Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale
(CEMAC)
Institut Sous-régional de Statistique et
d'Economie Appliquée
(ISSEA)
Organisation Internationale
B.P.294 Yaoundé, Tél. (237) 2222 01 34, Fax.
(237) 2222 95 21 E-mail:isseacemac@yahoo.fr
(Rép. du Cameroun)
Mesure et analyse de la pauvreté non
monétaire chez les enfants : cas du Cameroun
Mémoire
rédigé et soutenu publiquement en vue de l'obtention du
diplôme d'Ingénieur d'Application de la Statistique.
Par
LEKEUMO Simplice Kitleur
Elève Ingénieur d'Application de la
Statistique (Quatrième année)
Sous la direction de :
KAMGA TCHWAKET Ignace Roger
Docteur en économie
Ingénieur Statisticien Economiste
DESS en Management
Devant le jury composé
M. TIKOUOKA Jean Robert M. GUI-DIBY
Michel Noé
Président
Examinateur
Juin 2008
Dédicace
À toutes les personnes qui me sont
chères...
Remerciements
Je tiens à exprimer mes plus vifs remerciements
à mon directeur de mémoire, le Docteur Kamga Tchwaket Ignace
Roger, pour m'avoir fait confiance durant toute la période
d'encadrement.
Je remercie également tout le personnel enseignant de
l'ISSEA, pour son dévouement et la qualité des enseignements
qu'il nous a donné durant toute notre formation, en particulier le
Directeur des études des premier et second cycles, le Docteur Kinkielele
Dieudonné, qu'il trouve ici l'expression de ma gratitude en raison de
l'intérêt qu'il a toujours porté à la bonne conduite
de notre formation.
Ma gratitude portée sur des personnes qui m'ont
constamment assisté sur les plans extra académiques. Il s'agit
de : ma mère Nguemo Blandine, mes tantes Mme Djoufack
Hélène, Mme Jiogo Eudoxie et M. Foguila Angelbert.
Ma reconnaissance va en suite à l'endroit des
étudiants de la IAS4 pour leur sollicitude permanente. En particulier,
Kenkouo Guy Albert, Kouanda Adrien, Ngoumo Elliot. Ils ont toujours su
manifester un esprit de camaraderie et de partage depuis nos débuts en
première année.
Enfin, je remercie M. Tsague Edouard et M. Bessong à
Beyek Loudine pour leurs multiples conseils et critiques qui m'ont permis de
mener à bien se travail.
Avant - Propos
L'élève Ingénieur d'Application de la
Statistique (IAS) à l'Institut Sous-régional de Statistique et
d'Economie Appliquée est tenu en quatrième année de
rédiger et de soutenir publiquement un mémoire sanctionnant la
fin de sa formation. Ce mémoire a pour but l'initiation du futur
ingénieur statisticien à la recherche. C'est une occasion pour
l'étudiant de mettre en pratique les connaissances acquises au cours de
son cycle scolaire. Le mémoire doit porter sur un thème
directement en rapport avec la statistique et ou l'économie.
C'est pour répondre à cette exigence
académique que nous avons opté sur proposition de notre directeur
de mémoire de travailler sur le thème « Mesure et
analyse de la pauvreté non monétaire chez les enfants : le
cas du Cameroun ». L'objectif de cette étude est
d'évaluer à partir des données d'enquête de MICS-III
disponibles le niveau de pauvreté des enfants et ensuite
déterminer les variables socio démographiques qui influencent la
probabilité qu'un enfant subisse le phénomène de
pauvreté.
Les imperfections et les erreurs contenues dans ce travail
nous incombent entièrement et ne seront en aucun cas attribuées
à un tiers.
Cependant, ce mémoire est une initiation à la
recherche, de ce fait nous sommes entièrement réceptifs et
ouverts à toutes les critiques et suggestions émanant de votre
part et pouvant l'améliorer.
Table des
matières
Dédicace
i
Remerciements
ii
Avant - Propos
iii
Liste des graphiques
vi
Liste des abréviations
vii
Résumé
viii
Introduction
1
PARTIE I
4
Chapitre 1 :
Généralités sur la
pauvreté
5
1.1 Définition du concept de
pauvreté
5
1.1.1 L'approche monétaire
6
1.1.2 L'approche non monétaire
6
1.2 Mesure de la pauvreté
7
1.2.1 L'approche monétaire
8
1.2.2 L'approche non monétaire
9
1.3 Contexte socioéconomique au
Cameroun
10
1.3.1 Contexte économique
11
1.3.2 Contexte sociodémographique
12
Chapitre 2 : Pauvreté des enfants
et conception d'un Indicateur Composite de Pauvreté (ICP)
17
2.1 La pauvreté infantile
17
2.1.1 Le concept d'enfant
17
2.1.1 La garantie du capital humain
18
2.2 Définition de la pauvreté
infantile et revue de la littérature
20
2.2.1 Définition de la pauvreté
infantile
20
2.2.2 Revue de la littérature
21
2.3 Approche conceptuelle d'un indicateur de
mesure
22
2.3.1 Méthodologie de conception d'un
Indicateur Composite de Pauvreté (ICP)
24
2.3.2 Détermination des classes et du seuil
de pauvreté des conditions de vie
27
PARTIE II
29
Chapitre 3 :
Profil de pauvreté infantile : une
approche descriptive
30
3.1 Profil de pauvreté infantile
30
3.1.1 Sélection des variables et
interprétation des résultats de l'ACM
31
3.1.2 Calcul de l'ICP et détermination des
classes de pauvreté
35
3.2 Calcul du seuil de pauvreté infantile
et comparaison avec la population globale
38
3.2.1 Calcul des seuils de pauvreté
38
3.2.2 Comparaison : pauvreté infantile
et pauvreté dans la population globale
39
3.3 Incidence de pauvreté infantile
41
3.3.1 Pauvreté infantile suivant les
provinces et le milieu de résidence
42
3.3.2 L'incidence de pauvreté infantile
selon les caractéristiques du chef ménage et selon celles des
autres membres
43
Chapitre 4 :
Déterminants de la pauvreté
infantile : une approche économétrique
45
4.1 Sélection des variables et
Présentation du modèle
45
4.1.1 Sélection des variables
45
4.1.2 Présentation du modèle
46
4.2 Interprétation des résultats du
modèle
47
4.2.1 Validité du modèle
47
4.2.2 Interprétation des résultats
du modèle
48
4.3 Stratégies de lutte et suivie de la
pauvreté infantile
50
4.3.1 Stratégie de lutte contre la
pauvreté
50
4.3.1 Suivie de la pauvreté
infantile et principales limites du travail
52
Conclusion générale
53
Annexe
55
Références bibliographiques
61
Liste des graphiques
Graphique 1 : Nuage des points
variables issue de l'ACM sur les variables nominales actives retenues.
33
Graphique 2 : Aperçu de la
répartition des modalités suivant les axes factoriels
34
Graphique 3 : Nuage des points
individus issu de l'ACM 35
Graphique 4 :Arbre de la CAH
57
Liste de tableaux
Tableau 1 : Indicateurs
clés de l'économie camerounaise
12
Tableau 2 : Evolution du taux brut
de scolarisation (%) par niveau et type d'établissement.
15
Tableau 3 : Exemple d'attribution
des scores 23
Tableau 4 : Dimension de
pauvreté 32
Tableau 5 :
Caractéristiques statistiques de l'ICP
35
Tableau 6 : Statistiques
descriptives de l'ICP par classe. 36
Tableau 7 : Pourcentage des
enfants n'ayant pas accès à certaines commodités de base
suivant la classe d'appartenance 37
Tableau 8 : Commodités de
base auxquelles a accès un enfant de référence.
38
Tableau 9 : Pauvreté
monétaire et non monétaire chez les enfants et dans la population
globale 40
Tableau 10 : Distribution
conditionnelle des enfants selon la classe de pauvreté (%)
41
Tableau 11 : Récapitulatif
du modèle logistique 47
Tableau 12 :
Coordonnées des modalités sur les deux premiers axes
de l'ACM 55
Tableau 13 :
Coordonnées des modalités sur les deux premiers axes
de l'ACM 55
Tableau 14 : Incidence
conditionnelle de la pauvreté infantile suivant les deux méthodes
mises en oeuvre (%)
57
Tableau 15 : Répartition
par sexe et par niveau de bien être des enfants selon qu'ils ont
déjà été à l'école ou pas (%)
58
Tableau 16 : Valeurs du khi-deux
pour la régression logistique
58
Tableau 17 : Classification
modèle logistique
59
Tableau 18 : Estimation des
paramètres de la régression logistique et des risques relatifs
des modalités par rapport aux modalités de
référence
59
Liste des
abréviations
ACM : Analyse des Correspondances
Multiples
ACP : Analyse en Composantes
Principales
BAD : Banque Africaine de
Développement
BIT : Bureau International du
Travail
CAH : Classification Ascendante
Hiérarchique
CEDEAO : Communauté Economique
et Douanière des Etats de l'Afrique de l'Ouest
COPA : Consistance Ordinale sur
le Premier Axe
DAE : Direction des Affaires
Economiques
EBC : Enquête Budget
Consommation
ECAM : Enquête Camerounaise
Auprès des ménages
EDS : Enquête
Démographique et de Santé
EESI : Enquête sur
l'Emploi et le Secteur Informel
F CFA : Francs de la
Communauté Financière d'Afrique
FMI : Fonds Monétaire
International
IBW : Institution de Bretton
Woods
ICBE : Indice Composite de Bien
Etre
ICP : Indicateur composite
de Pauvreté
INS : Institut National de la
Statistique
INSEE : Institut National de
Statistique et des Etudes Economiques
MICS: Multiple Indicator Cluster
Survey
MINEDUC: Ministère de l'Education
MINFI : Ministère des
Finance
OCDE Organisation de
Coopération et de Développement Economiques
OIT : Organisation
Internationale du Travail
OMD : Objectif du
Millénaire pour le Développement
ONG : Organisation Non
Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations
Unies
PAS : Programme d'Ajustement
Structurel
PIB : Produit
Intérieur Brut
$EU : Dollar Etats Unis
TBS : Taux Brut de Scolarisation
UEMOA : Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine
UNESCO : Organisation des Nation Unies
pour l'Education, la Science et la Culture
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour
l'enfance
Résumé
Les Institutions de Bretton Woods après avoir
délibérément ignoré la pauvreté pourtant
longtemps relevé par le PNUD et l'UNESCO qui dès 1987 publiaient
un rapport intitulé « Ajustement à visage
humain » dénonçant par ce fait les politiques
d'Ajustement structurelle, devaient à partir des années 1990
s'impliquer de fond en comble dans la lutte contre la pauvreté.
Dès lors, l'éradication de la pauvreté est devenu le credo
des États africains qui s'efforcent avec l'aide combinée de la
Banque Mondiale et du FMI d'éradiquer la pauvreté. Dans le
même temps, l'UNICEF, s'est préoccupé au plus haut point
des conditions de vie de la petite et de la grande enfance car les
études visant à définir le profil de pauvreté afin
de circonscrire la pauvreté ne prenaient pas toujours en compte les
spécificités des enfants. C'est alors que l'UNICEF depuis
près d'une décennie est le principal partenaire des États
dans la réalisation de la génération d'enquêtes MICS
adaptées à la caractérisation des conditions de vie des
femmes et des enfants.
Pour caractériser le profil de pauvreté non
monétaire chez les enfants, nous avons construit un indicateur composite
de pauvreté en agrégeant les scores des modalités obtenus
en implémentant une ACM sur un tableau figurant les enfants en ligne et
les variables traduisant les privations en colonne. Il en ressort que 62,4% des
enfants au Cameroun font face à des privations sévères. De
fortes disparités existent entre les milieux urbain et rural et entre
les différentes provinces ; 85% des enfants du milieu rural
apparaissent extrêmement vulnérables contre 32,5% en milieu
urbain. Ils n'ont ni accès à l'eau potable ni accès
à l'électricité. Ils sont plus nombreux à n'avoir
jamais été à l'école soit 61,6 % des enfants
appartenant à la classe des enfants très pauvres. Le niveau
d'instruction des parents se révèle être un
élément déterminant dans le risque de paupérisation
des enfants. Moins les parents sont instruits, plus le risque de
pauvreté infantile est élevé. Pour lutter efficacement
contre la pauvreté infantile, les pouvoirs publics et les acteurs de la
société civile devraient compte tenu des résultats
privilégier dans un premier temps la sensibilisation des parents sur les
risques que courent les enfants. Puis promouvoir des actions visant à
créer des emplois plus stables et mieux rémunérés.
Car la pauvreté non monétaire ne s'aurait s'affranchir de la
pauvreté monétaire, tout comme la pauvreté infantile ne
s'aurait s'affranchir de celle du ménage de résidence. Même
si les mauvaises conditions de vie compromettent davantage le devenir des
enfants avec des risques élevés qu'apparaît un cycle de
pauvreté.
Mots clés : pauvreté infantile,
pauvreté non monétaire, commodités, ICP.
Introduction
Au Cameroun, la littérature sur la pauvreté est
largement dominée par l'approche monétaire. On peut citer pour
s'en convaincre la série d'enquêtes ECAM utilisant la seule
variable monétaire dans la détermination du seuil de
pauvreté des ménages. Toutefois, la réalisation
d'enquête MICS en partenariat avec l'UNICEF a permis non pas de
déterminer le profil de pauvreté non monétaire des
ménages, mais d'évaluer les conditions d'existence des
ménages tout en maintenant une attention particulière sur la
situation des enfants et des femmes considérés comme faisant
partie de la frange de la population la plus vulnérable. Des
universitaires et des chercheurs indépendants en s'intéressant au
phénomène de pauvreté et d'inégalité au
Cameroun ont eux aussi davantage privilégié l'approche
monétaire.
Les travaux parcourus se situent dans les champs de la
relation entre pauvreté et répartition du revenu (Fambon et al,
2005), de la décomposition des effets de politiques économiques
sur l'évolution de la pauvreté au Cameroun (Emini et al, 2006),
etc. De tous ces documents, deux émergent pour aborder la
pauvreté du point de vu non monétaire, en adoptant une approche
multidimensionnelle du phénomène de pauvreté. Ces
études portent sur une approche multidimensionnelle de la
pauvreté et des inégalités au Cameroun (Foko et al, 2007),
et sur l'analyse des conditions d'existence des ménages et
pauvreté au Cameroun (Debok, 2001).
Que l'étude soit réalisée suivant
l'approche monétaire ou non, la pauvreté est toujours
perçue au niveau du ménage et, est alors considérée
comme pauvre toute personne vivant dans un ménage pauvre.
Procéder ainsi reviendrait à traiter tous les membres d'une
famille sur un pied d'égalité. Les ressources du ménage
seraient alors équitablement réparties et les besoins
également ressentis. Or d'après l'UNICEF, bien qu'un manque
sévère de biens et services nuise à tout être
humain, c'est pour les enfants que cela représente la pire menace et le
mal le plus grand, en les rendant incapable de jouir de leurs droits,
d'atteindre leur plein potentiel et de participer à la
société comme membre à part entière. Il est donc
clair que restreindre la pauvreté d'un enfant à celle du
ménage auquel il appartient revient à ignorer la
spécificité des besoins d'un enfant par rapport à ceux
d'un adulte.
Il n'existe pas encore au Cameroun une étude à
proprement parler définissant le profil de pauvreté des enfants.
Le présent mémoire se positionne alors comme une contribution
à un début de réflexion sur la définition d'un
profil de pauvreté multidimensionnelle chez les enfants au Cameroun.
Cela se justifie par la nécessité de pouvoir différencier
la condition des enfants de celle des parents ou des adultes. Dès lors,
on peut imaginer que la pauvreté infantile s'affranchisse
complètement de celle de son ménage de résidence ou alors
qu'elle soit étroitement liée à celle-ci. C'est la
définition des politiques économiques et sociales qui s'en
trouvera convenablement orientée.
Donc, la caractérisation des conditions de vie des
enfants et la spécification des déterminants clés de leurs
conditions d'existence renforceraient à coup sûr la position des
organisations en charge de la promotion des droits de l'enfant à la
table de négociation des politiques publiques garantissant logiquement
une plus grande efficacité dans l'action des décideurs.
Le problème est alors de déterminer à
l'aide des données de l'enquête MICS-III le profil de
pauvreté non monétaire chez les enfants au Cameroun tout en
recherchant les facteurs qui contribuent à accroître le risque de
pauvreté infantile. Nous nous proposons dans ce mémoire de ne
retenir que la population d'enfants âgée entre 5 et 17 ans. La
réponse à cette problématique nécessite d'apporter
une réponse aux questions suivantes :
· quelle est l'ampleur de la pauvreté infantile au
Cameroun ?
· le niveau de pauvreté varie t-il suivant les
caractéristiques socio démographiques ?
· quels sont les éléments qui contribuent
le plus à la formation du risque de pauvreté ?
L'enjeu principal de ce travail réside dans ce
qu'il doit pouvoir renforcer la capacité des décideurs à
identifier et combler les lacunes existantes dans les stratégies
économiques en cours, et apporter les réponses en matière
de politique sociale de façon à ce que les enfants grandissent
dans des conditions acceptables. Ainsi, les résultats obtenus
intéresseraient potentiellement :
· les pouvoirs publics à travers les
ministères et les services en charge de la protection des
enfants ;
· la société civile à travers les
Organisations Non Gouvernementales oeuvrant dans l'amélioration des
conditions de vie et des droits de l'enfant ;
· le futur conseil national de la jeunesse ;
· les organismes internationaux au premier rang desquels
l'UNICEF.
L'objectif qui préside à la réalisation
de ce travail n'est pas que académique. Son objectif reste la
définition d'un profil de pauvreté infantile et l'analyse des
déterminants de pauvreté infantile. Cet objectif peut se
décliner en deux objectifs spécifiques :
· estimer et caractériser le niveau de
pauvreté des enfants à partir de la construction d'un indicateur
composite de pauvreté ;
· déterminer les facteurs qui influencent la
pauvreté des enfants.
Ce mémoire est divisé en deux principales
parties. Une première partie constituée de deux chapitres qui
traite de la littérature en matière de définition de la
pauvreté, de mesure de la pauvreté, et fait un aperçu
théorique sur les déterminants de la pauvreté infantile.
Une deuxième partie, constituée elle aussi de deux chapitres
entièrement axées sur un travail empirique destiné aux
analyses s'articulant autour d'un indicateur composite sensé
résumer la diversité des conditions de vie des enfants au
Cameroun suivant sept principales dimensions : la nutrition, la
santé, l'éducation, l'eau, l'assainissement, l'information et les
conditions de logement.
