INTRODUCTION
Situé au coeur du continent Africain entre le
8ème et le 24ème degré de latitude nord, et entre le
13ème et 24ème de longitude Est, le Tchad est un pays de
1 284 000km2 complètement enclavé qui s'étend
sur 1700km du Nord au Sud et 1000 km de l'Est à l'Ouest. Il est
limité au nord par la Libye, à l'Est par le Soudan, au Sud par la
République Centrafricaine et le Cameroun et à l'Ouest par le
Nigeria et le Niger.
Le Tchad compte 9, 7 millions d'habitants, 50,3% a
moins de 15 ans, 4% seulement a plus de 60 ans ;
L'âge médian est de 14 ans ;
On compte 93,7 hommes pour 100 femmes ;
L'espérance de vie s'établit à 48
ans ;
Le taux de fertilité est de 6,3 naissances par
femme ;
Le taux de natalité de 4,5% ;
Le taux de mortalité infantile atteint 10,1% en
moyenne1(*).
Le Tchad regorge d'énormes potentialités
économiques mais depuis son indépendance en 1960, il est
confronté à des guerres civiles successives qui ruinent son
économie et ceux qui subissent le poids de cette situation sont les
enfants, entre autres les enfants de la rue.
Malgré les potentialités et
l'arrivée de la manne pétrolière, le Tchad fait partie de
la liste des pays les moins avancés : Deux tiers des habitants
vivent en dessous du seuil de pauvreté avec quelque 80% de
la population vivant avec moins de un dollar par jour et est sous
ajustement structurel depuis 1995.
Il convient également de noter que la population
Tchadienne analphabète représente 67,1% de la population totale
et se trouve en dehors du système scolaire Tchadien.
C'est dans cette frange que se trouvent les enfants en
difficulté : les orphelins, les enfants abandonnés, les
mouadjirine2(*), les
victimes d'exploitation, les enfants soldats, les enfants dans la rue et les
enfants de la rue qui constituent l'un des groupes cibles de la politique du
Ministère de l'Action Sociale et de la Famille.
En effet il faut reconnaître que le
phénomène des enfants de la rue prend de plus en plus des
proportions inquiétantes dans les pays d'Afrique au Sud du Sahara avec
des formes très variées.
Longtemps inconnu, méconnu, voire nié dans
certaines villes du Sud, le phénomène des enfants de la rue est
apparu au grand jour au début des années 1980 (ce qui ne signifie
pas qu'il n'existait pas auparavant). Comme dans le domaine de l'humanitaire et
du développement, l'opinion internationale fut alertée par un
double appel, lancé à la fois par le secteur associatif et les
médias. C'est ainsi que l'on a pu découvrir avec effroi les
terribles conditions de vie de ces enfants des grandes villes d'Amérique
latine, puis l'existence des milliers d'autres vivant dans des principales
métropoles d'Afrique, du sous-continent indien ou du sud-est asiatique.
C'est également à cette époque que les
ONG du Nord commencèrent à s'intéresser de plus
près au phénomène ; l'ONG britannique Save The
Children développa ainsi au début des années 1980 des
programmes destinés aux enfants de la rue d'Amérique latine et
d'Asie. Le bureau international Catholique de l'Enfance (BICE) fut parmi les
premières associations françaises à lancer un programme
d'appui spécifique aux ONG du Sud. Le thème de l'enfance en
situation difficile en général, et des enfants de la rue en
particulier a parallèlement été peu à peu
intégré dans le discours et dans les politiques de plusieurs pays
et organisations internationales, sur le plan normatif et juridique, mais
également sur le plan plus opérationnel. Après avoir
adopté, en 1989, la convention relative aux droits des enfants,
l'assemblée générale des Nations Unies vota par exemple,
le 4 mars 1994 une résolution relative aux enfants de la rue. Cette
résolution en 10 points invite tous les Etats et toutes les
organisations internationales et non gouvernementales à
« redoubler d'efforts pour trouver des solutions définitives
aux problèmes des enfants de la rue3(*) »
Certains bailleurs de fonds institutionnels ont
également développé des dispositifs spécifiques
d'appui aux projets en faveur des enfants de la rue : citons notamment le
« programme d'éducation des enfants en situation
difficile » mis en oeuvre par la division de l'éducation de
base de l'UNESCO, ou encore le fonds d'aide et de coopération
« enfants des rues » mis en place en 1995 par le
ministère français de la coopération. En outre l'UNICEF,
qui a pour terrain de prédilection les enfants et d'autres organisations
internationales ont par ailleurs mobilisé d'importantes ressources pour
étudier le monde des enfants de la rue et les différentes
stratégies de réinsertion.
Les réponses apportées à cette question
des enfants de la rue ont varié dans le temps et dans l'espace :
placement familial, internat, action éducative en milieu ouvert etc.
De toutes ces mesures, une constante semble être
l'éducation même si les méthodes ont connu des
évolutions. A travers l'éducation qui se fait d'abord dans la
cellule familiale, chaque société a toujours oeuvré pour
que les individus obéissent aux normes et aux règles sociales,
permettant ainsi à la société de pérenniser
certaines valeurs.
Malgré ces initiatives, la situation des enfants en
général et celle des enfants de la rue en particulier demeure
préoccupante tant dans le monde que dans les pays en voie de
développement. Elle se traduit par des besoins sociaux de base non
satisfaits : santé, éducation, formation, logement etc.
Il en résulte que c'est l'exclusion et la
marginalisation d'un grand nombre d'entre eux qui les exposent à
d'autres maux sociaux tels que la délinquance, la prostitution, la
drogue, le chômage, le grand banditisme etc.
Dans ces conditions, le risque que le développement
soit compromis est grand dans les Etats du fait que les jeunes constituent le
socle du développement et l'avenir des nations.
Notre étude sur la réinsertion familiale de ces
enfants s'inscrit dans cette logique de recherche des solutions à ce
phénomène.
D'où notre préoccupation de
réfléchir sur la question à travers le Thème :
« la réinsertion familiale des enfants de la rue dans la ville
de N'djaména : état des lieux et
perspectives ».
Notre étude se propose donc de procéder à
une analyse des stratégies mises en oeuvre jusqu'ici, de dégager
un tableau des différents acteurs du terrain, d'analyser les forces et
les faiblesses existantes en matière de réinsertion familiale.
Forte des constats du terrain, elle procédera en outre
à des propositions de stratégies susceptibles de promouvoir une
véritable réinsertion des enfants de la rue au Tchad. Et pour ce
faire, elle tentera de connaître l'articulation entre les
stratégies des intervenants de la réinsertion familiale des
enfants de la rue et les échecs des retours en famille des enfants
qu'ils accueillent.
Elle tentera par-dessus tout d'apporter une réponse
par ses analyses à la question de l'enracinement des enfants dans la
rue.
Elle s'articulera autour de trois grands axes
suivants :
Chapitre 1 : Le cadre théorique de
l'étude
Chapitre 2 : Le cadre méthodologique de
l'étude
Chapitre 3 : La présentation, l'analyse et
l'interprétation des résultats
Conclusion.
CHAPITRE I : CADRE
THEORIQUE DE L'ETUDE
I.1
PROBLEMATIQUE
Le problème des enfants vivant dans la rue est
un phénomène social Très préoccupant pour
l'ensemble de nos nations, les plus riches comme les plus pauvres. Cette
réalité n'a pas de frontière aujourd'hui.
Elle a subi des mutations diverses et s'est davantage
complexifiée par une constellation de facteurs sociaux récurrents
ou émergents.
La grande interrogation de tous les pays concernés
reste la stratégie efficace de réduction du
phénomène.
De tout temps, les Etats ont élaboré et
appliqué des stratégies, des associations multiples, ont fait des
efforts, mais le constat qui se dégage est l'augmentation du
phénomène, doublée de la précocité de
l'âge d'entrée dans la rue, et la tendance à l'enracinement
d'un grand nombre d'enfants dans cet espace social. Face à cette
situation, on est en droit d'interroger non seulement les stratégies
d'intervention mais surtout les logiques sociales qui déterminent ce
phénomène.
Le problème des enfants de la rue ne concerne
pas seulement les pays du sud mais il touche également des
métropoles occidentales : New York, Berlin, Paris ou Marseille
Le phénomène a pris une ampleur tout à
fait considérable dans les pays en développement et notamment en
Afrique subsaharienne où l'urbanisation a été
accélérée au cours des dernières décennies.
Les chiffres avancés par les organisations internationales font le plus
souvent état d'une fourchette oscillant entre 30 et 100 millions
d'enfants vivant dans les rues des pays en développement4(*).
La rue devient, pour beaucoup d'enfants, un lieu de vie.
Nombre d'entre eux exercent une activité laborieuse : faiseurs de
poubelles, mendiants, prostitués, porteurs, collecteurs d'objets divers,
employés de ménage, gardiens et laveurs de véhicules,
cireurs, vendeurs de produits divers, Ces pratiques sont presque les
mêmes dans tous les continents. Il s'agit en fait d'une incessante
quête pour trouver leur pitance quotidienne, mais aussi, le cas
échéant, pour leur famille.
Le Tchad, qui n'est pas en marge de cette
réalité, est de plus en plus confronté à ce
problème d'enfants vivant dans la rue. Déjà en 1962,
furent créés le Centre Rural des Jeunes de Koundoul (25km de
N'djaména) et le Centre d'Accueil Kotoko de Sabangali destinés
à prendre en charge cette catégorie d'enfants. Malheureusement
ces deux Centres qui fonctionnaient jusqu'en 1979, ont disparu du fait de la
guerre. Après la guerre en 1990, le Centre de Koundoul a
été ré ouvert sous l'appellation Centre Espoir de
Koundoul pour l'Enfance (CNEKE).
Malgré la réouverture du Centre de
Koundoul et les nombreuses actions menées sur le terrain par le
gouvernement, les ONG et les associations, il demeure que le
phénomène des enfants de la rue reste préoccupant et
incite à une nouvelle interrogation sur les stratégies de leur
prise en charge aussi bien au niveau des familles qu'à celui des centres
publics et des associations.
A cet effet, les statistiques actuelles et les plus
récentes sur le phénomène sont celles basées sur
une enquête menée sur l'ampleur du phénomène des
enfants de la rue de novembre 2002 à avril 2003 par le gouvernement
tchadien et l'UNICEF dans sept (7) grandes villes (Abéché,
Kélo, Bongor, Moundou, Ndjaména, Doba et Sarh).
Cette enquête dénombrait 7031 enfants dans la
rue et de la rue dont 3570 dans la ville de N'djamena, soit
50,8 °/°.
Ces statistiques sont aujourd'hui certainement
dépassées, à la vue de la réalité du
problème, et une autre enquête s'avère impérative
pour mieux camper le phénomène.
Tableau n° 1 : Répartition des enfants
recensés vivant dans la
Rue
Ville
|
Enfants vivant dans la rue et Enfants de la
rue
|
Pourcentages
|
Abéché
|
467
|
6,6
|
Bongor
|
505
|
7,2
|
Doba
|
222
|
3,2
|
Kélo
|
1103
|
15,7
|
Moundou
|
582
|
8,3
|
N'djamena
|
3570
|
50,8
|
Sarh
|
582
|
8,3
|
Total
|
7031
|
100,0
|
Source : Etude sur l'ampleur du
phénomène des enfants de la rue au Tchad, novembre
2002 - avril 2003.
Tableaux 2 : Répartition générale
des enfants par Catégories
Catégories d'enfants
|
Effectifs
|
Pourcentage.
|
Enfants vivant dans la rue
|
653
|
9,3
|
Enfants de la rue
|
6208
|
88,3
|
Sans réponse
|
170
|
2,4
|
Total
|
7031
|
100,0
|
Source : Etude sur l'ampleur du
phénomène des enfants de la rue au Tchad, novembre
2002 - avril
2003.
Tableaux 3 : Fréquentation scolaire selon
les catégories d'enfants
Fréquentation scolaire
|
Enfants vivant dans la rue
|
Enfants de la rue
|
Pourcentage
|
Vont à l'école
|
87
|
3137
|
48,3
|
Ne vont pas à l'école
|
544
|
2912
|
51,7
|
Total
|
631
|
6049
|
100,0
|
Source : Etude sur l'ampleur du
phénomène des enfants de la rue au Tchad, novembre
2002 - avril 2003.
La lutte contre le phénomène au Tchad se traduit
par la mise en place d'institutions et de structures par l'Etat à
travers le MASF.
Ce qui traduit une volonté politique du gouvernement en
matière d'encadrement et de protection de l'enfance. L'existence d'une
structure d'internat (centre espoir de Koundoul pour l'enfance), en est le
témoignage.
Cette volonté politique est renforcée par
l'adoption de textes législatifs et réglementaires en
matière de protection des enfants.
Les autorités se sont engagées à
respecter les grands principes internationaux contenus dans les
différentes déclarations, et à ratifier plusieurs
conventions.
Il existe tout un ensemble d'instruments juridiques de
protection de l'enfant au plan national et international.
La ratification de la convention relative aux droits de
l'enfant par le Tchad (28 juillet 1990) a constitué un acte d'une grande
importance pour le pays. Ainsi, pour traduire dans les faits les engagements,
plusieurs actions ont été menées tant sur le plan
politique que dans le domaine législatif :
- Le Tchad à travers le Ministère du plan et de
la coopération a élaboré un plan d'orientation
intitulé « Le Tchad : plan d'orientation à
l'horizon 2000 » qui définit la politique de
développement du pays à court, moyen et long terme. Ce plan a
pour but d'assurer la promotion du secteur social. Dans cette optique, il offre
un cadre dans lequel s'inscrivent les objectifs relatifs au
développement et la protection des femmes et des enfants.
- Dès 1991, un groupe interministériel de
travail sous la coordination du Ministère du plan s'est attelé
à élaborer un programme national d'action en faveur de l'enfant
Tchadien (PRONAFET) adopté par le gouvernement le 31 août 1995. Le
PRONAFET définit les principaux objectifs pour la survie, la protection
et le développement de l'enfant.
- Au niveau sectoriel, la promotion du secteur social
entreprise s'est concrétisée à travers trois grandes
politiques sectorielles : la santé et la nutrition,
l'éducation de base et l'eau et l'assainissement.
- Un programme national de protection des enfants en
circonstance particulièrement difficile a été mis en
place, coordonné conjointement par le Ministère de la Femme, de
l'Enfance et des Affaires et par le Ministère de la Justice.
- En plus des actions politiques ci-dessus, il faut relever
la création de la Direction de l'enfance et des personnes
handicapées au Ministère de l'action sociale et de la famille et
l'existence de la Direction de la protection de l'enfance au ministère
de la justice. A cela, s'ajoute la reconnaissance de plusieurs associations de
défense, de promotion des droits de l'enfant notamment :
- la Ligue pour la promotion et la défense des droits
de l'enfant (LPDDE)
- l'Association pour la promotion de l'enfant de la rue au
Tchad (APERT) ;
- l'Association tchadienne amis des drogués
(ATAD) ;
- SOS village d'enfants ;
- l'Orphelinat « Béthanie »,
- l'Association d'entraide en faveur des enfants en
détresse au Tchad (AEFEDT),
- l'Orphelinat « Bakane Al Salam
d'Abéché »
Sur le plan réglementaire et législatif, on note
l'existence de plusieurs textes de lois parmi lesquels on peut retenir :
-Le décret n°371/77/CSM/MJ du 9 novembre 1977
portant statut des établissements pénitentiaires du
Tchad ;
- L'ordonnance n°001/PCE/CDENACVG/91 portant
réorganisation des armées ;
- L'ordonnance n°06/PR/92 du 28 avril 1992 portant statut
général des militaires ;
- La charte des droits et libertés adoptée par
la conférence nationale souveraine ;
- Le décret n°100/Aff. Sociales relatif à
la protection de l'enfance et de l'adolescence
- Et les textes législatifs (code pénal, code de
procédure pénale, code du travail et de la prévoyance
sociale) contiennent des dispositions sur la protection de l'enfant.
