3.4.2- Caractéristiques fonctionnelles du
marché
Le fonctionnement ou la conduite du marché a
été évaluée sur la base de la
caractérisation du comportement des acteurs impliqués. Les
informations recherchées portaient sur les pratiques de l'offre, le
degré de communication, les principales fonctions du système et
les normes de qualité recherchées par les consommateurs dans les
volumes commercialisés..
Les pratiques de l'offre ont été
évaluées à l'aide des données d'enquête
relatives aux stratégies de fixation des prix, le mode de payement lors
des transactions. Le mode de transport utilisé a aussi
été évalué à ce niveau ainsi que les
personnes responsables.
Le degré de communication entre les différents
acteurs a été évalué sur la base des informations
concernant le mode de circulation de l'information du marché, le type de
coordination qui existe entre les acteurs. En ce qui concerne l'information du
marché, l'évaluation a porté aussi sur l'influence de
l'utilisation de l'information sur les prix et les quantités vendues.
3.4.3- Caractéristiques de la performance du
marché
La performance a été évaluée dans
cette étude au moyen des critères tels que le prix moyen à
tous les niveaux du marché, les coûts de commercialisation, les
marges commerciales, la part du paysan, le degré d'intégration du
marché et les difficultés rencontrées.
De manière spécifique, les prix moyens à
tous les niveaux du système de commercialisation ont été
analysés en demandant aux acteurs de donner leurs prix d'achat et de
vente suivant les périodes.
Les coûts de commercialisation ont été
évalués en prenant en compte le transport de l'agent et de la
marchandise lors du transfert des villages vers le marché, les taxes et
impôts payés dans le marché, la main d'oeuvre lors des
chargements et déchargements, la location du magasin entre autres.
L'état des infrastructures a été
évalué en déterminant le pourcentage de paysans et de
commerçants qui éprouvent des difficultés dans leurs
activités. Egalement, le coût de transport a permis de juger de
l'état des infrastructures.
En ce qui concerne les marges de commercialisation, elles ont
été calculées au moyen des prix pratiqués à
chaque niveau du marché et des coûts supportés par le
commerçant.
Les coûts de commercialisation ayant été
pris en compte, nous avons calculé les marges nettes de
commercialisation des commerçants. L'expression de calcul
utilisée était suivante :
Avec MNC : Marge Nette de
Commercialisation
MBC ; Marge brute de commercialisation
CTC : Coût total de commercialisation
La marge brute est définie comme étant la
différence entre le prix de vente et le prix d'achat.
où PV est le prix de vente et PA est le prix
d'achat.
Le coût total de commercialisation regroupe les
coûts de transport de l'agent et du produit, les autres coûts
(taxes, main d'oeuvre, manutention, etc.)
La part du paysan (PP) a été
estimée suivant l'expression de calcul suivante proposée par
Pomeroy et Trinidad (1998):
PAp est le prix d'achat au paysan
PVc est le prix de vente du commerçant.
3.5- Limites de l'étude
Les données utilisées dans l'estimation du volume
de production de la zone et dans l'évaluation des prix et coûts de
commercialisation pour la performance du système de commercialisation ne
sont basées que sur des déclarations des paysans et
commerçants. Ces derniers généralement n'ont pas de
fiches de compte pour leurs activités et donc ne font recours
qu'à leur mémoire. Ces données pourraient être
sous-estimées.
CHAPITRE IV
RESULTATS
4.1- La structure du système de marketing de
Irvingia
4.1.1- Caractéristiques
socio-démographiques des acteurs de la filière
Irvingia
Quelques caractéristiques socio-démographiques
des paysans et des commerçants impliqués dans la collecte et la
commercialisation des amandes de mangues sauvages ont été
étudiées.
4.1.1.1- Les paysans
Les paysans sont à la base du système
c'est-à-dire au niveau de la `'production'' des amandes. Ils ramassent
les fruits de mangues sauvages, les rassemblent, les fendent frais ou les
cassent lorsque sèches et en extraient l'amande qui est alors
commercialisée.
Statut matrimonial et le sexe des paysans
Nous avons étudié le statut matrimonial et le sexe
des personnes impliquées dans la collecte et la vente des amandes
d'Irvingia dans les villages. Les résultats de cette
étude sont répertoriés dans le tableau 4.