PARTIE I
APPROCHES CONCEPTUELLES
ET
THEORIQUES
Cette première partie est constituée de deux
chapitres qui traitent de la littérature en matière de
définition de la pauvreté, de mesure de la pauvreté, et
fait un aperçu théorique sur les déterminants de la
pauvreté infantile. Elle aborde dans le premier chapitre le concept de
pauvreté dans sa définition et sa mesure, puis, présente
une ébauche du contexte socioéconomique au Cameroun. Le second
chapitre s'intéresse dans un premier temps à la place de l'enfant
dans son environnement et les différentes influences qu'il peut subir
dans son milieu social. En fin de ce deuxième chapitre, nous
présenterons une méthode de construction d'un indicateur
composite de pauvreté.
Chapitre 1 :
Généralités sur la
pauvreté
Depuis plus d'une décennie, les gouvernements africains
mènent avec l'appui des Institutions de Bretton Woods (IBW) une lutte
acharnée contre la pauvreté. Mais les résultats restent
limités. En effet, en dehors de l'Afrique subsaharienne, la plupart des
pays parviendront à réduire la pauvreté de moitié
d'ici à 2015 (Berg A. et Qureshi Z., 2005).Dans ce chapitre,
après avoir défini le concept de pauvreté suivant les
approches monétaire et non monétaire, nous ferons un bref
aperçu sur les méthodes de mesure utilisées dans
l'évaluation de la pauvreté suivant ces différentes
approches. Enfin, nous présenterons le contexte socioéconomique
au Cameroun.
1.1 Définition du
concept de pauvreté
Le concept de pauvreté apparemment simple ne l'est pas
pour autant. La littérature sur la pauvreté est extrêmement
abondante et se caractérise par un grand niveau d'ambiguïté
(Ndamobissi.R et al, 2007). Pour Daniel Verger (2005), la première
difficulté à laquelle se heurte l'étude de la
pauvreté est, aussi surprenant que cela puisse paraître, l'absence
d'une véritable définition : ni les sociologues ni les
économistes ne fournissent de définition précise
permettant la quantification de la pauvreté. Cette absence de
définition précise est révélatrice des nombreux
problèmes sous-jacents, aussi bien sur le plan conceptuel qu'au niveau
de la mesure, qui frappe toute approche de la pauvreté.
Il apparaît alors qu'il existe une certaine
difficulté à identifier l'individu pauvre. Néanmoins,
selon l'Organisation des Nations Unies (ONU) la pauvreté peut être
définie comme « la condition dans laquelle se trouve un
être humain qui est privé de manière durable ou chronique
des ressources, des moyens, des choix, de la sécurité et du
pouvoir nécessaire pour jouir d'un niveau de vie suffisant et d'autre
droits civils, culturels, économiques, politiques et
sociaux. » Malgré tout, le consensus dans la définition
de la pauvreté est loin d'être acquis. On note dans la
littérature divers concepts de pauvreté : pauvreté
monétaire, pauvreté en terme de capital humain, pauvreté
d'exclusion sociale, et pauvreté subjective. De ce fait, deux approches
sont communément retenues, à savoir : l'approche
monétaire et l'approche non monétaire. Si depuis le début
des années 90, un grand intérêt a été
accordé au phénomène de pauvreté des
ménages, il en est moins de ce qui concerne la pauvreté
infantile.
1.1.1 L'approche
monétaire
L'approche monétaire est défendue par les
welfaristes ou utilitaristes classiques et selon eux, la pauvreté est
considérée sous la forme d'un niveau d'utilité
inférieur à un niveau préalablement défini et
économiquement approximé par une variable monétaire, elle
résulte donc d'une non possession des ressources monétaires
(Bertin. A., 2006) car dans un système de marché, le revenu et la
dépense sont seules capables de rendre compte de la satisfaction
individuelle.
Cette approche se base sur le revenu des ménages, y
compris le loyer imputé et l'autoconsommation. Le degré de
satisfaction atteint par un individu par rapport aux biens et services qu'il
consomme est supposé définir son bien être (Djoke et al,
2006). La littérature courante indique qu'il existe des fondements
théoriques suffisants pour considérer que les dépenses
constituent une bonne approximation du bien-être pour l'analyse de la
pauvreté. Ce fondement théorique est lié à deux
éléments: (i) l'hypothèse de maximisation de
l'utilité des individus; (ii) les principaux éléments de
la fonction de bien-être sont les biens consommés.
L'approche monétaire de la pauvreté, parce
qu'elle est intuitive et plus facilement perceptible, est restée la
plus répandue dans la littérature. Pour Deaton et
Muellbauer1(*) (1980), la
meilleure façon de mesurer le bien-être individuel est d'utiliser
une mesure monétaire. Tout individu étant seul maître dans
la construction de sa fonction d'utilité, et la définition de ses
choix, cette dimension monétaire de la pauvreté vise à
baser les comparaisons de bien-être ainsi que les décisions
relatives à l'action publique sur les préférences des
individus.
1.1.2 L'approche non
monétaire
L'approche non monétaire, défendue par les non
welfaristes ou non utilitaristes est celle qui traduit le côté
multidimensionnel de la pauvreté. Elle est multidimensionnelle dans le
sens où la seule focalisation sur le revenu est abandonnée au
profit d'une vision plus large du bien-être qui fait entrer en ligne de
compte une multitude de composantes (Bertin A., 2006). Pour Coudouel A. et al
(2002), la pauvreté n'est pas seulement liée au manque de
revenu ou à une insuffisance de consommation, mais aussi à des
performances insuffisantes en matière de santé, d'alimentation et
d'alphabétisation, à des déficiences de relations
sociales, à l'insécurité, à une faible estime de
soi-même et à un sentiment d'impuissance.
La pauvreté non monétaire est encore connue sous
le vocable « pauvreté en condition
d'existence » et se subdivise en deux approches : celle
dite par les capacités « capabilities »
dont l'économiste Armatyar Sen apparaît comme l'un des principaux
tenant, et celle dite par les besoins de base.
Pour Djoke et al (2006), l'approche par les capacités
de Sen traduit le bien-être à travers les droits positifs des
individus et tente à l'aide du concept de fonctionnement
« fonctionning », de transposer ces droits dans un
espace mesurable. L'individu doit avoir certaines capacités
jugées fondamentales. Á cet effet, l'individu doit être
adéquatement nourrit, avoir une éducation, être en bonne
santé, être adéquatement logé, prendre part à
la vie communautaire et apparaître en public sans avoir honte. Alors que
l'approche par les besoins de base considère que l'individu doit pouvoir
satisfaire certains besoins fondamentaux qui sont nécessaires à
l'atteinte d'une certaine qualité de vie : éducation,
santé, hygiène, assainissement, eau potable, habitat,
accès aux infrastructures de base, etc.
Selon qu'ils retiennent l'approche monétaire ou non
monétaire de la pauvreté, les analystes et les instituts en
charge de la mesure et du suivi de la pauvreté adoptent principalement
deux postures empiriques de mesure de la pauvreté. Ces deux postures
sont méthodologiquement dictées par les
spécificités et les caractéristiques liées à
chaque approche.
1.2 Mesure de la
pauvreté
Autant il est difficile de donner une définition claire
et dépourvue de toute ambiguïté de la pauvreté, il
est encore plus difficile de pouvoir la mesurer ou alors de la quantifier. En
effet la diversité conceptuelle qui entoure le concept de
pauvreté est évidemment problématique au moment de
l'élaboration des indicateurs empiriques d'évaluation de la
pauvreté (Razafindrakoto M. et Roubaud F., 2005).
La quantification de la pauvreté passe par la
détermination du niveau de bien-être des individus. Elle exige non
seulement que soit évalué le bien-être des individus, mais
aussi que soit déterminé le seuil à partir duquel une
personne peut-être considérée comme pauvre. La
détermination de ce seuil se fait au moyen d'indicateurs composites et
d'indices de pauvreté. Les approches les plus répandues de la
pauvreté étant les approches monétaire et non
monétaire, c'est à leur mesure que nous allons nous
intéresser.
1.2.1 L'approche monétaire
Pour évaluer la pauvreté monétaire, l'on
utilise généralement le revenu ou la consommation comme
indicateur de bien-être. Pour ce faire, on doit disposer des
données exhaustives sur le niveau de revenu ou de dépense des
ménages. Très souvent, la consommation est
préférée au revenu, dans la mesure où la
consommation des ménages est étroitement liée au
bien-être de ceux-ci, alors que, le revenu courant est un mauvais reflet
des ressources du ménage. En effet, le revenu d'un ménage ne
représente pas toujours sa consommation. Il est
généralement largement sous-estimé, et constitue une
piètre approximation du bien-être (Fambon, 2004).
La consommation est évaluée au moyen
d'enquêtes auprès des ménages, qui fournissent des
informations suffisamment détaillées sur les biens et services
consommés par le ménage, alors que la mesure du revenu est
très difficile (INS, 2001). Par exemple, dans le cas de l'enquête
EBC2(*) de 1983-1984 et l'enquête
ECAM 1 de 1996, moins de 8,63(*) % des
ménages ont déclaré un revenu supérieur aux
dépenses. Il n'est donc souvent pas aisé de pouvoir saisir
l'information réelle sur le revenu des ménages puisque l'on ne
prend pas en compte l'autoconsommation. Toutefois, la principale
difficulté qu'offrent les données de consommation réside
dans la pénibilité de leur collecte. Une fois que l'on a
arrêté le type de données avec lesquelles évaluer la
pauvreté, on peut définir une ligne de pauvreté ; en
deçà de cette ligne, tout ménage est dit pauvre et
au-delà, tout ménage est dit non pauvre.
La détermination du seuil de pauvreté dans le
cadre des études se basant sur un indicateur de bien-être fait
l'objet de divergences au sein du collectif des analystes. Les points de vue
restent partagés quant à l'adoption d'un seuil de pauvreté
absolu qui représente le montant minimum nécessaire à un
individu pour se procurer ses besoins fondamentaux sur le marché - C'est
la méthode adoptée par l'INS Cameroun - ou l'adoption d'un seuil
de pauvreté relatif défini comme une proportion du niveau de
revenu médian, qui représente le montant minimum pour atteindre
un niveau de bien-être ordinairement observé dans la
société. C'est le cas de l'INSEE qui retient
généralement 50 % du revenu médian alors que au niveau
européen, les statisticiens retiennent 60 % du revenu
médian3(*). Alors, on
retient comme pauvre tout ménage dont le niveau de vie est très
inférieur à celui de la majorité de la population, qui a
un niveau de vie inférieur à cette ligne.
La banque mondiale fonde son évaluation de la
pauvreté dans le monde sur deux seuils de pauvreté reconnus au
plan international : un et deux dollars environ par jour en parité
de pouvoir d'achat de 1993. Le seuil de 1 dollar par jour est un seuil
caractéristique des pays à faible revenu et le seuil de deux
dollars par jour est davantage celui des pays à revenu
intermédiaire. Les calculs visent une certaine cohérence entre
les pays : le seuil de pauvreté international permet d'avoir la
même valeur réelle dans divers pays et au fil du temps. Ce seuil
est converti en monnaie nationale à partir des taux de change
réel en parité de pouvoir d'achat pour la consommation en 1993,
puis actualisé à l'aide du meilleur indice des prix à la
consommation disponible pour chaque pays.
1.2.2 L'approche non
monétaire
La pauvreté est de plus en plus
appréhendée par les auteurs comme un phénomène
multidimensionnel. Qualifier un individu de pauvre nécessite que l'on ne
prenne plus en compte uniquement les variables liées au revenu ou
à la consommation, mais que l'on s'intéresse aussi à des
variables telles que la santé, l'éducation, les conditions
d'habitat, toute chose pouvant éviter à l'individu d'être
marginalisé dans la société. L'exclusion sociale,
étant perçue comme le produit d'une situation de pauvreté.
La mesure de la pauvreté suivant l'approche non
monétaire exige donc de définir ou alors d'arrêter un
nombre de variables pertinentes représentatives de la position sociale
d'un individu. Il faut néanmoins noter le caractère arbitraire du
choix de ces variables, car ceux-ci dépendent souvent plus ou moins
fortement de la perception de l'analyste ou du statisticien chargé de
l'évaluation de la pauvreté. Toutefois, comme le dit Sirven
(2003) cité par Alexandre Bertin (2005), «il s'agit de passer
d'un espace à n dimensions dans lequel les ménages sont
représentés par n variables, à un espace unitaire dans
lequel une valeur nominale synthétiserait l'ensemble de l'information
relative à un ménage ».
Les enquêtes du type EDS et MICS sont des enquêtes
destinées à permettre une évaluation aisée de la
pauvreté en « condition d'existence ». Elles
contiennent des items qui servent à relever les caractéristiques
sanitaires, éducationnelles et d'habitat des ménages. Pour la
mesure de la pauvreté non monétaire, deux principales approches
sont proposées dans la littérature.
Certaines études comme c'est le cas pour
l'enquête ECAM, après avoir retenu des
« items » entrant dans la caractérisation
de la pauvreté d'existence, déterminent la proportion de la
population qui possède ou non les caractéristiques de cet
« item ». Cette façon de faire est critiquée
pour le fait qu'elle donne une agrégation à un niveau très
élevé et définit le pauvre suivant une seule variable.
La seconde méthode rencontrée dans la
littérature est celle qui consiste à calculer un Indicateur
Composite de Pauvreté (ICP) ou encore un Indicateur Composite de
Bien-Être (ICBE)4(*).
Cette méthode utilise les techniques d'analyse factorielle dans la
détermination des scores affectés aux modalités de chaque
variable primaire. Elle procède à une agrégation d'abord
au niveau de chaque variable qui peut être soit une variable binomiale ou
dichotomique soit une variable multinomiale ou polytomique. Cette
méthode domine la littérature concernant la mesure de la
pauvreté. Plusieurs études sur la mesure de la pauvreté en
Afrique ont été réalisées en utilisant la
deuxième méthode de mesure multidimensionnelle de la
pauvreté dans divers pays : Foko Tagne et al (2007) pour le
Cameroun, Ayadi Mohamed et al (2007) pour la Tunisie, Ki et al (2005) pour le
Sénégal, Body Lawson et al (2007) pour le Togo etc. La remarque
qui s'impose est que ces études empiriques sur la pauvreté
multidimensionnelle sont relativement récentes, toutes ont
été réalisées après 2005.
Concept multidimensionnel, le bien-être est
étroitement lié au niveau de vie qui à son tour est
essentiellement basé sur la performance du système
socioéconomique. Ainsi, l'appréhension de la pauvreté
nécessite alors de comprendre au préalable le contexte
socioéconomique.
1.3 Contexte
socioéconomique au Cameroun
La prise de conscience du phénomène de
pauvreté au Cameroun n'est pas récente. La mise en place des
Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) dès la fin des années
1980 s'est accompagnée des mesures visant à assainir les finances
publiques, à savoir : la libéralisation des marchés,
la réduction du train de vie de l'État, qui ont eu comme
corollaire : les licenciements, la baisse des salaires, pour nous en tenir
qu'à ces cas.
Les conséquences de cette politique
d'austérité budgétaire ne se sont pas faites attendre. En
effet, s'en est suivie une baisse drastique du pouvoir d'achat des populations
qui éprouvent désormais d'énormes difficultés aussi
bien pour se nourrir et se soigner que pour payer l'écolage des enfants
et régler leurs factures d'eau et d'électricité pour ceux
qui en ont accès.
En réaction à cette situation, on observe une
extension du secteur informel devenant ainsi de loin le secteur qui fournit le
plus d'emplois - 90,4 % des actifs occupés - malheureusement
précaires (INS, 2005). Les effets observés après la
libéralisation du secteur productif et la réduction de
l'intervention de l'État tendent à faire penser que les
Programmes d'Ajustement Structurel ont contribué à la
paupérisation de la population et à l'accentuation des
inégalités entre les différentes classes sociales,
corroborant ainsi les dires de Dani Rodrik5(*) (2000) pour qui, la pauvreté et les
inégalités sont naturellement associées aux imperfections
des marchés et à leurs lacunes.
1.3.1 Contexte
économique
Pendant la période 1960 - 1985, le Cameroun se porte
bien sur le plan économique. Le PIB par habitant passe de 160 $ EU en
1960 à 980 $ EU en 1986 (Gauthier B., 1996). Le Cameroun tire la
quasi-totalité de ses ressources financières des exportations.
Après la période 1965 - 1977 au cours de laquelle le taux de
croissance du PIB reste positif et atteint un niveau moyen de 4 % annuel,
l'âge d'or intervient au courant de la période 1977 - 1981 avec la
découverte et l'exploitation des gisements pétroliers. Le taux de
croissance à cette période se situe à un niveau moyen de
13 %. Pour la période 1982 - 1985, le taux de croissance
économique, bien qu'étant dans une tendance baissière, se
situe à un niveau soutenu de 8 %.
Dès 1986, la chute du cours du Dollar sur le
marché international combinée à la baisse des cours des
matières premières provoqua la détérioration des
termes de l'échange de l'ordre de 50 %, entraînant le pays dans
une forte récession avec une chute vertigineuse de la croissance dont le
niveau moyen pour la période 1987 - 1994 plongea jusqu'à -5 %
(Gauthier B., 1996). Cette crise s'est traduite notamment par l'effondrement
des revenus des ménages et la détérioration des conditions
de vie et d'habitat des populations. Grâce aux différentes
réformes économiques et financières engagées par
l'État et aux énormes sacrifices consentis par les populations,
l'économie camerounaise a retrouvé depuis 1994 le chemin de la
croissance. La dévaluation du FCFA de 50 % intervenue en janvier 1994 a
contribué à cette reprise. Depuis 1994, le taux de croissance a
plafonné à 5,3 % au cours de l'année 2000/2001 à
la faveur des retombées de la construction de l'oléoduc
tchado-camerounais. Cette croissance reste extrêmement modeste et
inférieure à la croissance moyenne des pays en
développement qui se situait au-delà de 6 % en 2006.
Comme la plupart des pays d'Afrique au Sud du Sahara,
l'économie camerounaise près de cinquante ans après les
indépendances est restée une économie de rente (Hugon P.,
2002). La principale source de richesse résulte de la vente du cacao, du
café, du coton, du bois, des mimerais et du pétrole. Cinq
produits à savoir : le pétrole, le café, le cacao,
le bois et le coton représentent plus de 70 % de la valeur des
exportations. Cette situation traduit le trop peu degré de
diversification des exportations exposant ainsi le pays aux multiples
conséquences dues aux très fortes fluctuations des cours des
matières premières sur le marché international.
