donc accorder une réelle autonomie aux
collectivités locales, tout en leur apportant le soutien logistique,
matériel et financier dont elles pourraient avoir besoin.
La réussite de la décentralisation dépend
en grande partie de l'engagement politique des gouvernements, sans une
volonté politique clairement exprimée, elle risque de rester
toute théorique. En outre, la représentativité des groupes
identitaires au niveau du pouvoir central doit être une des
préoccupations des Etats en vue d'assurer l'harmonie et la paix sociale.
B- La représentativité des groupes
identitaires au niveau du pouvoir central
Dans les sociétés où il existe plusieurs
groupes identitaires, il importe que les institutions assurent la
représentativité et la visibilité de tous les peuples
formant la mosaïque. On aboutira alors, comme le dit Jacques Eseng Ekeli
à un Etat plus légitime, plus efficace et plus
sûr, « un Etat de droit qui ne peut évidemment
prospérer qu'à condition que la population se reconnaisse en lui,
ce qui suppose la constitution d'une image nationale suffisamment
consistante ». La présence des représentants
des groupes minoritaires dans les structures de l'Etat notamment au niveau du
pouvoir central accroîtrait la représentativité et la
légitimité de celles-ci, et empêcherait aux leaders
politiques de mener leur combat au nom des identités.
De la sorte, le leadership politique serait
séparé du leadership ethnique, religieux ou régional pour
atténuer les tensions et les conflits au sein de l'Etat.
La recherche du mode d'intégration des
communautés identitaires au niveau du pouvoir central exigerait de
l'Etat, de concevoir un régime politique sui generis correspondant
à sa réalité sociale et historique.
Pour ce qui concerne les particularismes ethniques plus
particulièrement, seule leur prise en compte au niveau du pouvoir
central permet de les surmonter efficacement.
Au Burundi, le facilitateur Nelson Mandela a eu, pour
surmonter le clivage ethnique entre tutsis et hutus, à proposer une
formule originale de partage du pouvoir, retenue dans l'accord de paix
signé par les belligérants le 28 mai 2000à Arusha
(Tanzanie).
Dans cet Etat, le vote des populations avait une orientation
ethnique : chacune des communautés votant pour les candidats issus
de ses rangs. Or les hutus étant le groupe numériquement le plus
important, on arrivait à une impasse dans la mesure où les tutsis
(environ 13% de la population) détenaient le pouvoir et tous les postes
de commandement dans l'armée et n'entendaient pas être
marginalisés dans la conduite des affaires du pays.
Le partage du pouvoir prôné par Nelson Mandela
prévoyait, outre l'intégration des rebelles dans l'armée
burundaise, une période transitoire de trente mois au cours de laquelle
le pouvoir serait partagé entre les différentes composantes
ethniques. La longueur cette transition avait pour but de donner du temps aux
différentes parties pour se faire confiance.
Au demeurant, cette solution appliquée au Burundi a
été essayée pour la République Démocratique
du Congo (R.D.C), bien que le contexte soit différent. En R.D.C, le
clivage entre factions soutenues par l'Ouganda, Mouvement de libération
du Congo (M.L.C) le Rwanda, Rassemblement Congolais pour la Démocratie
(R.C.D.) et le gouvernement de Kinshasa ne recoupe pas des divisions ethniques
mais des conflits d'intérêts. Le partage du pouvoir
(présidence de la République pour Kabila, primature pour le
M.L.C.) arrêté à Sun City (Afrique du Sud) le 19 avril a
suscité des réserves de la part de l'opposition non armée
et du R.C.D. Mais le partage du pouvoir ne peut être une formule
approprié de sortie de crise que sous certaines conditions :
-Lorsqu'une solution militaire n'est pas en vue ;
-Lorsque le dialogue a pu s'instaurer ;
-Lorsque les factions ne sont pas trop nombreuses.
Ainsi le partage du pouvoir ne doit pas être une
finalité, mais un moyen pour rapprocher suffisamment les
différentes composantes de la nation afin que le suffrage des
électeurs ait un sens. Par ailleurs ce rapprochement des
différentes composantes de la nation nécessite également
qu'il ait des stratégies destinées à submerger les
identités locales au profit d'une identité nationale
dominante.
Section2 : Les stratégies destinées
à submerger les identités locales au profit d'une identité
nationale dominante
L'identité n'est par nature ni bénéfique,
ni défavorable au système politique et social dans son ensemble.
Tout dépend des stratégies et des modes d'articulation aux
institutions étatiques qui seront choisis.
Elle peut en effet être à la fois un instrument
d'intégration dans des espaces identitaires plus larges et non
exclusivistes ou un instrument d'exclusion ,de marginalisation et de
déstructuration sociale dans des cadres institutionnels n'autorisant pas
et ne parvenant pas à valoriser la multiplicité des
allégeances .
