CONCLUSION ET
PERSPECTIVES
L'urbanisation galopante de la région de Dakar a
modifié la quasi-totalité des espaces naturels : mares,
végétation naturelle. Ce sont des types de mutations propres
à toutes les villes en pleine expansion. Dakar se développe avec
une contrainte majeure qui est l'existence en son centre et dans sa zone
d'extension d'une zone humide riche et importante. Les potentialités et
la situation géographique des niayes ont beaucoup influencé son
évolution. Ainsi de 1954 à 2003, cet espace fortement
convoité a subi d'importantes modifications, à des rythmes
différents selon la nature et l'intensité des facteurs. De 1954
à 1978, la sécheresse a eu une certaine
prépondérance parce qu'ayant eu des impacts directs sur
l'écosystème mais ayant aussi déclenché dans une
certaine mesure des facteurs anthropiques. En effet, l'assèchement et
l'ensablement des cuvettes se sont faits dans un contexte de croissance
démographique marqué par l'afflux de populations vers la capitale
entraînant l'occupation de ces espaces libérés par l'eau
par les habitations. Par contre les facteurs politiques se sont
davantage affirmés entre 1978 et 2005 avec la mise en application du
plan directeur d'urbanisme de 1980.
L'avancée du front d'urbanisation dans cet
écosystème a eu des conséquences :
- directe avec la disparition complète de
niaye ;
- indirecte avec la disparition d'un ou de plusieurs
maillons de la chaîne qui constitue l'écosystème
aboutissant ainsi au dysfonctionnement de l'ensemble.
La dynamique des niayes dans les deux sites présente
globalement les mêmes tendances avec l'artificialisation des espaces
naturels. Il y a cependant des différences marquées et
liées aux modes d'occupation et d'utilisation des sols et même
à la perception des populations. C'est ainsi que dans la Grande Niaye de
Pikine, où domine un habitat de type planifié, la niaye est plus
considérée comme une potentialité, un espace qui pose
problème certes, mais dont la préservation et
l'aménagement sont nécessaires. L'avancée des
constructions en direction de la dépression est une
réalité mais la niaye est mieux conservée. Dans cette
niaye se sont surtout les infrastructures qui constituent un grand facteur de
morcellement de l'écosystème.
Dans la zone de Yeumbeul, la réalité est tout
autre. En effet, le facteur naturel est important à plus d'un titre. La
sécheresse a motivé à partir de 1972, l'afflux de
populations venues de l'intérieur du pays et qui se sont
installées dans la périphérie de Dakar. Toujours pendant
cette période, l'habitat spontané s'est développé
progressivement jusque dans les niayes asséchées. Avec le retour
de la pluviométrie, toutes les constructions établies sur les
dépressions sont aujourd'hui partiellement ou entièrement
inondées et abandonnées ; l'acuité des
problèmes qui en découlent a entraîné une
réaction de rejet de la part de populations. Le souci de voir les
dépressions être comblées est ainsi né du visage
qu'elles offrent et des problèmes environnementaux et sociaux qu'elles
génèrent.
Dans la mise en pratique des politiques en matière
d'urbanisme, on a pourtant tenu compte des multiples contraintes physiques que
présente la région de Dakar, cependant, avec la tendance au
retour de la pluviométrie et les problèmes sociaux, beaucoup de
prévisions ont été faussées. La nature est ainsi en
train de rendre progressivement à la niaye sa nature première
qu'est l'humidité. Plusieurs portions de niaye se sont ainsi
revitalisées même à l'intérieur des habitations
faisant cohabiter sur un même espace très restreint homme, eau,
ordures et végétation.
Il est aussi ressorti de notre étude, qu'une politique
de gestion et de préservation efficiente de cet
écosystème, requiert à la fois une approche à la
fois pluridisciplinaire systémique et participative.
L'intérêt de cette recherche est d'avoir conduit
une étude diachronique qui montre grâce à la cartographie,
la dynamique de l'écosystème niaye à Dakar sur une longue
période (49 ans). Nous avons d'une part mis en exergue les mutations de
l'espace sous l'effet des variations de la pluviométrie et de la
poussée urbaine et, d'autre part identifier les problèmes
environnementaux et sociaux qui découlent de la conversion de certaines
parties cette zone humide en lieux d'habitation. L'analyse des faits dans deux
sites géomorphologiques similaires mais avec des appropriations assez
différentes, nous a aussi semblé avoir un intérêt
dans la mesure où elle fait ressortir le poids des facteurs anthropiques
dans l'évolution de l'espace.
Les résultats obtenus confirment d'abord
l'artificialisation du milieu évoquée dans les ouvrages
consultés. Elle est prouvée par la hausse constante et soutenue
du pourcentage des surfaces bâties et par la baisse des espaces plus ou
moins naturels sur les deux sites étudiés.
Les résultats confirment aussi la tendance à la
revitalisation de la niaye évoquée par Ndong (1990). Cette
revitalisation est attestée par la remise en eau des dépressions
asséchées en 1978 et par les inondations notamment sur le site de
Yeumbeul. On a aussi pu mettre en relation occupation
irrégulière, non respect des normes en matière
d'urbanisme, inondation et problèmes d'assainissement.
Il faut cependant souligner que l'étude aurait pu
être mieux affinée par une meilleure utilisation du Modèle
Numérique de Terrain (MNT). En effet un maillage plus fin du site nous
aurait permis non seulement de mieux apprécier l'impact des
aménagements et des remblaiements sur la perturbation de
l'écoulement, mais aussi de pouvoir identifier une altitude à
laquelle les risques d'inondation sont réels.
L'utilisation d'outils qualitatifs comme le diagramme de Venn,
le transect et les histoires de vie pourraient aussi donner des informations
plus fines et plus fiables sur les facteurs et les problèmes
environnementaux et sociaux.
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