1
Tables des matières
Introduction 3
Chapitre 1: Crises financières : Théorie et
Typologie 4
Section 1. Definition: Friedman-Schwartz vs. Keynes-
Minsky-Kindleberger 5
Section 2. Théorie des crises financières
9
1. Le modèle de l'investissement euphorique et des crises
financières de Minsky (1982) 9
2. Le modèle de ruées bancaires d'Allen et Gale
(2007) 12
Section 3. Typologies de crises financières
22
1. Les crises bancaires : 23
2. Les crises de change 25
3. Les crises jumelles 26
Chapitre 2 : Les crises financières dans l'histoire
économique 30
Section 1 : Les crises dans l'histoire récente
30
1. La crise scandinave, 199 0-1992 30
2. La crise asiatique, 1997-19 98 32
3. La crise argentine, 2001 35
Section 2. Les crises dans l'histoire longue
38
1. La Tulipmanie, 1636 38
2. La crise de la compagnie des mers du sud, 1720 40
3. La grande dépression de 1929-33 41
Chapitre 3 : Les dysfonctionnements financiers au coeur de la
crise des Subprimes 44
Section 1. La titrisation : une pratique confuse au vu de
la sophistication et de la complexité des produits
financiers 44
1. Les principaux caractéristiques de la titrisation
44
2. La titrisation des crédit subprimes 46
3. Le rôle de la titrisation dans la crise des
crédits de subprimes 48
Section 2. Le rôle suspicieux des agences de
notation 51
1. Principe des agences de notations (Rating Agencies)
51
2. Les acteurs de notations 51
3. Méthodologies et interprétation des notations
52
4. Les dérives des agences de notation dans la crise des
subprimes 53
Section 3. Le dilemme des paradis fiscaux. 54
Chapitre 4 : Le contexte macro-économique instable a,
lui aussi, contribué au déclenchement de la crise des sub primes
58
Section 1 : La stabilité monétaire vs.
L'instabilité financière 58
Section 2 : La détérioration des
fondamentaux d'aversion pour le risque et de taux d'intérêt
62
Section 3 : L'excès de la liquidité et le
boom du crédit 67
Conclusion 74
Bibliographie : 78
3
Introduction
Qu'est-ce qui s'est passé en Asie en 1997 ? des pays
comme la Corée du Sud, la Thaïlande, l'Indonésie, le
Singapour et Hong Kong qui étaient par le passé un grand espace
de croissance et de développement, ont subi des crises
financières : les banques et les autres intermédiaires financiers
étaient mis sous pression et beaucoup d'entre eux se sont
effondrés. Pour un grand nombre de nous, ces crises étaient peut
être un nouveau phénomène. Cependant, il y avait des crises
dans d'autres pays comme le Mexique et le Brésil. Mais, encore faut-il
constater ces deux dernières année qu'il y a pire que
celles-là; George Soros a noté dans l'introduction de son ouvrage
intitulé « The New Paradigm for Financial Markets »
que nous sommes à présent au milieu de la plus grave crise
financière depuis 1930. Certes, elle ressemble en quelque sorte aux
autres crises que certaines économies ont connues ces 25
dernières années, mais il existe en l'occurrence une
différence profonde : la crise actuelle marque la fin de l'ère de
l'expansion du crédit basé sur le dollar comme la devise
internationale. Les crises périodiques faisaient partie d'un large
processus d'expansion-contraction (boom-bust); la crise actuelle est
l'apogée d'un super-boom qui a duré plus de 25 ans.
En effet, la crise financière à laquelle nous
assistant actuellement, connue sous le terme de crise de crédits de
subprimes américains, est le nom d'un tournant historique dans
notre économie et notre culture. Elle est le résultat de la
démesure d'une bulle immobilière qui a débuté aux
Etats-Unis en 2006 et qui, maintenant, s'est propagée à d'autres
pays sous forme de faillites financières et d'un crash global du
crédit. Ceci dit, le besoin de comprendre la logique des crises
financières est plus grand que jamais.
A partir de là, notre travail est conçu dans le
but d'essayer de projeter sur notre thème toutes les lumières qui
lui conviendrait en faisant situer la crise actuelle dans sa perspective
théorique et historique en commençant dans le chapitre 1 par une
démarche théorique qui consiste à donner les analyses
faites par les économistes au sujet des crises financières pour
mieux les comprendre. Le deuxième chapitre nous plonge dans l'histoire
à travers les crises les plus tumultueuses qui ont marqué ces
quatre derniers siècles. Et ce n'est qu'en chapitre 3 que nous
discuteront de la crise des subprimes en évoquant les dysfonctionnements
financiers qui y ont contribué. Le Chapitre 4 vient enfin en effet
compléter le chapitre précédent pour dire que
l'instabilité macroéconomique a été, elle aussi,
favorable à l'éclatement de la crise.
Chapitre 1: Crises financières : Théorie
et Typologie
La crise financière actuelle retient une attention
particulière de tous les économistes et en particulier des
théoriciens des crises financières. Pourtant, le contraste est
très remarquable entre d'une part l'approche majoritaire à propos
des facteurs déclenchant les crises financières dans les
années trente et la vision de beaucoup d'économistes aujourd'hui,
d'autres parts. Dans la crise de 1929, le marché constituait un
problème et l'intervention des gouvernements était la solution;
aujourd'hui un grand nombre d'économistes admettent que les politiques
macroéconomiques incohérentes et inappropriées des
gouvernements ou l'aléa moral dans le système financier
causé par les garanties gouvernementales sont à l'origine des
crises récentes, d'où les gouvernements sont une cause des crises
financières et non pas une solution : les forces du marché sont
une solution.
En effet, l'étude des crises financières
était historiquement un domaine important dans les sciences
économiques. Or, avec la disparition des crises bancaires dans la
période d'après-guerre, l'intérêt pour elles s'est
de moins en moins réduit, d'autant plus que les historiens s'en sont de
plus en plus accaparés. Maintenant que les crises1 sont
réapparues avec des conséquences plus ou moins ravageuses,
beaucoup de travail et de recherche reste à faire.
Dans ce chapitre, on voudrait exposer quelques perspectives
sur ce débat en donnant une introduction brève de la
théorie des crises financières pour comprendre l'analyse faite de
ces dernières. L'objectif, dans la première section, est
d'explorer les définitions qui apparaissent les mieux appropriées
aux crises financières et d'en tirer les controverses. Dans la section
2, on présente la théorie des crises financière
basée sur la panique bancaire : on présente en particulier le
modèle de Minsky qui montre que les crises financières se
préparent quand tout va bien et qu'elles ne sont que le résultat
de la panique bancaire suite aux runs bancaires. Enfin, on proposera dans la
dernière section une présentation typologique assez
détaillée des crises financières.
1 Caprio et Klingebiel (2003) recensent 117 crises
systémiques depuis la fin des années 1970.
5
Section 1. Definition: Friedman-Schwartz vs. Keynes-
Minsky-Kindleberger
« Le changement radical qui est arrivé dans la
théorie économique n'a pas été le résultat
d'une guerre idéologique; Il n'a pas été non plus le
résultat des croyances politiques divergentes ou des buts. Il a
répondu presque entièrement à la force
d'événements : l'expérience brutale s'avère
beaucoup plus puissante que le plus fort de préférences
politiques ou idéologiques. » (Friedman, 1977, p. 470)
Les crises financières ont fasciné et fascinent
encore plus d'un économiste, monétariste qu'il soit ou issue du
courant keynésien. Cependant, il est difficile en effet jusqu'à
présent de donner une définition précise de la crise
financière, car les économistes et théoriciens qui les
étudient s'accordent peu à ce sujet. Mais ce qui nous importe le
plus dans cette partie est simplement de spécifier leurs symptômes
et surtout leurs causes.
Les économistes monétaristes définissent
une crise financière comme étant associé de toute
évidence à une crise bancaire, et lorsque la stabilité du
système bancaire s'avère menacée, tout le système
financier pourrait s'effondrer si la banque centrale n'intervient pas. Ainsi,
plus concrètement, l'effondrement d'une institution financière
importante provoque des runs bancaires (ruée vers les banques) : les
clients, incapable de distinguer les banques solvables des banques insolvables,
s'affolent et retirent leurs dépôts. D'autant plus que s'il n'y
pas une action urgente de la part de la banque centrale (qui fournit la
liquidité aux banques solvables n'étant surtout pas
illiquides), les banques solvables, qui cherchent d'avoir plus de
liquidité se trouvent, sous le coup de la baisse de leurs valeurs
d'actifs, elles aussi menacées.
Dans leur fameux livre de l'Histoire Monétaire des
Etats-Unis, 1867-1960, Friedman et Schwartz ont constaté que, alors
que les réserves monétaires avaient eu tendance à monter
tant pendant les périodes d'expansions cycliques que pendant celles des
contractions, le taux de croissance de l'offre de monnaie avait
été plus lent pendant les contractions que pendant les
expansions. Dans la période examinée, les six périodes de
contraction économique majeure identifiée par Friedman et
Schwartz étant: 1873-9, 1893-4, 1907-8, 1920-21, 1929-33 et 1937-8,
étaient aussi les seules périodes où il y avait une baisse
absolue considérable dans les réserves de monnaie. Friedman et
Schwartz, en étudiant les circonstances historiques étant
à la base des changements qui sont arrivés dans l'offre de
monnaie durant ces
récessions majeures, ont montré que les facteurs
provoquant la contraction monétaire étaient principalement
indépendants des changements antérieurs des revenus
monétaires et des prix. Autrement dit, les changements monétaires
ont été considérés comme une cause des crises
majeures, plutôt qu'une conséquence. La chute absolue dans les
réserves monétaires qui a eu lieu pendant les deux
périodes : 1920-21 et 1937-38, était une conséquence des
actions politiques restrictives fortes entreprises par la réserve
fédérale américaine qui ont consisté à
doubler le taux de réserves obligatoires en 1936 et au début de
1937, note-t-ils. Il s'en est suivi donc une baisse brutale dans les
réserves de monnaie, qui, à son tour a entrainé vers une
période de contraction économique sévère.
Ainsi que dans la grande dépression (1929-30), Friedman
et Schwartz ont montré aussi qu'une baisse initiale lente des
réserves monétaires s'est transformée en une baisse forte
par suite d'une vague de faillites bancaires qui ont commencé à
la fin de 1930 (The Great Contraction 1929-1933, p.100). Ils pensent
que ce déclin dans les réserves monétaires était
davantage intensifié par l'action restrictive de la réserve
fédérale, action qui visait à augmenter le taux de
réserves obligatoires en octobre 1931, une situation qui a
dégénéré vers de nouvelles faillites bancaires.
Friedman a conclu en disant que la Grande Dépression, comme la plupart
des autres périodes de chômage sévère, a
été produite par une mauvaise gestion gouvernementale
plutôt que par n'importe quelle instabilité inhérente
à l'économie privée.
Leur vue est justifié par ce que les changements dans
les réserves monétaires jouent un rôle largement
indépendant dans les fluctuations cycliques, puisque les mouvements
cycliques de la monnaie ont une relation plus ou moins identique que les
mouvements cycliques dans l'activité industrielle et commerciale. Pour
Schwartz, la solution d'une crise financière est d'assurer qu'un
système financier sûr et fiable soit mis en place afin que les
banques centrales puissent fournir la liquidité aux seules banques
solvables.
Or, la distinction entre les banques insolvables et les
banques illiquides peut en effet s'avérer délicate. Kindleberger
(1978) rejette la distinction (qu'a faite Schwartz) entre les crises
réelles, qui impliquent des changements dans la base monétaire et
les autres crises dites crises pseudo. Pour expliquer la crise
financière, Kindleberger se réfère à Minsky dont il
interprète le modèle en disant que n'importe quelle crise
financière doit faire partie endogène du cycle économique
: le système financier subit un choc exogène, qui est assez
significatif pour augmenter les opportunités de profit dans un secteur
nouveau ou existant de l'économie tout en les empirant dans d'autres.
7
Ce choc original inclut des événements
aussi divers que : le début ou la fin d'une guerre, une nouvelle
technologie qui devient très populaire, un événement
financier important (la dérégulation financière, par
exemple), ou un changement inattendu dans la politique monétaire.
Dès lors, les investisseurs se dirigent vers ces
nouveaux marchés (actifs, marchandises ou services), de façon
à ce qu'il y ait une relance de la croissance économique. Une
augmentation des crédits stimule ainsi ce boom économique et
élargit l'offre de monnaie. Si le gouvernement n'intervienne pas pour
empêcher la crise, les agents prennent des investissements plus
risqués créant par conséquent une euphorie2 .
Selon le terme de Minsky (1977), le système financier devient croissant
fragile, se caractérisant par un certain nombre de
particularités:
· Les banques se couvrent insuffisamment contre le
risque, parce qu'ils pensent probablement avoir une vue optimiste de la valeur
des biens offerts en garantie, ce qui permet aux investisseurs de s'engager
dans des activités même si elles sont plus spéculative.
· A un moment donné, la demande d'investissement
excède l'offre dans ces nouveaux secteurs, ce qui fait augmenter les
prix, créant ainsi de nouvelles opportunités de profit et encore
plus d'investissement, ce qu'augmentent les revenus et incitent les agents
à s'engager dans de nouveaux investissements.
· Un comportement moutonnier est observé, impliquant
les agents inexpérimentés qui n'entreprennent pas normalement
d'investissement.
D'autres définitions et/ou explications de crises
financières sont apparues dans la littérature économique.
Nous mettons d'abord l'accent sur le secteur bancaire qui en est le
déclencheur et est souvent identifié comme la source du
problème. De par leur fonction d'intermédiation, les banques
prennent en effet beaucoup de risques : elles prêtent aux
sociétés et aux ménages qui, elles, utilisent ces
prêts pour financer des achats d'actifs comme l'immobilier, les actions,
etc. De plus en plus d'achats sont faits pour des buts spéculatifs. Plus
la proportion de financement des dettes à court terme, s'accroit, plus
le risque est grand. Ainsi suffit-il un événement qui
déclenche une chute dans la valeur de ces actifs et tous les emprunteurs
s'aperçoivent qu'ils sont de plus en plus incapables de rembourser les
banques. Ceci dit qu'avec des perspectives de faibles bénéfices,
les cours des actions chutent, épuisant le capital de la banque. Par
conséquent, Les déposants deviennent préoccupés et,
en l'absence d'une
2 Kindleberger, p.27, op.cit.
assurance-dépôt adéquate, ils
préfèrent mettre leurs argents ailleurs, là où ils
se sentent en sécurité. Si ce comportement se répand
suffisamment à une grande échelle, les banques pourraient
s'effondre.
Lamfalussy (2000), en se référant aux
économies en voie de développement, a défini la crise
comme une situation où une banque centrale ne dispose pas (ou de moins
en moins) de réserves suffisantes, ou ne peut pas rembourser ses dettes
obligataires étrangères, libellé en monnaie
étrangère. Une fois que ces nouvelles inattendues sont rendues
publiques, ceci engendre une fuite rapide des capitaux
étrangers3 , un effondrement des marchés obligataires
intérieurs et une baisse forte dans la valeur de la monnaie
nationale.
Haldane et al. (2004) notent qu'une troisième
génération de modèles de crises financières est
apparue. Ces modèles identifient le compte de capital comme la source du
problème. Le Mexique, l'Asie du Sud- est, la Russie, le Brésil et
l'Argentine ont tous récemment fait l'expérience amère
d'une crise financière, où le compte de capital était un
facteur majeur.
La plupart des experts élargissent la définition
de la crise financière pour inclure les caractéristiques de la
fragilité financière, des paniques bancaires et de la contagion.
Bordo et al. (2001), par exemple, définissent une crise comme un
épisode de volatilité financière du marché
marquée par les problèmes significatifs d'illiquidité et
d'insolvabilité dont souffrent les institutions financières. Les
crises précédentes ont été en grande partie
limitées au secteur bancaire, beaucoup d'entre elles ont concerné
la monnaie, le secteur bancaire et d'autres marchés financiers. Leur
taux de fréquence semble avoir augmenté.
Enfin, la meilleure définition de la crise
financière est peut-être celle offerte par Goldsmith 4 en
commentant Minsky. Il définit une crise financière comme une
"forte, brève et ultra-cyclique détérioration de la
totalité ou de la plupart des indicateurs financiers à court
terme : taux d'intérêt, prix des actifs (actions,
immobilier)...
3 Lamfalussy reconnaît que les
résidents peuvent s'enfuir avec leurs capitaux bien avant que des
informations portant sur les problèmes de la banque centrale soient
apprises. Un tel comportement peut accélérer le
développement d'une crise.
4 Kindleberger et Laffargue, 1982
9
Section 2. Théorie des crises
financières
Allen et Gale (2007) ont distingué deux versions
traditionnelles qui ont été développées pour
comprendre les crises financières. La première
développée par Kindleberger s'inspirant des travaux de Friedman
et Schwartz, consiste à dire que ces crises sont le résultat de
la panique bancaire. La deuxième vue alternative, qui a
été développé par Bryant (1980), Diamond et Dybvig
(1983) est celle qui stipule que les crises financière résultent
des causes fondamentales qui font partie du cycle économique; elles
surviennent lorsque les déposants pensent que des principes
économiques de base semblent mauvais dans un avenir proche. Dans ce cas,
les déposants, prévoyant que des défauts de remboursement
des prêt futurs rendront impossible pour la banque de rembourser leurs
dépôts, décident de retirer leur argent. Les
déposants dans ce cas prévoient l'insolvabilité
plutôt que l`illiquidité.
Dans la première partie de cette section, nous
commençons par développer la deuxième approche des crises
financières à la lumière des analyses
présentées par Minsky; et ce n'est qu'en deuxième partie
qu'on illustrera la première approche par le modèle des paniques
bancaires développé par Allen et Gale
1. Le modèle de l'investissement euphorique et des
crises financières de Minsky (1982)
En s'appuyant sur Keynes5, Minsky
(1982)6 a développé une théorie
d'investissement du cycle économique, mais il s'est concentré
davantage sur le rôle de la monnaie et du financement endogène qui
propulsent les bulles et les crises. En adoptant l'idée de Keynes sur
les différentes interdépendances entre les différents
marchés, Minsky affirme qu'il existe un écart qui amplifie les
complémentarités de l'économie et qui dominent au cours
des phases d'expansion et plante les graines de la crise financière.
L'investissement est le moteur de l'économie et est un facteur
déterminant de profits. Minsky définit trois sources de
financement qui caractérisent le comportement des agents:
1. Financement sans risque (Hedge finance): Quand une
entreprise gage son emprunt sur un cash- flow assuré car les flux de
trésorerie lui permet de couvrir ses dépenses ;
2. Financement spéculative: Quant une entreprise
renouvelle d'anciennes dettes ou en contracte de nouvelles, sans assurance de
recettes car, à court terme, les flux de trésorerie
dépasse le coût des intérêts de la dette et les flux
futurs de trésorerie espérés dépasse les
engagements ;
5 Théorie générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie
6 Inflation, Recession and Economic Policy
10
3. financement à la Ponzi : qui lie le
remboursement de la dette à la réalisation de plus-value sur la
vente d'un actif.
Minsky affirme qu'il existe un élément de
financement à la Ponzi dans de nombreux projets d'investissement de long
terme. Dans les périodes de tranquillité, la baisse de la valeur
de la monnaie et des prix d'actifs immobilisés augmente la demande
d'investissement, ce qui permet de créer un portefeuille de passage aux
unités spéculatives et aux unités à la Ponzi. Le
système bancaire endogène assistera à ce financement. En
conséquence, on voit naitre une phase de bulle spéculative. Mais,
étant donné que la proportion des unités
spéculatives et des unités à la Ponzi est grande,
l'économie devient de plus en plus sensible aux variations des taux
d'intérêt. En plus, la demande d'investissement fait croitre la
demande de financement et les taux d'intérêt auront tendance
à augmenter à mesure que l'offre de financement et la demande de
financement deviennent de plus en plus élastiques. Cela conduit à
la hausse de plus en plus rapide des taux à court terme, qui à
son tour conduit à une augmentation à long terme des taux
d'intérêt. Lorsque les taux d'intérêt à court
terme augmentent, la spéculation se transforme en unités à
la Ponzi. La hausse des taux à long terme signifie que la valeur
actuelle des profits futurs (qui justifie les régimes de financement
à la Ponzi dans la première période euphorique) baisse. De
la même façon, les frais s'accumulent sur les unités
à la Ponzi et sur le court terme, des déficits de
trésorerie seront transformés en déficits de
trésorerie permanents. La hausse des taux d'intérêt
entraînera une baisse des investissements, et sachant que les
bénéfices sont dictés par l'investissement, les profits
diminueront. Dès lors, La baisse des profits, elle, va conduire à
une diminution des prix des immobilisations et à l'impossibilité
de tenir les engagements financiers. Quand le renversement de la valeur
actuelle prend place (valeur actuelle des profits bonanzas7
futurs espérés baisse) les unités à la Ponzi doit
alors vendre leurs actifs pour tenir les engagements de paiement. Ainsi, les
prix des actifs tombent au-dessous de leur coût de production et la crise
financière se mette à surgir.
