Revue de la littérature
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Les mutuelles de santé peuvent-elles
améliorer efficacement l'accessibilité financière des
travailleurs aux soins de santé de qualité ?
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Rodrigue NGOUANA
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TABLE DE MATIERES
2
INTRODUCTION
3
I. ETAT DES LIEUX DE LA PROTECTION
SOCIALE DANS LES PAYS DU SUD
5
A. Les origines des systèmes de protection
sociale
5
B. La protection sociale dans les pays de
l'Amérique latine
7
C. Dans les pays de l'Afrique subsaharien
8
II. LE CHEMIN SINUEUX DU SYSTEME
CAMEROUNAIS DE LA SANTE : DE L'EGALITE A L'EQUITE
13
A. L'organisation du système sanitaire
15
B. La pratique de l'assurance maladie au
Cameroun
16
C. Quel système d'assurance maladie pour les
travailleurs
17
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
19
I. INTRODUCTION
«Toute personne a droit à un niveau de vie
suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa
famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins
médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a
droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie,
d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte
de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de
sa volonté» (ONU, 1948)1(*).
Trente ans après la Déclaration
d'Alma-Ata2(*), environ 1,3
milliard de personnes dans le monde n'ont toujours pas accès aux soins
de santé de base (Oxfam, 2008)2(*). Bien que le droit à la sécurité
sociale et à la santé soit bien établi dans le droit
international, les gouvernements et les donateurs internationaux
échappent toujours à leur responsabilité de garantir ces
droits à des millions de personnes. Les disparités énormes
entre les personnes riches et pauvres demeurent évidentes entre et au
sein des pays (D. CARR, 2004)3(*). La société africaine est très
connue pour son sens des valeurs, son sens de la solidarité et de
l'entraide, que d'aucun nomme « solidarité
africaine », aussi bien au sein des sociétés
traditionnelles ou des sociétés évoluées
(modernes), il se développe très souvent des groupes,
regroupements et organisations portant différentes appellations,
tontines, associations, réunions, mutuelles (Pairault, 1990, Raillon,
2000)4(*) et donc le souci
principal est de faire face à certains risques sociaux.
Dans la plupart des pays africains au sud du Sahara,
l'accès aux systèmes de sécurité sociale est
réservé aux travailleurs du secteur formel (fonctionnaire pour la
plupart). Il n'existe aucune assurance santé formelle pour le reste de
la population qui est pourtant la plus démunie et, souvent, la plus
exposée aux risques. Les travailleurs du secteur informel et une grande
majorité du secteur formel (entreprises privées et parapubliques)
qui constituent plus de 80 % de la population active du continent (MOTAZE. L.P,
2008)6(*) se trouve de ce
fait dans une situation de vulnérabilité grave. Aujourd'hui, bon
nombre de ces pays d'Afrique présentent des indicateurs de santé
et une espérance de vie parmi les moins favorables au monde (BIT/STEP,
2002)7(*).
Face à cette situation, de nombreux groupes de
populations ont décidé de s'organiser pour développer des
formes de protection sociale qui répondent de la meilleure
manière possible à leurs besoins. Dans certains cas, ils ont mis
en place des systèmes de micro finance santé.
Le terme «micro finance santé» regroupe une
importante variété de systèmes d'assurance destinés
aux populations vulnérables et qui se développent actuellement en
Afrique, ainsi que dans l'ensemble des pays en développement. Les
systèmes de micro finance santé (MAS) contribuent à
réduire les barrières financières d'accès aux
soins. Les mutuelles de santé constituent l'une des formes les plus
répandues de systèmes de micro finance.
La présente revue de la littérature va nous
permettre de mieux cerner les travaux qui ont été
réalisés dans le cadre du financement de la santé dans les
pays du sud, de démontrer combien de fois le secteur de la protection
sociale et de l'assurance maladie en particulier reste assez mal couvert pour
des populations productrices et en occurrence pour les travailleurs au sein des
entreprises Camerounaises, tant publiques, parapubliques, comme
privées.
