Le recours en révision( Télécharger le fichier original )par Léon HOUNBARA KAOSSIRI Nagoundéré - DEA en droit privé fondamental 2009 |
CHAPITRE IIL'HOMOGÉNÉISATION DU CHAMP D'APPLICATION MATÉRIEL DU RECOURS EN RÉVISION.36. Déterminer le champ d'application matériel du recours en révision revient à se poser la question de savoir quelle décision peut être attaquée par cette voie de recours. Il apparaît que le champ d'application du recours en révision tend à s'étendre dans notre droit. De nos jours, il peut être formé contre toute décision, quelle que soit la juridiction qui l'a rendue. On note une extension du domaine du recours en révision en matière contentieuse (Section I). Le recours en révision n'a pas seulement gagné du terrain en matière contentieuse. Le droit OHADA qui a entendu promouvoir l'arbitrage comme mode alternatif de résolution de conflits ne l'a pas dessaisi de la procédure juridictionnelle79(*). C'est ainsi que les sentences arbitrales subissent le sort réservé aux décisions judiciaires. Elles peuvent désormais être frappées par le recours en révision80(*) (Section II). SECTION I - L'EXTENSION DU CHAMP D'APPLICATION DU RECOURS EN RÉVISION EN MATIÈRE CONTENTIEUSE.37. En matière contentieuse, il faut noter qu'à l'origine, le recours en révision n'était pas ouvert contre les arrêts des juridictions de cassation du fait de la rétractation en fait et en droit qui est son objet. Il ne pouvait être exercé que contre les décisions des juridictions du fond. Il n'est plus possible de soutenir une telle position de nos jours. La lecture des dispositions du RP CCJA ainsi que de celles de la loi fixant organisation et fonctionnement de la Cour suprême permet d'apporter quelques nuances à la question. Ces textes disposent que les arrêts de ces juridictions de cassation peuvent faire l'objet du recours en révision. Il est donc nécessaire de déterminer lesquelles des décisions de ces juridictions peuvent être attaquées par cette voie de recours (Paragraphe II). Cette préoccupation sera précédée de celle relative aux décisions des juridictions du fond susceptibles du recours en révision (Paragraphe I). PARAGRAPHE I - LE RECOURS EN RÉVISION CONTRE LES DÉCISIONS DES JURIDICTIONS DU FOND.38. On entend par juridiction du fond celles qui connaissent des questions relatives aux faits. Ces juridictions sont classées en deux ordres ; les juridictions d'instance et les cours d'appel. Elles jugent en fait et en droit. On comprend dès lors que les décisions rendues par elles soient le terrain par excellence du recours en révision. En principes, le recours en révision est largement ouvert, quelle que soit la nature de la décision ou de la juridiction du fond qui l'a rendue81(*). Cependant, il ne faut pas conclure que toutes les décisions peuvent faire l'objet d'un recours en révision car l'ouverture du recours en révision est soumise à certaines conditions (A) qui excluent, par voie de conséquence, autres décisions de son champ d'application (B). A - LES CONDITIONS D'OUVERTURE DU RECOURS EN RÉVISION CONTRE LES DÉCISIONS DES JURIDICTIONS DU FOND. Le CPC soumet82(*) l'ouverture du recours en révision contre les jugements des tribunaux d'instance et les arrêts des juridictions d'appel à une condition qui permet de distinguer les jugements contradictoires (1) des jugements par défaut (2). 1 - Les conditions d'ouverture du recours en révision contre les jugements contradictoires. 