UNIVERSITE DE NANTES - UNIVERSITE PARIS II PANTHEON ASSAS -
UNIVERSITE PARIS X NANTERRE -
UNIVERSITE PARIS XII VAL DE MARNE - AGENCE
UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE
A vos côtés, j'ai toujours la force et la motivation
Pour entreprendre et réussir
La rédaction du présent mémoire me donne
le privilège et l'opportunité de remercier très
sincèrement l'ensemble du corps professoral du DUDF
ayant assuré mon encadrement. Leur engagement et leur grande expertise
juridique m'ont permis de m'initier et d'approfondir en même temps nos
connaissances dans un domaine aussi complexe que celui des droits fondamentaux.
Mes remerciements vont également au personnel administratif de
l'Université de Nantes dont le professionnalisme m'a permis
d'accéder aux cours et de préparer nos examens dans les
meilleures conditions. Qu'il me soit permis ici de faire une motion
spéciale à l'endroit de Mme Brigitte Gassie
toujours à notre disposition pour apporter les réponses à
nos multiples et diverses sollicitations.
Ce travail a été surtout possible grâce
à la compréhension et au soutien dont j'ai pu
bénéficier au près de CARE International,
mon employeur. Je voudrais saisir cette occasion pour remercier infiniment la
direction de CARE International au Niger et en particulier mon superviseur
Mme Hadjia Mariama Trapsida Diallo, Administrateur National,
qui a été sensible à ma situation et m'a permis
régulièrement d'aménager mon programme de travail et de
prendre des jours de récupération pour mener à bien mes
études et travaux de recherche.
appuis techniques ont été pour moi à la
fois une source de motivation et un soutien considérable dans la
poursuite des études.
Je voudrais aussi et surtout témoigner ma
reconnaissance au Centre de Formation et de Documentation en Droits de l'Homme
de l'ANDDH de Niamey qui m'a permis d'accéder à des ouvrages
spécialisés. La disponibilité et le professionnalisme de
M. Issaka Namaya, Responsable du centre et de son Assistant,
M. Ahmed Tidjani, m'ont à tout point de vue rendu mes
recherches agréables. Je vous en remercie.
Ce mémoire rentre dans le cadre de la
préparation du Diplôme d'Etudes Universitaires de 3e
cycle en Droits Fondamentaux auprès de l'Université de Nantes en
France.
L'enseignement à distance est toujours un défi
pour les étudiants. Ce défi se présente avec une
difficulté particulière lorsqu'on a, comme c'est notre cas, des
activités professionnelles.
Mais dans le contexte nigérien, un autre défi ;
pour quiconque veut entreprendre des études de 3e cycle, est
celui de la documentation. Les ressources bibliographiques sont rares et
l'accès aux documents officiels n'est pas toujours aisé. En
formulant notre thème de recherche, nous étions très loin
d'imaginer qu'obtenir un texte de loi, les références d'un
arrêt, une étude ou tout autre document officiel pouvait relever
du parcours du combattant.
Etant donné que, par souci de rigueur, nous avons
décidé de ne nous appuyer que sur des documents authentiques et
de travailler directement sur les sources premières (loi, conventions,
décrets, ordonnances, etc.), nous nous sommes vite retrouvé
confronté à la dure réalité. Pour avancer plus
rapidement dans le travail, il nous fallait soit nous contenter des entretiens
et des journaux pour obtenir certaines informations, soit envisager la
révision du thème pour réorienter nos recherches dans un
autre sens. Aucune de ces options n'étant pour nous satisfaisante, nous
les avons toutes rejetées. C'était un grand risque car nous
devons fournir un produit dans un délai bien déterminé ;
mais l'importance du thème et le niveau de la formation nous
commandaient de travailler avec des sources sûres de manière
à pouvoir établir la preuve de chaque information
publiée.
Avec la persévérance et l'appui d'amis et de
connaissances, nous avons finalement pu réunir les principaux documents
essentiels pour traiter le sujet.
Loin de nous l'idée de tirer la moindre gloriole de
cette situation. En évoquant ces difficultés nous avons
simplement voulu expliquer les limites de notre travail qui n'a pas la
prétention d'épuiser le sujet. Tant s'en faut ! Notre objectif
est d'apporter une contribution à l'étude des droits politiques
de la femme nigérienne.