Selon Minsky (John Maynard Keynes by Minsky, 2008),
au cours du premier quart de siècle après la Seconde Guerre
mondiale, les économies capitalistes développées ont
réussi à éviter une grande dépression. Dans les
années 1960, ceux qui se proclamaient keynésiens étaient
des conseillers et des fonctionnaires importants du gouvernement des
États-Unis. Ils ont affirmé que par l'utilisation
appropriée de la politique monétaire et budgétaire,
l'économie peut être réglée afin que les
récessions et dépressions ne puissent pas avoir lieu. Ils ont
utilisé ce modèle pour analyser l'économie et l'ont pris
comme base pour déterminer les politiques de réglage
appropriées. Minsky voit en cela une violation
7 Selon le terme de Minsky
non seulement de l'esprit et de la substance de la
théorie générale de Keynes, mais aussi de
l'économie dont ils ont affaire. En effet, le modèle qu'ils
utilisaient a ignoré pratiquement les aspects de la finance et de
l'incertitude et, par conséquent, n'a pas été en mesure
d'introduire la spéculation comme un sentiment de proximité qui
détermine le comportement du système. En raison de cette sous-
spécification, leurs conseils politiques étaient fondés
sur un modèle qui implique que les processus dynamiques de
l'économie conduisent à une croissance plutôt que les
cycles d'activités.
Le comportement du système au cours de la
première moitié des années 60, lorsque l'économie a
cessé de se développer, semble, à ses yeux, valider les
conclusions de ces conseillers. La stratégie de base de la politique de
cette période visait à accroître l'investissement
privé, afin d'inciter un plus rapide le taux de croissance. Ce que
signifie que la stratégie de la politique de proximité avait pour
objectif d'augmenter rapidement les bénéfices. L'expansion
constante du début des années 1960 et les dispositions fiscales
et de subventions destinées à inciter l'investissement,
combiné à l'absence d'une grave dépression dans la
période d'après-guerre, a déclenché une explosion
des investissements importants dans le milieu des années 1960. Ce boom
des investissements a été rendue possible par une augmentation de
la spéculation par les deux structures financières et non
financières des entreprises; la spéculation a financé
l'expansion de la demande totale et plus particulièrement
l'investissement privé. Suite au financement extérieur des
investissements, le ratio remboursement de la dette privée/les revenus
privés a augmenté, ce qui signifie que les remboursements dus sur
les dettes sont devenu de plus en plus étroitement liés aux fonds
provenant de diverses sources. En outre, la gestion du passif par les
institutions financières, les ménages et les entreprises
ordinaires signifie qu'une proportion toujours croissante des unités est
devenue dépendante du fonctionnement «normal» des
marchés financiers. Un système financier solide a
été transformé enfin en un système fragile au cours
de longue expansion des années 1960. En raison de la fragilité,
les chocs qui aurait pu être absorbée sans répercussions
graves dans une structure financière plus solide, a
déclenché un début de crise financière aux
Etats-Unis en 1966 et en 1969-70.
Dans l'analyse de Minsky8 , la bulle
spéculative est une simple phase irrationnelle et euphorique qui
précipite nécessairement la crise financière. Les
traumatismes financiers sont le résultat inévitable du
système capitaliste : les germes de la crise sont plantés dans le
début de la phase d'euphorie et les bulles spéculatives ne sont
que les catalyseurs d'inévitables crises financières. Les
implications politiques sont profondes: Minsky, en soutenant Keynes, affirme
que la politique monétaire classique n'est pas
8 Inflation, Recession and Economic Policy, op.cit.
12
couronnée de succès dans l'amélioration
de la crise. Au cours des phases de crise et de déflation, les processus
endogènes de marché sont inefficaces et pervers et les
économies capitalistes ont besoin d'une structure financière
solide et des politiques fortes pour orienter l'évolution de la finance
et stabiliser l'économie9 . Les grands déficits
publics signifient que l'investissement n'est pas aussi sensible à
l'investissement du secteur privé. La prise de décisions
financières non réglementée propulse les hausses
insoutenables des prix des actifs et la banque centrale doit être
prête à agir en tant que prêteur en dernier ressort et de
remettre à flot des structures insoutenables de dette lorsque les crises
financières surgissent.
Nous pouvons conclure que Minsky estime que l'économie
est naturellement instable. Son hypothèse de l'instabilité
financière est pessimiste. L'instabilité de l'économie est
principalement provoquée par les fluctuations des dépenses.
Chaque succès dans la prévention d'une crise financière
conduit à la prise de risque et donc à une économie plus
fragile.
2. Le modèle de ruées bancaires d'Allen et
Gale (2007)
En effet, Minsky n'en dis pas beaucoup sur les paniques
bancaires, parce qu'il pense tout simplement que les causes des crises sont
endogène. Or, de nombreuses crises bancaires résulte de paniques
bancaires injustifiée et que la plupart des banques qui ont
été obligées de fermer à de tels épisodes
sont illiquides, plutôt qu'insolvable. L'approche adoptée ici est
dans le but d'expliquer les crises qui peuvent résulter des paniques
bancaires, cette approche est inspirée des travaux de Diamond et Dybvig
sur la théorie de la banque ou plus généralement de
l'intermédiation qui consiste à modéliser les
intermédiaires financiers comme étant des fournisseurs de
liquidités pour les consommateurs10 .
A. La ruée bancaire
Une ruée bancaire ou panique bancaire est un
phénomène, souvent auto-réalisateur, dans lequel un grand
nombre de clients d'une banque craignent qu'elle ne devienne insolvable et en
retirent leurs dépôts le plus vite possible. Ne pouvant faire face
à ces multiples demandes de retrait (le nombre de personnes
s'accroît d'heure en heure par mimétisme) et en l'absence de
soutien, la banque court le
9 Mi ns ky insiste sur l'importance pour les gouvernements de
créer des institutions adéquates contraignantes telle que
Grand Gouvernement et Grandes Banques, pour stabiliser
l'économie qui, selon lui, est instable.
10 Voire Micro economics of Banking, Freixas, Rochet
risque de devenir effectivement insolvable. Ceci met en jeu le
mécanisme cardinal en finance d'une prophétie
auto-réalisatrice.
Dans cette partie, Allen et Gale nous ont
développé un modèle des runs bancaires suite à
cette panique ou ces prophéties auto-réalisatrices. Ils supposent
que (C1, C2) est le contrat de dépôt optimal et (x, y) est le
portefeuille optimal pour la banque. En l'absence de l'incertitude globale, le
portefeuille (x, y) donne seulement la bonne quantité de
liquidité à chaque date en supposant que les premiers
consommateurs (qu'on appelle par facilité de langage de type 1)
sont les seuls à retirer à la date 1 et les derniers
consommateurs (les épargnant qu'on appelle de type 2) font tous
des retraits à la date 2. Il s'agit d'un équilibre dans le sens
où la banque maximise son objectif, ainsi que le bien-être du
déposant typique. Les premiers et derniers consommateurs, eux,
planifient leurs retraits afin de maximiser leur consommation (d'où leur
utilité espérée)
Le modèle suppose qu'il existe une liquidation de la
technologie qui permet à l'investissement de long terme d'être
cassé prématurément à la date 1. Plus
précisément :
· Si l'actif long est liquidé
prématurément à la date 1, une unité de l'actif
long rapporte r = 1 unité du bien.
Dans l'hypothèse que l'actif long peut être
prématurément mis en liquidation, avec une perte de R-r par
unité, il existe un autre équilibre si la banque se doit de
liquider tout ce qu'elle a comme actifs afin de répondre à la
demande des consommateurs qui retirent à la date 1. Plus
concrètement, le modèle suppose que tous les déposants,
qu'ils soient de type 1 ou 2, décident de retirer à la date 1; La
valeur liquidée des actifs de la banque à la date 1 est ainsi
:
De telle façon qu'à la date 1, la banque ne
puisse pas rembourser tous ses déposants plus d'une unité. Dans
le cas où c1> rx + y, la banque est insolvable, et sera en mesure de
verser seulement une fraction du montant promis. De plus, afin de
répondre à la demande des consommateurs, tous les actifs de la
banque seront utilisés à la date 1. Celui qui attend la seconde
période n'aura rien. Ainsi, lorsque l'épargnant pense que tout le
monde va retirer à la date 1, il est optimal pour lui de retirer
à la date 1 et mettre le produit jusqu'à la date 2. La
ruée bancaire se transforme par conséquent en un équilibre
phénomène. La matrice des gains suivante illustre les deux
équilibres de ce jeu de coordination. Les lignes correspondent à
la décision de seul le premier consommateur seulement et les
colonnes
14
correspondent à la décision de tous les
autres consommateurs11. Les couples sont des
remboursements obtenus pour le dernier consommateur distingué
(le premier élément) et le dernier consommateur typique
(le deuxième élément).
|
Run
|
Pas de Run
|
Run
|
(rx + y, rx + y)
|
(c1, c2)
|
Pas de run
|
(0, rx + y)
|
(c2, c2)
|
|
Il est clair que si : 0 <rx + y <
c1 < c2
Donc Run, Run est un équilibre et pas de run,
pas de run est aussi un équilibre.
L'analyse précédente est fondée sur
l'hypothèse que la banque liquide la totalité de ses actifs afin
de répondre à la demande de liquidité à la date 1.
Cela peut être le résultat de restrictions légales. Par
exemple, le droit de la faillite ou la réglementation imposée par
l'autorité bancaire peut exiger que, si une demande n'est pas
satisfaite, la banque doit liquider ses actifs et distribuer la valeur
liquidée à ses créanciers. Certaines critiques du
modèle de Diamond-Dybvig montrent que le run bancaire peut être
évitée par la suspension de la convertibilité. Si les
banques s'engagent à suspendre la convertibilité
(c'est-à-dire qu'ils refusent de permettre aux déposants de
retirer), une fois la proportion des retraits soit égale à la
proportion des consommateurs, les épargnants n'auront donc pas une
incitation à retirer. Ces derniers savent que la banque n'aura pas
à liquider ses actifs longs et a suffisamment de fonds pour leur payer
le montant promis le plus élevé dans la seconde période.
Si un tel agent doit se rejoindre à la ruée, au milieu de la
période, il serait strictement dans une situation pire que s'il aurait
attendu de retirer à la seconde date. Pour répondre à la
critique selon laquelle la suspension de la convertibilité résout
le problème de ruée, Diamond et Dybvig (1983) ont proposé
un sequential service constraint. Dans cette hypothèse, les
déposants atteignent les guichets de la banque l'un après l'autre
et retirent c1 jusqu'à ce que la banque ne soit pas en mesure de
satisfaire toute la demande. Le sequential service constraint a deux
effets : Il oblige la banque à épuiser ses ressources, et il
donne aux déposants une incitation à courir au guichet dans
l'espoir d'être au début de la file d'attente. La banque ne peut
pas
11 Ce n'est pas un jeu de 2 × 2, le choix des colonnes
représente les actions de tous, sauf seul le premier consommateur
utiliser la suspension de la convertibilité pour
prévenir, car elle ne se rend pas compte que la ruée est en
cours, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour l'arrêter.
B. L'équilibre de run bancaire
L'analyse offerte par Diamond et Dybvig indique la
fragilité des transactions bancaires basées sur des passifs
liquides et des actifs illiquides, mais elle ne prend pas en
considération l'équilibre dans le secteur bancaire. Cependant,
elle suppose que le portefeuille de la Banque (x, y) et le contrat de
dépôt (c1, c2) sont choisis à la date 0, dans l'attente que
la première répartition optimale sera atteinte. En d'autres
termes, la ruée à la date 1, s'elle se produit, est totalement
inattendu à la date 0. En prenant les décisions à la date
0 comme donnée, l'équilibre à la date 1 dans lequel la
ruée survient est facile à définir, mais ce n'est pas
pareil que de montrer qu'il existe un équilibre qui commence à la
date 0 où une ruée est prévue de se produire. Si les
banques anticipent la possibilité d'une ruée, leurs
décisions à la date 0 seraient différentes et cela,
à son tour, pourrait avoir une incidence sur la probabilité ou la
possibilité d'une ruée à la date 1. Ce dont on a besoin
est de considérer un équilibre qui décrit les
décisions cohérentes à toutes les trois dates. Dans ce
sens, le modèle nous fournit une justification cohérente de la
ruée bancaire comme faisant partie d'un équilibre qui inclut les
décisions prises à la date 0. Il procède en
établissant un certain nombre de faits ou de propriétés de
l'équilibre de ruée bancaire avant de décrire la situation
globale.
a. L'impossibilité de prévoir la
ruée bancaire
Notant d'abord au sujet de la construction d'un
équilibre de ruée bancaire que ce dernier ne peut pas se produire
avec probabilité 1. Si une ruée bancaire est certaine à la
date 0, la banque sait que chaque unité du bien investi dans l'actif
long sera r unités à la date 1. Si r <1, l'actif long
est dominé par l'actif court et la banque ne peut pas du tout investir
dans des actifs long. Si r = 1, les deux actifs sont identiques. Dans les deux
cas, le contrat de dépôt est optimal (c1, c2) = (1, 1) et il n'y a
pas de motif pour une ruée bancaire: les épargnants auront la
même consommation, qu'ils rejoignent le ruée ou pas. Donc, le
mieux que nous pouvons espérer est qu'une ruée bancaire se
produise avec probabilité positive.
b.
16
Le rôle des taches solaires (Sun
spots)
L'incertitude sur la ruée bancaire introduit un nouvel
élément dans la théorie. Dans le modèle actuel, il
n'y a aucune incertitude sur les agrégats fondamentaux, tels que les
rendements des actifs, la proportion de consommateurs de type 1, et ainsi de
suite. Le type d'incertitude que Allen et Galle considère ici est
endogène, dans le sens où elle n'est pas expliquée par les
chocs sur les fondamentaux du modèle. Pour expliquer une telle
incertitude, les justifications de ruée bancaire vont souvent être
appelées psychologie de foule. Les justifications modernes
l'expliquent comme le résultat de la coordination entre les personnes,
qui sont facilitées par des variables extérieures appelé
taches solaires, il suffit pour le moment de constater que
l'incertitude n'est pas expliquée par des chocs exogènes, mais
qu'elle est complètement compatible avec les exigences de
l'équilibre, à savoir que chaque individu ait la maximisation de
son utilité espérée et que les marchés
s'éclaircissent.
Le modèle commence par l'hypothèse que la
ruée bancaire apparait à la date 1 avec la probabilité 0
<ð <1. Pour être plus concret, le modèle présume
qu'il existe une variable aléatoire (taches solaires) qui prend deux
valeurs, disons, élevé et faible, avec des probabilités
ð et 1 - ð, respectivement. Lorsque la réalisation de la
variable aléatoire est élevée, les déposants
courent à la banque et inversement. Notez que la variable
aléatoire n'a pas d'effet direct sur les préférences ou
bien sur les rendements d'actifs. Il s'agit simplement d'un dispositif pour
coordonner les décisions des épargnants. Il est rationnel pour
les déposants de modifier leur comportement en fonction de la valeur de
la tache solaire simplement parce qu'ils s'attendent à ce que tout le
monde fasse pareil.
c. Le comportement de la banque en présence d'une
ruée bancaire
L'attente d'une ruée bancaire à la date 1 change
le comportement de la banque à la date 0. La banque doit choisir
habituellement un portefeuille (x, y) et proposer un contrat de
dépôt (c1, c2), mais elle le fait dans l'espoir que les flux de
consommation (c1, c2) ne seront atteints que si elle est solvable. Dans le cas
d'une ruée bancaire, d'autre part, le déposant typique recevra la
valeur du portefeuille liquidé rx + y à la date 1. Cela signifie
que
? avec une probabilité ð il y a une ruée et la
consommation du déposant est, rx + y quel que soit son type;
? avec une probabilité (1-ð) ë il n'existe pas de
ruée : le déposant est un consommateur de type 1, et sa
consommation à la date 1 est c1;
y' et avec une probabilité (1 - ð) (1 - ë), il
n'y a pas de ruée: le déposant est un consommateur de type 2, et
sa consommation à la date 2 c2.
Les résultats des décisions de la banque lorsque
les ruées sont anticipées sont illustrés dans la Figure
1 Figure 1. Résultats de l'équilibre lorsque les
ruées sont anticipées avec probabilité
Source : Allen et Gale (2008)
d. Le portefeuille optimal
Si c1 représente le paiement aux consommateurs de type 1
lorsque la banque est solvable et (x, y) désigne le portefeuille.
L'utilité espérée du déposant représentatif
est donc :
ðU(y + rx) + (1 - ð)
{ëU(c1) + (1 - ë)U (c2)}
.
Le modèle suppose maintenant que nous augmentons y
par un petit montant å> 0 et nous baissons x par ce même
montant. Nous augmentons ëc1 par å et réduisions (1 - ë)
c2 par Rå. Cela garantit que les contraintes de faisabilité sont
satisfaites à chaque date. Le changement d'utilité
espérée est donc le suivant :
ð U (1) (1 ð 0) ë U (
c ) (1 ë ) U ( c 2 )
ë U (1) (1 ë ) U ( R )
0 { }
+ - + - = + -
* *
1
Le portefeuille optimal doit donc satisfaire la condition de
premier ordre suivante :
18
ð U y rx 1 r 1 U c1 1 U c2 R
' ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )
+ - + - ð = - ð
' '
Si ð = 0, cela réduit alors à la condition
courante U (c1) = U (c2) R. Ces relations sont représentées dans
le graphique de la figure 2. Cette dernière condition tient à y*
tandis que la première tient à y** . Ainsi, la possibilité
d'une ruée augmente la valeur marginale y (court actif a un rendement
plus élevé qu'un actif long en état de faillite, si r
<1) et, par conséquent, augmente le montant de l'actif court tenue
dans le portefeuille.
Figure 2. La détermination du portefeuille
optimal lorsque la ruée est possible
Source : Allen et Gale (2008)
e. Le contrat de dépôt optimal
Il est ici question de montrer que la ruée bancaire est
possible lorsque le contrat de dépôt est choisi pour
résoudre le problème de décision de la banque. Pour
maximiser l'utilité espérée, la banque doit choisir le
contrat de dépôt (c1*, c2*) satisfaisant la condition de premier
ordre suivante :
U' (c1 *) = RU' (c2 *)
Cette condition joue un rôle crucial pour
déterminer si la banque manquera de liquidité ou pas. Et si
l'aversion relative pour le risque est supérieure à 1, la
solution de la condition de premier ordre doit vérifier :
c1 >1
Cette condition implique qu'il existe la possibilité
d'une ruée. Si tous les déposants essaient de retirer à la
date 1, la demande totale de la consommation est c1* > 1. Or, le maximum qui
peut être fournie par la liquidation de tous les actifs longs est de 1.
Toutefois, il ne restera plus rien à la date 2, les déposants
vont se rejoindre à la ruée au lieu d'attendre jusqu'à la
date 2 pour retirer. Dans ce qui suit, le modèle suppose que les
préférences de l'agent doivent satisfait la condition que
· aversion relative pour le risque est supérieure
à 1, qui est,
> ? >
1, c 0
U»( c ) c
-
U' (c)
Afin de simplifier la caractérisation de
l'équilibre, le modèle ne considère que le cas particulier
dans lequel les actifs longs, une fois liquidés
prématurément, rapportent beaucoup plus que les actifs courts. En
d'autres termes :
· la valeur de liquidation de l'actif long est r = 1.
Cela implique que l'actif long domine l'actif court; le
modèle suppose ainsi dans ce qui suit que l'ensemble du portefeuille
bancaire est investi dans l'actif long.
