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La réinsertion familiale des enfants de la rue dans la ville de Ndjaména au Tchad: Etat des lieux et perspectives

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par Jacob NOUBATOINGAR LOGTO
Ecole des Cadres Supérieurs en Travail Social de Ouagadougou- Burkina - faso - Diplôme d'Etat d'Inspecteur d'Education Spécialisée 2005
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION

Situé au coeur du continent Africain entre le 8ème et le 24ème degré de latitude nord, et entre le 13ème et 24ème de longitude Est, le Tchad est un pays de 1 284 000km2 complètement enclavé qui s'étend sur 1700km du Nord au Sud et 1000 km de l'Est à l'Ouest. Il est limité au nord par la Libye, à l'Est par le Soudan, au Sud par la République Centrafricaine et le Cameroun et à l'Ouest par le Nigeria et le Niger.

Le Tchad compte 9, 7 millions d'habitants, 50,3% a moins de 15 ans, 4% seulement a plus de 60 ans ;

L'âge médian est de 14 ans ;

On compte 93,7 hommes pour 100 femmes ;

L'espérance de vie s'établit à 48 ans ;

Le taux de fertilité est de 6,3 naissances par femme ;

Le taux de natalité de 4,5% ;

Le taux de mortalité infantile atteint 10,1% en moyenne1(*).

Le Tchad regorge d'énormes potentialités économiques mais depuis son indépendance en 1960, il est confronté à des guerres civiles successives qui ruinent son économie et ceux qui subissent le poids de cette situation sont les enfants, entre autres les enfants de la rue.

Malgré les potentialités et l'arrivée de la manne pétrolière, le Tchad fait partie de la liste des pays les moins avancés : Deux tiers des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté avec quelque 80% de la population vivant avec moins de un dollar par jour et est sous ajustement structurel depuis 1995.

Il convient également de noter que la population Tchadienne analphabète représente 67,1% de la population totale et se trouve en dehors du système scolaire Tchadien.

C'est dans cette frange que se trouvent les enfants en difficulté : les orphelins, les enfants abandonnés, les mouadjirine2(*), les victimes d'exploitation, les enfants soldats, les enfants dans la rue et les enfants de la rue qui constituent l'un des groupes cibles de la politique du Ministère de l'Action Sociale et de la Famille.

En effet il faut reconnaître que le phénomène des enfants de la rue prend de plus en plus des proportions inquiétantes dans les pays d'Afrique au Sud du Sahara avec des formes très variées.

Longtemps inconnu, méconnu, voire nié dans certaines villes du Sud, le phénomène des enfants de la rue est apparu au grand jour au début des années 1980 (ce qui ne signifie pas qu'il n'existait pas auparavant). Comme dans le domaine de l'humanitaire et du développement, l'opinion internationale fut alertée par un double appel, lancé à la fois par le secteur associatif et les médias. C'est ainsi que l'on a pu découvrir avec effroi les terribles conditions de vie de ces enfants des grandes villes d'Amérique latine, puis l'existence des milliers d'autres vivant dans des principales métropoles d'Afrique, du sous-continent indien ou du sud-est asiatique.

C'est également à cette époque que les ONG du Nord commencèrent à s'intéresser de plus près au phénomène ; l'ONG britannique Save The Children développa ainsi au début des années 1980 des programmes destinés aux enfants de la rue d'Amérique latine et d'Asie. Le bureau international Catholique de l'Enfance (BICE) fut parmi les premières associations françaises à lancer un programme d'appui spécifique aux ONG du Sud. Le thème de l'enfance en situation difficile en général, et des enfants de la rue en particulier a parallèlement été peu à peu intégré dans le discours et dans les politiques de plusieurs pays et organisations internationales, sur le plan normatif et juridique, mais également sur le plan plus opérationnel. Après avoir adopté, en 1989, la convention relative aux droits des enfants, l'assemblée générale des Nations Unies vota par exemple, le 4 mars 1994 une résolution relative aux enfants de la rue. Cette résolution en 10 points invite tous les Etats et toutes les organisations internationales et non gouvernementales à « redoubler d'efforts pour trouver des solutions définitives aux problèmes des enfants de la rue3(*) »

Certains bailleurs de fonds institutionnels ont également développé des dispositifs spécifiques d'appui aux projets en faveur des enfants de la rue : citons notamment le « programme d'éducation des enfants en situation difficile » mis en oeuvre par la division de l'éducation de base de l'UNESCO, ou encore le fonds d'aide et de coopération  « enfants des rues » mis en place en 1995 par le ministère français de la coopération. En outre l'UNICEF, qui a pour terrain de prédilection les enfants et d'autres organisations internationales ont par ailleurs mobilisé d'importantes ressources pour étudier le monde des enfants de la rue et les différentes stratégies de réinsertion.

Les réponses apportées à cette question des enfants de la rue ont varié dans le temps et dans l'espace : placement familial, internat, action éducative en milieu ouvert etc.

De toutes ces mesures, une constante semble être l'éducation même si les méthodes ont connu des évolutions. A travers l'éducation qui se fait d'abord dans la cellule familiale, chaque société a toujours oeuvré pour que les individus obéissent aux normes et aux règles sociales, permettant ainsi à la société de pérenniser certaines valeurs.

Malgré ces initiatives, la situation des enfants en général et celle des enfants de la rue en particulier demeure préoccupante tant dans le monde que dans les pays en voie de développement. Elle se traduit par des besoins sociaux de base non satisfaits : santé, éducation, formation, logement etc.

Il en résulte que c'est l'exclusion et la marginalisation d'un grand nombre d'entre eux qui les exposent à d'autres maux sociaux tels que la délinquance, la prostitution, la drogue, le chômage, le grand banditisme etc.

Dans ces conditions, le risque que le développement soit compromis est grand dans les Etats du fait que les jeunes constituent le socle du développement et l'avenir des nations.

Notre étude sur la réinsertion familiale de ces enfants s'inscrit dans cette logique de recherche des solutions à ce phénomène.

D'où notre préoccupation de réfléchir sur la question à travers le Thème : « la réinsertion familiale des enfants de la rue dans la ville de N'djaména : état des lieux et perspectives ».

Notre étude se propose donc de procéder à une analyse des stratégies mises en oeuvre jusqu'ici, de dégager un tableau des différents acteurs du terrain, d'analyser les forces et les faiblesses existantes en matière de réinsertion familiale.

Forte des constats du terrain, elle procédera en outre à des propositions de stratégies susceptibles de promouvoir une véritable réinsertion des enfants de la rue au Tchad. Et pour ce faire, elle tentera de connaître l'articulation entre les stratégies des intervenants de la réinsertion familiale des enfants de la rue et les échecs des retours en famille des enfants qu'ils accueillent.

Elle tentera par-dessus tout d'apporter une réponse par ses analyses à la question de l'enracinement des enfants dans la rue.

Elle s'articulera autour de trois grands axes suivants :

Chapitre 1 : Le cadre théorique de l'étude

Chapitre 2 : Le cadre méthodologique de l'étude

Chapitre 3 : La présentation, l'analyse et l'interprétation des résultats

Conclusion.

CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE

I.1  PROBLEMATIQUE

Le problème des enfants vivant dans la rue est un phénomène social Très préoccupant pour l'ensemble de nos nations, les plus riches comme les plus pauvres. Cette réalité n'a pas de frontière aujourd'hui.

Elle a subi des mutations diverses et s'est davantage complexifiée par une constellation de facteurs sociaux récurrents ou émergents.

La grande interrogation de tous les pays concernés reste la stratégie efficace de réduction du phénomène.

De tout temps, les Etats ont élaboré et appliqué des stratégies, des associations multiples, ont fait des efforts, mais le constat qui se dégage est l'augmentation du phénomène, doublée de la précocité de l'âge d'entrée dans la rue, et la tendance à l'enracinement d'un grand nombre d'enfants dans cet espace social. Face à cette situation, on est en droit d'interroger non seulement les stratégies d'intervention mais surtout les logiques sociales qui déterminent ce phénomène.

Le problème des enfants de la rue ne concerne pas seulement les pays du sud mais il touche également des métropoles occidentales : New York, Berlin, Paris ou Marseille

Le phénomène a pris une ampleur tout à fait considérable dans les pays en développement et notamment en Afrique subsaharienne où l'urbanisation a été accélérée au cours des dernières décennies. Les chiffres avancés par les organisations internationales font le plus souvent état d'une fourchette oscillant entre 30 et 100 millions d'enfants vivant dans les rues des pays en développement4(*).

La rue devient, pour beaucoup d'enfants, un lieu de vie. Nombre d'entre eux exercent une activité laborieuse : faiseurs de poubelles, mendiants, prostitués, porteurs, collecteurs d'objets divers, employés de ménage, gardiens et laveurs de véhicules, cireurs, vendeurs de produits divers, Ces pratiques sont presque les mêmes dans tous les continents. Il s'agit en fait d'une incessante quête pour trouver leur pitance quotidienne, mais aussi, le cas échéant, pour leur famille.

Le Tchad, qui n'est pas en marge de cette réalité, est de plus en plus confronté à ce problème d'enfants vivant dans la rue. Déjà en 1962, furent créés le Centre Rural des Jeunes de Koundoul (25km de N'djaména) et le Centre d'Accueil Kotoko de Sabangali destinés à prendre en charge cette catégorie d'enfants. Malheureusement ces deux Centres qui fonctionnaient jusqu'en 1979, ont disparu du fait de la guerre. Après la guerre en 1990, le Centre de Koundoul a été ré ouvert sous l'appellation Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance (CNEKE).

Malgré la réouverture du Centre de Koundoul et les nombreuses actions menées sur le terrain par le gouvernement, les ONG et les associations, il demeure que le phénomène des enfants de la rue reste préoccupant et incite à une nouvelle interrogation sur les stratégies de leur prise en charge aussi bien au niveau des familles qu'à celui des centres publics et des associations.

A cet effet, les statistiques actuelles et les plus récentes sur le phénomène sont celles basées sur une enquête menée sur l'ampleur du phénomène des enfants de la rue de novembre 2002 à avril 2003 par le gouvernement tchadien et l'UNICEF dans sept (7) grandes villes (Abéché, Kélo, Bongor, Moundou, Ndjaména, Doba et Sarh).

Cette enquête dénombrait 7031 enfants dans la rue et de la rue dont 3570 dans la ville de N'djamena, soit 50,8 °/°.

Ces statistiques sont aujourd'hui certainement dépassées, à la vue de la réalité du problème, et une autre enquête s'avère impérative pour mieux camper le phénomène.

Tableau n° 1 : Répartition des enfants recensés vivant dans la

Rue

Ville

Enfants vivant dans la rue et Enfants de la rue

Pourcentages

Abéché

467

6,6

Bongor

505

7,2

Doba

222

3,2

Kélo

1103

15,7

Moundou

582

8,3

N'djamena

3570

50,8

Sarh

582

8,3

Total

7031

100,0

Source : Etude sur l'ampleur du phénomène des enfants de la rue au Tchad, novembre

2002 - avril 2003.

Tableaux 2 : Répartition générale des enfants par Catégories

Catégories d'enfants

Effectifs

Pourcentage.

Enfants vivant dans la rue

653

9,3

Enfants de la rue

6208

88,3

Sans réponse

170

2,4

Total

7031

100,0

Source : Etude sur l'ampleur du phénomène des enfants de la rue au Tchad, novembre

2002 - avril 2003.

Tableaux 3 : Fréquentation scolaire selon les catégories d'enfants

Fréquentation scolaire

Enfants vivant dans la rue

Enfants de la rue

Pourcentage

Vont à l'école

87

3137

48,3

Ne vont pas à l'école

544

2912

51,7

Total

631

6049

100,0

Source : Etude sur l'ampleur du phénomène des enfants de la rue au Tchad, novembre

2002 - avril 2003.

La lutte contre le phénomène au Tchad se traduit par la mise en place d'institutions et de structures par l'Etat à travers le MASF.

Ce qui traduit une volonté politique du gouvernement en matière d'encadrement et de protection de l'enfance. L'existence d'une structure d'internat (centre espoir de Koundoul pour l'enfance), en est le témoignage.

Cette volonté politique est renforcée par l'adoption de textes législatifs et réglementaires en matière de protection des enfants.

Les autorités se sont engagées à respecter les grands principes internationaux contenus dans les différentes déclarations, et à ratifier plusieurs conventions.

Il existe tout un ensemble d'instruments juridiques de protection de l'enfant au plan national et international.

La ratification de la convention relative aux droits de l'enfant par le Tchad (28 juillet 1990) a constitué un acte d'une grande importance pour le pays. Ainsi, pour traduire dans les faits les engagements, plusieurs actions ont été menées tant sur le plan politique que dans le domaine législatif :

- Le Tchad à travers le Ministère du plan et de la coopération a élaboré un plan d'orientation intitulé « Le Tchad : plan d'orientation à l'horizon 2000 » qui définit la politique de développement du pays à court, moyen et long terme. Ce plan a pour but d'assurer la promotion du secteur social. Dans cette optique, il offre un cadre dans lequel s'inscrivent les objectifs relatifs au développement et la protection des femmes et des enfants.

- Dès 1991, un groupe interministériel de travail sous la coordination du Ministère du plan s'est attelé à élaborer un programme national d'action en faveur de l'enfant Tchadien (PRONAFET) adopté par le gouvernement le 31 août 1995. Le PRONAFET définit les principaux objectifs pour la survie, la protection et le développement de l'enfant.

- Au niveau sectoriel, la promotion du secteur social entreprise s'est concrétisée à travers trois grandes politiques sectorielles : la santé et la nutrition, l'éducation de base et l'eau et l'assainissement.

- Un programme national de protection des enfants en circonstance particulièrement difficile a été mis en place, coordonné conjointement par le Ministère de la Femme, de l'Enfance et des Affaires et par le Ministère de la Justice.

- En plus des actions politiques ci-dessus, il faut relever la création de la Direction de l'enfance et des personnes handicapées au Ministère de l'action sociale et de la famille et l'existence de la Direction de la protection de l'enfance au ministère de la justice. A cela, s'ajoute la reconnaissance de plusieurs associations de défense, de promotion des droits de l'enfant notamment :

- la Ligue pour la promotion et la défense des droits de l'enfant (LPDDE)

- l'Association pour la promotion de l'enfant de la rue au Tchad (APERT) ;

- l'Association tchadienne amis des drogués (ATAD) ;

- SOS village d'enfants ;

- l'Orphelinat «  Béthanie »,

- l'Association d'entraide en faveur des enfants en détresse au Tchad (AEFEDT),

- l'Orphelinat « Bakane  Al Salam d'Abéché »

Sur le plan réglementaire et législatif, on note l'existence de plusieurs textes de lois parmi lesquels on peut retenir :

-Le décret n°371/77/CSM/MJ du 9 novembre 1977 portant statut des établissements pénitentiaires du Tchad ;

- L'ordonnance n°001/PCE/CDENACVG/91 portant réorganisation des armées ;

- L'ordonnance n°06/PR/92 du 28 avril 1992 portant statut général des militaires ;

- La charte des droits et libertés adoptée par la conférence nationale souveraine ;

- Le décret n°100/Aff. Sociales relatif à la protection de l'enfance et de l'adolescence 

- Et les textes législatifs (code pénal, code de procédure pénale, code du travail et de la prévoyance sociale) contiennent des dispositions sur la protection de l'enfant.