Malgré les actions entreprises au sein des
différents départements ministériels et par les ONG et
associations et par manque de synergie entre les différents
intervenants, le ministère de l'action sociale et de la famille d'une
part et les ONG et associations d'autre part, les enfants se trouvent
partagés entre les stratégies et actions et cette situation nous
préoccupe, d'où la question principale :
Quelles sont les causes des échecs de la
réinsertion familiale des enfants de la rue dans la ville de
Ndjaména ?
A cette question principale se rattachent les questions
secondaires non moins importantes à savoir :
- Quelles sont les difficultés que rencontrent les
enfants de la rue pour se réinsérer dans leurs
familles ?
- Pourquoi les enfants de la rue qui retournent en famille n'
y restent pas ?
- Quelle est l'attitude des parents vis-à-vis des
enfants de la rue ?
Telles sont les questions auxquelles nous nous efforcerons de
répondre à travers cette recherche.
I.2 : JUSTIFICATION
DU CHOIX DU THEME
Le phénomène des enfants de la rue est de plus
en plus préoccupant pour les parents et pour le gouvernement à
cause de leur nombre qui ne cesse de croître de jour en jour. Leur
présence dans la rue les soustrait de l'éducation de la formation
professionnelle et les expose à des risques tels que les maladies, les
accidents, la toxicomanie, ou le grand banditisme etc. Ce
phénomène constitue un risque pour la sécurité des
enfants et celle des populations et un frein au développement d'un pays,
surtout lorsqu'il se manifeste de manière récurrente comme c'est
le cas au Tchad.
Les résultats et les acquis obtenus par les
structures de prise en charge des enfants de la rue au Tchad après des
années d'existence sont appréciables et méritent
d'être soutenus et renforcés. Mais, il ne sert à rien de
prendre les enfants de la rue, de les garder dans un centre et de ne rien
envisager pour eux à la sortie du centre comme c'est le cas du centre
espoir de Koundoul et des centres privés. « Une action qui se
contenterait d'améliorer les conditions de vie dans la rue est inutile,
et même contre-productive, car elle incite les enfants à rester
dans la rue (voire d'autres plus timides, à oser les rejoindre) ;
ce que les enfants de la rue veulent, c'est comme tous les autres enfants -
aller à l'école, apprendre un métier, fonder un jour leur
propre famille, devenir respectables et respectés. Il faut donc
impérativement leur proposer de sortir de la rue dans le respect de leur
liberté et de leur personnalité et trouver avec chacun une
solution qui aura toute la durée nécessaire5(*) »
Pourquoi cette recherche ?
Deux raisons nous ont motivé à mener cette
recherche, sinon trois à savoir :
Premièrement :
Les résultats de l'étude sur l'ampleur du
phénomène des enfants de la rue au Tchad menée par le
gouvernement de la république du Tchad et l'UNICEF entre novembre 2002
et avril 2003 nous ont impressionné aiguisé notre
curiosité à savoir pour quoi tant d'enfants vivent dans la
rue : 7031, dont 6208 sont des enfants de la rue ;
Deuxièmement :
Nous avons constaté qu'il existe très peu
d'études au Tchad sur la question de la réinsertion familiale des
enfants de la rue. C'est pourquoi, la présente étude est d'un
intérêt professionnel. Elle devrait permettre l'identification de
nouvelles stratégies et actions pour répondre aux besoins des
enfants qui s'enracinent dans la rue. Elle est également une
contribution à la stratégie gouvernementale pour une meilleure
prise en charge des enfants de la rue et dans la rue. Elle contribuera à
donner plus de lisibilité au ministère de l'action sociale et de
la famille dans la prise en charge des enfants de la rue et dans la
rue ;
Troisièmement :
Il faut souligner que cette recherche répond
également à des préoccupations d'ordre personnel. En effet
après avoir passé 14 ans de notre vie professionnelle dans la
rue, auprès des enfants handicapés, des enfants orphelins,
enfants abandonnés et enfants de la rue, nous avons pu nous rendre
compte de la nécessité et de l'intérêt d'une
étude sur la réinsertion familiale des enfants de la rue afin
d'apporter notre modeste contribution pour leur sortir de la rue.
Comment donc agir ? Quelles stratégies adopter pour
extirper ces enfants de la rue et leurs donner une nouvelle forme de
vie ?
Telles sont les préoccupations qui feront l'objet de
notre présente étude.
I.3 : LES OBJECTIFS
DE LA RECHERCHE
Les objectifs que nous visons à travers cette recherche
sont les suivants :
I.3.1 : OBJECTIF
GENERAL
Contribuer à la réinsertion familiale des
enfants de la rue
I.3.2 : OBJECTIFS
SPECIFIQUES
Identifier les causes des échecs de la
réinsertion familiale des enfants de la rue ;
Proposer aux différents intervenants des solutions pour
la réinsertion familiale des enfants de la rue.
La réponse à toutes ces questions passe
nécessairement par la définition d'hypothèses que le
travail de terrain devra permettre de vérifier.
I.4 : LES
DIFFERENTES HYPOTHESES DE TRAVAIL
I.4.1 : HYPOTHESE
PRINCIPALE
Le faible rendement des interventions en matière de
réinsertion familiale des enfants de la rue s'explique par
l'inefficacité des stratégies et des actions mises en oeuvre par
les différents intervenants.
De cette hypothèse nous pouvons dégager les
hypothèses secondaires suivantes :
I.4.2 HYPOTHESES
SECONDAIRES
Ø La faible qualification des intervenants ne permet
la mise en oeuvre d'actions éducatives efficaces
Ø Les stratégies et actions
développées par les intervenants sont insuffisantes.
I.5 : REVUE DE LA
LITTERATURE
Pour mieux comprendre le phénomène des
échecs de la réinsertion familiale qui se traduit par
l'enracinement des enfants dans la rue, nous avons fait le tour des
différents débats sur la question à travers la
littérature disponible et les entretiens exploratoires. De nos
différentes recherches documentaires, nous avons rencontré
très peu de documents qui abordent de façon spécifique le
sujet de réinsertion familiale des enfants de la rue au Tchad. En
revanche, il existe une abondante littérature tournant autour du
phénomène « enfants de la rue » à
travers le monde mais dominée par des récits qui décrivent
les différentes causes qui sont à l'origine de la présence
des enfants dans la rue. Les solutions préconisées sont aussi
diversifiées que les causes. Quelle que soit l'option, les
spécialistes semblent s'accorder pour dire que la meilleure solution
demeure la réinsertion familiale car comme l'a dit Yves
Marguerat6(*) « si
les mots ont un sens, la « rue » est par définition
le lieu de non droit, le contraire d'une société fondée
sur une norme ».
L'essentiel de ce travail sur la réinsertion familiale
des enfants de la rue de N'djamena repose sur l'expérience du terrain et
différentes sources sont venues compléter cette recherche :
littératures spécialisées (essentiellement des articles,
des revues sur les enfants de la rue), études et rapports
publiés par certaines organisations internationales (UNICEF, UNESCO).
Parmi ces nombreuses littératures qui se sont
penchées sur le phénomène des enfants de la rue, nous
retenons celle de Bernard Pirot :
Bernard Pirot dans son livre « enfants des
rues d'Afrique centrale » offre la possibilité de comprendre
la réalité de la situation des enfants de la rue et des outils
pour construire des solutions efficaces.
Pour Pirot, la problématique des enfants des rues
concerne aussi celle de la lutte contre la pauvreté d'où il faut
donner aux familles la possibilité d'accroître leurs
ressources.
Mais pirot ne cite pas quelles sont ces possibilités.
Pirot dit par contre concernant le difficile retour des enfants en famille
que : « dans l'absolu, le retour en famille est bien
sûr tout à fait souhaitable, mais dans les faits, il est assez
rarement possible : la famille ne peut pas être la solution quand
elle est elle-même, le problème. Il faut donc inventer d'autres
manières de vivre ». Pirot propose
que : « si le retour en famille n'est possible, on doit
rendre à l'enfant un cadre de vie de type familial, c'est-à-dire
une unité de taille restreinte, où il aura la possibilité
collective et individuelle sur sa propre vie... » .
Pour la réinsertion familiale des enfants de la rue,
Bernard Pirot propose en outre : - retrouver les parents,- établir
une relation avec elle, -tenter une médiation en vue d'une
éventuelle réinsertion. Cette action comprend
généralement plusieurs étapes : une phase de
pré enquête (recueil d'informations auprès de l'enfant ou
des autres enfants de son groupe), une phase d'enquête proprement dite
(recherche de la famille, recueil d'information auprès d'elle et du
voisinage), une phase de négociation avec la famille et l'enfant, et
enfin une phase éventuelle de réinsertion et de suivi. Pirot
précise qu'avant de commencer la recherche d'une famille, les
éducateurs doivent recueillir un certain nombre de renseignements assez
précis auprès de l'enfant (pré enquête) : son
nom, celui de ses parents ou de ses tuteurs, son quartier d'origine, la
durée de sa présence dans la rue, les causes qui l'y ont conduit,
etc.
Lorsque les éducateurs estiment avoir recueilli
suffisamment d'informations, la phase d'enquête sociale proprement dite
peut commencer. Il s'agit ici de retrouver la famille de l'enfant, de
vérifier les informations qu'il a données, et d'évaluer
s'il y a une possibilité de le réinsérer. Ce projet ne
peut évidemment être envisagé que si l'enfant est d'accord
pour revoir sa famille, et s'il accepte l'éventualité de
retourner y vivre un jour. Les éducateurs cherchent
généralement à établir un premier contact avec la
famille sans la présence de l'enfant : ils doivent alors de
comprendre l'histoire de le cellule familiale, et d'établir un premier
diagnostic sur la possibilité, ou au contraire l'impossibilité
d'une future réinsertion. Cette phase d'enquête est
extrêmement délicate, car les réactions de la famille
peuvent aller de l'accueil le plus chaleureux (par exemple lorsque l'enfant a
fui dans la rue pour une vétille sans donner de nouvelle) à
l'hostilité la plus affirmée, tout spécialement en cas
d'accusations de sorcellerie (dans ce cas précis les voisins peuvent
également manifester une certaine animosité envers l'enfant qui
retourne en famille.
Bernard Pirot propose à cet effet, un
schéma Pédagogique
SCHEMA PEDAGOGIQUE
Observation stabilisation remise en niveau
Centre d'écoute
Rue
Enquête sociale
Foyer d'hébergement
Formation professionnelle
Action éducation en milieu ouvert
Réinsertion familiale
Apprentissage
Scolarisation
Autonomie : Insertion
socioprofessionnelle
Les travaux de Bernard Pirot nous ont aidé à
comprendre le
Les travaux de Bernard Pirot nous ont aidé à
comprendre le phénomène des enfants de la rue. Nous partageons
son idée de « rendre à l'enfant un cadre de vie en
créant une unité de taille restreinte de type familial où
l'enfant de la rue qui ne peut pas retourner en famille aura une
responsabilité individuelle et collective sur sa propre vie.
L'idée de Pirot peut avoir son sens surtout pour les enfants totalement
orphelins qui n'ont pas de proches parents pour les accueillir et pour les cas
des enfants accusés de sorcellerie qui sont mal vue même par des
voisins immédiats.
La cellule familiale est en effet le seul milieu de vie
naturel de l'enfant, le lieu où il devrait normalement,
s'épanouir sur le plan personnel, affectif, intellectuel et social.
Kaboré S Luc7(*) à partir de son étude sur deux
institutions (ATD / Quart monde et INEPRO de Gampela au Burkina Faso a
voulu savoir si les rééducations sont vraiment efficace pour une
meilleure réinsertion sociale. Il est parti de l'hypothèse que
ces centres qui sont l'ATD/quart monde et L'INEPRO ne permettent pas une
réinsertion sociale satisfaisante des jeunes qui y sortent.
L'étude de Kaboré S Luc tire la conclusion que :
- une enquête sociale préalable à
l'admission des jeunes dans les centres de rééducation, qui est
à même de diagnostiquer les problèmes pour faciliter leur
prise en charge n'est pas menée
- la qualification des encadreurs est
insuffisante ;
- le suivi après centre n'est pas assuré.
A partir de ses entretiens auprès des responsables des
structures et des anciens pensionnaires, il arrive à la conclusion que
40°/° des sortants de CESF (EX INEPRO) sont insérés
contre 10°/° de l'ATD/quart monde.
Kaboré attribue les causes des échecs
à :
- l'insuffisance de la formation professionnelle ;
- l'insuffisance la qualification du personnel ;
- manque d'intérêt manifesté par le
milieu ;
- l'inadaptation de la structure pour la réinsertion de
certains cas.
- A la fin, Kaboré S. Luc propose des mesures
concrètes qui nous ont paru très pertinentes :
- une enquête sociale préalable à
l'admission des jeunes dans les centres de rééducation ;
- la qualification des encadreurs
- le suivi après centre
Kaboré rejoint donc Bernard Pirot dans ses analyses et
ses propositions de réinsertion des enfants de la rue à travers
son étude.
L'étude de Kaboré nous a permis de l'analyse
institutionnelle de l'Association Tchadienne « les Amis des
Drogués ».
F.DALLAPE8(*) quant à lui a parlé dans son ouvrage
(enfants de rue, enfants perdus ?) de la prise en charge individuelle et
celle de la mobilisation de la communauté pour l'enfant et jeune de la
rue.
Concernant la prise en charge individuelle, elle consiste
à identifier un enfant de la rue et en fonction de ses besoins, mettre
en place avec sa participation un projet. Il peut s'agir d'un projet de retour
en famille, d'une inscription à l'école ou d'un placement en
apprentissage auprès d'un artisan. Le seul avantage qu'il
reconnaît à cette approche c'est qu'elle est facile à
mettre en place par toute personne ayant les moyens et la bonne volonté.
Ses inconvénients selon DALLAPE résident dans le fait qu'il faut
s'assurer que le bénéficiaire est motivé pour le projet,
trouver une école qui veut l'accueillir, prendre la mesure des
responsabilités qu'implique l'inscription une fois obtenue, ou
être sûr que la famille est prête à l'accepter.
Quant à la prise en charge par la mobilisation de la
communauté, pour DALLAPE, elle consiste à apporter de l'aide
à l'ensemble des membres d'un groupe d'enfants et non à chaque
enfant individuellement en ce sens que le groupe et l'entourage ont en
eux-mêmes la capacité de réhabiliter les enfants de la
rue. L'utilisation des ressources de la communauté constitue le
principal avantage de cette approche.
En dehors de ces stratégies de prise en charge des
enfants de la rue, DALLAPE considère l'adoption comme une des solutions
alternatives pour les enfants de parents très pauvres ou sans
famille.
Enfin, il reconnaît que la mise en oeuvre de ces
stratégies nécessite un personnel bien formé et
engagé.
Le travail de DALLAPE nous a permis de nous imprégner
davantage sur le phénomène « enfants de la
rue » et sur leur prise en charge.
Cependant, une observation peut être formulée
concernant les mesures d'adoption ou de placement en famille des enfants de la
rue.
Même si ces solutions sont bonnes, il faut
reconnaître que certaines personnes sont sensibles au sort des enfants
abandonnés surtout des bébés, mais sont souvent
réticentes quand il s'agit des enfants de la rue parce qu'ils ont de ces
derniers une perception négative, une certaine stigmatisation. Le retour
de l'enfant de la rue dans sa famille fut-elle pauvre est à encourager
à notre avis, mais nécessite d'une part des mesures
d'accompagnement envers ces familles comme l'octroi de crédits pour une
activité génératrice de revenus en vue de
l'amélioration de son niveau de vie. D'autre part,
réinsérer les enfants de la rue en apportant à leur
famille un appui financier (pour payer par exemple les frais de scolarisation
de l'enfant) ou matériel (aide alimentaire ou en fourniture scolaire),
cette stratégie peut sembler de prime abord séduisante parce
quelle permet en théorie de scolariser rapidement les enfants.