Tableau 4: Distribution des paysans suivant le sexe et le statut
matrimonial
Statut matrimonial
|
Sexe
|
TOTAL (%)
|
Hommes
|
Femmes
|
Nombre
|
%
|
Nombre
|
%
|
Célibataire
|
1
|
2
|
2
|
4
|
6
|
Marié(e)
|
5
|
10
|
36
|
72
|
82
|
Divorcé(e)
|
0
|
0
|
1
|
2
|
2
|
Veuf(ve)
|
0
|
0
|
5
|
10
|
10
|
TOTAL
|
6
|
12
|
44
|
88
|
100
|
L'analyse de ces résultats montre que 88 % des paysans
enquêtés étaient des femmes et 12 % seulement des hommes.
Il apparaît clairement que les femmes sont plus impliquées dans la
récolte et la commercialisation des mangues sauvages que les hommes.
Ndoye (1995), Gockowski et Ndoumbé (1999) ont fait le même constat
respectivement dans l'étude des marchés des PFNL dans la ZFH du
Cameroun et dans l'analyse du marketing des produits horticoles dans la zone du
Sud-Cameroun. Ce résultat montre que toute amélioration
entreprise dans le système de marketing de Irvingia rehaussera
à coup sûr le bien-être des femmes rurales. Cette
amélioration pour avoir plus d'impact devrait s'orienter vers les
paysans mariés. En effet, 82 % des paysans sont mariés dont 72 %
de femmes. A ce titre, l'activité d'exploitation et de
commercialisation des amandes d'Irvingia est bénéfique
à tout le ménage.
Age des paysans
L'âge des paysans a été étudié.
Le tableau 5 présente la distribution des paysans suivant les tranches
d'âge.
Tableau 5: Distribution des paysans suivant l'âge
Age (ans)
|
Nombre
|
Pourcentage
|
20 - 29
|
4
|
8
|
30 - 39
|
13
|
26
|
40 - 49
|
14
|
28
|
50 - 59
|
13
|
26
|
60 - 69
|
5
|
10
|
+ de 70
|
1
|
2
|
Total
|
50
|
100
|
Il apparaît que les paysans dans leur grande
majorité (80 %) étaient âgés entre 30 et 59 ans,
l'âge moyen étant de 44 ans. Ces paysans sont pour la plupart des
propriétaires terriens ou bénéficient du droit d'usage.
Ils peuvent donc exploiter les arbres de Irvingia qui se trouvent sur
ces parcelles. En plus, l'activité relative à l'exploitation de
Irvingia demande du temps et du travail. Certaines catégories
sociales sont exemptes de cette tâche. C'est le cas par exemple des
femmes enceintes, des vieillards, etc. C'est la raison pour laquelle 54 % des
paysans sont âgés entre 40-59 ans ; donc la tranche
d'âge d'entrée en ménopause pour les femmes. Les personnes
très âgées sont moins impliquées parce que leur
force de travail est réduite et de plus, les produits frais sont assez
lourds à transporter à leur âge de la forêt au
village.
Niveau d'éducation des paysans
En général, le niveau d'éducation dans les
villages n'est pas assez élevé. L'éducation des filles
est moins encouragée dans les villages. Dans l'objectif de la lutte
contre la pauvreté en milieu rural, les capacités des paysans
doivent être renforcées dans le domaine de l'éducation.
Cette éducation permettrait aux paysans de mieux développer des
actions et stratégies de vente. Cela leur aiderait également
à se soustraire de l'emprise des commerçants et à
exploiter leurs ressources de manière durable.
Le niveau d'éducation des paysans a été
étudié. Les résultats obtenus sont présentés
dans le tableau 6.
Tableau 6: Niveau d'éducation des paysans
Niveau d'éducation
|
Hommes
|
Femmes
|
Total (%)
|
Nombre
|
%
|
Nombre
|
%
|
N'a pas été à l'école
|
0
|
0
|
1
|
2
|
2
|
Primaire
|
2
|
4
|
24
|
48
|
52
|
Secondaire
|
4
|
8
|
19
|
38
|
46
|
Total
|
6
|
12
|
44
|
88
|
100
|
Le tableau 6 montre que 46 % des paysans ont au moins fait le
secondaire. 52 % des paysans ont le niveau d'éducation primaire parmi
lesquels 48 % sont des femmes.