Dans le cas d'une ruée bancaire, la valeur
liquidée du portefeuille de la banque est 1 unité du bien, de
telle manière que chaque consommation du déposant est aussi 1
unité de bien. Si la banque est solvable, les déposants
reçoivent le profil de consommation promise (c1, c2). Ces
quantités choisies pour maximiser l'utilité espérée
du consommateur typique dans le cas où la banque est solvable. Le
contrat de dépôt doit résoudre le problème de
décision suivant :
max ëU (c1) + (1 - ë) U(c2)
Rëc1 + (1 - ë) c2 = R
Pour comprendre la raison pour laquelle la contrainte
budgétaire prend cette forme, il faut noter que la banque a promis un
total de ëc1 unités aux consommateurs de type 1 qu'elle doit
liquider à la date 1. Le montant de l'actif long à gauche est de
(1 - ëc1) et cela rapporte R (1 - ëc1) d'unités de
consommation à la date 2. Ainsi, le montant maximum qui peut être
engagé aux épargnants (qui est de (1 - ë) c2) doit
20
être inférieur ou égal à R (1 -
ëc1). En effet, une unité de consommation à la date 1 est la
valeur R d'unités de consommation à la date 2.
f. Equilibre sans ruée
La banque peut éviter une ruée par le choix
d'un contrat sûr12 . En effet, les arguments en faveur de
l'existence d'un équilibre d'une ruée à la date 1 ont
été fondés sur l'hypothèse que c1> 1. Ainsi, si
tous les consommateurs rejoignent la ruée bancaire à la date 1,
il n'est pas possible que la banque puisse offrir à chacun c1. En fait,
la banque va procéder à la liquidation de tous ses actifs. En
outre, vu que les actifs de la banque sont épuisés à la
date 1, les personnes en attente jusqu'à la date 2 pour retirer ne
recevront rien. Afin de supprimer cette incitation à rejoindre la
ruée, la banque doit choisir un contrat de dépôt qui
satisfait la contrainte supplémentaire c1 = 1. Si on résout le
problème
max ëU(c1) + (1 -
ë)U(c2) s.t. Rëc1 + (1 -
ë)c2 = R c1 = 1
Le modèle trouve la solution (c1**, c2**) = (1, R).
Dans ce cas, la banque sera en mesure de donner à chacun le
remboursement promis c1 à la date 1. Plus précisément, si
1 - å des déposants retire nt à la date 1, la banque doit
liquider 1 - å unités des actifs longs, laissant å unit
és de ces actifs à pour les autres consommateurs. Ensuite, chaque
consommateur qui retire à la date 2 recevra åR / å = R>
1.
g. Caractérisation des régimes avec et
sans ruée
Si la banque s'attend à une ruée avec une
probabilité ð, la consommation du déposant est alors 1, quel
que soit son type. Avec une probabilité 1 - ð il n'y a pas de
ruée et avec une probabilité ë le déposant est de
type 1 et sa consommation est c1* et avec une probabilité 1-ë, il
est de type 2 et sa consommation c2*. Les résultats possibles sont
illustrés à la figure 3. L'utilité espérée
du déposant typique sera :
ð U 1 1 ð ë U c 1 ë
Uc 2 ,
( ) ( ) { ( 1 ) ( ) }
+ - + -
* *
12 Jusqu'à présent, le modèle a
supposé que la ruée se produit avec une probabilité ð
et que la banque prend cette possibilité comme étant donné
dans le choix d'un contrat de dépôt optimal
Le modèle nous a montré que le choix de
portefeuille de la banque (x, y) = (1, 0) et le contrat de dépôt
(c1*,2*) optimisera cet objectif, en prenant la ð probabilité d'un e
ruée comme donnée. Par ailleurs, si la banque choisit un contrat
de dépôt qui permet d'éviter tous les ruées,
l'utilité espérée du déposant typique est
ëU c 1 ë U c 1 ë
U 1 1 ë UR
( 1 ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )
** + - = + - **
Le fait qu'il est préférable pour la banque
d'éviter la ruée ou d'accepter le risque d'une ruée avec
une probabilité ð dépend d'une comparaison entre les services
publics prévu dans chaque cas. Précisément, il sera
préférable d'éviter les runs si :
Maintenant, l'utilité espérée de la
stratégie de sécurité ëU (1) + (1 - ë) U (R) se
situe entre ces deux valeurs:
U (1) <ëU (1) + (1 - ë) U(R)
< + -
ë U c 1 ë U(c 2 )
( 1 ) ( )
* *
Figure 3. La détermination des zones qui
supportent les ruées
Source : Allen et Gale (2008)
Ainsi, il existe une valeur unique 0 <ð0 <1 tels que
:
22
ð U (1) (1 ð 0) ë U (
c ) (1 ë ) U ( c 2 )
ë U (1) (1 ë ) U ( R )
0 { }
+ - + - = + -
* *
1
Si ð = ð0, la banque va être indifférente
entre les deux stratégies. Evidemment, si ð <ð0 la banque va
préférer la ruée et ne préfère pas de
ruée si ð> ð0. Ces deux régions sont illustrées
dans la Figure 3. Le modèle nous avez montré que, tant que la
probabilité de ruée bancaire est suffisamment faible, il existe
un équilibre dans lequel la banque est prête à courir le
risque d'une ruée, parce que le coût d'éviter le
ruée est supérieur aux profits de la banque.
Section 3. Typologies de crises financières
Les crises financières sont très diverses selon
qu'elle touche les marchés financiers ou les institutions
financières. Cette dernière section de présentation
empirique ne traite pas de toutes les crises financières. Elle fournit
une analyse typologique succincte des crises financières, en
l'occurrence: les crises de change, les crises bancaires et les crises
jumelles.
Sachant que seules les crises bancaires, les crises de change
(figure 4) et les crises jumelles ont fait l'objet de recensement
systématique et d'analyses statistiques et économétriques
macro-financières nombreuses (Bordo et al. 2001), Les crises
boursières, depuis le déclenchement de la crise actuelle,
commencent seulement à être étudiées avec ces
méthodes quantitatives. Mais ces trois types de crises apportent
déjà beaucoup d'informations sur les faits stylisés des
crises récentes13 . Elles sont en outre les plus
fréquentes.
Paul Krugman 14, en proposant une typologie des crises
financières internationales note qu'une connaissance typologique
rudimentaire qui distingue un type de crise d'un autre est nécessaire
pour deux raisons principales : tout d'abord, la manière dont une crise
dépend joue sur les acteurs du marché, et ces acteurs sont
très différents lorsque l'accent est mis sur les marchés
de change ou sur la balance des paiements ou sur les marchés boursiers.
Deuxièmement, les effets réels d'une crise financière
dépend de son type, une crise qui commence par un run bancaire sur le
dollar américain n'aura pas les mêmes effets que celle qui
commence avec un run bancaire sur le marché boursier japonais.
13 Par ailleurs, les autres crises qui ne sont pas prises en
compte en tant que telles dans cette section peuvent leur être facilement
rattachées (par exemple les crises immobilières et les crises
bancaires ; les crises de la dette souveraine et les crises de change, puis les
crises bancaires ; les crises industrielles et les crises boursières)
14 The Ri sk of Fi nancial Crisis, 1984
1. Les crises bancaires :
En identifiant les quatre périodes de comparaison
internationale des crises financières, Bordo et al. (2000, 2001),
définissent une crise bancaire comme étant une détresse
financière qui est suffisamment grave pour entraîner
l'érosion de la plupart ou de la totalité du capital dans le
système bancaire15. Leur importance se manifeste dans la
détérioration souvent latente de la structure de bilan ou encore
la concentration des risques. Une brutale prise de conscience des risques
encourus se traduit tant par la montée des crédits impayés
bien au-delà des provisionnements antérieurs que par la
révision des procédures d'octroi des nouveaux prêts (Boyer
et al. 2004).
Les crises bancaires étaient peu fréquentes sur la
période 1880-1913 (figure 4), elles se sont multipliées pendant
l'entre deux guerres et après une éclipse totale.
Figure 4. Fréquence des
crises (Probabilité annuelle en %)
Source : Bordo et al. (2001)
15 C'est aussi le critère utilisé par Caprio et
Klingebiel (1996, 1999) pour identifier les risques bancaires
systémiques
24
Figure 5. La proportion des pays en crises bancaires,
1900-2008 Pondérée par leur part de revenu
Source : Bordo et al. (2001)
Pendant la période de Brettons Woods, elles ont
réapparu au début des années soixante dix et, depuis, leur
fréquence n'a cessé de s'élever16 . (Figure 4
et 5)
Caprio et Klingebiel (2003), en montrant l'ampleur du
phénomène de crise bancaire et son universalité, recensent
117 crises bancaires depuis 1970 dites à caractère
systémique qu'ils définissent empiriquement comme une crise ayant
exigé une recapitalisation quasi générale des banques. Ces
crises ont frappé 93 pays. On peut ajouter à ces crises de grande
ampleur des crises bancaires moins profondes que Bordo et al. appellent
border line and smaller ou non systémiques, et dont le
nombre s'élève sur la même période à 51 et
qui ont frappé 45 pays. En Asie, toutes les crises des pays dits
émergents ayant subi la crise de 1997-1998 sont comptées dans la
catégorie des grandes crises;
Cinq pays ont subi une crise profonde (Finlande, Suède,
Norvège, Espagne et Japon depuis 1991), onze pays, parmi lesquels la
France (1994-1995), les États-Unis (1984-1991), ont subi une crise de
plus faible intensité. Cette mise en perspective historique
soulève évidemment la question du lien entre crise bancaire et
libéralisation. Elle suggère que cette longue pandémie de
crises bancaires, parallèle à la libéralisation
financière, en est, partiellement au moins, la conséquence. 17
L'analyse statistique des crises bancaires apporte un élément
d'appréciation supplémentaire très important : toutes les
crises bancaires ne sont pas identiques, car les banques sont des institutions
qui varient selon les pays et qui
16 Bordo et al. (2000), ont découvert dans un
échantillon de 21 pays que la fréquence des crises bancaires a
doublé depuis 1973, alors qu'elle a augmenté de 50 pour cent dans
56 pays.
17 Boyer et al. Ibid.
sont placées dans des contextes réglementaires
et prudentiels différents. Les crises bancaires ont de ce fait une
importante composante idiosyncrasique. Elle montre aussi que les crises
bancaires diffèrent fortement les unes des autres, à cause du
rôle que peut y jouer la spéculation. Les banques qui sont les
premières touchées par une crise sont celles dont,
paradoxalement, la rentabilité avant la crise était la plus
élevée parce que le niveau de risque des prêts qu'elles
consentaient était très élevé, leurs capitaux
propres plus faibles, et que leur profit était davantage tiré des
activités de marché.
2. Les crises de change
Les crises de change se produisent lorsque les investisseurs
perdent confiance dans la monnaie d'un pays particulier, et cherchent à
échapper à la fois des actifs libellés dans cette monnaie
et d'autres actifs dont les revenus pourraient être affectés par
le contrôle des changes. Il y a eu quelques crises de change entre les
pays avancés dans période l'après-guerre. L'attaque contre
le dollar qui a détruit le système de smithsonien en 1973, est
admissible, de même que l'attaque de la livre sterling, en 1975, et
l'attaque contre le franc en 1982. Les crises de change ont été
fréquentes dans les pays en développement depuis 1982, la plupart
des pays d'Amérique latine et un certain nombre d'autres pays ont
souffert aussi de ce que peut être décrite comme une crise
monétaire coordonnée. Les crises de change ont été
l'objet d'un enseignement théorique et une analyse empirique, parce que
l'interaction entre les banques centrales et les investisseurs privés,
constitue une facilité de jeu pour que le modèle type de
l'irrationalité amorphe qui sous-tend la description des autres types de
crises financières (Krugman)18 Il est donc utile de revoir
les concepts de cette littérature brièvement.
Krugman note qu'il est nécessaire de distinguer au
minimum entre deux types de crise financière internationale. Le premier
type implique une perte de confiance par les spéculateurs en devises du
pays, provoquant la fuite des capitaux. Ainsi, les crises de change conduisent
souvent à imposer des contrôles de capitaux qui interfèrent
avec le service de la dette en devises, une perte de confiance dans la monnaie
d'un pays est ainsi souvent accompagnée par un effondrement des devises
libellées en prêt. C'est le type de crise qui a frappé
l'Amérique latine en 1982. L'autre type de crise ne concerne pas la
perte de confiance dans une monnaie, mais une perte de confiance dans les
actifs. Krugman montre aussi que le processus par lequel les chocs nationaux
deviennent mondiaux porte le nom de contagion. La contagion des crises
ne touche pas seulement par définition un ou plusieurs pays.
18 O p.c i t.
26
Il existe d'importantes différences entre
l'étude de la monnaie et de la contagion des crises. Les crises de
change implique inévitablement la banque centrale du pays en crise, la
contagion des crises, quant à elle, implique habituellement des actes de
la commission ou au moins une omission de la part des banques centrales; mais
le rôle de celle-ci n'est pas essentiel dans cette contagion
Enfin, la macroéconomie des crises monétaires et
de la contagion des crises sont très différentes, alors que les
deux peuvent mener à la récession, les crises de change sont
habituellement associées à l'inflation qui en est la victime,
alors que la contagion des crises dans le monde est liée à la
déflation.
Dans une approche strictement empirique, Dehove (2004),
définit trois types d'indicateurs utilisés pour les crises de
change (et les crises bancaires) qui peuvent être regroupé dans
deux grandes catégories à savoir les indicateurs de «
crise effective » et les indicateurs de « pression
spéculative »
Trois conclusions principales peuvent être tirées
de l'analyse statistique détaillée de la fréquence des
crises au cours des trente dernières années. D'abord, on remarque
que globalement, crises de change et crises bancaires confondues, les crises
financières ne sont pas massivement plus fréquentes depuis le
début des années 1990. Sur l'ensemble des 49 pays
étudiés par Stone et Weeks, le nombre de crises
financières bancaires et de change ne s'est pas notablement
élevé depuis l'éclatement du système de Bretton
Woods. Une économie avait, sur la période 92-99, une
probabilité de connaître une année une crise
financière de 11,5 %, dix ans plus tôt, cette probabilité
était de 12 %.
3. Les crises jumelles
L'aspect jumelle des crises est nouveau des crises
financières récentes et un facteur majeur de leur gravité
(Boyer et al. 2004). En se combinant aux crises bancaires renaissantes, les
crises ont engendré un type de crise financière nouvelle pour la
période d'après-guerre : les crises jumelles. Ces crises jumelles
se manifestent par la combinaison d'une spéculation intense contre la
monnaie nationale et une vague de défaillances bancaires. Elles
associent une méfiance à l'égard de la stabilité du
taux de change, et une méfiance à l'égard de la
liquidité ou de la solvabilité des intermédiaires
bancaires, qui rétroagissent l'une sur l'autre en se renforçant
mutuellement.
Ces crises jumelles qui étaient quasi inexistantes sur
la période de Bretton Woods, ont désormais une fréquence
supérieure à celle enregistrée pendant la période
précédant la Première Guerre mondiale, même si cette
fréquence demeure inférieure à celle de
l'entre-deux-guerres. Dans l'étude qu'elles leur consacrent, Reinhart et
al. (2008) 19 en comptent dix-huit sur la période 1980-1995,
antérieure à la crise asiatique, sur un total de soixante
treize
Ces crises repérées sur un échantillon de
vingt pays. Au cours de la période précédente, 1970-1979,
elles n'en recensent qu'une seule sur un total de vingt-neuf crises. Pour leur
part, Stone et Weeks (2001) en recensent six sur la période 1992-1999
sur un échantillon de quarante-neuf pays. Effet, pendant
l'épisode 1977-1998 : Indonésie, Malaisie, Philippines,
Thaïlande, Corée, ont eu à affronter simultanément
une crise de change et une crise bancaire. A priori, en avenir
certain, il est possible selon Boyer de développer trois
hypothèses alternatives simples concernant cette
simultanéité :
· selon une première conception, les crises de
change et les crises bancaires ont les mêmes causes. Cette approche a
été particulièrement utilisée dans le cadre de
l'analyse des échecs répétés dans les pays en
développement des plans de stabilisation de l'inflation par
l'appréciation du change. Ces plans, parce qu'ils suscitent un boom
lié à l'afflux de capitaux étrangers et une
appréciation cumulative du change réel liée au
délai de convergence de l'inflation domestique sur l'inflation mondiale,
créent un déficit courant croissant qui jette un doute sur la
soutenabilité de la politique économique et déclenche une
attaque spéculative. Celle-ci, alimentant une fuite brutale des capitaux
et une dépréciation des actifs, déclenche une crise
bancaire
· dans un deuxième modèle, la crise
bancaire entraîne la crise de change (voir Velasco, 1987)20
par l'intermédiaire de l'émission de monnaie domestique excessive
provoquée par le secours exceptionnel en liquidité que la Banque
centrale apporte au système bancaire pour le stabiliser;
· dans un troisième modèle, Les crises de
change entraînent les crises bancaires, un déséquilibre du
change (en change fixe) à la suite par exemple d'un choc
extérieur entraîne une perte de réserves. Non
stérilisée, elle entraîne une contraction du crédit
bancaire et des faillites des entreprises qui se répercutent sur la
solvabilité du système bancaire (voir Stoker, 1994) 21 . Si le
déséquilibre de change se traduit par une dévaluation,
celle-ci peut entraîner dans un secteur
19 Voir tableau 1
20 Figure 6
21 Figure 7
bancaire exposé au risque de change, des pertes de
change assez considérables pour provoquer des faillites bancaires.
Figure 6. Le mole de Valesco (1987) : les crises
bancaires entrainant les crises de
Figure 7 Le modèe de Valesco (1987) : les crises
bancaires entranent les crises de change
28
Source : Boyer et al. (2004)
Figure 7. Le modèle de Stoker (1994) : les
crises de change entraînent les crises bancaires
Source : Boyer et al. (2004)
Tableau 1. Les crises jumelles
Source : Dehove (2003)
Chapitre 2 : Les crises financières dans
l'histoire économique
30
L'histoire économique a été
marquée par de nombreuses périodes de crises financières.
Ces crises sont souvent provoquées par la défaillance d'une ou
plusieurs banques, des politiques macroéconomiques inappropriées
(qui porte sur le régime de taux de change et la dette
étrangère élevée, par exemple) ou par des flux
massifs de capitaux étrangers. Le but de ce chapitre est de discerner
les crises survenues dans l'histoire courte et longue, afin
d'appréhender leurs causes et conséquences, ainsi que les
stratégies adoptées par les gouvernements pour les
résoudre ou, au moins, limiter leur ampleur. Bien qu'il existe certaines
similitudes dans les facteurs ayant conduits à ces crises, les
stratégies adoptées pour défaire ces crises ont
été très différentes et parfois complexes et
coûteuses.
Section 1 : Les crises dans l'histoire
récente
Au cours de la dernière décennie,
l'économie mondiale a connu des crises financières qui ont
affecté ses mécanismes et perturbé sa stabilité
financière. On trouve parmi ces crises la crise scandinave (1990- 92),
la crise Mexicaine (1994-95) surnommée Tequila, la crise
financière asiatique (1997-98), la crise du marché obligataire
russe (1998), et la crise financière argentine (2002). Les degrés
d'effets de celles-ci sur ces pays étaient plus ou moins
élevés et ont eu des conséquences si dommageables. Bien
que la plupart de ces crises soient pertinentes à explorer, notre choix
dans cette section va être limité à un certain nombre
d'elles; celles-ci présentent un intérêt particulier pour
nous.
1. La crise scandinave, 1990-1992
La Norvège, la Finlande et la Suède ont connu
au début des années 80 une phase d'expansioncontraction de
l'activité économique qui a conduit à des crises bancaires
à la fin de 1980 et au début de l'année 1990. Avant le
début de la crise, les taux de croissance réels du PIB de ces
pays étaient constants, entre 4% et 6% en moyenne pour chaque pays, et
les taux d'intérêt y étaient faibles voire négatifs
sur certaines années. L'expansion du crédit a été
réglementée par les gouvernements puis
déréglementée vers la première moitié de
l'année 1980. Cette levée de restrictions qui portait sur le
rationnement de crédit et de contrôle des prises de risque a
permis aux banques de prêter davantage déclenchant ainsi un boom
du crédit qui a favorisé une montée en flèche des
prix de l'immobilier (Sandal, 2004) d'où la formation d'une bulle
spéculative.
32
En conséquence, l'économie s'est ralentie, ce
qui a provoqué une série de faillites et des pertes colossales
ont été enregistrées pour 75% des banques
norvégiennes et suédoises entrainées en grande partie par
les prêts consentis aux entreprises ayant auparavant fais faillites
(Pesola, 2001). Les situations financières et économiques de ces
pays variaient de l'un à l'autre. Afin de comprendre ce qui leur est
passé, nous passons en revue dans ce qui suit les facteurs et les
évènements qui ont marqué cette crise.
En Norvège, entre 1985 et 1986, les crédits
bancaires y ont augmenté de 40%, les prix d'actifs ont flambé,
l'investissement et la consommation ont également augmenté de
manière significative. Or, les problèmes n'ont commencé
à surgir réellement qu'en automne de 1988, lorsque les
crédits ont causé des pertes estimés à 25 % des
capitaux propres. De plus, deux caisses régionales d'épargne ont
perdu tous leurs capitaux propres. A cette époque, La Norvège
n'avait pas un régime d'assurance-dépôt; il y avait
cependant deux fonds privés qui jouaient son rôle appelés,
respectivement, le Fonds de Garantie des Banques Commerciales et
le Fonds de Garantie de la Caisse d'Epargne. Ces deux fonds
intervenaient par des injections de capitaux qui étaient suivis par des
opérations de fusion.