Malheureusement, elle s'avère souvent inefficace dans la pratique :
l'argent destiné à payer les frais de scolarisation est
utilisé à d'autres fin, les fournitures sont parfois revendus,
etc. Lorsque l'enfant est issu d'une famille en situation
socioéconomique précaire, une alternative intéressante
serait d'aider la famille à augmenter ses propres ressources (par
l'octroi de crédits pour qu'elle mène une activité
génératrice de revenus.
La mise en oeuvre de ces stratégies nécessite en
plus des critères énoncés pour le personnel par DALLAPE,
un nombre d'éducateurs pour le suivi de chaque enfant, d'autre part, un
réel engagement des pouvoirs publics dans la prise en charge par
l'octroi de moyens aux structures publiques et privées d'encadrement des
enfants de la rue ; de même qu'une coordination des actions tant
publiques que privées pour éviter plusieurs interventions (qui
peuvent souvent se contredire) sur les mêmes enfants.
Nous nous sommes également
intéressé aux travaux de RICARDO Luchini9(*) :
Pour Ricardo, la sortie de la rue se construit dans le temps
et selon les enfants, elle peut durer plus ou moins longtemps. Chaque enfant
est d'ailleurs un cas particulier avec son histoire personnelle et sa propre
personnalité. L'élément essentiel le plus important pour
que l'enfant entame la sortie de la rue est la »
réorganisation de son système identitaire ». Cela
signifie qu'il doit trouver ou retrouver des références
personnelles lui permettant de se projeter dans un avenir sans la rue. Cela ne
signifie pas que l'enfant doive faire « tabula rasa » de
tout ce qu'il a appris dans la rue et renier tout ce à quoi il attribue
une valeur (compétences et habiletés acquises dans la rue,
l'amitié et la solidarité, la fierté de savoir vivre dans
un milieu dangereux par exemple). Il valorise donc une partie de
l'expérience qu'il a vécue dans la rue. Il s'agit pour la plupart
d'enfants qui revendiquent la légitimité d'être dans la rue
non seulement comme un mode de vie qui leur est imposé par les
circonstances mais aussi comme un choix.
Pour analyser ces différents processus, Ricardo Luchini
recourt à une notion originale, celle de
« carrière » de la rue. D'après ses analyses,
l'enfant suit une carrière dont les étapes seront franchies plus
ou moins vites :
- Rupture avec la famille, le plus souvent progressive, et
alternance de séjours à la maison et dans la rue (ce qui n'exclut
pas de rupture beaucoup plus brutale et de départ subit dans la rue).
- Découverte d'une nouvelle vie dans la rue, qui
entraîne un sentiment d'angoisse ou au contraire de liberté, voir
d'un certain amusement.
- Intériorisation et revendication de l'identité
marginale suivie d'une rupture définitive avec la cellule familiale.
- Installation dans une routine où, peu à peu,
s'engluera toute espérance de changer de vie.
L'analyse de ces différentes étapes permet de
bien mettre en lumière la part de l'initiative prise par l'enfant lui -
même : en effet, lors de la première phase (alternance de
séjours dans la rue et à la maison), l'enfant peut faire un bilan
entre les avantages que lui apporte la vie dans la rue et les contraintes
domestiques. L'autonomie et le sentiment de liberté qu'il acquiert lors
de ses séjours hors du domicile familial constituent ainsi le catalyseur
qui va déclencher son départ définitif.
Cette analyse de Ricardo, s'applique tout
particulièrement aux enfants dans la rue qui décident, un jour,
de ne plus rentrer chez eux devenant ainsi des enfants de la rue à part
entière. L'enfant dans la rue est en quelque sorte
« employé » par sa famille, à laquelle il
doit rapporter quotidiennement une certaine somme d'argent. Si dans le bilan
qu'il effectue, l'enfant réalise qu'il serait avantageux pour lui de
travailler à son propre compte, il pourra alors décider de ne
plus regagner le domicile familial, et rester dans la rue. Notons enfin que,
dans la dynamique de l'éloignement, le côté provocateur de
certains départ ne doit pas non plus être
négligé : « C'est l'un des
éléments qui expliquent pourquoi, à conditions familiales
égales, des enfants quittent leur domicile, alors que d'autre
restent10(*) ».
Ricardo différencie trois types de sorties de la
rue
- La sortie active de la rue ;
- La sortie par expulsion ou déplacement
forcé ;
- La sortie par épuisement de ressource ou par
inertie.
La sortie active de la rue selon Ricardo a un projet
qui s'élabore pendant le processus de sortie de la rue. Pour qu'il y ait
projet, il faut que l'enfant puisse se projeter dans le temps en imaginant son
avenir en dehors de la rue. Il faut aussi qu'il dispose d'une alternative
crédible dont il souhaite la réalisation.
Pour cette catégorie d'enfants, la rue devient un
laboratoire dans lequel se forge une identité reliée à la
construction d'un projet post-cure. L'enfant contribue à créer
l'opportunité qui lui permet de quitter la rue.
La sortie par expulsion ou déplacement de la
rue concerne avant tout, les cas d'emprisonnement ou d'institutionnalisation
prolongée de l'enfant. Ici, la rupture avec le monde de la rue signifie
souvent l'insertion dans le monde de la délinquance adulte. De toute
manière, le jeune qui sort de prison ou d'une institution après y
avoir séjourné pendant quelques années, ne peut plus
retrouver sa place dans la rue. D'autre part, pour « Ces jeunes comme
pour les autres enfants de la rue qui ont derrière eux une longue
carrière dans la rue, la famille ne constitue plus une réelle
alternative à la rue11(*) ».
La sortie par épuisement des ressources ou
par inertie (matérielles symboliques affectives, sociales)
diffère de la sortie active car l'enfant n'a pas de projet ni
d'alternative crédible à la rue. Les occasions gratifiantes sont
épuisées et l'enfant reste dans la rue par manque de choix et par
inertie. L'épuisement des ressources comporte un aspect subjectif et un
aspect objectif.
Le premier concerne la perception que l'enfant a de la rue et
donc les images qu'il associe.
Le second a trait aux modifications des configurations qui
structurent le monde de la rue (groupe, réseaux d'enfants,
réseaux adultes -enfants, contrôle policier, programme
d'assistance, commerce informel par exemple).
L'épuisement subjectif des ressources peut se
manifester sans qu'aucune modification des ressources objectives ne se
produit.
L'épuisement des ressources signifie que la rue est
devenue un lieu qui ne permet plus à l'enfant de faire le choix en terme
de survie, de mobilité spatiale, de sociabilité (appartenance
à un groupe ou un réseau). Le plaisir de vivre dans la rue a
disparu.
La sortie de la rue par épuisement
d'après Ricardo est plus fragile que la sortie active car elle est
improvisée et se fait « faute de mieux ». Cette
sortie est marquée par la résignation et l'anticipation de son
échec probable, c'est pour quoi elle est proche des tentatives
avortée de sortie de la rue. Néanmoins, est se prépare
avant tout, l'enfant fait des visite chez lui ou réside dans une
institution pendant un certain temps. Il s'agit pour lui d'évaluer la
probabilité des succès et d'échecs d'un abandon de la
rue.
La crainte du rejet parental, ou des contraintes
institutionnelles est toujours présente chez l'enfant. Souvent le
rapprochement avec la famille est rendu délicat par le changement du
statut conjugal de la mère ou du père. En effet, la mère
peut avoir un nouveau compagnon ou le père une nouvelle compagne.
D'autres changements tels qu'une modification de la composition de la fratrie
ou le déménagement de la famille dans un autre quartier ou une
autre ville compliquent le retour de l'enfant en famille.
Les travaux de Ricardo, nous ont permis de
comprendre que l'existence d'un projet crédible pour l'après rue
ainsi que les événements et les rencontres entre l'enfant et un
adulte influencent le processus de la sortie de la rue. La durée de ce
processus varie selon les enfants et ce dernier est caractérisé
par l'échec de nombreuses tentatives de sortie de la rue.
Les travaux de Ricardo nous est également permis de
comprendre que la sortie de la rue ne correspond pas toujours à
processus progressif de nature linéaire conduisant l'enfant de la rue au
non rue. Car il comporte de nombreux retours à la rue. En fait, Ricardo
faire ressortir que la rue est elle - même un apprentissage fait d'une
succession d'essai et d'échecs. La durée de cet apprentissage et
son déroulement varie selon les enfants qui doivent remettre en question
un style de vie et l'habitus qui l'accompagne.
Enfin, nous avons pu comprendre grâce aux travaux de
Ricardo que la sortie de l'enfant de la rue ne s'improvise pas, mais elle se
prépare comme étant une étape finale de la carrière
de l'enfant dans la rue. Son déroulement est donc influencé par
l'ensemble des étapes de cette carrière.
Ainsi, les intervenants devront tenir compte de la
carrière de l'enfant lorsqu'ils l'accompagnent durant le processus de sa
sortie de la rue.
Cependant, Ricardo n'a pas abordé la réinsertion
de ces enfants dans leurs familles, ni leur suivi après la sortie de la
rue.
Nous pensons que si la sortie de l'enfant de la rue est fait
d'échec, c'est qu'il manque des mesures d'accompagnement, et le suivi de
ces enfants au niveau familial..
Nous nous sommes également intéressé aux
travaux de Chazal J12(*)
Chazal s'est penché sur l'actualité du
phénomène de la délinquance juvénile, les facteurs
explicatifs, le rôle des tribunaux pour enfants, la
rééducation des mineurs en France et les résultats
obtenus.
Pour l'auteur, « la dernière guerre a
déterminé une augmentation considérable du nombre des
jeunes délinquants. La captivité, la déportation, à
titre politique ou à titre du travail obligatoire, ont dissocié
d'innombrables familles. Cette dissociation familiale favorise
fréquemment le délit ». A travers des statistiques de
1939 à 1953, il met en évidence la corrélation entre les
conséquences de la guerre et l'évolution des taux de la
délinquance juvénile en France.
Nous partageons l'avis de l'auteur sur ce point car il rejoint
la pensée d'Errico Ferri, disciple de Lombroso, avec ses
célèbres lois de la saturation et de la sursaturation
criminelles.
La première loi (saturation) signifie qu'un milieu
donné recèle une quantité constante de criminalité
et la seconde quant à elle, postule que la survenue d'un
événement anormal (famine, guerre, crise économique,
conflit inter ethnique ...) produit un accroissement brusque de la
criminalité.
C'est à partir de la personnalité du
délinquant que l'on peut entreprendre sa réinsertion dans sa
famille. « L'anti-socialité de certains d'entre eux est si
profonde que leurs chances de réinsertion familiale sont minimes et
très incertaines ».
Concernant les facteurs de la délinquance, l'auteur
associe des facteurs familiaux, sociaux. En effet, la plupart des
départs des enfants dans la rue sont, la conséquence d'un
mélange de contraintes extérieures plus où moins graves,
et d'initiatives prises par l'enfant lui - même. L'initiative peut
être un facteur déterminant : certains enfants en voie de
marginalisation se laissent plus facilement entraîner par des groupes de
la rue, d'autres choisissent délibérément de les
suivre.
Il convient également de noter que, sauf cas
extrêmes toujours possibles, la rupture entre l'enfant et sa famille
n'est pas subite, mais est plutôt l'aboutissement d'un processus de rejet
réciproque plus ou moins long. Dans de nombreux cas, le départ de
l'enfant est progressif, et lié à l'apprentissage de la vie dans
la rue.
Au sujet de la rééducation en internat,
l'auteur décrit comme Ricardo Luchini, trois (3) types d'actions
à mettre en oeuvre :
- L'action thérapeutique ;
- L'action de préparation professionnelle ;
- L'action éducative.
Il évoque par ailleurs deux dangers majeurs de
l'internat à savoir l'adaptation de certains jeunes au point de ne plus
vouloir quitter et la mauvaise utilisation de la liberté
retrouvée pour d'autres à la sortie de l'internat.
La récidive serait pour l'auteur liée aux
facteurs criminogènes. Plus les facteurs criminogènes sont
profonds et multiples, plus les possibilités de
rééducation se réduisent et plus les chances de
récidive augmentent. Pour ce faire l'auteur porte un
intérêt primordial au suivi
L'étude de cet ouvrage a été d'une grande
utilité pour nous en ce sens qu'il nous a permis de comprendre les
causes de la délinquance, les actions de rééducation
à mettre en oeuvre et surtout l'importance de la postcure. Mais si son
oeuvre est consacrée à l'enfance délinquante, elle nous
intéresse dans la mesure où au Tchad la prise en charge des
enfants de la rue souffre à cause de manque d'internat de
rééducation au sens vrai du mot. L'internat de
rééducation reçoit des enfants caractériels et des
enfants délinquants.
Cependant, l'application de ces actions de
rééducation décrites dans son oeuvre doit tenir compte des
contextes. Notre étude se servira sans conteste de certains
éléments de son ouvrage.
Capul M.13(*), décrit et fait l'analyse des pratiques
rééducatives à partir d'expériences de terrain. Il
apporte une connaissance de base sur le fonctionnement et les enjeux des
différents groupes éducatifs et met en relief les fonctions de
l'internat, la psychopathologie de l'enfant en difficulté, les avantages
et les inconvénients de la vie en groupe.
Au sujet des groupes rééducatifs, l'auteur juge
utile et fécond la psychopédagogie de groupe mais il la veut
ouverte : celle qui ne sacrifie pas l'individu au groupe ni le groupe aux
individus, grâce aux échanges humains qui permettent une
perpétuelle ouverture
Abordant les fonctions de l'internat, Capul, estime
qu'à l'heure actuelle, l'internat n'apparaît ni comme une
panacée universelle ni forcément nocif en soit. S'il est bien
équipé, son intérêt dépend d'indications
correctement posées, elle -même fonction d'une évaluation
précise des ressources de l'enfant et de la famille. Il joue un
rôle affectif, social et culturel. Il remplit aussi une fonction
pédagogique et thérapeutique. L'institution et son personnel
représentent la société, sa loi et ses normes.
Pour l'auteur, la réussite de l'action éducative
dépend de l'institution et de son organisation qui doit prendre en
compte la dimension individuelle de l'enfant, son milieu d'origine et le groupe
éducatif dans lequel il évolue.
Il souligne la nécessité pour l'éducateur
de travailler avec la famille des enfants dans le cadre de la
rééducation, car pour certains enfants et selon les
théoriciens de la thérapie familiale tel que Maurice
porot14(*) »
c'est la famille qui est malade et nécessite des soins et non
l'enfant ».
Les échecs constatés dans l'action
éducative proviennent souvent d'un conflit entre les buts visé
par les intervenants et les moyens utilisés pour atteindre ces buts,
d'une opposition des enfants à qui le séjour en institution est
imposé, du caractère artificiel de la vie en institution, et de
la déficience d'un personnel insuffisamment qualifié. L'auteur ne
se prononce pas cependant sur le retour en famille.
L'auteur, nous a permis à travers son ouvrage de
comprendre que l'essentiel du travail éducatif en internat repose sur la
qualité du cadre institutionnel et ensuite de l'ouverture du centre sur
l'environnement, notamment, la famille.
I.6 CLARIFICATIONS
CONCEPTUELLES
Nous allons dans notre étude recourir à un
certain nombre de concepts.
Pour lever toute équivoque, nous trouvons
nécessaire de procéder à leur définition. Il s'agit
de :
- Enfant :
L'enfant est défini par la convention relative aux
droits de l'enfant comme tout être humain de moins de 18 ans sauf si la
loi nationale accorde la majorité plus tôt.