Malgré les actions entreprises au sein des différents départements ministériels et par les ONG et associations et par manque de synergie entre les différents intervenants, le ministère de l'action sociale et de la famille d'une part et les ONG et associations d'autre part, les enfants se trouvent partagés entre les stratégies et actions et cette situation nous préoccupe, d'où la question principale :

Quelles sont les causes des échecs de la réinsertion familiale des enfants de la rue dans la ville de Ndjaména ?

A cette question principale se rattachent les questions secondaires non moins importantes à savoir :

- Quelles sont les difficultés que rencontrent les enfants de la rue pour se réinsérer dans leurs familles ?

- Pourquoi les enfants de la rue qui retournent en famille n' y restent pas ?

- Quelle est l'attitude des parents vis-à-vis des enfants de la rue ?

Telles sont les questions auxquelles nous nous efforcerons de répondre à travers cette recherche.

I.2 : JUSTIFICATION DU CHOIX DU THEME

Le phénomène des enfants de la rue est de plus en plus préoccupant pour les parents et pour le gouvernement à cause de leur nombre qui ne cesse de croître de jour en jour. Leur présence dans la rue les soustrait de l'éducation de la formation professionnelle et les expose à des risques tels que les maladies, les accidents, la toxicomanie, ou le grand banditisme etc. Ce phénomène constitue un risque pour la sécurité des enfants et celle des populations et un frein au développement d'un pays, surtout lorsqu'il se manifeste de manière récurrente comme c'est le cas au Tchad.

Les résultats et les acquis obtenus par les structures de prise en charge des enfants de la rue au Tchad après des années d'existence sont appréciables et méritent d'être soutenus et renforcés. Mais, il ne sert à rien de prendre les enfants de la rue, de les garder dans un centre et de ne rien envisager pour eux à la sortie du centre comme c'est le cas du centre espoir de Koundoul et des centres privés. « Une action qui se contenterait d'améliorer les conditions de vie dans la rue est inutile, et même contre-productive, car elle incite les enfants à rester dans la rue (voire d'autres plus timides, à oser les rejoindre) ; ce que les enfants de la rue veulent, c'est comme tous les autres enfants - aller à l'école, apprendre un métier, fonder un jour leur propre famille, devenir respectables et respectés. Il faut donc impérativement leur proposer de sortir de la rue dans le respect de leur liberté et de leur personnalité et trouver avec chacun une solution qui aura toute la durée nécessaire5(*) »

Pourquoi cette recherche ?

Deux raisons nous ont motivé à mener cette recherche, sinon trois à savoir :

Premièrement :

Les résultats de l'étude sur l'ampleur du phénomène des enfants de la rue au Tchad menée par le gouvernement de la république du Tchad et l'UNICEF entre novembre 2002 et avril 2003 nous ont impressionné aiguisé notre curiosité à savoir pour quoi tant d'enfants vivent dans la rue : 7031, dont 6208 sont des enfants de la rue ;

Deuxièmement :

Nous avons constaté qu'il existe très peu d'études au Tchad sur la question de la réinsertion familiale des enfants de la rue. C'est pourquoi, la présente étude est d'un intérêt professionnel. Elle devrait permettre l'identification de nouvelles stratégies et actions pour répondre aux besoins des enfants qui s'enracinent dans la rue. Elle est également une contribution à la stratégie gouvernementale pour une meilleure prise en charge des enfants de la rue et dans la rue. Elle contribuera à donner plus de lisibilité au ministère de l'action sociale et de la famille dans la prise en charge des enfants de la rue et dans la rue ;

Troisièmement :

Il faut souligner que cette recherche répond également à des préoccupations d'ordre personnel. En effet après avoir passé 14 ans de notre vie professionnelle dans la rue, auprès des enfants handicapés, des enfants orphelins, enfants abandonnés et enfants de la rue, nous avons pu nous rendre compte de la nécessité et de l'intérêt d'une étude sur la réinsertion familiale des enfants de la rue afin d'apporter notre modeste contribution pour leur sortir de la rue.

Comment donc agir ? Quelles stratégies adopter pour extirper ces enfants de la rue et leurs donner une nouvelle forme de vie ?

Telles sont les préoccupations qui feront l'objet de notre présente étude.

I.3 : LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

Les objectifs que nous visons à travers cette recherche sont les suivants :

I.3.1 : OBJECTIF GENERAL

Contribuer à la réinsertion familiale des enfants de la rue

I.3.2 : OBJECTIFS SPECIFIQUES

Identifier les causes des échecs de la réinsertion familiale des enfants de la rue ;

Proposer aux différents intervenants des solutions pour la réinsertion familiale des enfants de la rue.

La réponse à toutes ces questions passe nécessairement par la définition d'hypothèses que le travail de terrain devra permettre de vérifier.

I.4 : LES DIFFERENTES HYPOTHESES DE TRAVAIL

I.4.1 : HYPOTHESE PRINCIPALE

Le faible rendement des interventions en matière de réinsertion familiale des enfants de la rue s'explique par l'inefficacité des stratégies et des actions mises en oeuvre par les différents intervenants.

De cette hypothèse nous pouvons dégager les hypothèses secondaires suivantes :

I.4.2  HYPOTHESES SECONDAIRES

Ø La faible qualification des intervenants ne permet la mise en oeuvre d'actions éducatives efficaces

Ø Les stratégies et actions développées par les intervenants sont insuffisantes.

I.5 : REVUE DE LA LITTERATURE

Pour mieux comprendre le phénomène des échecs de la réinsertion familiale qui se traduit par l'enracinement des enfants dans la rue, nous avons fait le tour des différents débats sur la question à travers la littérature disponible et les entretiens exploratoires. De nos différentes recherches documentaires, nous avons rencontré très peu de documents qui abordent de façon spécifique le sujet de réinsertion familiale des enfants de la rue au Tchad. En revanche, il existe une abondante littérature tournant autour du phénomène « enfants de la rue » à travers le monde mais dominée par des récits qui décrivent les différentes causes qui sont à l'origine de la présence des enfants dans la rue. Les solutions préconisées sont aussi diversifiées que les causes. Quelle que soit l'option, les spécialistes semblent s'accorder pour dire que la meilleure solution demeure la réinsertion familiale car comme l'a dit Yves Marguerat6(*) « si les mots ont un sens, la « rue » est par définition le lieu de non droit, le contraire d'une société fondée sur une norme ».

L'essentiel de ce travail sur la réinsertion familiale des enfants de la rue de N'djamena repose sur l'expérience du terrain et différentes sources sont venues compléter cette recherche : littératures spécialisées (essentiellement des articles, des revues sur les enfants de la rue), études et rapports publiés par certaines organisations internationales (UNICEF, UNESCO).

Parmi ces nombreuses littératures qui se sont penchées sur le phénomène des enfants de la rue, nous retenons celle de Bernard Pirot :

Bernard Pirot dans son livre «  enfants des rues d'Afrique centrale » offre la possibilité de comprendre la réalité de la situation des enfants de la rue et des outils pour construire des solutions efficaces.

Pour Pirot, la problématique des enfants des rues concerne aussi celle de la lutte contre la pauvreté d'où il faut donner aux familles la possibilité d'accroître leurs ressources.

Mais pirot ne cite pas quelles sont ces possibilités. Pirot dit par contre concernant le difficile retour des enfants en famille que : « dans l'absolu, le retour en famille est bien sûr tout à fait souhaitable, mais dans les faits, il est assez rarement possible : la famille ne peut pas être la solution quand elle est elle-même, le problème. Il faut donc inventer d'autres manières de vivre ». Pirot propose que : « si le retour en famille n'est possible, on doit rendre à l'enfant un cadre de vie de type familial, c'est-à-dire une unité de taille restreinte, où il aura la possibilité collective et individuelle sur sa propre vie... » .

Pour la réinsertion familiale des enfants de la rue, Bernard Pirot propose en outre : - retrouver les parents,- établir une relation avec elle, -tenter une médiation en vue d'une éventuelle réinsertion. Cette action comprend généralement plusieurs étapes : une phase de pré enquête (recueil d'informations auprès de l'enfant ou des autres enfants de son groupe), une phase d'enquête proprement dite (recherche de la famille, recueil d'information auprès d'elle et du voisinage), une phase de négociation avec la famille et l'enfant, et enfin une phase éventuelle de réinsertion et de suivi. Pirot précise qu'avant de commencer la recherche d'une famille, les éducateurs doivent recueillir un certain nombre de renseignements assez précis auprès de l'enfant (pré enquête) : son nom, celui de ses parents ou de ses tuteurs, son quartier d'origine, la durée de sa présence dans la rue, les causes qui l'y ont conduit, etc.

Lorsque les éducateurs estiment avoir recueilli suffisamment d'informations, la phase d'enquête sociale proprement dite peut commencer. Il s'agit ici de retrouver la famille de l'enfant, de vérifier les informations qu'il a données, et d'évaluer s'il y a une possibilité de le réinsérer. Ce projet ne peut évidemment être envisagé que si l'enfant est d'accord pour revoir sa famille, et s'il accepte l'éventualité de retourner y vivre un jour. Les éducateurs cherchent généralement à établir un premier contact avec la famille sans la présence de l'enfant : ils doivent alors de comprendre l'histoire de le cellule familiale, et d'établir un premier diagnostic sur la possibilité, ou au contraire l'impossibilité d'une future réinsertion. Cette phase d'enquête est extrêmement délicate, car les réactions de la famille peuvent aller de l'accueil le plus chaleureux (par exemple lorsque l'enfant a fui dans la rue pour une vétille sans donner de nouvelle) à l'hostilité la plus affirmée, tout spécialement en cas d'accusations de sorcellerie (dans ce cas précis les voisins peuvent également manifester une certaine animosité envers l'enfant qui retourne en famille.

Bernard Pirot propose à cet effet, un schéma Pédagogique

SCHEMA PEDAGOGIQUE

Observation stabilisation remise en niveau

Centre d'écoute

Rue

Enquête sociale

Foyer d'hébergement

Formation professionnelle

Action éducation en milieu ouvert

Réinsertion familiale

Apprentissage

Scolarisation

Autonomie : Insertion socioprofessionnelle

Les travaux de Bernard Pirot nous ont aidé à comprendre le

Les travaux de Bernard Pirot nous ont aidé à comprendre le phénomène des enfants de la rue. Nous partageons son idée de « rendre à l'enfant un cadre de vie en créant une unité de taille restreinte de type familial où l'enfant de la rue qui ne peut pas retourner en famille aura une responsabilité individuelle et collective sur sa propre vie. L'idée de Pirot peut avoir son sens surtout pour les enfants totalement orphelins qui n'ont pas de proches parents pour les accueillir et pour les cas des enfants accusés de sorcellerie qui sont mal vue même par des voisins immédiats.

La cellule familiale est en effet le seul milieu de vie naturel de l'enfant, le lieu où il devrait normalement, s'épanouir sur le plan personnel, affectif, intellectuel et social.

Kaboré S Luc7(*) à partir de son étude sur deux institutions (ATD / Quart monde et INEPRO de Gampela au Burkina Faso a voulu savoir si les rééducations sont vraiment efficace pour une meilleure réinsertion sociale. Il est parti de l'hypothèse que ces centres qui sont l'ATD/quart monde et L'INEPRO ne permettent pas une réinsertion sociale satisfaisante des jeunes qui y sortent. L'étude de Kaboré S Luc tire la conclusion que :

- une enquête sociale préalable à l'admission des jeunes dans les centres de rééducation, qui est à même de diagnostiquer les problèmes pour faciliter leur prise en charge n'est pas menée 

- la qualification des encadreurs est insuffisante ;

- le suivi après centre n'est pas assuré.

A partir de ses entretiens auprès des responsables des structures et des anciens pensionnaires, il arrive à la conclusion que 40°/° des sortants de CESF (EX INEPRO) sont insérés contre 10°/° de l'ATD/quart monde.

Kaboré attribue les causes des échecs à :

- l'insuffisance de la formation professionnelle ;

- l'insuffisance la qualification du personnel ;

- manque d'intérêt manifesté par le milieu ;

- l'inadaptation de la structure pour la réinsertion de certains cas.

- A la fin, Kaboré S. Luc propose des mesures concrètes qui nous ont paru très pertinentes :

- une enquête sociale préalable à l'admission des jeunes dans les centres de rééducation ;

- la qualification des encadreurs

- le suivi après centre

Kaboré rejoint donc Bernard Pirot dans ses analyses et ses propositions de réinsertion des enfants de la rue à travers son étude.

L'étude de Kaboré nous a permis de l'analyse institutionnelle de l'Association Tchadienne « les Amis des Drogués ».

F.DALLAPE8(*) quant à lui a parlé dans son ouvrage (enfants de rue, enfants perdus ?) de la prise en charge individuelle et celle de la mobilisation de la communauté pour l'enfant et jeune de la rue.

Concernant la prise en charge individuelle, elle consiste à identifier un enfant de la rue et en fonction de ses besoins, mettre en place avec sa participation un projet. Il peut s'agir d'un projet de retour en famille, d'une inscription à l'école ou d'un placement en apprentissage auprès d'un artisan. Le seul avantage qu'il reconnaît à cette approche c'est qu'elle est facile à mettre en place par toute personne ayant les moyens et la bonne volonté. Ses inconvénients selon DALLAPE résident dans le fait qu'il faut s'assurer que le bénéficiaire est motivé pour le projet, trouver une école qui veut l'accueillir, prendre la mesure des responsabilités qu'implique l'inscription une fois obtenue, ou être sûr que la famille est prête à l'accepter.

Quant à la prise en charge par la mobilisation de la communauté, pour DALLAPE, elle consiste à apporter de l'aide à l'ensemble des membres d'un groupe d'enfants et non à chaque enfant individuellement en ce sens que le groupe et l'entourage ont en eux-mêmes la capacité de réhabiliter les enfants de la rue. L'utilisation des ressources de la communauté constitue le principal avantage de cette approche.

En dehors de ces stratégies de prise en charge des enfants de la rue, DALLAPE considère l'adoption comme une des solutions alternatives pour les enfants de parents très pauvres ou sans famille.

Enfin, il reconnaît que la mise en oeuvre de ces stratégies nécessite un personnel bien formé et engagé.

Le travail de DALLAPE nous a permis de nous imprégner davantage sur le phénomène « enfants de la rue » et sur leur prise en charge.

Cependant, une observation peut être formulée concernant les mesures d'adoption ou de placement en famille des enfants de la rue.