I. ETAT DES LIEUX DE LA
PROTECTION SOCIALE DANS LES PAYS DU SUD
L'accès à une protection adéquate en
matière de sécurité sociale et de soins de santé
correspond à deux droits fondamentaux de l'homme. Ces droits sont
toutefois loin d'être respectés à l'échelle
mondiale. Par exemple, quatre vingt pour cent de la population en Afrique
subsaharienne et dans certaines régions d'Asie sont privés d'une
telle protection (COHEUR, A. et al, 2007)8(*). L'inégalité des besoins rend ce
problème plus aigu encore : les conditions de vie et de travail des
travailleurs et des populations rurales les exposent le plus aux risques en
matière de santé et d'accidents, or, ils représentent les
catégories de personnes les plus souvent exclues de la
sécurité sociale.
L'exclusion de la sécurité sociale a des
conséquences dramatiques pour l'individu et sa famille. L'Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) estime que, chaque année, les
coûts des soins de santé poussent 100 millions de personnes dans
le cercle vicieux de la maladie et de la pauvreté. Qui plus est, cette
exclusion réduit aussi les possibilités de croissance
économique et de développement social et rend les pays plus
vulnérables aux conséquences des chocs sanitaires.
L'extension de la protection sociale, en particulier en
matière de santé, est donc une question urgente si l'on veut
contribuer à la croissance économique et au développement
social, mais, surtout, protéger des centaines de millions de personnes
dans le monde de la pauvreté et de souffrances évitables. Ainsi
il serait intéressant de montrer les efforts d'extension de la
protection sociale à travers les différents continents en
développement du globe.
A. Les origines des
systèmes de protection sociale
L'origine des systèmes de protection sociale est
intimement associée à l'histoire sociale européenne du
19ème siècle. La révolution industrielle en Europe a
entraîné une augmentation considérable du nombre de
salariés, concentrés dans les nouveaux centres industriels et
confrontés à une énorme misère sociale (beaucoup
quittaient leurs familles pour aller très loin chercher du travail). Les
revendications croissantes du mouvement ouvrier et la montée du
socialisme ont alimenté les inquiétudes au sein de
l'establishment (politique, économique et même religieux) quant
aux risques de dislocation de la société, et ont obligé
l'Etat à reconsidérer son rôle et à se transformer
en puissance protectrice, `l'Etat-Providence'. Les premières mutuelles
se sont développées dans la première moitié du
19ème siècle, à l'initiative de groupes d'ouvriers ou de
patrons ayant des préoccupations sociales: `sociétés de
secours mutuels' en Belgique et en France, `friendly societies' au Royaume-Uni
(CRIEL B., DORMAEL M V., 1999)9(*). Les principaux risques encourus par les ouvriers
n'étaient pas les éventuels frais médicaux, les soins
disponibles étaient très restreints et techniquement peu
efficaces à l'époque, mais bien la perte de revenus du
ménage en cas de décès, d'accident, de maladie
prolongée ou de licenciement. Mais les insuffisances des mutuelles sont
rapidement devenues manifestes: les cotisations restreintes, la petite taille
de la plupart de ces associations, et le manque d'expertise gestionnaire ne
permettaient pas aux mécanismes de solidarité locale d'assurer
une réelle protection aux adhérents (de Swaan A, 1988)10(*). Si l'origine de ces caisses
de secours mutuels provient du mouvement ouvrier naissant ou de mouvements
philanthropiques, et non des pouvoirs publics, il est essentiel de noter que
c'est seulement après l'intervention de l'Etat que ce type d'association
est devenu viable. La manière dont l'Etat Providence est intervenu dans
ce qui s'est appelé ultérieurement la sécurité
sociale a varié d'un pays à l'autre. Là où l'Etat
est intervenu directement, comme au Royaume-Uni, les mutuelles ont
progressivement perdu leur raison d'être. Dans d'autres pays comme la
Belgique, les mutuelles ont subsisté en s'intégrant dans le cadre
de l'assurance-maladie obligatoire. En Allemagne, le nom du chancelier Bismarck
est associé au premier système de sécurité sociale
organisé par l'Etat, avec la création de l'assurance maladie en
1883 financée par des cotisations patronales et ouvrières ainsi
que par l'Etat. Pour Bismarck, la mise en place d'un système de
sécurité sociale obligatoire, subsidié par l'Etat (et donc
dépendant de lui), était un instrument de contrôle social
et politique: plus d'égalité sociale afin de garantir une
loyauté des travailleurs vis-à-vis de l'Etat. L'intention
était de contrer l'influence politique des socialistes et d'endiguer les
risques d'émeutes et de révolution, en répondant à
certaines exigences du mouvement ouvrier (Rimlinger, G.V, 1971)11(*). L'émergence de
l'Etat-Providence à la fin du 19ème siècle apparaît
donc comme une réponse face au péril constitué par des
masses populaires paupérisées mais de plus en plus
organisées et capables de se faire entendre dans la presse, dans la rue,
voire dans les instances parlementaires. L'intervention de l'Etat était
censée maintenir et non pas changer les fondements de la
société capitaliste (VANTHEMSCHE G, 1997)12(*). Pour réaliser cette
fonction de protection sociale, il fallait cependant que l'Etat dispose de
l'autorité nécessaire pour imposer et faire respecter le
caractère obligatoire du système d'assurance, d'une
administration efficace pour le gérer, et finalement des ressources
financières nécessaires pour le subsidier.