Le tableau 1 figure les principaux indicateurs clés de
l'économie camerounaise de 1999 à 2006.
Tableau 1 :
Indicateurs clés de l'économie camerounaise
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
PIB à prix courant (milliards de FCFA)
|
6171
|
6612
|
7061
|
7583
|
7917
|
8378
|
8757
|
9400
|
PIB à prix constant de 2000
|
6327
|
6612
|
6911
|
7188
|
7483
|
7747
|
7965
|
8304,5
|
PIB réel Croissance annuelle (en%)
|
4.3
|
4.5
|
4,5
|
4
|
4,1
|
3,5
|
2,8
|
4,3
|
taux de croissance du PIB/tête
|
1,5
|
1,7
|
1,7
|
1,2
|
1,3
|
0,7
|
0
|
1,5
|
Taux de croissance de la consommation par tête
|
1,2
|
1,9
|
0,2
|
1,7
|
4,2
|
-0,6
|
-3,4
|
-2,7
|
Les composantes de la demande
|
(En pourcentage du PIB)
|
Consommation
|
80.8
|
79.7
|
81
|
81
|
82,2
|
80,6
|
79
|
75,7
|
Privée
|
71.3
|
70.2
|
70,7
|
70,8
|
72,2
|
70,4
|
68,2
|
65
|
Publique
|
9.5
|
9.5
|
10,2
|
10,2
|
10
|
10,2
|
10,8
|
10,8
|
Source : MINFI/DAE
1.3.2 Contexte
sociodémographique
La structure de la population du Cameroun est similaire
à celle de la plupart des pays en développement. Elle se
caractérise par une relative jeunesse de la population. Plus d'un
Camerounais sur deux (54%) est âgé de moins de 20 ans et 63 % des
Camerounais sont âgés de moins de 25 ans.
Pour ce qui est de la distribution spatiale, la population du
Cameroun est inégalement répartie sur le territoire, d'où
la grande variabilité de la densité qui croît sensiblement
des zones de forêt (plus faibles densités) aux montagnes de
l'Extrême-Nord (plus fortes densités). Ce
déséquilibre est plus marqué entre les zones urbaines et
les zones rurales. Plus d'un Camerounais sur deux vit dans une ville.
Il en découle une accélération du
phénomène d'habitat spontané et précaire, on
assiste à une prolifération des bidonvilles dans les principales
métropoles que sont Yaoundé et Douala. Les populations occupent
des zones marécageuses sujettes à des inondations, des zones aux
reliefs instables et constamment soumises aux éboulements de terrain.
De nombreuses villes ne disposent ni d'équipements, ni d'infrastructures
en quantité et en qualité suffisantes pour faire face aux flux de
nouveaux citadins - exode rural - en quête de meilleures conditions de
vie.
Les données de l'EDSC-III (2004) montrent que la
fécondité des femmes au Cameroun demeure élevée.
Avec les niveaux actuels, chaque femme donnerait naissance en moyenne à
cinq enfants à la fin de sa vie féconde. Des différences
très nettes de fécondité apparaissent entre milieux de
résidence : une femme de Yaoundé/Douala a un niveau de
fécondité nettement plus faible (trois enfants par femme) que
celui qui prévaut dans les Autres Villes (cinq enfants par femme) et en
zone rurale (six enfants par femme).
Le Cameroun est caractérisé par des statistiques
médicales et éducatives meilleures que celles d'un grand nombre
de pays d'Afrique subsaharienne BAD/OCDE (2003). La mortalité infantile
est de 79.3 pour mille et l'espérance de vie atteint 50 ans. De
manière générale, le Taux Brut de Scolarisation
(TBS)6(*) est resté
stable dans le préscolaire et le secondaire. En revanche, il a
régressé dans le primaire et a connu une réelle
progression dans le supérieur.
Avec une couverture territoriale limitée,
l'enseignement maternel apparaît comme essentiellement urbain et
restreint aux populations qui peuvent s'acquitter des frais de scolarité
pour chaque enfant. Cet ordre d'enseignement n'est pas concerné par le
décret du chef de l'Etat instituant la gratuité de l'enseignement
primaire au Cameroun
Dans le primaire, après une baisse du TBS entre 1990 et
1995, liée notamment à la conjoncture économique
défavorable, on assiste à une lente remontée de la
couverture. Le TBS est aujourd'hui supérieur à 100 %, ce qui ne
signifie pas que tous les enfants d'âge scolaire seraient effectivement
scolarisés à ce niveau d'études.
Dans l'enseignement secondaire général,
après une stagnation du taux brut de scolarisation, autour de 25 % dans
le premier cycle et de 18 % dans le second, on observe une augmentation
substantielle à partir de l'année 2000, essentiellement dans le
premier cycle.
Contrairement à de nombreux pays de la région,
le Cameroun dispose d'un enseignement secondaire technique de premier cycle
relativement développé. Avec un TBS estimé en moyenne
entre 6 % et 7 %, il correspond à environ un quart des effectifs
scolarisés dans l'enseignement général. Dans le second
cycle, le taux brut de scolarisation est plus faible avec des chiffres qui
oscillent entre 3 % et 4 %, sans marquer d'évolution notable sur les
treize dernières années.
Dans l'enseignement supérieur, on note une
évolution positive et soutenue de l'indicateur de couverture, qui passe
de 2877(*)étudiants
en 1991 à 5048(*)
étudiants en 2001, soit presque un doublement sur les dix années.
En 2004, le TBS est estimé à près de 5,78 % soit plus de
552 étudiants pour 100 000 habitants.
Tableau 2 :
Evolution du taux brut de scolarisation (%) par niveau et type
d'établissement.
|
1990/91
|
1995/96
|
1996/97
|
1997/98
|
1998/99
|
1999/00
|
2000/01
|
2001/02
|
2002/03
|
2003/04
|
Préscolaire
|
13,3
|
9,9
|
10,3
|
10,5
|
11,6
|
12,4
|
13,3
|
13,9
|
13,8
|
6,6
|
Primaire
|
96,3
|
81,2
|
81,6
|
83,4
|
85,7
|
87,7
|
102,8
|
104,7
|
105,4
|
100,1
|
Secondaire général Ier Cycle
|
25,3
|
25,3
|
24,8
|
24,8
|
24,2
|
25,8
|
28,8
|
28,8
|
32,1
|
35,3
|
Secondaire général 2nd cycle
|
18,8
|
18,6
|
18,2
|
18,1
|
17,7
|
18,8
|
16,3
|
16,3
|
16,4
|
19,8
|
Total secondaire général
|
22,6
|
22,6
|
22
|
22
|
21,5
|
22,9
|
23,6
|
23,6
|
25,5
|
|
Secondaire technique Ier cycle
|
6,1
|
6,3
|
6,1
|
6,1
|
6,5
|
7,5
|
7,3
|
7,1
|
6,7
|
|
Secondaire technique 2nd cycle
|
3,3
|
3,3
|
3,2
|
3,2
|
3,4
|
3,7
|
3,8
|
3,7
|
3,4
|
|
Total secondaire technique
|
5
|
5,1
|
4,9
|
4,9
|
5,2
|
5,9
|
5,9
|
5
|
4,9
|
|
Source : carte scolaire MINEDUC 2001/2002 et
2003/2004.
En 2001, le taux de pauvreté au Cameroun était
de 40,2 %. Cette incidence est en baisse comparée à 50,3 %
d'incidence de pauvreté en 1996. L'INS note cependant que cette
diminution de la pauvreté de près de dix points a
été générale et qu'elle n'a pas donné lieu
à la réduction des inégalités dans le pays. Les
plus riches consomment en moyenne toujours 7 fois plus que les plus pauvres.
À l'examen de l'indice de Gini et du coefficient de variation, il
apparaît qu'il subsiste une grande dispersion des revenus; ce qui traduit
une distribution inégalitaire persistante de ces derniers entre les
populations. Parlant du degré de pauvreté, ECAM II a permis de
noter que 10% des personnes vivent dans la pauvreté absolue au Cameroun,
c'est-à-dire qu'elles ne disposent d'aucune commodité, ni
d'accès à l'eau potable, pas d'habitat décent et aucun
équipement. Par contre, 1% des ménages camerounais ne manque de
rien.
Il existe une discrimination importante entre le milieu rural
et le milieu urbain d'une part et entre les hommes et les femmes d'autre part.
Le milieu rural connaît une pauvreté plus élevée que
le milieu urbain. En effet, dans les zones rurales, on note plus de quatre
personnes pauvres sur dix. Dans les zones de Douala, Yaoundé, les
strates urbaines des provinces du Sud-Ouest, du Centre, du Nord-Ouest, de l'Est
et du Littoral, en revanche, moins de deux personnes sur dix sont
touchés par la pauvreté. Les ménages dirigés par
les hommes connaissent une incidence de pauvreté plus
élevée que ceux dirigés par les femmes. Cependant, les
femmes représentent plus de la moitié des personnes pauvres (51,4
%).
L'enquête EESI réalisée en 2005 par l'INS
estime le taux d'activité des personnes de dix ans et plus à 71,5
% (EESI) et le taux de chômage - au sens du BIT - est de 4,4 %. Le
phénomène de chômage est essentiellement urbain avec un
taux de 14,5 % à Yaoundé et de 12,5 % à Douala. Sur dix
actifs occupés, neuf exercent dans le secteur informel et la
moitié de ceux-ci opèrent dans le secteur agricole informel avec
un revenu moyen mensuel de 11 100 F CFA. Les secteurs formels privés et
publics emploient quant à eux moins de 10 % des actifs.
Aussi, les membres des ménages dont le chef exerce dans
les secteurs publics et privés formels réussissent mieux à
s'insérer sur le marché du travail et bénéficient
d'une rémunération et des conditions d'activité meilleures
que ceux des ménages dont le chef exerce dans le secteur informel. Le
secteur primaire est le plus grand pourvoyeur d'emploi avec 55,7 % des
travailleurs, suivi du tertiaire avec 30,2 % des travailleurs. Notons
également que le taux de sous emploi global en 2005 est très
élevé, il est estimé à 75,8 % des actifs avec 68,3
% chez les hommes et 83,6 % chez les femmes en activité.
En somme, la situation économique au Cameroun n'est pas
des plus réjouissantes. Les populations n'ont pas d'emplois, les revenus
sont faibles, et les conditions de vie difficiles. Si les adultes sont sans
emploi et sans revenu, leur situation de précarité rejaillit
forcément sur les enfants dans la mesure où un enfant est
repéré au travers de ses parents ou de toute personne dont il est
à la charge. Nous allons entamer dans le chapitre qui suit, la
définition de la pauvreté infantile, puis nous allons
présenter la méthodologie de conception d'un indicateur
multidimensionnelle de la pauvreté.
Chapitre 2 :
Pauvreté des enfants et conception d'un Indicateur Composite de
Pauvreté (ICP)
Après l'exposé sur les diverses approches
théoriques liées au concept de pauvreté et l'aperçu
sur le contexte socioéconomique du Cameroun, le présent chapitre
s'intéresse dans un premier temps à la place de l'enfant dans son
environnement et les différentes influences qu'il peut subir à la
fois au sein de sa famille, à l'école. Bref, dans son milieu
social. Puis, dans un deuxième temps, nous présentons une
méthode de construction d'un indicateur composite de pauvreté.
2.1 La pauvreté
infantile
2.1.1 Le concept d'enfant
La notion d'enfant est différemment
interprétée tant par les individus que par les organismes
spécialisés des Nations Unies. Le traité international des
droits de l'enfant définit comme enfant tout être humain, fille ou
garçon âgé de moins de 18 ans, alors que le BIT, lui
considère comme enfant toute personne âgée de moins de 15
ans.
En fait la définition de l'enfant varie en fonction du
domaine d'intérêt. Il existe une extrême variabilité
dans la définition de l'âge maximal d'un enfant : moins de 15
ans, moins de 16 ans, moins de 18 ans. Toutefois, les uns et les autres
s'accordent pour dire que l'enfant est une personne en situation de
dépendance. Il dépend aussi bien du ménage dans lequel il
vit que de l'environnement social dans lequel il se meut - école,
quartier, etc. - bref, c'est une personne en devenir et dont l'avenir est
fortement tributaire des conditions de vie présentes.
La convention de l'UNICEF sur les droits de l'enfant met un
accent particulier sur le droit à la vie et accorde un grand
intérêt au niveau de vie des enfants dont la responsabilité
selon cette convention est principalement parentale. En effet cette convention
en son article 27 alinéa 2 stipule que : «C'est aux parents ou
autres personnes ayant la charge de l'enfant qu'incombe au premier chef la
responsabilité d'assurer, dans les limites de leurs possibilités
et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au
développement de l'enfant ». Néanmoins, la
responsabilité de l'État peut inclure une aide matérielle
aux parents et à leurs enfants ; notamment à travers des
transferts.
L'intérêt sans cesse grandissant que l'on porte
à l'épanouissement de la jeunesse porte sur l'idée selon
laquelle un bon départ de cette jeunesse dans la vie favorise le
bien-être à long terme, garantissant pour divers pays un fort
potentiel humain apte à s'intégrer dans tout processus de
développement.
2.1.1 La garantie du capital
humain
En investissant dans les enfants, on investit dans le capital
social. En plus des facteurs physiques - capital et travail - la
théorie moderne de la croissance économique met un accent
particulier sur l'innovation technologique et donc, pour les modèles qui
gouvernent la théorie de la croissance endogène, la croissance
économique dépend non plus seulement du taux de croissance de
l'investissement mais de celui du capital technologique.
Ainsi, Angel de la Fuente et Antonio Cicconne dans une de
leur publication en mai 2002 sur le thème « Le capital humain
dans une économie mondiale fondée sur la connaissance »
arrivent aux différentes conclusions suivantes : (i)
l'investissement dans le capital humain contribue de façon significative
à la croissance de la productivité, (ii) il est manifeste que le
capital humain joue un rôle essentiel en faveur de l'évolution et
de la diffusion technologique, (iii) l'investissement dans le capital humain
apparaît comme attractif par rapport à d'autres avoirs tant en
perspective individuelle qu'agrégée, (iv) les politiques qui
augmentent la quantité et la qualité de stock de capital humain
sont compatibles avec l'accroissement de la cohésion sociale.
Il est capital pour un pays, comme le Cameroun d'avoir une
vision de long terme de sa prospérité. La concrétisation
de cette prospérité passe nécessairement par la mise en
place des mesures visant à développer et à renforcer les
capacités de la force de travail. Les compétences de la main
d'oeuvre acquises surtout pendant l'enfance et la jeunesse, influent beaucoup
sur le climat d'investissement d'un pays et la pénurie de
compétences, que connaissent tous les pays en développement, est
en général moins prononcée lorsque le taux de
scolarisation post primaire est élevé (Jimenez et Murthi, 2006).
La population camerounaise est essentiellement jeune - environ 63 % des
personnes sont âgées de moins de 25 ans - et constitue un
potentiel énorme pour le Cameroun. Malheureusement, la recrudescence de
la morbidité jointe à la mortalité élevée
risque être nuisible pour cette jeunesse. Il apparaît alors
nécessaire de prendre les dispositions sanitaires afin d'éviter
d'éventuelles pertes. Á mesure qu'il grandit, un enfant peut
subir des transformations dues aux conditions environnementales et
socioculturelles. Il sera donc à terme le produit de son environnement,
il s'avère alors important de se préoccuper de son
développement psychosocial.
Rehausser la qualité et démocratiser
l'éducation de base est certes un préalable, mais certains
auteurs trouvent cet objectif peu ambitieux et préconisent que ceci
puissent s'étendre au niveau secondaire. Cette recommandation se pose
avec d'autant plus d'acuité que la nouvelle théorie de la
croissance endogène hisse l'éducation9(*) à un niveau très
élevé dans la hiérarchie des facteurs contribuant à
terme à l'augmentation et au soutien de la productivité.
L'éducation fait ainsi partie de l'une des dimensions
les plus importantes dans l'analyse de la pauvreté. Plusieurs
indicateurs sont mobilisés pour appréhender le niveau
d'éducation, chacun caractérisant un aspect particulier de la
perception de l'alphabétisation. Avec la famille, l'école est
l'une des principales instances au sein de laquelle l'enfant acquière un
certain nombre de valeurs. J-P de Gaudemar10(*) disait au 19 ième siècle :
« L'école ne crée alors que des aptitudes à
l'intégration sociale, comme aptitudes minimales à
l'intégration économique ; elle crée des habitudes de
régularité et de discipline dans le temps et dans
l'espace... »
Considérée au même titre que
l'éducation comme un élément constitutif du capital
humain, la santé n'est pas en reste. C'est un élément
essentiel du bien être. Un individu bien portant est
économiquement plus productif et peut alors contribuer à la
maximisation du revenu national. La nutrition et l'eau potable sont
généralement considérées comme les
déterminants majeurs de l'état de santé des individus.
L'eau et la nourriture sont nécessaires à la satisfaction des
besoins physiologiques fondamentaux de l'être. La satisfaction des
besoins physiologiques occupe la première place dans l'échelle
des besoins tel que définit par Maslow11(*).
Les pauvres ont très peu de chance de vivre dans les
quartiers non exposés. Pour les populations pauvres, il est difficile
d'accéder à un habitat de qualité surtout en milieu urbain
au regard des coûts de terrain et des prix de matériaux de
construction élevés. En effet, les logements urbains de
qualité sont à des loyers élevés à telle
enseigne que les pauvres des zones urbaines doivent se résoudre à
vivre dans des bidonvilles, où les infrastructures de l'eau et de
l'assainissement sont insuffisantes et où ils vivent dans des conditions
de surpopulation et d'insatiabilité (Bloom et Khanna, 2007).
Cette situation s'accompagne inéluctablement d'une
carence en infrastructure sanitaire : toilette, voirie, système
d'évacuation des eaux usées. Dans de tels quartiers
prolifèrent des délinquants. Un tel environnement ne saurait
être propice à un sain épanouissement de l'enfant, car
comme le pensent certains sociologues, la personnalité d'un individu est
perçue comme le résultat des contraintes et des pressions que la
société exerce sur lui. La pauvreté peut nuire à
l'état de santé et à l'émergence intellectuelle
future des jeunes, limitant ainsi leur potentialité et leur
capacité à être des acteurs de développement
à part entière.
2.2 Définition de la
pauvreté infantile et revue de la littérature
2.2.1 Définition de la
pauvreté infantile
Très souvent, le niveau de vie des enfants est
perçu d'un point de vue monétaire car appréhendé
à partir du niveau de vie du ménage auquel il est
rattaché. L'on considère alors ici un enfant pauvre comme une
personne vivant dans un ménage pauvre et la plupart des études
définissant le profil de pauvreté retient le critère
monétaire.