Même si ces solutions sont bonnes, il faut reconnaître que certaines personnes sont sensibles au sort des enfants abandonnés surtout des bébés, mais sont souvent réticentes quand il s'agit des enfants de la rue parce qu'ils ont de ces derniers une perception négative, une certaine stigmatisation. Le retour de l'enfant de la rue dans sa famille fut-elle pauvre est à encourager à notre avis, mais nécessite d'une part des mesures d'accompagnement envers ces familles comme l'octroi de crédits pour une activité génératrice de revenus en vue de l'amélioration de son niveau de vie. D'autre part, réinsérer les enfants de la rue en apportant à leur famille un appui financier (pour payer par exemple les frais de scolarisation de l'enfant) ou matériel (aide alimentaire ou en fourniture scolaire), cette stratégie peut sembler de prime abord séduisante parce quelle permet en théorie de scolariser rapidement les enfants. Malheureusement, elle s'avère souvent inefficace dans la pratique : l'argent destiné à payer les frais de scolarisation est utilisé à d'autres fin, les fournitures sont parfois revendus, etc. Lorsque l'enfant est issu d'une famille en situation socioéconomique précaire, une alternative intéressante serait d'aider la famille à augmenter ses propres ressources (par l'octroi de crédits pour qu'elle mène une activité génératrice de revenus.

La mise en oeuvre de ces stratégies nécessite en plus des critères énoncés pour le personnel par DALLAPE, un nombre d'éducateurs pour le suivi de chaque enfant, d'autre part, un réel engagement des pouvoirs publics dans la prise en charge par l'octroi de moyens aux structures publiques et privées d'encadrement des enfants de la rue ; de même qu'une coordination des actions tant publiques que privées pour éviter plusieurs interventions (qui peuvent souvent se contredire) sur les mêmes enfants.

Nous nous sommes également intéressé aux travaux de RICARDO Luchini9(*) :

Pour Ricardo, la sortie de la rue se construit dans le temps et selon les enfants, elle peut durer plus ou moins longtemps. Chaque enfant est d'ailleurs un cas particulier avec son histoire personnelle et sa propre personnalité. L'élément essentiel le plus important pour que l'enfant entame la sortie de la rue est la » réorganisation de son système identitaire ». Cela signifie qu'il doit trouver ou retrouver des références personnelles lui permettant de se projeter dans un avenir sans la rue. Cela ne signifie pas que l'enfant doive faire « tabula rasa » de tout ce qu'il a appris dans la rue et renier tout ce à quoi il attribue une valeur (compétences et habiletés acquises dans la rue, l'amitié et la solidarité, la fierté de savoir vivre dans un milieu dangereux par exemple). Il valorise donc une partie de l'expérience qu'il a vécue dans la rue. Il s'agit pour la plupart d'enfants qui revendiquent la légitimité d'être dans la rue non seulement comme un mode de vie qui leur est imposé par les circonstances mais aussi comme un choix.

Pour analyser ces différents processus, Ricardo Luchini recourt à une notion originale, celle de « carrière » de la rue. D'après ses analyses, l'enfant suit une carrière dont les étapes seront franchies plus ou moins vites :

- Rupture avec la famille, le plus souvent progressive, et alternance de séjours à la maison et dans la rue (ce qui n'exclut pas de rupture beaucoup plus brutale et de départ subit dans la rue).

- Découverte d'une nouvelle vie dans la rue, qui entraîne un sentiment d'angoisse ou au contraire de liberté, voir d'un certain amusement.

- Intériorisation et revendication de l'identité marginale suivie d'une rupture définitive avec la cellule familiale.

- Installation dans une routine où, peu à peu, s'engluera toute espérance de changer de vie.

L'analyse de ces différentes étapes permet de bien mettre en lumière la part de l'initiative prise par l'enfant lui - même : en effet, lors de la première phase (alternance de séjours dans la rue et à la maison), l'enfant peut faire un bilan entre les avantages que lui apporte la vie dans la rue et les contraintes domestiques. L'autonomie et le sentiment de liberté qu'il acquiert lors de ses séjours hors du domicile familial constituent ainsi le catalyseur qui va déclencher son départ définitif.

Cette analyse de Ricardo, s'applique tout particulièrement aux enfants dans la rue qui décident, un jour, de ne plus rentrer chez eux devenant ainsi des enfants de la rue à part entière. L'enfant dans la rue est en quelque sorte « employé » par sa famille, à laquelle il doit rapporter quotidiennement une certaine somme d'argent. Si dans le bilan qu'il effectue, l'enfant réalise qu'il serait avantageux pour lui de travailler à son propre compte, il pourra alors décider de ne plus regagner le domicile familial, et rester dans la rue. Notons enfin que, dans la dynamique de l'éloignement, le côté provocateur de certains départ ne doit pas non plus être négligé : « C'est l'un des éléments qui expliquent pourquoi, à conditions familiales égales, des enfants quittent leur domicile, alors que d'autre restent10(*) ».

Ricardo différencie trois types de sorties de la rue 

- La sortie active de la rue ;

- La sortie par expulsion ou déplacement forcé ;

- La sortie par épuisement de ressource ou par inertie.

La sortie active de la rue selon Ricardo a un projet qui s'élabore pendant le processus de sortie de la rue. Pour qu'il y ait projet, il faut que l'enfant puisse se projeter dans le temps en imaginant son avenir en dehors de la rue. Il faut aussi qu'il dispose d'une alternative crédible dont il souhaite la réalisation.

Pour cette catégorie d'enfants, la rue devient un laboratoire dans lequel se forge une identité reliée à la construction d'un projet post-cure. L'enfant contribue à créer l'opportunité qui lui permet de quitter la rue.

La sortie par expulsion ou déplacement de la rue concerne avant tout, les cas d'emprisonnement ou d'institutionnalisation prolongée de l'enfant. Ici, la rupture avec le monde de la rue signifie souvent l'insertion dans le monde de la délinquance adulte. De toute manière, le jeune qui sort de prison ou d'une institution après y avoir séjourné pendant quelques années, ne peut plus retrouver sa place dans la rue. D'autre part, pour « Ces jeunes comme pour les autres enfants de la rue qui ont derrière eux une longue carrière dans la rue, la famille ne constitue plus une réelle alternative à la rue11(*) ».

La sortie par épuisement des ressources ou par inertie (matérielles symboliques affectives, sociales) diffère de la sortie active car l'enfant n'a pas de projet ni d'alternative crédible à la rue. Les occasions gratifiantes sont épuisées et l'enfant reste dans la rue par manque de choix et par inertie. L'épuisement des ressources comporte un aspect subjectif et un aspect objectif.

Le premier concerne la perception que l'enfant a de la rue et donc les images qu'il associe.

Le second a trait aux modifications des configurations qui structurent le monde de la rue (groupe, réseaux d'enfants, réseaux adultes -enfants, contrôle policier, programme d'assistance, commerce informel par exemple).

L'épuisement subjectif des ressources peut se manifester sans qu'aucune modification des ressources objectives ne se produit.

L'épuisement des ressources signifie que la rue est devenue un lieu qui ne permet plus à l'enfant de faire le choix en terme de survie, de mobilité spatiale, de sociabilité (appartenance à un groupe ou un réseau). Le plaisir de vivre dans la rue a disparu.

La sortie de la rue par épuisement d'après Ricardo est plus fragile que la sortie active car elle est improvisée et se fait « faute de mieux ». Cette sortie est marquée par la résignation et l'anticipation de son échec probable, c'est pour quoi elle est proche des tentatives avortée de sortie de la rue. Néanmoins, est se prépare avant tout, l'enfant fait des visite chez lui ou réside dans une institution pendant un certain temps. Il s'agit pour lui d'évaluer la probabilité des succès et d'échecs d'un abandon de la rue.

La crainte du rejet parental, ou des contraintes institutionnelles est toujours présente chez l'enfant. Souvent le rapprochement avec la famille est rendu délicat par le changement du statut conjugal de la mère ou du père. En effet, la mère peut avoir un nouveau compagnon ou le père une nouvelle compagne. D'autres changements tels qu'une modification de la composition de la fratrie ou le déménagement de la famille dans un autre quartier ou une autre ville compliquent le retour de l'enfant en famille.

Les travaux de Ricardo, nous ont permis de comprendre que l'existence d'un projet crédible pour l'après rue ainsi que les événements et les rencontres entre l'enfant et un adulte influencent le processus de la sortie de la rue. La durée de ce processus varie selon les enfants et ce dernier est caractérisé par l'échec de nombreuses tentatives de sortie de la rue.

Les travaux de Ricardo nous est également permis de comprendre que la sortie de la rue ne correspond pas toujours à processus progressif de nature linéaire conduisant l'enfant de la rue au non rue. Car il comporte de nombreux retours à la rue. En fait, Ricardo faire ressortir que la rue est elle - même un apprentissage fait d'une succession d'essai et d'échecs. La durée de cet apprentissage et son déroulement varie selon les enfants qui doivent remettre en question un style de vie et l'habitus qui l'accompagne.

Enfin, nous avons pu comprendre grâce aux travaux de Ricardo que la sortie de l'enfant de la rue ne s'improvise pas, mais elle se prépare comme étant une étape finale de la carrière de l'enfant dans la rue. Son déroulement est donc influencé par l'ensemble des étapes de cette carrière.

Ainsi, les intervenants devront tenir compte de la carrière de l'enfant lorsqu'ils l'accompagnent durant le processus de sa sortie de la rue.

Cependant, Ricardo n'a pas abordé la réinsertion de ces enfants dans leurs familles, ni leur suivi après la sortie de la rue.

Nous pensons que si la sortie de l'enfant de la rue est fait d'échec, c'est qu'il manque des mesures d'accompagnement, et le suivi de ces enfants au niveau familial..

Nous nous sommes également intéressé aux travaux de Chazal J12(*)

Chazal s'est penché sur l'actualité du phénomène de la délinquance juvénile, les facteurs explicatifs, le rôle des tribunaux pour enfants, la rééducation des mineurs en France et les résultats obtenus.

Pour l'auteur, « la dernière guerre a déterminé une augmentation considérable du nombre des jeunes délinquants. La captivité, la déportation, à titre politique ou à titre du travail obligatoire, ont dissocié d'innombrables familles. Cette dissociation familiale favorise fréquemment le délit ». A travers des statistiques de 1939 à 1953, il met en évidence la corrélation entre les conséquences de la guerre et l'évolution des taux de la délinquance juvénile en France.

Nous partageons l'avis de l'auteur sur ce point car il rejoint la pensée d'Errico Ferri, disciple de Lombroso, avec ses célèbres lois de la saturation et de la sursaturation criminelles.

La première loi (saturation) signifie qu'un milieu donné recèle une quantité constante de criminalité et la seconde quant à elle, postule que la survenue d'un événement anormal (famine, guerre, crise économique, conflit inter ethnique ...) produit un accroissement brusque de la criminalité.

C'est à partir de la personnalité du délinquant que l'on peut entreprendre sa réinsertion dans sa famille. « L'anti-socialité de certains d'entre eux est si profonde que leurs chances de réinsertion familiale sont minimes et très incertaines ».

Concernant les facteurs de la délinquance, l'auteur associe des facteurs familiaux, sociaux. En effet, la plupart des départs des enfants dans la rue sont, la conséquence d'un mélange de contraintes extérieures plus où moins graves, et d'initiatives prises par l'enfant lui - même. L'initiative peut être un facteur déterminant : certains enfants en voie de marginalisation se laissent plus facilement entraîner par des groupes de la rue, d'autres choisissent délibérément de les suivre.

Il convient également de noter que, sauf cas extrêmes toujours possibles, la rupture entre l'enfant et sa famille n'est pas subite, mais est plutôt l'aboutissement d'un processus de rejet réciproque plus ou moins long. Dans de nombreux cas, le départ de l'enfant est progressif, et lié à l'apprentissage de la vie dans la rue.

Au sujet de la rééducation en internat, l'auteur décrit comme Ricardo Luchini, trois (3) types d'actions à mettre en oeuvre :

- L'action thérapeutique ;

- L'action de préparation professionnelle ;

- L'action éducative.

Il évoque par ailleurs deux dangers majeurs de l'internat à savoir l'adaptation de certains jeunes au point de ne plus vouloir quitter et la mauvaise utilisation de la liberté retrouvée pour d'autres à la sortie de l'internat.

La récidive serait pour l'auteur liée aux facteurs criminogènes. Plus les facteurs criminogènes sont profonds et multiples, plus les possibilités de rééducation se réduisent et plus les chances de récidive augmentent. Pour ce faire l'auteur porte un intérêt primordial au suivi

L'étude de cet ouvrage a été d'une grande utilité pour nous en ce sens qu'il nous a permis de comprendre les causes de la délinquance, les actions de rééducation à mettre en oeuvre et surtout l'importance de la postcure. Mais si son oeuvre est consacrée à l'enfance délinquante, elle nous intéresse dans la mesure où au Tchad la prise en charge des enfants de la rue souffre à cause de manque d'internat de rééducation au sens vrai du mot. L'internat de rééducation reçoit des enfants caractériels et des enfants délinquants.

Cependant, l'application de ces actions de rééducation décrites dans son oeuvre doit tenir compte des contextes. Notre étude se servira sans conteste de certains éléments de son ouvrage.

Capul M.13(*), décrit et fait l'analyse des pratiques rééducatives à partir d'expériences de terrain. Il apporte une connaissance de base sur le fonctionnement et les enjeux des différents groupes éducatifs et met en relief les fonctions de l'internat, la psychopathologie de l'enfant en difficulté, les avantages et les inconvénients de la vie en groupe.

Au sujet des groupes rééducatifs, l'auteur juge utile et fécond la psychopédagogie de groupe mais il la veut ouverte : celle qui ne sacrifie pas l'individu au groupe ni le groupe aux individus, grâce aux échanges humains qui permettent une perpétuelle ouverture

Abordant les fonctions de l'internat, Capul, estime qu'à l'heure actuelle, l'internat n'apparaît ni comme une panacée universelle ni forcément nocif en soit. S'il est bien équipé, son intérêt dépend d'indications correctement posées, elle -même fonction d'une évaluation précise des ressources de l'enfant et de la famille. Il joue un rôle affectif, social et culturel. Il remplit aussi une fonction pédagogique et thérapeutique. L'institution et son personnel représentent la société, sa loi et ses normes.

Pour l'auteur, la réussite de l'action éducative dépend de l'institution et de son organisation qui doit prendre en compte la dimension individuelle de l'enfant, son milieu d'origine et le groupe éducatif dans lequel il évolue.

Il souligne la nécessité pour l'éducateur de travailler avec la famille des enfants dans le cadre de la rééducation, car pour certains enfants et selon les théoriciens de la thérapie familiale tel que Maurice porot14(*) » c'est la famille qui est malade et nécessite des soins et non l'enfant ».

Les échecs constatés dans l'action éducative proviennent souvent d'un conflit entre les buts visé par les intervenants et les moyens utilisés pour atteindre ces buts, d'une opposition des enfants à qui le séjour en institution est imposé, du caractère artificiel de la vie en institution, et de la déficience d'un personnel insuffisamment qualifié. L'auteur ne se prononce pas cependant sur le retour en famille.

L'auteur, nous a permis à travers son ouvrage de comprendre que l'essentiel du travail éducatif en internat repose sur la qualité du cadre institutionnel et ensuite de l'ouverture du centre sur l'environnement, notamment, la famille.

I.6  CLARIFICATIONS CONCEPTUELLES

Nous allons dans notre étude recourir à un certain nombre de concepts.