B. La protection sociale
dans les pays de l'Amérique latine
Le financement des soins de santé reste pour les pays
en développement un enjeu primordial. Malgré les efforts
consentis pour améliorer l'offre de services de santé, de
nombreux pays à revenu intermédiaire et à faible revenu
sont loin d'atteindre une couverture universelle. D'après les
estimations, 1.3 milliard de personnes n'auraient pas accès à des
soins de santé abordables et efficaces y compris aux médicaments,
aux interventions chirurgicales et aux autres services médicaux. Selon
l'organisation mondiale de la santé, les pays en développement
supportent 93 % de la charge de morbidité liée à la
maladie du monde alors même qu'ils n'enregistrent que 18 % du revenu
mondial et 11 % des dépenses mondiales de santé (VANTHEMSCHE G
1997)13(*).
D'où cette question essentielle : comment
améliorer l'accès aux soins de santé et la protection
financière des pauvres dans les pays en développement ? Alors que
les régimes officiels d'assurance maladie se sont avérés
largement inopérants pour les pauvres, des systèmes
privés, à but lucratif ou non, voient le jour un peu partout et
ouvrent des perspectives d'amélioration du partage des risques à
une plus grande partie de la population (DRECHSLER, D et JÜTTING, J,
2005)14(*).
Au Chili par exemple, les réformes de 1980 ont permis
aux compagnies d'assurance privées (ISAPREs) de concurrencer le Fond
public national de Santé (FONASA). Les deux systèmes ont des
fonctionnements opposés : l'ISAPREs peut ajuster les primes et les
bénéfices pour refléter le risque individuel du client,
tandis que FONASA est financé par un impôt sur le salaire de 7% et
n'exclut personne. En conséquence, les 27 % de la population du Chili
qui est représentée par les plus riches et les plus sains sont
assurés auprès de l'ISAPREs, qui propose des paquets aux
avantages plus larges à une prime plus élevée, alors que
presque tous les ouvriers de faible revenu et leurs familles, ainsi que la
majorité des personnes de plus de 60 ans sont couverts par FONASA, une
expérience assez enrichissante, mais qui nécessite une
volonté politique et une implication de l'Etat.
En Inde par contre, depuis 2000, l'Inde a connu une forte
croissance des systèmes de microassurance (Oxfam, 2008)15(*). Les compagnies d'assurance
privées ont été autorisées à opérer
sur le marché indien à condition qu'elles assurent
également les ménages à faible revenu.
Une étude, sur le terrain, de six systèmes
d'assurance maladie en Inde a montré qu'ils ont joué un
rôle positif dans la réduction des dépenses catastrophiques
de santé dans le cas d'hospitalisation, mais n'ont pas vraiment permis
aux populations assurées de réduire leur dépenses de
santé, car les hospitalisations n'ont représenté que 11%
du total des dépenses de santé des ménages (DROR,
2007)16(*).
C. Dans les pays de
l'Afrique subsaharien
La dynamique mutualiste africaine présente un certain
nombre de spécificités qui la distinguent nettement de la
situation des autres continents comme l'Europe de la fin du
19ème siècle. Ceux qui promeuvent le concept de
mutuelles et qui apportent l'appui institutionnel et technique
nécessaire à leur développement sont souvent
extérieurs à la société africaine.