Nous espérons fournir de la matière pour d'autres
recherches et réflexions sur le même
sujet ou des domaines connexes.
L'étude de l'effectivité des droits
politiques de la femme sous la Ve République au Niger
nécessite un bref aperçu de l'histoire et de la
définition des droits politiques mais également une
présentation sommaire de leur lente évolution au Niger.
Les droits politiques ont depuis très longtemps
été, aux côtés des droits civils, au centre des
préoccupations sur les droits de l'homme. L'on retrouve
déjà dans la Déclaration française des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, leur formulation sous une forme universelle.
Cette déclaration énonce notamment que « la loi est
l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont
droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à
sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant
égaux à ses yeux, sont également admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité
et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
»1
Si la référence ici faite à la notion de
citoyen renvoyait à une qualité, voire une catégorie,
aujourd'hui « la distinction entre droits de l'homme et droits du
citoyen peut être considérée comme une simple question de
terminologie : sa solution est alors indifférente (...) Mais on peut
également estimer que l'homme a droit à être citoyen et que
par conséquent la seconde catégorie résorbe la
première. »2
Avec la Déclaration Universelle des droits de l'Homme
du 10 décembre 1948, les droits politiques sont affirmés comme
des droits de l'homme purement et simplement.
Les droits politiques sont des droits subjectifs,
c'est-à-dire des prérogatives et libertés appartenant ou
censées appartenir à des individus. Selon J.M. Denquin, «
il est hors de doute que le droit subjectif de chacun, ce sentiment simple
mais intense d'avoir son mot à dire sur la marche des affaires publiques
constitue le coeur des droits politiques.»3 Si la ligne de
démarcation entre les droits civils et les droits politiques n'est pas
toujours nette4, la Convention sur les droits politiques des femmes
(ce qui nous intéresse précisément dans le cadre de cette
étude) nous permet de délimiter, pour les besoins de notre
thème de recherche, le contenu des droits politiques. Cette convention
énumère au fil de ses articles le droit de
1 Article 6 de la Déclaration des droits de
l'Homme et du citoyen du 26 août 1789
2 Denquin J M, Les droits politiques, Paris,
Montchrestien, 1996, P 13
3 Ibid. P 9
4 Comme d'ailleurs tous les droits de l'homme dont
l'interdépendance et l'indivisibilité ont été
soulignées par la Conférence mondiale des droits de l'homme
réunie à Vienne en juin 1993
vote, le droit d'être éligible aux organismes
publiquement élus, le droit d'occuper des postes publics et d'exercer
des fonctions publiques. Pour élargir les bases de notre analyse, nous
associerons dans une certaine mesure la liberté d'association aux droits
ci-haut cités.
La définition et le contenu des droits politiques
semblent poser moins de problème que leur acceptation comme des droits
inaliénables et inhérents à la nature humaine par les
Etats composant la communauté internationale. Ils ont été,
avec les droits civils, au centre de vieilles querelles idéologiques
entre partisans de la primauté des droits civils et politiques et
partisans des droits économiques, sociaux et culturels.5 Un
tel débat dont le but n'est manifestement pas d'assurer une meilleure
garantie pour les droits de l'homme tranche avec l'engagement de la charte des
Nations Unies de favoriser «le respect universel et effectif des
droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.»6
En plus du constat que l'on peut faire que les Etats qui réfutaient les
droits civils et politiques formaient précisément la partie du
monde où la démocratie avait le plus de difficultés
à se développer, cette polémique est désormais
révolue.
La déclaration de la Conférence mondiale des
droits de l'homme réunie à Vienne en juin 1993 proclame en son
point 5 que « tous les droits de l'homme sont universels,
indissociables, interdépendants et intimement liés. La
communauté internationale doit traiter des droits de l'homme
globalement, de manière équitable et équilibrée,
sur un pied d'égalité et en leur donnant la même
importance. »
En Afrique, l'exercice des droits politiques n'a pas toujours
été aisé pour leurs bénéficiaires. La
plupart des Etats africains qui accéderont à
l'indépendance plus d'une décennie après l'adoption de la
Déclaration adhéreront à la charte de l'ONU et ratifieront
les principaux instruments des droits de l'homme7 sans toutefois
traduire immédiatement dans les faits cette quête d'une
société démocratique favorable à
l'épanouissement et à la jouissance des droits fondamentaux.