La tradition tchadienne à l'instar des autres
traditions africaines considère l'enfant comme un des biens les plus
précieux pour toute la famille. Il constitue une richesse, une force
sociale et économique pour le clan. Nos traditions ont toujours
été portées à la sauvegarde de l'enfant et à
sa protection. C'est ainsi que l'enfant bénéficie de la
protection de toute la communauté. Cependant, on observe à
l'heure actuelle que l'enfant qui a toujours été un trésor
est en train d'être abandonné à lui-même.
Sur le plan juridique, l'enfant ou le mineur est un être
humain qui a moins de 18 ans. La législation tchadienne prévoit
plusieurs formes de protection de l'enfant variant selon la tranche d'âge
et la nature des droits à affirmer et à protéger. Ces
différentes protections couvrent tout le champ de l'enfant depuis la
naissance jusqu'à l'âge de 18 ans.
Aux termes de l'article 53 du code pénal tchadien, les
individus âgés de 18 ans révolus sont
considérés comme majeurs au regard de la loi pénale. Selon
l'article 52 du code pénal, les mineurs de 13 à 18 ans pourraient
subir des peines d'emprisonnement lorsqu'une condamnation pénale
paraîtra nécessaire.
Le droit à l'éducation et à la formation
professionnelle est garanti par l'article 35 de la constitution. L'enseignement
public est laïc et gratuit et obligatoire à partir de 6 ans.
- Enfant de la
rue :
Il convient de souligner que la notion d'enfant de la rue
désigne un phénomène très
hétérogène : certains enfants vivent en permanence
dans les espaces publics ; d'autres y passent la journée pour y
travailler, mais rentrent dormir chez eux le soir ; d'autres font au
contraire des apparitions très irrégulières au domicile
familial. Certains enfants ont été chassés de chez eux,
d'autres se sont enfuis, souvent attirés par une bande qui vit
déjà dans la rue, certains sont accusés de sorcellerie,
d'autres encore ont subi des sévices etc.
Pour tenter de saisir ces différentes situations, les
acteurs de terrain emploient le plus souvent des sous-catégories :
ils parlent ainsi d'enfants de la rue, d'enfants dans la rue, voire parfois
même d'enfants à la rue Cette terminologie est relativement
récente, puisqu'elle a été systématisée dans
les années 1980. C'est ainsi que, pour l'Afrique, les participants au
forum de GRAND-BASSAM15(*)
(en mai 1985) décidèrent de rompre avec des termes
comme « prédélinquants », pour
adopter les notions plus neutres d' « enfants de la
rue » (en permanence) et d' « enfant dans la rue (le jour
seulement)
- Enfants dans la
rue :
A la différence des enfants de la rue, les
enfants dans la rue ne sont pas en rupture avec leur cellule familiale et ils
gardent le plus souvent un contact régulier avec leurs parents. Ils
passent cependant la plus grande partie de leur temps dans la rue pour y
travailler, jour et nuit s'il le faut. Ils tentent ainsi de subvenir aux
besoins de leur famille, dont ils sont parfois l'unique soutien financier.
REMARQUE : Entre ces deux grandes
catégories, on peut ranger les enfants en situation
transitoire : certains ne font plus que des apparitions
irrégulières au domicile familial ; d'autres sont en
situation de fugue plus ou moins longue. Certains acteurs les rangent sous une
troisième étiquette, celle des Enfants à la rue.
Les limites entre ces trois catégories, enfants de la
rue, enfants dans la rue et enfants à la rue ne sont pas toujours
claires, mais il est important d'essayer de les distinguer, surtout dans la
perspective et la logique de notre recherche orientée vers la
réinsertion familiale.
- La réinsertion familiale :
Nous entendons par réinsertion familiale le retour
de l'enfant dans son milieu familial. Au-delà de la présence
physique de l'enfant, la réinsertion devrait se traduire par le
rétablissement de la relation affective. La finalité du retour en
famille est pour l'enfant de la rue la réintégration dans la
famille.
La réinsertion est un processus consistant à
remettre dans un groupe donné une personne qui se serait
écarté des règles, des normes et des valeurs
préétablies par ce groupe en lui faisant bénéficier
des mesures (soins, soutiens de diverses natures, accompagnement etc.)
Dans le contexte de notre étude, la réinsertion
familiale renvoie à l'ensemble des actes professionnels conduits par des
professionnels en vue de permettre à des enfants de la rue, l'abandon de
la vie de la rue, la construction d'une image positive de soi,
l'intégration dans la vie familiale et sociale et enfin l'adoption et le
respect des valeurs et normes.
La famille quant à elle selon Maurice
Porot : « est l'ensemble des personnes d'un même
sang, vivant sous le même toit et plus particulièrement le
père, la mère et les enfants .Il y a un donc deux critères
précis du lien familial : même sang et toit
commun. ». Mais la famille peut être aussi composée de
« père » et « mère » avec
des enfants adoptés.
La famille est composée du couple, des enfants, des
collatéraux et des autres membres.
De nos jours la famille se referme de plus en plus sur un
noyau composé du couple et de ses enfants.
Ces dernières années, on assiste à
l'émergence de familles monoparentales, des familles recomposées,
où pour une raison ou pour une autre le père et la mère ne
vivent pas ensemble.
CHAPITRE II :
CADRE METHODOLOGIQUE DE L'ETUDE
II.1 L'UNIVERS DE LE
RECHERCHE
II.1.1Présentation de la zone
d'étude
Couvrir les grandes villes du pays pour une telle étude
aurait permis d'avoir plus d'informations pour enrichir le contenu de cette
recherche Cependant pour des raisons de limites de temps et de moyens
financiers, nous avons choisi de mener nos investigations dans la ville de
N'djamena qui passe pour être la plus touchée par le
phénomène des enfants vivant dans la rue.
II.1.2
Présentation de la ville de N'djamena
Sur le plan
démographique :
Fondée le 29 mai 1900 par Emile gentil au confluent des
fleuves Logone et Chari sur l'emplacement d'anciens villages de
pêcheurs Kotoko, la ville s'appelait Fort Lamy en souvenir du commandant
François Amédée Lamy décédé à
la bataille de Kousseri quelques jours plus tôt. Elevé au rang de
commune en 1919, la ville a assuré un rôle stratégique de
première importance pendant la seconde guerre mondiale en devenant un
lieu de recrutement, de regroupement et de formation des forces
françaises.
Le 06 novembre 1973, le Président François
Tombalbaye 1er président de la République du Tchad, la
renomma N'djamena, du nom d'un village arabe voisin (Am N'djamena,
c'est-à-dire : le lieu ou l'on se repose).
La ville a subi de lourdes destructions en 1979 et surtout en
1980 au moment de la guerre civile. N'djamena s'est fortement repeuplée
depuis et abrite une population d'environ 1 777 284
habitants16(*) .
Comptant 126000 habitants au lendemain de
l'indépendance, la ville de N'djamena s'est considérablement
développée. A partir de 1980, en raison de l'exode rural
croissant, la ville connaît une extension géographique à
l'Est et au Nord-est (quartiers de Chagoua, Diguel, Dembé, Ndjari) sur
des terrains situés en des zones inondables où n'existe
actuellement aucun réseau de drainage des eaux pluviales. Chaque
année au moment de la saison de pluies, cette partie de la ville qui
s'étend sur plus de 300 000 hectares et où sont
recensés plus de 300 000 habitants doit faire face à
l'inondation aux conséquences dramatiques (coupure des voies de
communication, effondrement des bâtiments, épidémies de
tout genre etc.).
N'djamena dispose dans le cadre de l'ordonnance n° 23 du
22 septembre1975, d'un statut particulier qui la dote de 5 puis 8
arrondissements.
Les infrastructures existantes ne sont pas suffisantes
(voirie, alimentation en eau potable, drainage des ordures
ménagères, électricité, etc.)
Depuis 2005, N'djamena est divisée en dix (10)
arrondissements regroupant cinquante deux (52) quartiers dont vingt six (26)
officiellement reconnus. Ces quartiers eux-mêmes subdivisés en
sept cent six (706) carrés qui sont les plus petites entités
administratives de la ville. La plupart des familles pauvres et leurs enfants
se retrouvent dans une moitié de la ville (26 autres quartiers non
reconnus) où il n'existe pas de services sociaux de base (eau potable,
électricité, drainage des ordures ménagères,
écoles publiques, centres sociaux, centres culturels, dispensaire
etc.)
Sur le plan Social :
La ville de N'djamena compte un important nombre
d'écoles primaires dont la majorité est privée, huit (08)
jardins d'enfants publics, seize (16) lycées et des collèges
d'enseignements généraux publics et privés, deux
universités, huit (08) écoles supérieures, cinq (05)
hôpitaux, des services de santé (dispensaires, cliniques) publics
et privés. Huit (08) Centres sociaux.
La mairie de N'djamena a un service social autrefois
dénommé brigade des moeurs de protection de l'enfance. Ce service
comprend 24 agents sociaux affectés par le Ministère de l'Action
Sociale et de la Famille, présente sur l'ensemble du territoire urbain
(un Assistant Social dans chaque arrondissement). Sous la houlette de sa
responsable, le service a défini plusieurs priorités d'actions
à l'attention des populations les plus défavorisées
(filles mères, enfants abandonnés)
II.2 LA POPULATION A
L'ETUDE
La population à l'étude concerne les enfants
vivant dans la rue et ceux bénéficiant des prestations des
structures d'internat de l'Association Tchadienne des Amis des Drogués
à N'djamena et à RAF une bourgade située à 45km.
Pour les enfants vivant dans la rue, nous avons pu obtenir une
liste de dix (10) enfants en nous rendant directement dans leur
« nid » aux abords du grand marché central. Ils
étaient par petits groupes et nous avons pu dénombrer vingt (20).
Pour ceux bénéficiant de la prise en charge de
l'ATAD, nous avons également pu obtenir une liste de trente sept (37)
enfants. Ces nombres ont été extraits des cahiers
d'enregistrement des enfants. Ces cahiers ne contenaient que les données
de l'année 2006, 2007 et une partie de 2008.
Au total cinquante sept (57) enfants de la rue forment la
population de notre étude.
Nous avons également interrogé vingt
associations oeuvrant en faveur des enfants pour identifier le profil des
professionnels intervenant au sein desdites associations.
L'Association Tchadienne « Les Amis des
Drogués » est une association humanitaire à but non
lucratif et apolitique.
Son objectif est de récupérer les enfants
vivant dans la rue qui se droguent, les rééduquer et les
réinsérer dans les familles ou dans la vie active.
Pour ce faire, les activités menées par cette
association sont la scolarisation, l'alphabétisation, l'apprentissage
des métiers, la sensibilisation etc.
L'ATAD est dirigée par un ancien gendarme à la
retraite. Il en est le président depuis la date de sa création en
1992.
Les membres adhérents au nombre de soixante cinq ( 65)
: on y trouve des médecins, des enseignants, des assistants sociaux, des
sociologues des psychologues, des juristes etc. Parmi ces adhérents dont
on nous a présenté la liste, 5 sont décédés,
5 sont exclus, 9 non à jour de leur participation financière, 12
non résidents. Autrement dit, l'ATAD ne compte que 34 membres actifs
Cependant, le personnel d'encadrement des enfants est sans
qualification. Tous les encadreurs des enfants sont formés sur le tas.
Au centre de Raf par exemple, il se trouve que l'éducateur encadreur est
un ancien enfant de la rue qui dirige 23 enfants sans aucune formation de
base.
Les moyens d'action
Moyens humains
L'ATAD dispose d'un personnel d'encadrement des enfants
à N'djamena et à RAF composé :
- 04 animateurs
- 02 maîtres communautaires
- 02 cuisinières
- 01chauffeur
- 02 gardiens
Moyens matériels
L'ATAD dispose :
- deux locaux, l'un au centre de la ville et l'autre à
RAF(une bourgade) à 45km
- d'une voiture de seconde main toute
délabrée
- d'un ordinateur
- d'une ligne téléphonique
- d'un matériel de cuisine
- d'un matériel et fourniture de bureau
- d'un matériel d'animation
- d'un matériel d'alphabétisation.
- d'une machine à écrire mécanique
- de trois bâtiments
- de deux hangars
- d'un château d'eau solaire
- de deux douches
- de 4 ha à RAF. en cours de construction d'une
infirmerie.
Les partenaires financiers et
techniques
Ils sont composés comme suit :
Partenaires financiers
- L'association Italienne IL FOCOLARE principal bailleur avec
un soutien permanent,
- L'UNICEF (soutien financier et matériel ponctuel)
- Médecins du monde (soins infirmiers des enfants)
Partenaires techniques.
- L'Ecole Nationale de Santé Publique et de Service
Social (ENASS) qui met des stagiaires à disposition de l'ATAD
- La Direction de la protection et du suivi judiciaire du
Ministère de la justice pour le traitement des dossiers des enfants
poursuivis,
- La Direction de l'Enfance du Ministère de l'Action
Sociale et de la Famille pour l'organisation des formations des encadreurs,
- Le Centre Technique d'Apprentissage Professionnel (CTAP)
pour le placement en formation des enfants.
II.3 STRATEGIE DE LA
RECHERCHE
II.3.1 DESCRIPTION DE L'
ECHANTILLON
En ce qui concerne les responsables de la structure de prise
en charge des enfants de la rue, nous avons pu interroger tout le monde compte
tenu de leur nombre réduit vingt (20)
Au niveau des travailleurs sociaux de la Direction de
l'Enfance, nous avons seulement pu interrogé que cinq (5) sur vingt (20)
de prévu initialement ainsi que cinq (5) parents. Du côté
des partenaires financiers aucun n'a été interviewé
à cause de leurs emplois de temps chargés.
Quant aux enfants de la rue, nous avons pu administrer le
questionnaire qu'à 10 enfants. Pour les enfants pris en charge dans les
structures (internat de RAF et AEMO de Ndjaména), nous avons
également pu interroger dix (10) enfants. Au total vingt (20) enfants
ont constitué l'échantillon.
Initialement, nous avons prévu soumettre nos
questionnaires aux enfants de rue pris en charge dans le centre public (centre
espoir de Koundoul pour l'enfance) mais arrivé sur le terrain, il s'est
avéré que le centre espoir de Koundoul n'est plus fonctionnel
depuis plus 6 mois, (raison évoquée, le centre est en plein
restructuration).
Le choix des enfants de la rue composant l'échantillon
a été fait de la façon suivante: à partir d'une
liste de chaque groupe d'enfants (enfants vivant dans la rue, ceux
bénéficiant des prestations de l'ATAD), un numéro a
été affecté à chaque nom et un tirage au hasard
fait à partir de ces numéros.
Avec les numéros choisis, nous nous sommes
référés à la liste des groupes pour retenir les
noms composant l'échantillon.
II.3.2
Représentativité de l'échantillon
Nous pouvons dire que l'échantillon est
représentative en ce sens qu'il recouvre la population
bénéficiant des prestations de l'ATAD (AEMO de Ndjaména et
L'Internat de RAF) et les résultats de son action à savoir les
retournés en famille.
L'échantillon réunit 80% des enfants vivant dans
la rue depuis au moins 1 an soit huit (8) enfants sur dix (10).
L'ensemble de l'échantillon (20 enfants) par rapport
à la population à l'étude est de 30%. Nous aurions voulu
prendre un plus grand nombre, mais nous avons mené notre étude
pendant la période de l'état d'urgence qui a
précédé l'attaque rebelle sur la ville de N'djamena et la
dispersion de la population, leur mobilité, le manque de temps et de
moyens financiers pour les contacter nous en ont empêchés.
II.4 Instruments
et techniques de collecte de données
Afin de rassembler le maximum d'informations pour la
compréhension de notre problématique d'étude, plusieurs
outils et techniques ont été utilisés :
II.4.1 Recherche documentaire
Pour mener à bien notre travail, une recherche
documentaire a été faite auprès de certaines
bibliothèques de Ouagadougou et de N'djamena. Il s'agit notamment de la
bibliothèque de l'institut de formation en travail social de
Ouagadougou, de la bibliothèque du rectorat de N'djamena, de la
bibliothèque de l'UNESCO à N'djamena de celle du CEFOD à
N'djamena et le Campus Numérique de la Francophonie à
N'djamena.