Ainsi, pour favoriser l'émergence d'une identité
nationale au détriment des identités locales, deux
stratégies méritent d'être privilégiées
à savoir la construction de la cohésion et de l'harmonie au sein
de la société (paragraphe 1) et l'appropriation légitime
des ressources (paragraphe2).
paragraphe1 : La construction de la cohésion et
de l'harmonie au sein de la société
Il sera ici question d'étudier successivement la
parenté à plaisanterie en tant que pratique africaine au service
de la paix (A) et le mécanisme de l'arbre à palabre (B).
A- La parenté à plaisanterie : une
pratique africaine au service de la paix
A l'analyse des traditions orales, tout laisse à
croire que les relations entre peuples voisins étaient d'abord
régies par les conflits dont les souvenirs restent vivaces dans les
traditions de ces peuples.
A la suite de relations constamment conflictuelles, des
alliances sont scellées et ont généré en lieu et
place des premières, des relations d'amitié, prenant parfois
l'allure de parenté. Ces alliances ont parfois abouti à un
réseau complexe d'alliances, de solidarité et de
fraternité (réelle ou fictive) concrétisées dans le
système de parenté à plaisanterie.
L'alliance à plaisanterie peut être
définie comme un ensemble de relations sociales fondées sur le
principe de la paix et de l'assistance mutuelle des peuples engagés.
Autrement dit il s'agit d'une pratique sociale, observable dans toute l'Afrique
occidentale, qui autorise, et parfois même oblige, des membres d'une
même famille (tels que des cousins éloignés), ou des
membres de certaines ethnies entre elles, à se moquer ou s'insulter, et
ce sans conséquence ; ces affrontements verbaux étant en
réalité des moyens de décrispation sociale.
La parenté à plaisanterie apparaît donc comme un
facteur de rapprochement des groupes ethniques antérieurement
opposés. Les alliances à plaisanterie engagent donc dans une
même histoire, des groupes géographiquement séparés,
des sociétés culturelles différentes. Elles brisent de ce
fait les cloisons et les barrières psychologiques entre ethnies. A cet
égard ces alliances à plaisanterie sont un instrument de paix,
certains y voient même les bases de la nation sénégalaise,
bases jetées bien avant la colonisation. Elles ont parfois
résisté au temps (les périodes coloniale et
post-coloniale) pour continuer à fonctionner, notamment dans les
campagnes, et même dans des milieux urbains, ce malgré
l'instauration de nouvelles structures sociopolitiques ou de cadres
institutionnels. Ces alliances restent fonctionnelles dans le règlement
de certaines crises entre individus de groupes différents et
alliés, ce dans un cadre relativement restreints bien entendu .En effet
elles constituent l'une des premières réponses que les
populations ont dû trouver face à la permanence ou à la
menace de conflits ethniques. Elles devaient régir les cohabitations
entre groupes d'origines différentes, préserver la paix entre eux
et favoriser l'intégration des différents groupes ou de leurs
membres dans un cadre plus large : sous -régions, régions,
pays. En effet, en plus de l'interdiction de conflits entre alliés au
nom de celles-ci aucune sanction ne devait punir quelque faute commise par un
membre d'un groupe allié au détriment d'un autre de l'autre
groupe allié. Des précautions étaient donc prises car une
faute commise dans ce cadre était ressentie par le groupe fautif comme
une malédiction, un danger.
Eu égard à ces précisions, il est donc
loisible de noter que nous trouvons dans nos traditions des normes et des
mécanismes établis depuis des âges et qui peuvent favoriser
la paix, l'unité et la communion et de ce fait prévenir les
conflits identitaires qui ronge le continent. C'est sans nul doute dans une
telle perspective qu'on peut apprécier l'importance de la parenté
à plaisanterie qui contribue efficacement à la prévention
desdits conflits. En effet, il s'agit d'une pratique traditionnelle au
service de la paix dans la mesure où elle instaure un système de
gestion de la diversité qui déborde les clans, les ethnies, les
castes et les âges. En outre elle garantie la dignité de l'autre
en toute circonstance car la règle d'or est de ne jamais nuire. Pour
dire vrai, la parenté à plaisanterie est un sujet d'expertise
nationale, élément d'un phénomène transnational
pouvant servir utilement la paix en afrique. Au delà de l'étude
de la parenté à plaisanterie il y a lieu maintenant de
s'intéresser au mécanisme de l'arbre à palabre qui
constitue également un mode traditionnel de règlement des
conflits qui mérite d'être vulgarisé en vue de favoriser
l'harmonie et l'entente dans les Etats secoués par les conflits
identitaires.
