L'organisation des nations unies face aux conflits armes en afrique: Contribution a une culture de prevention( Télécharger le fichier original )par Jean-Désiré Harerimana-Kimararungu Université de Liège - DEA en relations internationales et intégration européenne 2007 |
Paragraphe II : La coordination et coalition des acteurs intervenantdans la prévention : un pas vers l'efficacitéUne meilleure approche préventive peut consister à envisager l'ONU comme un creuset de tous les efforts gouvernementaux de prévention (A) et à valoriser les capacités des autres acteurs oeuvrant pour la paix (B). A- Les Nations Unies : un creuset des efforts de prévention La prévention des conflits armés en Afrique figure à l'agenda de plusieurs acteurs des relations internationales. Cependant, ce qui fait encore défaut, c'est une véritable coordination des actions allant dans ce sens. Le Rapport final de la Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers a rappelé le caractère complexe de la prévention et ses implications : « Nous sommes, affirment les membres de la Commission, parvenus à la conclusion que la prévention des conflits représente à long terme une tâche trop difficile, intellectuellement, techniquement et politiquement, pour ne relever que d'une seule institution ou d'un seul gouvernement, quelle que soit par ailleurs sa puissance96( *) ». Il va sans dire qu'une importante condition de succès des actions préventives peut être l'instauration d'une véritable coopération entre tous les acteurs dont les actions s'inscrivent au chapitre de la prévention. Ceux-ci doivent rechercher un creuset de concertation et une coordination plus intensive pour créer des effets de synergie. L'ONU pourrait se proposer de servir de cadre à une telle démarche en raison de son caractère universel. En effet, plusieurs Etats membres développent, individuellement ou au sein d'Organisations (sous-)régionales des capacités de prévention avérées. Par exemple, l'Union Européenne (UE) s'est dotée d'une stratégie globale de prévention et de résolution des crises97( *). De même, en 1993, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) a institué son propre mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits98( *). Plus tard en 1999, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) s'est dotée d'un dispositif de la même teneur. Les mécanismes développés par ces trois institutions sont axés sur l'alerte rapide et la réaction rapide suivant une procédure à trois phases : observation et collecte d'informations ; alerte précoce et action préventive. Si aujourd'hui l'institution d'une telle procédure fait encore défaut au sein de l'ONU99( *), c'est parce qu'elle a longtemps entretenu une culture de réaction aux crises. Une concertation voire coalition avec d'autres acteurs peut véritablement permettre à l'ONU d'accroître son efficacité dans le domaine de la prévention. Dans le même temps, cette démarche favorisera une cohérence des acteurs sur le terrain par l'établissement de priorités communes. La proposition du Secrétaire général d'exploiter davantage « Le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies [qui] confère à l'ONU et aux organisations régionales une grande latitude d'action concertée pour la prévention des conflits100( *) » nous paraît venir à point nommé. La prévention des conflits n'est toutefois pas l'apanage des acteurs publics. Des acteurs non gouvernementaux agissent constamment dans ce sens et leurs actions méritent une reconnaissance. A- La valorisation des capacités non gouvernementales pour la paix Aujourd'hui, l'ONU éprouve beaucoup de difficultés à mettre un terme aux guérillas, tentatives de sécession et autres violences intérieures101( *). Le cas de la Côte d'ivoire est à ce titre évocateur. Une lueur d'espoir peut résider dans la multiplication des réseaux d'acteurs non gouvernementaux militant pour la prévention des conflits à laquelle nous assistons depuis quelques années. En effet, c'est Paul Van TONGEREN qui a souligné à juste titre : « Les ONG spécialisées dans la prévention des conflits et d'autres acteurs sociaux sont souvent mieux placés pour opérer, au plan politique et personnel, des changements qui, initialement modestes, permettent parfois de désamorcer un conflit en le ramenant à une série de désaccords négociables102( *) ». Le concept récent de diplomatie à voies multiples conduite par des acteurs privés est une approche prometteuse en faveur de laquelle militent plusieurs arguments. Entre autres, - Elle intervient avec plus de rapidité et de ponctualité dans les situations à risque car, elle n'est pas liée par des procédures qui retardent la mise en place des mécanismes ; - Elle favorise l'exploration de nouvelles voies de règlement qui sont libres de pressions et de la publicité ; - Elle empêche l'éternel dilemme de l'ONU qui doit éviter de légitimer des factions combattantes en les incluant dans les négociations103( *). La diplomatie non gouvernementale peut donc s'avérer efficace. C'était le cas par exemple au Mozambique et au Burundi avec l'action de la communauté Sant-Egidio qui a offert aux factions belligérantes un terrain neutre de dialogue et de négociation104( *). Tout concourt à dégager un principe nouveau : une guerre civile, pour être efficacement prévenue, nécessiterait une action civile. Ce principe est d'ailleurs conforme à la Charte des Nations Unies dont l'article 71 prévoit que les Organisations non gouvernementales peuvent servir les buts visés par l'ONU grâce à leurs actions. Qu'elles s'investissent dans la prévention des conflits ne peut que contribuer à renforcer l'efficacité de l'Organisation mondiale en la matière. Pour qu'il en soit ainsi, l'ONU doit établir une coopération officielle avec ces acteurs afin de valoriser leurs actions. Les diverses résolutions sur le rôle des femmes et de la société civile dans la gestion des conflits constituent un préalable non négligeable. Les conflits armés en Afrique ont des causes profondes sur lesquelles l'ONU devrait chercher à agir constamment afin que s'amenuisent les risques de leur survenance. * 96 Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers, op. cit. * 97 Voir notamment Joao de Deus PINHEIRO : La réponse de l'Europe aux conflits de l'Afrique in LE COURRIER n° 168, pp.66-67 * 98 Avec la transformation de l'OUA en Union Africaine, ce mécanisme est devenu Conseil de Paix et de Sécurité. * 99 Voir Hervé CASSAN, op.cit. Ce constat est également partagé par Maurice BERTRAND lorsqu'il affirme qu'à l'ONU, « Il n'existe aucune méthode pour prévenir les crises qui se multiplient dans les pays pauvres, ni par interventions militaires, ni par négociation ». (Maurice BERTRAND : L'ONU, op. cit. p.104) * 100 Kofi A. ANNAN : Prévention des conflits armés, op. cit. p.81 * 101 Paul Van TONGEREN : Le rôle des ONG : La valorisation des capacités locales pour la paix in LE COURRIER n° 168 p.70 * 102 Ibidem * 103 Cf. Hervé CASSAN, op. cit. * 104 Kofi A. ANNAN : Prévention des conflits armés, op. cit. p.84 |
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