Cette considération conduit nécessairement
à assimiler l'état des parents à celui des enfants sans
toutefois tenir compte des spécificités des uns et des autres.
L'hypothèse qui apparaît en filigrane ici est l'idée d'une
certaine équirépartition des ressources au sein de la famille et
du ménage. Or les parents sont généralement altruistes et
dans les ménages altruistes, les enfants souffriraient moins de la
pauvreté que les parents. De plus, les parents peuvent déclarer
être pauvres mais sont suffisamment responsables pour alléger les
conséquences sur leurs enfants. La situation inverse peut
également exister. C'est-à-dire que l'irresponsabilité
parentale peut amener les parents à ne point se soucier du
bien-être de l'enfant quand bien même ces parents
bénéficieraient d'un revenu conséquent.
Les pouvoirs publics, les acteurs sociaux, et les institutions
internationales qui s'intéressent à la situation des enfants ont
continuellement besoin d'informations fiables et spécifiques sur la
condition des enfants afin d'évaluer la situation des enfants et de
mener des politiques ciblées pour l'amélioration de leurs
conditions de vie. De ce fait, la pauvreté d'un enfant, même si
elle est étroitement liée à la situation du ménage
auquel il est rattaché, doit s'affranchir de la pauvreté de ce
ménage. Ainsi, la pauvreté infantile apparaît beaucoup plus
comme un phénomène multidimensionnelle et doit s'analyser du
point de vue des privations. En effet, comme le dit Asselin (2005), un enfant
de huit ans qui ne va pas à l'école est individuellement pauvre
même s'il vit dans un ménage monétairement non
pauvre : il est privé d'un bien essentiel qui est
l'éducation.
Qu'en est il des enfants de la rue ? Les enquêtes
statistiques très souvent ne prennent pas en compte les enfants de la
rue. Mais intègrent quelquefois les enfants dans la rue. La distinction
que l'on fait entre un enfant de la rue et un enfant dans la rue est la
suivante : un enfant de la rue est un enfant qui ne vit dans aucun
ménage alors qu'un enfant dans la rue est un enfant qui bien que passant
la majeure partie de son temps dans la rue, dort dans un ménage.
L'UNICEF (2005), considère que les enfants vivant dans
la pauvreté sont privés des ressources dont ils ont besoin sur
les plans matériels, spirituel et affectif pour survivre, se
développer et s'épanouir, ce qui les empêche de jouir de
leurs droits, de donner la pleine mesure de leurs capacités ou de
participer à la vie de la société en tant que membres
à part entière et à part égale.
2.2.2 Revue de la
littérature
Les études portant sur la pauvreté des enfants
sont non seulement en nombre très réduit mais sont aussi
relativement récentes. Elles sont régulièrement
réalisées sous un angle purement monétaire dans les pays
occidentaux : États-Unis, Grande Bretagne, Canada, France, etc.
Avec une plus grande fréquence dans les pays anglo-saxons.
En Afrique, la littérature sur la mesure et l'analyse
de la pauvreté infantile sous l'angle des privations reste peu fournie.
La première étude sur la question fut celle de Gordon et al
(2003). Toutefois, de nombreux travaux relatifs aux enfants se sont
plutôt intéressés à l'analyse de leur état de
santé en général et aux déterminants de la
malnutrition des enfants. Djoke Kossi a répertorié les travaux
suivants : Asenso-Okyere et al (2004) pour le Ghana, Charasse (1999),
Maluccio et al (2001) et Maitra et Ray (2004) pour le cas de l'Afrique du Sud,
Hoddinott et Kinsey (2001) pour le cas du Zimbabwé, Lachaud (2001) pour
le cas du Burkina Faso, Fambon S. (2004) pour le cas du Cameroun, Vodounou et
al (2004) pour le cas du Benin, Glewwe (1999) pour le cas du Maroc, etc.
Du point de vue multidimensionnelle et en tenant compte des
privations auxquelles font face les enfants, les travaux sont presque
inexistant et se réduisent aux travaux de Djoke et al (2006) sur
« le profil de pauvreté infantile dans les pays de
l'UEMOA : une analyse comparative basée sur l'approche
multidimensionnelle de la pauvreté ». De cette
étude, il ressort que plus d'un enfant sur cinq est pauvre dans la zone
UEMOA avec une incidence plus élevée au Niger où 49,7 %
des enfants subissent le phénomène de pauvreté. Quenum B.
(2007) s'est penché sur la « Pauvreté
infantile dans le contexte du phénomène de la traite des enfants
au Bénin : une analyse comparative basée sur l'approche
multidimensionnelle de la pauvreté ». Cette étude
met un accent particulier sur le travail des enfants, quand nous savons que le
Bénin a très souvent été désigné par
la communauté internationale, notamment par l'Organisation
Internationale de Travail (OIT), comme la plaque tournante du trafic des
enfants dans la région CEDEAO.
Notons qu'une telle étude à notre connaissance
n'existe pas encore dans le cas du Cameroun. Toutes les études
suscitées, dans leur approche de la problématique de la
pauvreté infantile, procèdent à la définition d'un
seuil de pauvreté en construisant au préalable un indice
composite de pauvreté.
2.3 Approche conceptuelle
d'un indicateur de mesure
De plus en plus, l'approche unidimensionnelle de la
pauvreté basée sur l'adoption du revenu comme seul indicateur de
bien-être cède la place à l'approche multidimensionnelle
qui fait désormais l'unanimité chez les économistes.
Puisque depuis quelques années, un consensus s'est dégagé
pour montrer, sur le plan conceptuel, que la pauvreté est un
phénomène multidimensionnel (Ayadi et al, 2007). L'analyse de la
pauvreté dans une perspective multidimensionnelle peut se faire de deux
manières.
Premièrement, le statisticien peut utiliser la
méthode des scores privatifs qui consiste à attribuer pour chaque
composante de l'indicateur, un score de privation reflétant le niveau de
vie du ménage. L'argumentaire avancé ici est que, la
pauvreté des conditions d'existence est un manque (privation) global
d'éléments de bien-être. Le score maximum correspond
à un niveau de privation élevé tandis qu'un score nul
signifie, au contraire une absence de carence. Deux principales approches
permettent d'attribuer les scores aux catégories.
La première approche est utilisée lorsque les
variables possèdent plusieurs catégories pouvant être
classées suivant un ordre jugé croissant de bien-être. On
retient par conséquent cette méthode de construction
proposée par Lollivier et Verger qui recommandent de quantifier les
catégories de la façon suivante. Les modalités des
différentes composantes de l'indicateur sont affectées des scores
0, 1, 2,... suivant que celles-ci reflètent un niveau de privation
croissante ou non. Le tableau 1 présente un exemple d'attribution de
score.
Tableau 3 :
Exemple d'attribution des scores
Caractéristique de l'Habitat
|
Score
|
Approvisionnement en eau
|
|
Robinet intérieur
|
0
|
Borne fontaine/pompe
|
1
|
Puit
|
2
|
Electricité
|
|
Oui
|
0
|
Non
|
1
|
Toilette
|
|
Personnel
|
0
|
En commun
|
1
|
Latrines
|
2
|
Sans toilettes/autres
|
3
|
Source : INS (2002)
Cette méthode a été utilisée dans
une étude de l'INS (2002) à partir des données de l'ECAM
2, des scores privatifs ont été calculés pour
apprécier les conditions d'existence du ménage. Selon cette
approche, 40 % des ménages (soit 37 % des individus) essentiellement des
ruraux ou des exploitants agricoles, ne disposent pas de 12 des 14
commodités fondamentales.
La seconde, développée par l'INSEE et qui se
veut objective, attribue à chaque ménage ne possédant pas
un bien, le pourcentage des ménages qui le possèdent. Par
exemple, si 65% de ménages possèdent une
télévision, ceux-ci auront un score de privation de 0 tandis que
les ménages qui ne la possèdent pas (35%) auront un score de 65.
Cette approche tend à donner un poids très grand aux biens de
première nécessité possédés par la
majorité des ménages, tandis que les biens de luxe
possédés par la minorité auront des scores de privation
bas. Cependant, cette méthode est indiquée lorsque les
composantes de l'indicateur sont des variables dichotomiques. Cette
méthode est très critiquée pour ce qu'elle laisse une
très grande place à la subjectivité. L'attribution des
scores et la fixation du seuil de pauvreté se font
généralement arbitrairement. L'ordre de priorité dans la
classification des modalités liées à une variable
donnée est entièrement déterminé par les choix de
l'analyste.
Deuxièmement, la méthode de conception d'un
indice composite de pauvreté basée sur les techniques d'analyses
multidimensionnelles, encore appelées analyses factorielles. Ces
techniques permettent de construire un indicateur dont les pondérations
contenues dans la forme fonctionnelle de l'indicateur sont les moins
arbitraires possibles. Le principal avantage de cette méthode par
rapport à la précédente est donc qu'elle élimine le
caractère arbitraire de l'attribution des scores. Ainsi, elle laisse peu
de place à la subjectivité. Cette approche est dite approche
d'inertie car elle tire son origine de la mécanique statique. Elle
utilise les techniques d'Analyse des Correspondances Multiples (ACM) dans le
cas d'un tableau d'individus caractérisés essentiellement par des
variables qualitatives.
La méthodologie de conception de notre indicateur sera
basée sur cette deuxième approche.
2.3.1 Méthodologie de
conception d'un Indicateur Composite de Pauvreté (ICP)
L'indicateur composite de pauvreté que nous
présentons ici est l'indicateur le plus répandu dans la
littérature concernant la mesure multidimensionnelle de la
pauvreté dans le cas des pays africains. Cet indice a été
utilisé pour la mesure et l'analyse de la pauvreté non
monétaire dans les pays tels que la Tunisie (Ayadi et al, 2007), le
Cameroun (Foko et al, 2007), le Sénégal (Ki et al, 2005) et dans
l'analyse de la pauvreté non monétaire chez les enfants au
Bénin (Quenum, 2007), dans l'UEMOA (Djoke et al, 2006).
La construction de cet indice passe par la sélection et
la définition des variables matérialisant les fonctionnements des
enfants. Nous nous accommoderons dans la mesure du possible de suivre les
prescriptions de l'UNICEF dans le choix des variables matérialisant les
fonctionnements des enfants. Pour l'UNICEF (2003), les principales dimensions
et indicateurs utilisés dans la perception de la pauvreté
infantile sont les suivantes :
- Le logement : enfant vivant dans une habitation avec
cinq personnes ou plus et sans revêtement ;
- Les installations sanitaires : enfant qui n'a pas
accès à des toilettes quelles qu'elles soient ;
- L'eau potable : enfant utilisant des eaux de surface
(rivières, mares, ruisseaux et rétentions de barrages), ou
à qui il faut un minimum d'une demie heure pour allé chercher de
l'eau et revenir ;
- L'information : enfant n'ayant pas accès
à une radio, une télévision, un téléphone,
un journal ou un ordinateur (toute forme de médias) ;
- La nourriture : enfant qui se situe à plus de
trois écarts-types au dessous de la population internationale de
référence pour leur taille par rapport à leur âge,
leur taille par rapport à leur poids, et leur poids par rapport à
leur âge. C'est également connu sous le nom de dénutrition
anthropométrique sévère ;
- L'éducation : enfant d'âge scolaire qui
n'est jamais allés à l'école ou qui n'y vont pas
actuellement ;
- La santé : enfant qui n'a reçu aucune
vaccination, et aucun traitement contre une maladie récente mettant en
jeu une infection respiratoire aiguë ou des diarrhées.
En se basant sur la présentation faite par Asselin
(2002), nous construisons un indice composite de pauvreté pour les
enfants. L'idée est de résumer l'information apportée par
les variables du tableau 2 caractérisant un enfant en un seul indicateur. Notonsla valeur de l'indicateur composite pour l'individu. Cet indice s'écrit sous la forme générale
suivante :
. Où est l'indicateur primaire avec pour l'enfant. est le poids attribué à l'indicateur dans le calcul de l'indice composite .
La sélection des variables figure des variables aux
modalités binaires (1 si l'enfant possède la modalité et 0
sinon) et des variables ordinales et/ou multinomiale admettant plus de deux
modalités. Afin d'harmoniser la nature des variables utilisées,
il est nécessaire de transformer les variables multinomiales en
variables binaires.
L'indice composite devient alors :
Avec :
: Nombre de variable primaires ;
: Nombre de modalités de la variable primaire ;
: Le poids (score) accordé à la modalité ;
: Une variable binaire prenant la valeur 1 lorsque l'individu a la modalité et 0 sinon.
Le souci majeur ici étant de limiter la
subjectivité dans l'attribution des scores, il convient alors de trouver
une méthode appropriée pour la définition des poids
accordés aux modalités. La littérature à cet effet est prolifique en
méthodes. Ces méthodes sont intimement liées à la
nature des variables : les techniques d'ACP (Analyse en Composante
Principale) mises en oeuvre pour les variables quantitatives ont
été utilisées par Filmer et Pritchett (1998), puis les
techniques d'ACM (Analyse des Correspondances Multiples) que nous utiliserons
et qui ont été présentées par Asselin (2002). Elles
se prêtent mieux aux analyses multidimensionnelles sur variables
qualitatives.
L'ACM s'applique sur un tableau comportant individus en ligne et variables en colonne. Chaque individu ou unité de la population
peut être représenté par un vecteur ligne de dimension. Ensuite, ce tableau est transformé en un tableau
dit « tableau disjonctif complet » dans
lequel chaque colonne de variable est
« disjonctée » en autant de colonnes que de
modalités. Pour chaque individu, l'occurrence d'une modalité est
codée par 1, les autres modalités étant codée par
0. Ce tableau abouti par transformation au tableau de Burt qui est un tableau
croisant toutes les variables et toutes les modalités présentes.
L'ACM recherche un sous espace optimal dans lequel on peut dépister des
liaisons entre variables, entre individus ou entre individus et variables. La
recherche de ce sous espace optimal passe par la maximisation de l'inertie du
nuage de point.
Soit l'inertie total du nuage de points formé par le tableau des
données. On a :
L'inertie totale du nuage est mesurée par des valeurs propres auxquelles sont
associées des vecteurs propres. Le premier vecteur propre auquel est
associée la première valeur propre définit l'axe en
direction duquel l'étalement du nuage de point est maximal. Sur le
premier axe factoriel issu de la projection du nuage des points variables,
chaque modalité a une coordonnée factorielle. C'est le score
recherché. De l'ACM, on obtient des pondérations qui
correspondent aux scores normalisés sur le premier axe factoriel. La
valeur de l'indice composite pour chaque individu correspond tout simplement à la moyenne des scores
normalisés des modalités. Le poids d'une modalité est la
moyenne des scores normalisés des individus ayant cette modalité.
Toutes les modalités des variables étant
transformées en indicateurs binaires (0/1), donnant au total indicateurs binaires, l'ICP pour un individu donné peut encore s'écrire :
. Où est le poids de la modalité et est un indicateur binaire prenant la valeur 1 si l'individu a la
modalité et 0 sinon.
2.3.2 Détermination des
classes et du seuil de pauvreté des conditions de vie
2.3.2.1 Classes de pauvreté des conditions de
vie
En utilisant une Classification Ascendante Hiérarchique
(CAH) des enfants le long du premier axe factoriel, on peut constituer les
classes d'enfants aussi homogènes que possible du point de vue du niveau
de leur bien-être. Les groupes d'enfant sont alors constitués de
telle sorte que les enfants ayant les conditions de vie les plus
précaires se trouvent dans le premier quintile dit quintile le plus
pauvre et les enfants présentant un état de bien-être
absolu se trouvent dans le quatrième quintile dit quintile le plus
riche.
2.3.2.2 Seuil de pauvreté
L'objectif ici est de définir un seuil de l'indice
composite en dessous duquel un individu peut être considéré
comme pauvre et au-delà duquel il est considéré comme non
pauvre. Pour ce faire, nous utiliserons deux approches
différentes : une première approche arbitraire et une
deuxième approche non arbitraire.
La première approche consiste à choisir un
enfant de référence qui a accès à un niveau de
bien-être qu'on peut juger souhaitable pour atteindre une certaine
qualité de vie. Cet enfant de référence pourra être
un enfant en situation de privation modérée et ayant accès
à un sous-ensemble de commodités de base.
La deuxième approche bien plus objective consiste en
une classification des enfants en deux classes à partir d'une CAH. A
partir de cette CAH, on obtient le poids de la classe des pauvres et le poids de la classe des non pauvres. Le seuil de pauvreté non monétaire est alors
déterminé de la façon suivante :
Où :
est la valeur maximale de l'indice dans la classe des pauvres ;
est la valeur minimale de l'indice dans la classe des non pauvres.
Une fois le seuil de pauvreté déterminé,
on peut calculer les indices de pauvreté standard en utilisant la
méthode suggérée par Foster, Green et Thorbecke dont la
formulation est la suivante :
; Où désigne le seuil de pauvreté, le nombre d'individus dans la population, le nombre de pauvre, est un paramètre exprimant l'aversion à
l'inégalité en matière de pauvreté.
Pour , l'indice exprime l'incidence de pauvreté ou encore l'ampleur de
la pauvreté. C'est le rapport entre le nombre de ménages ou
d'individus pauvres et le nombre total de ménages ou d'individus. C'est
tout simplement la proportion des ménages vivant en dessous du seuil de
pauvreté. Cependant l'incidence ne prend pas en compte la position des
individus par rapport à la ligne de pauvreté.
Pour , l'indice exprime la profondeur de la pauvreté ou encore son
intensité. C'est l'écart proportionnel moyen de revenu par
rapport à la ligne de pauvreté des ménages pauvres ou
encore la moyenne des différences entre les revenus des ménages
pauvres et la ligne de pauvreté. En fait c'est le montant de revenus
lorsque l'indicateur est monétaire, à transférer aux
ménages pauvres pour éradiquer complètement la
pauvreté. Cet indicateur ne tient pas compte des
inégalités entre pauvres.
Pour , l'indice exprime le caractère sévère de la
pauvreté et tient compte de l'inégalité de bien-être
parmi les pauvres. En effet, l'indice mesure la distance entre les revenus des
ménages pauvres et la ligne de pauvreté.
Un transfert de revenu entre pauvres ne change pas l'incidence
et l'intensité de la pauvreté car le nombre de pauvre reste
inchangé et l'écart proportionnel moyen ne change pas. Par contre
ce transfert modifie la sévérité de la pauvreté qui
diminue si le transfert part des moins pauvres vers les plus pauvres.