B- Le mécanisme de l'arbre à palabre
Toute société connaissant des conflits
politiques, identitaires ou socio-économiques, les
sociétés africaines traditionnelles n'étaient pas en reste
et les résolvaient sous l'arbre à palabre.
En effet, conscientes de l'opacité naturellement
liée au pouvoir, à cause de la sacralité, les
sociétés plurales précoloniales firent du débat
d'idées sur toutes les questions de vie ou de mort, un impératif
juridique.Ils l'institutionnalisèrent sous forme d'assemblée,
désignée par la symbolique de l'arbre à palabre. Ses
acteurs étaient des représentants des communautés
villageoises, claniques, lignagères, ethniques etc. dûment
désignés et mandatés, en fonction de leur
intégrité intellectuelle et morale.
Entre autres vertus, ce débat se déroulait dans
la tolérance absolue des opinions contraires et en public, afin que
« nul ne soit sensé ignorer la loi », comme dirent
quelques siècles plus tard les contemporains. En outre les parties en
conflit avaient l'occasion d'user de leur liberté d'expression pour
défendre leur point de vue, mais toutes devaient se plier à la
décision finale. En réalité souligne Mamadou Dia
« en Afrique noire, le juge traditionnel cherche davantage à
rapprocher les points de vue qu'à trancher par le livre
»16(*) En effet
en droit comme en politique les africains recherchent souvent
l'unanimité et sont prêts pour cela à engager des
discussions qui peuvent paraître interminables. En fait
l'unanimité n'était pas acquise, il s'agissait d'un simple
consensus dont l'obtention était saluée par des chants et danses
prouvant que les parties étaient d'accord pour préserver
l'harmonie et l'entente. Si l'on ne pouvait dire qu'il n'y avait ni vainqueur
ni vaincu, tout au moins, il est possible d'affirmer que les disparités
entre parties étaient tout à fait minimes après le
jugement.
La démarche consensuelle entreprise pour
résoudre ces conflits a été soulignée par Julius K.
Nyéréré dans la célèbre
formule : « the elders sit under the big
tree and talk until they agree » 17(*)
La fonction judiciaire moderne est aux antipodes de telles
préoccupations. Sa mission est de dire le droit sans se
préoccuper des conséquences. Ici, l'harmonie et l'entente sont le
résultat du respect par chacun de la règle de droit. Le
caractère général et impersonnel de celle-ci,
malgré le caractère démocratique de son mode de formation
camoufle souvent des intérêts personnels. Si la contestation est
permise, elle ne peut se faire que dans un formalisme étroit et la
sanction de la norme qu'en fonction d'une lecture d'autres normes prises en
référence. Dès lors, il nous parait essentiel de
réhabiliter le mécanisme de l'arbre à palabre en vue de
prévenir et de résoudre les conflits identitaires qui secouent
l'Afrique. Ce système dégage un rôle pour les chefs
coutumiers dans la promotion de l'unité nationale et le fonctionnement
normal de l'État. Si le chef de l'État est au-dessus de la
mêlée, les chefs coutumiers peuvent être au centre des liens
entre le Parlement, le Sénat et le gouvernement comme organe de
«palabre». Cet organe assure le règlement politique des
conflits. Il ne remplace pas les juridictions judiciaires moins encore la Cour
constitutionnelle, mais assure la restauration de l'harmonie dans le
fonctionnement de l'État. En tant qu'organe de l'État, la
«palabre» dirigé par un chef coutumier se tient quand le
besoin se fait sentir. Le président de la «palabre» peut avoir
un mandat et doit être désigné par ses pairs. Elle est une
instance de communication qui dédramatise la conflictualité au
moyen des proverbes, des contes, des paraboles, des symboles et des
chansons.
L'organe «palabre» peut être
considéré comme fondé sur la tradition africaine. Elle est
un espace public de discussion qui fonctionne comme un système de
coopération au sein duquel les membres de la société
opèrent ensemble. La raison d'être de la «palabre» n'est
pas la sanction ou la justice mais de renouer la relation au sein des organes
de l'État afin de faire triompher l'harmonie et la paix.
La présence de l'organe «palabre» se
nécessite du fait qu'une société multiethnique et
multipartite comme le Congo peut difficilement éviter le conflit.
Néanmoins, ce dernier ne doit pas être source de blocage du
fonctionnement de l'État mais doit plutôt contribuer à son
progrès. De ce fait, il est important qu'un de ses organes poursuive la
réconciliation permanente comme son objectif.
La «palabre» permet d'arrêter l'usage
stérile ou négatif de la violence par la discussion et le
symbolisme du sacré. Il fait disparaître l'État jacobin au
profit d'un État qui reconnaît et intègre les
particularités, la diversité en son sein.