Elle a porté sur la littérature ayant trait au
phénomène des enfants de la rue et surtout de la question de la
réinsertion familiale de ces derniers. D'une part cette phase a
constitué une étape importante pour notre travail en ce sens
qu'elle nous a permis de recueillir des informations pertinentes à une
meilleure compréhension de notre thème de recherche, à le
circonscrire et à définir notre problématique. D'autre
part, elle nous a permis d'obtenir des données permettant de
vérifier les hypothèses. Il s'agit des rapports de
fonctionnement, rapports bilan de prise en charge des structures des enfants de
la rue de l'ATAD et du centre espoir de Koundoul pour l'enfance.
II.4.2 Le pré
test :
Le questionnaire a été pré testé
auprès de cinq (5) enfants de la rue de la façon
suivante :
-2 enfants de rue bénéficiant des prestations de
L'ATAD
-2 enfants vivant dans la rue ne bénéficiant pas
des prestations d'une structure de prise en charge
- 1 enfant retourné en famille qui a
bénéficié des prestations de l'ATAD.
Le choix de ces enfants a été fait de
façon accidentelle et il a eu lieu une semaine avant l'enquête.
Après le pré-test, nous avons corrigé le
questionnaire soit en le reformulant soit en supprimant certaines questions et
aussi en ajoutant d'autres.
II.4.3
L'enquête
L'enquête proprement dite s'est déroulée
du 1er au 31 mars 2008.
Elle a consisté à administrer le questionnaire
à vingt (20) enfants de la rue dont dix (10) pris en charge par les
structures de l'ATAD et dix (10) autres vivant dans la rue, et le guide
d'entretien aux travailleurs sociaux, aux parents des enfants de la rue et aux
partenaires financiers des associations oeuvrant en faveur des enfants de la
rue.
Deux éducateurs nous ont appuyé dans ce travail.
Il s'agit d'un éducateur formé sur le tas par l'ATAD et d'un
assistant social travaillant au service social communal de la ville de
N'djaména.
II.4.4 L'observation
L'administration du guide d'entretien aux responsables de
structures de prise en charge des enfants, aux travailleurs sociaux et
partenaires financiers et le questionnaire d'enquête adressé aux
enfants de la rue a été complété par une
observation directe. Elle a été utilisée pour se faire
une idée exacte des réalités du terrain.
II.4.5 Les questionnaires
L'affirmation ou la confirmation des hypothèses s'est
fait également par questionnaire d'enquête adressé aux
enfants vivant dans la rue et aux enfants pris en charge dans les structures de
l'ATAD.
Ces questionnaires visent à recueillir des informations
quant à l'impact de l'action éducative sur les enfants d'une part
et leur situation de réinsertion familiale d'autre part.
L'étude de l'impact a porté essentiellement sur
les progrès des enfants en terme de changement de comportement
(stabilité, rapport avec les parents etc.). Cette enquête s'est
déroulée à N'djamena.
Chaque questionnaire comprend des questions fermées et
des questions ouvertes permettant à
« l'enquêté » de cocher dans la case
correspondante à sa réponse ou de développer librement ses
points de vue et ses suggestions.
Compte tenu du niveau des enfants en français, nous
avons traduit les questions en Sara et en « Arabe local »,
(deux langues couramment parlées par les enfants de la rue); puis cocher
ou écrire les réponses.
II.4.6 Les
guides d'entretien
Afin de confirmer ou d'infirmer nos hypothèses de
recherche et de répondre aux questions posées, nous avons
administré des guides d'entretien aux responsables des structures de
prise en charge des enfants de la rue, aux travailleurs sociaux de la direction
de l'enfance du ministère de l'action sociale et de la famille, aux
parents des enfants vivant dans la rue et aux partenaires financiers
impliqués dans la réinsertion familiale des enfants de la rue.
Les entretiens ont été de type semi
structuré. Cette technique permet de recueillir des informations riches
qui sont susceptibles d'être qualifiées. Le choix de ce type
d'entretien s'explique par la souplesse qui caractérise cette
technique.
L'entretien vise pour les responsables des structures de prise
en charge à collecter les informations sur leur carrière, et sur
le fonctionnement de la structure dont ils ont la charge. Pour les travailleurs
sociaux, il vise à connaître leur perception sur la
réinsertion familiale des enfants de la rue. Pour les parents,
comprendre les difficultés liées au départ des enfants
dans la rue et leur retour en famille.
II .5 Le dépouillement et traitement des
données
Après avoir administré les instruments de
recueil des données, nous sommes passés à leur traitement,
c'est-à-dire leur dépouillement par question. Le
dépouillement et le traitement des données se sont faits de
façon manuelle.
Ils ont consisté à vérifier si les
questionnaires ont été bien remplis et à faire les
catégorisations. Ensuite les données ont été
analysées et interprétées en leur donnant un sens.
II.6 DIFFICULTES
Au titre des difficultés nous retenons celle
financière, l'insuffisance du temps et surtout le contact et la
communication très difficile avec notre Directeur de mémoire qui
se trouvait loin de notre terrain de l'étude. Nous pouvons
également ajouter à cette liste le climat de guerre et
d'insécurité qui a prévalu tout au long de notre
enquête. En effet, la prise de contact avec des enfants de la rue
concernés par notre enquête, a été laborieuse. La
nature de ces derniers éprouvés psychologiquement et
caractérisés par la méfiance envers les adultes, leur
instabilité et leur extrême mobilité d'une zone
« nid » à une autre est à souligner.
Il y a également le coût
élevé en argent et en temps pour aller de Ouagadougou à
N'djamena et mener cette enquête.
Enfin, nous pouvons souligner le manque de capitalisation de
données d'enfants retournés en famille depuis l'ouverture de
l'ATAD en 1993, et le manque d'enfants dans le centre Public, le Centre Espoir
de Koundoul pour l'Enfance. Ce qui nous a contraint à nous rabattre sur
l'ATAD et à constituer notre échantillon à partir des
enfants encadrés de 2006 à 2007 et une partie de l'an 2008.
CHAPITRE 3 :
PRESENTATION, ANALYSE, INTERPRETATION
DES RESULTATS
3.1 Présentation et analyse des résultats
Elle s'est faite en étudiant les
caractéristiques socio -démographiques et socio -professionnelles
particulières de chaque groupe d'enfants à savoir ceux
bénéficiant des prestations de l'Association Tchadienne les Amis
des Drogués et ceux vivant dans la rue.
3.1.1 Caractéristiques socio - démographiques
des « enquêtés »
Les « enquêtés » sont
identifiés selon les indicateurs suivants :
- Âge
- Sexe
- Lieu d'habitation
- Ville d'origine
- Situation matrimoniale des parents
3.1.1.1 Age des
« enquêtés »
Tableau n°4 :
Répartition des « enquêtés » selon
l'âge
AGE
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
6 à 9 ans
|
3
|
15%
|
10 à 12 ans
|
4
|
20%
|
13 à 16 ans
|
9
|
45%
|
17 à 21 ans
|
4
|
20%
|
TOTAL
|
20
|
100%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Ce tableau montre que les
« enquêtés » qui ont l'âge compris entre
dix (10) et seize (16) ans sont au nombre de treize (13) soit 65% des
« enquêtés ». Cette tranche d'âge
correspond généralement à l'adolescence qui se
caractérise fondamentalement par une crise qui apparaît de plus en
plus tôt (dès 10-12 ans). Cette période est marquée
par de profonds bouleversements physiques et psychologiques et se manifeste par
une révolte et une opposition parfois violentes aux modèles
parentaux, scolaires, institutionnels.
En effet, l'entrée dans l'adolescence perturbe les
relations familiales : la communication entre parents et enfants
deviennent alors difficile. Si difficile que pour certains jeunes, la seule
solution devient la fuite car pour eux, c'est le seul moyen d'expression
possible. La tranche d'âge de 13 à 21 ans constitue 65% de
l'échantillon, vu leur âge, ce résultat prouve la longue
durée de vie de la plupart des enfants dans la rue.
L'insatisfaction de leurs besoins de survie pourrait expliquer
leur présence dans la rue et dans les locaux de l'ATAD. Par contre, les
enfants dont l'âge se situe entre six (6) et douze (12) ans sont au
nombre de sept (7).
Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que
les enfants de la rue refusent de dire la vérité et ne donnent
pas souvent leur vrai âge et leur vraie identité ; par
exemple Mahamat B que nous avons interrogé au grand marché
central de N'djamena mesure environ 1,50m. Il avait l'air d'un garçonnet
de douze (12) ans alors qu'en réalité il avait dix huit (18) ans
d'après le carnet de santé qu'il possédait et qui le
servait de pièce d'identité. Difficile donc de vérifier
l'âge de ces enfants qui sont généralement sans aucune
pièce d'identité.
Les conditions de vie très difficiles que mènent
ces enfants dans la rue invitent à une rapide action pour les inciter
à retourner en famille.
3.1.1.2 Sexe des
« enquêtés »
Tableau n° 5 :
Répartition des « enquêtés » selon leur
sexe
SEXE
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Féminin
|
0
|
0%
|
Masculin
|
20
|
100%
|
Total
|
20
|
100%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Ce tableau montre que tous les
« enquêtés » sont uniquement de sexe masculin.
Cela prouve que le « phénomène enfant de la
rue » touche beaucoup plus les garçons que les filles. Toute
fois, la rareté des filles ne voudrait pas dire qu'il n y a pas de
filles parmi les enfants de la rue. IL est seulement très rare de voir
les filles dormir dans la rue comme les garçons. Elles peuvent
être hébergées ou entretenues par des hommes ou par
certaines familles comme « bonne ». Nous pourrions les
mettre dans la catégorie des « enfants dans la rue »
car leur vie dans la rue est assimilable à la prostitution pour
certaines.
3.1.1.3 Lieu d'habitation des
« enquêtés »
Tableau n° 6 :
Répartition des « enquêtés » selon leur
lieu
d'habitation
LIEU D'HABITATION
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Structure de prise en charge (ATAD)
|
3
|
15%
|
La rue
|
17
|
85%
|
TOTAL
|
20
|
100%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Le tableau ci-dessus nous montre que 85% de la totalité
des « enquêtés » vivent dans la rue ou ont
vécu dans la rue avant d'être recueillis par l'ATAD soit dix (17)
enfants sur vingt (20). Cette situation peut avoir son explication dans la
précarité que vivent les familles mais surtout pour le fait que
beaucoup ont été confiés à des tuteurs et ne vivent
pas dans leurs propres familles. Le départ dans la rue est alors plus
facile pour ces enfants qui échappent à l'autorité
parentale. « La plupart des enfants, c'est-à-dire,
surtout ceux qui ont choisi d'y être, la liberté et
l'indépendance de la rue offrent des dimensions nouvelles, une occasion
de découvrir d'autres gens, d'autres idées, d'autres formes de
vie sociale que celle de la maison : la rue crée son propre
système de valeurs de bonté et de la justice se transforment en
astuce et ruse. La rue met tout le monde sur le même pied
d'égalité et efface le passé. Lorsque l'avenir est
lointain, seul le présent compte17(*) ».
3.1.1.4 Ville d'origine des
« enquêtés »
Tableau n°7 :
Répartition des « enquêtés » selon leur
ville d'origine
VILLE D'ORIGINE
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Abéché
|
3
|
15%
|
Ati
|
2
|
10%
|
Bongor
|
2
|
10%
|
Bol
|
1
|
5%
|
Doba
|
2
|
10%
|
Koumra
|
1
|
5%
|
Lai
|
1
|
5%
|
Mongo
|
1
|
5%
|
Moundou
|
1
|
5%
|
Ndjamena
|
3
|
15%
|
Sarh
|
3
|
15%
|
TOTAL
|
20
|
100%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Selon ce tableau ci-dessus, plusieurs villes sont
concernées par le phénomène des « enfants de la
rue ». N'djamena étant la capitale de la république du
Tchad, il se trouve qu'elle est le pôle d'attraction de toutes les
couches de la société tchadienne. Les uns poussés par
l'aventure, viennent tenter leur chance à la recherche de l'emploi, les
autres, des fonctionnaires ou employés des organisations
privées.
Ce tableau montre que le phénomène trouve ses
origines plus en milieu urbain qu'en milieu rural et nous pouvons dire qu'il
touche l'ensemble du pays ; ce qui nous amène à donner les
raisons de la présence de ces enfants dans la ville de N'djamena.
3.1.1.5 Situation matrimoniale des parents des
« enquêtés »
Tableau
n°8 : Répartition des
« enquêtés » selon la situation
matrimoniale des
parents
SITUATION MATRIMONIALE DES PARENTS
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Parents unis
|
10
|
50%
|
Parents séparés/ divorcés
|
6
|
30%
|
Parents décédés
|
4
|
20%
|
TOTAL
|
20
|
100%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Nous constatons à la lecture de ce tableau que 10
enfants (50%) ont leurs deux parents vivants ou l'un vivant dans le domicile
conjugal, soit c'est une famille monoparentale, soit c'est une famille polygame
mais unie. 6 enfants soit 30% ont leurs parents séparés ou
divorcés, 4 enfants soit 20% ont leurs parents
décédés ou l'un d'eux décédé (e). A
la lecture de ce tableau , on peut considérer mis à part les
enfants ayant des parents vivant ensembles (50%) que les 10 autres sont dans
des situations qui nécessitent une prise en charge rapide compte tenu de
certaines défaillances sociales au niveau des familles. Par ailleurs,
les difficultés vécues par les enfants dont les parents vivent
ensemble pourraient expliquer leur présence dans la rue : il
pourrait s'agir de l'effet pervers de la polygamie tels que les mauvais
traitements, les stigmatisations, les discriminations...La
déstructuration de la cellule se révèle être l'un
des principaux moteurs du processus de production d'enfants de la rue.
Cependant, la seule défaillance de la famille ne peut suffire pour
à saisir la complexité des facteurs qui ont conduit l'enfant dans
la rue, tout comme le seul critère économique ne suffit pas
à expliquer le phénomène. Cette situation peut signifier
également un manque de rigueur dans l'éducation des enfants ou de
leur mauvaise prise en charge dans la famille ou aussi de la
personnalité propre de l'enfant lui-même.
3.1.2 Caractéristiques socio - professionnelles
Les « enquêtés » sont
repartis selon les indicateurs suivants :
- Niveau scolaire
- Raison de présence à N'djamena
- Raison de présence dans la rue
- Situation des enquêtés suivant leur projet
d'avenir
3.1.2.1 Niveau de scolarisation des
« enquêtés »
Tableau
n°9 : Répartition des
« enquêtés » selon le niveau de
scolarisation
NIVEAU D'INSTRUCTION
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Sans instruction
|
1
|
5%
|
Ecole coranique
|
5
|
25%
|
Ecole primaire
|
14
|
70%
|
Ecole secondaire
|
0
|
0%
|
TOTAL
|
20
|
100%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Le tableau ci-dessus laisse apparaître que quatorze (14)
enfants soit 70% des enquêtés ont fréquenté
l'école primaire. Ce pourcentage comparé à celui de la
tranche d'âge entre treize (13) et vingt un (21) ans laisse comprendre
que ces enfants ont été mis tôt à l'école
mais ont dû décrocher pour se retrouver dans la rue. Cette
situation pourrait s'expliquer par le fait que la plupart d'entre eux ont
été confiés à des tuteurs.
Cinq (05) enfants à l'école coranique soit 25%
de l'échantillon laisse apparaître que le phénomène
« enfants de la rue » touche également les enfants
confiés à des maîtres coraniques. La présence de ces
enfants dans la rue s'expliquerait par les dures conditions d'éducation
infligées à ces enfants.