Comme le fait remarquer Kéba Mbaye, après les
indépendances, la grande majorité des régimes
installés aux commandes des jeunes Etats africains ont longtemps «
prôné le monopartisme et l'autoritarisme sous prétexte
de sauvegarder l'unité nationale, la sécurité et le
développement. »8
Dans ce contexte où le coup d'Etat était le
principal mode de conquête du pouvoir, où tous les citoyens sont,
par cette qualité même, d'office membres du seul parti Etat
là où il
5 voir notamment Perter Uvin, Human Right and
development, éd. Kumarian Press, 2004
6 Article 55-c dela charte des Nations Unies
7 voir F. Ouguergouz, la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, Paris, PUF, 1993, p23
8 ibid., préface, pxx
existe, où la participation des citoyens à la
vie publique était rigoureusement encadrée ; on peut se poser la
question de savoir si les droits politiques avaient un sens.
Aujourd'hui avec l'ouverture démocratique et la fin de
l'Apartheid en Afrique du Sud, nombre d'africains peuvent participer à
la vie publique de leur pays. Mais force est de constater ici et là que
les gouvernements, les Assemblées nationales, les principales
institutions constitutionnelles sont investis par les hommes ; les femmes
étant en général très faiblement
représentées. Il faut convenir avec Danièle Lochak que
« la citoyenneté politique peut (...) devenir une forme vide
face à certaines formes d'exclusion qui font obstacle à
l'exercice des droits rattachés à la citoyenneté.
»9 L'on peut alors se demander si dans ces pays, les femmes
jouissent pleinement de leurs droits de citoyennes. L'efficacité des
droits politiques repose sur la capacité individuelle et l'existence
d'un cadre institutionnel favorisant leur exercice. Ce qui nous conduit
à mieux préciser le terme
effectivité associé aux droits
politiques dans le thème de cette étude. A ce niveau, la
définition donnée par Jean Salmon nous paraît
satisfaisante. Pour lui, l'effectivité est « le
caractère de ce qui existe en fait. C'est la qualité d'une
situation juridique qui correspond à la réalité, d'une
compétence qui s'exerce réellement. »10
La participation politique des femmes est donc un des
défis auxquels font actuellement face les jeunes démocraties
africaines. Ce défi, le cinéaste engagé sud africain,
Ramadan Suleman, l'exprime dans des termes qui lui sont propres lorsqu'il parle
de son film « Fools » montrant le rôle joué par
les femmes dans la lutte contre l'Apartheid : « J'ai voulu montrer que
nous sommes, en Afrique du Sud, dans une phase de reconstruction où les
hommes doivent impérativement considérer leurs relations avec les
femmes. Si nous ne prenons pas les femmes en compte, on ne reconstruira pas.
Parce que ce ne sont pas les femmes qui ont détruit l'Afrique. Ce sont
les hommes.»11
Au cours de cette étude, nous allons nous appesantir
sur l'effectivité des droits politiques des femmes sous la Ve
République au Niger.
Ancienne colonie française d'Afrique de l'Ouest, le
Niger accède à la souveraineté internationale le 03
août 1960. C'est un vaste pays qui couvre une superficie de 1 267 000
km2. Sa population est estimée, selon le recensement
général de la population de 2001, à 11.060.291 habitants
dont 50,13% de femmes. L'Islam est la religion pratiquée par plus de
9 Lochak D., « Les droits de l'homme
» ,Paris, éd. La Découverte, 2004, P 76
10 SALMON J., Dictionnaire de droit international
public, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp 411-412
11 cité par Hoffelt Sophie, « Les femmes
réalisatrices en Afrique Subsaharienne » in l'Afrique
politique : femme d'Afrique, Editions Kartala, 1998, P29
90 % des Nigériens. Le Christianisme et les cultes
animistes ou religions traditionnelles africaines sont minoritaires par le
nombre de leurs adeptes.