La spécificité de la «palabre»
nécessite la réhabilitation du pouvoir traditionnel, incarnation
de la sagesse et du symbolisme africain. À ce titre, un chef coutumier
entouré de ses paires peut prendre la direction de cet organe avec
l'assistance de quelques intellectuels. Ces derniers ont pour fonction de
traduire dans le langage moderne (écrit) les pensées et les
discours de ces chefs coutumiers, étant donné que la tradition
africaine est basée sur l'oralité.
Par ailleurs, il ne serait pas inutile de rappeler que la
leçon de l'histoire est que les conférences nationales
souveraines et autres forums démocratiques, se sont inspirés de
l'esprit de l'arbre à palabre, en choisissant la conférence, le
débat, le dialogue comme espace de fondation du changement
démocratique et non le champ de bataille ou de la violence, comme
l'atteste la théorie de la révolution dans l'expérience
européenne de l'Etat national. Par ailleurs en dehors de la construction
de la cohésion et de l'harmonie au sein de la société,
l'appropriation légitime des ressources doit être
instaurée en principe.
Paragraphe 2 :L'appropriation légitime des
ressources
La démocratie ne doit pas s'entendre comme la simple
organisation régulière d'élections. Les conditions
d'accès aux ressources économiques constituent un facteur
important dans le déclenchement des conflits identitaires. C'est
pourquoi, il est nécessaire avant de faire état de l'exigence de
la gestion transparente des biens publics, de procéder à quelques
développements sur la dimension économique des conflits
identitaires.
A- L a dimension économique des conflits
identitaires
En Afrique tous les conflits identitaires ont une dimension
économique : soit la répartition inégale des
richesses en constitue le mobile, soit l'appropriation des ressources
économiques constitue un moyen pour accéder un pouvoir.
La répartition inégale des ressources au sein
d'un Etat peut amener certaines composantes de la population à une prise
de conscience, puis à une mobilisation pour mettre fin à cette
situation. Dans bien des cas, l'appropriation des ressources est faite par
quelques personnes, une ethnie ou une race ou une région
géographique.
Dans certains Etats africains, certaines personnes peuvent
s'approprier la quasi-totalité des ressources de la nation alors que la
majorité de la population vit dans une misère intolérable
.Ainsi, au Zaïre, la fortune du président Mobutu avait atteint
quatre (04) milliards de dollars dans les années 1993alors que les
fonctionnaires restaient plusieurs mois sans salaires. Celle du
président Eyadéma du Togo gardée en Suisse en 1979 se
chiffrerait à quatre-vingt dix milliards de francs CFA18(*).
Ces sommes vertigineuses sont d'autant plus
inquiétantes que l'ancien président du Burundi Jean Baptiste
Bagaza confessait qu'il n'avait connu que cinq chefs d'Etat africains
intègres : « Messieurs Kaunda, Mugabe, Museveni, Nyerere,
et Sankara »
Cette accumulation de richesses pourrait s'expliquer par la
position centrale des chefs d'Etat dans les systèmes politiques
africains qui leur confère une fonction de redistribution. Dans les
systèmes non démocratiques l'argent sert à entretenir une
clientèle plus ou moins vaste et de perpétuer le régime
politique, le pouvoir personnel du chef de l'Etat.
Les masses pourraient être considérées
comme des complices mais le rapport avec l'argent dans les
sociétés africaines est complexe. Il est devenu une valeur
référentielle, « il fascine, il a une connotation
magique, une dimension religieuse ». 19(*)
D'ailleurs selon une diction togolaise «quand
l'argent parle, la vérité se tait ». Mais cette
fascination est doublée d'une terreur que ces régimes inspirent,
si bien que la collaboration est l'un des meilleurs moyens de survie. La
démocratisation des institutions n'a pas pu supprimer ces pratiques. Au
contraire la clientèle à laquelle il faut graisser la patte s'est
élargie.
Mais dans bien des cas, les richesses nationales sont
accaparées par des groupes s'identifiant à leur race, leur
religion, leur région ou à une ethnie.
Jean François Bayart estime qu'en 1982, 950 personnes
constituaient la classe dirigeante du Cameroun : pays qui est
peuplé de 7,5 millions d'habitants. Le même chiffre serait valable
pour des pays d'un poids démographique identique comme le Mali, la
Côte d' Ivoire ou,moins peuplés comme le Rwanda, le Burundi
l'Angola etc.
Au Libéria, avant le déclenchement du
conflit, la minorité noire américaine représentait
seulement 4% de la population mais détenait 65% des richesses.