Principales sources de revenu des paysans
L'agriculture est le principal pourvoyeur de fonds pour les
paysans. En effet, toutes les femmes (88 % de l'échantillon) tirent
principalement leur revenu de la culture des produits vivriers tels que le
manioc (Manihot utilisima), le macabo (Xanthosoma
sagitifolium), le maïs (Zea mays), l'arachide
(Arachis hypogea), le plantain (Musa spp)
entre autres. A ce titre, les revenus issus de la vente de Irvingia
permettent aux ménages de pallier les insuffisances de la production
agricole. Ces revenus, non négligeables sont des revenus d'appoint pour
les chefs de ménage. En effet, la production et la vente de
Irvingia se déroulent à l'approche de la rentrée
scolaire pour les enfants. L'argent reçu permet aux parents de
s'occuper de la scolarité de leur progéniture ; le cacao ne
produisant pas en cette période. La culture du cacao est beaucoup plus
l'activité des hommes (12 % de l'échantillon).
4.1.1.2- Les commerçants
Les commerçants sont généralement
appelés `'Buyam Selam''. Ils achètent les produits et les
revendent afin d'en tirer un bénéfice. Suivant le volume des
transactions, les lieux d'achat et de vente entre autres, trois principales
catégories de commerçants sont distinguées dans cette
étude. Il s'agit des collecteurs, des grossistes et des
détaillants.
Les collecteurs
Ce sont des commerçants qui vont dans les villages acheter
Irvingia et le transfèrent vers les marchés urbains.
Ils sont pour la plupart du même groupe ethnique que les paysans. Ils
résident dans les villages pour certains et dans les villes pour
d'autres. Les collecteurs font le porte-à-porte pour acheter le produit
dans les villages. Ils font la collecte sur un rayon d'environ 20 Km de leur
lieu de résidence s'ils sont établis dans le village. Ils ont
l'avantage de parler la même langue (Bene) que les paysans. Leurs
transactions s'opèrent avec des assiettes de divers volumes et avec le
seau de cinq litres. Comme l'a noté Engola Oyep (1997), ces `'buyam
selam'' achètent et vendent plusieurs autres PFNL et des produits
agricoles vivriers. Ils revendent leurs produits dans les marchés
urbains chez les grossistes et détaillants.
Ne disposant pas assez de capital dans l'ensemble, les
collecteurs transfèrent en moyenne 4 sacs d'amandes de Irvingia
par voyage. Leur fréquence moyenne d'aller dans les marchés
urbains est évaluée à deux fois par semaine en
période d'abondance. Cette période s'observe
généralement au courant des mois d'Août et Septembre.
Les grossistes
Ils sont établis dans le marché urbain d'Ebolowa.
Ils sont d'origines diverses. Ils s'approvisionnent auprès des
collecteurs et des paysans de leur zone. Leurs transactions se font avec
uniquement le seau de 5l. Ces transactions ne s'opèrent pas en sacs
pour besoin d'inspection. Ils revendent le plus souvent leurs stocks de
Irvingia aux acheteurs étrangers (Nigérians, Gabonais,
etc.) qui viennent s'approvisionner sur place. Parfois, certains partent
vendre dans les marchés frontaliers d'Abang Minko et de
Kyé-Ossi.
Les détaillants
Ils sont établis dans les marchés
(Ngoulémakong et Ebolowa). Ils s'approvisionnent auprès des
paysans de leurs localités, des collecteurs et des grossistes en
période de pénurie. Ils revendent aux consommateurs en utilisant
différentes unités de mesure: seaux, assiettes et tas.
Lorsqu'ils ont de grandes quantités réunies auprès des
paysans, ils les vendent aussi aux grossistes du marché en
période d'abondance.
Quelques détaillants dans le système en cours
exercent les fonctions des grossistes à certains moments de la saison de
Irvingia ; par exemple en période d'abondance. Par
ailleurs, les collecteurs résidant dans les villages produisent
également les amandes.
Il existe très peu de relation d'affinité et de
confiance entre les commerçants. Les collecteurs ne vendent pas
généralement aux mêmes grossistes ; l'objectif
étant de vendre au plus offrant. C'est la raison pour laquelle la
totalité des collecteurs souhaiteraient vendre directement aux
potentiels acheteurs étrangers (Nigérians, Gabonais et
Equato-guinéens). Cependant, les mouvements de ces étrangers
sont beaucoup plus connus par les grossistes des marchés à qui
ces étrangers ont l'habitude d'acheter des stocks importants.