La construction de l'ICP, la formation des classes de
pauvreté et le calcul de seuil de pauvreté nous permettront de
procéder à la définition du profil de pauvreté
infantile et de rechercher quels peuvent être les déterminants de
la pauvreté infantile.
PARTIE II
APPROCHE EMPIRIQUE
ET
ANALYSE DES DONNEES
Cette seconde partie est constituée de deux chapitres
entièrement axés sur un travail empirique destinés aux
analyses s'articulant autour d'un indicateur multidimensionnel sensé
mesurer la diversité des conditions de vie des enfants au Cameroun. Le
chapitre trois est destiné au calcul de l'ICP pour chaque individu et
à la détermination du seuil de pauvreté infantile. Le
chapitre quatre quant à lui vise à déterminer les facteurs
de risque de pauvreté infantiles. Facteurs qui seront recherchés
non seulement parmi les différentes variables liées aux parents,
mais aussi parmi les variables liées à l'enfant en particulier
son sexe et la tranche d'âge à laquelle il appartient.
Chapitre 3 :
Profil de pauvreté
infantile : une approche descriptive
Il est question dans le présent chapitre de calculer
pour chaque individu un Indicateur Composite de Pauvreté (ICP). Une fois
cet indicateur calculé, il nous sera possible de procéder
à une classification ascendante hiérarchique afin de construire
cinq classes relativement homogènes des enfants. Puis il sera question
de déterminer à partir de deux méthodes différentes
existantes dans la littérature, deux seuils de pauvreté. La
première méthode est celle utilisant un certain nombre de
commodités de base auxquels devrait avoir accès un enfant, et la
deuxième est celle qui utilise le poids des classes d'une partition en
deux groupes issues d'une classification ascendante hiérarchique.
Les données utilisées dans le cadre de ce
travail sont issues de l'enquête MICS-III (Multiple Indicator Cluster
Survey) réalisée par l'INS bénéficiant de l'appui
du Fonds des nations Unies pour l'Enfance. C'est la deuxième
enquête de ce type à être réalisée au
Cameroun, après celle de deuxième génération
(MICS-II) réalisée en 2000. La MICS-III est une opération
statistique d'envergure nationale et elle s'inscrit dans le cadre mondial du
suivi et de l'évaluation de la situation des femmes et des enfants.
Cette enquête par grappes a pour but de fournir aux différents
partenaires au développement impliqués des informations
pertinentes pour la mesure des progrès réalisés vers
l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD) en général et ceux relatifs à la situation de
l'enfant et de la femme en particulier.
3.1 Profil de
pauvreté infantile
La base de données MICS-III
ne fournit pas les données sur la nutrition et la santé. Nous
aurions pu obtenir les données concernant la santé et la
nutrition à partir de l'enquête EDS (Enquête
Démographique et Santé) qui est malheureusement inaccessible. Aux
différentes dimensions énoncées au paragraphe 2.2.1, nous
ajouterons une autre dimension liée au plan affectif en prenant en
compte le fait que le père ou la mère biologique soit encore ou
non vivant. Nous allons grâce à une ACM, procéder à
une sélection des variables qui discriminent le mieux les pauvres et les
non pauvres. Cette sélection se fera suivant trois principaux
critères, à savoir :
- Le nombre important de non réponses ou de valeurs
manquantes. Les variables présentant un nombre important de non
réponses et / ou de valeurs manquantes sont éliminées.
- La contribution de la variable à la définition
du premier axe qui est l'axe au pouvoir discriminant le plus
élevé. En effet, puisque nous souhaitons interpréter le
premier axe comme un axe de pauvreté, il est important de ne retenir que
les variables qui contribuent le plus à sa formation.
- Enfin, la variable retenue doit vérifier le principe
COPA dit de Consistance12(*) Ordinale sur le Premier Axe. Ce principe stipule que
puisque les variables doivent exprimer le bien-être, il est
nécessaire que ces variables prises individuellement se
dégradent ou s'améliorent lorsqu'on se déplace le long du
premier axe.
Pour que l'ICP soit un indicateur robuste et pertinent pour la
mesure de la pauvreté, il est important que le premier axe factoriel
résume une grande part de l'information contenue dans les
données. La littérature ne définit pas expressément
le niveau que doit atteindre le pourcentage d'information sur le premier axe,
toutefois, l'INS dans la définition du profil de pauvreté non
monétaire des ménages utilise une ACP (Analyse en Composantes
Principales) et estime qu'un pouvoir discriminant du premier axe
supérieur à 10 % est acceptable. Borel Foko et al (2007) ont
obtenu 17 % de l'inertie globale restituée par le premier axe.
3.1.1 Sélection des variables et interprétation
des résultats de l'ACM
Les différentes dimensions de pauvreté telles
que présentées dans le tableau 2 se décomposent dans notre
base de données en 26 variables pour un total de 77 modalités.
Tableau 4 :
Dimension de pauvreté
Dimension
|
Indicateurs
|
Sources de données
|
Education
|
Fréquentation de l'école au moins une fois dans
la vie, fréquentation de l'école l'année
précédent l'année d'enquête, fréquentation
actuelle de l'école
|
MICS-III: Question:ED2, ED4, ED7
|
Eau potable
|
Principale source d'eau potable, temps mis pour aller chercher
de l'eau potable, distance du domicile à la source d'eau potable
|
MICS-III: Question:WS1, WS , WS3, WS3A, WS5
|
Sanitaire
|
Existence et type de toilettes utilisées
|
MICS-III: Question: WS7
|
Logement
|
Indice de peuplement du logement Nature du mur nature du
sol Nature du toit
|
MICS-III: Question: HC3, HC4, HC5
|
Information
|
Electricité, poste radio, téléviseur,
ordinateur, téléphone portable, téléphone fixe,
|
MICS-III: Question HC9,
|
Source : D'après MICS-III (2006)
Après avoir réalisé une première
ACM sur les données, nous sommes amené à exclure certaines
variables, soit parce qu'elles ne respectent pas le principe COPA, soit parce
qu'elles contribuent très faiblement à la formation du premier
axe. Pour cette première ACM, le premier axe restitue 19,79 % de
l'inertie globale contre 8,65 % pour le second.
Enfin, les variables restantes remplissent toutes les
conditions pour être retenues dans la construction de l'ICP. Le principe
COPA est respecté par toutes les variables, la contribution de chacune
de ces variables à la formation du premier axe est relativement bonne.
Le premier axe restitue 26,21 % de l'inertie globale contre 10,61 % pour le
second. Le tableau 13 en annexe présente les scores et les contributions
de ces variables restantes sur les deux premiers axes.
Graphique
1 : Nuage des points variables issue de l'ACM sur les variables
nominales actives retenues.
Source : D'après MICS-III (2006)
Le
premier axe discrimine bien les variables retenues pour la construction de
l'ICP. En effet, comme nous pouvons observer sur le graphique 1, les points
modalités de couleur rouge situés à gauche traduisent les
privations. Alors que les points modalités de couleur bleue
situés à droite traduisent l'état de richesse.
Graphique 2 :
Aperçu de la répartition des modalités suivant les axes
factoriels
|
Axe 2 - 10, 61 %
|
|
|
|
|
|
Ciment/marbre
|
|
|
|
Eau embouteillée
|
|
|
|
Toilette à chasse
|
|
|
Eau de puit
|
Eau potable
|
|
N'a pas fréquenté en 2004-2005
|
Eau de robinet/borne fontaine
|
L'enfant n'a pas fréquenté
|
Electricité
|
|
Aucun niveau d'instruction
|
Radio
|
|
Pas de toilette
|
|
|
|
Eau de surface
|
Fréquenté au moins une fois
|
Axe 1 - 26,21 %
|
Eau de pluie
|
Fréquenté en 2005-2006
|
|
Latrine à fosse/trou
|
Fréquenté en 2004-2005
|
|
Matériau naturel
|
Matériau fini
|
|
Pas de téléviseur
|
Tôle/ciment
|
|
Pas d'électricité
|
|
|
|
Pas de radio
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : MICS-III
(2006)
Globalement, si le premier axe discrimine entre pauvres et non
pauvres, le second axe introduit pour sa part une certaine
hiérarchisation tant dans une situation de pauvreté que dans une
situation de bien-être. Si le graphique 1 nous montre les
modalités exprimant le bien être, représentées
à droite et celles exprimant un état de privation
représentées à gauche, le cadran inférieur gauche
du graphique 2 présente des modalités caractérisant un
état de privation absolu.
Les ménages ayant ces modalités sont ceux des
ménages dans lesquels les enfants n'ont accès ni à un
téléviseur, ni à un poste radio, il n'y a pas
d'électricité, les enfants boivent l'eau du puit et utilisent
pour des travaux ménagers des eaux de surface. Le cadran
inférieur droit est caractéristique des ménages dans
lesquels les enfants vivent une situation de bien être que l'on pourrait
qualifier de modérée. Le toit est en tôle, le sol et les
murs sont en matériau fini. Le cadran supérieur droit
présente une situation de bien-être absolu. Les enfants vivant
dans des ménages ayant ces modalités boivent de l'eau
embouteillée, utilisent pour leur besoin des toilettes à chasse,
ont à leur disposition des ordinateurs, les éléments de
confort sont légion.
Graphique 3 :
Nuage des points individus issu de l'ACM
Source : MICS-III (2006)
Chaque point de ce nuage représente un enfant. On
remarque un fort étalement le long de l'axe horizontal et une forte
concentration des enfants autour de cet axe. On peut alors, dire que ce nuage
de point est pratiquement unidimensionnel.
3.1.2 Calcul de l'ICP et
détermination des classes de pauvreté
L'indicateur calculé pour chaque enfant présente
les caractéristiques suivantes :
Tableau 5 :
Caractéristiques statistiques de l'ICP
Caractéristiques statistiques de
l'ICP
|
Moyenne
|
Médiane
|
Minimum
|
Maximum
|
Ecart-type
|
-0,0408
|
-0,0582
|
-0,779
|
0,727
|
0,3515
|
Source : MICS-III,(2006)
Il se dégage de ce tableau que près de la
moitié des enfants présente un indicateur de niveau de vie
inférieur ou égal à -0,0582 (la médiane). La valeur
relativement élevée de l'écart-type montre que la
distribution de cet indicateur de niveau de vie est très
dispersée autour de la moyenne. Toutefois, du fait que la moyenne soit
supérieure à la médiane, on a que, la majorité des
enfants ont un indicateur de niveau de vie inférieur à la
moyenne.
L'Indicateur Composite de Pauvreté tel que
calculé ici ordonne les enfants selon le niveau de vie. Plus l'ICP
croît vers sa valeur maximale (0,727), plus les conditions d'existence
s'améliorent et l'enfant a de plus en plus accès à un
certain nombre de commodités qui améliorent son quotidien.
La répartition des enfants en classes permet d'avoir
des sous groupes relativement homogènes du point de vue du bien
être. Les classes sont obtenues à partir d'une classification
hiérarchique sur le premier axe de l'ACM.
Tableau 6 :
Statistiques descriptives de l'ICP par classe.
Paramètres statistiques
|
Classe de pauvreté infantile selon
l'ICP
|
Très pauvres
|
Pauvres
|
Intermédiaires inférieurs
|
Intermédiaires supérieurs
|
Riches
|
Limite inférieure
|
-0,78
|
-0,43
|
-0,1
|
0,21
|
0,51
|
Limite supérieure
|
-0,43
|
-0,1
|
0,21
|
0,51
|
0,73
|
Moyenne
|
-0,57
|
-0,24
|
0,05
|
0,35
|
0,60
|
Ecart type
|
0,09
|
0,09
|
0,04
|
0,08
|
0,06
|
Médiane
|
-0,56
|
-0,24
|
0,08
|
0,35
|
0,60
|
Mode
|
-0,71
|
-0,12
|
0,09
|
0,46
|
0,67
|
Source : MICS-III, (2006)
L'ICP en tant qu'indicateur de pauvreté devrait pouvoir
présenter des niveaux de privation de plus en plus élevés
lorsqu'on se déplace de la classe « Très
pauvre » vers la classe « Riche ». La
première classe est celle des enfants les plus pauvres. Ces derniers
peuvent être considérés comme étant en situation
d'extrême pauvreté du point de vue des privations. Ils sont par
exemple dans cette catégorie 61,6 % (tableau 7) des enfants à
n'avoir jamais été à l'école. Sur dix enfants de
cette classe, seulement deux enfants ont été à
l'école au cours de l'année 2004/2005 et trois enfants l'on
été en 2005/2006 (tableau 7).
Les enfants de la première classe sont très
vulnérables car vivant pour la plupart dans des conditions de
promiscuité et de précarité très poussée.
Pendant que les enfants de la classe très pauvre vivent pour la plupart
dans des ménages ne disposant pas de toilettes, ceux de la
deuxième et de la troisième classe vivent dans des ménages
qui partagent les toilettes avec d'autres ménages. Les sols et les murs
des maisons sont généralement en matériau rudimentaire ou
en matériau naturel. Les toilettes lorsqu'elles existent sont
partagées par plusieurs ménages.
Sur dix enfants dans la classe des enfants subissant une
extrême pauvreté, un seul a accès au quotidien à
l'eau du robinet pour s'abreuver. L'eau qu'ils boivent provient
généralement des puits non protégés et des
rivières. Ce qui les expose aux maladies du péril fécal
avec les risques élevés d'épidémie, de
choléra et d'hépatite. Cela est d'autant plus grave que plus de
90 % de ménages dans lesquels vivent ces enfants déclarent ne
jamais traiter de l'eau avant la consommation.
Tableau 7 :
Pourcentage des enfants n'ayant pas accès à certaines
commodités de base suivant la classe d'appartenance
|
Classe
|
|
Très pauvre
|
Pauvre
|
Intermédiaire inférieur
|
Intermédiaire supérieur
|
Riche
|
|
|
|
|
|
|
Ne sont jamais allé à l'école
|
61,6
|
10,8
|
4,9
|
1,6
|
0,2
|
N'ont pas fréquenté durant l'année
2005/2006
|
55,2
|
30,3
|
10,9
|
3,5
|
0,1
|
N'ont pas fréquenté durant l'année
2004/2005
|
50,6
|
32,6
|
12,5
|
4,3
|
0,1
|
L'eau de boisson provient d'un robinet
|
10,7
|
23,3
|
27,5
|
26,6
|
11,9
|
Ne traite pas de l'eau avant de boire
|
92,3
|
93,2
|
90,8
|
87,6
|
78,6
|
Ne possède pas de toilette
|
67,8
|
29,6
|
2,7
|
0,0
|
0,0
|
Pas d'électricité
|
27,9
|
51,7
|
19,3
|
1,1
|
0,0
|
Pas de poste radio
|
29,2
|
46,4
|
19,5
|
4,5
|
0,4
|
Ne possède pas de radio
|
65,0
|
50,4
|
24,3
|
7,9
|
1,7
|
Ne possède pas de téléviseur
|
100,0
|
98,3
|
75,8
|
16,3
|
0,6
|
Ne possède pas d'ordinateur
|
100,0
|
99,9
|
100,0
|
97,9
|
83,5
|
Source : MICS-III, (2006)
À cette première classe des enfants les plus
pauvres, s'oppose la classe des enfants les plus riches. Ceux-ci sont quasiment
à l'abri du besoin. Ils ne sont que 12 % des enfants appartenant
à cette classe à boire de l'eau du robinet. Cependant, c'est dans
cette catégorie que se recrute la totalité des enfants qui
boivent de l'eau embouteillée. Aussi, on note ici une forte proportion
de ménages qui ne traitent pas de l'eau avant consommation. C'est de
bonne guerre car ils n'en ont pas besoin, puisqu'ils consomment de l'eau du
robinet et de l'eau embouteillée.
En réalité, ces enfants ne manquent de rien.
Ceci peut s'observer en regardant la dernière colonne du tableau 7
ci-dessus. Les enfants appartenant à la classe le plus riche
bénéficient d'un cadre de vie des plus agréables. Ils
vivent dans des maisons construites à partir des matériaux
modernes et électrifiés, Sont pratiquement tous
scolarisés, et ont presque tous accès aux médias et aux
outils de communication modernes.
Entre la classe la plus pauvre et la classe la plus riche,
nous avons d'une part la classe pauvre qui tend à se rapprocher du point
de vue des conditions de vie de la classe des plus pauvres et la classe
intermédiaire supérieure qui tend à être plus proche
de la classe la plus riche d'autre part.
Entre la classe pauvre et la classe intermédiaire
supérieure, on a la troisième classe (intermédiaire
inférieure). Dans cette classe, on retrouve des enfants aux conditions
de vie modérées. Ils se situent autour du seuil de
pauvreté et oscillent entre pauvres et non pauvres.
3.2 Calcul du seuil de
pauvreté infantile et comparaison avec la population globale
3.2.1 Calcul des seuils de
pauvreté
Nous allons calculer le seuil de pauvreté infantile
dans un premier temps à partir des commodités de base auxquelles
devrait avoir accès un enfant, et en suite nous calculerons ce
même seuil à partir des poids des classes issues d'une
classification ascendante hiérarchique en deux classes.
· Á partir des commodités de
base ;
Pour calculer le seuil de pauvreté, il convient de
définir les commodités de base d'un enfant (enfant de
référence) qui aurait accès à un niveau de
bien-être qu'on peut juger souhaitable pour atteindre une certaine
qualité de vie.
Tableau 8 :
Commodités de base auxquelles a accès un enfant de
référence.
Fréquenté actuellement (2005-2006)
|
Avoir fréquenté au moins une fois dans sa vie:
enfant [15-17]
|
Avoir fréquenté en 2004-2005
|
Logement électrifié
Sol cimenté
|
Mur en semi dur
|
Boire l'eau du robinet
|
Utiliser pour les travaux ménagers au moins l'eau d'un
puit protégé
|
La maison doit disposer d'un toit en tôle
|
Les toilettes doivent au moins être une fosse/trou
couvert
|
Un parent doit avoir fait au moins des études primaires
|
Eau potable disponible à moins d'une demie heure
|
Disposer d'au moins radio/téléviseur
|
Source : UNICEF (2003), Foko et al (2007)
L'ICP calculé dans ces conditions nous donne un seuil
de référence égal à 0,0717. Tous les enfants
ayant un ICP inférieur à ce seuil de référence sont
alors considérés comme pauvres car ils sont privés de
commodités de base. Ceux ayant un ICP supérieur ou égal
à ce seuil sont considérés comme non pauvres.
L'incidence de pauvreté au niveau national
calculée à partir de ce seuil s'élève à 62,4
%. Ainsi, un peu plus de six enfants sur dix sont privés des
commodités de base.