Un bref aperçu de l'histoire constitutionnelle et
institutionnelle du Niger nous permettra de mieux cerner l'évolution des
conditions d'exercice des droits politiques de la femme nigérienne de la
Première République jusqu'à la Cinquième. Dans le
cadre de cette étude, il ne nous a pas paru opportun de nous
étendre sur la période pré-coloniale dont l'étude
ne manquera pas de poser quelques problèmes d'ordre pratique et de
recherche de cohérence. A cette époque, « les
institutions politiques présentaient une grande variété
à l'intérieur de l'espace nigérien. »12
Quant à la période coloniale (1898 - 1960),
même si elle a profondément marquée l'histoire du Niger,
son intérêt pour notre thème est bien modeste. Les droits
de l'homme d'une manière générale et les droits politiques
des femmes n'étaient pas au centre des préoccupations de
l'administration coloniale. Ainsi comme le souligne Abdou Hamani, sous l'empire
colonial, les femmes nigériennes étaient soumises à une
double oppression : « La première qui touchait également
le reste de la population, était le fait de l'administration
coloniale(...) La seconde découlait de la situation
d'inégalité des genres au sein de la famille(...) Le pouvoir
colonial avait évidemment tout intérêt à maintenir
à l'écart à peu près la moitié de la
population assujettie. »13
Du point de vue de l'évolution des droits politiques
des femmes au Niger, nous pouvons distinguer trois (3) grandes périodes
ayant précédé la Ve République qui
représente le cadre institutionnel de notre étude : de 1960
à 1989 ; de 1989 à 1992 et de 1992 à 1999
~ période de 1960 à 1989, une
période riche pour la proclamation des droits
fondamentaux mais fruste quant à leur exercice
effectif :
Cette période couvre la Première
République fondée en 1960 et qui prendra fin avec le coup d'Etat
du 14 avril 1974 marquant ainsi le début d'un régime d'exception
qui se prolongera jusqu'en 1989.
Admis à l'ONU dès 1960, le Niger est donc
lié par tous les engagements de la charte des Nations Unies notamment
ceux relatifs à la sauvegarde des droits fondamentaux.
La constitution du 08 novembre 1960 est la première
constitution du Niger indépendant. Jean Jacques Raynal décrit la
Première République comme « un régime
présidentiel à prépondérance du
Président.»14 Le préambule de la
constitution fait référence
12 Hamani Abdou, les femmes et la politique au
Niger, Niamey, édition Démocratie 2000, 2000, p26
13 ibid, p 41-42
14 Raynal J J, Les institutions politiques du
Niger, Sépia, Paris, 1993, p 20
aux principes de démocratie et des droits de l'homme
définis dans les déclarations des droits de l'homme de 1789 et de
1948. Son article 6 garantit « à tous l'égalité
devant la loi sans distinction d'origine, de race, de sexe ou de
religion». L'article 7 de la constitution du 08 novembre 1960 affirme
l'existence des partis politiques. Le 07 décembre 1964, notification est
faite de la succession de la République du Niger à la convention
sur les droits politiques des femmes entrée en vigueur dix (10) ans plus
tôt.
Mais dans beaucoup de pays africains, le contraste entre les
droits et libertés formellement proclamés et le sort qui leur est
réservé est saisissant. Au Niger, malgré la Constitution
qui permet le multipartisme ; le PPN/RDA15, parti
contrôlé par le Président de la République,
était un parti unique et « a investi tous les rouages de l
'Etat » .16 En réalité, le terrain avait
été, pour ainsi dire, préparé pour le PPN/RDA un an
avant la proclamation de l'Indépendance. L'ordonnance n° 59-101 du
4 juillet 1959 mettait en effet entre les mains du régime PPN/RDA un
pouvoir redoutable : « tout parti politique, syndicat ou association
dont les activités troublent gravement l'ordre public pourront
être dissous par décret». En application de cette
ordonnance, la dissolution du Sawaba, le seul parti d'opposition, sera
prononcée le 12 octobre 195917.