Pour lever toute équivoque, nous trouvons nécessaire de procéder à leur définition. Il s'agit de :

- Enfant :

L'enfant est défini par la convention relative aux droits de l'enfant comme tout être humain de moins de 18 ans sauf si la loi nationale accorde la majorité plus tôt.

La tradition tchadienne à l'instar des autres traditions africaines considère l'enfant comme un des biens les plus précieux pour toute la famille. Il constitue une richesse, une force sociale et économique pour le clan. Nos traditions ont toujours été portées à la sauvegarde de l'enfant et à sa protection. C'est ainsi que l'enfant bénéficie de la protection de toute la communauté. Cependant, on observe à l'heure actuelle que l'enfant qui a toujours été un trésor est en train d'être abandonné à lui-même.

Sur le plan juridique, l'enfant ou le mineur est un être humain qui a moins de 18 ans. La législation tchadienne prévoit plusieurs formes de protection de l'enfant variant selon la tranche d'âge et la nature des droits à affirmer et à protéger. Ces différentes protections couvrent tout le champ de l'enfant depuis la naissance jusqu'à l'âge de 18 ans.

Aux termes de l'article 53 du code pénal tchadien, les individus âgés de 18 ans révolus sont considérés comme majeurs au regard de la loi pénale. Selon l'article 52 du code pénal, les mineurs de 13 à 18 ans pourraient subir des peines d'emprisonnement lorsqu'une condamnation pénale paraîtra nécessaire.

Le droit à l'éducation et à la formation professionnelle est garanti par l'article 35 de la constitution. L'enseignement public est laïc et gratuit et obligatoire à partir de 6 ans.

- Enfant de la rue :

Il convient de souligner que la notion d'enfant de la rue désigne un phénomène très hétérogène : certains enfants vivent en permanence dans les espaces publics ; d'autres y passent la journée pour y travailler, mais rentrent dormir chez eux le soir ; d'autres font au contraire des apparitions très irrégulières au domicile familial. Certains enfants ont été chassés de chez eux, d'autres se sont enfuis, souvent attirés par une bande qui vit déjà dans la rue, certains sont accusés de sorcellerie, d'autres encore ont subi des sévices etc.

Pour tenter de saisir ces différentes situations, les acteurs de terrain emploient le plus souvent des sous-catégories : ils parlent ainsi d'enfants de la rue, d'enfants dans la rue, voire parfois même d'enfants à la rue Cette terminologie est relativement récente, puisqu'elle a été systématisée dans les années 1980. C'est ainsi que, pour l'Afrique, les participants au forum de GRAND-BASSAM15(*) (en mai 1985) décidèrent de rompre avec des termes comme «  prédélinquants », pour adopter les notions plus neutres d' « enfants de la rue » (en permanence) et d' « enfant dans la rue (le jour seulement)

- Enfants dans la rue :

A la différence des enfants de la rue, les enfants dans la rue ne sont pas en rupture avec leur cellule familiale et ils gardent le plus souvent un contact régulier avec leurs parents. Ils passent cependant la plus grande partie de leur temps dans la rue pour y travailler, jour et nuit s'il le faut. Ils tentent ainsi de subvenir aux besoins de leur famille, dont ils sont parfois l'unique soutien financier.

REMARQUE : Entre ces deux grandes catégories, on peut ranger les enfants en situation transitoire : certains ne font plus que des apparitions irrégulières au domicile familial ; d'autres sont en situation de fugue plus ou moins longue. Certains acteurs les rangent sous une troisième étiquette, celle des Enfants à la rue.

Les limites entre ces trois catégories, enfants de la rue, enfants dans la rue et enfants à la rue ne sont pas toujours claires, mais il est important d'essayer de les distinguer, surtout dans la perspective et la logique de notre recherche orientée vers la réinsertion familiale.

- La réinsertion familiale :

Nous entendons par réinsertion familiale le retour de l'enfant dans son milieu familial. Au-delà de la présence physique de l'enfant, la réinsertion devrait se traduire par le rétablissement de la relation affective. La finalité du retour en famille est pour l'enfant de la rue la réintégration dans la famille.

La réinsertion est un processus consistant à remettre dans un groupe donné une personne qui se serait écarté des règles, des normes et des valeurs préétablies par ce groupe en lui faisant bénéficier des mesures (soins, soutiens de diverses natures, accompagnement etc.)

Dans le contexte de notre étude, la réinsertion familiale renvoie à l'ensemble des actes professionnels conduits par des professionnels en vue de permettre à des enfants de la rue, l'abandon de la vie de la rue, la construction d'une image positive de soi, l'intégration dans la vie familiale et sociale et enfin l'adoption et le respect des valeurs et normes.

La famille quant à elle selon Maurice Porot : «  est l'ensemble des personnes d'un même sang, vivant sous le même toit et plus particulièrement le père, la mère et les enfants .Il y a un donc deux critères précis du lien familial : même sang et toit commun. ». Mais la famille peut être aussi composée de « père » et « mère » avec des enfants adoptés.

La famille est composée du couple, des enfants, des collatéraux et des autres membres.

De nos jours la famille se referme de plus en plus sur un noyau composé du couple et de ses enfants.

Ces dernières années, on assiste à l'émergence de familles monoparentales, des familles recomposées, où pour une raison ou pour une autre le père et la mère ne vivent pas ensemble.

CHAPITRE II : CADRE METHODOLOGIQUE DE L'ETUDE

II.1  L'UNIVERS DE LE RECHERCHE

II.1.1Présentation de la zone d'étude

Couvrir les grandes villes du pays pour une telle étude aurait permis d'avoir plus d'informations pour enrichir le contenu de cette recherche Cependant pour des raisons de limites de temps et de moyens financiers, nous avons choisi de mener nos investigations dans la ville de N'djamena qui passe pour être la plus touchée par le phénomène des enfants vivant dans la rue.

II.1.2  Présentation de la ville de N'djamena

Sur le plan démographique :

Fondée le 29 mai 1900 par Emile gentil au confluent des fleuves Logone et Chari sur l'emplacement d'anciens villages de pêcheurs Kotoko, la ville s'appelait Fort Lamy en souvenir du commandant François Amédée Lamy décédé à la bataille de Kousseri quelques jours plus tôt. Elevé au rang de commune en 1919, la ville a assuré un rôle stratégique de première importance pendant la seconde guerre mondiale en devenant un lieu de recrutement, de regroupement et de formation des forces françaises.

Le 06 novembre 1973, le Président François Tombalbaye 1er président de la République du Tchad, la renomma N'djamena, du nom d'un village arabe voisin (Am N'djamena, c'est-à-dire : le lieu ou l'on se repose).

La ville a subi de lourdes destructions en 1979 et surtout en 1980 au moment de la guerre civile. N'djamena s'est fortement repeuplée depuis et abrite une population d'environ 1 777 284 habitants16(*) .

Comptant 126000 habitants au lendemain de l'indépendance, la ville de N'djamena s'est considérablement développée. A partir de 1980, en raison de l'exode rural croissant, la ville connaît une extension géographique à l'Est et au Nord-est (quartiers de Chagoua, Diguel, Dembé, Ndjari) sur des terrains situés en des zones inondables où n'existe actuellement aucun réseau de drainage des eaux pluviales. Chaque année au moment de la saison de pluies, cette partie de la ville qui s'étend sur plus de 300 000 hectares et où sont recensés plus de 300 000 habitants doit faire face à l'inondation aux conséquences dramatiques (coupure des voies de communication, effondrement des bâtiments, épidémies de tout genre etc.).

N'djamena dispose dans le cadre de l'ordonnance n° 23 du 22 septembre1975, d'un statut particulier qui la dote de 5 puis 8 arrondissements.

Les infrastructures existantes ne sont pas suffisantes (voirie, alimentation en eau potable, drainage des ordures ménagères, électricité, etc.)

Depuis 2005, N'djamena est divisée en dix (10) arrondissements regroupant cinquante deux (52) quartiers dont vingt six (26) officiellement reconnus. Ces quartiers eux-mêmes subdivisés en sept cent six (706) carrés qui sont les plus petites entités administratives de la ville. La plupart des familles pauvres et leurs enfants se retrouvent dans une moitié de la ville (26 autres quartiers non reconnus) où il n'existe pas de services sociaux de base (eau potable, électricité, drainage des ordures ménagères, écoles publiques, centres sociaux, centres culturels, dispensaire etc.)

Sur le plan Social :

La ville de N'djamena compte un important nombre d'écoles primaires dont la majorité est privée, huit (08) jardins d'enfants publics, seize (16) lycées et des collèges d'enseignements généraux publics et privés, deux universités, huit (08) écoles supérieures, cinq (05) hôpitaux, des services de santé (dispensaires, cliniques) publics et privés. Huit (08) Centres sociaux.

La mairie de N'djamena a un service social autrefois dénommé brigade des moeurs de protection de l'enfance. Ce service comprend 24 agents sociaux affectés par le Ministère de l'Action Sociale et de la Famille, présente sur l'ensemble du territoire urbain (un Assistant Social dans chaque arrondissement). Sous la houlette de sa responsable, le service a défini plusieurs priorités d'actions à l'attention des populations les plus défavorisées (filles mères, enfants abandonnés)

II.2  LA POPULATION A L'ETUDE

La population à l'étude concerne les enfants vivant dans la rue et ceux bénéficiant des prestations des structures d'internat de l'Association Tchadienne des Amis des Drogués à N'djamena et à RAF une bourgade située à 45km.

Pour les enfants vivant dans la rue, nous avons pu obtenir une liste de dix (10) enfants en nous rendant directement dans leur « nid » aux abords du grand marché central. Ils étaient par petits groupes et nous avons pu dénombrer vingt (20).

Pour ceux bénéficiant de la prise en charge de l'ATAD, nous avons également pu obtenir une liste de trente sept (37) enfants. Ces nombres ont été extraits des cahiers d'enregistrement des enfants. Ces cahiers ne contenaient que les données de l'année 2006, 2007 et une partie de 2008.

Au total cinquante sept (57) enfants de la rue forment la population de notre étude.

Nous avons également interrogé vingt associations oeuvrant en faveur des enfants pour identifier le profil des professionnels intervenant au sein desdites associations.

L'Association Tchadienne « Les Amis des Drogués » est une association humanitaire à but non lucratif et apolitique.

Son objectif est de récupérer les enfants vivant dans la rue qui se droguent, les rééduquer et les réinsérer dans les familles ou dans la vie active.

Pour ce faire, les activités menées par cette association sont la scolarisation, l'alphabétisation, l'apprentissage des métiers, la sensibilisation etc.

L'ATAD est dirigée par un ancien gendarme à la retraite. Il en est le président depuis la date de sa création en 1992.

Les membres adhérents au nombre de soixante cinq ( 65) : on y trouve des médecins, des enseignants, des assistants sociaux, des sociologues des psychologues, des juristes etc. Parmi ces adhérents dont on nous a présenté la liste, 5 sont décédés, 5 sont exclus, 9 non à jour de leur participation financière, 12 non résidents. Autrement dit, l'ATAD ne compte que 34 membres actifs

Cependant, le personnel d'encadrement des enfants est sans qualification. Tous les encadreurs des enfants sont formés sur le tas. Au centre de Raf par exemple, il se trouve que l'éducateur encadreur est un ancien enfant de la rue qui dirige 23 enfants sans aucune formation de base.

Les moyens d'action

Moyens humains

L'ATAD dispose d'un personnel d'encadrement des enfants à N'djamena et à RAF composé :

- 04 animateurs

- 02 maîtres communautaires

- 02 cuisinières

- 01chauffeur

- 02 gardiens

Moyens matériels

L'ATAD dispose :

- deux locaux, l'un au centre de la ville et l'autre à RAF(une bourgade) à 45km

- d'une voiture de seconde main toute délabrée

- d'un ordinateur

- d'une ligne téléphonique

- d'un matériel de cuisine

- d'un matériel et fourniture de bureau

- d'un matériel d'animation

- d'un matériel d'alphabétisation.

- d'une machine à écrire mécanique

- de trois bâtiments

- de deux hangars

- d'un château d'eau solaire

- de deux douches

- de 4 ha à RAF. en cours de construction d'une infirmerie.

Les partenaires financiers et techniques

Ils sont composés comme suit :

Partenaires financiers 

- L'association Italienne IL FOCOLARE principal bailleur avec un soutien permanent,

- L'UNICEF (soutien financier et matériel ponctuel)

- Médecins du monde (soins infirmiers des enfants)

Partenaires techniques.

- L'Ecole Nationale de Santé Publique et de Service Social (ENASS) qui met des stagiaires à disposition de l'ATAD

- La Direction de la protection et du suivi judiciaire du Ministère de la justice pour le traitement des dossiers des enfants poursuivis,

- La Direction de l'Enfance du Ministère de l'Action Sociale et de la Famille pour l'organisation des formations des encadreurs,

- Le Centre Technique d'Apprentissage Professionnel (CTAP) pour le placement en formation des enfants.

II.3  STRATEGIE DE LA RECHERCHE

II.3.1 DESCRIPTION DE L' ECHANTILLON

En ce qui concerne les responsables de la structure de prise en charge des enfants de la rue, nous avons pu interroger tout le monde compte tenu de leur nombre réduit vingt (20)

Au niveau des travailleurs sociaux de la Direction de l'Enfance, nous avons seulement pu interrogé que cinq (5) sur vingt (20) de prévu initialement ainsi que cinq (5) parents. Du côté des partenaires financiers aucun n'a été interviewé à cause de leurs emplois de temps chargés.

Quant aux enfants de la rue, nous avons pu administrer le questionnaire qu'à 10 enfants. Pour les enfants pris en charge dans les structures (internat de RAF et AEMO de Ndjaména), nous avons également pu interroger dix (10) enfants. Au total vingt (20) enfants ont constitué l'échantillon.

Initialement, nous avons prévu soumettre nos questionnaires aux enfants de rue pris en charge dans le centre public (centre espoir de Koundoul pour l'enfance) mais arrivé sur le terrain, il s'est avéré que le centre espoir de Koundoul n'est plus fonctionnel depuis plus 6 mois, (raison évoquée, le centre est en plein restructuration).

Le choix des enfants de la rue composant l'échantillon a été fait de la façon suivante: à partir d'une liste de chaque groupe d'enfants (enfants vivant dans la rue, ceux bénéficiant des prestations de l'ATAD), un numéro a été affecté à chaque nom et un tirage au hasard fait à partir de ces numéros.

Avec les numéros choisis, nous nous sommes référés à la liste des groupes pour retenir les noms composant l'échantillon.

II.3.2 Représentativité de l'échantillon

Nous pouvons dire que l'échantillon est représentative en ce sens qu'il recouvre la population bénéficiant des prestations de l'ATAD (AEMO de Ndjaména et L'Internat de RAF) et les résultats de son action à savoir les retournés en famille.

L'échantillon réunit 80% des enfants vivant dans la rue depuis au moins 1 an soit huit (8) enfants sur dix (10).

