ANALYSE DES EFFETS DE LA
FISCALITE RWANDAISE SUR L'EPARGNE INTERIEURE
Introduction
Pour fonctionner, une économie de marché a
besoin de l'existence de la puissance publique. Pour qu'il y ait un secteur
public, il faut soustraire certaines ressources réelles au secteur
privé. Afin de financer ses dépenses, l'État pourra lever
des impôts, créer discrétionnairement de la monnaie ou
emprunter soit sur son territoire soit à l'étranger.
Notre réflexion porte sur les effets de la
fiscalité Rwandaise sur l'épargne intérieure et
pourra constituer ainsi un référentiel aux futurs chercheurs en
ce qui concerne l'application de l'élasticité dans la prise des
décisions.
Il en est de même sur le plan socio- économique.
Ce travail inspirera aux décideurs politiques nationaux d'appliquer la
politique fiscale qui convient mieux à la société
rwandaise en vue de l'inciter à l'épargne.
En plus d'un intérêt aux chercheurs et aux
décideurs politique, ce travail permet d'évaluer le comportement
de l'épargne face à la fiscalité rwandaise et de montrer
les effets des impôts sur les revenus et sur le niveau de
l'épargne rwandaise et dégager d'autres variables pouvant avoir
une relation avec celle-ci en vue de suggérer éventuellement des
mesures correctives ou complémentaires pour une politique fiscale
durable et favorable à la société rwandaise.
Problématique
Pour l'économie de l'offre, la fiscalité est
l'un des principaux moyens d'accomplir une double tâche de
réduire la dépense publique, et en même temps stimuler la
formation privée de capital.1(*) La même théorie stipule qu'une
réduction de l'impôt sur le revenu peut atténuer certaines
distorsions des choix économiques et entraîner peut être une
augmentation de l'épargne privée. Elle peut en même temps
mettre un frein à la croissance du secteur publique lorsque celui-ci
dépasse le niveau optimal.
Beaucoup d'économistes estiment qu'un faible taux
d'épargne s'explique par une fiscalité qui n'incite pas à
épargner puisque, notamment, les intérêts perçus
sont frappés d'impôts sur les revenus des personnes
physiques2(*). Cependant,
une politique fiscale à appliquer doit tenir compte des
propriétés et de l'environnement économique dans lequel
elle est appliquée en vue d'éviter des distorsions
macro-économiques. Toutefois, une réduction fiscale
financée par l'emprunt publique a des nombreux impacts sur
l'économie. Le plus immédiat de ceux-ci est de stimuler les
dépenses de consommation, ce qui affecte l'économie tant à
court qu'à long terme.
A court terme, des dépenses accrues de consommation
accroissent la demande de biens et des services et donc la production et
l'emploi. Le taux d'intérêt tendant également à
augmenter à mesure que les investisseurs sont confrontés
à un flux réduit d'épargne. Cette réduction
décourage également l'investissement et attire les capitaux
étrangers. A long terme, la baisse de l'épargne publique
provoquée par la réduction fiscale pèse
négativement sur le stock du capital et positivement sur l'emprunt
à l'étranger3(*).
La plupart des économistes de l'offre acceptent
l'hypothèse selon laquelle la politique fiscale a une incidence sur
l'épargne. Mais il est difficile d'estimer l'impact global de la
fiscalité sur le bien-être économique
général. Globalement l'épargne pourrait s'accroître
si le revenu des individus n'était pas soumis à l'impôt,
et la consommation future potentielle serait plus importante.
Cependant, dans la mesure où certains individus ont
prévu pour l'avenir une dépense déterminée, il se
peut qu'ils épargnent moins à mesure qu'augmente la
rémunération après impôt de leur épargne.
Cela constitue encore un fort argument théorique contre des effets de
revenu primaire important; ce n'est qu'en définitive par des recherches
empiriques que peut être résolue la question de savoir si
l'épargne des particuliers augmenterait ou diminuerait après un
abaissement des impôts.