Le parti était l'ascenseur social et le tremplin pour
toute promotion politique, principalement pour les hommes. Manifester des
idées politiques en dehors du cadre du parti unique était
considéré comme une activité subversive et
réprimée en conséquence18. Se présentant
seuls face aux électrices et aux électeurs, le Président
de la République et les candidats à la députation
étaient assurés d'une victoire facile et certaine. On peut
d'ailleurs se demander si le droit de vote ainsi exercé, sans choix
possible, n'était pas aussi une forme d'oppression, les résultats
connus d'avance ne reflétant pas toujours la volonté des
citoyennes et des citoyens. Les femmes, même lorsqu'elles militent dans
le parti n'ont pas l'occasion d'influencer le cours des choses ou de contribuer
aux réflexions sur les orientations du pays.
En fait, le régime et le parti ne semblent même
pas avoir pareilles attentes à l'endroit des femmes. Diori Hamani,
Président de la République et Secrétaire
Général du PPN/RDA, parti unique, nous donne des indications sur
la place des femmes : « les méthodes éprouvées de
lutte anti-colonialiste adaptées avec intelligence aux
particularités de chaque pays mettent en lumière la part prise
par les femmes dans les mouvements d'émancipation et de
libération
15 Le Parti Progressiste Nigérien , section
nigérienne du Rassemblement Démocratique Africain
16 Raynal JJ, op cit., p 21
17 Décret n°59-174 du 12 octobre 1959
18 Un grand procès politique organisé
en mai 1965 prononcera cinq condamnations à mort et plus de quarante
peines de prison. D'autres procès suivront jusqu'en 1969.
des peuples colonisés(...) Militantes
infatigables, elles ont un sens de solidarité qui fait l'admiration de
tous : mariages, naissances et baptêmes, décès, visites aux
malades, réception des délégués étrangers
à leur ville ; elles ne manquent aucune occasion pour cimenter les liens
du parti, attirer d'autres militants. »19 Cette
réflexion nous fait penser qu'en dépit d'un droit de vote formel
et de l'adhésion du Niger à plusieurs instruments relatifs aux
droits de l'homme, le sort de la femme nigérienne dans les années
60, sur le plan politique, est à peine meilleure que celui de la femme
dans la cité de la Grèce antique décrite par Claude
Mossé en ces termes : « mineures donc, marginales, exclues de
ce « club d'hommes » qu'est la cité, à laquelle elles
ne participent à la vie que par le biais des manifestations religieuses.
»20 Sous la première République (1960 -
1974), les femmes resteront à l'écart des nominations aux postes
politiques et ses différents gouvernements et parlements seront
exclusivement animés par des hommes.
Le régime issu du coup d'Etat militaire du 15 avril
1974 dirigé par le Conseil Militaire Suprême (CMS) ne sera pas non
plus un modèle en matière de respect des droits fondamentaux et
conséquemment des droits politiques de la femme. L'Assemblée
Nationale, le parti Etat de la première République dissous, la
constitution de novembre 1960 suspendue21, le Niger rentre dans une
nouvelle ère qui s'étendra jusqu'en 1989 et que Jean- Jacques
Raynal appelle la « militarocratie »22,
très en vogue en Afrique. Le Conseil Militaire Suprême (CMS)
composé uniquement d'officiers (tous des hommes) réaffirme
l'appartenance du Niger « à toutes les organisations
internationales à l'échelle du continent africain et à
celle de la Communauté Internationale, le respect de tous les
engagements précédemment souscrits... »23
Un an après le coup d'Etat, le Chef de l'Etat, le
Lieutenant-colonel Seyni Kountché reconnaît la marginalisation des
femmes dans un discours prononcé le 16 mai 1975. Pour lui, «
bien que dans les domaines politiques et juridiques la République
prescrit pour tous ses enfants l'égalité devant la loi sans
distinction d'origine, de race, de sexe ou de religion, on relève au
niveau des institutions, plusieurs dispositions discriminatoires qui
écartent les femmes de certaines prérogatives et fonctions, qui
leur bouchent bien des issues modernes de
19 Cité par Hamani Abdou, op cit. P 44
20 Mossé Claude, La femme dans la
Grèce antique, Paris, Albin Michel, 1983, p 90
21 En plus de la proclamation du Conseil Militaire
Suprême en date du 15 avril 1974, l'Ordonnance n° 74-01 du 22 avril
1974 prononce formellement la suspension de la constitution.