Catégorisation des commerçants
interviewés
Les commerçants d'Irvingia sont regroupés
en catégorie. Le tableau 7 présente la répartition des
différents acteurs du marché identifiés dans le
système de commercialisation en cours dans la zone.
Tableau 7: Types de commerçants identifiés
Types
|
Nombre
|
Total
|
Pourcentage
|
Hommes
|
Femmes
|
Collecteurs
|
3
|
10
|
13
|
42
|
Grossistes
|
6
|
3
|
9
|
29
|
Détaillants
|
1
|
8
|
9
|
29
|
Total
|
10
|
21
|
31
|
100
|
L'analyse de ces résultats montre que 42 % des
commerçants sont des collecteurs, 29 % des grossistes et 29 % des
détaillants. Dans l'ensemble, 68 % des commerçants sont des
femmes. C'est la preuve que les femmes occupent une place importante dans le
marché des PFNL comme l'ont souligné Ndoye (1995) et Tshiamala et
Ndjigba (1999). Cependant lorsque le volume des transactions devient important
et requiert de gros capitaux, les hommes prennent le dessus sur les femmes.
C'est la raison pour laquelle 67 % des grossistes sont des hommes. Du fait
de la situation socio-économique des femmes dans les villages, la
plupart n'ont pas accès à la terre. Elles sont moins
crédibles lorsqu'il faut comme garantie la terre pour emprunter le
capital. Elles occupent ainsi dans le circuit de Irvingia des
fonctions qui nécessitent peu de capital. Il s'agit des collectrices ou
des détaillantes.
En ce qui concerne les caractéristiques
socio-démographiques des commerçants, l'analyse des
résultats révèle que tous les commerçants
interviewés étaient mariés. Le tableau 8 ci-après
nous présente l'âge et le niveau d'éducation des
commerçants reportés lors des enquêtes.
Tableau 8: Age et niveau d'éducation des
commerçants
Age
(ans)
|
Niveau d'éducation
(% des commerçants)
|
Total
(%)
|
Primaire
|
Secondaire
|
20 - 29
|
3
|
3
|
6
|
30 - 39
|
0
|
36
|
36
|
40 - 49
|
16
|
16
|
32
|
50 - 59
|
16
|
3
|
19
|
> 60
|
7
|
0
|
7
|
Total (%)
|
42
|
58
|
100
|
L'analyse de ces résultats montre que les
commerçants étaient âgés de 42 ans en moyenne ;
l'âge variant de 24 à 65 ans. De manière
spécifique, 68 % des commerçants étaient
âgés entre 30-49 ans. Cette tranche d'âge est plus
impliquée pour plus d'une raison. Premièrement, la collecte dans
les villages se fait le plus souvent à pied avec les charges sur la
tête ou au dos. Cette opération nécessite de l'effort
physique. Deuxièmement les jeunes sont mieux outillés pour
supporter les risques énormes liés à l'activité.
Les collecteurs, les grossistes ou les détaillants peuvent subir des
pertes à cause des intempéries, des charançons, des
moisissures.
En ce qui concerne le niveau d'éducation, 58 % des
commerçants avaient au moins fait l'enseignement secondaire contre 46 %
chez les paysans. Les commerçants dans l'ensemble sont plus instruits
que les paysans. Ils profiteraient de cet avantage pour davantage tromper les
paysans au niveau des prix et des stratégies de vente.
Concernant les sources de revenus, l'activité commerciale
apparaît comme la principale source de revenu pour 74 % des
commerçants. Il s'agit du commerce de Irvingia, d'autres PFNL
et des produits agricoles. 26 % des commerçants pratiquent en plus du
commerce l'agriculture. Il s'agit beaucoup plus des collecteurs
résidant dans les villages. Le commerce de Irvingia
représente pour eux une activité secondaire.
Les commerçants interviewés pratiquent cette
activité en moyenne depuis 9 ans. Cette expérience
professionnelle varie de un an pour les uns à 20 ans pour les autres.
Avec le temps, ces commerçants connaissent mieux le marché du
fait de leur stabilité.