Le Rwanda, comme d'autre pays en voie de développement,
fait recours au programme d'ajustement structurel. Il a besoin de mobiliser
d'une manière efficace et efficiente, les recettes fiscales pour couvrir
ses dépenses. Le problème en matière politique fiscale est
d'élaborer et de mettre en oeuvre une structure d'impôt qui
minimise la charge fiscale.
Pour définir l'impact que cette conséquence
fâcheuse des impôts a sur les choix individuels, en particulier sur
le choix à faire concernant la consommation ou l'épargne, nous
nous sommes proposés de répondre tout au long de notre travail
aux questions suivantes :
-Au Rwanda, le versement fiscal ne serait-il pas
un substitut à l'épargne plutôt qu'un substitut à
la consommation?
-La fiscalité rwandaise en termes
d'impôts sur le revenu a-t-elle des effets sur le niveau de
l'épargne? Et y a-t-il d'autres variables qui peuvent influer sur le
niveau d'épargne?
Hypothèses de recherche
C es questions nous ont permis d'élaborer les
hypothèses selon lesquelles le versement fiscal au Rwanda est un
substitut à l'épargne plutôt qu'un substitut à la
consommation et que par ailleurs la fiscalité rwandaises en terme
d'épargnes sur le revenu a des effets sur le niveau d'épargne.
Modèle d'analyse
Suite à la disponibilité des données
nous nous sommes proposé de considérer la période allant
de 1980 jusqu'en 2006 et de prendre comme cas le Rwanda. La
macroéconomie constitue le domaine de base de notre travail.
Dans les pays en voie de développement, l'impôt
assure trois rôles importants dont : la stimulation de
l'épargne et de l'investissement et enfin permettre de pourvoir le
budget de l'Etat. En effet, il présente en lui une dimension sociale qui
se remarque dans la façon dont le pouvoir détermine la part du
revenu qui doit être laissée à l'individu et dans la
manière dont il opère la redistribution des revenus et des
richesses4(*).
En dehors de cet aspect théorique, en ce qui concerne
la politique fiscale, la question reste à vérifier empiriquement
l'effet de la fiscalité en terme des impôts sur les revenus et
sur l'épargne, compare aux effets d'autres variables en relation avec
cette dernière (épargne) en d'autre terme si la théorie
ci haut précité est valable au Rwanda.
Ainsi notre modèle va se présenter comme
suit :
LnSt = a0LnIRt
+a1LnPIBt +a2 LnConsot +a3
Tict +a4 Tinft + åt
Où :
S : Epargne nationale;
IR : Impôts sur le Revenu;
PIB : Production Intérieur Brut;
Co : Consommation;
Tic : Taux d'intérêt Créditeur;
Tinf : Taux d'inflation Indice des prix à la
consommation;
å: le terme d'erreur
Les signes attendus du
modèle
Les signes attendus pour les coefficients des variables du
modèle sont les suivantes :
-ao < 0 : en
effet les Impôts sur les revenus grèvent la part du revenu qui
devraient être épargné c'est-à-dire qu'elles
influent négativement sur l'épargne.
-a1 > 0 : le PIB est le
principal déterminant de l'épargne. En effet, le PIB est le
principal déterminant de l'épargne et donc exerce une influence
positive sur celle-ci.
-a3 < 0 : au Rwanda, la
consommation est beaucoup plus élevée que l'épargne et
d'ailleurs le revenu étant reparti en épargne et consommation,
quant les individus augmentent beaucoup plus leur consommation cela
réduit sensiblement la part du revenu à épargner et la
dite consommation influencent négativement l'épargne.
-a4 > 0 : l'accroissement
du TIC rend plus attractive l'épargne, raison pour laquelle son
coefficient doit être positif.
-a5 < 0 : pour comprendre
l'évolution de l'épargne, on devrait aussi tenir compte de
l'influence de la hausse ou de la baisse des prix. Ainsi, le taux d'inflation a
un impact négatif sur le niveau de l'épargne.
DIFFÉRENTS TESTS UTILISES
Pour aboutir aux differents résultats ; nous
nous avons utilisé le test de stationnarité et le test de
cointegration.