22 Raynal JJ, op cit. P 24
23 Proclamation du Conseil Militaire Suprême en
date du 15 avril 1974 prononcée par le Lieutenant-colonel Seyni
Kountché
promotion et qui retardent d'autant l'avènement
d'une élite féminine nigérienne. »24
Faut-il voir dans la création de l'Association des Femmes du Niger (AFN)
en 1975 et celle d'une Direction de la promotion de la femme en 1981, une
volonté de favoriser le respect des droits politiques des femmes ou un
simple clin d'oeil face à l'éveil du féminisme et à
la prise en compte des droits des femmes par les organisations internationales
dans leurs agendas officiels ?
L'AFN tout comme la Samaria (mouvement des organisations de
jeunesse) ne sont que des instruments de mobilisation au service du
régime, dont l'influence est bien relative. Faisant partie du
système qui les contrôle et les utilise à sa guise, ces
structures ne peuvent d'ailleurs jouer un rôle décisif dans la
garantie des droits politiques des femmes.
L'internationalisation du mouvement féministe
paraît alors une piste intéressante dans la recherche d'une
réponse à la question posée plus haut. L'influence
politique du féminisme, on le sait, ne fut pas confinée dans les
limites nationales. Les Nations Unies ont par exemple
célébré la « Décennie de la femme »
(1975 - 1985) avec une série de conférences internationales
à Mexico, Copenhague et Nairobi. Ces conférences « ont
mis en lumière l'ampleur de la mobilisation féministe, et son
impact aussi bien dans les pays développés que dans les pays en
voie de développement ».25
Le 7 mars 1986, le Niger ratifiera le pacte international
relatif aux droits civils et politiques et le protocole facultatif s'y
rapportant en même temps que le pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels.26 Au cours de la
même année, la charte africaine des droits de l'homme sera
ratifiée par la République du Niger. Ceci marque une
avancée qui restera tout de même formelle car les conditions de
garantie et d'exercice des droits proclamés n'ont pas suivi. Il n'y
avait ni opposition, ni élections politiques et la situation des femmes
au niveau des postes de responsabilité n'a connu aucune évolution
significative. Ramené au précis du Niger, le constat suivant de
Chaibou Maman conserve toute sa pertinence : « les femmes de plusieurs
pays sont devenues juridiquement éligibles alors qu'elles n'avaient pas
le pouvoir de voter : curieux paradoxe ».27
Il a fallu attendre 1988 pour voir la première femme
siéger au Conseil des Ministres, en tant que Secrétaire d'Etat
chargée des affaires sociales au Ministère de la Santé et
des
24 Secrétariat de la Présidence de la
République, Lieutenant- colonel Seyni Kountché : discours et
messages (15 avril 1974 - 15 avril 1975), Niamey, INN, 1975, p91
25 Ergas Yasmine, « les luttes féministes
des années 1970... » in Problèmes politiques et sociaux
n° 835, mars 2000, p 46
26 Ordonnance n°86-17 du 24 avril 1986
publiée dans le Journal Officiel de la République du
Niger n° 9 du 1er mai 1986, p 434
27 Maman Chaibou, Rerpertoire biographique, vol. 1
: les parlementaires, Niamey, Démocratie 2000, 1999 , p 422
affaires sociales. La création du Ministère des
affaires sociales et de la condition féminine en mai 1989,
confiée à une femme, annonce une nouvelle étape dans la
promotion des droits des femmes.
~ La période de 1989 à 1992 : la gestation
de la démocratie :
La IIe République est fondée par la
constitution du 24 septembre 1989 dont le préambule se
réfère aux principes de la démocratie et des droits de
l'homme proclamés par les déclarations de 1789 et 1948 ainsi que
par la charte africaine des droits de l'homme. Le titre III est consacré
aux « droits et libertés du citoyen .»
La « décrispation
» dont le Général Ali Saibou, Président de la
République, a fait son mot d'ordre va commencer, timidement mais
sûrement, à se traduire en changements qualitatifs tant sur le
plan institutionnel que sur le plan des droits et libertés. Et cela, en
dépit du monopartisme consacré par le titre V de la constitution.
Le nombre de femmes passera à deux (2) au Gouvernement et à
l'issue des élections législatives (liste unique du Mouvement
National pour la Société de Développement, Parti Etat) du
10 décembre 1989, cinq femmes font, pour la première fois au
Niger, leur entrée au parlement. Mais les nigériennes et les
nigériens ne se contenteront pas de la « décrispation
politique » et, les changements vont s'accélérer
à partir de 1991.