4.1.2- Lieux de vente par les paysans et les
commerçants
La figure 2 présente les différents lieux de vente
répertoriés au niveau des paysans. Trois types de vente ont
été identifiés: d'abord la vente à domicile ;
ensuite la vente combinant le domicile et le marché de
Ngoulémakong et enfin la vente combinant le domicile et les
marchés urbains des villes environnantes (Ebolowa et Mbalmayo).
Figure 2: Lieux de vente par les paysans
De ces résultats, il apparaît que 72 % des paysans
vendent leurs amandes de mangues sauvages à domicile. Les collecteurs
une fois dans les villages, font le porte-à-porte pour collecter les
quantités d'amandes produites. 10 % des paysans affirment vendre
à la maison et au marché de Ngoulémakong ; parcourant
en moyenne 13,6 Km. Egalement, 18 % des paysans parviennent à vendre non
seulement à la maison mais aussi souvent dans les marchés urbains
les plus proches (Ebolowa, Mbalmayo).
Du moment où les collecteurs sillonnent les villages
à la recherche des amandes, les transactions se déroulent dans
une situation d'oligopsone. Ce type de marché à ce niveau est
plus conforté par le fait que les domiciles des paysans sont leur
principal lieu de vente. Les collecteurs sont les seuls acheteurs devant les
paysans. Cette situation du marché est caractérisée par
la présence d'un petit nombre d'acheteurs (les collecteurs) et de
plusieurs offreurs (les paysans). Ce type de marché est
défavorable pour les paysans. Ils sont contraints d'accepter les prix
des collecteurs.
Les collecteurs des villages de Ngoulemakong transfèrent
leur stock d'Irvingia vers plusieurs marchés urbains. Le
tableau 9 nous présente les différentes destinations des
collecteurs.
Tableau 9: Principaux marchés de destination des
collecteurs
Marchés
|
% des collecteurs
|
Ebolowa
|
50
|
Ebolowa et marchés nationaux
|
17
|
Ebolowa et marchés transfrontaliers
|
33
|
Ce tableau montre que 50 % des collecteurs vendent uniquement
dans le marché d'Ebolowa le plus proche et 33 % vendent en plus du
marché d'Ebolowa dans les marchés frontaliers d'Abang Minko qui a
lieu tous les samedis et de Kyé-Ossi. Très peu de collecteurs
parviennent à supporter les coûts pour aller vendre dans les
marchés frontaliers. En effet, leur stock par voyage est réduit
et le transport est de 1500 F CFA/sac d'Irvingia et de 2000 F CFA pour
le commerçant (à partir d'Ebolowa).
Certains grossistes (66 %) établis dans
le marché d'Ebolowa ont reporté vendre souvent dans les grands
marchés nationaux ou transfrontaliers et même dans les pays
voisins. Ces mouvements des grossistes s'observent lorsque ces derniers, par
le biais de la téléphonie mobile sont au courant de la relative
hausse des prix dans ces marchés d'exportation. Ainsi, 67 % de ces
grossistes vendent souvent dans les marchés frontaliers (Abang Minko et
Kyé-Ossi) et 33 % s'orientent vers les grands marchés nationaux
(Yaoundé, Douala, Kumba).
4.1.3- Circuit de commercialisation de la
zone
La figure 3 ci-après présente le circuit de
commercialisation de Irvingia dans la zone de Ngoulémakong et
ses environs. Les flux de Irvingia sont présentés
à tous les niveaux du système c'est-à-dire des
villages jusqu'aux marchés.
Marché
Ebolowa
Marchés frontaliers
Pays voisins :
Gabon, Nigeria, Guinée Equatoriale
PAYSANS
Villages
COLLECTEURS
GROSSISTES
CAMEROUNAIS
GROSSISTES ETRANGERS
DETAILLANTS
CONSOMMATEURS
Export
Flux habituel du produit
Flux uniquement en période
d'abondance
Figure 3: Circuit de commercialisation de la zone
4.2- Fonctionnement du système de marketing de
Irvingia
4.2.1- Mécanisme de formation du prix et
stratégies de négociation
Comme dans le cas des produits agricoles, les prix des amandes de
Irvingia dépendent dans une large mesure des conditions de
l'offre et de la demande. L'offre est caractérisée par la
quantité d'Irvingia récoltée par les paysans et
la quantité conservée des précédentes
récoltes. Du fait de la nature saisonnière de la production, le
stockage s'avère important pour garantir la disponibilité du
produit tout au long de l'année. La demande des amandes de
Irvingia est déterminée par la quantité que les
commerçants sont capables d'acheter. Cette quantité est fonction
du capital dont disposent ces derniers, des signes de rareté du produit
dans les marchés urbains et de la demande des potentiels acheteurs
étrangers (Nigérians, Gabonais, Equato-guinéens).