Avec le premier test, il convient de déterminer l'ordre
des différentes variables utilisées dans le modèle
tandisque le second consiste à vérifier si les variables
utilisées peuvent être intégrées dans un même
modèle et qu'elles ont une relation de long terme. Pour cela il faut
étudier la stationnarité des résidus issus du
modèle à long terme donc après estimation du
modèle. La régression du modèle suivant a
été à la base de l'estimation de la relation à
long terme entre nos variables :
Lnst = a1LnIRt +
a2LnPIBt + a3LnConsot
+a4Tinft +a5TICt +
åt
RESULTATS OBTENUS
Après analyse, notre modèle se présente
comme suit :
Lns=-1.4818LnIR+42.6168LnPIB-41.616 Ln
Co+0.03595TIC-0.04463LnTinf+åt
(0.0000) (0.000) (0.000)
(0.5580) (0.0065)
R2 = 96.97% R2
Ajustée = 96.1728 %
1.Les résultats de l'estimation montrent que la
variable dépendante (épargne) est expliquée à
96.97% par les variables explicatives.
2. En ce qui concerne les coefficients, nous constatons que
vu la probabilité de l'impôt sur le revenu (0.0000<0.05), il
explique négativement l'épargne.En effet un impôt direct
sur le revenu ne modifie pas les prix relatifs des biens et n'influence donc
pas l'allocation efficace des ressources. En revanche, il peut
décourager l'épargne et le travail. Ce qui est évident au
Rwanda est que cet impôt décourage l'épargne comme nous le
montre l'outil économétrique. En effet, si l'IR varie de 1%, il
entraîne une diminution de S de 1.48% toutes choses restant égales
par ailleurs.
3. La consommation quant à elle, explique aussi
négativement l'épargne. Si la consommation augmente de 1% toutes
choses restant égales par ailleurs, l'épargne diminue de
41,16%.
4. Le PIB, étant la principale déterminant de
l'épargne au Rwanda, nous constatons que son coefficient est largement
significatif par sa probabilité (0.0000<0.05). En effet, la variation
du PIB de 1% entraîne celle de l'épargne de 42,6%.
5. La probabilité du TIC de 0.5580 (> 0.05) veut
dire qu'au Rwanda, le Taux d'Intérêt Créditeur n'explique
pas l'épargne. En effet comme nous l'avons précédemment
constaté la hausse du TIC devrait rendre plus attrayante
l'épargne mais ici nous ne remarquons pas aucun effet, et ceci peut nous
amener à détecter que le rwandais n'ont pas l'habitude de
spéculer sur le taux d'intérêt, même si l'objectif de
cette sorte de spéculation est de rentabiliser les liquidités.
Mais jusque là cet effet reste ambigu.
6. Et, enfin, l'outil économétrique, montre
qu'au Rwanda, l'inflation peut expliquer négativement l'épargne
en regardant sa probabilité de 0.0065(<0.05). En effet, comme nous
l'avons dit précédemment pour comprendre l'évolution de
l'épargne, on devrait aussi tenir compte de l'influence de la hausse ou
de la baisse des prix. Donc l'augmentation de 1% du TINF entraînerait la
diminution de 0.04% de S toute chose restant égale par
ailleurs.
CONCLUSION
En guise de conclusion, nous confirmons notre
deuxième hypothèse qui stipule que «La fiscalité
rwandaise en terme des impôts sur le revenu a des effets sur le niveau
de l'épargne intérieure », mais il y a d'autres
variables qui peuvent influer sur le niveau de l'épargne
intérieure. En effet au Rwanda, le taux d'épargne reste faible
cela étant dû à la faiblesse du revenu de la plupart de la
population qui, jusque là sont incapable de consommer une partie de leur
revenu et d'en dégager une épargne.
Nous avons travaillé sur le sujet
intitulé : «Analyse des effets de la
fiscalité Rwandaise sur l'épargne intérieure ».