Un (1) seul enfant soit 5% de l'échantillon sans
instruction, cela s'expliquerait du fait que les familles d'accueil des enfants
confiés, n'offrent pas à ces derniers l'opportunité
d'aller à l'école. La plupart deviennent des gardiens de domicile
pendant que le père, la mère sont au boulot et leurs propres
enfants à l'école. Mais cette situation pourrait également
avoir son explication dans la reproduction des enfants de la rue( la rue
elle-même produit ses propres enfants). Un enfant qui est né de
l'union entre les enfants qui vivent dans comment pourra t - il aller à
l'école ?
3.1.2.2 Raison de la présence des
« enquêtés » à N'djamena
Tableau
n°10 : Répartition des
« enquêtés » selon les raisons de
leur présence à
N'djamena
RAISON DE LA PRESENCE
A N'DJAMENA
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Ecole coranique
|
5
|
25%
|
Venu rester chez un parent ou tuteur
|
10
|
50%
|
Né à N'djamena
|
5
|
25%
|
TOTAL
|
20
|
100°/°
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Le tableau ci-dessus montre que dix (10) enfants soit 50% des
enfants venus rester chez un parent proche ou un tuteur à N'djamena,
s'est retrouvé dans la rue. Cette situation pourrait avoir son
explication dans les mauvais traitements (violences corporelles et verbales,
manque de nourritures etc.). Ces mêmes explications peuvent être
évoquées pour les cinq (05) enfants de l'école coranique.
Quant aux cinq (05) enfants nés à N'djamena, leur situation
pourrait s'expliquer par l'absence d'une autorité parentale positive et
la démission des pères souvent mariés à plusieurs
femmes et confrontés à l'éducation de plusieurs enfants.
Il faut remarquer que le Tchad reconnaît la loi coutumière, En
effet, cette loi permet aux hommes de se marier à plusieurs femmes.
Dans ces conditions un chef de famille polygame marié à environ
quatre (4) femmes n'arrive pas à contrôler tous ses enfants
surtout quand toute la famille ne vit pas sous un même toit.
3.1.2.3 Situation des
« enquêtés » suivant leur projet pour
l'avenir
Tableau
n°11 : Répartition des
« enquêtés » selon leur projet pour
l'avenir
PROJET POUR L'AVENIR
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Retour en famille
|
13
|
65%
|
Rester dans le centre pour bénéficier d'une
formation professionnelle
|
6
|
30%
|
Rester dans la rue
|
1
|
5%
|
TOTAL
|
20
|
100%
|
Source : Enquête de terrain mars
2008
Le tableau n°11 fait apparaître que treize (13)
enfants soit 65% de l'échantillon souhaitent retourner en famille, six
(06) enfants soit 30% optent pour rester dans un centre pour enfants et ainsi
bénéficier d'une formation professionnelle ou aller à
l'école ; un (01) enfant soit 5% de l'échantillon souhaite
rester dans la rue car il n'a pas de famille et ne sait ou retourner.
Le tableau n°11 nous fait dire que la majorité des
enfants qui vivent dans la rue ont un réel désir de retourner en
famille mais ne savent pas comment renouer le « fil »
qu'ils ont rompu.
Ce tableau nous montre que la plupart des enfants de la rue
aspirent à retrouver une vie conforme au modèle qu'ils ont de la
société : aller à l'école, apprendre un
métier, fonder une famille et s'occuper de leurs enfants mieux qu'on ne
l'a fait pour eux.
3.1.2.4 Durée de la présence des
« enquêtés » dans la rue de
N'djamena
Tableau
n°12 : Répartition des
« enquêtés » suivant la durée de leur
séjour dans la rue de
N'djamena
DUREE DE SEJOUR DANS LA RUE
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
6 mois
|
1
|
5%
|
1 an
|
1
|
5%
|
2 ans
|
4
|
20%
|
3 ans
|
7
|
35%
|
4 ans
|
5
|
25%
|
5 ans
|
0
|
0%
|
6 ans et Plus
|
2
|
10%
|
Total
|
20
|
100%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Le tableau n° 12 nous montre que dix huit (18) enfants
soit 90% de l'échantillon ont passé au moins 2 ans dans la rue.
Cela nous fait dire que la rue compte tenu des avantages
(liberté, argent) qu'elle offre aux enfants constitue un obstacle
à la réinsertion familiale. Hamid A
déclare « je ne veux pas retourner en famille, au
marché je gagne beaucoup d'argent en transportant des oignons des
commerçantes ». Les activités menées par les
enfants dans les rues leur procurent des revenus assez substantiels les mettant
souvent à l'abri des besoins tels que se nourrir et se vêtir.
3.1.2.5 Situation des « enquêtés
bénéficiant des prestations de
L'ATAD
Les enfants bénéficiant des prestations de
l'ATAD et concernés par notre étude sont au nombre de dix
(10).
Tableau
n°13 : Répartition des
« enquêtés » suivant la durée de
leur
prise en charge par
l'ATAD
DUREE DE PRISE EN CHARGE
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
6 mois
|
1
|
10%
|
1 an
|
0
|
0%
|
2 ans
|
3
|
30%
|
3 ans et plus
|
6
|
60%
|
TOTAL
|
10
|
100%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Les données ci-dessus montrent que les enfants dont la
prise en charge sont de trois (03) ans et plus sont au nombre de six (06) soit
60%. Ceux qui ont deux (02) ans de prise en charge sont au nombre de trois (3)
soit 30% ; un (01) enfant a une durée de prise en charge de six
(06) mois, c'est d'ailleurs le plus jeune huit (08) ans placé au centre
par décision judiciaire suite à un conflit concernant sont
adoption.
Il y a lieu de noter que sur les dix (10) enfants huit (08)
au moins ont mis trois (03) ans dans la rue avant d'être accueillis dans
les structures de l'ATAD.
Selon le président de l'Association, la durée de
prise en charge dans les structures de l'ATAD est de 26 à 36 mois. Une
durée qui à notre avis est très longue pour des enfants
qui ont déjà passé de longues années dans la rue
avant d'être pris en charge.
La longue durée de séjour à l'ATAD
pourrait aussi avoir son explication dans l'absence d'un programme clair de
réinsertion familiale et /ou socioprofessionnelle des enfants.
Le tableau n°13 montre donc les facteurs principaux de la
prise en charge prolongée à l'ATAD sont : l'absence de
programme clair de réinsertion familiale, absence de personnels
compétents. La séparation enfant/parent est une rupture dont
personne ne guérit. Les institutions de prise en charge sont incapables
d'individualiser les réponses des enfants qui leur sont confié,
chaque enfant est noyé dans une collectivité.
Tableau
n°14 : situation des enfants
réinsérés durant les 3
dernières
années par l'ATAD
ANNEE
|
EFFECTIF ACCUEILLI
|
EFFECTIF REINSERE EN FAMILLE
|
POURCENTAGE
|
2006
|
35
|
5
|
14,28%
|
2007
|
20
|
2
|
10%
|
Janvier/février2008
|
7
|
0
|
-
|
TOTAL
|
62
|
7
|
11,45%
|
Source : Enquête de terrain mars
2008
Le tableau ci-dessus montre que sur un effectif de trente cinq
(35) enfants accueillis en 2006 par l'ATAD, cinq (05) seulement ont
été réinsérés en famille au courant de la
même année soit quatorze (14), 28%. En 2007, vingt (20) enfants
ont été accueillis, deux (02) seulement sont
réinsérés en famille soit 10°/°. En janvier et
février 2008, à notre arrivée sur le terrain, sept (07)
enfants ont été accueillis et aucune réinsertion n'a
été faite.
Selon le président de l'ATAD, en moyenne l'Association
accueille neuf (09) enfants par mois. Ceux qui choisissent de rester au centre
y restent et ceux qui désirent repartir dans la rue sont libres de
repartir. La majorité des enfants qui fréquentent l'ATAD viennent
d'eux-mêmes poussés par la crainte d'être
« raflés » par la police, ou pour se faire soigner
gratuitement.
Tableau n°
15 : Degré d'intégration des enfants en
famille
DEGRE D'INTEGRATION
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Bonne
|
2
|
40%
|
Mauvaise
|
3
|
60%
|
TOTAL
|
5
|
100%
|
Source enquête de terrain mars 2008
Au regard de ce tableau on peut dire que tous les enfants ne
sont pas bien réinsérés dans leur famille. Trois (03)
enfants sur les cinq (05) réinsérés soit 60% ne sont pas
acceptés comme membres à part entière de la famille. Les
membres des familles se plaignent de leurs comportements déviants et
délinquants En outre, des efforts ne sont pas accomplis par les enfants
eux même sur le plan de la stabilité dans les comportements pour
mériter cette réinsertion.
Il s'agit de violence, de vols, de vagabondage et
d'inattention accordée aux conseils et remarques faits à leur
égard. Il convient de souligner que nous nous sommes entretenus avec les
membres des familles respectives de ces enfants qui se sont plaints des
récidives des uns et des progrès accomplis par les autres depuis
leur retour en famille.
Dans les années 1990 avec l'avènement de la
démocratie en Afrique, beaucoup d'associations de la vie civile ont vu
le jour au Tchad. A N'djamena une centaine d'associations oeuvrant en faveur
des enfants ont été autorisées de fonctionner par le
Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité
Nationale. Mais force est de constater que beaucoup ont eu juste le temps de
naître et après sont mortes d'elles - mêmes, faute de moyens
de fonctionnement car ne comptant que sur l'aide extérieure. Beaucoup
n'ont donc pas pu survivre longtemps car l'apport en terme de contribution
financière des membres adhérents est presque inexistant. Aussi,
beaucoup fonctionnaient comme des clubs d'amis avec le seul souci d'attirer
l'aide extérieure des bailleurs de fonds et se la partager.
Sur une soixantaine d'associations oeuvrant en faveur des
enfants que nous a présentées la Direction de l'Enfance du
Ministère de l'Action Sociale et de la Famille, nous avons retenu au
hasard vingt (20) qui ont fait objet de notre
« enquête ». L'objet de notre enquête visait
à identifier le profil du personnel intervenant au sein desdites
associations dans l'encadrement des enfants. Nous nous sommes
intéressés aux intervenants des associations qui accompagnent
les enfants au quotidien, mais aussi aux fondateurs ou aux membres de conseil
d'administration ou encore aux bureaux directeurs.
Notre « enquête »
révèle la situation suivante :
Associations
|
Présence de professionnels signalée au
sein du personnel d'encadrement
|
Effectif
|
LUTTE (Association de Lutte Contre la Torture et le Trafic des
Enfants
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
01
0
0
|
ARJR (Association pour la Réinsertion des Jeunes de la
Rue)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
Association Centre Yalna (Centre nos enfants)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
Village d'enfants SOS
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
01
01
0
0
01
|
Orphelinat Béthanie
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
01
0
0
0
|
ATAD (association tchadienne les amis des drogués
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
BETHESDA (Centre de Récupération et
d'encadrement des enfants de la rue)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
01
01
0
01
|
CEVIFA (Centre à la vie Familiale)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
02
0
0
0
|
AMH (association maison humanitaire)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
FEJET (Foyer Evangélique pour les Jeunes et Enfants
Démunis)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
CRSED (Centre de Réinsertion Sociale des Enfants
Délaissés du Village Ngonba
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
01
0
0
0
|
SCPEDT(Association service Chrétien pour le
développement
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
ANADET (Association National des Amis de l'Enfant au Tchad)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
RASTER (Réseau des Associations et Structures
Travaillant avec les enfants de la Rue)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
J Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
04
0
0
0
|
CNJP (Commission Nationale Justice et Paix)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
03
0
0
|
ALCAE (Association de Lutte Contre l'Abandon des Enfants)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
01
0
01
|
ARJR (Association pour la Réinsertion des Jeunes de la
rue
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
APERT (Association pour la Protection des Enfants de la Rue au
Tchad)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
01
0
01
0
0
|
AEFEDT (Association d'Entraide en Faveur des Enfants en
détresse au Tchad)
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
01
01
0
01
|
CAMOJET (Collectif des Associations et Mouvements des jeunes
du Tchad
|
Educateurs Spécialisés
Assistants Sociaux
Juristes
Psychologues
Sociologues
|
0
0
0
0
0
|
Tableau
n°16 : Proportion des professionnels encadreurs
dans les
structures d'encadrements
privés des enfants à N'djamena
PROFIL DES INTERVENANTS
|
EFFECTIF
|
POURCENTAGE
|
Educateurs Spécialisés
|
2
|
0,1%
|
Assistants sociaux
|
10
|
0,5%
|
Sociologues
|
3
|
0,15%
|
Psychologues
|
0
|
0%
|
Juristes
|
8
|
0,4%
|
TOTAL
|
23
|
1,15%
|
Source : enquête de terrain mars
2008
Le tableau n° 16 révèle qu'il manque
énormément de professionnels dans les structures d'encadrement
des enfants au Tchad et plus particulièrement dans celles prenant en
charge les enfants de la rue. Sur les vingt (20) associations qui ont fait
l'objet de notre étude, on constate la présence de seulement deux
éducateurs spécialisés sur le terrain, 10 assistants
sociaux, trois (3) sociologues et de huit (08) juristes.
Le pourcentage des éducateurs spécialisés
par rapport à l'effectif des associations enquêtées est de
0,1% Cette absence notoire d'éducateurs spécialisés
s'expliquerait par le fait que très peu de jeunes s'intéressent
au domaine de l'éducation spécialisée.. Il en est de
même pour le profil des sociologues qui recherchent des carrières
plus prometteuses dans d'autres ministères tel que celui de
l'agriculture qu'auprès des enfants de la rue.
L'absence des psychologues dans les structures de prise en
charge des enfants pourrait avoir son explication dans le choix de
carrière comme celui des sociologues. Si les sociologues
préfèrent les Ministères tels que celui de l'agriculture,
les Psychologues préfèrent plus l'enseignement. 0,5% de taux de
présence des assistants sociaux dans les vingt (20) associations
« enquêtées »,
Pourrait avoir son explication dans la mauvaise utilisation
des ressources humaines au Tchad et surtout dans le domaine social. Sinon,
comment comprendre que chaque année, une soixantaine d'Assistants
sociaux et d'Adjoints est formée et il y a manque de corps dans les
structures d'encadrement des enfants ?
Enfin, huit (8) Juristes soit 0,4% de l'effectif des
associations qui ont fait l'objet de notre études laisse
apparaître le conflit des compétences entre les différents
intervenants.
On ne sait jamais qui fait quoi. Dans le domaine de l'enfant,
tout le monde se fait appeler travailleur social, pourvu d'avoir une
idée et de créer sa propre association.
3.2. Interprétation des résultats
Après la présentation et l'analyse des
résultats, il s'agit ici de les interpréter qualitativement et de
les confronter à la réalité des faits pour donner un sens
aux informations en relation avec nos hypothèses et objectifs de
recherche. Ainsi, il sera interprété sur le plan
sociodémographique et socioculturel les éléments qui
peuvent être à la base du succès ou de l'échec de la
réinsertion familiale des enfants de la rue de N'djamena.
3.2.1 Au plan sociodémographique et socioprofessionnel
L'enquête a révélé du point de vu
de la tranche d'âge, que 80% des
« enquêtés » ont moins de 17 ans. Ils ont,
à l'exception de celui qui a 8 ans l'âge de la puberté
où on parle de l'adolescence et de sa crise. L'adolescence est une
période que tous les spécialistes de l'enfance reconnaissent
comme la période la plus difficile et complexe pour certains enfants.
L'enquête révèle que la plupart des enfants ont
fréquenté l'école avant de décrocher autour de
l'âge de 9 ans.
On peut donc conclure que leur présence
massive dans la rue constitue un réel danger pour eux-mêmes.