Le processus de formation du prix entre les paysans (vendeurs) et
les collecteurs (acheteurs) et entre les différents commerçants
est fonction également du `'prix de réserve''. Pour le vendeur,
c'est la plus petite somme d'argent qu'il est prêt à accepter pour
son produit. Pour l'acheteur, c'est la plus grosse somme d'argent qu'il est
prêt à payer pour acquérir le produit. Les paysans et les
collecteurs s'engagent dans un processus de négociation du prix parce
que chacune des parties impliquées dans la transaction aimerait avoir un
prix aussi proche de son prix de réserve.
Dans les villages, le pouvoir de négociation des paysans
dépend du nombre de collecteurs présents pour acheter le produit,
de l'accessibilité du village, de leurs besoins financiers actuels, de
l'offre et de la qualité de Irvingia. Si plusieurs collecteurs
sont présents dans le village, cela peut donner un signal aux paysans de
la relative pénurie dans les marchés. 92 % des paysans ont
reporté négocier suivant le prix donné par le collecteur
et 8 % négocient suivant un prix de base qu'ils donnent. Cette
situation dénote la position « d'accepteurs de
prix » des paysans.
Au niveau du marché urbain d'Ebolowa, le pouvoir de
négociation lors des transactions entre les collecteurs et les
grossistes dépend dans une large mesure des prix qui prévalent
dans les autres marchés urbains et transfrontaliers, de la
quantité d'Irvingia sur le marché, du nombre d'acheteurs
présents, des coûts de commercialisation et des
bénéfices espérés. 61 % des commerçants
tiennent compte des conditions de l'offre et de la demande dans la fixation du
prix de vente et 39 % prennent en considération leur prix d'achat et les
coûts de commercialisation supportés.
4.2.2- Circulation de l'information du
marché
Dans l'achat et la vente de Irvingia, les acteurs
engagés souhaitent obtenir le meilleur revenu possible. Par exemple
l'acheteur souhaite acheter au prix le plus bas possible alors que le vendeur
souhaite vendre au prix le plus élevé possible. Tous s'engagent
donc à la recherche des actions pour accomplir cet objectif. Le but de
cette partie est d'évaluer le niveau d'information des acteurs
engagés sur les prix qui prévalent dans d'autres marchés
et leurs sources d'information.
4.2.2.1- Au niveau des paysans
Le niveau d'information des paysans sur les prix a
été évalué dans le souci de mesurer le niveau
d'intégration des prix entre les villages et les marchés. Ceci a
été fait en demandant aux paysans s'ils sont informés des
prix prévalant dans d'autres marchés. Les résultats sont
présentés à la figure 4 suivante.
Figure 4: Niveau d'information des paysans sur les prix
L'analyse de ces résultats montre que 70 % des paysans ne
sont pas informés sur les prix de Irvingia dans les
marchés. Cette situation serait due à trois principales raisons.
Premièrement, les paysans ne vendent pas les amandes
d'Irvingia en quantité importante en un jour ; il serait
coûteux pour eux d'aller vendre au marché afin de s'informer sur
les prix, le coût du transport étant très
élevé. Deuxièmement, il n'existe pas un système
d'information du marché pour les PFNL dans la zone comme dans le cas des
produits agricoles. Troisièmement, les paysans dans leur grande
majorité (72 %) ne vendent leurs amandes uniquement qu'au village.
Les informations des 30 % des paysans informés sur les
prix proviennent dans 100 % des cas de leurs connaissances qui vont dans ces
marchés ou de passage. Ces paysans informés dans l'ensemble
ménagent très peu d'efforts pour utiliser les informations. Une
faible minorité (8 %) tient compte d'un certain prix de base des
marchés dans le processus de négociation du prix.
4.2.2.2- Au niveau des commerçants
De même, le niveau d'information des commerçants a
été évalué dans l'objectif également de
mesurer le niveau d'intégration des prix entre les villages et les
marchés et entre les différents marchés. Ceci a
été fait en demandant aux commerçants s'ils sont
informés des prix prévalant dans d'autres marchés. Le
tableau 10 nous présente le nombre de chaque catégorie d'acteurs
du marché informé et leurs sources d'information.