Par ailleurs, les inégalités économiques
peuvent également se mesurer entre régions au sein d'un
même Etat. Au Nigeria, depuis 1991, le Sud Est (pays Ogoni) proteste pour
un meilleur accès aux ressources pétrolières produites
dans la région mais distribuées par l'échelon
fédéral.
Au Sénégal, la rébellion
casamançaise a longtemps utilisé l'argument de la faiblesse des
investissements effectués sur place. L'île d'Anjouan a
évoqué le même motif pour demander son
détachement des Comores. A contrario, on peut constater que la
relative, stabilité du Nigeria depuis la sécession biafraise en
1970 serait due à la mise en place d'une « clé
de répartition des revenus de la fédération ... (selon)
des critères de démographie et d'égalité entre
Etats20(*) ».
La disparité entre les villes et les campagnes est
générale : au Libéria le revenu moyen du citadin en
1976 est de 600 $ par an contre 70 pour le paysan. Une inégale
jouissance des richesses nationales peut donc avoir pour conséquence des
replis identitaires et des conflits difficilement maîtrisables. Mais
l'appropriation des richesses peut être un moyen au service d'une
stratégie de conquête ou de conservation du pouvoir. En effet,
qu'il s'agisse du Congo, de la République Démocratique du Congo,
ou de la sierra Léone, la stratégie des belligérants
repose sur le contrôle des zones diamantifères ou des champs
pétrolier 21(*)
L'exploitation de ces ressources du sous-sol permet de
financer les activités guerrières (achat d'armes et de munitions,
solde des troupes et des mercenaires etc.). Il peut s'agir d'une exploitation
directe c'est-à-dire faite par le gouvernement ou le mouvement
armé : les troupes sont organisées pour exploiter,
écouler les ressources naturelles (souvent c'est le cas du diamant).
L'exploitation peut se faire indirectement par le biais de compagnies sur
lesquelles les Etats ou les mouvements armés prélèvent des
taxes substantielles.
Le contrôle des richesses devient un mode de pouvoir
(gemmocraties, pétrocraties).
Pourtant les conférences nationales ont focalisé
l'attention des populations sur les crimes économiques des dirigeants
.Mais leurs manières de faire n'ont pas été approfondies,
ni les leçons tirées .De ce point de vue, la transparence dans la
gestion des affaires publiques devrait être érigée en
principe aussi sacré que la démocratisation des institutions.
B- L'exigence de la gestion transparente des biens publics
Le concept de transparence recouvre l'ensemble des
procédures dont la finalité est d'écarter tout
enrichissement personnel ou tout favoritisme dans la gestion des affaires
publiques (marchés publics, contrats, gestion des
sociétés etc.). La publicité des transactions,
l'introduction de la concurrence ainsi que la responsabilité politique
et pénale des dirigeants pour des délits économiques sont
autant de procédés visant à freiner l'accaparement des
ressources par une frange de la population.
Mais pour la grande majorité de celle-ci, le manque de
moyens de subsistance, c'est-à-dire leur misère enlève
à l'Etat son rôle d'intégrateur des différentes
composantes de la nation.
La lutte contre la pauvreté est indispensable pour que
les populations ne se détournent pas de l'Etat. A cet égard, la
création d'institutions chargées de veiller à la
transparence devrait être complétée par de solides
programmes de lutte contre la pauvreté .La conduite de ces programmes
devrait être menée avec la participation la plus large possible
des masses. Ce n'est que par la participation, que les couches sociales
défavorisées - souvent la majorité de la population
-peuvent renouer le lien de leur rapport avec l'Etat. C'est seulement quand ce
lien existe que les élections, ultime sanction de l'action des
gouvernements, peuvent avoir un quelconque sens.
De plus, la déclaration du patrimoine des gouvernants
constituerait un important pas vers la moralisation de la vie publique en
Afrique.
Cette déclaration devant les juridictions avant et
après l'accès au pouvoir des dirigeants serait de nature à
dissuader les comportements néo-patrimoniaux décriés plus
haut.
En définitive on peut donc retenir que la promotion de
la transparence dans la gestion publique vise à améliorer
l'efficacité de l'administration, en réhabilitant un certain
nombre de principes et de valeurs tels que la compétence, le
mérite, le dévouement, la discipline.
Sous un autre registre on peut également retenir que
par delà la diversité, nous avons des stratégies sur
lesquelles les Etats pourraient se fonder pour assurer la paix et l'harmonie
sociale et par voie de conséquence la co-existence pacifique des
différents groupes identitaires qui composent l'Etat.
CONCLUSION
Conclusion
La défaite du communisme et les crises du tiers monde
mettent en évidence, et contre toute attente que le national et
l'ethnique ne sont pas morts. Selon les régions, non seulement on peut
constater leur maintien, mais aussi pourrait-on dire leur redémarrage
plus ou moins stimulé par des références d'ordre culturel
et religieux.