Danger pour les enfants eux-mêmes car la rue et son
milieu constitue un facteur de risque, de criminalité par l'influence
qu'elle exerce sur les adolescents par le jeu des interactions
génératrices de délinquance.
La fréquence et l'intensité des relations de
l'enfant avec ses pairs, l'assiduité de sa fréquentation sont
surtout fonction de la qualité de l'ambiance parentale par rapport
à la convivialité habituelle avec les compagnons. Le groupe de
pairs surtout quand il est vaste, peut jouer un rôle important dans
l'influence antisociale de l'adolescent lorsque ses pairs sont des marginaux,
des asociaux centrifuges.
Du point de vue de l'origine géographique des
« enquêtés » :
L'enquête a révélé que les enfants
de la rue viennent de toutes les villes du pays mais surtout des grandes
villes et cet état de fait vient confirmer l'étude sur l'ampleur
du « phénomène enfant de rue au Tchad, menée par
le gouvernement du Tchad et l'UNICEF entre novembre 2002 et Avril 2003.
- Du point de vue raison de la présence des
« enquêtés » à N'djamena :
Un des faits révélateurs de cette
présente recherche est que 50% des
« enquêtés » sont venus rester chez des
familles ou amis des parents. Si on ajoute les enfants qui ont suivi les
maîtres coraniques à N'djamena pour se retrouver finalement dans
la rue, on peut parler de 75% des « enquêtés »
qui sont des enfants confiés.
On peut donc conclure que le « confiage »
des enfants à des familles ou à des amis qui habitent en ville
pour être scolarisés est un danger et un problème majeur
qu'il faut remédier en créant des cadres de vie acceptables tels
que des écoles, des dispensaires, des centres sociaux, des centres
culturels dans les campagnes pour amoindrir le désir d'envoyer les
enfants en ville où ils se retrouvent souvent dans à la rue
à cause du mauvais accueil ou la maltraitance. Pour ces enfants, les
risques de marginalisation sont énormes s'ils ne trouvent pas de
structures de prise en charge à N'djamena où s'ils ne trouvent
pas les moyens d'assurer leurs besoins de base tels que se nourrir, se
vêtir et se soigner. L'enquête nous a permis de constater que
beaucoup d'enfants souffrent à cause du
« confiage », c'est les cas de deux enfants frères
âgés respectivement de 9 et 12 ans, issus d'une famille nombreuse
qui ont été confiés par leur père à un ami.
Les deux enfants dormaient dans un poulailler parce que la femme de leur tuteur
ne voulait pas qu'ils partagent la chambre et la natte avec son fils sous
prétexte qu'ils sont des enfants de mère sorcière.
- Du point de vue durée de la présence dans la
rue des « enquêtés »
L'enquête révèle que 70% des
enquêtés ont passé plus de 3 ans dans la rue sans
discontinuité. Cette situation montre combien ils sont exposés
aux risques de déviance et de délinquance et peuvent basculer
vers le grand banditisme.
Leur présence quasi-permanente dans la rue
expliquerait d'une part l'incapacité des parents et tuteurs d'assumer
leur responsabilité de les maintenir au foyer et d'autre part
l'inefficacité des stratégies des structures de prise en charge
devant les aider à sortir de la rue.
La stratégie selon le dictionnaire petit Larousse 1999
est « l'art de coordonner les activités, de les manoeuvrer
habilement pour atteindre un but ». Les structures de prise en charge
des enfants de la rue à l'instar de L'ATAD sont faibles en
matière de rééducation et de réinsertion familiale
des enfants vivant dans la rue. Leurs approches sont simplistes et
basées sur la morale. Elles ont plutôt tendance à
travailler avec des enfants ne présentant pas de graves problèmes
de comportement. Les objectifs qu'elles assignent aux activités dites de
rééducation et de réinsertion ne sont pas
préalablement et formellement définies encore moins
évaluées. Les ressources humaines sont inexistantes voire
inadaptées. En conclusion nous disons qu'il y a inefficacité
de l'art de coordonner des actions des structures de prise en charge des
enfants de la rue.
- Du point de vue du degré d'intégration des
« enquêtés » après leur retour en
famille :
L'enquête a révélé que sur 5
enfants réinsérés en famille par l'ATAD, 3 soit
60°/° ne sont pas bien acceptés dans leurs familles comme des
membres à part entière. L'enfant de la rue est stigmatisé
et doigté comme un voleur. Le fait de séjourner dans la rue
pendant des années produit chez les familles en général un
sentiment d'échec et d'impuissance. C'est ce qu'exprime le père
de Hamid B. de la manière suivante : « ...si vous voulez
en savoir plus, demander aux voisins qu'est-ce -que je n'ai pas fait pour que
cet enfant ne reparte pas dans la rue ? mais toujours est il que depuis
qu'il est revenu il n' y a pas grand changement car il disparaît de la
maison et ne revient que la nuit... pourtant il a tout ce qu'il veut à
la maison.... je suis d'une famille noble et cet enfant nous
déçoit.... Commissaire de police de mon état, c'est avec
impuissance que j'observe le comportement d'Hamid car parfois certains enfants
de la rue qui connaissent mon fils me narguent... »
A travers ces propos, on remarque que le père d' Hamid
n'arrive pas à comprendre que lui, commissaire de police respecté
de tous, ait son fils dans rue. Une présence dans la rue susceptible de
ternir l'image de la famille
- Du point de vue proportion d'enfants
réinsérés durant les trois dernières
années :
L'enquête révèle un faible taux de
réinsertion des enfants par l'ATAD. L'effectif cumulé de
2006-2007 laisse apparaître que sur cinquante cinq (55) enfants
accueillis pendant cette période, sept (07) seulement soit 12,7% sont
accompagnés en famille. Ce faible taux peut trouver son explication dans
le manque de préparation des retours en famille mais aussi l'absence de
budget destiné à cette même activité. En effet,
l'ATAD comme la plupart des associations oeuvrant en faveur des enfants de la
rue est confronté à des défis économiques et
financiers. Cette situation empêche la réussite de la
réinsertion familiale en terme d'impact et d'effet observable.
- par rapport au projet d'avenir des
« enquêtés »
L'enquête fait ressortir que la majorité des
« enquêtés » treize (13), soit 65%
désirent retourner en famille contre 30% qui souhaite rester dans un
centre pour bénéficier d'une formation professionnelle.
En dehors du un (1) qui représente 5% de
l'échantillon, qui veut rester dans la rue, le constat qu'on peut faire
est que la plupart des enfants qui vivent dans la rue ont le désir de
retourner en famille mais ne savent pas comment renouer avec leur parent ou
bien n'ont pas les moyens de retourner en famille ; surtout pour les
enfants confiés qui se sont retrouvés dans la rue.
Il faut donc impérativement leur proposer de sortir de
la rue et c'est le devoir des pouvoirs publics et des associations de la
société civile.
- Du point de vue présence des professionnels des
structures privées d'encadrement des enfants, on note la faible
capacité de la plupart des associations enquêtées en
gestion financière des projets ; les associations sont fortement
dépendantes de l'aide extérieure (absence d'une stratégie
claire d'autofinancement) et ont trop tendance à négliger leur
propre contribution. Certains partenaires ne sont pas exigeants en la
matière. Le jour où le robinet se ferme, le projet lui aussi
s'arrête.
La plupart des associations vivent des projets ponctuels.
Cette situation empêche la réussite des projets en terme d'impacts
et d'effets observables. Cette observation est surtout valable pour les
projets destinés aux enfants vivant dans la rue ;
Les dirigeants des associations rencontrés pour la
plupart, utilisent leurs structures comme de simples instruments pour obtenir
de financements extérieurs au détriment d'une vie associative
réelle et dynamique ; l'absence des échanges entre les
associations travaillant dans les mêmes domaines ; les actions ou
les projets sont identifiés sans études préalables et donc
sans connaissance du milieu et du domaine d'intervention. Associations et
bailleurs sont plus préoccupés par la réalisation
d'activités. C'est la quantité qui importe pour justifier les
fonds débloqués mais non la qualité à
produire ;
Les projets des associations tendent beaucoup plus vers la
réparation que vers la prévention des phénomènes.
De plus ils sont réalisés dans des centres fermés
n'accueillant qu'un nombre limité d'enfants en difficulté.
L'analyse de l'enquête a établi que les
difficultés de la réinsertion familiale des enfants de la rue de
N'djamena sont liées à la pauvreté dans laquelle vivent la
plupart des familles Tchadiennes. Elles résultent de la mutation de la
société traditionnelle, mutation qui se traduit par un certain
nombre de dysfonctionnements sociaux et psychologique de la famille et aussi du
fait du manque d'organisation et de complémentarité des
différentes structures de prise en charge fréquentées par
les enfants de la rue. Elles sont liées au manque cruel de personnels
qualifiés (éducateurs spécialisés) dans la plupart
des structures de prise en charge des enfants de la rue. Elles sont
également liées au non respect des règles ou normes qui
régissent la procédure de base en matière de retour des
enfants en famille par les acteurs sociaux.
Retour à nos Hypothèses :
Nous tirons le constat que nos hypothèses sont
confirmées dans les cas présents que nous avons
étudiés. Il est donc établi que :
- Le faible rendement des interventions en
matière de réinsertion familiale des enfants de la rue s'explique
par l'inefficacité des stratégies et des actions mises en oeuvre
par les différents intervenants ;
- La faible qualification des intervenants ne permet la
mise en oeuvre d'actions éducatives efficaces ;
- Les stratégies et actions
développées par les intervenants sont insuffisantes.
3.3 PROPOSITIONS ET SUGGESTIONS
Face à l'étendue de sa mission, nous proposons
que l'ATAD oriente ses activités vers la prévention. Elle
consiste à approcher les enfants de la rue pour les aider à
trouver des solutions à leurs problèmes en les encourageant
à retourner le plus vite que possible dans leur famille. Pour ce faire,
l'ATAD pourrait travailler en collaboration avec les services sociaux des
arrondissements afin de trouver les voies et moyens pour le retour des enfants
en famille car les services sociaux des arrondissements dans la ville de
N'djamena sont plus proches des populations de N'djamena et s y connaissent
mieux dans le domaine de l'enquête sociale.
Pour un meilleur encadrement des enfants de la rue nous
suggérons :
- la réalisation des sorties nocturne et diurne. Au
cours de ces sorties, les actions de l'équipe consisteront à une
présentation de la stratégie aux enfants, leur sensibilisation
pour les inciter à rejoindre le local pour mettre en route des projets
individuels. Cette sortie nocturne pourrait se faire sans la collaboration
avec les forces de l'ordre (la police) de peur de paniquer les enfants mais au
contraire avec une équipe sanitaire pour des soins d'urgences.
- Mise en place des aires d'écoute aux abords des
grands marchés avec des permanences pour écouter et orienter les
enfants. Ces aires d'écoute permettront de très vite
déceler les nouveaux enfants qui arrivent dans la rue.
Le fonctionnement de cette permanence pourrait être
assuré par des éducateurs, des infirmiers et des psychologues.
- un suivi planifié et très régulier
pour les enfants ayant fait objet de retour en famille pour s'enquérir
de leur nouvelle et l'évolution de leur réinsertion
- l'ATAD manquant de spécialistes (éducateurs
spécialisés, assistants sociaux, psychologues etc.) dans
l'équipe des encadreurs, il serait nécessaire, voire urgent, de
former ou de demander leur affectation par l'Etat pour l'encadrement des
enfants.
- une des actions à mener est l'éducation
parentale pour la protection et l'épanouissement des enfants. Cela
consisterait entre autre à apprendre aux parents à
considérer leurs enfants comme des êtres à part
entière doués d'une personnalité qui demandent à
être reconnus et valorisés. En somme, la famille que nous
souhaitons comme « cellule de base de la
société » devrait être une famille
éduquée et « éducatrice, reproductive
raisonnable des vivants d'un monde meilleur, conservatrice... au sens noble,
qui protège18(*). »
En dehors du relèvement qualitatif du personnel, ce
dernier devrait avoir des qualités et aptitudes, de l'amour pour les
enfants, être professionnellement compétent et animé d'un
désir permanent de culture et d'information. Pour ce faire,
l'organisation des sessions de formation continue sur la psychologie, la
déviance et la délinquance, les techniques d'entretien auxquelles
prendront part les éducateurs, est nécessaire. La totalité
des animateurs de l'ATAD formé « sur le tas » en ont
exprimé le besoin.
Pour les ressources matérielles
- l'ATAD doit avoir à sa disposition ses locaux
propres et adaptés à ses besoins à N'djamena. L'actuel
local loué à des religieux est très petit et n'offre pas
assez d'espace. En plus, il se situe dans une zone très difficile
d'accès (non loin de la présidence de la république et des
camps militaires) ;
- La dotation suffisante et régulière en
matériel tels que : vêtements, des produits pharmaceutiques,
du savon, produits alimentaires pour maintenir la fréquentation
régulière du local ;
- l'acquisition d'un véhicule tout terrain
faciliterait les renouements familiaux, les retours en famille des enfants dans
les localités géographiquement éloignés de
N'djamena, ce véhicule sera aussi de nature à faciliter
l'évacuation sanitaire des enfants qui se trouvent au centre de Raf
à 45km de N'djamena ;
- l'acquisition des motos pour les animateurs qui n'ont pas
de moyen de déplacement et se déplacent à pied ou sur des
vélos personnels
- l'acquisition du matériel d'animation tels que
vidéo, pour projeter des films éducatifs et faire la
sensibilisation.
En ce qui concerne les ressources financières et afin
de pallier au caractère ponctuel des fonds alloués par les
bailleurs extérieurs, l'association Italienne IL FOCOLARE étant
le seul qui soutient d'une manière discontinue les activités de
l'ATAD, nous préconisons un engagement des autorités
gouvernementales par des subventions financières annuelles pour le
retour des enfants en famille.
Au niveau de la prise en charge des enfants :
Pour les enfants bénéficiant des prestations de
l'ATAD nous pensons que l'efficacité de leur prise en charge en vue
d'une réinsertion familiale doit passer par l'établissement d'un
règlement intérieur et programme de réinsertion bien
planifié auquel seront soumis le personnel et les enfants des centres de
N'djamena et RAF.
La vie en société passe par l'acquisition des
règles qui régissent la société quel que soit
l'âge des membres de cette société. C'est pourquoi il est
important d'être rigoureux dans la rééducation. Cette
rigueur que nous prônons n'est pas une tyrannie à l'endroit des
enfants, mais elle est l'acceptation d'un effort et d'une prise de conscience
de ces derniers pour sortir de leur situation. C'est dans ce cadre qu'on
pourra suivre l'enfant, être situé sur ses problèmes et les
causes qui l'on amené dans la rue. Les enfants doivent se soumettre une
fois qu'ils sont pris en charge par l'ATAD, se soumettre aux programmes
établis or effectivement, l'ATAD n'a pas un programme clair de
réinsertion familiale des enfants.
IL est important de noter que l'ATAD ne dispose pas de budget
annuel propre destiné aux retours des enfants. Pour un retour
effectué, l'animateur dans le cas de ceux qui s'occupent des enfants
à l'ATAD, ne reçoit rien comme support (moyen financier).
L'enfant accompagné même ne reçoit rien de particulier que
de la friperie. Les parents non plus ne reçoivent rien pour l'accueil et
l'installation des enfants qu'on les remet.
De l'ensemble des résultats de notre enquête il
ressort que les acteurs stratégiques ne tirent rien de l'activité
retour des enfants. S'agissant des enfants, sur les sept (07) enfants, les cinq
(05) réinsérés en famille par l'ATAD à qui nous
avons demandé ce qu'on leur a donné quand ils rentraient en
famille, les réponses suivantes revenaient
régulièrement : « quand je suis retourné en
famille on m'a donné que des habits ». Hamid B, « on
m'a donné des habits et j'ai pris ma couverture mais au moment de
partir, l'éducateur m'a dit que je l'ai volé ... Il m'a tout
arraché pour me laisser partir sans rien du tout »
Allarabaye M, « on ne m'a rien donné, ils
ont dit que mon père pourrait m'en acheter » ; Bernard
M. « j'ai reçu des habits et des cahiers pour aller à
l'école mais pour les cahiers ce n'est pas le centre qui me les a
offert, c'est Mr X qui m'a donné car il m'aime
beaucoup » ; Kouldegue A « on m'a dit de rentrer en
famille et après ils viendront me chercher du travail de
mécanique auto et depuis ils ne sont plus revenus...je croyais que vous
êtes venus pour ça ».
Ces témoignages des enfants
réinsérés prouvent que la réinsertion familiale des
enfants de rue pris en charge par l'ATAD n'est pas bien
préparée.
L'acceptation par l'enfant de retourner en famille est
motivée par l'obtention immédiat ou à court terme d'un
gain matériel ou financier. Mais il arrive aussi que les enfants mettent
en jeu des ressources de nature psychologique, sociale ou culturelle comme
c'est le cas par exemple de Bichara H « je suis rentré de
moi-même en famille parce que ma mère pleure tout le temps
à cause de mon absence. Je suis son fils unique et c'est à cause
de moi que mon( père) l'a mise dehors car il a dit que ma mère
m'a eu en dehors de lui...je vais prouver à ce monsieur que je peux
m'occuper de ma mère ».
Dans les propos de Bichara, on note que son retour en famille
est guidé par les liens affectifs à sa maman. Une
préparation conséquente du retour de Bichara par les
éducateurs de l'ATAD aurait sans doute contribué à
normaliser les relations entre sa maman et son
« père » quand bien même le problème
évoqué par Bichara apparaît délicat.
- La limitation de la durée de prise en charge en
tenant compte de chaque cas (individualisé) :
L'ATAD ne doit pas être vue comme un service
d'assistance sans fin. 36 mois de prise en charge d'un enfant qui a atteint sa
majorité pénale est beaucoup à notre avis. Il faut
très rapidement oeuvrer de manière à ce que l'enfant
retourne rapidement en famille.
Dès les premiers contacts, faire comprendre cela
à l'enfant pour l'inciter à faire des efforts. Pendant cette
période, l'enfant sera retourné en famille si les conditions
familiales le permettent.
- La construction des aires d'écoute aux abords
des grands marchés et sur des sites tel que Californie19(*), les aires d'écoute
permettront d'identifier les nouveaux venus dans la rue et prendre des mesures
qui s'imposent car plus l'enfant dure dans la rue, plus il devient difficile de
l'en séparer et il s'enfonce dans la délinquance ;
- Une collaboration ou une coopération entre
structures afin de mettre fin à ce que certains
spécialistes appellent la divagation ou le (nomadisme) qui
caractérise ces enfants passant de structure en structure. Sept (07)
enfants sur dix (10) bénéficiant des prestations de l'ATAD ont
bénéficié des prestations du Centre Espoir de Koundoul
pour l'Enfance. Il n'est pas exclu que ces enfants n'iront pas ailleurs
prochainement. Cette extrême mobilité des enfants n'est pas de
nature à faciliter leur retour en famille, c'est pourquoi nous proposons
que la collaboration entre les structures à travers le signalement et la
communication aux autres structures de l'arrivée d'un nouveau enfant,
communiquer les photos des enfants pris en charge à d'autres structure
pour mettre fin à leur divagation, nous pensons aussi qu'il serait
nécessaire de communiquer les listes des enfants retournés en
famille pour un meilleur suivi. Par ailleurs les retours en famille connaissent
parfois l'indifférence de certains parents qui ne s'impliquent pas
totalement, c'est pour quoi nous suggérons, la création des
cadres de concertation et l'école parentale à travers la
sensibilisation, des séminaires d'informations etc.
Concernant les autres associations privées :
- former les membres dirigeants et les gestionnaires en
identification et élaboration, planification et suivi de
projets ;
- organiser périodiquement des forums sur des
thématiques d'intérêt général
(rééducation des enfants, formation professionnelle,
alphabétisation, retour en famille, consommation de drogue
etc.) ;
- réaliser un diagnostic institutionnel en vu
d'élaborer un plan stratégique et mettre en pratique ses
recommandations. Etablir au besoin et progressivement un lien entre la
réalisation d'activités et l'évolution du fonctionnement
des associations au plan de la bonne gouvernance ;
- organiser des visites d'échanges
d'expériences inter organisationnelles sur la base d'un cahier de charge
précis et négocié, restituer les résultats aux
membres
- former les responsables des associations en techniques
d'étude du milieu et de l'utilisation des résultats pour une
meilleure identification, élaboration et planification de leur
projet :
- envisager le travail de terrain pour identifier dans chaque
quartier ou arrondissement les familles à risques et élaborer
à leur intention des actions préventives, multiformes et
différenciées (appui scolaire, santé, soutien alimentaire
ponctuel, placement familial ou institutionnel, formation professionnelle,
activités économiques, informations éducation
parentale...) sous la forme de petits projets.
Concernant le Centre Espoir de Koundoul pour
l'Enfance (centre public) :
- Former des éducateurs spécialisés pour
renforcer l'équipe des assistants sociaux qui dirigent actuellement le
centre ;
- Créer un cadre de travail sain au centre pour
permettre aux éducateurs de jouer réellement leur rôle. Ce
cadre passe forcement par l'autonomie de fonctionnement et de gestion du
Centre ;
- Avoir un conseil d'administration impliquant les
ministères de : l'Action Sociale et de la famille, le
Ministère de la Justice, le Ministère de l'Education Nationale,
le Ministère du Travail ;
- Nommer un Directeur du Centre en lieu et place du
responsable du Centre qui en réalité n'est qu'un
« faire valoir » sans pouvoir de décision sur la
gestion du Centre ;
- Dépolitiser la gestion du centre en nommant les gens
qu'il faut à la place qu'il faut. Car, l'enquête a
révélé que plus 40 000 000 frs CFA sont chaque
année consacrés dans le budget du Ministère de L'Action
Sociale et de la Famille au fonctionnement du Centre Espoir de Koundoul et de
la Crèche de Moursal, mais le rendement des deux centres est en de
ça des espérances . La preuve est que depuis la deuxième
moitié de l'année 2007, jusqu'à la date de notre
enquête en mars 2008, le Centre Espoir qui a une capacité
d'accueil de 120 enfants en difficulté, n'a qu'à son sein un seul
enfant de surcroît handicapé, alors que la crèche quant
à elle est fermée depuis plus de deux ans
CONCLUSION
L'étude visait comme objectif à contribuer
à la réinsertion familiale des enfants de la rue.
Cette étude aux allures évaluatives et
prospectives nous a permis de nous rendre compte de la réalité de
la situation des enfants vivant dans la rue à N'djamena.
Sans prétendre d'avoir cerner toute la
réalité de la situation et le phénomène des enfants
de la rue à N'djamena, nous avons pu décrire leurs
caractéristiques sociodémographiques, socioprofessionnelles et
identifier leurs difficultés et besoins.
Enfin, nous avons pu faire des propositions à
même de favoriser leur retour en famille.
Au plan des caractéristiques sociodémographique,
nous avons pu constater que la plupart des enfants enquêtés sont
mineurs. L'âge moyen est de 14,5 ans et ils proviennent des
différentes villes du pays. Concernant la situation familiale, 50% sont
issus des familles unies et vivantes, 30% des parents divorcés ou
séparés et 20% des parents décédés. Quant
à leur lieu d'habitation, 85% vivent dans la rue et 15% seulement chez
les parents.
Sur le plan des caractéristiques socioprofessionnelles,
l'étude a révélé que 70% des enquêtés
à un niveau d'étude très bas. La majorité a
fréquenté l'école jusqu'au niveau du cours
élémentaire 2ème année avant le
décrochage.
Au plan psychosocial, les enfants n'entretiennent pas de
très bons rapports avec leurs parents ou tuteurs. Leurs
difficultés sont d'ordre affectif alimentaire et sanitaire.
De l'analyse et de l'interprétation des
résultats, il ressort que les hypothèses ont été
confirmées dans la mesure où il apparaît que : Les
stratégies et les actions développées par les intervenants
ne sont insuffisantes,
Les intervenants n'ont pas pour la plupart les qualifications
requises en matière de réinsertion familiale des enfants de la
rue.
Tous les objectifs de notre étude ont été
atteints aussi nous pouvons répondre à notre question de
départ car nous connaissons à partir de cette étude
quelles sont les difficultés que rencontrent les différents
acteurs sociaux intervenant dans la réinsertion familiale des enfants
de la rue à N'djamena.
Le phénomène « enfant de la
rue » que nous avons présenté apparaît comme la
résultante de la détérioration de normes sociales,
économiques et culturelles, l'école coranique, « le
confiage », la situation matérielle et psychologique
précaire de certains parents, les mauvais traitements infligés
aux enfants dans les familles sont entre autres les causes de la
présence des enfants dans la rue.
L'étude à travers les entretiens non formels
nous a permis de constater que l'Etat tchadien privilégie la
répression et l'emprisonnement des enfants délinquants. Pourtant,
la loi n°007/PR/99 prévoit la procédure et jugement des
infractions commises par les mineurs de treize (13) à moins de dix huit
(18) ans.
Débordé par les conflits armés à
répétition, l'Etat tchadien a totalement abandonné le
champ social aux mains des organisations privées. Mais si toutes ces
organisations prétendent s'inscrire officiellement dans une logique
philanthropique, la plupart d'entre elles sont en réalité
déterminées par des rationalités statutaires, politiques
,économiques etc. En effet la stratégie de
« bienfaisance » cache beaucoup d'en dessous et c'est par
exemple le cas tragique des 103 enfants de l'arche de Zoé, cette fameuse
association française qui s'est fait enregistrée sous un nom
fictif avant d'être démasquée à l'embarquement des
enfants à Abéché pour des fins d'adoption.
Cette situation pose un certain nombre de questions concernant
l'enfance marginalisée au Tchad : en premier lieu celle de la
nature de l'action étatique et d'une façon plus large, celle de
sa stratégie d'intervention, celle du contrôle des acteurs non
gouvernementaux et enfin celle des ressources financières
allouées aux politiques sociales. Au Tchad, le Ministère de
l'Action Sociale et de la Famille a, il est vrai, essayé de rouvrir le
Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance, mais les enfants de la rue sont
très peu nombreux à le fréquenter. La grande illustration
pendant notre étude est qu'un seul enfant se trouve au Centre Espoir de
Koundoul pour l'Enfance, (enfant handicapé (atteint de
l'encéphalopathie) qui ne sait où aller. Les autres enfants sont
repartis dans la rue.
Où sont donc passés les fonds alloués au
fonctionnement dudit Centre ? Nous n'avons pas de réponse à
cette question.
La question de la réinsertion familiale des enfants de
la rue au Tchad en général et à Ndjaména en
particulier est complexe à résoudre dans le contexte actuel
où se trouve le pays. Toute fois, sa résolution reste possible
avec une réelle politique sociale.
Il appartient d'abord à l'Etat en tant que puissance
publique de définir clairement une politique en la matière, de
dégager les moyens adéquats et d'organiser les différents
acteurs concernés et/ou intéressés.
Le défi de la réinsertion familiale des enfants
de la rue au Tchad peut être relevé dans une logique partenariale
sur la base de l'orientation et le contrôle de l'Etat, principal garant
des politiques sociales.
Les limites de cette étude ouvrent la voie à
d'autres recherches notamment la comparaison des stratégies de
réinsertion familiale des institutions publiques et privées.
BIBLIOGRAPHIE
1. OUVRAGES
BERNARD Pirot : « enfants des rues
d'Afrique Centrale », édition, Karthala paris, 2004, 197
pages ;
Capul M., « Les groupes
rééducatifs », édition, privat, Toulouse, 1993,
CHAZAL Jean : « enfance
délinquante », PUF, 11eme, édition, Paris, 1983, 127
pages ;
DALLAPE Fabio : « enfants de la rue,
enfants perdu ? », ENDA - tiers monde, DAKAR, 1990, 183
pages ;
MAURICE porot : « l'enfant et les relations
familiales », PUF, édition, paris, 1966, 260 pages ;
RICCARDO Luchini, « Les enfants de la rue :
Carrière, identité et sortie de la rue », Fribourg,
1993, 30 pages.
TESSIER Stéphane : « l'enfant de la rue
et son univers », Paris, Syros, 1995, 227 pages
2. DOCUMENTS
- (PRONAFET) Programme National en faveur de l'Enfant
Tchadien adopté par le gouvernement le 31 août 1995
- Gouvernement de la république du Tchad et UNICEF
« Etude sur l'ampleur du phénomène enfants de la rue au
Tchad », novembre 2002 - avril 2003 ;
- KABORE Marcel : « contribution à la
connaissance à travers la stratégie AEMO au Burkina
Faso », 1996, 33 pages
- KABORE SIBIRI Luc, « réinsertion sociale
à partir du centre de rééducation de l'INEPRO et ATD/
Quart monde » mémoire de fin de cycle, ENAM, BURKINA FASO,
1995,61 pages ;
3. TEXTES JURIDIQUES
- Convention relative aux droits des enfants, ONU, NEW YORK,
1989
Charte Africaine des et du bien -être de l'enfant,
Addis-Abeba, juillet, 1990,
- Code civil tchadien, 1958
- Code Pénal tchadien, 1958
* 1 (INSEED) Institut, National
de la Statistique, des Etudes Economiques et Démographiques, Tchad,
profil de la pauvreté, Novembre, 2006.
* 2
« Mouadjirine » Terme désignant des enfants
mendiants des écoles coraniques au Tchad.
* 3 Bernard Pirot,
« Les enfants des rues d'Afrique Centrale, édition karthata,
2004, 187pages
* 4 Bernard, Pirot,
« enfants des rues en Afrique centrale,» édition
Karthala, 2004, 197 pages.
* 5 Bernard Pirot,
« Enfants des rues d'Afrique centrale », page 10
édition karthala.
* 6 Yves Marguerat,
« Le chemin qui mène à la rue, un essai de
synthèse sur le processus de la production d'enfants de rue en Afrique
noire », cahier de Marjuvia n°9, pages 46.
* 7 Kaboré Sibiri Luc
« réinsertion sociale à partir du centre de
rééducation de l'INEPRO et ATD- Quart monde »,
mémoire de fin de cycle, ENAM, Burkina Faso, 1995, 61 pages.
* 8 DALLAPE Fabio,
« Enfants de la rue, enfants perdus ? », ENDA- tiers
monde, Dakar, 1990, 183 pages.
* 9 RICCARDO Luchini,
« Les enfants de la rue : Carrière, identité et
sortie de la rue », Fribourg, 1993, 30 pages.
* 10 Ibid,. p. 52. op. cit.
Bernard Pirot
* 11 Stéphane Tessier,
« les structures et institutions de prise en charge », in, S.
Tessier, à la recherche des enfants de la rue, op, cit. p.238.
* 12 Chazal Jean,
« l'enfance délinquante », PUF,
11ème édition, Paris, 1983, 120 pages
* 13 Capul M., « Les
groupes rééducatifs », édition, privat,
Toulouse, 1993,
* 14 Maurice porot,
« l'enfant et les relations familiales », PUF,
4ème édition, Paris, 1966, 260 pages.
* 15GRAND BASSAM (Côte
d'Ivoire), Forum de Grand Bassam, organisé par le BICE et l'UNICEF, en
mai 1985.
* 16 Site web commune de
N'djamena.
* 17 « Sans toit
ni frontière » : bureau international de l'enfance -
collection les enfants du fleuve, Fayar Leserment, 1986.
* 18 Hervé
Bazin « ce que je crois » cité par Dionou
op-cit, page126
* 19 Décharge des
déchets des militaires français de l'opération
épervier située non loin de l'aéroport de N'djamena,
côté ouest.
|