Tableau 10: Types de commerçants et leur source
d'information
Type de commerçants
|
Nombre
|
% informés
|
% non informés
|
Source d'information (%)
|
Autres commerçants
|
En allant dans ces marchés
|
Collecteurs
|
13
|
69
|
31
|
78
|
22
|
Grossistes
|
9
|
100
|
0
|
100
|
0
|
Détaillants
|
9
|
78
|
22
|
100
|
0
|
Il apparaît clairement que les commerçants sont
plus informés sur les prix que les paysans. En effet, 81 % des
commerçants connaissent les prix en cours dans d'autres marchés.
De tous les commerçants, les grossistes sont les plus informés.
Les autres commerçants sont cités comme principale source
d'information (78 % pour les collecteurs et 100 % pour les grossistes et
détaillants). Toutefois il faut reconnaître que cette source
d'information est influencée par les intérêts de
l'informateur et est difficile à vérifier.
Dans tous les cas, les résultats révèlent
qu'entre les paysans et les commerçants, il n'existe pas de
véritable coordination verticale ; les commerçants
étant mieux informés sur les prix que les paysans. Ndoye en 1995
est arrivé à la même conclusion dans l'étude du
marché des PFNL dans la ZFH du Cameroun. De même en 2000,
Foundjem Tita dans une étude sur la commercialisation des denrées
agricoles dans la zone de Ngoulémakong, a montré que la
proportion des commerçants informés sur les prix d'autres
marchés est supérieure à celle des paysans. C'est dire
que lors des transactions, les commerçants sont mieux outillés
dans le processus de négociation du prix.
Il s'avère difficile d'attribuer directement cet avantage
des commerçants sur les paysans par une quelconque influence des
caractéristiques socio-démographiques sur le niveau d'information
sur les prix. La compréhension de cette situation résiderait dans
la recherche et l'utilisation de l'information du marché par les
acteurs. Le pouvoir économique, l'existence de coordination horizontale
entre groupe d'acteurs, la place du commerce de Irvingia parmi les
activités rentables de l'acteur entre autres peuvent être les
causes. A titre d'exemple, les grossistes investissent d'importants moyens
à l'instar de la téléphonie mobile pour s'informer des
prix et des mouvements d'acheteurs étrangers dans d'autres
marchés.
4.2.3- Mode de vente
Le mode de vente pratiqué par les paysans et les
commerçants dans le système en place est la vente au comptant.
Ce mode de vente se caractérise par le payement en espèces lors
de la transaction. La multiplicité d'origines des commerçants
(collecteurs, grossistes, acheteurs étrangers) conforte ce mode de
payement. Aucune confiance n'existe entre les paysans et les
commerçants et entre les commerçants eux-mêmes pour que les
paysans par exemple s'engagent dans des ventes à crédit ou par
avance de paiement.
Par ailleurs aucune stratégie de collusion n'existe chez
les paysans à l'exemple de s'accorder sur un certain prix de vente.
En effet, 100 % des paysans affirment n'avoir jamais vendu en groupe. Les
raisons de cette inexistence de vente en groupe dans les villages sont
multiples. De la figure 5 suivante, 58 % des paysans affirment ne pas vendre
en groupe parce qu'ils ne sont pas organisés, 14 % affirment être
dans un besoin financier. 2 % affirment ne pas maîtriser les techniques
de conservation qui les permettraient de stocker leur produit jusqu'à la
date de vente.
Figure 5: Obstacles à la vente en groupe dans les villages
Pour réduire davantage les prix, les paysans rapportent
que les collecteurs utilisent des arguments pour les convaincre. La figure 6
nous montre que 44 % des paysans citent le mauvais état des routes et le
transport élevé comme le principal argument utilisé par
les collecteurs. 30 % des paysans notent les prix bas offerts par les
grossistes dans les marchés et 26 % pour l'abondance du produit dans
les marchés comme autres arguments.
Figure 6: Arguments utilisés par les collecteurs pour
réduire les prix
4.2.4- Quelques fonctions du marketing et leurs
implications
Dans le circuit de commercialisation de Irvingia dans la
zone, la production des amandes, la conservation, la transformation et le
transport ont été reportés comme étant les
principales fonctions d'intérêt dans cette étude.
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