L'apparente intemporalité du discours identitaire
laisse croire que les groupes sociaux se définissent par une
espèce d'essence éternelle des identités culturelles,
politiques religieuses etc.
La prolifération des Etats et la multiplication des
conflits identitaires dus au durcissement des crises du même nom, si on
les additionne aux conflits plus classiques de type économique ,de
revendications nationalistes ,etc. aboutissent à dessiner un paysage
tourmenté de la scène internationale .
L'émiettement, la balkanisation, la fragmentation des
Etats se conjuguent avec les replis nationalistes, les exaltations identitaires
pour donner l'impression générale que, depuis quelques
années, une retribalisation galopante a entamé une course sans
fin.
Pour employer le langage du sens commun, on pourrait dire que
« tout le monde veut être indépendant, que tout le monde
veut son Etat », quel que soit le prix à payer de cette
pulsion identitariste qui poursuit ainsi sa segmentation de la
société internationale.
Le retour de l'identitaire n'est pas seulement
inquiétant car il se retrouve être à l'origine de nombreux
massacres et de nombreuses violations des droits de l'homme, mais aussi parce
qu'il constitue un facteur non négligeable de déstabilisation de
l'unité des Etats.
En effet, de l'intérieur beaucoup d'Etats sont
minés par l'affirmation de particularismes régionaux,
linguistiques, religieux voire ethniques mettant en cause l'identité
nationale.
De ce point de vue, on peut dire que les conflits
identitaires ont entraîné la désintégration des
sociétés, l'éclatement des nations du moins celles qui
sont en construction et la remise en cause du sentiment collectif de vouloir
vivre ensemble.
En Afrique tous les conflits internes ou externes,
c'est-à-dire soit des conflits qui opposent à l'intérieur
des Etats hérités des colonisations des ethnies entre elles, soit
des conflits qui opposent les Etats entre eux, sont souvent d'essence
ethnique, religieuse confessionnelle ou régionale.
Même les conflits qui ont vu s'opposer sur le sol de
l'Afrique de l'Est et l'ouest étaient des conflits qui
instrumentalisaient l'identité. Une question s'impose :
pourquoi ?
Plusieurs explications ont été avancées
par les africanistes. La plus connue concerne l'artificialité des
frontières en Afrique .C'est l'idée que le colonisateur ,en
avançant en Afrique, a instauré des entités coloniales sur
la base d'ambitions géopolitiques internes et externes ,et que de ce
fait la plupart des peuples -ethnies se sont retrouvés divisés
.Cette idée est juste ,mais on peut moins la généraliser
qu'on ne l'imagine .Néanmoins ,le placage sur les populations africaines
de frontières administratives érigées en frontières
internationales au moment de l'indépendance a été un
facteur accélérateur des tensions entre groupes identitaires.
L'autre explication est liée au problème de la
traite des esclaves .La traite négrière soit à destination
des Amériques, soit à destination du monde arabo -musulman ,a non
seulement vidé l'Afrique de ses hommes ,mais également
séparé nombre de peuples côtiers entre futurs esclaves et
chasseurs d'esclaves .
A n'en pas douter, les ressentiments liés à la
période de l'esclavage dans nombre de pays sont à l'origine de
ces haines tribales. L'exemple le plus marquant à cet égard est
celui des touaregs, qui servirent longtemps d'intermédiaire aux
commerçants arabes dans la traite des noires et qui aujourd'hui
subissent, plus de cent ans après la vindicte des Etats africains
où ils vivent.
Un autre élément d'analyse peut être
cherché dans la politique interne des différents colonisateurs
qui, dans chacune des régions de l'Afrique, se sont appuyés sur
une ethnie pour relayer leur influence. Le corollaire de cette analyse
étant q'au moment des décolonisations, très souvent les
anciennes métropoles ont continué à favoriser l'ancienne
« ethnie-relais ».
Ainsi, tout apparaît comme identitarisme en Afrique.
Même les efforts pour créer des partis politiques aboutissent dans
la réalité à encadrer les groupes identitaires par des
structures partisanes plutôt que d'arriver à des partis
trans-ethniques notamment.
D'autre part, la violence de l'interethnique, la
véhémence de l'ethnicité est renforcée par les
clivages religieux entre chrétiens et musulmans ou chrétiens
animistes.