· Á partir des poids issues d'une Classification
Ascendante Hiérarchique;
La CAH donne un poids de la classe pauvre égal à
73 % et un poids de la classe non pauvre égal à 27 %. En
appliquant la formulation de la section 2.3 du chapitre 2, on obtient un seuil
de l'ICP de 0,2. Ce qui nous donne une incidence de pauvreté de l'ordre
de 73 %. Cette incidence est largement supérieure à celle
calculée précédemment.
3.2.2 Comparaison :
pauvreté infantile et pauvreté dans la population globale
Pour la comparaison entre la pauvreté non
monétaire infantile et la pauvreté non monétaire dans la
population globale, nous nous appuierons sur la mesure faite par
l'équipe de statisticiens dirigée par M. Foko Tagne en 2007,
à partir des données d'ECAM 2. Il va sans dire que les
Enquêtes MICS et ECAM étant toutes deux différentes du
point de vue de leurs objectifs d'une part et de leur méthodologie
d'autre part posent le problème de comparabilité des
résultats. Toutefois, nous pouvons envisager une comparaison pour
apprécier les tendances générales au niveau national,
régional et provincial. Les comparaisons se feront en utilisant les
seuils calculés à partir de la méthode des
commodités de base. Puisque c'est cette méthode qu'a
utilisée cette équipe.
Les données portant sur la pauvreté
monétaire sont celles d'ECAM 2 calculées par l'INS.
Tableau 9 :
Pauvreté monétaire et non monétaire chez les enfants et
dans la population globale13(*)
|
Pauvreté non monétaire14(*)
|
Approche revenue
|
|
5 - 17 ans
|
Population
|
5 - 17 ans
|
Population
|
urbain
|
32,55
|
25,1
|
26,8
|
12,3
|
Sémi-urbain
|
/
|
62
|
27,3
|
22,9
|
Rural
|
85,6
|
96
|
61,6
|
41,8
|
Total
|
62,4
|
68
|
38,6
|
40,2
|
Source : ECAM 2, Foko et al (2007), MICS-III,
(2006)
Globalement, la pauvreté non monétaire semble
sévir à un degré supérieur à celui de la
pauvreté monétaire. Certains ménages vivant au dessus du
seuil de pauvreté n'ont pas toujours les moyens d'offrir à leurs
membres des conditions de vie décentes, notamment les enfants.
L'évaluation de la pauvreté monétaire accorde une place
importante aux biens alimentaires, or dans un environnement de
solidarité, les populations peuvent consommer sans en acheter, et
même consommer leur propre production (autoconsommation). C'est pour
cette raison qu'une majorité de ménage déclarent des
valeurs de consommation supérieures aux revenus.
Une deuxième composante du seuil de pauvreté
monétaire est une estimation monétaire des services de base
auxquels doivent avoir accès les populations. Ici aussi, il est
fréquent que des personnes aient recours aux proches par exemple pour
des soins de santé. Dans ces conditions, il paraît bien difficile
de trouver des moyens financiers pour s'offrir un poste
téléviseur, un téléphone, une maison dans un
quartier sûr et aménagé. De plus, l'insuffisance des
services sociaux de bases ne contribue pas à améliorer les
conditions de vie des populations. Le réseau d'adduction d'eau potable
est faible : une personne sur deux à accès à l'eau
potable. Seulement 47 % des ménages sur le territoire national
bénéficient de l'électricité, et 33 % des
ménages vont chercher de l'eau à plus de 500 mètres de
leur domicile.
3.3 Incidence de
pauvreté infantile
L'analyse de l'incidence de pauvreté infantile dans
cette section se fera en utilisant concomitamment la subdivision des enfants en
classes de pauvreté, l'incidence calculée à partir des
commodités de base.
Tableau 10 :
Distribution conditionnelle des enfants selon la classe de
pauvreté (%)
|
Très pauvre
|
pauvre
|
intermédiaire inférieure
|
intermédiaire supérieur
|
riche
|
Total
|
Niveau d'instruction du chef de ménage
|
|
|
|
|
Sans niveau
|
41,19
|
42,97
|
13,35
|
2,46
|
0,02
|
100,0
|
Primaire
|
8,13
|
42,85
|
35,45
|
13,25
|
0,33
|
100,0
|
Secondaire et +
|
0,28
|
7,77
|
30,15
|
40,62
|
21,18
|
100,0
|
Niveau d'instruction de la mère
|
|
|
|
|
Sana niveau
|
39,6
|
44,5
|
12,8
|
2,9
|
0,2
|
100,0
|
Primaire
|
5,0
|
37,0
|
40,3
|
16,6
|
1,1
|
100,0
|
Secondaire et +
|
0,1
|
5,1
|
25,8
|
43,3
|
25,7
|
100,0
|
Ethnie du chef de ménage
|
|
|
|
|
Arabe-Choa/Peulh/Haoussa
|
36,1
|
30,8
|
21,1
|
10,0
|
1,9
|
100,0
|
Bui-mandara
|
46,7
|
37,0
|
10,7
|
4,3
|
1,2
|
100,0
|
Adamaoua-Oubangui
|
35,9
|
42,8
|
11,6
|
8,3
|
1,5
|
100,0
|
Bantoides Sud-ouest
|
3,0
|
13,5
|
37,6
|
27,8
|
18,1
|
100,0
|
Bamileke/Bamoun
|
0,6
|
22,3
|
33,0
|
32,5
|
11,6
|
100,0
|
Cotier/Ngoe/Okoro
|
1,9
|
24,9
|
38,7
|
20,7
|
13,8
|
100,0
|
Beti/Bassa/Mbam
|
0,8
|
19,9
|
38,3
|
28,2
|
12,8
|
100,0
|
Kako/Maka/Pygmé
|
7,5
|
41,3
|
32,7
|
14,9
|
3,6
|
100,0
|
Autre groupe ethnique
|
45,9
|
38,8
|
9,0
|
4,9
|
1,5
|
100,0
|
Niveau d'éducation de l'enfant
|
|
|
|
|
Ecole maternelle/CPC
|
4,4
|
23,1
|
30,9
|
29,2
|
12,4
|
100,0
|
Primaire
|
8,4
|
34,3
|
31,6
|
19,4
|
6,4
|
100,0
|
Post-primaire
|
11,5
|
26,9
|
30,8
|
23,1
|
7,7
|
100,0
|
Secondaire
|
1,5
|
12,8
|
29,2
|
37,7
|
18,8
|
100,0
|
Supérieur
|
0,0
|
100,0
|
0,0
|
0,0
|
0,0
|
100,0
|
Ecole coranique
|
20,0
|
40,0
|
40,0
|
0,0
|
0,0
|
100,0
|
Etat matrimonial
|
|
|
|
|
|
Célibataire
|
14,8
|
29,5
|
27,5
|
20,6
|
7,7
|
100,0
|
Marié monogame
|
37,8
|
44,9
|
10,2
|
7,1
|
0,0
|
100,0
|
Marié polygame
|
25,0
|
52,5
|
22,5
|
0,0
|
0,0
|
100,0
|
Divorcé/Séparé
|
42,9
|
50,0
|
0,0
|
7,1
|
0,0
|
100,0
|
Union libre
|
0,0
|
50,0
|
23,3
|
23,3
|
3,3
|
100,0
|
Sexe de l'enfant
|
|
|
|
|
|
Garçon
|
15,3
|
31,8
|
27,8
|
18,6
|
6,6
|
100,0
|
Fille
|
15,1
|
30,6
|
26,6
|
19,8
|
7,8
|
100,0
|
Province + Yaoundé et Douala
|
|
|
|
|
|
Douala
|
0,0
|
2,6
|
24,3
|
42,1
|
31,0
|
100,0
|
Yaoundé
|
0,0
|
2,0
|
16,2
|
47,0
|
34,8
|
100,0
|
Adamaoua
|
26,1
|
37,5
|
18,9
|
12,4
|
5,1
|
100,0
|
Centre
|
1,5
|
34,2
|
47,1
|
15,5
|
1,7
|
100,0
|
Est
|
8,6
|
41,8
|
30,3
|
16,8
|
2,4
|
100,0
|
Extrême Nord
|
53,0
|
32,8
|
9,0
|
3,1
|
2,0
|
100,0
|
Littoral
|
0,9
|
21,2
|
48,2
|
23,0
|
6,7
|
100,0
|
Nord
|
45,0
|
38,3
|
10,5
|
5,7
|
0,4
|
100,0
|
Nord Ouest
|
4,2
|
57,1
|
25,6
|
10,7
|
2,4
|
100,0
|
Ouest
|
1,3
|
36,2
|
32,5
|
25,0
|
5,0
|
100,0
|
Sud
|
1,1
|
15,5
|
45,3
|
33,5
|
4,6
|
100,0
|
Sud Ouest
|
3,2
|
28,1
|
33,8
|
24,9
|
9,9
|
100,0
|
Milieu de résidence
|
|
|
|
|
|
Urbain
|
3,3
|
14,9
|
30,0
|
36,2
|
15,7
|
100,0
|
Rural
|
24,4
|
43,8
|
25,1
|
6,1
|
0,6
|
100,0
|
Age de l'enfant
|
|
|
|
|
|
[5-14]
|
15,3
|
31,9
|
27,4
|
18,5
|
6,9
|
100,0
|
[15-17]
|
14,8
|
28,1
|
26,1
|
22,6
|
8,4
|
100,0
|
Taille du ménage
|
|
|
|
|
|
moins de 3 pers
|
13,6
|
42,9
|
27,8
|
11,4
|
4,2
|
100,0
|
3 - 4 pers
|
12,6
|
37,0
|
28,4
|
16,8
|
5,2
|
100,0
|
5 - 6 pers
|
13,3
|
31,6
|
28,1
|
20,0
|
7,1
|
100,0
|
7 pers et +
|
16,9
|
28,9
|
26,4
|
19,8
|
7,9
|
100,0
|
Source : MICS-III, (2006)
3.3.1 Pauvreté
infantile suivant les provinces et le milieu de résidence
Le Cameroun est administrativement subdivisé en dix
provinces. Cependant les villes de Yaoundé et Douala des provinces du
Centre et du Littoral respectivement, ont été pris
séparément pour éviter d'introduire des biais lors des
comparaisons entre province. Car capital politique et économique du
pays, elles sont les plus peuplées et l'activité
économique y est importante.
Le tableau 10 laisse apparaître trois principales
catégories de province dans la répartition des enfants au sein
des différentes classes de pauvreté.
La première catégorie comprend les villes de
Douala et Yaoundé. Ces deux villes connaissent des taux de
pauvreté respectifs de 12,3 % et 6,6 % (tableau 14 en annexe). Les
enfants y sont concentrés dans les deux dernières classes -
Intermédiaire supérieur et riche - avec 73 % pour Douala et un
peu plus de 80 % pour Yaoundé. Les enfants en situation d'extrême
pauvreté sont rares dans ces villes. Comparativement à d'autres
localités du pays, ces villes sont relativement mieux dotées en
services publics, l'accès à l'eau du robinet et à
l'électricité n'est pas universel mais les populations peuvent se
procurer de l'eau potable et de l'électricité par
l'intermédiaire des voisins connectés sur le réseau . Ces
villes se caractérisent par leur aspect dualiste ; des quartiers
chics et résidentiels d'un côté et des bidonvilles de
l'autre.
Une deuxième catégorie regroupe les provinces du
Centre, du Littoral, du Sud, de l'Ouest, du Sud ouest, du Nord ouest et de
l'Est. Les enfants y sont concentrés dans les classes pauvre et
intermédiaire supérieure. Les provinces du Centre et du Littoral
semblent ne pas bénéficier des effets induits que pourrait
créer l'intense activité dans les villes avoisinantes. Les
populations essentiellement des travailleurs agricoles dans ce groupe de
province ne tirent pas suffisamment de revenus de leur activité pouvant
leur permettre d'accéder à des conditions de vie meilleures, en
effet selon l'enquête ESSI, en 2005, le revenu moyen mensuel dans le
secteur informel agricole était de 11 100 F CFA ; revenu
dérisoire pour assurer des conditions de vie acceptables.
Le troisième groupe de province comprend toutes les
provinces septentrionales, à savoir : l'Adamaoua, le nord et
l'extrême nord. Les enfants de ces provinces se recrutent à plus
de 70 % dans les deux premières classes avec une incidence encore plus
forte pour le Nord et l'extrême nord, respectivement 89,1 % et 88,4 %
d'incidence de pauvreté. Les populations de ces provinces les plus au
nord du pays sont connues pour leur attachement à l'élevage.
Elles ne bénéficient pas toujours des faveurs du climat sur le
plan agricole ce qui les contraint à une gamme restreinte de produits
alimentaires. Ces provinces sont les seules à enregistrer les taux nets
de fréquentation du primaire inférieure à la moyenne
nationale15(*) (moins de
60 % de taux net de scolarisation pour ces provinces).
Tout comme la pauvreté monétaire, la
pauvreté multidimensionnelle apparaît comme un
phénomène essentiellement rural. En milieu rural, moins de 1 %
des enfants se retrouvent dans la classe riche contre 15,7 % en milieu urbain.
De plus, l'extrême pauvreté est davantage présente en
milieu rural avec 24,4 % d'enfants extrêmement pauvres contre seulement
3,3 % en milieu urbain. Ce faibles taux d'extrême pauvreté
infantile en milieu urbain cacherait de fortes disparités qui
existeraient entre les villes de Douala et Yaoundé et les zones semi
urbaine à l'exemple de Bafoussam, Bamenda, Maroua et Bertoua.
Grosso modo, ces résultats sont en conformité
avec ceux obtenus à l'échelle des ménages.
3.3.2 L'incidence de
pauvreté infantile selon les caractéristiques du chef
ménage et selon celles des autres membres
Les enfants pauvres vivent majoritairement avec des chefs de
ménage d'un niveau d'instruction inférieur ou égal au
niveau primaire. Par contre, pour dix enfants vivants dans un ménage
dans lequel le chef de ménage est d'un niveau d'instruction
supérieur au niveau primaire, seulement deux d'entre eux sont pauvres.
Il apparaît dès lors que les enfants vivant avec des chefs de
ménage d'un niveau d'instruction inférieur ou égal au
niveau d'instruction primaire subissent davantage la pauvreté que ceux
des enfants vivant dans des ménages dont le chef est d'un niveau
d'instruction supérieur au niveau primaire.
Dans l'ensemble de la population des enfants d'âge 5 -
17 ans, on note que les garçons ont une légère tendance
à être pauvre. Cette répartition est conservée aussi
bien lorsqu'on est en milieu urbain que lorsqu'on est en milieu rural. Á
l'échelle des provinces, seules les provinces de l'Extrême nord et
du Nord inversent la tendance avec près de 89 % de pauvres chez les
filles contre 88 % chez les garçons pour la province de l'Extrême
nord et 90,2 % de pauvres chez les filles contre 88,3 % de pauvres chez les
garçons pour la province du Nord. Cependant, parmi les enfants n'ayant
jamais été à l'école, les filles sont les plus
nombreuses soit 56,3 %.
La pauvreté touche davantage les enfants de la tranche
d'âge 5-14 ans que ceux de la tranche d'âge 15-17 ans. Les 5-14 ans
sont alors les plus vulnérables. Dans ces classes d'âge, il existe
toujours un certain équilibre entre les filles et les garçons.
Cependant, on observe une plus grande proportion des garçons pauvres
dans la tranche d'âge 15-17 ans. Soit un taux de 57,6 %.
Au final, la pauvreté infantile se trouve être un
phénomène rural. Les enfants en milieu rural vivent dans des
conditions plus difficiles que leurs homologues des milieux urbains. Le niveau
d'instruction du chef de ménage et celui de la mère apparaissent
comme un rempart contre la pauvreté infantile. Les villes de
Yaoundé et Douala de par leur situation privilégiée de
siège des institutions et capitale économique respectivement
bénéficient d'un traitement particulier qui profite aux
ménages y résidents. Pour exemple, près de 99 % des
enfants de ces deux métropoles vivent dans des ménages ayant
accès à l'énergie électrique. Par ailleurs, ce taux
est de 15.3 % à l'Extrême-Nord et de 13,6 % au Nord, provinces les
moins nantis en matière d'électricité.
Nonobstant les différences de niveau de pauvreté
observées suivant le niveau d'instruction du chef de ménage, le
sexe des enfants, la tranche d'âge et la zone de résidence,
avons-nous de bonne raison de croire que ces variables expliquent de
façon significative les différences de niveau de pauvreté
observées ? La réponse à cette question
découle probablement d'une régression du niveau de vie des
enfants sur ces différentes variables.
Chapitre 4 :
Déterminants de la
pauvreté infantile : une approche économétrique
Ce chapitre vise à déterminer les
différents facteurs de risque de pauvreté infantile. Ces facteurs
vont être recherchés non seulement parmi les différentes
variables liées aux parents, notamment au chef de ménage, mais
aussi parmi les variables liées à l'enfant en particulier son
sexe et la tranche d'âge à laquelle il appartient.
Pour apprécier le niveau de pauvreté
associé à chaque variable, nous implémenterons un
modèle logistique binaire afin d'analyser les contributions de chaque
variable à la formation de la probabilité pour un enfant
d'être considéré comme pauvre. Nos différents tests
ici se feront en retenant un seuil de significativité égal
à 5 %.
4.1 Sélection
des variables et Présentation du modèle
L'analyse descriptive faite plus haut, même si elle
montre les différences de niveau de pauvreté par rapport à
certaines caractéristiques telles que le milieu de résidence,
l'âge de l'enfant, le sexe de l'enfant et le niveau d'instruction du chef
de ménage par exemple, elle ne nous permet pas d'affirmer que ces
différentes variables ou caractéristiques retenues constituent
des facteurs de risque de pauvreté pour les enfants. Or l'identification
de facteurs de risque de pauvreté chez les enfants serait de
première importance dans la définition des politiques de
réduction ou d'élimination de la pauvreté infantile. Tant
il permettra la détermination d'actions appropriées en faveur de
la réduction de la pauvreté. Pour ce faire, nous adopterons une
approche économétrique tout en privilégiant la
modélisation logistique. Cela consistera en la modélisation du
risque pour un enfant d'être pauvre, c'est-à-dire d'être ou
non en dessous du seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté ici est
celui déterminé à partir des commodités de base.
4.1.1 Sélection des variables
Nous postulons ici que le risque de pauvreté d'un
enfant est fonction des caractéristiques individuelles propres de
l'enfant, de celles de ses parents ou du ménage et en fin de celles de
son environnement.
