CHAPITRE III
INTRODUCTION EN BOURSE ET VIE D'UNE SOCIETE COTEE
L'introduction en bourse est une étape majeure dans la
vie d'une entreprise. La vie boursière peut être influencée
pendant plusieurs mois ou années si l'introduction n'a pas
été réalisée dans de bonnes conditions. C'est
pourquoi participer à une introduction en bourse peut être un
exercice complexe et nécessite dans tous les cas une bonne connaissance
des procédures d'introductions, de la motivation des entreprises, mais
aussi des conditions d'admissions.
La demande d'admission d'un instrument financier aux
négociations sur le Marché Financier est présentée
conjointement par la société postulante à l'introduction
au Marché et par le ou les Prestataires de Services d'Investissement
(PSI) qu'elle a mandaté.
La première cotation des instruments financiers admis
aux négociations en bourse est annoncée par un avis de la CMF
faisant connaître la date de l'introduction, l'identité de la
société émettrice et les intermédiaires qu'elle a
chargés de suivre les opérations d'admission, d'introduction et
de tenue de marché, le nombre, la nature et les caractéristiques
des instruments financiers admis, le prix stipulé par la
société émettrice ou par les vendeurs, la procédure
de première cotation choisie, le mode de négociation des
instruments financiers et, d'une manière générale, toutes
les procédures nécessaires à l'information du public.
SECTION I. DE L'OBTENTION DU VISA DE LA CMF A LA
PREMIERE COTATION
A. Le choix de la procédure d'introduction
Les procédures d'introduction ont pour objectif de
remplir deux fonctions : assurer la diffusion des titres dans le public et
permettre d'aboutir à la première cotation. Les procédures
dites "de marché" sont centralisées par l'entreprise de
marché et donnent lieu à une réduction proportionnelle des
ordres. Elles permettent en outre de réaliser ces deux opérations
de manière concomitante.
Le choix de la procédure d'introduction dépend
principalement de l'état du marché. Le marché des
introductions en bourse a en effet tendance à suivre des cycles : des
phases où la demande de titre est très forte (« hot
market ») alternent avec des phases ou les sociétés
émettrices de titres ont du mal à placer leur titre à un
prix raisonnable (« cold market »). La température du
marché a ainsi une influence non seulement sur le nombre d'introductions
en bourse réussies, mais aussi sur le montant et la variance de la sous
évaluation (« underpricing ») du prix de
l'introduction.
Lorsque aucun placement n'a été effectué,
la première cotation des instruments financiers à la cote du
Marché secondaire est assurée selon l'une des procédures
suivantes :
- La procédure d'offre publique de vente à un prix
déterminé ;
- La procédure de mise en vente à un prix minimal
;
- La procédure ordinaire.
S'agissant des titres de créance, l'offre publique de
vente est la procédure habituelle.
· La procédure d'offre publique de
vente
Elle consiste à mettre à la disposition du
marché une quantité de titres à un prix fixé
à l'avance. Elle se distingue des autres modes d'introduction par
l'importance donnée au prix. La répartition des titres s'effectue
sur la quantité. Avec ce mode d'introduction, les futurs actionnaires
ont tendance à accroître sensiblement leur demande.
La Bourse peut décider d'une répartition des
titres offerts selon la catégorie des donneurs d'ordres, si l'Avis
initial ouvrait cette possibilité. Elle le fait selon des
critères qui lui sont propres, qu'elle détermine avec
l'émetteur et le PSI négociateur - compensateur
spécialiste et dont le public a connaissance par Avis.
· La procédure de mise en vente à
un prix minimal
L'Offre à Prix Minimal est une procédure plus
complexe que la précédente. En effet, les souscripteurs
intéressés par l'introduction doivent cette fois fixer le prix et
le nombre de titres qu'ils souhaitent acquérir.
Pour guider les différents souscripteurs tentés
par l'opération d'introduction, un prix minimal est fixé et en
dessous duquel ils ne sont pas servis. Si les demandes sont encore trop
importantes, ce qui est le cas en général, il est
procédé à une répartition des demandes par tranches
de niveau de prix offert, et à une réduction des ordres par
tranche. Le taux de réduction de chaque tranche est
d'autant plus important que le cours de la tranche est faible. Le premier cours
coté correspond dans ce cas de figure à la limite
inférieure de la dernière tranche servie. Cette procédure
est celle qui est la moins utilisée du fait de sa complexité et
du nombre minimum de titres à servir assez élevé pour des
valeurs de croissance.