La conjugaison de tous ces facteurs aboutit à une sorte
« d'empêchement national ». Il est certain
qu'après les décolonisations anglaise, française,
portugaise et dans une moindre mesure espagnole et italienne, les nouveaux pays
indépendants se sont retrouvés dotés d'un Etat .A ce
moment là, une partie des élites de ces pays ont cherché,
a l'aide de cet Etat à transformer leur pays en nation ; c'est
-à-dire qu'ils ont cherché à appliquer le modèle
d'Etat-nation qu'ils avaient hérité tout naturellement de leur
colonisateur. Constater qu'aucun pays de l'Afrique post-coloniale n'y est
parvenu est un lien commun . Les conclusions à tirer sont, elles, bien
plus inquiétantes.
La formation de nations dans le cadre étatique
légué par le colonisateur est-elle encore possible aujourd'hui en
Afrique après plus de trente années d'holocaustes et de conflits
identitaires ? La solution passe-t-elle par le remaniement
général des frontières en Afrique sur la base de
l'identité ethnique, confessionnelle, religieuse ou linguistique.
Autre question : le maintien à tout prix du cadre étatique
de la décolonisation est-il le bon moyen pour obliger les groupes
identitaires à se fondre en une nation ? La réponse à
ces questions ne peut se faire qu'en essayant de comprendre en quoi
l'identité parait insoluble dans la national .C' est une question quoi
au-delà de la linguistique ou de l'histoire, touche à
l'identitaire. La « croisière » identitaire montre
de façon évidente que les crises identitaires se nourrissent
d'autres choses que d'elles- mêmes.
Force est de constater que le cadre général de
leur essor est toujours un cadre de crise économique, de misère,
d'appauvrissement, de prolétarisation du groupe ou des
sociétés dans lesquelles vivent le ou les groupes.
A l'époque contemporaine, ces crises
socio-économiques se retrouvent intensifiées par la pression
démographique qui dénature toute forme de progrès
économique .Qu'il s'agisse de sociétés de l'Asie, de
l'Amérique du Sud ,de l'Afrique ou encore de l'Amérique du Nord
,voire de l'Europe, les crises identitaires ne peuvent fleurir en
général que sur l'humus d'une contraction économique ,d'un
détraquement de la situation économique .Pour qu'il y ait crise
identitaire ,il faut qu'il y ait crise sociale et la quasi-totalité des
crises sociales sont générées par des
désorganisations économiques qui vouent à l'exclusion tel
ou tel groupe.
Lorsque cette exclusion socio-économique recoupe une
inquiétude identitaire, alors toutes les conditions sont réunies
pour la crise, le conflit et l'explosion identitaire.
Cependant la présence des facteurs
socio-économiques à l'origine de l'identitaire n'est pas
suffisante pour rendre compte de ce phénomène.
Pour que la maladie apparaisse, il faut la présence
d'une autre pathologie, celle d'une absence de l'Etat .Pas de conflit
identitaire sans crise de l'Etat.
Les régions identitaires sont en général
des régions où les Etats souffrent d'anémies pernicieuses
.Très souvent ,les structures de l' Etat de ces pays ne sont plus
à même ou n'ont jamais même pu assumer les fonctions
étatiques de prestations universelles des services quotidiens de la
démocratie .En effet ,les zones identitaires sont des zones où
les Etats sont passés au service d'une minorité ,d'une couche
sociale précise et se retrouvent incapables d'assumer le moindre
bien-être économique ou démocratique à l'ensemble de
leurs citoyens .
C'est dire donc que les conflits identitaires sont des
conflits qui posent à la stabilité un défi majeur et il
sera très difficile aux chancelleries ou aux organisations
internationales de les régler car ils ne se gèrent pas en
fonction du jeu traditionnel des équilibres des rectifications de
frontières ou des compromis ou des avantages réciproques. Mais,
en ce qui concerne l'Afrique, le renforcement de la démocratie
constitue une piste à explorer pour sortir de ces crises et
éviter une rechute. A cet égard , le partage du pouvoir ne doit
plus être une finalité, mais un moyen pour rapprocher suffisamment
les différentes composantes de la nation afin que le suffrage des
électeurs ait un sens.
En outre ,l'instauration comme en Afrique du Sud de
commissions électorales ,de structures de contrôle de la bonne
gestion ,de l'égalité des genres etc. permet d'encadrer la vie
politique des Etats et d'éviter ainsi des dérives .
Au-delà de l'organisation régulière
d'élections libres et transparentes, il est nécessaire :
- d'améliorer la gestion des affaires publiques et de
lutter contre la pauvreté,
- de lutter contre l'analphabétisme et la
déperdition scolaire,
- de développer une presse libre, et
transparent ,
- d'équilibrer les pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire,
- d'instaurer une justice indépendante, proche des
citoyens, en laquelle ceux-ci ont réellement confiance et qui puisse
sanctionner les violations massives des droits de l'homme tant au niveau
interne que sur la scène internationale .De ce point de vue, la mise
sur pied d'un Tribunal Pénal International chargé de
sanctionner ces violations contribuerait à les prévenir.
Toutes ces mesures ont pour finalité de permettre aux
citoyens d'une part de choisir leurs gouvernants et d'autre part de participer
à la gestion des affaires publiques en toute connaissance de cause.
De ce point de vue, la reconnaissance du rôle des
leaders traditionnels pourrait être une sorte de transition permettant
à la démocratie de s'affirmer dans le respect des valeurs
ancestrales des citoyens.
Mais la réforme de l'Etat ne suffit pas à elle
seule à faire disparaître les conflits identitaires, car ceux-ci
ont une dimension internationale certaine .En effet les conflits identitaires
peuvent être alimentés de l'extérieur et c'est à
l'extérieur du territoire que les groupes armés trouvent des
approvisionnements, une tribune ou des interlocuteurs. C'est là
qu'intervient le rôle des organisations interétatiques africaines
.Celles -ci peuvent contribuer à prévenir et à
gérer les conflits. Il appartient donc à la communauté
internationale de juguler les conséquences néfastes des conflits
identitaires, faute de quoi ,le monde à venir ,en privilégiant
les exclusivismes et les exaltations particularistes ,aura mis fin à
tout idéal de paix et à toute volonté de
démocratiser l'histoire .
L'identitaire, s'il devait triompher sans contrôle avec
son cortège de purifications en tous genres, d'exécutons de
masses, de crimes de guerres, finirait par donner raison à James Joyce
pour qui « l'histoire est un cauchemar dont j'essaie de me
réveiller ».
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* 1 Conférence
prononcée à la Sorbonne en 1882 sur le thème
« qu'est-ce qu'une nation ?
* Zartman(W) ; (in)
l'effondrement de l'Etat désintégration et restauration du
pouvoir légitime ; Nouveaux horizons ; 1997 p 1-11
* 2 Amadou Hampaté
Ba : cité par Eric Fottorino et al. p. 334.
* 3 Gellner (E).Nation et
nationalisme ; Paris : éd. Payot, 1989 p. 11.
* 4 François
Thual ; les conflits identitaires, Paris ; Ellipses
1995 p.156
* 5 C'était le mot
utilisé par les massacreurs au Rwanda
* 6 F. Burgat ,Islam
,chretienneté ,deux visions de la laïcité ,collectif ,Dieu
,fin de siècle ,religions et politique,éditions de
l'Aube / Libération ,1994
* 7 Voir à ce
propos :
M. J. Al-Ansari, Du concept de l'Etat dans le monde arabe
contemporain, Revue d'études palestiniennes, n°53 ;
1994.
* 8 Du nom de Ahmad
al-Khatib.
* 9 Sine (B). <<Le
nouveau réveil militaire >> ; in :
Démocratie africaines (Dakar) ; n°06 .mais- juin 1996 p.5.
* 10 Zartman (W.) cité
par Béatrice Pouligny : Ils nous avaient promis la paix :
opérations de l'Onu et populations locales .Paris ; Presses de
sciences politiques ; 2004 ; p.50
* 11 Simon Horner ;
Somalie ; Réunir les pièces du puzzle : rêve
ou réalité ? In le courriel n°162 Mars -Avril
1997 ,46
* 12 M. Lowenkopf cité
par Victor Ahanhanzo et Modeste Honedjissin, l'intégration
régionale comme instrument de prévention : cas de la
CEDEAO ; mémoire de fin de premier cycle ; Enam, 2000,
p .17
* 13 Waters
(M.) « citizenship and the constitution of structural social
inequality ».in :international journal of comparative sociology
,XXX(3-4),1989,p.160
* 14 Hermet (G). Les
désenchantements de la politique.Ed. Fayard, Paris ,1993.
* 15 Idem p.142
* 16 Cité par Eric
Fottorino .C .Guillemin .E Orsenna, Besoin d'Afrique, Paris,
Fayard, 1993, p.315.
* 17
* 18 Selon une information
diffusée par le journal télévisé de la Suisse
romande le 20février 2002, la fortune du feu dictateur nigérien
Sani Abacha atteindrait trois milliards de dollars
* 19 Bayart (J.F) et al. La
politique par le bas en Afrique noire
,Paris ,Karthala,1992, p.138.
* 20 Bach (D.),
Fédéralisme et gestion des conflits :
l'expérience nigériane, Afrique contemporaine ,4°
Trimestre 1996, p. 244
* 21 Misser (F) et
Vallée (O), Les nouveaux acteurs du secteur minier,
Manière de voir n° 51, Mai -Juin 2000, pp.27-30
|