La question du financement de la santé constitue
aujourd'hui en Afrique subsaharien, un thème prioritaire pour les
partenaires du développement. En matière de financement, elle
prête une attention particulière aux mutuelles de santé. Le
Bureau International du Travail qui s'est longtemps cantonné dans la
promotion de la couverture du risque maladie par des régimes classiques
de Sécurité sociale, met désormais en avant l'importance
de l'extension de la protection sociale dans la lutte contre la
pauvreté. Ainsi, il s'intéresse à la couverture maladie
dans le secteur de l'économie informelle et fait la promotion de la
micro assurance de santé, dont les modalités d'organisation
tranchent avec celles des régimes de Sécurité sociale,
réservés au secteur de l'économie formelle. La Banque
mondiale aussi attache de l'importance au développement des dispositifs
de financement de la santé, mais avec des plaidoyers de contenu variable
selon les départements (LETOURMY, A. 2003)17(*).
Toutefois, on ne peut pas s'empêcher de remarquer
l'engouement des États pour l'assurance maladie qui, sous des formes
diverses (micro assurance santé, mutuelles, régimes obligatoires)
figurent dans l'agenda politique de la plupart des gouvernements.
La politique de recouvrement des coûts a montré
ses limites et son relatif succès en matière de mise à
disposition du médicament n'a pas empêché l'expression de
diverses critiques, notamment sur les thèmes du renforcement des
inégalités et de l'incapacité du paiement direct à
donner accès aux soins hospitaliers plus coûteux. Sur le premier
point, les populations attendaient plus de l'État ; sur le second, elles
sont devenues plus réceptives à l'idée d'assurance. Dans
certains pays, les régimes de protection sociale existant se sont
effondrés du fait d'une mauvaise gestion. Selon Alain LETOURMY, il est
devenu problématique un peu partout que l'extension de la couverture au
risque maladie soit réalisée dans les organismes de
Sécurité sociale sous la forme héritée du
passé colonial. En fait le développement de l'assurance maladie
au sein du secteur de l'économie formelle s'est alors effectué de
façon très décentralisée (mutuelles d'entreprise,
contrats privés), y compris lorsque l'État lançait un
régime obligatoire (cas des Instituts de prévoyance maladie, les
Institutions de Prévoyance Maladie au Sénégal). Pour les
fonctionnaires, l'État a le plus souvent créé un
régime non contributif d'assurance maladie couvrant uniquement le gros
risque, en laissant un ticket modérateur de l'ordre de 20% aux malades
comme au Mali, Sénégal, Burkina, et au Bénin. Dans
certains cas comme en Côte d'Ivoire, des mutuelles à
adhésion obligatoire ont été créées.
Au Ghana, en 2003 lorsqu'il était confronté au
problème du sous financement de ses équipements sanitaires, il a
été introduit le SNAM (Système National d'Assurance
Maladie). Son objectif était de financer la santé de
manière durable afin d'assurer à tous et surtout aux plus
vulnérables, des soins de santé accessibles, abordables et de
qualité. Le nouveau système a été
complètement opérationnel dans 83 des 138 districts du pays en
septembre 2005. Le nombre total d'adhérents était de 2,9
millions, soit 14 pourcent de la population (Ministère de la
Santé du Ghana. 2007)18(*). En fin 2006, le SNAM couvrait 38% de la population,
cependant seul 19% des travailleurs ruraux pouvaient accéder aux
services proposés. La part des personnes les plus pauvres
adhérant au système a chuté de 30 pourcent en 2005
à 1,8 % en 2006 (Ministère de la Santé du Ghana.
2007)19(*) La raison de
cette diminution est toujours à l'étude, mais elle est, au moins
partiellement, due aux difficultés d'identifier et d'inclure les
personnes pauvres dans le dispositif.
Le SNAM, qui est principalement financé par les taxes,
l'est de manière additionnelle par le secteur de la santé
ghanéen de manière raisonnablement équitable. Cependant,
avec seulement 38 % de la population disposant de cartes d'adhésion
valides, l'accès à la santé n'est pas le même pour
tous et les OMD restent encore loin d'être atteint aussi bien pour les
pays d'Afrique anglophone comme les pays d'Afrique francophone.