Les caractéristiques individuelles de
l'enfant concernent essentiellement : l'âge et le sexe.
L'âge de l'enfant, en particulier la tranche d'âge à
laquelle il appartient nous permettra de voire si les tranches d'âges
5-14 ans et 15-17 ans connaissent les mêmes risques de pauvreté.
Le sexe rendra compte de la propension éventuelle des enfants d'un sexe
donné à être plus pauvre que les enfants d'un autre sexe.
Les caractéristiques du ménage concernent la taille du
ménage et les caractéristiques liées aux parents. Nous
pouvons citer : le niveau d'instruction de la mère, le niveau
d'instruction du chef de ménage et le groupe ethnique. Parlant
d'environnement, nous retenons ici le milieu de résidence (rural,
urbain) et la circonscription administrative (province, Douala,
Yaoundé).
4.1.2 Présentation du modèle
Les variables ainsi définies, nous pouvons construire
un modèle logistique dichotomique admettant comme variable
expliquée la probabilité d'apparition de l'événement : « l'individu
est pauvre». Ainsi, on postule le modèle suivant :
Où la fonction désigne la fonction logistique,
Avec , la variable explicative qui prend la valeur 1 si l'enfant est pauvre et 0 sinon., le vecteur des caractéristiques sociodémographiques de
l'enfant, de son ménage de résidence et de son environnement.
est le vecteur des paramètres du modèle. Les valeurs
numériques de ses composantes associées aux variables explicatives n'ont pas d'interprétation économique directe en raison du
problème de la normalisation de la variable résiduelle.
Cependant, leur signe est la seule information réelle directement
utilisable. Ce signe indiquera dans le cas précis de notre modèle
si la variable associée à ce paramètre influence à
la hausse ou à la baisse la probabilité qu'un enfant soit
pauvre.
Pour compléter l'analyse, il est possible de calculer
les effets marginaux mesurant la sensibilité de la probabilité
qu'un enfant soit pauvre par rapport aux variations dans les variables
explicatives.
4.2 Interprétation
des résultats du modèle
4.2.1 Validité du
modèle
Des variables explicatives initiales, sept s'avèrent
significatives à un seuil de 5 %, à savoir : le niveau
d'instruction du chef de ménage, la zone de résidence, le niveau
d'instruction de la mère, les classes d'âge, la région de
résidence et la scolarisation (l'enfant a-t-il déjà
été à l'école ou pas) et l'indice de peuplement du
ménage (taille ménage). Seules les variables sexe et ethnie du
chef de ménage ne sont pas significatives.
De plus, ces différentes variables sont très
faiblement corrélées entre elles. Il s'agit donc de dimensions
distinctes non liées. Donc on a de bonnes raisons de croire que
l'influence d'une des dimensions sur la probabilité qu'un enfant soit
pauvre ne dépend aucunement de l'influence des autres.
De l'étape une à l'étape sept, le khi
deux croit et la valeur de la -2log-vraissemblance diminue successivement
(tableau en annexe). Alors, le modèle est amélioré par
l'introduction progressive des variables.
Tableau 11 :
Récapitulatif du modèle logistique
|
Récapitulatif du modèle
|
Etape
|
-2log-vraisemblance
|
R-deux de Cox & Snell
|
R-deux de Nagelkerke
|
1
|
14139,6
|
0,31
|
0,42
|
2
|
11309,2
|
0,43
|
0,59
|
3
|
10641,4
|
0,46
|
0,62
|
4
|
10229,3
|
0,47
|
0,64
|
5
|
10157,5
|
0,47
|
0,64
|
6
|
10098,4
|
0,48
|
0,65
|
7
|
10093,6
|
0,48
|
0,65
|
Source : MICS-III, (2006)
Le R-deux de Cox et Snell du modèle final se situe
à 0,48 et indique que seulement 48 % de la variation dans la
probabilité pour un enfant d'être pauvre pourrait être
expliquée par l'ensemble des variables significatives. Or le R-deux de
Nagelkerke qui est une version ajustée du R-deux de Cox et Snell et donc
plus proche de la réalité se situe à 0,65. Dès
lors, on peut dire que les variables explicatives contribuent à
expliquer 65 % de la variation dans la probabilité pour un enfant
d'être pauvre.
Le modèle final conserve un pouvoir prédictif
de l'ordre de 85,7 %. D'après ce modèle l'état de
pauvreté d'un enfant serait prédit avec succès 90,4 % des
fois contre 78.1 % des fois pour l'état de non pauvreté.
4.2.2 Interprétation
des résultats du modèle
Ce modèle confirme de par les résultats
observables sur le tableau 18 en annexe, les présomptions que nous avons
eu au chapitre trois en analysant l'incidence de pauvreté suivant ces
mêmes variables retenues pour le modèle.
Le niveau d'instruction du chef de ménage et celui de
la mère de l'enfant sont deux éléments qui influencent
significativement la situation des enfants. Le risque qu'un enfant a de tomber
dans la pauvreté diminue lorsque le niveau d'instruction de ses parents
est élevé. Autrement dit, plus le chef de ménage est
instruit, mieux l'enfant se porte et s'épanouit. Les enfants vivant dans
des ménages dont le chef est d'un niveau d'instruction supérieur
ou égal au niveau secondaire sont les plus nombreux à avoir
accès à l'eau de robinet dans leur domicile. Sur dix enfants
ayant de l'eau de robinet à domicile, un peu plus de sept ont un
père d'un niveau supérieur au niveau primaire. Le niveau
d'instruction élevé du chef de ménage et celui de la
mère de l'enfant semblent garantir aux enfants des conditions
meilleures. Les enfants issus de ces ménages sont les plus nombreux
à jouir des toilettes modernes à chasse. Parmi les enfants dont
le ménage ne dispose pas de toilette, 60 % ont un père sans
niveau. Alors, l'illettrisme accentue le risque de pauvreté infantile.
Avec une plus forte incidence lorsque la mère est illettrée.
Il existe un risque plus élevé pour les enfants
de la tranche d'âge 15 - 17 ans à être pauvre. Dans cette
tranche d'âge, l'enfant est dit adolescent. C'est une période
transitoire entre l'enfance et l'âge adulte. Cette période est
généralement vécue très difficilement surtout chez
les filles. L'âge médian au premier rapport sexuel est de 16 ans
chez les filles et 7 % des enfants de cette catégorie sont ou
mariés ou en union libre. En outre, ils sont près de 25 %
à ne pas vivre avec leurs parents, ils vivent soit seul, soit avec un
conjoint ou encore avec frères et soeurs. Ils sont de ce fait
vulnérables. Ceux d'entre eux qui sont sortis du système
éducatif sont soit inactifs soit exercent un commerce ou un petit
métier dans le secteur informel
Le milieu de résidence est un déterminant
important des conditions de vie des enfants. Le risque de pauvreté
augmente sensiblement lorsqu'on passe du milieu urbain au milieu rural. Les
enfants en milieu rural sont victimes de privations de toute sorte. Les maisons
sont pour la plupart en matériaux précaires, huit maisons sur dix
en milieu rural ont un sol en terre battue, les murs sont
généralement en terre battue et en brique de terre. Seulement 1 %
des ménages en milieu rural profitent de toilettes modernes. En milieu
rural, le système d'adduction d'eau potable est inexistant et le
réseau électrique n'intègre pas les campagnes. Les
commodités telles que : le téléviseur, le poste radio
et le téléphone continuent d'être considérées
comme des biens de luxe en milieu rural.
En retenant la ville de Douala comme zone de
référence dans notre modèle, on constate tout comme au
chapitre trois que, alors que le passage de Douala à Yaoundé
diminue le risque qu'aurait un enfant d'être pauvre, le passage de Douala
aux autres zones accroît ce risque. Avec un risque relatif plus
élevé pour les provinces de l'Extrême-Nord et du Nord-Ouest
et un risque relatif moindre pour les provinces de l'Est et du Sud-Ouest.
On observe une tendance plus élevée à
être pauvre chez les enfants n'ayant jamais été à
l'école. En d'autres termes, les enfants n'ayant jamais
été à l'école sont plus exposés à la
pauvreté que ceux qui ont été à l'école au
moins une fois dans leur vie. Cette constatation, paraît plausible car un
enfant vivant dans un ménage pauvre est exposé à la
pauvreté. En effet, parmi les enfants n'ayant jamais été
à l'école, 60 % vivent dans un ménage dont le chef n'a
jamais été à l'école et 80 % vivent en milieu
rural. On peut alors penser que la pauvreté du chef de ménage est
un frein à la scolarisation des enfants. Les parents non
scolarisés semblent ignorer l'avantage qu'il y a à envoyer leurs
enfants à l'école et préfère les maintenir à
la maison où ils servent de main d'oeuvre pour les travaux domestiques.
Ceci pose le problème de coût d'opportunité ; les
parents doivent par exemple choisir entre envoyer l'enfant à
l'école et lui confier la surveillance des animaux. Les filles sont
aussi les plus nombreuses à n'être jamais allé à
l'école. Elles sont souvent délaissées au profit des
garçons lorsque le parent fait face à un manque de moyen
financier. Chez les enfants dits très pauvres, 54,6 % des garçons
n'ont jamais été à l'école contre 68,5 % de filles.
Et chez les enfants dits riches, tous les garçons sont scolarisés
contre 0,3 % de non scolarisés chez les filles.
Le milieu de résidence, le niveau d'instruction du chef
de ménage, le niveau d'instruction de la mère de l'enfant et la
taille du ménage influent sur le risque de pauvreté infantile. En
effet, le risque pour un enfant résident en milieu rural d'être en
situation de pauvreté est 8,79 fois plus élevé que si cet
enfant vivait en milieu urbain. Lorsque le chef de ménage est d'un
niveau d'instruction égal au niveau secondaire et plus, le risque que
cet enfant soit pauvre est cinq fois inférieur au risque qu'a un enfant
qui vit dans un ménage dont le chef est sans niveau.
Une fois les déterminants de la pauvreté
infantile identifiés, l'on peut définir les stratégies de
lutte contre la pauvreté. En agissant efficacement sur les
déterminants de la pauvreté infantile, il est possible de
réduire le degré de pauvreté chez les enfants. Pour ce
faire, il est souhaitable de définir les stratégies les plus
adéquates.
4.3 Stratégies de
lutte et suivie de la pauvreté infantile
4.3.1 Stratégie de lutte contre la pauvreté
Les stratégies de lutte contre la
pauvreté infantile doivent prendre en compte la disponibilité des
services sociaux en facilitant l'accès des enfants aux centres de
santé par exemple, et doivent dans le même temps promouvoir
l'ouverture des enfants à certaines opportunités. La lutte contre
la pauvreté infantile passe par la définition d'une batterie
d'actions dans les domaines à la fois économique et sociale dont
la mise en oeuvre pourrait améliorer les conditions d'existence des
enfants. Les stratégies devraient chercher à accroître le
capital humain (éducation et santé) des individus et faciliter
l'accès à certaines couches sociales, spécialement aux
enfants du milieu rural, à l'eau potable, à l'école et aux
sois de santé. Les femmes doivent occuper une place plus importante dans
toutes ces politiques.
Les actions suivantes pourraient aider à
améliorer les conditions d'existence des enfants:
· Etant donné que la pauvreté infantile
apparaît comme essentiellement rurale, il serait donc
particulièrement salutaire d'imaginer un système d'octroi des
crédits bénéficiant principalement aux exploitants
agricoles quand nous savons que le milieu rural au Cameroun est essentiellement
agricole avec un revenu mensuel dérisoire pour les travailleurs
agricoles. Ces crédits permettraient incontestablement d'augmenter la
production et d'améliorer les revenus des paysans avec un effet
conséquent sur les conditions de vie des enfants. De ce point de vue, il
devient urgent d'envisager la mécanisation de l'agriculture afin de
sortir de l'archaïsme qui caractérise depuis longtemps notre
agriculture. Aussi, le contexte économique mondial commande de
s'intéresser aujourd'hui plus que jamais à la production
vivrière. Auquel cas, toute politique visant à améliorer
le niveau de revenu par une augmentation des salaires s'en trouvera inefficace
devant la flambée des prix des produits alimentaires due à une
pénurie sans cesse grandissante à l'échelle mondiale;
· Un accès plus accru des populations aux services
sociaux de base - école et centre de santé - dans le milieu
rural développerait les compétences et les connaissances des
pauvres. Le désenclavement des campagnes permettrait d'évacuer la
production vers les marchés urbains;
· Rendre l'éducation obligatoire pour tous
jusqu'au niveau primaire semble être un objectif peu ambitieux car il
apparaît que les personnes ayant au plus un niveau d'instruction primaire
ne sont pas assez imaginatif pour assurer la protection de leur
progéniture face à la pauvreté. Par contre, les chefs de
ménages et surtout les mères d'un niveau d'instruction
supérieur au niveau primaire sont une sorte de bouclier contre la
pauvreté infantile. Il serait donc particulièrement utile si l'on
veut à moyen ou long terme influer sur l'incidence de pauvreté
infantile encourager l'instruction de la gente féminine en levant toute
la bagatelle de pesanteurs qui contribuent à la non scolarisation des
personnes de sexe féminin. À savoir : les
considérations culturelles, les avantages accordés aux enfants de
sexe masculin ;
· Des politiques incitatives permettraient aux enfants de
durer plus longtemps dans le système éducatif. Aussi, il est
nécessaire au niveau du ministère de la condition féminine
en partenariat avec le ministère de la santé de sensibiliser la
jeune fille afin de retarder au maximum l'âge du premier rapport sexuel,
car les grossesses précoces ont pour conséquence
d'éloigner les jeunes filles du système éducatif;
· Faciliter l'accès des femmes aux centres des
décisions car d'après les résultats d'ECAM 2, celles-ci
réduisent au niveau des ménages le risque pour que celui ci soit
pauvre.
Toute la région septentrionale du pays, partant de
l'Adamaoua jusqu'à l'Extrême-Nord, connaît une incidence de
pauvreté particulièrement élevée. Cette
région du pays est caractérisée par son climat chaud et
sec avec une situation paradoxale dans l'Adamaoua considéré comme
le château d'eau du Cameroun et qui est l'une des régions les plus
mal approvisionnée en eau potable. Une attention particulière des
pouvoirs publics aux populations de cette partie du pays serait capitale pour
freiner une éventuelle expansion de la pauvreté infantile. Les
taux d'alphabétisation les plus bas sont enregistrés dans cette
région. L'on devrait donc rapprocher davantage l'école des
populations.
Bien de stratégies peuvent être
élaborées pour réduire la pauvreté. Cependant, leur
mise en oeuvre n'est pas toujours aisée. Les difficultés
rencontrées résident très souvent dans l'harmonisation des
rôles des divers acteurs sociaux : les ménages, la
société civile à travers les ONG, l'État et la
communauté internationale à travers les organismes
spécialisés. Or la réduction de l'ampleur de la
pauvreté infantile exige, pour augmenter les chances de réussite,
qu'une approche participative intégrant tous les acteurs sociaux soit
utilisée pour définir les stratégies à mettre en
oeuvre.
4.3.1 Suivie de la pauvreté
infantile et principales limites du travail
Afin de garantir l'efficacité de ces actions et de les
adapter dans un environnement en perpétuelle mutation, le suivie de la
pauvreté infantile est nécessaire et peut se résumer en
deux principales actions :
· constamment décrire les différentes
formes de pauvreté afin d'actualiser le profil de pauvreté
infantile tout en recherchant les facteurs explicatifs de la pauvreté
non monétaire chez les enfants ;
· opérer un suivie dynamique des cohortes
d'enfants permettant d'analyser les conséquences de la pauvreté
sur le devenir à l'âge adulte partir de l'indicateur composite de
pauvreté. Ceci nécessite la production de bases de données
adaptées.
La principale limite de ce travail se situe au niveau de
l'absence de certaines variables clés, à savoir : les
variables liées à la santé et les variables liées
à la nutrition.
Conclusion
générale
De plus en plus, la pauvreté est
appréhendée comme un phénomène multidimensionnel
traduisant une carence en ressources nécessaires à la
satisfaction des besoins qui peuvent être monétaires ou non.
Dès lors, depuis près d'une décennie, les études
portant sur la pauvreté se sont affranchies des seules
considérations monétaire - revenus et dépenses - et
s'étendent désormais sur le champ très vaste des
conditions d'existence à travers une approche beaucoup plus
qualitative.
Dans la littérature, la quasi totalité des
études analysant la liaison entre les dimensions monétaire et non
monétaire de la pauvreté établissent une
corrélation positive entre les indicateurs de bien-être
monétaire et non monétaire. Les valeurs du coefficient de
Spearman sont : 0,51 pour le Cameroun en 2001, 0,60 pour le
Sénégal en 2001et 0,88 pour le Ghana. Toutefois, on note une
prééminence des privations sur la pauvreté
monétaire.
La pauvreté des enfants apparaît
étroitement liée à la pauvreté du ménage
dans lequel ils vivent dans la mesure où les privations des enfants sont
avant tout celles des ménages. Mais, les enfants restent les membres du
ménage les plus vulnérables. D'où l'intérêt
de plus en plus grandissant que la recherche accorde à l'étude de
la pauvreté infantile.
La construction d'un indicateur composite de pauvreté
prenant en compte les dimensions de bien-être inhérentes à
la situation particulière des enfants a permis de définir un
profil de pauvreté infantile. L'ICP ainsi construit traduit de
façon appréciable le bien-être, puisque la
répartition des enfants en classe montre que le degré de
privation pour des fonctionnements retenus dans la construction de l'indicateur
diminue lorsqu'on se déplace de la classe considérée comme
la plus pauvre à celle considérée comme la plus riche.
Il en découle que plus de six enfants sur dix à
l'échelle nationale n'ont pas accès à un certain nombre de
commodités de base. La pauvreté infantile est bien plus accrue en
milieu rural qu'en milieu urbain. Les villes de Yaoundé et Douala
passent pour être les mieux nantis. Le septentrion reste la région
la plus touchée par la pauvreté infantile. Le niveau
d'instruction des parents est une composante déterminante dans le
niveau de pauvreté des enfants. Plus le niveau d'instruction des parents
est élevé, moins l'enfant subit les affres de la pauvreté.
Aussi, on remarque que plus on est jeune, plus on est vulnérable face
à la paupérisation. Les enfants de la tranche d'âge 5-14
sont sensiblement plus pauvre que leurs homologues de la tranche d'âge
14-17 ans.
Tous les résultats précédents sont
confirmés par la modélisation économétrique du
risque de pauvreté à travers l'implémentation d'un
modèle de régression logistique. Alors, les politiques de lutte
contre la pauvreté infantile devront porter un intérêt
particulier à la condition des enfants en milieu rural, notamment en
rapprochant davantage l'école des populations et en rendant la
gratuité de l'école primaire effective. En facilitant
l'accès aux soins de santé, en sensibilisant les parents sur la
nécessité qu'il y a d'élever leurs enfants dans des
meilleures conditions.
Au terme de cette étude, l'on peut retenir deux
principaux résultats. Premièrement, la construction d'un
indicateur à partir des conditions d'existence des ménages, qui
est un indicateur de bien être différent de l'indicateur
monétaire et facile à mesurer, et pouvant permettre un suivi plus
efficace de la pauvreté infantile. Deuxièmement, Il existe de
grave disparité entre le milieu rural et le milieu urbain d'une part et
entre les régions de Yaoundé, Douala et les autres régions
d'autres part. Cependant, nous n'avons pas la prétention d'avoir
complètement couvert le sujet sur l'appréhension de la
pauvreté non monétaire chez les enfants. D'autres études
peuvent être menées sur des aspects volontairement omis au cours
de ce travail, par exemple sur la dynamique de la pauvreté en conditions
d'existence des enfants au Cameroun entre 2000 et 2006 et sur des aspects
beaucoup plus psychologiques de la pauvreté infantile; on peut
imaginer qu'une situation de conflit ouvert entre les parents d'un enfant
l'affecte psychologiquement et cela a des influences négatives dans la
construction de sa personnalité.
Annexe
Tableau 12 : Coordonnées des
modalités sur les deux premiers axes de l'ACM
|
Coordonnées (scores)
|
Contribution
|
Libellé des modalités actives
exclues
|
Axe 1
|
Axe 2
|
Axe 1
|
Axe 2
|
La mère biologique est-elle en vie?
|
|
|
|
Oui
|
0,00
|
0,00
|
0,00
|
0,00
|
Non
|
0,08
|
0,07
|
0,01
|
0,01
|
Le père biologique est-il en vie?
|
|
|
|
Oui
|
0,01
|
0,02
|
0,00
|
0,02
|
Non
|
-0,04
|
-0,17
|
0,00
|
0,12
|
Temps moyen pour aller chercher de l'eau et
revenir
|
|
|
|
moins de 15 min
|
-0,04
|
-0,24
|
0,01
|
0,67
|
entre 16 et 30 min
|
-0,28
|
-0,47
|
0,27
|
1,76
|
entre 31 et 60 min
|
-0,43
|
-0,05
|
0,42
|
0,01
|
plus d'une heure
|
0,63
|
0,87
|
1,37
|
5,93
|
Distance parcourue pour aller cherche eau
|
|
|
|
moins de 200m
|
-0,20
|
-0,20
|
0,28
|
0,66
|
entre 201m et 500 m
|
-0,27
|
-0,47
|
0,18
|
1,32
|
Plus de 500m
|
0,44
|
0,56
|
0,92
|
3,36
|
Source: MICS-III, (2006)
Tableau 13 : coordonnées des
modalités sur les deux premiers axes de l'ACM
|
Coordonnées (scores)
|
Contribution
|
Libellé des modalités actives
|
Axe 1
|
Axe 2
|
Axe 1
|
Axe 2
|
A-t-il/elle fréquente école
|
|
|
|
|
Oui
|
0,23
|
-0,24
|
0,67
|
1,82
|
Non
|
-1,22
|
1,28
|
3,57
|
9,71
|
A t-il/elle fréquente école durant
année scolaire (2005-200
|
Total
|
4,24
|
11,53
|
Oui
|
0,29
|
-0,31
|
0,98
|
2,71
|
Non
|
-0,96
|
1,02
|
3,27
|
9,07
|
A t-il/elle fréquente école durant
année scolaire (2004-2005
|
Total
|
4,24
|
11,79
|
Oui
|
0,31
|
-0,31
|
1,12
|
2,70
|
Non
|
-0,90
|
0,89
|
3,19
|
7,71
|
Principale source eau que boivent les membres du
ménage
|
Total
|
4,31
|
10,41
|
Eau de robinet dans
|
0,41
|
0,19
|
1,48
|
0,79
|
Eau de surface
|
-0,55
|
-0,25
|
1,97
|
1,05
|
Principale source eau utilisée pour autres
choses
|
Total
|
3,45
|
1,83
|
Eau de robinet /borne fontaine
|
0,95
|
0,29
|
3,19
|
0,73
|
eau de puit
|
-0,16
|
0,14
|
0,21
|
0,39
|
Eau de surface
|
-0,53
|
-0,54
|
1,11
|
2,84
|
Type de toilettes
|
|
Total
|
4,51
|
3,96
|
toilette à chasse
|
1,73
|
1,13
|
3,34
|
3,50
|
Latrines a fosses/tr
|
-0,04
|
-0,15
|
0,02
|
0,74
|
Pas de toilettes ou
|
-1,29
|
0,67
|
1,82
|
1,19
|
Principal matériau du sol
|
|
Total
|
5,18
|
5,42
|
sol de luxe
|
0,77
|
0,18
|
4,28
|
0,55
|
matériau naturel
|
-0,69
|
-0,16
|
3,83
|
0,49
|
Principal matériau du toit
|
|
Total
|
8,11
|
1,04
|
matériau fini
|
0,32
|
-0,11
|
1,23
|
0,33
|
matériau naturel
|
-1,22
|
0,55
|
4,15
|
2,06
|
matériau rudimentaire
|
-0,58
|
-0,40
|
0,23
|
0,27
|
Principal matériau des murs
|
|
Total
|
5,62
|
2,65
|
ciment/parpaing/briquette
|
0,80
|
0,23
|
4,02
|
0,80
|
terre/carabot/feuill
|
-0,57
|
-0,16
|
2,88
|
0,57
|
Electricité
|
|
Total
|
6,90
|
1,38
|
Oui
|
0,83
|
0,13
|
4,84
|
0,31
|
Non
|
-0,71
|
-0,11
|
4,12
|
0,26
|
Poste radio
|
|
Total
|
8,96
|
0,58
|
Oui
|
0,33
|
0,03
|
1,11
|
0,03
|
Non
|
-0,65
|
-0,07
|
2,16
|
0,05
|
Téléviseur
|
|
Total
|
3,27
|
0,08
|
Oui
|
1,12
|
0,39
|
5,85
|
1,74
|
Non
|
-0,49
|
-0,17
|
2,55
|
0,76
|
Téléphone mobile
|
|
Total
|
8,40
|
2,50
|
Oui
|
1,06
|
0,37
|
5,37
|
1,59
|
Non
|
-0,48
|
-0,17
|
2,46
|
0,73
|
Réfrigérateur/Congélateur
|
|
Total
|
7,84
|
2,32
|
Oui
|
1,56
|
0,87
|
4,22
|
3,22
|
Non
|
-0,20
|
-0,11
|
0,54
|
0,41
|
Niveau d'instruction du chef de ménage
|
|
Total
|
4,76
|
3,63
|
Aucun
|
-0,85
|
0,71
|
3,25
|
5,59
|
Primaire
|
-0,12
|
-0,79
|
0,09
|
8,85
|
Secondaire & +
|
0,89
|
0,26
|
4,02
|
0,86
|
Niveau d'instruction de la mère
|
|
Total
|
7,35
|
15,30
|
Aucun
|
-0,84
|
0,53
|
3,41
|
3,34
|
Primaire
|
0,01
|
-0,74
|
0,00
|
7,58
|
Secondaire & +
|
1,04
|
0,32
|
3,94
|
0,94
|
Mère pas dans le mén
|
0,19
|
0,34
|
0,04
|
0,33
|
Niveau d'instruction du père
|
|
Total
|
7,40
|
12,19
|
Aucun
|
-1,05
|
1,02
|
2,81
|
6,54
|
Primaire
|
-0,20
|
-0,87
|
0,14
|
6,42
|
Secondaire & +
|
0,89
|
0,23
|
2,47
|
0,40
|
*Réponse manquante*
|
0,09
|
-0,05
|
0,05
|
0,04
|
Source: MICS-III, (2006)
Graphique4 : Arbre de la Classification
Ascendante HiérarchiqueCAH
Source : MICS-III, (2006)
Tableau 14 : Incidence conditionnelle de
pauvreté infantile suivant les deux méthodes mises en oeuvres
(%)
|
Méthode: commodités de base
|
|
CAH
|
|
|
pauvre
|
non pauvre
|
Total
|
pauvre
|
non pauvre
|
Total
|
Classe d'âge
|
|
|
|
|
|
[5-14]
|
63,1
|
36,9
|
100,0
|
74,0
|
26,0
|
100,0
|
[15-17]
|
57,0
|
43,0
|
100,0
|
68,5
|
31,5
|
100,0
|
Milieu de résidence
|
|
|
|
|
|
Urbain
|
32,3
|
67,7
|
100,0
|
47,17
|
52,83
|
100,00
|
Rural
|
85,0
|
15,0
|
100,0
|
93,00
|
7,00
|
100,00
|
Province + Yaoundé et Douala
|
|
|
|
|
|
Douala
|
12,3
|
87,7
|
100,0
|
26,1
|
73,9
|
100,0
|
Yaounde
|
6,6
|
93,4
|
100,0
|
17,1
|
82,9
|
100,0
|
Adamaoua
|
74,6
|
25,4
|
100,0
|
81,8
|
18,2
|
100,0
|
Centre
|
65,6
|
34,4
|
100,0
|
82,1
|
17,9
|
100,0
|
Est
|
69,4
|
30,6
|
100,0
|
79,6
|
20,4
|
100,0
|
Extreme Nord
|
88,4
|
11,6
|
100,0
|
94,9
|
5,1
|
100,0
|
Littoral
|
50,8
|
49,2
|
100,0
|
69,9
|
30,1
|
100,0
|
Nord
|
89,1
|
10,9
|
100,0
|
93,6
|
6,4
|
100,0
|
Nord Ouest
|
78,4
|
21,6
|
100,0
|
86,9
|
13,1
|
100,0
|
Ouest
|
59,5
|
40,5
|
100,0
|
69,4
|
30,6
|
100,0
|
Sud
|
39,7
|
60,3
|
100,0
|
60,8
|
39,2
|
100,0
|
Sud Ouest
|
52,3
|
47,7
|
100,0
|
64,1
|
35,9
|
100,0
|
Sexe de l'enfant
|
|
|
|
|
|
Garçon
|
63,6
|
36,4
|
100,0
|
74,2
|
25,8
|
100,0
|
Fille
|
60,4
|
39,6
|
100,0
|
71,8
|
28,2
|
100,0
|
Source: MICS-III, (2006)
Tableau 15 : Répartition par sexe et par
niveau de bien être des enfants selon qu'ils ont déjà
été à l'école ou pas (%)
|
|
Très pauvres
|
Pauvres
|
Intermédiaires inférieurs
|
Intermédiaires supérieurs
|
Riches
|
Garçon
|
déjà fréquenté
|
45,4
|
91,5
|
95,6
|
98,5
|
100,0
|
jamais fréquenté
|
54,6
|
8,5
|
4,4
|
1,5
|
0,0
|
Fille
|
déjà fréquenté
|
31,5
|
86,7
|
94,5
|
98,3
|
99,7
|
jamais fréquenté
|
68,5
|
13,3
|
5,5
|
1,7
|
0,3
|
Source: MICS-III,(2006)
Tableau 16: Valeurs du khi-deux pour la
regression logistique
Tests de spécification du modèle
|
|
|
|
Khi-deux
|
ddl
|
Signif.
|
Etape 1
|
Etape
|
5523,4
|
4
|
0
|
|
Bloc
|
5523,4
|
4
|
0
|
|
Modèle
|
5523,4
|
4
|
0
|
Etape 2
|
Etape
|
2830,3
|
1
|
0
|
|
Bloc
|
8353,7
|
5
|
0
|
|
Modèle
|
8353,7
|
5
|
0
|
Etape 3
|
Etape
|
667,7
|
5
|
0
|
|
Bloc
|
9021,5
|
1
|
0
|
|
Modèle
|
9021,5
|
1
|
0
|
Etape 4
|
Etape
|
412,1
|
1
|
0
|
|
Bloc
|
9433,7
|
2
|
0
|
|
Modèle
|
9433,7
|
21
|
0
|
Etape 5
|
Etape
|
71,7
|
1
|
0
|
|
Bloc
|
9505,4
|
22
|
0
|
|
Modèle
|
9505,4
|
22
|
0
|
Etape 6
|
Etape
|
59,12
|
1
|
1,4766E-14
|
|
Bloc
|
9564,5
|
23
|
0
|
|
Modèle
|
9564,5
|
23
|
0
|
Etape 7
|
Etape
|
4,843
|
1
|
0,027750824
|
|
Bloc
|
9569,4
|
24
|
0
|
|
Modèle
|
9569,4
|
24
|
0
|
Source : MICS-III, (2006)
Tableau 17: Classification modèle
logistique
Tableau de classification (a)
|
|
|
|
pauvre
|
non pauvre
|
Pourcentage correct
|
Etape 1
|
Nivie
|
pauvre
|
8036
|
1147
|
87,5
|
|
|
non pauvre
|
1844,00
|
3780
|
67,2
|
|
Pourcentage global
|
|
|
|
79,8
|
Etape 2
|
Nivie
|
pauvre
|
7994,00
|
1189
|
87,1
|
|
|
non pauvre
|
1476,00
|
4148
|
73,8
|
|
Pourcentage global
|
|
|
|
82,0
|
Etape 3
|
Nivie
|
pauvre
|
7925,00
|
1258
|
86,3
|
|
|
non pauvre
|
1055,00
|
4569
|
81,2
|
|
Pourcentage global
|
|
|
|
84,4
|
Etape 4
|
Nivie
|
pauvre
|
8E+03
|
948
|
89,7
|
|
|
non pauvre
|
1E+03
|
4381
|
77,9
|
|
Pourcentage global
|
|
|
|
85,2
|
Etape 5
|
Nivie
|
pauvre
|
8E+03
|
924
|
89,9
|
|
|
non pauvre
|
1E+03
|
4402
|
78,3
|
|
Pourcentage global
|
|
|
|
85,5
|
Etape 6
|
Nivie
|
pauvre
|
8277
|
906
|
90,1
|
|
|
non pauvre
|
1222
|
4402
|
78,3
|
|
Pourcentage global
|
|
|
|
85,6
|
Etape 7
|
Nivie
|
pauvre
|
8297
|
886
|
90,4
|
|
|
non pauvre
|
1233
|
4391
|
78,1
|
|
Pourcentage global
|
|
|
|
85,7
|
Source: MICS-III, (2006)
Tableau 18: Estimation des paramètres de
la régression logistique et des risques relatifs des modalités
par rapport aux modalités de référence
Variable expliquée « être pauvre
ou non »
|
B
|
Exp(B) /Odd-ratio
|
Niveau d'instruction du chef de
ménage
|
|
Sans niveau
|
mr
|
mr
|
Primaire
|
-2,39
|
0,09
|
Secondaire et +
|
-1,55
|
0,21
|
Niveau d'instruction de la mère
|
|
Sans niveau
|
mr
|
mr
|
Primaire
|
-1,69
|
0,19
|
Secondaire et +
|
-0,96
|
0,38
|
Classe d'âge de l'enfant
|
|
[5-14]
|
mr
|
mr
|
[15-17]
|
0,44
|
1,55
|
Milieu de résidence
|
|
Urbain
|
mr
|
mr
|
Rural
|
2,17
|
8,79
|
Province + Yaoundé et douala
|
|
Douala
|
mr
|
mr
|
Yaounde
|
-0,20
|
0,82
|
Adamaoua
|
0,80
|
2,22
|
Centre
|
0,74
|
2,10
|
Est
|
0,61
|
1,85
|
Extreme Nord
|
1,26
|
3,51
|
Littoral
|
0,85
|
2,35
|
Nord
|
0,85
|
2,35
|
Nord Ouest
|
1,20
|
3,34
|
Ouest
|
1,18
|
3,25
|
Sud
|
0,63
|
1,87
|
Sud Ouest
|
0,11
|
1,11
|
L'enfant a-t-il déjà
fréquenté
|
|
Déjà fréquenté
|
mr
|
mr
|
Jamais fréquenté
|
0,79
|
2,20
|
Taille du ménage
|
|
1-3 personnes
|
mr
|
mr
|
4-5 personnes
|
-0,91
|
0,40
|
6 personnes et +
|
-0,39
|
0,68
|
Constante
|
|
B
|
-0,840
|
0,432
|
Source: MICS-III, (2006)
mr = modalité de référence
R-deux de Cox et Snell = 0,48
R-deux de Nagelkerke = 0,65
-2log-vraissemblance = 10093,6
Toutes les modalités sont significatives au seuil de 5
%.
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* 1 Cité par Bertin
Alexandre
* 2 Il s'agit de l'Enquête
Budget Consommation (EBC), réalisée en 1983-1984, et de
l'Enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM I),
réalisée en 1996.
* 3 De plus en plus, l'INSEE
publie les résultats suivant les deux proportions pour des besoins de
comparaison à l'échelle européenne
* 4 Le bien être est
considéré comme le complémentaire de la pauvreté
sur l'échelle des niveaux de vie. Donc déterminer un indicateur
de bien être revient indubitablement à déterminer un
indicateur de pauvreté.
* 5 Dani Rodrik est professeur
d'économie à l'université de Harvard. En 2000, il est
interviewé par la revue trimestrielle Finance et Développement du
FMI en page 8.
* 6 Cet indicateur mesure,
pour un niveau d'étude donné, la population
d'élèves scolarisés par rapport à la population
scolarisable de cette tranche d'âge. Ex dans le primaire, ce taux est
égal au nombre d'élèves du primaire, multiplié par
100 et divisé par la population de six à onze ans (dans le
système francophone).
* 7 Pour 100 000
habitants
* 8 Pour 100 000
habitants
* 9 L'éducation pour
tous est le deuxième point des Objectif du Millénaire pour le
Développement
* 10 Extrait de
« Sciences économiques et sociales »,
première ES, collection Alain Gélédan, Paris 1994.
* 11 Maslow définit les
besoins
* 12 Certain auteurs emploi le
terme consistance
* 13 Contrairement à
ECAM ou la répartition de la population se fait suivant les milieux
rural, urbain et semi urbain, MICS ne prend en compte que les milieux urbain et
rural.
* 14 L'approche revenue et la
pauvreté multidimensionnelle à l'échelle de la population
entière ont été estimées à partir des
données de l'enquête ECAM 2 réalisé en 2001.
* 15 Le taux net de
scolarisation au primaire est de 80 % au Cameroun
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