De 1990 à 1991 les femmes participeront en tant que
syndicalistes, scolaires et membres des structures de la société
civile à toutes les luttes pour l'instauration d'une démocratie
véritable. Ces efforts seront dans un premier temps simplement
niés par les membres de la Commission Nationale Préparatoire de
la Conférence Nationale (CNPCN) qui ont voulu limiter la participation
des femmes à cette instance sous prétexte qu'elles
représentaient le pouvoir en place. Comment les forces d'opposition au
régime appelées communément « les forces vives de
la nation » pouvaient-elles justifier l'absence des femmes dans la
commission chargée de préparer la Conférence Nationale
devant définir des nouvelles bases pour la construction du Niger ? Face
à cette exclusion, les femmes se mobiliseront et descendront dans la rue
le 13 mai 1991 pour exiger une participation significative aux travaux de la
CNPCN. Cette marche mémorable interrompit les travaux de la «
CNPCN qui est alors contrainte d'accepter l'entrée de six (6) femmes
en son sein »28. La date du 13 mai sera instituée
« Journée Nationale de la Femme Nigérienne
» par le Décret n° 92-370 PM/MDS/P/PF du 25 novembre 1992.
28 Hamani Abdou, op cit. P 51
· La période de 1992 à 1999 :
les femmes revendiquent plus de participation
Cette période sera riche en événements
et le Niger connaîtra quatre régimes parmi lesquels régimes
constitutionnels et régimes d'exception alterneront avec hélas la
violence et les privations de liberté qui caractérisent ces
derniers.
Après une courte période de transition (1991
-1992), le pays entre dans sa IIIe République avec la constitution du 26
décembre 1992. C'est le premier régime véritablement
démocratique dans l'histoire moderne du pays. La constitution consacre
un multipartisme intégral (article 10) et garantit les droits et
libertés des citoyens (Titre II). Les femmes vont s'investir dans les
partis politiques et se regrouperont en associations pour mieux
s'émanciper. Le nombre de femmes au Gouvernement connaîtra une
amélioration qui se maintiendra jusqu'à la IVe République
(1996- 1999) tandis qu'au parlement, de cinq (5) au cours de la première
législature, le nombre de femmes députées tombera à
trois (3) sous la seconde et dernière législature de la IIIe
République. L'Assemblée Nationale de la très
mouvementée Quatrième République29 ne comptera
qu'une seule femme en son sein.
Comme nous l'avons évoqué, l'émergence
des associations féminines est concomitante à l'engagement massif
des femmes dans les partis politique mais les deux phénomènes
auront des impacts différents. D'un côté, le dynamisme et
la visibilité des nouvelles associations féminines ne font aucun
doute, et elle seront même appuyées par plusieurs Organisations
Non Gouvernementales (ONG) et institutions internationales oeuvrant dans le
domaine de l'émancipation de la femme. De l'autre côté, les
femmes seront beaucoup plus des mobilisatrices d'électrices et
d'électeurs que de véritables leaders dans les partis politiques
pouvant modifier de façon significative la réalité leur
participation politique qui restera faible en comparaison de celle des hommes.
Cette analyse de Aminata Diaw Cissé sur l'expérience de la
participation politique des femmes sénégalaises au cours de la
même période est bien valable pour les nigériennes : «
médiatrices dans le dispositif de patronage, elles continuent
à participer à la théâtralisation du politique sans
en être véritablement les initiatrices. »30
29 Pour se maintenir au pouvoir les militaires
auteurs du coup d'Etat du 27 janvier 1996 vont doter le pays d'une
constitution. Ils organisèrent des élections mais la commission
électorale sera dissoute avant même la proclamation des
résultats. Ce qui ouvrit la voie à de vives contestations dans
tout le pays et les principaux partis politiques ne donneront pas de
répit au régime jusqu'à sa chute tragique le 9 avril 1999
à la suite d'un coup d'Etat militaire qui coûta la vie au
Président Ibrahim Baré Mainassara.