Au cours de 1989-90, le fonds de garantie de la caisse
d'épargne a apporté son soutien à 11 banques, qui ont
été fusionnés avec des banques solvables. Et vu que le
nombre de banques en difficulté n'a cessé de grimper, il
était impossible que ces fonds privés parviennent à
fournir tout le soutien nécessaire. En Janvier 1991, un Government
Bank Insurance Fund (GBIF) a été
créé. Il a été destiné initialement pour
fournir des prêts aux deux fonds privés. Or, compte tenu du fait
que ces fonds étaient fragilisés par le poids de la dette, le
GBIF commença à fournir directement son soutien aux banques. A
l'automne 1991, la crise est devenue systémique, lorsque les trois plus
grandes banques commerciales, la Den Norske, la Christiania
banque et la Fokus Banque, ont fait état d'importantes
pertes sur les prêts; les deux dernières ont perdu tous leurs
capitaux et ont été nationalisées par la suite, tandis que
la Den Norske a perdu une proportion importante de ses capitaux,
subissant ainsi à la fin de 1992 le même sort que les deux autres
banques. En conséquence, le gouvernement annonça que tous les
déposants et les créanciers allaient être
protégés et les banques devaient être progressivement
privatisées. En ce faisant, La Christiania fait maintenant
partie du groupe de Nordea et ce depuis l'année 2000. En 1995, les parts
de la Fokus banque ont été privatisées et
racheté par la banque Danoise la Den Danske. L'Etat
détenait moins de 50 % du capital de Den Norske, en 2002.
En Finlande, l'effet excédentaire de son budget de
1987 a abouti à une expansion massive du crédit et à une
augmentation des prix de l'immobilier de 68 % entre 1987-88. En 1989, afin de
modérer cette expansion du crédit, la banque centrale de Finlande
a réagit en augmentant les taux d'intérêt et les
réserves obligatoires. Or, entre 1990 et 1991, avec la
baisse des échanges avec l'Union Soviétique, la situation
économique s'est aggravée, ce qui a provoqué une chute
brutale des prix des actifs, et une diminution du PIB de 7 %. La
première banque à avoir de grandes difficultés de
liquidité était la Skop Banque que le groupe de caisses
d'épargne l'a soutenue en lui injectant des capitaux en octobre 1990.
Dans l'objectif de sauver et maintenir la confiance dans le système
bancaire, La Banque de Finlande a pris en charge, par le biais d'une importante
injection de capitaux, qui a débouché sur la création de
deux nouvelles sociétés de gestion détenues et
gérées par elle. Dès lors, en mars 1992, plusieurs banques
ont été soutenues par le gouvernement qui leur a fourni des
capitaux à hauteur de 8 milliards de mark finlandais afin
d'éviter tout resserrement brutal des crédits. Or, le
début de la crise systémique commença à se faire
sentir en juin 1992, lorsqu'il s'est avéré que 41 caisses
d'épargne étaient en difficultés. Et pour remédier
à ce risque, ces caisses ont été regroupées dans la
Caisse d'épargne de la Finlande, et encore une fois, les actifs à
risques ont été transférés à la
propriété de l'État, tandis que le contrôle des
banques en difficulté représentait 97% des actifs de la banque de
Finlande. En août 1992, le gouvernement annonça la protection de
tous les créanciers et cette garantie s'est transformée en
loi.
La Suède a aussi assisté à une expansion
persistante du crédit vers la fin des années 80 qui a conduit
à un boom immobilier. Cependant, à l'automne de 1990, la
situation a changé avec le resserrement du crédit bancaire : les
taux d'intérêts ont enregistré une hausse excessive, dans
ce qui se situé dans une tentative des autorités
monétaires d'éviter la dévaluation du taux de change. Dans
ce contexte macroéconomique instable, un certain nombre de banques ont
eu de graves difficultés en raison de prêts basés sur une
surévaluation de la valeur des actifs. La banque d'épargne,
Forsta Sparbanken, a enregistré de lourdes pertes sur les
prêts, ce qui a nécessité de lui injecter de l'argent; elle
est suivie par la Nordbanken, la troisième plus grande banque
dont l'Etat détenait 71% des capitaux propres. Pour les sauver, Le
gouvernement leur a fourni des garanties qui se sont transformées par la
suite en prêts. La Gota Banque, la quatrième plus grande
banque commerciale a également signalé des problèmes en
avril 1992. En conséquence, l'économie suédoise a connu un
effondrement des prix des actifs immobiliers, une dévaluation du taux de
change, et un endettement des banques en devise étrangère. Enfin,
rien n'allais pour le système financier suédois.
2. La crise asiatique, 199 7-1998
« Le 2 juillet 1997, quand le baht thaïlandais
s'effondra, nulle ne savait qu'il s'agissait du coût d'envoi de la crise
économique la plus gigantesque depuis la grande dépression :
partie d'Asie, elle allait s'étendre en Russie, en Amérique
latine, et menacer le Monde entier » (Stiglitz, 2002, P. 153)
Cette phrase de Joseph Stiglitz montre bien l'ampleur de cette
crise qui au départ était considérée comme crise
passagère. En effet, c'était une crise structurelle qui sera
aggravée par les politiques économiques appliquées et
inspirées des institutions de Bretton Woods.
Qu'est ce qui s'est vraiment passé alors? Quelles
étaient les principales causes de cette crise ? Les causes de la crise
asiatique qui partie de Thaïlande en juillet 1997, touchant successivement
la plupart des pays de la région (Philippines, Malaisie,
Indonésie, Corée), et dans une moindre mesure, Taiwan, Hong Kong
et Singapour sont encore sujettes à débat. Pour certains auteurs
l'origine de la crise réside avant tout dans les
déséquilibres macroéconomiques et financiers et les
déficiences des politiques économiques de ce pays, même si
la propagation de la crise et ses conséquences économiques ont
été amplifiées par des comportements de panique. D'autres
auteurs, tout en reconnaissant les faiblesses de ces économies,
insistent avant tout sur le changement de comportement des investisseurs, et
sur les politiques fastidieuses menées au début de la crise, tant
par le FMI que par les autorités nationales (D. Cohen et R. Portes,
2003).
Ici, ces deux approches seront intégrées
simultanément, donc des indicateurs macroéconomiques et
microéconomiques relevant des comportements des acteurs. Ces pays
touchés par la crise ont connu pendant plus de deux décennies des
performances économiques notables. Ils avaient
généralement des budgets équilibrés, des taux
d'intérêt modérés et des situations
macroéconomiques enviables. En revanche, des déséquilibres
de nature microéconomique s'étaient accumulés dans les
portefeuilles des créanciers des banques, dans la gestion de risque de
change, dans l'endettement de cours terme et dans le comportement des
investisseurs. L'arrivée de vagues de capitaux privés dans un
environnement financier libéralisé s'était traduite par
des bulles boursières et immobilières, notamment en
Thaïlande, ce changement intervient au milieu de 1997 et déclenche
un engrenage de perte de confiance des investisseurs, sorties de capitaux,
dépréciation monétaire, difficulté des entreprises
et endettés. Il s'en est suivi une généralisation de la
crise financière.
A partir du moment où ces enchaînements sont
déclenchés, il est difficile de les enrayer. Les
difficultés commencent en Thaïlande : la situation
macroéconomique a commencé à se dégrader à
la mi-juillet 1997, une situation qui se caractérisait par un
ralentissement des exportations dû à la récession
japonaise, à l'appréciation relative du Baht et à la
concurrence des productions chinoises. Des pressions à la baisse
s'exercent sur le Baht thaïlandais, notamment en raison des
opérations des résidents souhaitant couvrir leurs dettes
étrangères en devise. Pour les contenir, la banque centrale de
Thaïlande
34
engage une grande partie de ses réserves dans la vente
à terme de dollars, augmentant encore ainsi son exposition au risque en
cas de dévaluation. Finalement, après l'annonce des pertes
à venir de la finance One, l'une des principales institutions
financières thaïlandaises, le gouvernement laisse le bath flotter
et se dévaluer rapidement. La banque thaïlandaise a donc
abandonné l'ancrage du Bath au dollar. Ces difficultés se
propagent rapidement à d'autres pays voisins et de développement
similaire (Corée du Sud et Indonésie) par un
phénomène dit de « contagion ». Ces nouvelles
dimensions donnent aux crises un caractère de troisième
génération (Cartapanis, 2003).
Ainsi, le Baht descend aux enfers en quelques semaines,
plongeant de 25 THB/Dollar à 51 THB/Dollar au pire de la crise.
Très vite, les éléments imprévus ou troublants se
sont toutefois multipliés. Le plus frappant est le dynamisme de la
contagion régionale : la Malaisie a abandonné son ancrage le 8
juillet, suivie par les Philippines le 11, tandis que le même jour
l'Indonésie élargissait ses marges de fluctuation de 8% à
12%. Jusqu'à la fin de l'année, ces monnaies subiront une
dépréciation comprise entre 35% et plus de 80%, dans un contexte
de reflux massif des capitaux internationaux hors la région (tableau 2).
En octobre, une attaque spéculative massive a eu lieu sur le Hong-Kong
dollars, mais elle est contenue par des mesures draconiennes
(élévation du taux d'intérêt interbancaire au jour
le jour à 300% au plus fort de la semaine noire de mi-octobre 1997).
L'effet à court terme de la dépréciation
aussi profonde du Dollar de Hong-Kong et du Won sud-coréen (qui flotte
autour de ce dernier) est double. D'abord, toutes les dettes en dollars et
surtout les dettes privées, deviennent insolvables, d'autant plus que
leur structure est en générale à très court terme,
la moitié d'entre elles ont une maturité d'environ un an
seulement. (Gravereau et Trauman, 2001)
Ces dettes privées sont gigantesques : 100 milliards
de dollars en Corée, 70 en Thaïlande, 56 en Indonésie, 25
dollar en Malaisie. La plupart de ces crédits bancaires privés se
trouvent en situation de créances douteuses, à commencer par les
banques locales dont on connaît la fragilité. Le management du
risque de crédit est partout pris en défaut.
Le second effet est de restaurer la confiance des
marchés financiers pour enrayer la chute. Ce qui relève de la
compétence des autorités politique. Le tableau 7 montre que ces
dépréciations sont à l'origine des fuites de capitaux
massifs dans ces pays
Tableau 2. Flux de capitaux privés dans cinq
pays asiatiques (Corée, Indonésie, Malaisie, Philippines,
Thaïlande, en milliards de dollars)
|
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
> Titres et investisseurs directs dont :
|
12, 2
|
15,5
|
19,1
|
-4,5
|
·
|
Investissements directs
|
4,7
|
4,9
|
7
|
7,2
|
·
|
Portefeuille
|
7,5
|
10,6
|
12,1
|
-11,7
|
>
|
Créances bilatérales dont :
|
28,2
|
61,9
|
73,9
|
-7,6
|
·
|
Banques commerciales
|
24
|
49,5
|
55,5
|
- 21,3
|
·
|
Non-banques
|
4,2
|
12,4
|
18,4
|
13,7
|
>
|
Total flux nets de capitaux
|
40,4
|
77,4
|
93
|
-12,1
|
|
Source : Radelet et Sachs (1998)
On remarque clairement dans ce tableau l'augmentation rapide
des entrées de capitaux entre 1994 et 1996, ainsi que la violence
extrême du retournement en 1997. L'intensité du retournement,
mesurée par les variations des flux dans la balance des capitaux avant
et après la crise est de 105 milliards de dollars dont 77 milliards pour
les seules banques commerciales.
Dans cette crise, les facteurs du risque systémique
caractérisés par : l'afflux massif de capitaux étrangers,
systèmes financiers inaptes à la libéralisation
précipitée, ancrage des monnaies sur le dollar sont tout
réuni (Aglietta, 2001, P.29). Cette crise n'a pas tardé à
affecter d'autres économies émergentes, en particulier la Russie
Août 1998.
3. La crise argentine, 2001
Le cas de ce pays est très révélateur,
car il réuni tous les facteurs déclencheurs d'une crise de
troisième génération. Tout comme dans les autres pays, se
trouvent au centre du déclenchement de la crise un taux de change fixe
devenu progressivement irréaliste et un endettement extérieur
insoutenable qu'il s'agisse des emprunts obligatoires du gouvernement, des
lignes de crédits interbancaires ou des dettes contractées par
les entreprises. La particularité de l'Argentine est le Currency
Board, un système monétaire gageant chaque Peso sur
un dollar américain. Dans un tel système, la monnaie locale
est
36
aussi bonne que la devise étrangère puisque chaque
Peso émis par la Banque centrale correspond à un dollar qu'elle
détient en réserve.
Examinons alors la genèse et le manifeste de la crise.
Afin de sortir du marasme économique et de l'hyperinflation, l'Argentine
avait opté dès 1991, pour un régime de Currency
Board couplé à une libéralisation financière
totale afin de voir les capitaux étrangers revenir alimenter
l'activité économique. Le système de Currency
Board permet de contrôler l'inflation et d'attirer des capitaux
étrangers en offrant une garantie contre le risque de change. En outre,
ce système retire toute latitude à la politique monétaire;
ainsi toute entrée de capitaux entraîne une expansion de la masse
monétaire et inversement.
Ces mesures, accompagnées d'un programme de
privatisation apportent des recettes supplémentaires à l'Etat,
connurent un vrai succès jusqu'en 1996. Malheureusement, les
évènements qui suivent infligent au système politique
argentin des pressions insoutenables.
Quatre choses externes surviennent successivement : les prix
des produits primaires exportés par l'Argentine cessent de monter, la
croissance américaine fait que le dollar américain
s'apprécie par rapport à l'ensemble des monnaies, le coût
du capital emprunté par les économies émergentes
s'élève à la suite la crise des pays asiatiques. En plus,
le Brésil, le premier partenaire commercial de l'Argentine
dévalue le Real en 1999.
Ayant été élu par un second mandat
présidentiel en 1996, M.CARLOS MENEM qui s'est séparé de
M.CAVALHO cherche à obtenir les soutiens politiques nécessaires
pour un troisième mandat, pourtant proscrit par la constitution. Or, le
système de Currency Board ne lui permet pas de faire
tourner la planche à billets face à un déficit
publique insoutenable (6% du PIB en 1996), et la hausse rapide des finances
publiques s'explique par la progression du service de la dette, la
montée du chômage, la reforme ambitieuse du système des
retraites mais aussi par l'augmentation des effectifs des fonctionnaires
provinciaux et par la corruption. Dans le même temps, les recettes de
l'Etat stagnent. Carlos Menem ne réussit pas à faire modifier les
règles constitutionnelles en sa faveur, et à la fin 1999, il
laisse la place à Fernand de la Rua, le candidat non péroniste de
l'alliance qui ne bénéficie pas de la majorité
parlementaire au Congrès. Mr. De la Rua promet de réduire le
déficit budgétaire, pour avoir le soutien du FMI alors que le
pays est en récession.
Le 12 janvier 2001, le FMI annonce qu'il accepte d'augmenter
la ligne de crédit de l'Argentine de 6,7milliards de dollars à
14milliards de dollars. Mais, le rejet du congrès à
majorité péroniste du
programme budgétaire présenté par le
Ministre de l'Economie, M. Lopez va faire disparaître la dernière
chance de sauvetage de la crise d'émission.
Mr. De la Rua, fait appel alors à Domingo Cavalho,
l'artisan du miracle des années 1990. Il va prendre des mesures
hétérodoxes pour relancer la croissance. Ainsi en dépit
des règles de Mercosur, il augmente les tarifs
douaniers pour protéger l'économie argentine, de son voisin
brésilien. Plus grave encore, il annonce le 19 juin 2001 que le Peso est
désormais fixé par rapport à deux monnaies, le dollar et
l'Euro, ce qui revient à détacher le Peso du dollar. Les
investisseurs demandent ainsi une prime de risque élevée pour
détenir des obligations argentines, ce qui fait monter les taux
argentins à plus de 10%. Ce n'est que le début de
l'envolée des Spreads de taux, au-dessus des taux
américains correspondant, ce qui aggrave encore la récession.
Les mesures dangereuses de D. Cavalho ne s'arrêtent pas
là. Après l'éviction de Pedro Pou, le Gouverneur de la
banque centrale a pris des mesures draconiennes. Ainsi, les banques sont
désormais contraintes d'échanger les obligations d'Etat qu'elles
détiennent et qui rapportent en théorie des taux
d'intérêt élevé contre de nouvelles obligations dont
le taux est fixé à niveau beaucoup plus faible. Les caisses de
retraites étaient également obligées d'acheter
prioritairement les obligations d'Etat dont ne veulent plus les banques
d'investissements étrangers.
Le FMI a décidé d'accroître le
crédit stand-by de l'Argentine de 21,5 milliards de dollars et
autorise un tirage immédiat de 6,3milliards de dollars. En
décembre 2001, la convertibilité est suspendue,
l'Argentine suspend le remboursement de sa dette et le gouvernement doit
démissionner. La monnaie est dévaluée quelques semaines
plus tard. Comme le suggère Rogoff K., l'économiste en chef de
FMI, dans le cas de l'Argentine, le mixage de politique budgétaire,
endettement et régime de change ne sont pas soutenable. En maintenant
obstinément le système du Currency Board durant ces
années de récession tout en voulant faire face à ses
contraintes de remboursement, le gouvernement fut finalement contraint de
contingenter les retraits des dépôts bancaires des particuliers en
décembre 2001, provoquant une crise sociale et politique qui n'est pas
encore résolue22 .
22 Portes et Cohen, op.cit.
38
Section 2. Les crises dans l'histoire longue
Avant le 11ème siècle, le terme de
panique bancaire n'était pas méconnu à l'histoire de la
finance car de nombreuses crises bancaires se sont produites, de manière
fréquente, à cette époque. Kindleberger (1978) souligne
que les crises financières ont eu lieu à environ 10 années
d'intervalle au cours des 400 dernières années. Les paniques
étaient généralement considérées comme un
mauvais signe parce qu'ils sont souvent associés à une baisse
importante de l'activité économique. Au fil du temps, les deux
principaux objectifs des banques centrales étaient d'éliminer les
paniques et d'assurer la stabilité financière. C'était un
processus long complexé. L'année 1668, a connu la création
de la première banque centrale, la Banque de Suède, suivi de la
Banque d'Angleterre. Tous les deux ont joué un rôle dans
l'élaboration de politiques de stabilisation dans les
18ème et 19ème siècles. Cependant,
il y avait quand même des crises dont on se rappellera toujours. Voici
une sélection des crises financières les plus tumultueuses dans
l'histoire longue.
1. La Tulipmanie, 1636
La Tulipmanie, qui affecta les Pays-Bas au milieu du
17ème siècle est le nom de la première bulle
spéculative de l'histoire. La spéculation était
fondée sur le commerce de la tulipe dont les prix atteignirent des
sommets, avant de s'effondrer. La tulipe, introduite en Europe au milieu du
16ème siècle grâce à l'empire Ottomane, a
connu une forte popularité dans les Pays-Bas, stimulé par la
concurrence entre les membres des classes supérieures en possession des
plus rares tulipes. Aussitôt, la tulipe hollandaise a eu une grande
fascination jusqu'à envahir les oeuvres d'art de l'époque
devenant ainsi un article de luxe convoité et un signe de richesse. La
demande des bulbes de tulipes a atteint le sommet à un point que des
prix pharamineux ont été accusés pour un seul bulbe, c'est
ce qui sera à l'origine de la première bulle spéculative
de l'histoire de la finance et souvent citée comme un exemple de
spéculation financière d'où le nom de
Tulipmanie23 (Tulipm ania).
La frénésie de la spéculation des bulbes
de tulipes a commencé sérieusement après septembre 1636,
quand les tulipes commençaient à se négocier sur les
bourses de nombreuses villes néerlandaises. Cela a encouragé le
commerce des tulipes de tous les membres de la société, dont la
plupart ont vendu leurs biens dans le but de spéculer dans le
marché des tulipes. En septembre 1936, les bulbes étaient
23 Garber, 1990
indisponibles. Car, elles étaient dans leur cycle
normal, c'est-à-dire qu'elles avaient été plantées
pour fleurir le printemps suivant. Ces bulbes, rares et précieux,
produisent des fleurs aux pétales marbrées de couleurs vives, ce
qui a renchérit leur valeur. De ce fait, certains commerçants
vendaient leurs bulbes de tulipes qui venaient juste d'être
plantées ou ceux qu'ils avaient l'intention de planter et les acheteurs
de bulbes s'engageaient à payer des bulbes qu'ils ne pouvaient pas voir
au moment de l'achat. A ce stade- là, la spéculation de novembre
et décembre 1636 et janvier 1637 a été
réalisée en l'absence de spécimens en
éléments de preuve entraînant ainsi une flambée des
prix des tulipes. Mais, le retournement de la situation a très vite
débuté vers novembre 1636 suite à une baisse de la valeur
des bulbes qui aboutira par la suite à l'effondrement du marché
de la tulipe au début février 1637, accompagné par une
chute brutale des prix à des niveaux insignifiants et par des
défauts sur la plupart des contrats, faisant ainsi ruiner de nombreuses
personnes. De nombreux économistes se sont exprimés sur cette
crise, parmi eux on trouve l'économiste Peter Garber (1990),
considéré comme l'expert moderne de la tulipmanie, qui pense que
la tulipmanie n'est pas toujours une manie, elle s'explique cependant par les
fondamentaux du marché : L'explosion des prix des bulbes de tulipes,
d'après lui, peut s'expliquer par le facteur de l'offre et de la
demande. Les bulbes rares étaient difficiles à se reproduire et
très demandées. Ainsi, les rares bulbes avaient tendance à
augmenter davantage leur prix. Garber admet que l'augmentation et
l'effondrement des prix relatifs des bulbes est la caractéristique
remarquable de cette phase de spéculation. En plus de ses arguments
fondamentaux, Garber pointe le virus bubonique comme une cause possible de
tulipmanie. Le point de vue de Kindleberger24 est que la manie des
tulipes de 1634 est si isolée et manque de caractéristiques
monétaires qui sont arrivées avec l'expansion du secteur bancaire
après le début du 18ème siècle. Il est
fort probable que, la vision de Kindleberger sur le fait que l'offre de monnaie
en 1630 aux Pays-Bas n'a pas subi une augmentation soudaine, était
nécessaire pour créer une bulle spéculative. Or, Doug
French (The Truth About Tulipmania, 2006) a démontré que
l'offre de monnaie a augmenté de manière spectaculaire en 1630 en
Hollande, engendrant ainsi l'épisode de tulipmanie.