L'ensemble de l'échantillon (20 enfants) par rapport à la population à l'étude est de 30%. Nous aurions voulu prendre un plus grand nombre, mais nous avons mené notre étude pendant la période de l'état d'urgence qui a précédé l'attaque rebelle sur la ville de N'djamena et la dispersion de la population, leur mobilité, le manque de temps et de moyens financiers pour les contacter nous en ont empêchés.

II.4  Instruments et techniques de collecte de données

Afin de rassembler le maximum d'informations pour la compréhension de notre problématique d'étude, plusieurs outils et techniques ont été utilisés :

II.4.1  Recherche documentaire

Pour mener à bien notre travail, une recherche documentaire a été faite auprès de certaines bibliothèques de Ouagadougou et de N'djamena. Il s'agit notamment de la bibliothèque de l'institut de formation en travail social de Ouagadougou, de la bibliothèque du rectorat de N'djamena, de la bibliothèque de l'UNESCO à N'djamena de celle du CEFOD à N'djamena et le Campus Numérique de la Francophonie à N'djamena.

Elle a porté sur la littérature ayant trait au phénomène des enfants de la rue et surtout de la question de la réinsertion familiale de ces derniers. D'une part cette phase a constitué une étape importante pour notre travail en ce sens qu'elle nous a permis de recueillir des informations pertinentes à une meilleure compréhension de notre thème de recherche, à le circonscrire et à définir notre problématique. D'autre part, elle nous a permis d'obtenir des données permettant de vérifier les hypothèses. Il s'agit des rapports de fonctionnement, rapports bilan de prise en charge des structures des enfants de la rue de l'ATAD et du centre espoir de Koundoul pour l'enfance.

II.4.2 Le pré test :

Le questionnaire a été pré testé auprès de cinq (5) enfants de la rue de la façon suivante :

-2 enfants de rue bénéficiant des prestations de L'ATAD

-2 enfants vivant dans la rue ne bénéficiant pas des prestations d'une structure de prise en charge

- 1 enfant retourné en famille qui a bénéficié des prestations de l'ATAD.

Le choix de ces enfants a été fait de façon accidentelle et il a eu lieu une semaine avant l'enquête.

Après le pré-test, nous avons corrigé le questionnaire soit en le reformulant soit en supprimant certaines questions et aussi en ajoutant d'autres.

II.4.3 L'enquête 

L'enquête proprement dite s'est déroulée du 1er au 31 mars 2008.

Elle a consisté à administrer le questionnaire à vingt (20) enfants de la rue dont dix (10) pris en charge par les structures de l'ATAD et dix (10) autres vivant dans la rue, et le guide d'entretien aux travailleurs sociaux, aux parents des enfants de la rue et aux partenaires financiers des associations oeuvrant en faveur des enfants de la rue.

Deux éducateurs nous ont appuyé dans ce travail. Il s'agit d'un éducateur formé sur le tas par l'ATAD et d'un assistant social travaillant au service social communal de la ville de N'djaména.

II.4.4 L'observation

L'administration du guide d'entretien aux responsables de structures de prise en charge des enfants, aux travailleurs sociaux et partenaires financiers et le questionnaire d'enquête adressé aux enfants de la rue a été complété par une observation directe. Elle a été utilisée pour se faire une idée exacte des réalités du terrain.

II.4.5 Les questionnaires

L'affirmation ou la confirmation des hypothèses s'est fait également par questionnaire d'enquête adressé aux enfants vivant dans la rue et aux enfants pris en charge dans les structures de l'ATAD.

Ces questionnaires visent à recueillir des informations quant à l'impact de l'action éducative sur les enfants d'une part et leur situation de réinsertion familiale d'autre part.

L'étude de l'impact a porté essentiellement sur les progrès des enfants en terme de changement de comportement (stabilité, rapport avec les parents etc.). Cette enquête s'est déroulée à N'djamena.

Chaque questionnaire comprend des questions fermées et des questions ouvertes permettant à « l'enquêté » de cocher dans la case correspondante à sa réponse ou de développer librement ses points de vue et ses suggestions.

Compte tenu du niveau des enfants en français, nous avons traduit les questions en Sara et en « Arabe local », (deux langues couramment parlées par les enfants de la rue); puis cocher ou écrire les réponses.

II.4.6 Les guides d'entretien

Afin de confirmer ou d'infirmer nos hypothèses de recherche et de répondre aux questions posées, nous avons administré des guides d'entretien aux responsables des structures de prise en charge des enfants de la rue, aux travailleurs sociaux de la direction de l'enfance du ministère de l'action sociale et de la famille, aux parents des enfants vivant dans la rue et aux partenaires financiers impliqués dans la réinsertion familiale des enfants de la rue.

Les entretiens ont été de type semi structuré. Cette technique permet de recueillir des informations riches qui sont susceptibles d'être qualifiées. Le choix de ce type d'entretien s'explique par la souplesse qui caractérise cette technique.

L'entretien vise pour les responsables des structures de prise en charge à collecter les informations sur leur carrière, et sur le fonctionnement de la structure dont ils ont la charge. Pour les travailleurs sociaux, il vise à connaître leur perception sur la réinsertion familiale des enfants de la rue. Pour les parents, comprendre les difficultés liées au départ des enfants dans la rue et leur retour en famille.

II .5 Le dépouillement et traitement des données

Après avoir administré les instruments de recueil des données, nous sommes passés à leur traitement, c'est-à-dire leur dépouillement par question. Le dépouillement et le traitement des données se sont faits de façon manuelle.

Ils ont consisté à vérifier si les questionnaires ont été bien remplis et à faire les catégorisations. Ensuite les données ont été analysées et interprétées en leur donnant un sens.

II.6 DIFFICULTES

Au titre des difficultés nous retenons celle financière, l'insuffisance du temps et surtout le contact et la communication très difficile avec notre Directeur de mémoire qui se trouvait loin de notre terrain de l'étude. Nous pouvons également ajouter à cette liste le climat de guerre et d'insécurité qui a prévalu tout au long de notre enquête. En effet, la prise de contact avec des enfants de la rue concernés par notre enquête, a été laborieuse. La nature de ces derniers éprouvés psychologiquement et caractérisés par la méfiance envers les adultes, leur instabilité et leur extrême mobilité d'une zone « nid » à une autre est à souligner.

Il y a également le coût élevé en argent et en temps pour aller de Ouagadougou à N'djamena et mener cette enquête.

Enfin, nous pouvons souligner le manque de capitalisation de données d'enfants retournés en famille depuis l'ouverture de l'ATAD en 1993, et le manque d'enfants dans le centre Public, le Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance. Ce qui nous a contraint à nous rabattre sur l'ATAD et à constituer notre échantillon à partir des enfants encadrés de 2006 à 2007 et une partie de l'an 2008.

CHAPITRE 3 : PRESENTATION, ANALYSE, INTERPRETATION

DES RESULTATS

3.1 Présentation et analyse des résultats

Elle s'est faite en étudiant les caractéristiques socio -démographiques et socio -professionnelles particulières de chaque groupe d'enfants à savoir ceux bénéficiant des prestations de l'Association Tchadienne les Amis des Drogués et ceux vivant dans la rue.

3.1.1 Caractéristiques socio - démographiques des « enquêtés »

Les « enquêtés » sont identifiés selon les indicateurs suivants :

- Âge

- Sexe

- Lieu d'habitation

- Ville d'origine

- Situation matrimoniale des parents

3.1.1.1 Age des « enquêtés »

Tableau n°4 : Répartition des « enquêtés » selon l'âge

AGE

EFFECTIF

POURCENTAGE

6 à 9 ans

3

15%

10 à 12 ans

4

20%

13 à 16 ans

9

45%

17 à 21 ans

4

20%

TOTAL

20

100%

Source : enquête de terrain mars 2008

Ce tableau montre que les « enquêtés » qui ont l'âge compris entre dix (10) et seize (16) ans sont au nombre de treize (13) soit 65% des « enquêtés ». Cette tranche d'âge correspond généralement à l'adolescence qui se caractérise fondamentalement par une crise qui apparaît de plus en plus tôt (dès 10-12 ans). Cette période est marquée par de profonds bouleversements physiques et psychologiques et se manifeste par une révolte et une opposition parfois violentes aux modèles parentaux, scolaires, institutionnels.

En effet, l'entrée dans l'adolescence perturbe les relations familiales : la communication entre parents et enfants deviennent alors difficile. Si difficile que pour certains jeunes, la seule solution devient la fuite car pour eux, c'est le seul moyen d'expression possible. La tranche d'âge de 13 à 21 ans constitue 65% de l'échantillon, vu leur âge, ce résultat prouve la longue durée de vie de la plupart des enfants dans la rue.

L'insatisfaction de leurs besoins de survie pourrait expliquer leur présence dans la rue et dans les locaux de l'ATAD. Par contre, les enfants dont l'âge se situe entre six (6) et douze (12) ans sont au nombre de sept (7).

Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que les enfants de la rue refusent de dire la vérité et ne donnent pas souvent leur vrai âge et leur vraie identité ; par exemple Mahamat B que nous avons interrogé au grand marché central de N'djamena mesure environ 1,50m. Il avait l'air d'un garçonnet de douze (12) ans alors qu'en réalité il avait dix huit (18) ans d'après le carnet de santé qu'il possédait et qui le servait de pièce d'identité. Difficile donc de vérifier l'âge de ces enfants qui sont généralement sans aucune pièce d'identité.

Les conditions de vie très difficiles que mènent ces enfants dans la rue invitent à une rapide action pour les inciter à retourner en famille.

3.1.1.2 Sexe des « enquêtés »

Tableau n° 5 : Répartition des « enquêtés » selon leur sexe

SEXE

EFFECTIF

POURCENTAGE

Féminin

0

0%

Masculin

20

100%

Total

20

100%

Source : enquête de terrain mars 2008

Ce tableau montre que tous les « enquêtés » sont uniquement de sexe masculin. Cela prouve que le « phénomène enfant de la rue » touche beaucoup plus les garçons que les filles. Toute fois, la rareté des filles ne voudrait pas dire qu'il n y a pas de filles parmi les enfants de la rue. IL est seulement très rare de voir les filles dormir dans la rue comme les garçons. Elles peuvent être hébergées ou entretenues par des hommes ou par certaines familles comme « bonne ». Nous pourrions les mettre dans la catégorie des « enfants dans la rue » car leur vie dans la rue est assimilable à la prostitution pour certaines.

3.1.1.3 Lieu d'habitation des « enquêtés »

Tableau n° 6 : Répartition des « enquêtés » selon leur lieu

d'habitation

LIEU D'HABITATION

EFFECTIF

POURCENTAGE

Structure de prise en charge (ATAD)

3

15%

La rue

17

85%

TOTAL

20

100%

Source : enquête de terrain mars 2008

Le tableau ci-dessus nous montre que 85% de la totalité des « enquêtés » vivent dans la rue ou ont vécu dans la rue avant d'être recueillis par l'ATAD soit dix (17) enfants sur vingt (20). Cette situation peut avoir son explication dans la précarité que vivent les familles mais surtout pour le fait que beaucoup ont été confiés à des tuteurs et ne vivent pas dans leurs propres familles. Le départ dans la rue est alors plus facile pour ces enfants qui échappent à l'autorité parentale.  « La plupart des enfants, c'est-à-dire, surtout ceux qui ont choisi d'y être, la liberté et l'indépendance de la rue offrent des dimensions nouvelles, une occasion de découvrir d'autres gens, d'autres idées, d'autres formes de vie sociale que celle de la maison : la rue crée son propre système de valeurs de bonté et de la justice se transforment en astuce et ruse. La rue met tout le monde sur le même pied d'égalité et efface le passé. Lorsque l'avenir est lointain, seul le présent compte17(*) ».

3.1.1.4 Ville d'origine des « enquêtés »

Tableau n°7 : Répartition des « enquêtés » selon leur ville d'origine

VILLE D'ORIGINE

EFFECTIF

POURCENTAGE

Abéché

3

15%

Ati

2

10%

Bongor

2

10%

Bol

1

5%

Doba

2

10%

Koumra

1

5%

Lai

1

5%

Mongo

1

5%

Moundou

1

5%

Ndjamena

3

15%

Sarh

3

15%

TOTAL

20

100%

Source : enquête de terrain mars 2008

Selon ce tableau ci-dessus, plusieurs villes sont concernées par le phénomène des « enfants de la rue ». N'djamena étant la capitale de la république du Tchad, il se trouve qu'elle est le pôle d'attraction de toutes les couches de la société tchadienne. Les uns poussés par l'aventure, viennent tenter leur chance à la recherche de l'emploi, les autres, des fonctionnaires ou employés des organisations privées.

Ce tableau montre que le phénomène trouve ses origines plus en milieu urbain qu'en milieu rural et nous pouvons dire qu'il touche l'ensemble du pays ; ce qui nous amène à donner les raisons de la présence de ces enfants dans la ville de N'djamena.

3.1.1.5 Situation matrimoniale des parents des « enquêtés »

Tableau n°8 : Répartition des « enquêtés » selon la situation

matrimoniale des parents

SITUATION MATRIMONIALE DES PARENTS

EFFECTIF

POURCENTAGE

Parents unis

10

50%

Parents séparés/ divorcés

6

30%

Parents décédés

4

20%

TOTAL

20

100%

Source : enquête de terrain mars 2008

Nous constatons à la lecture de ce tableau que 10 enfants (50%) ont leurs deux parents vivants ou l'un vivant dans le domicile conjugal, soit c'est une famille monoparentale, soit c'est une famille polygame mais unie. 6 enfants soit 30% ont leurs parents séparés ou divorcés, 4 enfants soit 20% ont leurs parents décédés ou l'un d'eux décédé (e). A la lecture de ce tableau , on peut considérer mis à part les enfants ayant des parents vivant ensembles (50%) que les 10 autres sont dans des situations qui nécessitent une prise en charge rapide compte tenu de certaines défaillances sociales au niveau des familles. Par ailleurs, les difficultés vécues par les enfants dont les parents vivent ensemble pourraient expliquer leur présence dans la rue : il pourrait s'agir de l'effet pervers de la polygamie tels que les mauvais traitements, les stigmatisations, les discriminations...La déstructuration de la cellule se révèle être l'un des principaux moteurs du processus de production d'enfants de la rue. Cependant, la seule défaillance de la famille ne peut suffire pour à saisir la complexité des facteurs qui ont conduit l'enfant dans la rue, tout comme le seul critère économique ne suffit pas à expliquer le phénomène. Cette situation peut signifier également un manque de rigueur dans l'éducation des enfants ou de leur mauvaise prise en charge dans la famille ou aussi de la personnalité propre de l'enfant lui-même.

3.1.2 Caractéristiques socio - professionnelles

Les « enquêtés » sont repartis selon les indicateurs suivants :

- Niveau scolaire

- Raison de présence à N'djamena

- Raison de présence dans la rue

- Situation des enquêtés suivant leur projet d'avenir

3.1.2.1 Niveau de scolarisation des « enquêtés »

Tableau n°9 : Répartition des « enquêtés » selon le niveau de

scolarisation

NIVEAU D'INSTRUCTION

EFFECTIF

POURCENTAGE

Sans instruction

1

5%

Ecole coranique

5

25%

Ecole primaire

14

70%

Ecole secondaire

0

0%

TOTAL

20

100%

Source : enquête de terrain mars 2008

Le tableau ci-dessus laisse apparaître que quatorze (14) enfants soit 70% des enquêtés ont fréquenté l'école primaire. Ce pourcentage comparé à celui de la tranche d'âge entre treize (13) et vingt un (21) ans laisse comprendre que ces enfants ont été mis tôt à l'école mais ont dû décrocher pour se retrouver dans la rue. Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que la plupart d'entre eux ont été confiés à des tuteurs.