Nous avons choisi la période allant de 1980 à 2006 afin
d'avoir une large vision sur le temps et inclure ainsi la période
d'avant et d'après le génocide. Nous nous sommes fixé deux
objectifs à savoir de dégager les comportements des agents
économiques face à la fiscalité et évaluer le
comportement de l'épargne face à la fiscalité rwandaise.
Ces objectifs nous ont conduits à démontrer les effets de la
fiscalité rwandaise notamment d'impôts sur les revenus sur le
niveau de l'épargne. Outre la fiscalité, d'autres variables
peuvent influer sur le niveau d'épargne intérieur. Les mesures
correctives doivent ainsi ternir compte des variables complémentaire en
vue d'une politique fiscale durable et favorable à la
société rwandaise.
La consommation prend presque la totalité du revenu
nationale et parfois l'excède d'où l'épargne
négative. Ceci, nous a conduits à l'analyse la relation existant
entre la structure fiscale rwandaise et la faiblesse du niveau de revenu et par
conséquent de l'épargne intérieure. En effet, la structure
fiscale rwandaise est caractérisée par la
prépondérance des impôts indirects qui représentent
en moyenne 67% des recettes totales. Chaque personne sans tenir compte de sa
condition économique est soumise à cette forme d'impôts.
Quant aux impôts directs, les principales sources
d'imposition sont les rémunérations professionnelles et
salariales, les bénéfices des sociétés et des
personnes physiques, les revenus des biens immobiliers et les taxes sur les
importations, et pourtant pour la plupart des contribuables
ce revenu est en lui-même insuffisant. Nous avons ainsi directement
conclut que les contribuables préfèrent plutôt consommer
leur revenu se trouvant diminuer par l'effet des impôts au lieu d'en
épargner. Ce constant nous a conduit à confirmer notre
première hypothèse selon laquelle «Le versement fiscal
au Rwanda est considéré comme un substitut à
l'épargne plutôt qu'à la consommation, autrement dit un
accroissement exagéré des impôts renforce la faiblesse du
revenu et par conséquent de l'épargne intérieure au
Rwanda.»
L'analyse empirique nous a permis de nous rendre compte de
l'effet négatif de la fiscalité en termes des impôts sur le
revenu sur le niveau de l'épargne intérieure. Le PIB, la
consommation et le taux d'inflation étant aussi statistiquement
significatifs compte tenu de leurs probabilités. Par ailleurs, le taux
d'intérêt créditeur (TIC) qui était sensé
rendre l'épargne plus attractive que la consommation immédiate
n'a pas été statistiquement significatif.
Suggestions
En vue de stimuler les investissements, il serait mieux de
mettre d'abord en place des mesures incitatives pouvant stimuler
l'épargne. Comme, la principale source de cette dernière est le
revenu, il convient de mettre en place des stratégies visant à
stimuler l'offre des facteurs de production, notamment les capitaux et le
travail. Il faut rémunérer surtout les dépôts
à vue car beaucoup épargnent non pour avoir la
rémunération mais seulement pour profiter des crédits
ultérieurs. Aussi la réduction ou l'exonération des
certains types d'épargne inciterait les ménages à
épargner plus et à consommer moins.
L'augmentation de taux de l'impôt sur le revenu
mettrait en péril la satisfaction des besoins vitaux d'une grande partie
de la population et entraînerait une épargne déjà
faible et donc le développement des investissements. Ainsi, nous
suggérons que le système fiscal rwandais tienne compte des
capacités économiques de la population en vue de ne pas
décourager l'épargne plutôt d'en stimuler.
Kagoyire Marie-Grâce
Université Libre de Kigali
Email :
gracemary10@yahoo.fr
Tél. 08471176
* 1 RABOY, G:
Économie de l'offre, Economica, Paris, 2001, p.115
* 2 RABOY,G, op.cit,
p.123
* 3 GREGORY, M.,
Macroéconomie, 3émé édition, De
Boeck Université, Paris, 2003, p.490
* 4 NGAOSYVATHN Pheuiphanh,
Le rôle de l'impôt dans les pays en voie de
développement, Paris, 1974, P.3