L'histoire de la Tulipmanie ne concerne pas seulement les
tulipes et les mouvements de prix, certainement, l'étude des
fondamentaux du marché de la tulipe n'explique pas l'existence de cette
bulle spéculative. Le prix des tulipes a servi uniquement comme une
manifestation de l'aboutissement d'une politique gouvernementale, qui a
augmenté la quantité de la monnaie et donc a favorisé un
environnement propice à la spéculation. Ce scénario a
été joué à plusieurs reprises tout au long de
l'histoire. Or, la question de savoir si la baisse des prix des bulbes de
tulipes a conduit ou pas à une
24 Op.cit.
40
41
2. La crise de la compagnie des mers du sud,
1720
L'histoire de la bulle de la compagnie des mers du sud de
1720 a été considérée, par certains
économistes, comme étant la première crise majeure qu'a
connue la finance mondiale26 , parce qu'elle a touché
à la fois les investisseurs d'Angleterre, de France, des Pays-Bas et
d'autres pays de l'Europe. Les évènements commencèrent en
1711, lorsque la compagnie the Sword Blade a racheté une partie
de la dette publique contractée durant la guerre des successions
espagnoles.
L'histoire de la compagnie des mers du sud, elle,
commença en effet en 1698 avec son fondateur Robert Harley qui
se voit confier le monopole du commerce avec les colonies espagnoles de
l'Amérique. Ce monopole prévoyait des concessions commerciales
favorables à la Grande-Bretagne. En contrepartie, la compagnie doit
procéder à la privatisation par la conversion des dettes
nationales, illiquides et difficilement négociables, contractée
pendant la guerre, en actions propres à la compagnie, beaucoup plus
liquides et négociables sur le marché financier. Malgré
que ces actions soient bien rémunérées par le
trésor public, La compagnie des mers du sud les a vendues pour augmenter
son capital et financer ce qu'elle espérait être un commerce
lucratif avec les colonies espagnoles du sud de l'Amérique. En outre,
étant donné la période des hostilités qui a
perduré jusqu'à 1718, les investisseurs étaient optimistes
pour l'avenir et pour les perspectives attractives du commerce, qui seraient
compromises une fois la guerre est finie. La compagnie des mers du Sud a voulu
imiter le succès de la Compagnie du Mississippi basée à
Paris qui avait obtenu le monopole du commerce français avec
l'Amérique du Nord et a racheté l'ensemble de la dette
française provoquant une ruée des investisseurs. Cette compagnie
appartenait à l'Ecossais, John Law, qui a utilisé sa
banque pour émettre des titres et augmenter son capital. En Mai 1719, la
compagnie a été submergée par les investisseurs : en plus
des investisseurs français, il y avait des investisseurs
étrangers, y compris certains investisseurs anglais et ceux des grandes
villes du continent (Paris, Amsterdam et Genève). Ces investisseurs
réclamèrent par la suite l'achat des actions de la compagnie des
Mers du Sud, ce qui a fait envoler le prix de l'action de 175 livres sterling
en février 1720 pour culminer à plus de 1000 livres sterling en
juin 1720. La spéculation s'est propagée ainsi à
25 Ibid.
26 Kindleberger, Op.cit.
d'autres actions sur le continent. Cependant, il y avait
certains malaises à l'échelle de la spéculation, puisque
certains investisseurs y compris quelques dirigeants de la compagnie ont vendu
leurs actions. Il n'y avait pas d'éclatement brutal de la bulle, mais
juste une baisse lente et régulière de la valeur de l'action.
Finalement, elle s'effondre à la fin du mois de septembre 1720,
lorsqu'elle chute à 135 livres sterling. Cet effondrement a fait perdre
des fortunes colossales, ce qui a poussé le parlement à mettre en
place une commission d'enquête afin de détecter les failles et les
principaux responsables. Mais, un bon nombre des principaux acteurs ont
échappé vers d'autres pays, ce qui a rendu difficile d'engager
des poursuites contre eux. La Banque d'Angleterre a sauvé la compagnie
des mers du Sud, mais elle a refusé d'aider la Sword Blade qui, elle,
s'est effondrée.
3. La grande dépression de 1929-33
La grande dépression de 1929 à 1933 a
été de loin la plus sévère contraction du cycle
économique dans l'histoire des Etats-Unis. Bien que nettement plus
prolongé aux États-Unis que dans la plupart des d'autres pays,
elle a été portée dans le monde entier et se classe comme
une contraction internationale la plus grave et la plus largement
diffusés des temps modernes27 .
Cette contraction (figure 8), incomparable dans l'histoire
des crises financières, a été
précédée par une longue période au cours de
laquelle la masse monétaire n'a pas augmenté. Le comportement
monétaire au cours de la contraction lui-même est encore plus
frappant. À partir du pic cyclique en août 1929 jusqu'au creux
cyclique en mars 1933, le stock de monnaie a chuté de plus d'un tiers 28
. Plus d'un tiers des banques commerciales des États-Unis
détenant près d'un dixième du volume des
dépôts au début de la contraction ont suspendu leurs
opérations en raison de difficultés
financières29 .
27 Friedman, Schwartz
28 C'est plus du triple de la baisse précédente la
plus importante enregistrée dans la série de Friedman et
Schwartz, la baisse de 9% de 1875 à 1879 et de 1920 à 1921
29 Ibid. Friedman, Schwartz
42
Figure 8. Prices, Personnel Income, and Industrial
Production, Monthly, 1929-March 1933
En 1922, à la suite de la première guerre
mondiale, les Etats-Unis connurent une remarquable prospérité
économique. Cette prospérité s'appuyait sur une
productivité croissante qui alimentait une hausse de salaires et du
pouvoir d'achat qui, elle, renforçait la consommation des ménages
américains qui ont retrouvé une impression de bien-être qui
semblait être permanant. Toutefois, l'arrivée d'une simple
journée à Wall Street a bouleversé l'économie
américaine et a provoqué la plus grave crise économique de
l'histoire.
Les cours des actions ont enregistré une montée
en puissance suite à la formation d'une bulle spéculative, qui
s'est amplifiée par le nouveau système d'achat à
crédit d'actions, qui depuis 1926 est autorisé à Wall
Street. Les investisseurs pouvaient ainsi acheter des titres avec une
couverture de seulement 10 %. Le taux d'emprunt dépendait du taux
d'intérêt à court terme et la pérennité du
système a été celée à la différence
entre le taux d'appréciation des actions et le taux d'emprunt.
En septembre 1929, les cours des actions atteignaient leur
plus haut niveau historique qui ne pourrait pas être justifiées
par des anticipations raisonnables de revenus futurs. Par conséquent, la
hausse des
43
taux d'intérêt et la stagnation des cours des
actions ont conduit progressivement à la baisse des cours en octobre
1929, qui ont rendu le remboursement des intérêts supérieur
aux gains boursiers, ceci a contraint certains investisseurs à liquider
leurs actions, ce qui a déclenché une réaction en
chaîne traduite par une amplification de vente de titres qui a
débuté le jeudi noir du 24 Octobre, 1929, ce jour-
là, 13 millions d'actions ont été rapidement vendues par
des investisseurs qui ont perdu confiance dans l'économie
américaine en succombant à la panique.
Ce climat général d'incertitude a
entraîné une baisse drastique de la production, une hausse
chômage, une déflation aiguë dans presque tous les pays du
globe ce qui a conduit a des crises bancaires et économiques sans
précédant.
Novembre 1930 a marqué le début de la
première crise bancaire américaine, lorsque 256 banques
s'effondrèrent; la contagion s'est propagée à toute
l'Amérique, avec plus de 352 faillites de banques en décembre.
Du "jeudi noir" à la seconde guerre mondiale, la
débâcle s'est propagée dans le monde. Au cours d'une
récession de dix longues années, les pays les plus
concernés connaîtront d'importants bouleversements sociaux et
politiques. Friedman et Schwartz ont fait valoir qu'une mauvaise qualité
de prêts et d'autres mauvais investissements ont été la
principale cause de faillite bancaire en octobre 1930, mais plus tard, les
faillites sont dues en grande partie aux ruées bancaires, ce qui a
obligé les banques à céder leurs actifs avec une large
réduction.
Après avoir traversé difficilement la
période de 1931 à 1932, le système financier
américain toucha le fond en mars 1933. Cette situation économique
déplorable depuis le krach de 1929, le chômage et les faillites, a
suscité l'intervention de l'Etat sous la présidence de Franklin
D. Roosevelt, nouvellement élu, qui mettra, aussitôt, en place un
plan de relance appelé le New Deal (la nouvelle donne), qui
désigna toutes les mesures économiques et sociales prises aux
États-Unis entre 1933 et 1939, pour remédier aux effets
dévastateurs de cette crise avec des mesures telles que la
réforme du système bancaire, l'abandon de l'étalon d'or,
la dévaluation du dollar, la limitation volontaire de la production
agricole et le lancement de grands travaux. Ca plan marqua non seulement le
début de la reprise économique et financière, mais aussi
l'introduction d'une intervention gouvernementale massive dans tous les
domaines du système financier.
Chapitre 3 : Les dysfonctionnements financiers au coeur
de la crise des Subprimes
Le marché hypothécaire résidentiel aux
États-Unis a très bien marché au cours des deux derniers
siècles, des millions de personnes permettant de réaliser le
rêve d'accession à la propriété. En effet, le taux
d'accession à la propriété a atteint un niveau record de
69,2 pour cent en 2004 avant de baisser à 68,2 pour cent à la fin
du troisième trimestre de 2007. L'épisode le plus récent
est survenu à l'été 2007 et est communément
appelé l'effondrement du marché hypothécaire subprime. La
baisse récente des prix de l'immobilier, la hausse des saisies, et le
renforcement des normes de crédit par les prêteurs entraine par
cause à effet un ralentissement de la croissance économique, en
créant la possibilité d'une récession.
Pour comprendre certains évènements qui sont
arrivés avant et pendant la crise des subprimes, il est important de
savoir que la croissance du marché des crédits subprimes et son
explosion reflète en effet une combinaison de facteurs que nous
proposerons d'aborder dans ces deux chapitres.
Section 1. La titrisation : une pratique confuse au vu
de la sophistication et de la complexité des produits financiers
1. Les principaux caractéristiques de la
titrisation
La titrisation30 est une technique qui consiste
à transformer des actifs peu liquides en valeurs mobilières
facilement négociables. Pour une banque, titriser un crédit
revient à le faire transformer en un actif financier qu'elle peut
revendre à des investisseurs (voir schéma ci-dessous). Le plus
souvent, la banque à l'origine des prêts les cède à
une banque d'investissement (Special Purpose Vehicule, SPV) qui forme
un pool de crédit structurés (Asset backed Securities,
ABS), homogènes ou hétérogènes (MBS
Mortgage-Backed Securities31, C DO Collateralized Debt
Obligation s32 ). Les titres sont émis en tranches
30 L'AMF (l'autorité des marchés financiers)
distingue en effet deux types de titrisation : titrisation du bilan et du
hors-bilan. Ici, on ne considère que la titrisation hors-bilan
(off-balance sheet) qui est la question emblématique de cette crise des
subpri mes
31 Les MBS eux-mêmes se subdivisent entre les CMBS
(Commercial Mortgage-Backed Securities) et les RMBS (Residential
Mortgage- Backed Securities).
hiérarchisées selon leur niveau de risque. A
partir d'un pool de MBS noté BBB par exemple, le véhicule
parvient à proposer aux investisseurs des tranches de titres
présentant des niveaux de risque et de rendement différentes :
tranches « super senior » notées AAA33 , «
senior » notées AA et A, « mezzanine » notées BBB
et BB, jusqu'aux tranches « equity » non notées.
La tranche dite "equity" vient absorber l'essentiel du risque
attaché au portefeuille d'actifs titrisés. En cas de
réalisation d'un événement de crédit, ce sont les
détenteurs de cette tranche qui assumeront les premiers les pertes
éventuelles en découlant (pertes en principal, rupture des
versements d'intérêts). La tranche mezzanine (ou
différentes tranches plus ou moins junior) qui présente une
exposition au risque intermédiaire. Enfin, le dernier étage est
constitué de la dette senior, qui présente une très faible
exposition au risque de crédit. La dette mezzanine et la dette senior
bénéficient d'une appréciation par une agence de
notation.
En fonction de leur aversion au risque ou tout simplement des
contraintes réglementaires auxquelles ils doivent faire face, un
investisseur choisira d'investir dans l'une ou l'autre de ces tranches.
Les conduits sont des entités qui acquièrent
des actifs auprès de différents cédants et se refinancent
parfois par l'émission de titres à long terme, le plus souvent
par l'émission de titres à court terme, comme le commercial
paper. Les actifs titrisés à travers les conduits sont le
plus souvent des actifs à court terme mais il peut arriver que les
conduits soient utilisés pour des actifs à long terme.
L'utilisation du conduit permet le financement d'actifs d'un montant individuel
trop faible pour justifier la mise en place d'une structure ad hoc
pour chacun d'entre eux ou d'adapter la durée du financement
à la maturité des actifs. La particularité de ces
opérations a justifié une analyse statistique
séparée. Il existe également des ABCP dits d'arbitrage qui
permettent de tirer profit du différentiel entre la
rémunération des titres détenus à l'actif et le
coût de refinancement du véhicule. Dans ce cas, le conduit peut
acquérir tout type d'actifs (obligations, etc.) un seul conduit, mis en
place par une banque française, entre dans cette catégorie.
32 Les actifs concernés par une opération de
CDO sont des prêts (on parle alors de CLO ou Collateralised Loans
Obligations), des titres obligataires (on parle de CBO ou
Collateralised Bonds Obligations) ou plus récemment des
dérivés de crédit sur un risque d'entreprise ou
corporate
45
33 Cf. section 2
Schéma de titrisation
2. La titrisation des crédit
subprimes
Jusqu'à très récemment, l'origination
des crédits subprimes et l'émission des titres adossés
à des crédits hypothécaires (MBS)34 ont
été dominé par les prêts aux emprunteurs
Primes (figure 10) conformément aux standards de souscription
établie par le Government Sponsored Agencies (GSE). En
34 Figure 9
47
plus de ces crédits dits conformes (aux
standards), il existe des crédits dits non-agency (qui
échappent aux standards des agences gouvernementales) qui incluent les
classes d'actifs Jumbo, Alt-A et subprime. La classe d'actifs Jumbo
comprend des crédits à des emprunteurs avec un premier solde
initial supérieur aux celui dicté par les standards
imposées par le Congrès sur les agences de notation. La classe
d'actifs Alt-A comprend des prêts destinés à des
emprunteurs qui ont avec un bon historique de crédit dont la
souscription est plus agressive que pour les crédits conformes ou
classes Jumbo (les crédits qui se caractérisent par l'absence de
documentation sur le revenu et un fort effet de levier). La classe d'actifs
subprime contient des emprunteurs avec un mauvais historique de
crédit.
En effet, la forte augmentation des originations et des
émissions dans toutes les classes d'actifs a été
renforcé par la réduction des taux d'intérêt
à long terme jusqu'à la fin de l'année 2003. Alors que les
marchés des crédits conformes ont culminé en 2003, les
marchés des crédits non-agency se sont accrus rapidement en 2005,
éclipsant finalement l'activité des marchés des
crédits conformes. En 2006, la production de crédits
non-agency de 1,480 billions de dollars était 45% plus grande
que la production (des crédits) agency, et les émissions de
non-agency de 1,033 billions de dollar ont été plus grandes que
les émissions agency qui représentait 905 milliards de dollars.
L'augmentation des subpri mes et de l'origination de l'Alt-A se sont
associés à une importante augmentation du ratio émission
/origination : 75 % pour les subprimes 87 % pour les prêts primes
(figure 10)
Figure 9. Marché des MBS
Figure 10. Part des crédits hypothécaires
primes et subprimes titrisés
Source : Boyer et al. (2004)
3. Le rôle de la titrisation dans la crise des
crédits de subprimes
Sachant que le risque pouvait être
transféré grâce à la titrisation, les banques ont
prêté une moindre attention à la solvabilité de
leurs clients. La titrisation a entraîné une plus faible
transparence des risques car les crédits subprimes ont été
achetés et vendus à des investisseurs nationaux et internationaux
sans qu'ils connaissent réellement la qualité des titres
possédés. La diminution de la valeur des titres a
été provoquée par la crise immobilière qui a
entraîné une crise de confiance.
En effet, la crise a révélé trois
faiblesses majeures dans ce processus :
49
· le lien entre les CDO, les ABS, et leurs
sous-jacents est devenu tellement complexe qu'il est extraordinairement
difficile de simuler l'impact sur une tranche de CDO d'un scénario
affectant les sous-jacents (combien de propriétaires de maisons en
Floride vont-ils faire défaut, et quelle sera la perte sur la valeur
originelle du crédit qu'il faudra constater quand tout aura
été réglé? comment ceci impactera-t-il les
différentes tranches de risque que comprend le CDO ?) ;
· l'approche statistique suppose de tenir compte, au
delà de la qualité des crédits sous-jacents, un par un de
l'environnement économique : impact d'une éventuelle chute des
prix de l'immobilier, par exemple les agences de notation n'ont pas su
intégrer convenablement cette dimension dans leur raisonnement. C'est ce
qui explique, en bout de chaîne, leurs erreurs majeures dans la notation
des "rehausseurs de crédits", des entreprises qui se faisaient une
spécialité d'assurer des produits titrisés pour
améliorer leur notation, et qui étaient donc totalement
exposées à un retournement conjoncturel que les agences n'ont pas
pris en compte, tant il est loin de leurs méthodes habituelles de
valorisation, tournée vers la microéconomie et non la
macroéconomie ;
· enfin et surtout, ces ABS, CDO et autres produits
similaires, sont présumés être des "produits de
marché", que leurs propriétaires valorisent sur la base d'une
"juste valeur" de marché. Manque de chance : le marché,
très peu liquide au départ pour les plus sophistiqués de
ces produits, a purement et simplement disparu lorsque la crise a
éclaté. Plus personne n'en voulait, à n'importe quel prix,
aussi bas soit-il. Et ceci sans qu'il y ait nécessairement
dégradation constatée - simplement présumée ou
anticipée - des sous-jacents.
Du coup, ces produits ont mérité, amplement, le
sobriquet sous lequel on les désigne désormais : "toxiques". Ce
qui les a conduit à avoir ce statut, c'est une erreur d'analyse
fondamentale des investisseurs (ce sont des produits de marché, dont la
valeur, en normes internationales ou américaines, doit être
pensée en fonction du comportement du marché, et non des
sous-jacents ; ceux qui les ont achetés sur la base des risques
sous-jacents se sont gravement trompés) ; c'est aussi une erreur des
agences de notation, qui n'ont pas assez précisé qu'elles
notaient la capacité des sous-jacents à être
remboursés (et non une espérance de valeur de marché), et
qui ont mal estimé les risques macroéconomiques pouvant affecter
ces sous-jacents ; c'est enfin, une politique de développement
très rapide de ces produits, à l'instigation des banques
d'affaires, qui y ont vu la possibilité de très bien gagner leur
vie en structurant ces produits, sans avoir à les porter sur leurs
bilans - politique qui leur a permis d'éviter les contraintes de fonds
propres que requiert le fait de porter un titre à son bilan. Pourquoi
les effets de la crise de la titrisation ont-ils été si
dévastateurs?
Parce que la plupart des banques doivent, depuis des
années, emprunter auprès du marché les ressources qu'elles
prêtent, les dépôts de leurs clients n'y suffisant plus.