Dans le cas de la procédure de mise en vente, la Bourse
n'accepte que des ordres à cours limité. Elle à la
faculté d'éliminer les ordres dont la limite s'éloigne
anormalement du prix d'offre minimal. Elle détermine donc, en accord
avec l'émetteur, une fourchette de prix à l'intérieur de
laquelle les ordres sont répondus éventuellement de
réduction peut être inférieur au minimum prévu en
dehors des procédures de première cotation. Le cours
d'introduction est égal à la borne basse de la fourchette.
· La procédure ordinaire
Son principe est simple : l'introduction des actions est
réalisée dans les conditions de négociation et de cotation
habituellement pratiquées sur le marché. Un prix minimum de vente
est fixé, mais les ordres d'achat ne sont pas centralisés. La
cotation est possible avec un cours au maximum égal en principe à
110% du prix minimum. Les ordres d'achat peuvent être servis au
minimum à hauteur de 6% (4% exceptionnellement). Si cela n'est pas
possible, l'introduction est, comme précédemment, reportée
avec un prix minimum plus élevé, en bloquant
éventuellement les fonds (ce qui décourage les
spéculateurs), ou bien une autre technique d'introduction est
utilisée.
Les PSI négociateurs - compensateurs, dans le cadre
d'un contrat de prise ferme, peuvent présenter le premier jour de la
cotation une quantité de titres déterminée.
L'existence de différentes procédures
d'introduction est spécifique à la France et à l'Europe en
général. Au Etats Unis le problème du choix de la
méthode ne se pose pas, puisque la quasi totalité des
introductions sont réalisées en utilisant la technique du
placement garanti ou « book-building », où un
syndicat bancaire choisi par la banque chef de file, elle-même choisie
par la société qui s'introduit en bourse, se charge pour le
compte de l'entreprise de placer les titres auprès d'investisseurs
institutionnels. Cette procédure permettant à la
société de disposer d'un actionnariat solide, mais aussi
d'éviter aux institutionnels la détention de lignes trop
petites.
Le premier problème qui se pose est la
définition des critères de base permettant de dire qu'une des
procédures d'introduction est efficiente. La sous-évaluation du
prix retenu lors des introductions est une caractéristique largement
admise des introductions en bourse. Du point de vue de la société
qui s'introduit, cette sous évaluation a un coût et doit donc
être minimisée tout en restant positive.
Une étude réalisée en France par
François Derrien et Kent L.Womack s'est attachée à
analyser ce problème en prenant comme base 264 sociétés
qui se sont introduits sur le Second et le Nouveau Marché entre janvier
1992 et décembre 1998. Il est à noter que les 72
sociétés de cette étude qui se sont introduits au Nouveau
Marché ont utilisé la procédure de Placement garanti.
Une des raisons avancées pour expliquer ce choix est le
montant des frais d'introduction. Les sociétés qui s'introduisent
au Nouveau Marché étant en général relativement
petites, elles n'offrent pas suffisamment de compensations à
l'introducteur financier à moins que la méthode du Placement
garanti, beaucoup plus coûteuse, ne soit utilisée.
Les auteurs de cette étude, après avoir
calculé la performance du premier jour (sous-évaluation) et la
volatilité sur plusieurs périodes, concluent que la
procédure d'Offre à prix ferme offre un meilleur contrôle
de la sous-évaluation du prix de l'introduction. La volatilité de
cette sous-évaluation est aussi réduite dans le cas de «
hot market ».
Il faut cependant modérer ce jugement par le fait que
la méthode de placement garanti étant la plus utilisée
dans le monde et notamment aux Etats Unis, la société a
intérêt à choisir cette méthode si elle veut attirer
des investisseurs étrangers qui ne sont souvent pas très au fait
des méthodes d'Offre à prix ferme ou à prix ouvert
utilisées localement pour les introductions en bourse.
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