39. Il ressort de l'art. 223 du CPC que le recours en révision ne peut être exercé contre les jugements rendus contradictoirement que lorsqu'ils l'ont été en dernier ressort. Il se pose cependant la question de qualification de jugement rendu en dernier ressort. En réalité, une décision est dite rendue en dernier ressort lorsqu'elle ne peut plus être attaquée par l'appel. C'est le cas d'une d'un arrêt rendu par une Cour d'appel ou lorsque le délai pour exercer cette voie de recours est expiré. Même si le code ne prévoit pas expressément l'exercice du recours en révision contre les jugements rendus en premier et dernier ressort, il faut noter que ces jugements peuvent faire l'objet d'une contestation par le recours en révision car ils subissent le même sort que ceux rendus en dernier ressort. Ils connaissent les mêmes suites que ceux rendus par les juridictions d'appel. Ils ne sont pas susceptibles d'être réformés par l'appel et peuvent donc être révisés sans que soit formé contre eux l'appel83(*). En claire, il faut noter que l'ouverture du recours en révision contre les jugements rendus contradictoirement est soumise à l'épuisement ou l'exclusion de l'appel. Il en est autrement lorsqu'il est formé contre un jugement rendu par défaut. 2- Les conditions d'ouverture du recours en révision contre les jugements par défaut. 40. On entend par jugement rendu par défaut, tout jugement rendu à l'absence d'une des parties. Contrairement aux jugements contradictoires qui sont rendus à la suite d'un procès au cours duquel les parties ont conclu et comparu, dans le jugement rendu par défaut, le défendeur n'a pas comparu84(*). Pour que le recours en révision soit formé contre un jugement par défaut, il faut que ce jugement ne soit plus susceptible d'être rétracté par l'opposition. Il en découle que le recours en révision ne peut être formé contre une décision que lorsque le défaillant a formé contre elle l'opposition ou que les délais de son exercice sont épuisés. Cette exigence pourrait s'expliquer par le fait que la révision du jugement au fond reste encore possible du fait de l'opposition qui peut être exercée contre lui. 41. On déduit des conditions posées par l'art. 223 du CPC que l'exercice du recours en révision contre les décisions des juridictions du fond est soumis à l'exclusion des voies de recours ordinaires que sont l'appel et l'opposition. En réalité, ces deux voies de recours ont un effet suspensif d'exécution contrairement au recours en révision qui ne suspend pas l'exécution de la décision contre laquelle il est formé. L'art. 238 dispose d'ailleurs que « [le recours en révision] n'empêchera pas l'exécution du jugement attaqué ». L'ouverture du recours peut être subordonnée à l'exécution préalable de la décision85(*). B - L'EXCLUSION CONSÉQUENTE DU RECOURS EN CONTRE CERTAINES DÉCISIONS DES JURIDICTIONS DU FOND. 42. Les conditions d'ouverture du recours en révision contre les décisions des juridictions du fond, telles que présentées, paraissent exclure l'exercice de cette voie contre certaines décisions. Si certaines décisions semblent être exclues de manière plus ou moins expresse par les textes (1), il est toutefois possible d'étendre cette exclusion à d'autres décisions (2). 1 - L'exclusion implicite du recours en révision contre certaines décisions par les textes. En subordonnant l'ouverture du recours en révision contre les décisions des juridictions du fond à l'épuisement préalable des voies de recours ordinaires, le CPC exclut implicitement certaines décisions du domaine du recours en révision. Il en est ainsi toute les fois que la décision peut être réformée par l'appel ou rétractée par l'opposition. Cela signifie que le recours en révision ne peut être formé que contre les jugements ayant acquis force de chose jugée86(*). Sont donc exclues par ces conditions, les décisions n'ayant pas encore acquis force de chose jugée. On vise notamment les jugements contre lesquels peuvent encore être exercées les voies de recours suspensives d'exécution que sont l'appel et l'opposition. Une telle exclusion parait logique dans la mesure où les voies de recours suspensives d'exécution ouvrent généralement voie à la révision de la décision contre laquelle elles sont exercées, le juge étant appelé à connaître du litige au fond. 2 - L'extension pertinente de l'exclusion du recours en révision contre certaines décisions des juridictions du fond. 43. En plus de l'exclusion qu'on peut déduire des dispositions légales, il convient d'ajouter d'autres jugements qui peuvent être exclus du champ d'application du recours en révision. La question s'est par exemple posée de savoir si les ordonnances rendues sur requête ou sur référé peuvent faire l'objet du recours en révision. Il a été décidé en droit français que ces jugements sont exclus du domaine de cette voie de recours car ils peuvent être rapportés ou modifiés en raison de la survenance de circonstances nouvelles87(*) dont il n'est pas douteux que les causes du recours en révision entre dans son champ d'application88(*). 