Pour emprunter les énormes volumes dont elles ont besoin pour
prêter, elles ont eu largement recours à la titrisation de leurs
actifs ; l'investisseur qui achète un paquet titrisé de
crédits hypothécaires à une banque le débarrasse
(en tout ou partie de cet actif), et lui fournit la matière
première pour consentir un nouveau prêt. Autrement dit, la
titrisation a été au coeur du fonctionnement global de la
liquidité des banques, leur capacité à accéder aux
ressources dont elles ont besoin pour faire leur métier de
prêteur. Et les risques qu'elle entraîne pour ceux qui y ont
recours ont été sous-estimés, comme tous les risques de
marché - même lorsque les sous-jacents sont de bons vieux
crédits tout ce qu'il y d'ordinaire (maisons, voitures, consommation)
une fois la titrisation réputée toxique, les banques ont couru le
risque de ne pas trouver la liquidité dont elles avaient besoin : c'est
ce qui a condamné la Northern Rock, dont le modèle
économique reposait massivement sur cette technique, mais ce risque a
existé, à des degrés divers, pour la plupart des banques.
C'est pourquoi les plans de sauvetage adoptés dans la dernière
période ont tous compris un volet « liquidité ». Et les
produits titrisés que les banques détenaient à leur bilan
ont vu leur valeur s'effondrer - créant un trou dans leur bilan, les
obligeant à se recapitaliser. D'où le volet "fonds propres" des
plans gouvernementaux. Le recours débridé et mal
maîtrisé aux techniques de titrisation a donc bien
été un élément central dans la crise. Mais l'impact
macro-financier de ces produits toxiques n'a été ce qu'il a
été qu'à cause d'erreurs fondamentales dans
l'appréciation des risques qu'ils faisaient courir, et de la fermeture
complète ou presque du marché mondial de la liquidité
bancaire, qui dépendait elle- même crucialement de la
titrisation.
Le processus de titrisation est soumis d'après Ashcraft et
Schuermann (2008)35 à sept frictions qui sont les suivantes
:
1. Frictions entre le mortgagor (débiteur
hypothécaire) et l'originateur : le prêt prédateur.
2. Frictions entre l'originateur et l'arrangeur : l'emprunt et
le prêt prédateurs
3. Frictions entre l'arrangeur et les tierces parties : la
sélection adverse
4. Frictions entre le prestataire et le mortgagor : Le risque
moral
5. Frictions entre le prestataire et les tierces parties: Le
risque moral
6. Frictions entre gestionnaire d'actifs et l'investisseur :
Agent-principal
7. Frictions entre l'investisseur et les agences de notation :
erreur du modèle
35 Voir «Understanding the Securitization of Subprime
Mortgage Credit»
51
Section 2. Le rôle suspicieux des agences de
notation
La transparence et l'indépendance des organismes qui
produisent de l'information constituent un enjeu crucial pour les
marchés financiers. Les précédentes crises
financières, la bulle Internet et l'affaire Enron avaient posé le
problème des analystes financiers et des cabinets d'audit comptable.
Dans la crise des subprimes, c'est maintenant celui des agences de notation qui
est critiqué. La question se pose aujourd'hui avec une acuité
particulière, d'une part parce que les agences ont un rôle
essentiel dans la mécanique des crédits « titrisés
» et d'autre part parce qu'elles jouent maintenant un rôle dans le
dispositif de contrôle prudentiel des banques.
1. Principe des agences de notations (Rating
Agencies)
Les agences de notations évaluent le risque de
solvabilité de l'emprunteur, précisément le risque de
non-remboursement de ses dettes, ou la qualité de la
signature36 . La notation financière externe ne constitue
qu'une partie de l'activité de notation financière. En effet, les
établissements bancaires et financiers ont également des
équipes de notation financière pour évaluer le risque de
leurs débiteurs ou conseiller leurs clients sur le marché des
obligations. L'objectif de la notation financière vise donc à
caractériser le risque associé à un émetteur. Les
agences de notation ont deux rôles : traiter
l'information et la certifier. Le traitement de l'information
concerne le marché. La certification est rendue nécessaire par la
réglementation. Les agences sont au service des investisseurs, qui
peuvent ainsi prendre des décisions sur la base d'informations
pertinentes.
2. Les acteurs de notations : A ce jour, trois
acteurs dominent le marché mondial de la notation financière
externe :
y' Standard & Poor's, filiale du groupe McGraw & Hill
depuis 1966 (USA), spécialisé dans la notation des
sociétés industrielles ;
36 La qualité de la signature est la
capacité d'un emprunteur à faire face aux échéances
de remboursement (en intérêt et capital) de la dette qu'il a
contractée. Les emprunteurs peuvent autant être des entreprises
(privées ou publiques) que des Etats ou des collectivités
locales.
y' Moody's Investors Service, principale filiale de Moody's
Corporation, société indépendante
depuis 2000 (USA), bien positionnée dans la notation des
opérations de titrisation ;
y' Fitch Investors Service, dit Fitch (IBCA), filiale à
97% du groupe français Fimalac, leader dans la
notation des établissements bancaires.
Depuis peu, Duff & Phelps Credit Rating Company
se développe fortement, devenant un quatrième acteur à ne
pas négliger. Certaines agences sont très
spécialisées, telle AM Best Company qui note la
capacité d'une société d'assurances à faire face
à ses engagements (claims-paying ability).
3. Méthodologies et interprétation des
notations
Au moment du lancement d'une émission, les agences de
notation attribuent une note, qui pourra être modifiée jusqu'au
remboursement. La note se fonde sur des informations officielles (relatives
à l'émission, l'entreprise et le contexte), mais aussi sur des
informations plus confidentielles (sur les performances et les projets de
l'émetteur) résultant d'entretiens avec les principaux
dirigeants. Chaque agence de notation financière possède son
propre système de notation (tableau 2). Schématiquement les notes
s'établissent de A à D avec des échelons
intermédiaires. Une harmonisation des notes est
régulièrement évoquée. La note est bien plus qu'une
simple indication du risque de défaillance d'une émission
obligataire.
Tableau 3. Système de notation des
agences
|
Standard & Poor's
|
Moody's *
|
Fitch-IBCA
|
1
|
AAA
|
Aaa
|
AAA
|
2
|
AA
|
Aa
|
AA
|
3
|
A
|
A
|
A
|
4
|
BBB
|
Baa
|
BBB
|
5
|
BB
|
Ba
|
BB
|
6
|
CCC
|
B
|
B
|
7
|
CC
|
Caa
|
CCC
|
8
|
C
|
Ca
|
C
|
9
|
D
|
C
|
D
|
|
Chaque note peut être accompagnée du signe + ou
-
|
Chaque note peut être accompagnée des chiffres
1, 2 ou 3
|
Chaque note peut être accompagnée d'un signe +
ou -
|
53
L'interprétation des notations de long-terme par ligne se
fait comme suit :
1. Le risque est quasi nul, la qualité de la signature
est la meilleure possible.
2. L'émetteur noté est très fiable.
3. Le risque peut être présent dans certaines
circonstances économiques.
4. La solvabilité est jugée moyenne.
5. A partir de cette note, l'affaire commence à
être spéculative. Le risque de non remboursement est plus
important sur le long terme.
6. La probabilité de remboursement est incertaine, le
risque est assez fort.
7. On présume un risque très important de non
remboursement sur le long terme.
8. L'émetteur est très proche de la faillite,
l'emprunt est très spéculatif.
9. Faillite de l'emprunteur.
Ces différentes notations peuvent être
scindées en deux grandes familles : la catégorie
Investissement (High Grade) contenant les
notes comprises de AAA à BBB (lignes 1 à 4) et la
catégorie dite Spéculative pour les notes
inférieures (lignes 5 à 9). Une société qui passe
en moins d'un an de la catégorie Investissement à la
catégorie Spéculative est qualifiée de Fallen
Angel (ange déchu).
4. Les dérives des agences de notation dans la
crise des subprimes:
La principale critique est la relation particulière qui
existe entre les agences de notation et les émetteurs (clients) qui
débouche parfois sur des conflits d'intérêt. Si l'agence
est rémunérée par l'entreprise émettrice, ce qui
est plus souvent le cas, nous pouvons douter de l'indépendance de son
jugement. En effet, les agences sont payées par ceux qu'elles notent.
Ces dernières années les notations dans ces opérations
(appelées notations de produits structurés) ont
représenté jusqu'à 50 % de leur chiffre d'affaires. En
outre, le nombre de clients étant assez limité, les agences se
sont sans doute retrouvées en situation de dépendance par rapport
à leurs clients. De plus, pour ces produits, l'agence n'intervient pas
seulement comme évaluateur d'une entreprise qui existe
déjà mais comme conseillère d'une opération en
cours de montage. Elle fait partie du processus qui constitue le produit. Elle
mélange activité de conseil et notation. Cela veut dire que
l'agence est à la fenêtre et qu'en même temps elle se
comment les agences de notation ont pu donner des meilleures
notes à des paquets de crédits contenant des crédits
« subpri mes » ?
Cela peut s'expliquer par le fait que les agences ne sont
finalement pas très expertes dans l'évaluation du risque de
crédit et du risque de liquidité, qui auraient dû
être au coeur de leur analyse. Traditionnellement, en effet, elles
évaluent le risque des entreprises ou des Etats et ce sont les banques
qui évaluent les risques de crédit, de liquidité et d'une
manière générale l'environnement économique. Les
agences de notation jouent donc un rôle essentiel dans ce processus : les
investisseurs se fient à leurs notations pour se conformer à
leurs orientations ou à leurs restrictions d'investissement ; elles
aident les sociétés émettrices de CDO à structurer
leurs engagements et notent ensuite les produits. Le processus de notation des
produits structurés implique de déterminer le rehaussement du
crédit, qui correspond au montant des pertes 38 sur les garanties
sous-jacentes qui peut être absorbé avant qu'une tranche
donnée ne subisse à son tour une perte.
Ce que l'on attend désormais d'agences de notation
performantes selon (Barry Eichengreen 2008) est de mettre, sous forme
de notes accessibles au public, leurs informations spécialisées
à la disposition des investisseurs qui cherchent à
déterminer le prix de titres à la valorisation malaisée.
La crise des prêts subprimes laisse à penser que la
qualité de la prestation des agences de notation a été
sous-optimale. Ces dernières n'ont pas opéré de
distinction pertinente entre le niveau de risque des différents titres.
Elles ont accordé des notes AAA trop facilement. Elles n'ont
pas dégradé les titres de créances hypothécaires
lorsque le marché de l'immobilier résidentiel, et donc la valeur
des obligations hypothécaires (Mortgage Obligations)
sous-jacentes, s'est détérioré. Elles ont ensuite
aggravé la crise en ne réagissant par des dégradations de
grande ampleur qu'après que le marché s'est effondré.
Section 3. Le dilemme des paradis fiscaux
La crise financière commencée aux États-Unis
résulte tout à la fois d'un manque de transparence dans les
produits financiers mis sur le marché, de l'absence d'une quelconque
régulation efficace de la
37 Michel Aglietta - Colloque "Agences de notation" Paris 12
décembre 2007)
54
38 À propos des pertes, Ca lomi ris (2008) observe que
les agences de notation ont formulé des hypothèses excessivement
basses concernant les pertes attendues sur les titres adossés à
des créances hypothécaires subprimes (MBS) avant la crise
surviennent.
55
finance internationale, et de l'existence de masses
financières énormes qui ont pu jouer de cette situation au
travers d'instruments financiers complexes.
Au sens strict, la notion de paradis fiscal se
différencie à la fois des zones offshore et des paradis bancaires
ou judiciaires. Dans le langage courant, toutefois, on désigne sous
cette appellation tous les « territoires non coopératifs » sur
les plans fiscaux, prudentiels ou du blanchiment.
Les paradis fiscaux sont donc des Etats souverains ou des
dépendances autonomes d'autres pays (Jersey, îles Caïman...)
offrant un abri à des non résidents souhaitant échapper
à l'impôt. Ces territoires de taille réduite, en imposant
très faiblement de nombreuses grosses fortunes, en tirent des ressources
très élevées relativement à leur taille. Ils sont
à distinguer des zones offshores, qui hébergent des banques,
compagnies d'assurance et gestionnaires de fonds, mais ne disposent pas d'une
véritable régulation. Ce régime administratif de faveur
s'applique à l'activité économique produite depuis ce
territoire. Il peut suffire à l'entreprise de disposer d'une adresse sur
le territoire. Les centres financiers offshores sont la plupart du temps aussi
des paradis fiscaux mais la réciproque n'est pas forcément vraie.
Ils ne doivent pas être confondus, même s'il peut exister des
recoupements. Les pays caractérisés par un fort secret bancaire
sont appelés paradis bancaires (ou financiers).
Malgré leur
hétérogénéité, les paradis fiscaux et
bancaires, ou territoires non coopératifs, répondent à ces
caractéristiques définies par l'OCDE :
· le secret bancaire y est strictement appliqué ;
· les taxes sur les revenus, les bénéfices ou
les patrimoines, sont faibles ou nulles, particulièrement pour les
non-résidents ;
· les conditions d'installation de sociétés
et d'ouverture de comptes sont peu contraignantes ;
· la coopération judiciaire et fiscale avec les
autres Etats est faible ou inexistante.
Par ailleurs ces pays doivent être stables sur les plans
économiques et politiques, pour rassurer les investisseurs. Le secteur
financier y est surdéveloppé par rapport à la taille du
pays et à la dimension de son économie. Environ 50 territoires
répondent à ces critères, dont la moitié en
Europe.
Les paradis fiscaux et judiciaires (PFJ) sont un instrument
déterminant dans l'opacité des systèmes financiers
internationaux, laquelle a joué et continue de jouer, un rôle
déterminant dans l'extension des doutes et des incertitudes des acteurs
bancaires et financiers et de nombre d'investisseurs ou de
détenteurs de capitaux. Leur législation
commerciale permet très souvent la création de
sociétés dont les donneurs d'ordre véritables comme les
bénéficiaires resteront dissimulés (trusts, fiducies,
etc.). Ce n'est pas un hasard si 80 % des fonds d'investissements
spéculatifs (Hedge funds) sont localisés dans les PFJ,
dont un grand nombre aux îles Caïmans ; ils ont été
très souvent acheteurs des titres émis par les organismes de
crédits hypothécaires américains.
Le secret bancaire pratiqué par les paradis fiscaux de
façon plus ou moins absolue, en rendant très difficile, voire
impossible, une enquête judiciaire, se surajoute pour mettre de
l'opacité dans les transactions faisant intervenir des contractants
localisés dans des paradis fiscaux.
En outre, les paradis fiscaux, pour être attractifs
à l'égard des capitaux mobiles, leur offrent également une
réglementation particulièrement laxiste et non contraignante.
L'existence de tels territoires « sans lois » vient peser sur
l'ensemble des réglementations qui pourraient être prises par les
autres États. Dès lors que les PFJ voient transiter plus de 50 %
des transactions financières internationales, il est évident que
la moindre réglementation ou régulation qui pourrait être
prise par un État ou par un groupe d'États à
l'égard des secteurs bancaires et financiers serait de fait rapidement
rendue en grande partie, Ainsi, par exemple, depuis les accords de Bâle
(1996, puis Bâle II, 2004), les banques sont soumises à une
réglementation prudentielle qui les contraint à réserver
un volume minimal de capitaux propres égal à 8 % du total de
leurs actifs risqués (portefeuilles de titres et encours de
crédits).
Et avec la primauté de la totale liberté de
circulation des capitaux par-delà des frontières
étatiques, les PFJ provoquent une concurrence à la baisse entre
les différents systèmes de régulation nationaux. En effet,
en voulant attirer sur leur territoire une partie des capitaux mobiles, les
États sont amenés à réduire eux-mêmes
certaines de leurs réglementations prudentielles. La
dérégulation de certains secteurs plus particuliers est
engagée par certains gouvernements qui arguent de l'existence des
territoires qui échappent à toute réglementation.
Par ailleurs, le partage inégalitaire des richesses est
largement antérieur à l'existence des paradis fiscaux, mais la
prolifération, depuis une trentaine d'années, de tels territoires
« sans lois », a bien un lien avec l'accroissement énorme des
inégalités constaté à l'intérieur des
États, au Nord comme au Sud, et entre les États.
L'existence des PFJ rend encore plus facile la fraude fiscale
de grande ampleur pour les multinationales et les particuliers riches qui vont
pouvoir échapper à tout ou partie des impôts établis
par les États dont
57
ils sont originaires ou dont ils ont la nationalité. En
facilitant le développement de la fraude fiscale de haut niveau, en
étant des havres de tranquillité pour les profits qui
résultent des trafics en tous genres et de la corruption de haut vol,
les PFJ sont bien un outil qui favorise l'accentuation des
inégalités et la concentration de masses financières
énormes, de toutes origines (légales parfois, très souvent
illégales et criminelles).
L'existence de masses financières énormes
provenant des profits accumulés par une toute petite minorité de
la population, et conséquence d'un partage toujours plus
inégalitaire des richesses, devient une véritable machine
à fabriquer « des bulles », d'autant plus que ces capitaux
« sans lois », grâce aux PFJ, peuvent prendre plus de risques :
le trop-plein de disponibilités financières ne se fixe pas dans
les investissements directement productifs mais peut aller vers des
marchés très divers (oeuvres d'art, immobilier, activités
de l'internet, etc.), en y faisant naître pendant un certain temps une
forte demande qui tire ces marchés à la hausse, invitant d'autres
capitaux à venir participer à la spéculation en
s'engouffrant dans le « filon », jusqu'au moment où tout ceci
éclate.
En ajoutant beaucoup d'opacité dans les relations
financières, en offrant aux capitaux des réglementations a
minima, en concourant à une baisse générale des
législations et des réglementations, en participant à la
création et à la concentration de masses financières
énormes et de toutes origines, en donnant à ces capitaux un
environnement ouvert vers la spéculation, les paradis fiscaux et
judiciaires sont certainement le coeur de ce qui conduit à
l'instabilité financière actuelle.
Chapitre 4 : Le contexte macro-économique
instable a, lui aussi, contribué au déclenchement de la crise des
subprimes
Dans ce chapitre nous montrons les autres facteurs, en
particulier macro-économiques qui sont à l'origine de la crise
des subprimes et qui ont mènent à l'instabilité que
connait aujourd'hui le système financier mondial. En effet, la crise
financière que nous connaissons actuellement est due aussi en grande
partie à une situation macroéconomique de plus en plus fragile et
instable. Une fragilité aggravée par la forte
libéralisation financière, la déréglementation et
le décloisement des activités bancaires, ainsi que par la
concentration des banques centrales sur le seul objectif de lutter contre
l'inflation, au détriment de la supervision du crédit et des prix
des actifs. Cette situation a été qualifiée dans les
années soixante-dix par Hyman Minsky 39 de paradoxe de la
tranquillité, qui se double par le paradoxe de la
crédibilité (Borio et Shim, 2007) : en effet, la lutte contre
l'inflation, qui s'est soldé par des résultats très
favorables, était au coeur des objectifs des politiques
monétaires, ce qui leur a renforcé leur
crédibilité.
Boyer (1988) note que le modèle de base, pour
comprendre les enchainements (linkages) 40 de la crise est celui de la
théorie du surendettement inspiré des travaux d'Irving Fisher en
1933. Cette théorie stipule que le choc de productivité a une
incidence positive sur la croissance; cette dernière nourrit les
anticipations de profits et se traduit par une augmentation des investissements
et donc du crédit.
Section 1 : La stabilité monétaire vs.
L'instabilité financière
Le développement rapide de marchés financiers et
la montée de l'instabilité financière ne peuvent laisser
indifférents les banquiers centraux, ne serait-ce qu'en raison de leurs
effets sur l'efficacité et les mécanismes de transmission de la
politique monétaire. La configuration originale engendrée par la
globalisation financière appelle ainsi un renouvellement des objectifs
et des instruments de la politique monétaire (Boyer et al. 2004).
Après des années d'inflation élevée, le monde
industrialisé et les pays en développement sont entrés au
cours des années 90 dans une période de stabilité des
prix. Les banques centrales ont contribué à cette tendance
favorable en choisissant de plus en plus d'annoncer
39 Cf. Chapitre 1
40 Voire figure 11
59
l'orientation à venir de variables nominales
clés afin d'influer sur les anticipations inflationnistes. Ces objectifs
intermédiaires (ou règles) annoncés aident
à renforcer la crédibilité de la politique en
empêchant les chocs endogènes ou exogènes d'entraîner
une hausse permanente de l'inflation et concrétiser la volonté de
stabilité des prix à long terme. Ils jouent en fait le rôle
de points d'ancrage nominaux, tenant les banques centrales à
l'application de politiques cohérentes tout en donnant un repère
qui permet au public d'en suivre la mise en oeuvre. Dans les années
soixante, le banquier central keynésien avait pour objectif de
réaliser le meilleur arbitrage entre inflation et plein emploi,
favorisant souvent le second au détriment du premier. Les années
quatre-vingt ont vu apparaître les banquiers centraux conservateurs,
presque exclusivement dédiés à l'objectif de lutte contre
l'inflation et de préservation de la stabilité monétaire.