30 Diaw C. Aminata, Femme, Ethique et Politique,
Dakar, Fondation Friedrich Ebert, 1998, P18
Toutefois, au regard de l'exclusion dont elles ont
été victimes pendant si longtemps, les acquis capitalisés
par les femmes dans la réalisation de leurs droits politique ne sont pas
négligeables même s'ils demeurent insuffisants.
La constitution du 09 août 1999 marque
l'avènement de la Ve République dont l'expérience se
poursuit encore aujourd'hui. Avec des élections libres et pluralistes,
une opposition politique reconnue, active et dotée d'un statut
légal31, une presse indépendante et la garantie de la
liberté d'association et de réunion, sans être dans la
démocratie parfaite (s'il en existe !), les conditions juridiques et
institutionnelles propices à la promotion des droits fondamentaux se
mettent en place, au rythme du Niger qui n'échappe pas à
l'influence de son contexte économique et culturel. La Ve
République est le régime démocratique le plus stable, au
moins du point de vue de la durée, qu'ait connu le Niger
indépendant.
Dès lors, la problématique au centre de notre
étude est la suivante : Les droits politiques de la femme
sont-ils effectivement garantis sous la Ve République au Niger
? Cette question nous amènera à aborder à la fois
l'affirmation des droits politiques de la femme et leur réalisation.
Notre hypothèse principale est que la stabilité
démocratique de la Ve République et le contexte international ont
favorisé le respect et l'exercice des droits politiques en
général et en particulier ceux des femmes longtemps victimes
d'exclusion sous les régimes précédents. Une
hypothèse secondaire part du postulat que l'évolution
amorcée au Niger dans les années 90, sur le plan des droits
politiques de la femme, a été maintenue et renforcée.
Le thème de notre recherche a donc toute sa
pertinence. Etudier l'effectivité des droits politiques de la femme sous
la Ve République a un intérêt scientifique
évident.
Cet intérêt suppose donc l'apport de la
présente étude dans le monde de la science et de la recherche, en
ce qui concerne la problématique de l'effectivité des droits
politiques de la femme au Niger, pays sous développé en
transition démocratique. Ainsi, notre travail est original dans la
mesure où il s'intéresse à une catégorie de droits
au coeur de la citoyenneté mais qui, en dépit d'une
législation abondante, n'a pas toujours bénéficié
d'un cadre institutionnel et politique favorable à son exercice sous les
régimes précédents. Cette originalité est de
surcroît renforcée par le fait que le thème cible une
catégorie particulière de bénéficiaires longtemps
privées de leurs droits à tous les niveaux, du ménage
jusqu'à l'échelle de la communauté nationale. La
construction d'un Etat moderne, la quête d'une démocratie
31 Ordonnance n° 99-60 du 20 décembre
1999
véritable et la nécessité de la
promotion des droits de l'homme au Niger font de la réhabilitation des
femmes dans leurs droits politiques une exigence fondamentale.
Il s'agira pour nous d'examiner les textes fondamentaux
relatifs au sujet dans une démarche juridique et d'étudier les
effets de Jure et de Facto qu'ils ont produits et qu'ils produisent
réellement ou potentiellement. Ce qui permettra assurément de
dégager d'autres pistes de recherche ou d'action pour approfondir la
problématique de la démocratie et des droits politiques des
femmes au Niger ou dans les pays sous développés en
général.
Pour traiter de la question de l'effectivité des
droits politiques de la femme sous la Ve République au Niger nous avons,
à dessein, opté pour un plan en deux parties. La première,
essentiellement analytique, s'articule autour de l'examen des textes
fondamentaux en la matière et tentera de vérifier la
cohérence technique du droit positif nigérien. Quant à la
deuxième partie, elle est beaucoup plus critique car évaluant
l'efficacité des mécanismes nationaux de garantie des droits
politiques de la femme nigérienne. Evaluation de l'efficacité qui
passera nécessairement par une lecture de la réalité de la
participation politique des femmes sous l'éclairage des
prérogatives reconnues et offertes par les textes pertinents.
Ainsi donc l'étude du cadre juridique de la
participation politique des femmes sous la Ve République au Niger avec
ses avancées (Partie 1) nous permettra de procéder
à l'appréciation de la réalité de
l'exercice des droits politiques de la femme nigérienne dans ses
anachronismes (partie 2).