Cinq (05) enfants à l'école coranique soit 25% de l'échantillon laisse apparaître que le phénomène « enfants de la rue » touche également les enfants confiés à des maîtres coraniques. La présence de ces enfants dans la rue s'expliquerait par les dures conditions d'éducation infligées à ces enfants.

Un (1) seul enfant soit 5% de l'échantillon sans instruction, cela s'expliquerait du fait que les familles d'accueil des enfants confiés, n'offrent pas à ces derniers l'opportunité d'aller à l'école. La plupart deviennent des gardiens de domicile pendant que le père, la mère sont au boulot et leurs propres enfants à l'école. Mais cette situation pourrait également avoir son explication dans la reproduction des enfants de la rue( la rue elle-même produit ses propres enfants). Un enfant qui est né de l'union entre les enfants qui vivent dans comment pourra t - il aller à l'école ?

3.1.2.2 Raison de la présence des « enquêtés » à N'djamena

Tableau n°10 : Répartition des « enquêtés » selon les raisons de

leur présence à N'djamena

RAISON DE LA PRESENCE

A N'DJAMENA

EFFECTIF

POURCENTAGE

Ecole coranique

5

25%

Venu rester chez un parent ou tuteur

10

50%

Né à N'djamena

5

25%

TOTAL

20

100°/°

Source : enquête de terrain mars 2008

 

Le tableau ci-dessus montre que dix (10) enfants soit 50% des enfants venus rester chez un parent proche ou un tuteur à N'djamena, s'est retrouvé dans la rue. Cette situation pourrait avoir son explication dans les mauvais traitements (violences corporelles et verbales, manque de nourritures etc.). Ces mêmes explications peuvent être évoquées pour les cinq (05) enfants de l'école coranique. Quant aux cinq (05) enfants nés à N'djamena, leur situation pourrait s'expliquer par l'absence d'une autorité parentale positive et la démission des pères souvent mariés à plusieurs femmes et confrontés à l'éducation de plusieurs enfants. Il faut remarquer que le Tchad reconnaît la loi coutumière, En effet, cette loi permet aux hommes de se marier à plusieurs femmes. Dans ces conditions un chef de famille polygame marié à environ quatre (4) femmes n'arrive pas à contrôler tous ses enfants surtout quand toute la famille ne vit pas sous un même toit.

3.1.2.3 Situation des « enquêtés » suivant leur projet pour l'avenir

Tableau n°11 : Répartition des « enquêtés » selon leur projet pour

l'avenir

PROJET POUR L'AVENIR

EFFECTIF

POURCENTAGE

Retour en famille

13

65%

Rester dans le centre pour bénéficier d'une formation professionnelle

6

30%

Rester dans la rue

1

5%

TOTAL

20

100%

Source : Enquête de terrain mars 2008

Le tableau n°11 fait apparaître que treize (13) enfants soit 65% de l'échantillon souhaitent retourner en famille, six (06) enfants soit 30% optent pour rester dans un centre pour enfants et ainsi bénéficier d'une formation professionnelle ou aller à l'école ; un (01) enfant soit 5% de l'échantillon souhaite rester dans la rue car il n'a pas de famille et ne sait ou retourner.

Le tableau n°11 nous fait dire que la majorité des enfants qui vivent dans la rue ont un réel désir de retourner en famille mais ne savent pas comment renouer le « fil » qu'ils ont rompu.

Ce tableau nous montre que la plupart des enfants de la rue aspirent à retrouver une vie conforme au modèle qu'ils ont de la société : aller à l'école, apprendre un métier, fonder une famille et s'occuper de leurs enfants mieux qu'on ne l'a fait pour eux.

3.1.2.4 Durée de la présence des « enquêtés » dans la rue de

N'djamena

Tableau n°12 : Répartition des « enquêtés » suivant la durée de leur

séjour dans la rue de N'djamena

DUREE DE SEJOUR DANS LA RUE

EFFECTIF

POURCENTAGE

6 mois

1

5%

1 an

1

5%

2 ans

4

20%

3 ans

7

35%

4 ans

5

25%

5 ans

0

0%

6 ans et Plus

2

10%

Total

20

100%

Source : enquête de terrain mars 2008

Le tableau n° 12 nous montre que dix huit (18) enfants soit 90% de l'échantillon ont passé au moins 2 ans dans la rue. Cela nous fait dire que la rue compte tenu des  avantages  (liberté, argent) qu'elle offre aux enfants constitue un obstacle à la réinsertion familiale. Hamid A déclare « je ne veux pas retourner en famille, au marché je gagne beaucoup d'argent en transportant des oignons des commerçantes ». Les activités menées par les enfants dans les rues leur procurent des revenus assez substantiels les mettant souvent à l'abri des besoins tels que se nourrir et se vêtir.

3.1.2.5 Situation des « enquêtés bénéficiant des prestations de

L'ATAD

Les enfants bénéficiant des prestations de l'ATAD et concernés par notre étude sont au nombre de dix (10).

Tableau n°13 : Répartition des « enquêtés » suivant la durée de leur

prise en charge par l'ATAD

DUREE DE PRISE EN CHARGE

EFFECTIF

POURCENTAGE

6 mois

1

10%

1 an

0

0%

2 ans

3

30%

3 ans et plus

6

60%

TOTAL

10

100%

Source : enquête de terrain mars 2008

Les données ci-dessus montrent que les enfants dont la prise en charge sont de trois (03) ans et plus sont au nombre de six (06) soit 60%. Ceux qui ont deux (02) ans de prise en charge sont au nombre de trois (3) soit 30% ; un (01) enfant a une durée de prise en charge de six (06) mois, c'est d'ailleurs le plus jeune huit (08) ans placé au centre par décision judiciaire suite à un conflit concernant sont adoption.

Il y a lieu de noter que sur les dix (10) enfants huit (08) au moins ont mis trois (03) ans dans la rue avant d'être accueillis dans les structures de l'ATAD.

Selon le président de l'Association, la durée de prise en charge dans les structures de l'ATAD est de 26 à 36 mois. Une durée qui à notre avis est très longue pour des enfants qui ont déjà passé de longues années dans la rue avant d'être pris en charge.

La longue durée de séjour à l'ATAD pourrait aussi avoir son explication dans l'absence d'un programme clair de réinsertion familiale et /ou socioprofessionnelle des enfants.

Le tableau n°13 montre donc les facteurs principaux de la prise en charge prolongée à l'ATAD sont : l'absence de programme clair de réinsertion familiale, absence de personnels compétents. La séparation enfant/parent est une rupture dont personne ne guérit. Les institutions de prise en charge sont incapables d'individualiser les réponses des enfants qui leur sont confié, chaque enfant est noyé dans une collectivité.

Tableau n°14 : situation des enfants réinsérés durant les 3

dernières années par l'ATAD

ANNEE

EFFECTIF ACCUEILLI

EFFECTIF REINSERE EN FAMILLE

POURCENTAGE

2006

35

5

14,28%

2007

20

2

10%

Janvier/février2008

7

0

-

TOTAL

62

7

11,45%

Source : Enquête de terrain mars 2008

Le tableau ci-dessus montre que sur un effectif de trente cinq (35) enfants accueillis en 2006 par l'ATAD, cinq (05) seulement ont été réinsérés en famille au courant de la même année soit quatorze (14), 28%. En 2007, vingt (20) enfants ont été accueillis, deux (02) seulement sont réinsérés en famille soit 10°/°. En janvier et février 2008, à notre arrivée sur le terrain, sept (07) enfants ont été accueillis et aucune réinsertion n'a été faite.

Selon le président de l'ATAD, en moyenne l'Association accueille neuf (09) enfants par mois. Ceux qui choisissent de rester au centre y restent et ceux qui désirent repartir dans la rue sont libres de repartir. La majorité des enfants qui fréquentent l'ATAD viennent d'eux-mêmes poussés par la crainte d'être « raflés » par la police, ou pour se faire soigner gratuitement.

Tableau n° 15 : Degré d'intégration des enfants en famille

DEGRE D'INTEGRATION

EFFECTIF

POURCENTAGE

Bonne

2

40%

Mauvaise

3

60%

TOTAL

5

100%

Source enquête de terrain mars 2008

Au regard de ce tableau on peut dire que tous les enfants ne sont pas bien réinsérés dans leur famille. Trois (03) enfants sur les cinq (05) réinsérés soit 60% ne sont pas acceptés comme membres à part entière de la famille. Les membres des familles se plaignent de leurs comportements déviants et délinquants En outre, des efforts ne sont pas accomplis par les enfants eux même sur le plan de la stabilité dans les comportements pour mériter cette réinsertion.

Il s'agit de violence, de vols, de vagabondage et d'inattention accordée aux conseils et remarques faits à leur égard. Il convient de souligner que nous nous sommes entretenus avec les membres des familles respectives de ces enfants qui se sont plaints des récidives des uns et des progrès accomplis par les autres depuis leur retour en famille.

Dans les années 1990 avec l'avènement de la démocratie en Afrique, beaucoup d'associations de la vie civile ont vu le jour au Tchad. A N'djamena une centaine d'associations oeuvrant en faveur des enfants ont été autorisées de fonctionner par le Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité Nationale. Mais force est de constater que beaucoup ont eu juste le temps de naître et après sont mortes d'elles - mêmes, faute de moyens de fonctionnement car ne comptant que sur l'aide extérieure. Beaucoup n'ont donc pas pu survivre longtemps car l'apport en terme de contribution financière des membres adhérents est presque inexistant. Aussi, beaucoup fonctionnaient comme des clubs d'amis avec le seul souci d'attirer l'aide extérieure des bailleurs de fonds et se la partager.

Sur une soixantaine d'associations oeuvrant en faveur des enfants que nous a présentées la Direction de l'Enfance du Ministère de l'Action Sociale et de la Famille, nous avons retenu au hasard vingt (20) qui ont fait objet de notre « enquête ». L'objet de notre enquête visait à identifier le profil du personnel intervenant au sein desdites associations dans l'encadrement des enfants. Nous nous sommes intéressés aux intervenants des associations qui accompagnent les enfants au quotidien, mais aussi aux fondateurs ou aux membres de conseil d'administration ou encore aux bureaux directeurs.

Notre « enquête » révèle la situation suivante :

Associations

Présence de professionnels signalée au sein du personnel d'encadrement

Effectif

LUTTE (Association de Lutte Contre la Torture et le Trafic des Enfants

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

01

0

0

ARJR (Association pour la Réinsertion des Jeunes de la Rue)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

Association Centre Yalna (Centre nos enfants)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

Village d'enfants SOS

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

01

01

0

0

01

Orphelinat Béthanie

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

01

0

0

0

ATAD (association tchadienne les amis des drogués

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

BETHESDA (Centre de Récupération et d'encadrement des enfants de la rue)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

01

01

0

01

CEVIFA (Centre à la vie Familiale)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

02

0

0

0

AMH (association maison humanitaire)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

FEJET (Foyer Evangélique pour les Jeunes et Enfants Démunis)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

CRSED (Centre de Réinsertion Sociale des Enfants Délaissés du Village Ngonba

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

01

0

0

0

SCPEDT(Association service Chrétien pour le développement

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

ANADET (Association National des Amis de l'Enfant au Tchad)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

RASTER (Réseau des Associations et Structures Travaillant avec les enfants de la Rue)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

J Juristes

Psychologues

Sociologues

0

04

0

0

0

CNJP (Commission Nationale Justice et Paix)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

03

0

0

ALCAE (Association de Lutte Contre l'Abandon des Enfants)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

01

0

01

ARJR (Association pour la Réinsertion des Jeunes de la rue

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

APERT (Association pour la Protection des Enfants de la Rue au Tchad)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

01

0

01

0

0

AEFEDT (Association d'Entraide en Faveur des Enfants en détresse au Tchad)

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

01

01

0

01

CAMOJET (Collectif des Associations et Mouvements des jeunes du Tchad

Educateurs Spécialisés 

Assistants Sociaux 

Juristes

Psychologues

Sociologues

0

0

0

0

0

Tableau n°16 : Proportion des professionnels encadreurs dans les

structures d'encadrements privés des enfants à N'djamena

PROFIL DES INTERVENANTS

EFFECTIF

POURCENTAGE

Educateurs Spécialisés

2

0,1%

Assistants sociaux

10

0,5%

Sociologues

3

0,15%

Psychologues

0

0%

Juristes

8

0,4%

TOTAL

23

1,15%

Source : enquête de terrain mars 2008

Le tableau n° 16 révèle qu'il manque énormément de professionnels dans les structures d'encadrement des enfants au Tchad et plus particulièrement dans celles prenant en charge les enfants de la rue. Sur les vingt (20) associations qui ont fait l'objet de notre étude, on constate la présence de seulement deux éducateurs spécialisés sur le terrain, 10 assistants sociaux, trois (3) sociologues et de huit (08) juristes.

Le pourcentage des éducateurs spécialisés par rapport à l'effectif des associations enquêtées est de 0,1% Cette absence notoire d'éducateurs spécialisés s'expliquerait par le fait que très peu de jeunes s'intéressent au domaine de l'éducation spécialisée.. Il en est de même pour le profil des sociologues qui recherchent des carrières plus prometteuses dans d'autres ministères tel que celui de l'agriculture qu'auprès des enfants de la rue.

L'absence des psychologues dans les structures de prise en charge des enfants pourrait avoir son explication dans le choix de carrière comme celui des sociologues. Si les sociologues préfèrent les Ministères tels que celui de l'agriculture, les Psychologues préfèrent plus l'enseignement. 0,5% de taux de présence des assistants sociaux dans les vingt (20) associations « enquêtées »,

Pourrait avoir son explication dans la mauvaise utilisation des ressources humaines au Tchad et surtout dans le domaine social. Sinon, comment comprendre que chaque année, une soixantaine d'Assistants sociaux et d'Adjoints est formée et il y a manque de corps dans les structures d'encadrement des enfants ?

Enfin, huit (8) Juristes soit 0,4% de l'effectif des associations qui ont fait l'objet de notre études laisse apparaître le conflit des compétences entre les différents intervenants.

On ne sait jamais qui fait quoi. Dans le domaine de l'enfant, tout le monde se fait appeler travailleur social, pourvu d'avoir une idée et de créer sa propre association.

3.2. Interprétation des résultats

Après la présentation et l'analyse des résultats, il s'agit ici de les interpréter qualitativement et de les confronter à la réalité des faits pour donner un sens aux informations en relation avec nos hypothèses et objectifs de recherche. Ainsi, il sera interprété sur le plan sociodémographique et socioculturel les éléments qui peuvent être à la base du succès ou de l'échec de la réinsertion familiale des enfants de la rue de N'djamena.