Ce qui impliquerait, en particulier, que les banques centrales ne restent pas
inactives face à l'évolution des prix d'actifs.
Or, l'histoire économique des dix dernières
années a amplement démontré que la stabilisation des prix
des biens et services n'a pas permis de réduire l'occurrence des crises
bancaires et des crises des marchés financiers. On peut même
considérer que la victoire remportée sur l'inflation des prix des
biens et services, qui a amené une forte baisse des taux
d'intérêt, a contribué indirectement à l'emballement
des cours boursiers, du crédit bancaire et souvent des prix de
l'immobilier, tant résidentiel que commercial aggravant ainsi
l'instabilité financière.
Le contexte macroéconomique de la crise actuelle est
qualifié de grande modération: l'inflation globale a
baissé et s'est stabilisée ainsi que la croissance du PIB
réel mondiale. En effet, cette modération est plus apparente du
coté de l'inflation que du PIB. Les figures 12 et 13 montrent la baisse
spectaculaire et la stabilité récente de l'inflation mondiale.
Par l'observation de ces figures, on remarque que la part globale de
l'investissement dans le PIB en 2006 n'a été que
légèrement au-dessus de son précédent pic atteint
en 1994.
Figure 12. Inflation globale et
investissement
Source : FMI (2007)
Figure 13. Volatilité du PIB
La volatilité de l'inflation a aussi fortement
chuté. Cette baisse a été plus régulière
pour les pays de l'OCDE au cours des dernières années (figure 14
et 15)
61
Figure 14. Inflation (GA en %)
Figure 15. Inflation OCDE et sa
volatilité
Le rattrapage des pays émergents dont le
développement a exercé une pression à la baisse sur le
prix des biens manufacturiers, même si dans le même temps leur
croissance pèse sur le prix des matières premières, doit
être aussi pris en considération pour expliquer la baisse
généralisée de l'inflation (CAE,
2008). Ce qui a permis à ces pays d'améliorer leurs
situations macroéconomiques et de moderniser leurs structures
financières des pays émergents. La confiance s'est ainsi
restaurée (voir figure 11)
Section 2 : La détérioration des
fondamentaux d'aversion pour le risque et de taux d'intérêt
Les fluctuations de l'aversion pour le risque41 des
investisseurs peuvent aussi expliquer les crises sur les marchés
financiers. L'alternance entre des phases d'optimisme, poussant les
investisseurs vers les placements risqués, et des phases de pessimisme,
où ceux-ci se replient vers les placements les plus sûrs, pourrait
être à l'origine de fortes fluctuations des prix d'actifs. Un
problème dans l'évaluation de ces différentes phases est
de bien séparer le risque perçu par les agents de l'aversion pour
le risque elle- même. (Coudert, Gex, 2006)
Les crises financières devraient être
précédées de périodes de montée de
l'aversion pour le risque. 42 En principe, une hausse de l'aversion pour le
risque devrait se traduire par une augmentation des primes de risque sur tous
les marchés mais l'augmentation devrait être plus forte sur les
marchés les plus risqués. C'est sur cette idée qu'est
fondé le GRAI (global risk aversion index) introduit par
Persaud (1996).
Des études récentes montrent que le
modèle de financement des subpri mes a entraîné une
diminution de l'aversion au risque 43 (figure 16) des prêteurs et une
sous-évaluation du risque à l'origine des crédits. La
dissémination du risque, qui est la raison d'être de la
titrisation, s'est accompagnée d'une déperdition d'information
sur le risque des crédits tout au long de la chaîne qui va de
l'emprunteur initial aux acheteurs des tranches de crédit
titrisées. Ce modèle de financement est devenu une machine
à engendrer des pertes. Du côté des prêteurs, la
réduction de l'aversion pour le risque se révèle de deux
manières. Le nombre de prêts hypothécaires acceptés
a été multiplié par deux de 1996 à 2005 ; le spread
des crédits Subpri mes à 30 ans sur les obligations d'état
de même durée a baissé de 225 à 175 points de base
entre 2001 et 2005.
41 La notion d'aversion pour le risque a l'avantage d'être
intuitive, dans la mesure où elle peut être aisément
interprétée comme un sentiment de défiance des
investisseurs vis-à-vis des placements risqués (Coudert, 2006)
42 Il est possible toutefois aussi que certaines crises
financières soient précédées au contraire de
périodes de fort « appétit pour le risque » durant
lesquelles les investisseurs sont exagérément optimistes, ce qui
crée une « bulle spéculative » sur les prix des actifs
risqués.
43 C'est du, entre autres, au fait que les AMR étaient
destinés aux ménages ayant de faibles niveaux d'aversion au
risque et qui refusent ainsi de payer la prime pour une hypothèque
à taux fixe.
63
En revanche, depuis août 2007, l'aversion au risque est
bien sûr remontée brusquement pour atteindre un niveau
supérieur à celui atteint en septembre 2001 ou lors du scandale
Enron. Plus précisément, si l'on retient les seuls marchés
obligataires (figure 17), les rémunérations sont de l'ordre de
300 points de base (pb) dans les années 2000 pour les notes BAA et de
800 pb pour les pays émergents (Emerging Markets Bond Index +),
soit un spread de l'ordre de 500 pb. Ce dernier diminue alors
régulièrement pour atteindre 300 pb à partir de 2005, puis
s'annule pratiquement début 2007. La causalité est donc claire :
l'ample liquidité conduit les acteurs à chercher des actifs plus
risqués pour leurs placements, en quête de rendement. (CAE
2008)
La relative faiblesse de papier fait alors baisser les
rendements, autrement dit le prix du risque. Plus le temps passe, plus de
risques sont ainsi pris sans être correctement
rémunérés, en même temps que la volatilité de
l'inflation baisse et que la liquidité globale demeure importante. Les
conditions d'un retournement brutal se mettent en place, mais les acteurs
financiers rechignent à le prendre en compte, retenant l'idée que
les banques centrales continuent de veiller à la stabilité de
l'ensemble.
Figure 16. Baisse de l'aversion au risque
2003-2006
Figure 17. Spreads sur obligations
risquées
Une autre caractéristique frappante de l'environnement
macro-économique mondial a été la baisse du niveau des
taux d'intérêt réels depuis 2001, et en particulier le
déclin marqué depuis l'éclatement de la bulle
technologique à la fin de 2000. Ceci est clairement
démontré par la figure 18, qui est pris de Desroches et Francis
(2007). Les taux sont relativement faibles dans la première partie de la
décennie. Cette faiblesse des taux d'intérêt a
stimulé l'augmentation du financement hypothécaire et des
augmentations substantielles des prix de l'immobilier. Les taux
d'intérêt bas créent un environnement économique
propice à l'emprunt, tandis que le laxisme des normes de prêt a
mis en place un cadre institutionnel accueillant (Bardhan, 2008). De tels
déséquilibres macro-économiques sont plus susceptibles de
précipiter une crise lorsque le système financier est faible, car
les autorités seront moins en mesure de relever les taux
d'intérêt afin d'éviter l'hémorragie de capitaux de
l'économie, ce qui reflète la crainte que la faiblesse des
banques à ne pas faire face aux taux d'intérêt plus
élevés (Eichengreen, 2004)
En effet, la plupart des prêts hypothécaires
subprime sont des prêts à taux ajustables (ARM), avec la variation
d'une structure hybride connu sous l'appellation de 2/28 ou 3/27. Les ARM de
2/28 et de 3/27 ARM portent généralement sur des prêts 30
ans d'amortissement. La principale différence entre ces deux types d'ARM
est la longueur du temps. Dans un ARM de 2/28, le chiffre 2 représente
le nombre des premières années au cours desquelles le taux
hypothécaire reste fixe, tandis que le 28 représente le
65
nombre d'années où les taux
d'intérêt payé sur l'hypothèque sera flottant. De
même, le taux d'intérêt sur un ARM de 3/27 est fixé
pour trois ans, après quoi il flotte pour le reste de l'amortissement
qui est de 27 ans. La marge qui est en charge sur le taux de
référence dépend de l'emprunteur, du risque de
crédit ainsi que des marges du marché pour les autres
emprunteurs. Ce taux flotte, il change donc si le taux LIBOR change. Le taux
d'intérêt est mis à jour tous les six mois, sous
réserve de limites appelé plafond d'ajustement. Il y a
un plafond sur chaque ajustement appelé plafond
périodique et un plafond pour le taux d'intérêt sur la
durée du prêt appelé le plafond de durée de
vie.
Figure 18. Prix de l'immobilier et taux
d'intérêt aux Etats-Unis
Au point de départ de la crise, il y a la distribution
de crédits immobiliers à des ménages américains,
dont le taux de défaut a considérablement augmenté (figure
19), à des taux d'intérêt ne reflétant absolument
pas ce risque de défaut (figures 19 et 20).
Figure 19. Taux de défaut sur les crédits
et d'intérêt aux Etats-Unis
Figure 20. L'épargne globale, Investissement et
taux d'intérêt
67
Section 3 : L'excès de la liquidité et le
boom du crédit
Les flux de capitaux contribuent à la fragilisation et
sont capable de déclencher une crise. D'abord, une phase euphorique
: un optimisme démesuré du côté des
créanciers internationaux, des banques en particulier, conduisant
à des situations de sur-financement, au-delà en tout cas des
besoins liés aux déficits courants et aux écarts entre
épargne et investissement domestiques, provoquant tout à la fois
un boom du crédit, avec sélections adverses et risque moral, une
profitabilité bancaire élevée mais précaire, un
choc d'investissement et un boom d'activité, des augmentations de
réserves jouant un rôle de collatéral implicite,
des sur-réactions, voire des bulles sur les marchés d'actifs, en
particulier sur le taux de change. Puis une phase neurasthénique
qui provoque une inversion de toutes ces séquences :
détérioration de la situation financière des entreprises,
dégradation des bilans bancaires, pessimisme excessif,
sous-investissement, ralentissement de l'activité, pertes massives de
réserves, chute des cours boursiers, faillites bancaires,
étranglement du crédit et crise réelle, diffusion de la
panique, attaque spéculative, sorties de capitaux, crise de change...
La création excessive de liquidités par les deux
principales banques centrales, la Fed et (dans une moindre mesure) la BCE,
renforcée par le souhait de beaucoup de nouvelles et d'industrialisation
de pétrole et de gaz des pays exportateurs, de limiter
l'appréciation de leur monnaie vis-à-vis le dollar
américains. Le comportement de ces banques centrales peut être
rationalisé en partie comme une réponse aux faiblesses de la
demande effective keynésienne que beaucoup craignaient être le
résultat du 18 Septembre. La Fed a abaissé le taux des fonds
fédéraux de 50 points de base. Dans les deux cas, le taux
d'escompte a été réduit du même montant que le taux
cible des fonds fédéraux. Elle a également injecté
des liquidités sur les marchés à l'échéance
immédiate pour 3 mois. Les montants ont été
injectés quelque part entre celles de la Banque d'Angleterre (avec des
différences dans la taille des économies des États-Unis et
le Royaume-Uni) et ceux de la BCE. La Banque centrale européenne a
injecté des liquidités et à la fois au lendemain des
échéances plus longues sur une très grande échelle
certes, mais
44 Desroches et Francis, op.cit
68
avec un succès limité. Elle n'a pas réduit
le taux d'escompte, mais elle s'est abstenue de relever ses taux comme elle
l'avait prévu de faire.
La surliquidité qui a conduit à la consommation
ou à titriser le moindre crédit immobilier résulte de
déséquilibres structurels. Le premier déséquilibre
est démographique. Aglietta et Berrebi, tout comme Artus et Virard,
soulignent que, compte tenu des populations vieillissantes des vieux pays
industrialisés, on pourrait s'attendre à ce que l'épargne
y soit abondante et qu'elle se place dans le Sud. Le deuxième
déséquilibre structurel, lui clairement évoqué par
les ouvrages d'Artus et Virard et celui dirigé par J. H. Lorenzi, est
celui d'une réorientation radicale de l'accumulation vers un mode de
développement soutenable à l'échelle de la planète,
ailleurs et autrement que dans la politique de communication des grands
groupes... pétroliers. En effet, tous ces ingrédients de la crise
ont été rassemblés pour faire surgir la crise des
subprimes. La situation actuelle est particulièrement surprenante.
Début 2007, les marchés de capitaux disposaient d'une
liquidité45 abondante (figure 21) et les investisseurs
n'exigeaient qu'une prime de risque faible. Ce qui est essentiellement dû
à l'accumulation de réserves de change dans les pays
émergents et exportateurs de matières premières (figure 21
et 22). Les banques étaient liquides (abondance en liquidité
bancaire) et correctement capitalisées (abondance en liquidité de
marché)46 , avec un volant de sécurité
important par rapport à leurs exigences en fonds propres
réglementaires. Des constatations similaires auraient pu s'appliquer
à l'ensemble des principales composantes du système financier.
Même en mai 2007, il aurait été difficile de prévoir
que les pertes sur les investissements hypothécaires subprimes
pouvaient entraîner une crise de l'ampleur de celle que nous
observons actuellement.
45 Il est plus facile d'identifier la liquidité que de
la définir précisément. Fondamentalement, la
liquidité peut être décrite comme étant la
facilité avec laquelle il est possible d'extraire de la valeur à
partir d'actifs. Cette extraction de valeur peut être
réalisée, soit en utilisant sa solvabilité pour obtenir
des financements externes, soit en vendant son papier sur le marché
(Andrew Crockett, 2008)
46 Pour saisir le concept de liquidité bancaire
et liquidité de marché, voire Praet et Valérie
Herzberg.
Figure 21. Réserves de change (Mds
de dollars)
Figure 22. Réserves de change et base
monétaire mondiale (variation sur un an, en Mds de
dollars)
Cette liquidité mondiale très abondante circule
internationalement : si une banque centrale achète des titres en devises
pour accroître ses réserves de change, elle fournit de la
liquidité au vendeur de ces
70
titres. La présence d'un excès de
liquidité qui alimente initialement la liquidité des banques
(figure 23) conduit à la possibilité d'un excès de
crédit (figure 24), d'un excès d'achat de titres, donc de bulles
sur le prix des actifs. D'où vient cet excès de liquidité
? De l'absence de coordination internationale des politiques monétaires,
essentiellement entre : les États-Unis, où la politique
monétaire n'est pas utilisée pour faire remonter le taux
d'épargne des ménages et réduire le déficit
extérieur; les pays émergents (surtout d'Asie) et exportateurs de
pétrole où l'accumulation de réserves de change qui est
mise en place pour éviter l'appréciation des devises par rapport
au dollar, impose le maintien d'une politique monétaire
extrêmement expansionniste.
Figure 23. Réserves des banques
commerciales auprès des banques centrales et crédits (GA en
%) dans le monde
|
Figure 24. Base monétaire mondiale (en % du
PIB en valeur) dans le monde
|
Les facteurs d'augmentation de la liquidité sont aussi
bien exogènes qu'endogènes. Parmi les facteurs exogènes on
peut citer, au moins pour la période récente, la progression
très rapide des réserves de change des banques centrales des pays
émergents (la Chine en particulier) et des pays exportateurs de
matières premières; or cette augmentation des réserves
n'est que partiellement stérilisée. L'augmentation des
réserves est due à d'importants excédents commerciaux et
à un fort taux d'épargne dans ces pays qui connaissent des taux
de croissance élevés depuis plusieurs années (ce
rattrapage a par ailleurs contribué à limiter le ralentissement
de la croissance dans les pays de l'OCDE depuis 2000). Parmi les facteurs
endogènes, on trouve l'expansion du crédit (dont les causes sont
à rechercher dans la croissance, la baisse des taux
d'intérêts réels, les innovations financières...)
qui a nourri également la liquidité mondiale. Quelles qu'en
soient les raisons, cette liquidité abondante aurait pu susciter des
risques inflationnistes, mais ils apparaissent sous contrôle en raison de
la crédibilité acquise par les banques centrales (CAE, 2008).
La forte croissance du crédit bancaire au secteur
privé reflète souvent une amélioration des fondamentaux
économiques accompagnants le processus d'approfondissement financier
mais elle est parfois apparue comme le signe avant-coureur d'une crise bancaire
et financière dans les pays émergents au cours de la
dernière décennie. De nombreux travaux empiriques sur les booms
du crédit visent à définir des techniques quantitatives
afin de distinguer un boom du crédit d'une période de forte
croissance du crédit. Le premier phénomène est
défini comme une expansion exceptionnellement marquée du
crédit qui finit par retomber d'elle-même parce qu'elle devient
intenable sur le court et sur le moyen terme tandis que le second est
lié à la bancarisation dans les pays en développement et
émergents et peut donc stimuler la croissance économique à
long terme (FMI, 2004). Les entrées de capitaux étrangers et la
libéralisation financière jouent un rôle majeur dans les
booms du crédit. Reinhart et al. (2008) trouvent que les politiques de
libéralisation financière interne et externe menées par
les pays stimulent les entrées de capitaux étrangers qui se
traduisent par un excès de liquidité et peuvent ainsi conduire
à un accroissement des crédits bancaires et de la masse
monétaire. Lorsque ces entrées massives de capitaux dans
l'économie sont intermédiées par un système
bancaire sous capitalisé et peu réglementé, elles
entraînent une hausse de la consommation et, par conséquent, des
importations tandis que l'investissement reste faible ; l'économie
devient alors plus vulnérable aux chocs exogènes.
Les booms du crédit sont parfois associés
à une augmentation rapide des prix des actifs en particulier dans
l'immobilier ou sur les marchés boursiers conduisant
éventuellement à la formation de bulles spéculatives dont
l'éclatement risque de provoquer un effondrement de l'activité
économique47 .
Le dynamisme du crédit qui accompagne l'activité
économique accroît les opportunités de prise de risque par
les banques. Le manque de diversification de ces prises de risque peut parfois
conduire à des défaillances bancaires. Ainsi, si la croissance
très rapide du crédit bancaire se traduit par une
détérioration de la qualité des actifs bancaires et une
insuffisance de fonds propres alors elle risque de compromettre la
solvabilité des banques. La prise de risque excessive des banques peut
également être favorisée par la présence de
l'État au capital des banques apportant une garantie implicite ou
explicite qui crée un « aléa moral » (Hilbers et
al. 2005).
La baisse des taux d'intérêt et des primes de
risque alimente ainsi un crédit abondant et bon marché. Mais
cette abondante liquidité ne se retrouve pas dans les hausses de prix
des biens (figure). En effet,
47 L'expérience des pays asiatiques dans les années
quatre-vingt-dix a notamment illustré les implications pour
l'économie de taux élevés d'investissement et de la
flambée des prix dans le secteur de l'immobilier.
72
les facteurs de production ne sont pas pleinement
utilisés, suite à la récession de 2001 et à la
croissance molle de 2003 dans les pays développés qui fait sentir
ses effets jusqu'en 2005. Par ailleurs, la concurrence des pays
émergents à coûts salariaux faibles continue d'agir sur les
prix. La croissance non inflationniste se poursuit, même quand les prix
des matières premières se mettent à croître
(pétrole, métaux, produits alimentaires de base), suite notamment
à la demande des pays émergents, Chine en premier lieu. Et quand
l'idée se répand que la phase de désinflation mondiale est
en train de s'achever, la perception demeure que la flexibilité de
l'offre joue dans ce processus un rôle désinflationniste dominant,
même s'il est en passe de s'arrêter.
La baisse des taux d'intérêt et des primes de
risque favorise aussi les opérations à fort effet de levier. Et
cette augmentation du levier d'endettement n'est pas seulement le fait des
banques commerciales. Le levier des hedge funds et des fonds de
private equity a en effet beaucoup augmenté depuis 2002, tout
comme celui des entreprises : en Europe, il y a hausse du levier des
entreprises surtout par la hausse de l'endettement (figure 25), aux
États-Unis surtout par les rachats d'actions.
Figure 25. L'augmentation de l'effet de
levier
74
Conclusion
Voila que notre travail nous emmène à dire que
quoi qu'on parle des causes et facteurs qui ont déclenché la
crise des subprimes, le plus important, c'est d'essayer d'en tirer les
leçons qui nous évitera peut-être à l'avenir une
autre crise a l'ampleur de cette crise. En effet, cette crise a eu des
conséquences douloureuses pour l'économie mondiale toute
entière en particulier les économies
développées.
La densité de l'interdépendance des institutions
financières internationales fait que le risque, qu'on avait pensé
minime parce que bien distribué, était en fait, pour cette raison
même, maximalisé. Le montant total des pertes a désormais
dépassé les 635 milliards de dollars ; le FMI estime que ce
chiffre va atteindre 1.400 milliards, et d'autres économistes vont
jusqu'à 3.000 milliards.
Les interventions des gouvernements n'ont pas réussi
à éviter la crise, pour une simple raison : les institutions
financières, sous-capitalisées et en proie à cet effet de
deleveraging, offrent du crédit uniquement à des taux de
plus en plus élevés, et menacent de fermer le robinet
entièrement. La décision de la Fed et du Trésor d'ouvrir,
et d'agrandir progressivement, la fenêtre de réescompte (ce qui
donne des prêts à court terme à certaines institutions,
avec pour contrepartie, entre autres choses, ces mêmes obligations
titrisées), ainsi que de jouer le rôle de courtier dans la vente
de Bear Stearns, et de mettre sous tutelle ou de nationaliser Fannie, Freddie
et AIG, n'ont pas pu ré inspirer la confiance au marché
interbancaire.
Les 17 et 18 septembre, en réponse à la faillite
de Lehman, les transactions interbancaires ont été temporairement
complètement stoppées, un phénomène dont la menace
plane toujours. Cette situation d'apnée financière ne pouvait pas
durer plus de quelques jours sans que le système ne s'effondre
totalement. Mercredi 17, Paul Donovan, économiste chez UBS, a
souligné, dans un entretien sur CNBC que «le système
financier est en train d'arrêter de fonctionner ; il nous faut une
intervention gouvernementale. Si on ne l'obtient pas, c'est fini le
capitalisme».
Certains économistes estiment que les liquidités
nécessaires à «racheter» la confiance interbancaire
s'élèvent plutôt à 5 000 milliards de dollars.
Chaque jour de la dernière semaine de septembre, les banques ont
emprunté en moyenne la somme record de 368 milliards à la Fed, et
ce uniquement pour pouvoir continuer leur activité ; des montants
analogues sont sortis de la BCE. 700 milliards de dollars ne sont donc qu'une
goutte d'eau en comparaison du montant total des difficultés que
connaissent les institutions en perte de confiance.
Dans l'Euro zone, les principes abstraits annoncé par
le G7 se sont concrétisés dimanche soir lors de la réunion
à l'Elysée des ministres de finance des 15. Les montants
colossaux (1 700 milliards d'euros jusqu'au moment présent,
annoncés par Paris, Berlin, Madrid, La Haye, Vienne et Lisbonne) seront
essentiellement affectés à la garantie des prêts
interbancaires pendant un an, et dans un moindre dégré, à
la recapitalisation des banques. En France, 40 milliards d'euros ont
été accordés pour injecter directement dans des banques,
avec exigence qu'elles «rendent des comptes» au gouvernement ; et 320
milliards sont destinés à faciliter les prêts
interbancaires.
Dans ce sens, les interventions des Etats peuvent être
classées en trois catégories :
1. Venir en aide aux ménages pour limiter
l'augmentation des défauts de paiement ; ex. plan Paulson aux
Etats-Unis (le gel pendant cinq ans des taux d'intérêt sur les
prêts sub primes à taux variables, améliorer
l'accès au crédit pour les emprunteurs qui vont faire face au
réalignement de leur taux d'intérêt ; problème : les
clauses de prêts qui ont été titrisés ne peuvent pas
être modifiées par les banques ou les institutions qui ont
octroyé les prêts)
2. Assouplir la politique monétaire en injectant des
liquidités et en jouant sur les taux d'intérêt (cf. les
baisses récentes des taux directeurs de la banque centrale
américaine, anglaise et de la Banque Centrale Européenne)
3. Intervenir en tant que prêteur en dernier ressort,
voire en tant qu'acheteur en dernier ressort (cf. les plans de garantie des
systèmes bancaires et financiers aux Etats-Unis et en Europe, les
nationalisations (AIG aux Etats-Unis, Northern Rock en Angleterre, Fortis en
Belgique/Pays-Bas, Dexia), les recapitalisations (Bear Streans, Freddie Mac et
Fannie Mae (les deux principales agences de refinancement de l'immobilier aux
Etats-Unis) les grandes banques dans de nombreux pays européens)). En
France, le gouvernement a créé deux institutions publiques pour
soutenir les banques françaises : l'une est chargée de les aider
dans leur recapitalisation ; l'autre a pour objectif d'assurer les besoins de
refinancement.
La plupart des économistes et des experts s'accordent
à ce que les actions préconisées qui permette
d'atténuer ou même d'éviter une crise pareille doivent
découler dans ce sens :
1.
76
Limiter l'octroi des crédits « spéculatifs
» en imposant des coûts supplémentaire aux banques quand leur
crédits prennent des proportions excessives d'un secteur, un pays,
à l'égard d'acteurs financiers (Hedge funds) ou lors
d'opérations à fort effet de levier (LBO);
2. Développer des instruments de contrôle
interne des risques dans les banques qui devraient pouvoir disposer de
système d'information capable de leur fournir rapidement l'état
de leur exposition total aux risques pris ;
3. En matière du renforcement de la
réglementation prudentielle internationale des banques. Il faut
augmenter les pondérations des «lignes de liquidité »
par lesquelles les banques s'engagent à racheter des crédits
qu'elles auraient titrisés, obliger les banques à conserver une
partie de leurs risques, renforcement de la coopération entre
autorités internationales de surveillance afin de responsabiliser
davantage les banques dans l'octroi de crédits ;
4. Encadrer les marchés de produits
dérivés en favorisant les marchés organisés
plutôt que les marchés de gré à gré qui
soufrent d'opacité. Cela pourrait passer par une chambre de compensation
où les acteurs en position débitrice seraient obligés de
laisser une garantie ;
5. Révision des rémunérations en
supprimant les parachutes dorés, et par l'imposition des primes de
départ, des compléments de retraite, des stocks options
des dirigeants, et récupération des rémunérations
antérieures en cas de lourdes pertes et limitation de la partie variable
(bonus) des rémunérations des traders ;
6. Réformer les agences de notation : en les rendant
plus transparente dans leurs pratiques de notation, en imposant que les agences
de notation intègrent dans leurs évaluations le risque de
liquidité et les risques opérationnels, à coté des
risques de crédit, en créant plus de concurrence entre agences de
notation, par la création d'agences de notation publiques ;
7. Réformer les normes comptables : par l'abandon partiel
(lisser les plus ou moins values jusqu'à l'échéance) ou
total du principe de juste valeur ;
8.
Réguler les fonds spéculatifs en interdisant la
revente à découvert en cas de crise et renforçant les
obligations d'information ;
9. Lever le voile sur les paradis fiscaux. Cela
nécessite une coopération internationale renforcée pour ne
pas se retrouver dans quelques années face à une nouvelle bulle
spéculative et à une nouvelle crise financière, et pour
freiner rapidement et très concrètement la prolifération
de la crise actuelle vers de multiples secteurs de l'économie et vers de
larges couches de la population dans la plupart des continents, Attac
développe une série de propositions.
Pour faire disparaître progressivement les PFJ de la
planète, il faut certainement agir dans deux directions : d'une part,
fixer des normes internationales, qui devraient être admises par les
États qui déclarent vouloir agir contre la crise
financière, et qui seraient soumises à la signature des actuels
PFJ, réglementant la circulation financière, permettant de
supprimer l'anonymat et le secret, obligeant à une coopération
administrative et judiciaire, etc. D'autre part, ces mêmes États
devraient déclarer nulles les transactions financières
réalisées par des opérateurs domiciliés sur leurs
territoires avec des organismes domiciliés dans des territoires qui
refuseraient ces nouvelles normes. Bien entendu, un organisme international
serait mis en place pour s'assurer sur place de la bonne application des normes
et des réglementations.
Pour devenir effectif et efficace, un tel accord ne
nécessite pas la signature de tous les États
représentés à l'ONU : un accord des seuls vingt chefs
autoproclamés du G20 serait suffisant pour entraîner une
application planétaire ; et serait suffisant un accord régional
des États membres de l'Union européenne s'appliquant entre ces
États, et fixant le cadre des relations de l'Union européenne
avec le reste du monde. Et chaque pays peut aussi, à son niveau, prendre
des mesures concrètes. Ainsi la France devrait déjà
interdire aux banques et aux entreprises qui reçoivent des fonds publics
d'avoir des relations avec les PFJ, et elle pourrait peser sur « ses
» paradis fiscaux « proches » (Monaco, Andorre, îles des
Caraïbes ou du Pacifique).
78
Bibliographies
Ackermann, J. (2008). The subprime crisis, its consequences.
Journal of Financial Instability , 329-337. Adrian, T., & Song
Shin, H. (2008). Liquidité et contagion financière. Revue de
la stabilité financière . Aglietta, M. (2008). La crise:
pourquoi en est-on arrivé là? comment on sortir? Paris: Mi
chal on. Aglietta, M. (2001). Macro-économie financière,
crises financières et régulations. Paris: La
Découverte. Allen, F., & Gale, D. (2007). Understanding
Financial Crises. New York: Oxford University Press. Arestis, P.,
Baddeley, & McCombie, J. (2001). What Global Economics Crisis. New
York: PALGRAVE. Artus, P. (2008). La crise des subprimes. Paris: La
Documentation Française.
Artus, P., Betbèze, J.-P., De Boissieu, C., &
Capelle-Blancard, G. (2008). La Crise des subprimes. Paris:
Documentation Française.
Ashcraft, A. B., & Schuermann, T. (2008). Understandin
the securitisation of credit mortgage. New York: Federal Reserve Bank of
New York Staff Reports.
Banque de france. (2008). L'impact macroéconomique des
crises bancaires. focus (2), 1-7.
Banque de France. (2008, Octobre). Valorisation et
stabilité financière. Revue de la Stabilité
financière .
Bardhan, A. D. (2008, August). Of Subprimes and Subsidies: The
Political Economy of the Financial Crisis. University of California Working
Paper Series , Disponible sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1270196.
Barth, J. R., Li, T., Phumiwasana, T., & Yago, G. (2008).
A Short History of the Subprime Mortgage Market Meltdown. Ville,
Disponible sur :www. mil
keninstitute.org/pdf/Subpri
meMeltdownv2.pdf : Mil ken I nstitute.
Berger, A. N., & Udell, G. F. (2003, Avril). The
Institutional Memory Hypothesis and the Procyclicality of Bank Lending
Behavior. BIS Working Papers , Disponible sur :
www.bis.org/publ/work125.pdf.
Bordo, M., Eichengreen, B., Klingebiel, D., & Martinez-Peria,
M. (April 2001). Is the Crisis a Problem Growing More Severe? Economic
Policy , 50-82.
Boyer, R., Dehove, M., & Plihon, D. (2004). Les crises
financières. Paris: La Documentation Française.
Buiter, W. H. (2007). Lessons from the 2007 Financial
Crisis. CEPR Policy Insight N°18, Disponible sur :
http://www.cepr.org/pubs/PolicyInsights/CEPR_Policy_Insight_018.asp.
Bustelo, P., Garcia, C., & Olivié, I. (1999). Global
and Domestic factors of Financial Crises in Emerging Economies : Lessons from
the Asian Episodes (1997-1999). ICEI Working Paper , 1-106.
Calomiris, C. (2008). The subprime turmoil: what's old, what's
new, and what's next. Maintaining stability in a changing fi nancial
system. Kansas City.
Calomiris, C. W., & Gorton, G. (1991). The Origins of Banking
Panics : Models, Facts, and Bank Regulation. Rodney L. White Center for
Financial Research Working Papers , 109-173.
Caprio, G., & Klingebiel, D. (2003). Episodes of Systemic and
Borderline Financial Crises. World Bank , Disponible sur :
http://go.worldbank.org/5DYGICS7B0.
Cartapanis, A. (2003). Vers une prévention
macro-prudentielle des crises. Revue d'Economie Financière .
Chomsisengphet, S., Murphy, T., & Pennington -Cross, A.
(2008). Product Innovation & Mortgage Selection in the Subprime Era.
1-35.
Cohen, D., & Portes, R. (2003). Crise de la dette :
prévetion et résolution. Paris: La Documentation
Française.
Coleman IV, M., LaCour-Little, M., & Vandell, K. D. (2008).
Subprime Lending and the Housing Bubble: Tail Wags Dog? Presented at the
ASSA meetings (pp. 1-44). New Orleans: Disponible sur:
today.uci.edu/pdf/subprime_lending_08.pdf.
Corrigan, G. (1984). The risk of financial crisis.
Chicago: The University of chicago Press. Cravereau, J., & Trauman, J.
(2001). Crises financières. Economica .
Crouhy, M. G., Jarrow, R. A., & Turnbull, S. M. (2008). The
Subprime Credit Crisis of 2007. Journal of Derivatives , Disponible
sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1112467.
Deacon, J. (2002). Global Securitisation and CDOs.
London: John Wiley & Sons.
Dehove, M. (Avril 2003). Crises financières : deux ou
trois choses que nous savons d'elles. Paris: Conseil d'Analyse
Economique.
Dehove, M., Plihon, D., & Boyer, R. (2004). Les crises
financières. Paris: La documentation française.
Demyanyk, Y., & Hemert, O. V. (2008). Understanding the
Subprime Mortgage Crisis. Federal Reserve Bank of Cleveland and New York
University Working Paper Series , Disponible sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1020396.
Desroches, B., & Francis, M. (2007). World Real Interest
Rates: A Global Savings and Investment Perspective. Working Paper .
Doug, F. (2007). The Truth About Tulipmania. Journal of
Australian Economics .
Eichengreen, B. (2008). Ten questions about the subprime crisis.
Financial Instability Review , 19-28.
Eichengreen, B., Kletzer, K., & Mody, A. (2003). Crisis
Resolution : Next Steps. IMF Working Paper , Disponible sur :
www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2003/wp03196.pdf.
Finger, K. M., & Schuknecht. (1999). Commerce, finance et
crises financières. Genève: OMC. Freixas, X., & Rochet,
J.-C. (1997). Microeconomics of banking. New York: MIT Press.
French-David, R. (2001). Financial Crises in
«Successful» Emerging Economies. Washington, D.C.: Brookings
Institutions Press.
Friedman, M. (1977). Nobel Lecture : Inflation and Umployme nt.
Journal of Political economy , 267-286.
Friedman, M., & Schwartz, A. (1963). A Monetary History
of the United States,1867-1960. New York: Princeton University Press.
80
Friedman, M., & Schwartz, A. (2009). The Great
Contraction 1929-1933. New York: Princeton and University Press. Garbe r,
P. (1990). Famous Fi rst Bubbl es. Journal of Economic Perspectives ,
35-53.
Gorton, G. (1988). Banking Panics and Business Cycles. Oxford
Economic Papers , 751-781.
Gorton, G., & Huang, L. (2002). Banking Panics and The Origin
of Central Banking. NBER Working Paper No. W9137 , Disponible sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=330961.
Greenwald, B. C., & Stiglitz, J. E. (1993). Financial Market
Imperfection and business Cycles. NBER Working Paper N° W2494 ,
Disponible sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=288469.
Hadane, A., Irwing, G., & Saporta, V. (2004). Bail Out or
Work Out? Theoretical Considerations. The Economic Journal ,
130-148.
Harvey, J. (2002). Keynes' Chapter 22: A System Dynamics Model.
Journal of Economic Issues , XXXVI (02), Disponible sur :
www.econ.tcu.edu/harvey/workppr/wp3.pdf.
Henry, G. M. (2000). La crise de 1929. Paris: ARMAND
COLIN.
Hilbers, P., Otker-Robe, I., Pazarbasioglu, C., & Johnsen, G.
(2005). Assessing and managing rapid credit growth and the role of supervisory
and prudential policies. IMF Working Paper .
Johsua, I. (1999). La crise de 1929 et l'émergence
américaine. Paris: PUF.
Jorion, P. (2008). L'implosion La finance contre
l'économie ce que révèle et annonce la crise des
subprimes. Paris: Fayard.
Keynes, J. M., & Largentaye, J. (1988). théorie
générale de l'emploi, de l'intérêt et de la
monnaie. Paris: Bibliothèque Scientifique Payot.
Kiff, J., & Mills, P. (2007). Money for Nothing and Checks
for Free: Recent Developments in U.S. Subprime Mortgage Markets. IFM
Working Paper , Disponible sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1006316.
Kindleberger, C., & Aliber, R. Z. (1978). Manias, Panics,
and Crashes: A History of Financial Crises. New York: John Wiley &
Sons.
Kindlerberger, C., & Laffargue, J.-P. (1982). Financial
Crises: Theory, history and Policy. New York: Cambrigde University
Press.
Klein, L. (2008). La crise des subprimes: Origines de
l'excès de risque et mécanisme de propagation. Paris: Revue
Banque.
Kregel, J. (2007). The Natural Instability of Financial Markets.
Levy Economics Institute Working Papers Series (523), Disponible sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1075684.
Lagunoff, R., & Schreft, S. L. (1999, January). Financial
Fragility with Rational and Irrational Exuberance. Disponible sur :
http://www.kc.frb.org/publicat/reswkpap/PDF/RWP99-01.pdf.
Lamfassy, A. (2000). Financial Crises in Emerging
Markets. London: Yale University Press .
Magnus, G. (2008). Financial instability and the economy: one
year into a Minsky Moment. London: UBS Investment Research.
Minsky, H. (1982). Inflation, Recession and Economic
Policy. Brighton: Wheatsheaf. Minsky, h. (2008). John Maynard
Keynes. New york: Mc Graw Hill.
Minsky, H. P. (1992). Financial Instability Hypothesis. Levy
Economics Institut Working Paper N° 74 , Disponible sur :
http://ideas.repec.org/p/lev/wrkpap/74.html.
Minsky, H. (1977). Theory of Systemic Fragility. New
York: John Wiley & Sons.
Mishkin, F. S., Bordes, C., Hautcoeur, P.-C., &
Lacoue-Labarthe, D. (2004). Monnaie, banque et marchés
financiers. Paris: Pearson Education.
Persaud, A. (1996). Investors changing appetite for risk.
Global Foreign Exchange Research, JP Morgan Securities .
Pesaran, M. H., & Schuermann, T. (2005). Macroeconomic
Dynamics and Credit Risk: A Global Perspective. Journal of Money, Credit
and Ban king , 1-60.
Pesola, J. (2001). the Role of Macroeconomics Shocks in
Banking Crises. Bank of Finland Discussions Papers.
Radelet, S., & Sachs, J. (1998). The East Asian Financial
Crisis: Diagnosis, Remedis, Prospect. Harvard Discussion Paper ,
1-75.
Reinhart, C. M., & Kenneth, S. R. (2008). Banking Crises: An
Equal Opportunity Menace. NBER Working Paper No. 14587 , Disponible
sur :
http://www.nber.org/papers/w14587.
Reinhart, C. M., & Rogoff, K. S. (2008, January). Is the 2007
U.S. Subprime Crisis So Different? An International Histori cal Comparison.
NBER Working Paper , 339-344, Disponible sur :
http://ideas.repec.org/p/nbr/nberwo/13761.html.
Reinhart, C. M., & Rogoff, K. S. (2008, Décembre). the
aftermath of financial crises. NBER Working Paper , Disponible sur :
http://www.economics.harvard.edu/faculty/rogoff/files/Aftermath.pdf.
Reinhart, C. M., & Rogoff, K. S. (2008). This Time is
Different: A Panoramic View of Eight Centuries of Financial Crises. NBER
Working Paper N° w13882 , Disponible sur :
http://www.economics.harvard.edu/faculty/rogoff/files/This_Time_Is_Different.pdf.
Sandal, K. (2004). The Nordic Banking Crisis in the early 199
0s.
Schroeder, S. K. (2002). A Minskian Analysis of Financial Crisis
in Developing Countries. SCEPA Working Paper (09), 1-45, (
http://www.newschool.edu/cepa/papers/archive/cepa200209.
pdf ).
Shiller, R. J. (2008). Subprime Solution. Princeton:
Princeton University Press.
Shim, I., & Borio, E. (2007). What Can (Macro-) Prudential
Policy do to Support Monetary Policy? BIS Working Papers , Disponible
sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1120287.
Soros, G. (2008). The New Paradigm of Financial Markets.
New York: Public Aff airs. Stiglitz.J. (2002). La grande
désillusion. Paris: Fayard.
82
Stone, M., & Weeks, M. (2001). Systemic financial crises,
balance sheets and model uncertainty. IMF Working Paper .
Tymoigne, E. (2006). The Minskyan System, Part II : Dynamics of
the Minskyan Analysis and the Financial Fragility Hypothesis. Levy
Economics Institute Working Paper No. 453 (453), Disponible sur :
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=908608.
Walen, C. J. (2001). Integrating Schumpeter and Keynes: Hyman
Minsky's Theory of Capitalist Development. Journal of Economic Issues
, 805-823.
Wolfson, M. H. (2002). Minsky's Theory of Financial Crises in a
Global Context. Journal of Economic Issues , 393- 400.
|