44. Le cas des jugements avant dire droit mérite également d'être souligné. Ces jugements ne tranchent pas en réalité un litige au fond. Ils se contentent de prescrire une mesure préalable ou provisoire. Il conviendrait de les exclure du champ d'application du recours en révision pour la simple raison qu'ils sont provisoires et ne sont pas revêtus de l'autorité de la chose jugée89(*). En claire, lorsque les conditions sont réunies et que la décision n'est plus susceptible d'être rapportée ou modifiée par un autre moyen, elle peut ouvrir droit au recours en révision. Le recours en révision ainsi présenté peut aussi être exercé contre les arrêts des juridictions de cassation. * 79 N'GOUIN CLAIH (L.M.), « L'exécution des sentences arbitrales et les voies de recours », Etudes offertes au Professeur ISSA-SAYEGH (J.), AIDD 2006, p. 24 ; ANCEL (J.P.), « L'arbitrage et la coopération du juge étatique », Penant no 833, mai 2000, p. 170 * 80 SCAPEL (J.), « A propos du recours en révision formé à l'encontre d'une sentence arbitrale », Dr. aff., 1999, p. 1431 ; V. également N'GOUIN CLAIH (L.M.), op.cit, p. 38. * 81 V. Civ., 4 mars 1982, D. 1993. 251, note PIOTRAUT ; JCP 1993. II. 22092, note R. Martin ; RTD civ. 1993. 568, obs. HAUSER qui admet le recours en révision contre les dispositions de l'arrêt de divorce relatives au montant et à la durée de la prestation compensatoire en cas de divorce pour faute. * 82 En son art. 223. * 83 En effet, les jugements rendus en premier et dernier ressort font également objet du pourvoi en cassation sans passer par l'appel. * 84 Il faut cependant distinguer le jugement par défaut du jugement réputé contradictoire dans lesquels le défendeur ne comparaît, ni conclut alors même qu'il a été assigné à personne. Ce type de jugement a un caractère hybride ; son régime est calqué sous celui des jugements contradictoires. V. CADIET (L.) et JEULAND (E.), Op. cit., no 82, p. * 85 Le recours en révision, tout comme les autres voies de recours extraordinaires, n'a pas d'effet suspensif d'exécution. C'est ce qui ressort des dispositions combinées de l'art. 238 du CPC et 49 al. 3 RP CCJA. Pour une application, V. C.S.C.O, arrêt no 35 du 22 janv. 1963, Bull. no 8, p. 537 ; V. également CCJA ordonnance no 1/2004 du 21 janv. 2004, Société SOTACI c/ DELPECH Gérard et DELPECH Joëlle, RJ CCJA, no 3 janvier-juin 2004, p. 142. * 86 Il faut distinguer la force de chose jugée de l'autorité de la chose jugée. En réalité, une décision acquiert force de chose jugée lorsqu'elle n'est plus susceptible d'être attaquée par une voie de recours suspensive d'exécution alors que l'autorité de la chose jugée est un attribut attaché à tout jugement dès son prononcé et qui se renforce au fur et à mesure que s'épuisent les voies de recours contre ce jugement. V. FOYER (J.), De l'autorité de la chose jugée en matière civile : Essai d'une définition, Th., Paris, 1954, 345 p. ; WIEDERKEHR (G.), « Sens, signifiance et signification de l'autorité de la chose jugée », Justice et droit fondamentaux Etudes offertes à Jacques Normand, Litec, 2003, p. 507. * 87 V. art. 182 et ss. CPC. * 88 V. Civ. 2è, 27 avril 1988, Bull. civ. II, no 53 ; D. 1989, somm. 183, obs. Julien ; Gaz. Pal. 1988, somm. 497, obs. GUINCHARD et MOUSSA ; D. 1989, somm. 183, obs. Julien ; RTD civ. 1999, 578, obs. PERROT. * 89 DOUCHY-OUDOT (M.), Op. cit., no 737, p.412. |
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