3.2.1 Au plan sociodémographique et socioprofessionnel

L'enquête a révélé du point de vu de la tranche d'âge, que 80% des « enquêtés » ont moins de 17 ans. Ils ont, à l'exception de celui qui a 8 ans l'âge de la puberté où on parle de l'adolescence et de sa crise. L'adolescence est une période que tous les spécialistes de l'enfance reconnaissent comme la période la plus difficile et complexe pour certains enfants. L'enquête révèle que la plupart des enfants ont fréquenté l'école avant de décrocher autour de l'âge de 9 ans.

On peut donc conclure que leur présence massive dans la rue constitue un réel danger pour eux-mêmes.

Danger pour les enfants eux-mêmes car la rue et son milieu constitue un facteur de risque, de criminalité par l'influence qu'elle exerce sur les adolescents par le jeu des interactions génératrices de délinquance.

La fréquence et l'intensité des relations de l'enfant avec ses pairs, l'assiduité de sa fréquentation sont surtout fonction de la qualité de l'ambiance parentale par rapport à la convivialité habituelle avec les compagnons. Le groupe de pairs surtout quand il est vaste, peut jouer un rôle important dans l'influence antisociale de l'adolescent lorsque ses pairs sont des marginaux, des asociaux centrifuges.

Du point de vue de l'origine géographique des « enquêtés » :

L'enquête a révélé que les enfants de la rue viennent de toutes les villes du pays mais surtout des grandes villes et cet état de fait vient confirmer l'étude sur l'ampleur du « phénomène enfant de rue au Tchad, menée par le gouvernement du Tchad et l'UNICEF entre novembre 2002 et Avril 2003.

- Du point de vue raison de la présence des « enquêtés » à N'djamena :

Un des faits révélateurs de cette présente recherche est que 50% des « enquêtés » sont venus rester chez des familles ou amis des parents. Si on ajoute les enfants qui ont suivi les maîtres coraniques à N'djamena pour se retrouver finalement dans la rue, on peut parler de 75% des « enquêtés » qui sont des enfants confiés.

On peut donc conclure que le « confiage » des enfants à des familles ou à des amis qui habitent en ville pour être scolarisés est un danger et un problème majeur qu'il faut remédier en créant des cadres de vie acceptables tels que des écoles, des dispensaires, des centres sociaux, des centres culturels dans les campagnes pour amoindrir le désir d'envoyer les enfants en ville où ils se retrouvent souvent dans à la rue à cause du mauvais accueil ou la maltraitance. Pour ces enfants, les risques de marginalisation sont énormes s'ils ne trouvent pas de structures de prise en charge à N'djamena où s'ils ne trouvent pas les moyens d'assurer leurs besoins de base tels que se nourrir, se vêtir et se soigner. L'enquête nous a permis de constater que beaucoup d'enfants souffrent à cause du « confiage », c'est les cas de deux enfants frères âgés respectivement de 9 et 12 ans, issus d'une famille nombreuse qui ont été confiés par leur père à un ami. Les deux enfants dormaient dans un poulailler parce que la femme de leur tuteur ne voulait pas qu'ils partagent la chambre et la natte avec son fils sous prétexte qu'ils sont des enfants de mère sorcière.

- Du point de vue durée de la présence dans la rue des « enquêtés »

L'enquête révèle que 70% des enquêtés ont passé plus de 3 ans dans la rue sans discontinuité. Cette situation montre combien ils sont exposés aux risques de déviance et de délinquance et peuvent basculer vers le grand banditisme.

Leur présence quasi-permanente dans la rue expliquerait d'une part l'incapacité des parents et tuteurs d'assumer leur responsabilité de les maintenir au foyer et d'autre part l'inefficacité des stratégies des structures de prise en charge devant les aider à sortir de la rue.

La stratégie selon le dictionnaire petit Larousse 1999 est « l'art de coordonner les activités, de les manoeuvrer habilement pour atteindre un but ». Les structures de prise en charge des enfants de la rue à l'instar de L'ATAD sont faibles en matière de rééducation et de réinsertion familiale des enfants vivant dans la rue. Leurs approches sont simplistes et basées sur la morale. Elles ont plutôt tendance à travailler avec des enfants ne présentant pas de graves problèmes de comportement. Les objectifs qu'elles assignent aux activités dites de rééducation et de réinsertion ne sont pas préalablement et formellement définies encore moins évaluées. Les ressources humaines sont inexistantes voire inadaptées. En conclusion nous disons qu'il y a inefficacité de l'art de coordonner des actions des structures de prise en charge des enfants de la rue.

- Du point de vue du degré d'intégration des « enquêtés » après leur retour en famille :

L'enquête a révélé que sur 5 enfants réinsérés en famille par l'ATAD, 3 soit 60°/° ne sont pas bien acceptés dans leurs familles comme des membres à part entière. L'enfant de la rue est stigmatisé et doigté comme un voleur. Le fait de séjourner dans la rue pendant des années produit chez les familles en général un sentiment d'échec et d'impuissance. C'est ce qu'exprime le père de Hamid B. de la manière suivante : « ...si vous voulez en savoir plus, demander aux voisins qu'est-ce -que je n'ai pas fait pour que cet enfant ne reparte pas dans la rue ? mais toujours est il que depuis qu'il est revenu il n' y a pas grand changement car il disparaît de la maison et ne revient que la nuit... pourtant il a tout ce qu'il veut à la maison.... je suis d'une famille noble et cet enfant nous déçoit.... Commissaire de police de mon état, c'est avec impuissance que j'observe le comportement d'Hamid car parfois certains enfants de la rue qui connaissent mon fils me narguent... »

A travers ces propos, on remarque que le père d' Hamid n'arrive pas à comprendre que lui, commissaire de police respecté de tous, ait son fils dans rue. Une présence dans la rue susceptible de ternir l'image de la famille

- Du point de vue proportion d'enfants réinsérés durant les trois dernières années :

L'enquête révèle un faible taux de réinsertion des enfants par l'ATAD. L'effectif cumulé de 2006-2007 laisse apparaître que sur cinquante cinq (55) enfants accueillis pendant cette période, sept (07) seulement soit 12,7% sont accompagnés en famille. Ce faible taux peut trouver son explication dans le manque de préparation des retours en famille mais aussi l'absence de budget destiné à cette même activité. En effet, l'ATAD comme la plupart des associations oeuvrant en faveur des enfants de la rue est confronté à des défis économiques et financiers. Cette situation empêche la réussite de la réinsertion familiale en terme d'impact et d'effet observable.

- par rapport au projet d'avenir des « enquêtés »

L'enquête fait ressortir que la majorité des « enquêtés » treize (13), soit 65% désirent retourner en famille contre 30% qui souhaite rester dans un centre pour bénéficier d'une formation professionnelle.

En dehors du un (1) qui représente 5% de l'échantillon, qui veut rester dans la rue, le constat qu'on peut faire est que la plupart des enfants qui vivent dans la rue ont le désir de retourner en famille mais ne savent pas comment renouer avec leur parent ou bien n'ont pas les moyens de retourner en famille ; surtout pour les enfants confiés qui se sont retrouvés dans la rue.

Il faut donc impérativement leur proposer de sortir de la rue et c'est le devoir des pouvoirs publics et des associations de la société civile.

- Du point de vue présence des professionnels des structures privées d'encadrement des enfants, on note la faible capacité de la plupart des associations enquêtées en gestion financière des projets ; les associations sont fortement dépendantes de l'aide extérieure (absence d'une stratégie claire d'autofinancement) et ont trop tendance à négliger leur propre contribution. Certains partenaires ne sont pas exigeants en la matière. Le jour où le robinet se ferme, le projet lui aussi s'arrête.

La plupart des associations vivent des projets ponctuels. Cette situation empêche la réussite des projets en terme d'impacts et d'effets observables. Cette observation est surtout valable pour les projets destinés aux enfants vivant dans la rue ;

Les dirigeants des associations rencontrés pour la plupart, utilisent leurs structures comme de simples instruments pour obtenir de financements extérieurs au détriment d'une vie associative réelle et dynamique ; l'absence des échanges entre les associations travaillant dans les mêmes domaines ; les actions ou les projets sont identifiés sans études préalables et donc sans connaissance du milieu et du domaine d'intervention. Associations et bailleurs sont plus préoccupés par la réalisation d'activités. C'est la quantité qui importe pour justifier les fonds débloqués mais non la qualité à produire ;

Les projets des associations tendent beaucoup plus vers la réparation que vers la prévention des phénomènes. De plus ils sont réalisés dans des centres fermés n'accueillant qu'un nombre limité d'enfants en difficulté.

L'analyse de l'enquête a établi que les difficultés de la réinsertion familiale des enfants de la rue de N'djamena sont liées à la pauvreté dans laquelle vivent la plupart des familles Tchadiennes. Elles résultent de la mutation de la société traditionnelle, mutation qui se traduit par un certain nombre de dysfonctionnements sociaux et psychologique de la famille et aussi du fait du manque d'organisation et de complémentarité des différentes structures de prise en charge fréquentées par les enfants de la rue. Elles sont liées au manque cruel de personnels qualifiés (éducateurs spécialisés) dans la plupart des structures de prise en charge des enfants de la rue. Elles sont également liées au non respect des règles ou normes qui régissent la procédure de base en matière de retour des enfants en famille par les acteurs sociaux.

Retour à nos Hypothèses :

Nous tirons le constat que nos hypothèses sont confirmées dans les cas présents que nous avons étudiés. Il est donc établi que :

- Le faible rendement des interventions en matière de réinsertion familiale des enfants de la rue s'explique par l'inefficacité des stratégies et des actions mises en oeuvre par les différents intervenants ;

- La faible qualification des intervenants ne permet la mise en oeuvre d'actions éducatives efficaces ;

- Les stratégies et actions développées par les intervenants sont insuffisantes.

3.3 PROPOSITIONS ET SUGGESTIONS

Face à l'étendue de sa mission, nous proposons que l'ATAD oriente ses activités vers la prévention. Elle consiste à approcher les enfants de la rue pour les aider à trouver des solutions à leurs problèmes en les encourageant à retourner le plus vite que possible dans leur famille. Pour ce faire, l'ATAD pourrait travailler en collaboration avec les services sociaux des arrondissements afin de trouver les voies et moyens pour le retour des enfants en famille car les services sociaux des arrondissements dans la ville de N'djamena sont plus proches des populations de N'djamena et s y connaissent mieux dans le domaine de l'enquête sociale.

Pour un meilleur encadrement des enfants de la rue nous suggérons :

- la réalisation des sorties nocturne et diurne. Au cours de ces sorties, les actions de l'équipe consisteront à une présentation de la stratégie aux enfants, leur sensibilisation pour les inciter à rejoindre le local pour mettre en route des projets individuels. Cette sortie nocturne pourrait se faire sans la collaboration avec les forces de l'ordre (la police) de peur de paniquer les enfants mais au contraire avec une équipe sanitaire pour des soins d'urgences.

- Mise en place des aires d'écoute aux abords des grands marchés avec des permanences pour écouter et orienter les enfants. Ces aires d'écoute permettront de très vite déceler les nouveaux enfants qui arrivent dans la rue.

Le fonctionnement de cette permanence pourrait être assuré par des éducateurs, des infirmiers et des psychologues.

- un suivi planifié et très régulier pour les enfants ayant fait objet de retour en famille pour s'enquérir de leur nouvelle et l'évolution de leur réinsertion

- l'ATAD manquant de spécialistes (éducateurs spécialisés, assistants sociaux, psychologues etc.) dans l'équipe des encadreurs, il serait nécessaire, voire urgent, de former ou de demander leur affectation par l'Etat pour l'encadrement des enfants.

- une des actions à mener est l'éducation parentale pour la protection et l'épanouissement des enfants. Cela consisterait entre autre à apprendre aux parents à considérer leurs enfants comme des êtres à part entière doués d'une personnalité qui demandent à être reconnus et valorisés. En somme, la famille que nous souhaitons comme « cellule de base de la société » devrait être une famille éduquée et « éducatrice, reproductive raisonnable des vivants d'un monde meilleur, conservatrice... au sens noble, qui protège18(*). »

En dehors du relèvement qualitatif du personnel, ce dernier devrait avoir des qualités et aptitudes, de l'amour pour les enfants, être professionnellement compétent et animé d'un désir permanent de culture et d'information. Pour ce faire, l'organisation des sessions de formation continue sur la psychologie, la déviance et la délinquance, les techniques d'entretien auxquelles prendront part les éducateurs, est nécessaire. La totalité des animateurs de l'ATAD formé « sur le tas » en ont exprimé le besoin.

Pour les ressources matérielles

- l'ATAD doit avoir à sa disposition ses locaux propres et adaptés à ses besoins à N'djamena. L'actuel local loué à des religieux est très petit et n'offre pas assez d'espace. En plus, il se situe dans une zone très difficile d'accès (non loin de la présidence de la république et des camps militaires) ;

- La dotation suffisante et régulière en matériel tels que : vêtements, des produits pharmaceutiques, du savon, produits alimentaires pour maintenir la fréquentation régulière du local ;

- l'acquisition d'un véhicule tout terrain faciliterait les renouements familiaux, les retours en famille des enfants dans les localités géographiquement éloignés de N'djamena, ce véhicule sera aussi de nature à faciliter l'évacuation sanitaire des enfants qui se trouvent au centre de Raf à 45km de N'djamena ;

- l'acquisition des motos pour les animateurs qui n'ont pas de moyen de déplacement et se déplacent à pied ou sur des vélos personnels

- l'acquisition du matériel d'animation tels que vidéo, pour projeter des films éducatifs et faire la sensibilisation.

En ce qui concerne les ressources financières et afin de pallier au caractère ponctuel des fonds alloués par les bailleurs extérieurs, l'association Italienne IL FOCOLARE étant le seul qui soutient d'une manière discontinue les activités de l'ATAD, nous préconisons un engagement des autorités gouvernementales par des subventions financières annuelles pour le retour des enfants en famille.

Au niveau de la prise en charge des enfants :

Pour les enfants bénéficiant des prestations de l'ATAD nous pensons que l'efficacité de leur prise en charge en vue d'une réinsertion familiale doit passer par l'établissement d'un règlement intérieur et programme de réinsertion bien planifié auquel seront soumis le personnel et les enfants des centres de N'djamena et RAF.

La vie en société passe par l'acquisition des règles qui régissent la société quel que soit l'âge des membres de cette société. C'est pourquoi il est important d'être rigoureux dans la rééducation. Cette rigueur que nous prônons n'est pas une tyrannie à l'endroit des enfants, mais elle est l'acceptation d'un effort et d'une prise de conscience de ces derniers pour sortir de leur situation. C'est dans ce cadre qu'on pourra suivre l'enfant, être situé sur ses problèmes et les causes qui l'on amené dans la rue. Les enfants doivent se soumettre une fois qu'ils sont pris en charge par l'ATAD, se soumettre aux programmes établis or effectivement, l'ATAD n'a pas un programme clair de réinsertion familiale des enfants.