Une dynamique mutualiste semble émerger en Afrique
francophone (Brouillet et al, 1997; Atim,1998; Bennett et al, 1998)20(*). Au Rwanda par contre,
l'émergence des mutuelles de santé à été une
réponse de la communauté à la réintroduction des
paiements par les usagers (user fees) dans les dispensaires publics ou
privés, et ont été soutenus par des autorités
sanitaires et les ONG (PATHE et DAMASCENE., 2005)23(*). Le nombre de mutuelles a
augmenté, de six en 1998 à 76 en 2001 et 226 en novembre 2004. La
couverture des groupes à faible revenu n'a seulement été
possible qu'après que le Ministère de la Santé ait
commencé à subventionner les frais d'adhésion pour les 10%
des personnes les plus pauvres de la population. Cette mesure a permis
d'amplifier la couverture des mutuelles de 70 % en 2007, mais trop de personnes
parmi les populations pauvres en sont encore exclues (Rusa et Fritsche
2007)24(*). En janvier
2007, les frais d'assurance pour les mutuelles ont été
fixés à 1,70$ par personne, et chaque ménage a
été obligé d'enregistrer tous ses membres. Un tel
système devenu contraignant avec une cotisation supérieure
à plus d'un dollar reste hors d'atteinte pour les populations
déjà très vulnérables, même comme il est
semble incapable de financer des services de santé suffisamment
attractifs. Ainsi, sans un financement suffisant du secteur de la santé,
il est plus que probable que le fardeau du financement de la santé
continue à peser en grande partie sur les épaules des
utilisateurs.
Un autre système assez répandue dans les pays en
développement est celui de l'assurance maladie privée (AMP), bien
que toujours considéré par les opérateurs du secteur comme
produit assez gourmande et consommatrice, beaucoup la considère comme
ayant un fort potentiel en Afrique25(*). La Banque mondiale a été
particulièrement influente en conduisant la croissance des
marchés de l'AMP en Amérique latine, en Europe de l'Est et en
Asie centrale (Jütting et Drechsler, 2005)26(*).
Cependant, la couverture par l'AMP est encore limitée :
en 2005 elle ne dépassait les 20% du total des dépenses de
santé que dans seulement six pays, et dans les pays à faible
revenu, les taux de couverture étaient inférieurs à 10% de
la population (Jütting et Drechsler, 2005)27(*).
II. LE CHEMIN SINUEUX
DU SYSTEME CAMEROUNAIS DE LA SANTE : DE L'EGALITE A
L'EQUITE
A son accession à l'indépendance en 1960, le
Cameroun comme la plupart des Etats Africains adopte la gratuité des
soins comme mode de fonctionnement des structures publiques de santé. La
capacité effective des populations à payer est très
faible, le secteur productif formel est encore à mettre en place; les
élites et la classe moyenne sont peu nombreuses. Dans les zones rurales,
une grande partie de la population vit dans les circuits économiques non
monétarisés. La santé dans sa globalité est
perçue comme un bien public, donc à la charge de l'Etat. C'est
l'âge d'or de l'Etat- Providence.
Dès 1973, le premier choc pétrolier va
créer des déséquilibres macroéconomiques dans les
pays Africains. Avec la détérioration des termes de
l'échange, les ressources financières vont se raréfier,
avec pour conséquence un recours massif aux emprunts ; le fardeau
de la dette se constitue progressivement.
En 1978, la conférence d'Alma-Ata va faire prendre
conscience des limites de la médecine curative. On va prendre en compte
les déterminants non médicaux de la santé
(Éducation, nutrition, assainissement etc.). Le concept des soins de
santé primaires va donner la prééminence à la
médecine préventive qui, implicitement gardera seule l'attribut
de bien public à la charge de l'Etat; Le statut de la médecine
curative va longtemps rester flou.
En 1979, avec le deuxième choc pétrolier, vont
être mis en place les premiers Plans d'Ajustement Structurels au
Cameroun. Les secteurs sociaux tel, celui de la santé jugés
«non productifs» vont être relégués au second
plan. L'on assiste à la disparition progressive des médicaments
et des consommables des hôpitaux publics ainsi qu'à l'abandon
progressif de la maintenance des infrastructures et équipements
hospitaliers.
La décennie 80 considérée comme
« une décennie de l'appauvrissement global»
(CHOSSUDOVSKY, M. 1998)28(*) et va être marquée dans le secteur de la
santé par une crise économique sans précédent. Les
budgets alloués à la santé vont baisser continuellement.
L'on va assister au blocage du recrutement du personnel. Les infrastructures et
les équipements hospitaliers seront abandonnés au
délabrement le plus complet. Comme l'écrit PERROT :
« on s'habitue progressivement et insidieusement à la
pénurie. Certains diront même qu'elle s'organise, en tout
état de cause, on apprend à vivre avec et chacun cherche à
se débrouiller »
En 1987, la Banque Mondiale recommande d'inclure le
recouvrement des coûts dans un ordre du jour du financement des
prestations de services de santé au Cameroun. Au cours de la même
année, une réunion des ministres Africains de la santé se
tient à Bamako (Ridde, 2004)29(*) sous les hospices de l'OMS et de l'UNICEF. Il en
ressort une nouvelle stratégie de financement de la santé,
institutionnalisant le recouvrement des coûts dans les formations
sanitaires publiques connu sous le label « d'initiative de
Bamako30(*) ».
C'est la fin officielle de l'Etat - providence dans le secteur de la
santé Camerounaise.
Les années 90 vont voir apparaître les
conséquences négatives de ces diverses stratégies. Les
principaux indicateurs sanitaires vont se dégrader. Des enquêtes
réalisées par la Banque Mondiale montrent qu'au moins le tiers,
et peut-être jusqu'à la moitié des personnes qui tombent
malades en Afrique, ne vont pas se faire soigner dans les centres de
santé modernes, mais préfèrent faire recours à
l'automédication, à des médicaments achetés en
bordure de route ou à des guérisseurs traditionnels et pour la
majorité aussi, la pauvreté et le niveau de vie, ne permet
même pas d'avoir accès à un recours quelconque.
Selon l'Enquête Camerounaise auprès des
Ménages de 1996, seules 48% des personnes se déclarant malades
ont pu bénéficier d'une consultation. Au Cameroun, le taux de
mortalité infantile est allé en se dégradant, passant de
65 %o en 1991 à 77%o en 1998 et atteignant jusqu'à 86,9%o dans
les zones rurales. Dans le même temps, le taux d'accouchements
assistés par un personnel de santé est passé 63,8% en 1991
à 58,2% en 1998.
L'utilisation des services publics de soins curatifs qui
était autour de 30% entre 1991 et 1992 est tombée à 15,2%
aujourd'hui. Pourquoi si peu de camerounais vont-il à
l'hôpital ? Même si l'inaccessibilité
géographique aux centres de santé, la mauvaise qualité de
l'accueil et des soins ou les raisons culturelles entrent en ligne de compte,
il est indéniable que la principale raison reste d'ordre
économique.
A. L'organisation du
système sanitaire
Le secteur public est organisé selon un système
pyramidal, avec à la base les centres de santé et hôpitaux
de district et au sommet les hôpitaux centraux et généraux.
Le secteur privé se compose lui, d'établissements à but
lucratif (cliniques...) ou non lucratif (structures confessionnelles ou
caritatives). Le pays est subdivisé en 174 districts de santé
comprenant 239 hôpitaux de district (150 relèvent du secteur
public et 89 du secteur privé). A ce réseau s'ajoute 2 129
centres de santé intégrés, structures en charge des soins
médicaux de base, de l'éducation sanitaire de base, et des soins
pour femmes enceintes et enfants...). Pour ce qui est du secteur privé
à but lucratif, on recense 63 cliniques sur tout le territoire avec une
capacité totale d'accueil de 2 152 lits, soit 10,6 % du total des lits
hospitaliers. Ces chiffres cachent cependant de fortes disparités
régionales. En effet, l'offre publique de soins est insuffisante et
inégalement répartie : 30% des centres de santé et 50% des
hôpitaux sont concentrés dans deux provinces (Ouest et Centre)
alors que le Nord et l'Extrême-Nord ne disposent que de 17% des centres
de santé (MINSANTE, 2002)31(*).
Pour ce qui est des compétences, en 2005, le secteur
public employait 9 750 agents titulaires et 4 500 contractuels; le
personnel du privé représentait environ 40% de l'effectif public.
2.966 médecins exercent au Cameroun (public et privé), soit 1
médecin pour 5 673 habitants, la norme OMS étant de 1/10 000. Il
y a 8 492 infirmiers soit 1 pour 1 981 habitants (norme OMS : 1/5 000). Ce
qui bien évidemment cache aussi une forte disparité au niveau de
la répartition de la concentration du personnel dans les grandes
agglomérations (Ondoua, 2002)32(*).
Au niveau de la couverture médicale, la médecine
traditionnelle est omniprésente en milieu rural, la population n'ayant
pas toujours confiance dans la médecine « occidentale ». 70%
de la population y a recours en premier lieu avant de se tourner, si besoin,
vers le secteur formel. Les prestations sociales (allocation familiale et
retraite) au niveau national sont assurées par la Caisse Nationale de
Prévoyance Sociale (CNPS), organisme public qui prend en charge les
salariés des entreprises parapubliques et privées mais n'assure
pas les prestations d'assurance maladie. La plupart des entreprises du secteur
formel proposent une couverture maladie à leurs salariés au
travers des assurances privées. Ce segment est en pleine expansion et
son chiffre d'affaires croît plus rapidement que celui des autres
branches du secteur de l'assurance.
B. La pratique de
l'assurance maladie au Cameroun
Au Cameroun comme dans la plupart des pays africains,
l'accès aux soins de santé demeure un problème majeur pour
la majorité de la population (près de 80%). A cela s'ajoute
l`insuffisance de dispositifs fonctionnels capables de protéger les
individus et leurs familles face aux risques sociaux tels que les maladies, les
décès, les accidents, l'invalidité et la retraite...
Il n'existe pas à proprement parler de
sécurité sociale au Cameroun de par l'absence d'un régime
de protection sociale universel. Beaucoup d'entreprises au Cameroun n'assurent
pas leurs personnels contre les risques sociaux ; ceux qui
réussissent à le faire, ne le font juste que pour le personnel
uniquement et très peu pour les membres de leurs familles, en plus de
ça, avec les coûts élevés de l'assurance classique,
très peu d'entreprises réussissent à assurer ces
charges.
Cependant le décret N°2000/692 du 13 Septembre
2000 fixe les modalités d'exercice du droit à la santé du
fonctionnaire. Au terme de ce texte, la protection des fonctionnaires contre
les accidents et les maladies d'origine professionnelle est entièrement
assurée par l'Etat ; cette prise en charge est réduite
à 60% lorsque ceux-ci ne sont pas imputables au service. Cette
dernière mesure s'étend à la famille du fonctionnaire
(époux, enfants légitimes, reconnus ou adoptifs). L'application
des dispositions de ce texte n'est pas encore effective sur le terrain.
L'autre catégorie sociale bénéficiant
d'une certaine prévoyance sociale est constituée des travailleurs
du secteur privé, qui sur la base des cotisations versées
à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) par
l'employeur bénéficient :
- des prestations familiales ;
- des assurances pensions de vieillesse, d'invalidité et
de décès ;
- des allocations pour les accidents de travail et les maladies
professionnelles.
La CNPS par contre traverse jusqu'aujourd'hui une situation
difficile due au montant élevé de ses créances difficiles
à recouvrer ou compromises. Suite à ces nombreuses
difficultés, une réforme de la sécurité sociale
avait été envisagée.
Le lot des travailleurs camerounais qui ne goûtent pas
encore aux délices de la sécurité sociale est
dominé par, les opérateurs du secteur informel, qui participent,
selon les statistiques officielles, à près de 50% dans le volume
des activités économiques du Cameroun; par les employés du
monde rural, qui regroupent la plus grande partie de la population active; et
par les travailleurs de ces entreprises privées dont la plupart des
responsables sont passés maîtres dans "l`incivisme sociale" en ne
souscrivant pas d'assurance maladie pour leurs personnels prétextant
souvent des difficultés liées à la pression fiscale dont
ils sont l`objet, ou alors prélèvent effectivement les
cotisations sociales sur les salaires des travailleurs, mais ne les reversent
généralement pas à la CNPS, le levier de la
sécurité sociale au Cameroun.
On peut aujourd'hui énumérer au Cameroun plus de
150 mutuelles de santé, parmi lesquelles plus de la moitié sont
essentiellement communautaire avec une gestion associative, quelques unes sont
d'un corps professionnel et très peu possèdent un système
de gestion professionnelle.
Le produit d'assurance maladie étant assez rare
auprès des populations, seule l'assurance maladie groupée est
couramment souscrit par quelques entreprises privées auprès des
compagnies d'assurance, mais reste encore un énorme chemin de croix pour
ces dernières. Or seul 10% seulement de la population Camerounaise
à accès à une protection sociale (7% pour les
fonctionnaires et 3% pour les entreprises) ceci dit, le reste souffre
énormément des déficits.
C. Quel système
d'assurance maladie pour les travailleurs
Il est clairement montré que les systèmes
étatiques de prévoyance sociale (CNPS) ne sont pas suffisamment
viable pour couvrir le fort besoin d'assurance maladie de la population
travailleuse du Cameroun, qu'elle soit du secteur formel ou informel, le
système de partage tel que défini par le système
étatique reste faible et fortement déficitaire. Pour palier
à ces manquements plusieurs entreprises Camerounaises ont pris
l'initiative de mettre en leur sein des systèmes de partage de risques,
les mutuelles de santé d'entreprise, ces système bien que
très intéressant rencontrent bien aussi tous les problèmes
que connaissent les mutuelle de santé (taille, qualité de soins,
gestion, viabilité..., une série de problèmes qui
relève certainement du faite que même étant des
systèmes habituellement courant, car il existe plusieurs association
pratiquant le partage de risques, lorsqu'il s'agit des système assez
grands et prenant en compte certaines complexités et certaines risques
qui nécessite une certaine compétence, la viabilité
devient très rapidement fragile.
Le gouvernement camerounais a définit dans sa
stratégie sectorielle du secteur santé, des objectifs à
atteindre en matière de couverture pour les populations, basée
sur le système de mutualisation, ce qui demande assez de temps, de
moyens et de compétences pour l'accompagnement des populations rurales.
Une multiplication des mutuelles d'entreprise et un renforcement de celles
déjà existantes pourrait servir d'exemple à l'extension de
la protection sociale et à la mise en place d'un système
englobant permettant de prendre en compte les populations rurales.
II. REFERENCES
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* 13 Ibid.
* 14 DRECHSLER, D et
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* 17 LETOURMY, A.
(2003). État et assurance maladie dans les pays africains.
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* 18 Ministère de la
Santé du Ghana (2007) `Health Sector 5 Years Programme of Work
2002-2006'; Independent Review of POW-2006
* 19 Ibid.
* 20 Brouillet P, Wade M,
Kambé M & Ndao M (1997)
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* 24 Rusa et Fritsche
(2007) `Rwanda: Performance-Based Financing in Health'. In The Source book
on Emerging Good Practice, seconde edition Mai 2007.
* 25 Comme l'indique la
stratégie de l'IFC `The Business of Health in Africa: Partnering with
the Private Sector to Improve People's Lives', et aussi le financement par les
Pays-Bas du Health Insurance Fund au Nigeria.
* 26 DRECHSLER, D et
JÜTTING, J (Août 2005). L'assurance maladie privée dans
les pays en développement : une solution pour les pauvres ? (Vol.
Repères n° 11, www.oecd.org/dev/reperes). CENTRE DE
DÉVELOPPEMENT DE L'OCDE.
* 27 Ibid. Les pays ayant
des niveaux de couverture d'AMP supérieur ou égaux à 20 %
sont l'Uruguay, la Colombie, le Brésil, le Chili, la Thaïlande, la
Namibie et l'Afrique du Sud.
* 28 CHOSSUDOVSKY, M.
(1998). La mondialisation de la pauvreté. Montréal,
Éditions Ecosociété, 248 p.
* 29 Valéry RIDDE,
2004 « L'initiative de Bamako 15 ans après : Un agenda
inachevé »
* 30 Adoptée en
1987
* 31 Ministère de la
santé publique (MINSANTE). (2002) Stratégies Sectorielles du
secteur Sanitaire au Cameroun du Ministère de la santé
publique.
* 32 Jean Paul BEYEME
ONDOUA. Les systèmes de santé Camerounais. adsp n°
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