IL est important de noter que l'ATAD ne dispose pas de budget annuel propre destiné aux retours des enfants. Pour un retour effectué, l'animateur dans le cas de ceux qui s'occupent des enfants à l'ATAD, ne reçoit rien comme support (moyen financier). L'enfant accompagné même ne reçoit rien de particulier que de la friperie. Les parents non plus ne reçoivent rien pour l'accueil et l'installation des enfants qu'on les remet.

De l'ensemble des résultats de notre enquête il ressort que les acteurs stratégiques ne tirent rien de l'activité retour des enfants. S'agissant des enfants, sur les sept (07) enfants, les cinq (05) réinsérés en famille par l'ATAD à qui nous avons demandé ce qu'on leur a donné quand ils rentraient en famille, les réponses suivantes revenaient régulièrement : « quand je suis retourné en famille on m'a donné que des habits ». Hamid B, « on m'a donné des habits et j'ai pris ma couverture mais au moment de partir, l'éducateur m'a dit que je l'ai volé ... Il m'a tout arraché pour me laisser partir sans rien du tout »

Allarabaye M, « on ne m'a rien donné, ils ont dit que mon père pourrait m'en acheter » ; Bernard M. « j'ai reçu des habits et des cahiers pour aller à l'école mais pour les cahiers ce n'est pas le centre qui me les a offert, c'est Mr X qui m'a donné car il m'aime beaucoup » ; Kouldegue A « on m'a dit de rentrer en famille et après ils viendront me chercher du travail de mécanique auto et depuis ils ne sont plus revenus...je croyais que vous êtes venus pour ça ».

Ces témoignages des enfants réinsérés prouvent que la réinsertion familiale des enfants de rue pris en charge par l'ATAD n'est pas bien préparée.

L'acceptation par l'enfant de retourner en famille est motivée par l'obtention immédiat ou à court terme d'un gain matériel ou financier. Mais il arrive aussi que les enfants mettent en jeu des ressources de nature psychologique, sociale ou culturelle comme c'est le cas par exemple de Bichara H « je suis rentré de moi-même en famille parce que ma mère pleure tout le temps à cause de mon absence. Je suis son fils unique et c'est à cause de moi que mon( père) l'a mise dehors car il a dit que ma mère m'a eu en dehors de lui...je vais prouver à ce monsieur que je peux m'occuper de ma mère ».

Dans les propos de Bichara, on note que son retour en famille est guidé par les liens affectifs à sa maman. Une préparation conséquente du retour de Bichara par les éducateurs de l'ATAD aurait sans doute contribué à normaliser les relations entre sa maman et son « père » quand bien même le problème évoqué par Bichara apparaît délicat.

- La limitation de la durée de prise en charge en tenant compte de chaque cas (individualisé) :

L'ATAD ne doit pas être vue comme un service d'assistance sans fin. 36 mois de prise en charge d'un enfant qui a atteint sa majorité pénale est beaucoup à notre avis. Il faut très rapidement oeuvrer de manière à ce que l'enfant retourne rapidement en famille.

Dès les premiers contacts, faire comprendre cela à l'enfant pour l'inciter à faire des efforts. Pendant cette période, l'enfant sera retourné en famille si les conditions familiales le permettent.

- La construction des aires d'écoute aux abords des grands marchés et sur des sites tel que Californie19(*), les aires d'écoute permettront d'identifier les nouveaux venus dans la rue et prendre des mesures qui s'imposent car plus l'enfant dure dans la rue, plus il devient difficile de l'en séparer et il s'enfonce dans la délinquance ;

- Une collaboration ou une coopération entre structures afin de mettre fin à ce que certains spécialistes appellent la divagation ou le (nomadisme) qui caractérise ces enfants passant de structure en structure. Sept (07) enfants sur dix (10) bénéficiant des prestations de l'ATAD ont bénéficié des prestations du Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance. Il n'est pas exclu que ces enfants n'iront pas ailleurs prochainement. Cette extrême mobilité des enfants n'est pas de nature à faciliter leur retour en famille, c'est pourquoi nous proposons que la collaboration entre les structures à travers le signalement et la communication aux autres structures de l'arrivée d'un nouveau enfant, communiquer les photos des enfants pris en charge à d'autres structure pour mettre fin à leur divagation, nous pensons aussi qu'il serait nécessaire de communiquer les listes des enfants retournés en famille pour un meilleur suivi. Par ailleurs les retours en famille connaissent parfois l'indifférence de certains parents qui ne s'impliquent pas totalement, c'est pour quoi nous suggérons, la création des cadres de concertation et l'école parentale à travers la sensibilisation, des séminaires d'informations etc.

Concernant les autres associations privées :

- former les membres dirigeants et les gestionnaires en identification et élaboration, planification et suivi de projets ;

- organiser périodiquement des forums sur des thématiques d'intérêt général (rééducation des enfants, formation professionnelle, alphabétisation, retour en famille, consommation de drogue etc.) ;

- réaliser un diagnostic institutionnel en vu d'élaborer un plan stratégique et mettre en pratique ses recommandations. Etablir au besoin et progressivement un lien entre la réalisation d'activités et l'évolution du fonctionnement des associations au plan de la bonne gouvernance ;

- organiser des visites d'échanges d'expériences inter organisationnelles sur la base d'un cahier de charge précis et négocié, restituer les résultats aux membres

- former les responsables des associations en techniques d'étude du milieu et de l'utilisation des résultats pour une meilleure identification, élaboration et planification de leur projet :

- envisager le travail de terrain pour identifier dans chaque quartier ou arrondissement les familles à risques et élaborer à leur intention des actions préventives, multiformes et différenciées (appui scolaire, santé, soutien alimentaire ponctuel, placement familial ou institutionnel, formation professionnelle, activités économiques, informations éducation parentale...) sous la forme de petits projets.

Concernant le Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance (centre public) :

- Former des éducateurs spécialisés pour renforcer l'équipe des assistants sociaux qui dirigent actuellement le centre ;

- Créer un cadre de travail sain au centre pour permettre aux éducateurs de jouer réellement leur rôle. Ce cadre passe forcement par l'autonomie de fonctionnement et de gestion du Centre ;

- Avoir un conseil d'administration impliquant les ministères de : l'Action Sociale et de la famille, le Ministère de la Justice, le Ministère de l'Education Nationale, le Ministère du Travail ;

- Nommer un Directeur du Centre en lieu et place du responsable du Centre qui en réalité n'est qu'un « faire valoir » sans pouvoir de décision sur la gestion du Centre ;

- Dépolitiser la gestion du centre en nommant les gens qu'il faut à la place qu'il faut. Car, l'enquête a révélé que plus 40 000 000 frs CFA sont chaque année consacrés dans le budget du Ministère de L'Action Sociale et de la Famille au fonctionnement du Centre Espoir de Koundoul et de la Crèche de Moursal, mais le rendement des deux centres est en de ça des espérances . La preuve est que depuis la deuxième moitié de l'année 2007, jusqu'à la date de notre enquête en mars 2008, le Centre Espoir qui a une capacité d'accueil de 120 enfants en difficulté, n'a qu'à son sein un seul enfant de surcroît handicapé, alors que la crèche quant à elle est fermée depuis plus de deux ans

CONCLUSION

L'étude visait comme objectif à contribuer à la réinsertion familiale des enfants de la rue.

Cette étude aux allures évaluatives et prospectives nous a permis de nous rendre compte de la réalité de la situation des enfants vivant dans la rue à N'djamena.

Sans prétendre d'avoir cerner toute la réalité de la situation et le phénomène des enfants de la rue à N'djamena, nous avons pu décrire leurs caractéristiques sociodémographiques, socioprofessionnelles et identifier leurs difficultés et besoins.

Enfin, nous avons pu faire des propositions à même de favoriser leur retour en famille.

Au plan des caractéristiques sociodémographique, nous avons pu constater que la plupart des enfants enquêtés sont mineurs. L'âge moyen est de 14,5 ans et ils proviennent des différentes villes du pays. Concernant la situation familiale, 50% sont issus des familles unies et vivantes, 30% des parents divorcés ou séparés et 20% des parents décédés. Quant à leur lieu d'habitation, 85% vivent dans la rue et 15% seulement chez les parents.

Sur le plan des caractéristiques socioprofessionnelles, l'étude a révélé que 70% des enquêtés à un niveau d'étude très bas. La majorité a fréquenté l'école jusqu'au niveau du cours élémentaire 2ème année avant le décrochage.

Au plan psychosocial, les enfants n'entretiennent pas de très bons rapports avec leurs parents ou tuteurs. Leurs difficultés sont d'ordre affectif alimentaire et sanitaire.

De l'analyse et de l'interprétation des résultats, il ressort que les hypothèses ont été confirmées dans la mesure où il apparaît que : Les stratégies et les actions développées par les intervenants ne sont insuffisantes,

Les intervenants n'ont pas pour la plupart les qualifications requises en matière de réinsertion familiale des enfants de la rue.

Tous les objectifs de notre étude ont été atteints aussi nous pouvons répondre à notre question de départ car nous connaissons à partir de cette étude quelles sont les difficultés que rencontrent les différents acteurs sociaux intervenant dans la réinsertion familiale des enfants de la rue à N'djamena.

Le phénomène « enfant de la rue » que nous avons présenté apparaît comme la résultante de la détérioration de normes sociales, économiques et culturelles, l'école coranique, « le confiage », la situation matérielle et psychologique précaire de certains parents, les mauvais traitements infligés aux enfants dans les familles sont entre autres les causes de la présence des enfants dans la rue.

L'étude à travers les entretiens non formels nous a permis de constater que l'Etat tchadien privilégie la répression et l'emprisonnement des enfants délinquants. Pourtant, la loi n°007/PR/99 prévoit la procédure et jugement des infractions commises par les mineurs de treize (13) à moins de dix huit (18) ans.

Débordé par les conflits armés à répétition, l'Etat tchadien a totalement abandonné le champ social aux mains des organisations privées. Mais si toutes ces organisations prétendent s'inscrire officiellement dans une logique philanthropique, la plupart d'entre elles sont en réalité déterminées par des rationalités statutaires, politiques ,économiques etc. En effet la stratégie de « bienfaisance » cache beaucoup d'en dessous et c'est par exemple le cas tragique des 103 enfants de l'arche de Zoé, cette fameuse association française qui s'est fait enregistrée sous un nom fictif avant d'être démasquée à l'embarquement des enfants à Abéché pour des fins d'adoption.

Cette situation pose un certain nombre de questions concernant l'enfance marginalisée au Tchad : en premier lieu celle de la nature de l'action étatique et d'une façon plus large, celle de sa stratégie d'intervention, celle du contrôle des acteurs non gouvernementaux et enfin celle des ressources financières allouées aux politiques sociales. Au Tchad, le Ministère de l'Action Sociale et de la Famille a, il est vrai, essayé de rouvrir le Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance, mais les enfants de la rue sont très peu nombreux à le fréquenter. La grande illustration pendant notre étude est qu'un seul enfant se trouve au Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance, (enfant handicapé (atteint de l'encéphalopathie) qui ne sait où aller. Les autres enfants sont repartis dans la rue.

Où sont donc passés les fonds alloués au fonctionnement dudit Centre ? Nous n'avons pas de réponse à cette question.

La question de la réinsertion familiale des enfants de la rue au Tchad en général et à Ndjaména en particulier est complexe à résoudre dans le contexte actuel où se trouve le pays. Toute fois, sa résolution reste possible avec une réelle politique sociale.

Il appartient d'abord à l'Etat en tant que puissance publique de définir clairement une politique en la matière, de dégager les moyens adéquats et d'organiser les différents acteurs concernés et/ou intéressés.

Le défi de la réinsertion familiale des enfants de la rue au Tchad peut être relevé dans une logique partenariale sur la base de l'orientation et le contrôle de l'Etat, principal garant des politiques sociales.

Les limites de cette étude ouvrent la voie à d'autres recherches notamment la comparaison des stratégies de réinsertion familiale des institutions publiques et privées.

BIBLIOGRAPHIE

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2. DOCUMENTS

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- Gouvernement de la république du Tchad et UNICEF « Etude sur l'ampleur du phénomène enfants de la rue au Tchad », novembre 2002 - avril 2003 ;

- KABORE Marcel : « contribution à la connaissance à travers la stratégie AEMO au Burkina Faso », 1996, 33 pages

- KABORE SIBIRI Luc, « réinsertion sociale à partir du centre de rééducation de l'INEPRO et ATD/ Quart monde » mémoire de fin de cycle, ENAM, BURKINA FASO, 1995,61 pages ;

3. TEXTES JURIDIQUES

- Convention relative aux droits des enfants, ONU, NEW YORK, 1989

Charte Africaine des et du bien -être de l'enfant, Addis-Abeba, juillet, 1990,

- Code civil tchadien, 1958

- Code Pénal tchadien, 1958

* 1 (INSEED) Institut, National de la Statistique, des Etudes Economiques et Démographiques, Tchad, profil de la pauvreté, Novembre, 2006.

* 2 « Mouadjirine » Terme désignant des enfants mendiants des écoles coraniques au Tchad.

* 3 Bernard Pirot, « Les enfants des rues d'Afrique Centrale, édition karthata, 2004, 187pages

* 4 Bernard, Pirot, « enfants des rues en Afrique centrale,» édition Karthala, 2004, 197 pages.

* 5 Bernard Pirot, « Enfants des rues d'Afrique centrale », page 10 édition karthala.

* 6 Yves Marguerat, « Le chemin qui mène à la rue, un essai de synthèse sur le processus de la production d'enfants de rue en Afrique noire », cahier de Marjuvia n°9, pages 46.

* 7 Kaboré Sibiri Luc « réinsertion sociale à partir du centre de rééducation de l'INEPRO et ATD- Quart monde », mémoire de fin de cycle, ENAM, Burkina Faso, 1995, 61 pages.

* 8 DALLAPE Fabio, « Enfants de la rue, enfants perdus ? », ENDA- tiers monde, Dakar, 1990, 183 pages.

* 9 RICCARDO Luchini, « Les enfants de la rue : Carrière, identité et sortie de la rue », Fribourg, 1993, 30 pages.

* 10 Ibid,. p. 52. op. cit. Bernard Pirot

* 11 Stéphane Tessier, « les structures et institutions de prise en charge », in, S. Tessier, à la recherche des enfants de la rue, op, cit. p.238.

* 12 Chazal Jean, « l'enfance délinquante », PUF, 11ème édition, Paris, 1983, 120 pages

* 13 Capul M., « Les groupes rééducatifs », édition, privat, Toulouse, 1993,

* 14 Maurice porot, « l'enfant et les relations familiales », PUF, 4ème édition, Paris, 1966, 260 pages.

* 15GRAND BASSAM (Côte d'Ivoire), Forum de Grand Bassam, organisé par le BICE et l'UNICEF, en mai 1985.

* 16 Site web commune de N'djamena.

* 17 « Sans toit ni frontière » : bureau international de l'enfance - collection les enfants du fleuve, Fayar Leserment, 1986.

* 18 Hervé Bazin « ce que je crois » cité par Dionou op-cit, page126

* 19 Décharge des déchets des militaires français de l'opération épervier située non loin de l'aéroport de N'djamena, côté ouest.






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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery