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CAMPUS NUMERIQUE
CODES
« Campus Ouvert Droit, Ethique et
Société »
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UNIVERSITE DE NANTES - UNIVERSITE PARIS II PANTHEON ASSAS -
UNIVERSITE PARIS X NANTERRE - UNIVERSITE PARIS XII VAL DE MARNE - AGENCE
UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2005-2006
L 'EFFECTI VITE DES DROITS POLITIQUE DE LA
FEMME SOUS LA Ve REP UBLIQ UE AU NIGER
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MEMOIRE DE RECHERCHE POUR L'OBTENTION DU DIPLÔME
D'UNIVERSITÉ DE 3e CYCLE
"DROITS FONDAMENTAUX"
présenté par : Hassane
HAMADOU Tuteur :
Claire CALLEJON Université Paris II
Panthéon-Assas
DEDICACE
A
Mon épouse Ramatoulaye
Mes enfants Mohamed et
Aboubacar
Je dédie ce mémoire
Pour l'amour et le bonheur que vous m'offrez
A vos côtés, j'ai toujours la force et la motivation
Pour entreprendre et réussir
Je suis fier de vous
Cette famille qui me rend si heureux
REMERCIEMENTS
La rédaction du présent mémoire me donne
le privilège et l'opportunité de remercier très
sincèrement l'ensemble du corps professoral du DUDF
ayant assuré mon encadrement. Leur engagement et leur grande expertise
juridique m'ont permis de m'initier et d'approfondir en même temps nos
connaissances dans un domaine aussi complexe que celui des droits fondamentaux.
Mes remerciements vont également au personnel administratif de
l'Université de Nantes dont le professionnalisme m'a permis
d'accéder aux cours et de préparer nos examens dans les
meilleures conditions. Qu'il me soit permis ici de faire une motion
spéciale à l'endroit de Mme Brigitte Gassie
toujours à notre disposition pour apporter les réponses à
nos multiples et diverses sollicitations.
Que Mme Claire Callejon de
l'Université Paris II Panthéon-Assas, mon tuteur de
mémoire, trouve ici l'expression de ma profonde gratitude. Elle a su me
guider et m'orienter avec patience et un grand esprit d'ouverture. Mme Callejon
a fait preuve de beaucoup de compréhension à mon endroit
lorsqu'il s'était agi pour moi de redéfinir le thème du
mémoire. Elle a également fait preuve de beaucoup de
tolérance dans le suivi de l'avancement du travail en manifestant de
l'empathie quant aux conditions dans lesquelles je travaille. Ses observations
pertinentes m'ont permis d'améliorer la qualité de mon travail.
Mme Callejon, je vous en suis très reconnaissant.
Je remercie le Pr Dominique Pennel et le
personnel du Campus Numérique de l'AUF à Niamey dont la
disponibilité nous a permis d'accéder aisément au
matériel de la formation.
Ce travail a été surtout possible grâce
à la compréhension et au soutien dont j'ai pu
bénéficier au près de CARE International,
mon employeur. Je voudrais saisir cette occasion pour remercier infiniment la
direction de CARE International au Niger et en particulier mon superviseur
Mme Hadjia Mariama Trapsida Diallo, Administrateur National,
qui a été sensible à ma situation et m'a permis
régulièrement d'aménager mon programme de travail et de
prendre des jours de récupération pour mener à bien mes
études et travaux de recherche.
Je voudrais aussi à travers CARE International au
Niger, remercier Mme Moumine Hadj ara qui a assuré la
mise en forme de ce document.
Je remercie également M. Soumana
Hamadou qui m'a poussé vers cette formation et n'a cessé
de m'encourager tout le long de l'année.
Je voudrais témoigner à travers ces lignes toute
ma reconnaissance à M. Garba Lompo, Président de
la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés
Fondamentales (CNDHLF) et Spécialiste en Droits Fondamentaux dont les
sages conseils et
appuis techniques ont été pour moi à la
fois une source de motivation et un soutien considérable dans la
poursuite des études.
Je dois beaucoup à M. Saidou
Waliyakoye, Conseiller juridique du Président de la CNDHLF qui
a été mon mentor. Il m'a apporté un appui technique et
méthodologique inestimable et m'a permis de mieux préparer mes
examens. Cet expert en Droits de l'Homme a répondu à toutes mes
sollicitations et m'a offert une riche documentation et des éclairages
pertinents sur des questions variées en rapport avec ma formation.
Mme Barkiré Mariama Mabeye, Chef du
Projet de mobilisation des ressources des femmes et Empowerment à CARE
International au Niger m'a permis d'accéder à une documentation
riche et particulièrement utile à mes travaux de recherche.
Je remercie très sincèrement Dr Halidou
Moussa qui m' beaucoup appuyé dans la rédaction du
mémoire tant du point de vue méthodologique que dans mes
recherches.
M. Boubacar Seyni Gagara, historien,
journaliste et homme de culture, m'a soutenu et a partagé avec moi sa
connaissance de la société nigérienne. Il a accepté
de relire mon travail en dépit de ses nombreuses occupations. Qu'il
trouve ici l'expression de ma profonde gratitude.
Je tiens particulièrement à remercier
Mme Moussa Satou, Magistrat et Présidente de
l'Association des Femmes Juristes du Niger (AFJN), qui a mis gracieusement
à ma disposition des informations essentielles et une documentation
très riche sur les droits de la femme nigérienne.
Je voudrais aussi et surtout témoigner ma
reconnaissance au Centre de Formation et de Documentation en Droits de l'Homme
de l'ANDDH de Niamey qui m'a permis d'accéder à des ouvrages
spécialisés. La disponibilité et le professionnalisme de
M. Issaka Namaya, Responsable du centre et de son Assistant,
M. Ahmed Tidjani, m'ont à tout point de vue rendu mes
recherches agréables. Je vous en remercie.
Je ne saurai terminer sans adresser mes vifs remerciements aux
Archives Nationales de la République du
Niger qui m' ont permis d'exploiter une quantité importante de
textes nationaux et internationaux.
Je remercie toutes celles et tous ceux qui
m'ont apporté un soutien de près ou de loin dans le cadre de ce
travail. Que ceux et celles que je n'ai pas pu citer nommément m'en
excusent et qu'ils/elles sachent que je les estime beaucoup.
Je remercie les étudiantes et les étudiants
de la 10e promotion DUDF avec qui j 'ai eu des
échanges encourageants et enrichissants à travers le forum des
étudiants.
AVANT PROPOS
Ce mémoire rentre dans le cadre de la
préparation du Diplôme d'Etudes Universitaires de 3e
cycle en Droits Fondamentaux auprès de l'Université de Nantes en
France.
L'enseignement à distance est toujours un défi
pour les étudiants. Ce défi se présente avec une
difficulté particulière lorsqu'on a, comme c'est notre cas, des
activités professionnelles.
Mais dans le contexte nigérien, un autre défi ;
pour quiconque veut entreprendre des études de 3e cycle, est
celui de la documentation. Les ressources bibliographiques sont rares et
l'accès aux documents officiels n'est pas toujours aisé. En
formulant notre thème de recherche, nous étions très loin
d'imaginer qu'obtenir un texte de loi, les références d'un
arrêt, une étude ou tout autre document officiel pouvait relever
du parcours du combattant.
Etant donné que, par souci de rigueur, nous avons
décidé de ne nous appuyer que sur des documents authentiques et
de travailler directement sur les sources premières (loi, conventions,
décrets, ordonnances, etc.), nous nous sommes vite retrouvé
confronté à la dure réalité. Pour avancer plus
rapidement dans le travail, il nous fallait soit nous contenter des entretiens
et des journaux pour obtenir certaines informations, soit envisager la
révision du thème pour réorienter nos recherches dans un
autre sens. Aucune de ces options n'étant pour nous satisfaisante, nous
les avons toutes rejetées. C'était un grand risque car nous
devons fournir un produit dans un délai bien déterminé ;
mais l'importance du thème et le niveau de la formation nous
commandaient de travailler avec des sources sûres de manière
à pouvoir établir la preuve de chaque information
publiée.
Avec la persévérance et l'appui d'amis et de
connaissances, nous avons finalement pu réunir les principaux documents
essentiels pour traiter le sujet.
Loin de nous l'idée de tirer la moindre gloriole de
cette situation. En évoquant ces difficultés nous avons
simplement voulu expliquer les limites de notre travail qui n'a pas la
prétention d'épuiser le sujet. Tant s'en faut ! Notre objectif
est d'apporter une contribution à l'étude des droits politiques
de la femme nigérienne.
Nous espérons fournir de la matière pour d'autres
recherches et réflexions sur le même
sujet ou des domaines connexes.
LISTE DES SIGLES ABREVIATIONS
AFJN Association des Femmes Juristes du Niger
AFN Association des Femmes du Niger
ANDDH Association Nigérienne pour la
Défense des Droits de l'Homme
CEDEF Convention sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes
CMS Conseil Militaire Suprême
CNDHLF Commission Nationale des Droits de
l'Homme et des Libertés
Fondamentales
DPF Direction de la Promotion de la Femme
DSRP Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté
IPF Indicateur de la Participation de la
Femme
JORN Journal Officiel de la République du
Niger
MDS/P/PF/PE Ministère du
Développement Social, de la Population, de la Promotion
de la Femme et de la Protection de l'Enfant
OMD Objectifs du Millénaire pour le
Développement
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONPF Observatoire National de la Promotion de la
femme
ONU Organisation des Nations Unies
PNUD Programme des Nations Unies pour le
Développement
PPN/RDA Parti Progressiste Nigérien,
section nigérienne du Rassemblement
Démocratique Africain
RNDH Rapport National sur le
Développement Humain
UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'Enfance
TABLE DES MA TIERES
DEDICACE .2
REMERCIEMENTS ..3
AVANT PROPOS 5
LISTE DES ABREVIATIONS 6
TABLE DES MATIERES 7
INTRODUCTION GENERALE 8
PREMIERE PARTIE : Cadre Juridique de la participation
politique des femmes sous la Ve République 19
· Chapitre 1 : L'Affirmation des droits politiques
de la femme à travers les instruments internationaux et la constitution
de la République du
Niger ..20
Section 1 : Les Conventions internationales
20
Section 2 : La constitution de la Ve République
du Niger 26
· Chapitre 2 : La traduction des droits politiques
de la femme à travers la
loi sous la Ve République 31
Section 1 : Le Code électoral 31
Section 2 : La loi N° 2000-008 du 07 juin 2000
instituant le système de quota dans les fonctions électives,
au
gouvernement et dans l'administration de l'Etat
.36
DEUXIEME PARTIE : L'exercice des droits politiques de la
femme au Niger .38
· Chapitre 1 : Garanties des droits politiques de
la femme au Niger 39
Section 1 : Les garanties juridictionnelles...
39
Section 2 : Les garanties non juridictionnelles
45
· Chapitre 2 : La représentation des femmes
dans las institutions publiques, les partis politiques et les associations
52 Section 1 : Les femmes dans les emplois publics, les partis
politiques et les associations.. 53
Section 2 : Défis et perspectives 62
CONCLUSION 69
ANNEXES 72
BIBLIOGRAPHIE GENERALE ..73
Introduction générale
L'étude de l'effectivité des droits
politiques de la femme sous la Ve République au Niger
nécessite un bref aperçu de l'histoire et de la
définition des droits politiques mais également une
présentation sommaire de leur lente évolution au Niger.
Les droits politiques ont depuis très longtemps
été, aux côtés des droits civils, au centre des
préoccupations sur les droits de l'homme. L'on retrouve
déjà dans la Déclaration française des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, leur formulation sous une forme universelle.
Cette déclaration énonce notamment que « la loi est
l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont
droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à
sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant
égaux à ses yeux, sont également admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité
et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
»1
Si la référence ici faite à la notion de
citoyen renvoyait à une qualité, voire une catégorie,
aujourd'hui « la distinction entre droits de l'homme et droits du
citoyen peut être considérée comme une simple question de
terminologie : sa solution est alors indifférente (...) Mais on peut
également estimer que l'homme a droit à être citoyen et que
par conséquent la seconde catégorie résorbe la
première. »2
Avec la Déclaration Universelle des droits de l'Homme
du 10 décembre 1948, les droits politiques sont affirmés comme
des droits de l'homme purement et simplement.
Les droits politiques sont des droits subjectifs,
c'est-à-dire des prérogatives et libertés appartenant ou
censées appartenir à des individus. Selon J.M. Denquin, «
il est hors de doute que le droit subjectif de chacun, ce sentiment simple
mais intense d'avoir son mot à dire sur la marche des affaires publiques
constitue le coeur des droits politiques.»3 Si la ligne de
démarcation entre les droits civils et les droits politiques n'est pas
toujours nette4, la Convention sur les droits politiques des femmes
(ce qui nous intéresse précisément dans le cadre de cette
étude) nous permet de délimiter, pour les besoins de notre
thème de recherche, le contenu des droits politiques. Cette convention
énumère au fil de ses articles le droit de
1 Article 6 de la Déclaration des droits de
l'Homme et du citoyen du 26 août 1789
2 Denquin J M, Les droits politiques, Paris,
Montchrestien, 1996, P 13
3 Ibid. P 9
4 Comme d'ailleurs tous les droits de l'homme dont
l'interdépendance et l'indivisibilité ont été
soulignées par la Conférence mondiale des droits de l'homme
réunie à Vienne en juin 1993
vote, le droit d'être éligible aux organismes
publiquement élus, le droit d'occuper des postes publics et d'exercer
des fonctions publiques. Pour élargir les bases de notre analyse, nous
associerons dans une certaine mesure la liberté d'association aux droits
ci-haut cités.
La définition et le contenu des droits politiques
semblent poser moins de problème que leur acceptation comme des droits
inaliénables et inhérents à la nature humaine par les
Etats composant la communauté internationale. Ils ont été,
avec les droits civils, au centre de vieilles querelles idéologiques
entre partisans de la primauté des droits civils et politiques et
partisans des droits économiques, sociaux et culturels.5 Un
tel débat dont le but n'est manifestement pas d'assurer une meilleure
garantie pour les droits de l'homme tranche avec l'engagement de la charte des
Nations Unies de favoriser «le respect universel et effectif des
droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.»6
En plus du constat que l'on peut faire que les Etats qui réfutaient les
droits civils et politiques formaient précisément la partie du
monde où la démocratie avait le plus de difficultés
à se développer, cette polémique est désormais
révolue.
La déclaration de la Conférence mondiale des
droits de l'homme réunie à Vienne en juin 1993 proclame en son
point 5 que « tous les droits de l'homme sont universels,
indissociables, interdépendants et intimement liés. La
communauté internationale doit traiter des droits de l'homme
globalement, de manière équitable et équilibrée,
sur un pied d'égalité et en leur donnant la même
importance. »
En Afrique, l'exercice des droits politiques n'a pas toujours
été aisé pour leurs bénéficiaires. La
plupart des Etats africains qui accéderont à
l'indépendance plus d'une décennie après l'adoption de la
Déclaration adhéreront à la charte de l'ONU et ratifieront
les principaux instruments des droits de l'homme7 sans toutefois
traduire immédiatement dans les faits cette quête d'une
société démocratique favorable à
l'épanouissement et à la jouissance des droits fondamentaux.
Comme le fait remarquer Kéba Mbaye, après les
indépendances, la grande majorité des régimes
installés aux commandes des jeunes Etats africains ont longtemps «
prôné le monopartisme et l'autoritarisme sous prétexte
de sauvegarder l'unité nationale, la sécurité et le
développement. »8
Dans ce contexte où le coup d'Etat était le
principal mode de conquête du pouvoir, où tous les citoyens sont,
par cette qualité même, d'office membres du seul parti Etat
là où il
5 voir notamment Perter Uvin, Human Right and
development, éd. Kumarian Press, 2004
6 Article 55-c dela charte des Nations Unies
7 voir F. Ouguergouz, la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, Paris, PUF, 1993, p23
8 ibid., préface, pxx
existe, où la participation des citoyens à la
vie publique était rigoureusement encadrée ; on peut se poser la
question de savoir si les droits politiques avaient un sens.
Aujourd'hui avec l'ouverture démocratique et la fin de
l'Apartheid en Afrique du Sud, nombre d'africains peuvent participer à
la vie publique de leur pays. Mais force est de constater ici et là que
les gouvernements, les Assemblées nationales, les principales
institutions constitutionnelles sont investis par les hommes ; les femmes
étant en général très faiblement
représentées. Il faut convenir avec Danièle Lochak que
« la citoyenneté politique peut (...) devenir une forme vide
face à certaines formes d'exclusion qui font obstacle à
l'exercice des droits rattachés à la citoyenneté.
»9 L'on peut alors se demander si dans ces pays, les femmes
jouissent pleinement de leurs droits de citoyennes. L'efficacité des
droits politiques repose sur la capacité individuelle et l'existence
d'un cadre institutionnel favorisant leur exercice. Ce qui nous conduit
à mieux préciser le terme
effectivité associé aux droits
politiques dans le thème de cette étude. A ce niveau, la
définition donnée par Jean Salmon nous paraît
satisfaisante. Pour lui, l'effectivité est « le
caractère de ce qui existe en fait. C'est la qualité d'une
situation juridique qui correspond à la réalité, d'une
compétence qui s'exerce réellement. »10
La participation politique des femmes est donc un des
défis auxquels font actuellement face les jeunes démocraties
africaines. Ce défi, le cinéaste engagé sud africain,
Ramadan Suleman, l'exprime dans des termes qui lui sont propres lorsqu'il parle
de son film « Fools » montrant le rôle joué par
les femmes dans la lutte contre l'Apartheid : « J'ai voulu montrer que
nous sommes, en Afrique du Sud, dans une phase de reconstruction où les
hommes doivent impérativement considérer leurs relations avec les
femmes. Si nous ne prenons pas les femmes en compte, on ne reconstruira pas.
Parce que ce ne sont pas les femmes qui ont détruit l'Afrique. Ce sont
les hommes.»11
Au cours de cette étude, nous allons nous appesantir
sur l'effectivité des droits politiques des femmes sous la Ve
République au Niger.
Ancienne colonie française d'Afrique de l'Ouest, le
Niger accède à la souveraineté internationale le 03
août 1960. C'est un vaste pays qui couvre une superficie de 1 267 000
km2. Sa population est estimée, selon le recensement
général de la population de 2001, à 11.060.291 habitants
dont 50,13% de femmes. L'Islam est la religion pratiquée par plus de
9 Lochak D., « Les droits de l'homme
» ,Paris, éd. La Découverte, 2004, P 76
10 SALMON J., Dictionnaire de droit international
public, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp 411-412
11 cité par Hoffelt Sophie, « Les femmes
réalisatrices en Afrique Subsaharienne » in l'Afrique
politique : femme d'Afrique, Editions Kartala, 1998, P29
90 % des Nigériens. Le Christianisme et les cultes
animistes ou religions traditionnelles africaines sont minoritaires par le
nombre de leurs adeptes.
Un bref aperçu de l'histoire constitutionnelle et
institutionnelle du Niger nous permettra de mieux cerner l'évolution des
conditions d'exercice des droits politiques de la femme nigérienne de la
Première République jusqu'à la Cinquième. Dans le
cadre de cette étude, il ne nous a pas paru opportun de nous
étendre sur la période pré-coloniale dont l'étude
ne manquera pas de poser quelques problèmes d'ordre pratique et de
recherche de cohérence. A cette époque, « les
institutions politiques présentaient une grande variété
à l'intérieur de l'espace nigérien. »12
Quant à la période coloniale (1898 - 1960),
même si elle a profondément marquée l'histoire du Niger,
son intérêt pour notre thème est bien modeste. Les droits
de l'homme d'une manière générale et les droits politiques
des femmes n'étaient pas au centre des préoccupations de
l'administration coloniale. Ainsi comme le souligne Abdou Hamani, sous l'empire
colonial, les femmes nigériennes étaient soumises à une
double oppression : « La première qui touchait également
le reste de la population, était le fait de l'administration
coloniale(...) La seconde découlait de la situation
d'inégalité des genres au sein de la famille(...) Le pouvoir
colonial avait évidemment tout intérêt à maintenir
à l'écart à peu près la moitié de la
population assujettie. »13
Du point de vue de l'évolution des droits politiques
des femmes au Niger, nous pouvons distinguer trois (3) grandes périodes
ayant précédé la Ve République qui
représente le cadre institutionnel de notre étude : de 1960
à 1989 ; de 1989 à 1992 et de 1992 à 1999
~ période de 1960 à 1989, une
période riche pour la proclamation des droits
fondamentaux mais fruste quant à leur exercice
effectif :
Cette période couvre la Première
République fondée en 1960 et qui prendra fin avec le coup d'Etat
du 14 avril 1974 marquant ainsi le début d'un régime d'exception
qui se prolongera jusqu'en 1989.
Admis à l'ONU dès 1960, le Niger est donc
lié par tous les engagements de la charte des Nations Unies notamment
ceux relatifs à la sauvegarde des droits fondamentaux.
La constitution du 08 novembre 1960 est la première
constitution du Niger indépendant. Jean Jacques Raynal décrit la
Première République comme « un régime
présidentiel à prépondérance du
Président.»14 Le préambule de la
constitution fait référence
12 Hamani Abdou, les femmes et la politique au
Niger, Niamey, édition Démocratie 2000, 2000, p26
13 ibid, p 41-42
14 Raynal J J, Les institutions politiques du
Niger, Sépia, Paris, 1993, p 20
aux principes de démocratie et des droits de l'homme
définis dans les déclarations des droits de l'homme de 1789 et de
1948. Son article 6 garantit « à tous l'égalité
devant la loi sans distinction d'origine, de race, de sexe ou de
religion». L'article 7 de la constitution du 08 novembre 1960 affirme
l'existence des partis politiques. Le 07 décembre 1964, notification est
faite de la succession de la République du Niger à la convention
sur les droits politiques des femmes entrée en vigueur dix (10) ans plus
tôt.
Mais dans beaucoup de pays africains, le contraste entre les
droits et libertés formellement proclamés et le sort qui leur est
réservé est saisissant. Au Niger, malgré la Constitution
qui permet le multipartisme ; le PPN/RDA15, parti
contrôlé par le Président de la République,
était un parti unique et « a investi tous les rouages de l
'Etat » .16 En réalité, le terrain avait
été, pour ainsi dire, préparé pour le PPN/RDA un an
avant la proclamation de l'Indépendance. L'ordonnance n° 59-101 du
4 juillet 1959 mettait en effet entre les mains du régime PPN/RDA un
pouvoir redoutable : « tout parti politique, syndicat ou association
dont les activités troublent gravement l'ordre public pourront
être dissous par décret». En application de cette
ordonnance, la dissolution du Sawaba, le seul parti d'opposition, sera
prononcée le 12 octobre 195917.
Le parti était l'ascenseur social et le tremplin pour
toute promotion politique, principalement pour les hommes. Manifester des
idées politiques en dehors du cadre du parti unique était
considéré comme une activité subversive et
réprimée en conséquence18. Se présentant
seuls face aux électrices et aux électeurs, le Président
de la République et les candidats à la députation
étaient assurés d'une victoire facile et certaine. On peut
d'ailleurs se demander si le droit de vote ainsi exercé, sans choix
possible, n'était pas aussi une forme d'oppression, les résultats
connus d'avance ne reflétant pas toujours la volonté des
citoyennes et des citoyens. Les femmes, même lorsqu'elles militent dans
le parti n'ont pas l'occasion d'influencer le cours des choses ou de contribuer
aux réflexions sur les orientations du pays.
En fait, le régime et le parti ne semblent même
pas avoir pareilles attentes à l'endroit des femmes. Diori Hamani,
Président de la République et Secrétaire
Général du PPN/RDA, parti unique, nous donne des indications sur
la place des femmes : « les méthodes éprouvées de
lutte anti-colonialiste adaptées avec intelligence aux
particularités de chaque pays mettent en lumière la part prise
par les femmes dans les mouvements d'émancipation et de
libération
15 Le Parti Progressiste Nigérien , section
nigérienne du Rassemblement Démocratique Africain
16 Raynal JJ, op cit., p 21
17 Décret n°59-174 du 12 octobre 1959
18 Un grand procès politique organisé
en mai 1965 prononcera cinq condamnations à mort et plus de quarante
peines de prison. D'autres procès suivront jusqu'en 1969.
des peuples colonisés(...) Militantes
infatigables, elles ont un sens de solidarité qui fait l'admiration de
tous : mariages, naissances et baptêmes, décès, visites aux
malades, réception des délégués étrangers
à leur ville ; elles ne manquent aucune occasion pour cimenter les liens
du parti, attirer d'autres militants. »19 Cette
réflexion nous fait penser qu'en dépit d'un droit de vote formel
et de l'adhésion du Niger à plusieurs instruments relatifs aux
droits de l'homme, le sort de la femme nigérienne dans les années
60, sur le plan politique, est à peine meilleure que celui de la femme
dans la cité de la Grèce antique décrite par Claude
Mossé en ces termes : « mineures donc, marginales, exclues de
ce « club d'hommes » qu'est la cité, à laquelle elles
ne participent à la vie que par le biais des manifestations religieuses.
»20 Sous la première République (1960 -
1974), les femmes resteront à l'écart des nominations aux postes
politiques et ses différents gouvernements et parlements seront
exclusivement animés par des hommes.
Le régime issu du coup d'Etat militaire du 15 avril
1974 dirigé par le Conseil Militaire Suprême (CMS) ne sera pas non
plus un modèle en matière de respect des droits fondamentaux et
conséquemment des droits politiques de la femme. L'Assemblée
Nationale, le parti Etat de la première République dissous, la
constitution de novembre 1960 suspendue21, le Niger rentre dans une
nouvelle ère qui s'étendra jusqu'en 1989 et que Jean- Jacques
Raynal appelle la « militarocratie »22,
très en vogue en Afrique. Le Conseil Militaire Suprême (CMS)
composé uniquement d'officiers (tous des hommes) réaffirme
l'appartenance du Niger « à toutes les organisations
internationales à l'échelle du continent africain et à
celle de la Communauté Internationale, le respect de tous les
engagements précédemment souscrits... »23
Un an après le coup d'Etat, le Chef de l'Etat, le
Lieutenant-colonel Seyni Kountché reconnaît la marginalisation des
femmes dans un discours prononcé le 16 mai 1975. Pour lui, «
bien que dans les domaines politiques et juridiques la République
prescrit pour tous ses enfants l'égalité devant la loi sans
distinction d'origine, de race, de sexe ou de religion, on relève au
niveau des institutions, plusieurs dispositions discriminatoires qui
écartent les femmes de certaines prérogatives et fonctions, qui
leur bouchent bien des issues modernes de
19 Cité par Hamani Abdou, op cit. P 44
20 Mossé Claude, La femme dans la
Grèce antique, Paris, Albin Michel, 1983, p 90
21 En plus de la proclamation du Conseil Militaire
Suprême en date du 15 avril 1974, l'Ordonnance n° 74-01 du 22 avril
1974 prononce formellement la suspension de la constitution.
22 Raynal JJ, op cit. P 24
23 Proclamation du Conseil Militaire Suprême en
date du 15 avril 1974 prononcée par le Lieutenant-colonel Seyni
Kountché
promotion et qui retardent d'autant l'avènement
d'une élite féminine nigérienne. »24
Faut-il voir dans la création de l'Association des Femmes du Niger (AFN)
en 1975 et celle d'une Direction de la promotion de la femme en 1981, une
volonté de favoriser le respect des droits politiques des femmes ou un
simple clin d'oeil face à l'éveil du féminisme et à
la prise en compte des droits des femmes par les organisations internationales
dans leurs agendas officiels ?
L'AFN tout comme la Samaria (mouvement des organisations de
jeunesse) ne sont que des instruments de mobilisation au service du
régime, dont l'influence est bien relative. Faisant partie du
système qui les contrôle et les utilise à sa guise, ces
structures ne peuvent d'ailleurs jouer un rôle décisif dans la
garantie des droits politiques des femmes.
L'internationalisation du mouvement féministe
paraît alors une piste intéressante dans la recherche d'une
réponse à la question posée plus haut. L'influence
politique du féminisme, on le sait, ne fut pas confinée dans les
limites nationales. Les Nations Unies ont par exemple
célébré la « Décennie de la femme »
(1975 - 1985) avec une série de conférences internationales
à Mexico, Copenhague et Nairobi. Ces conférences « ont
mis en lumière l'ampleur de la mobilisation féministe, et son
impact aussi bien dans les pays développés que dans les pays en
voie de développement ».25
Le 7 mars 1986, le Niger ratifiera le pacte international
relatif aux droits civils et politiques et le protocole facultatif s'y
rapportant en même temps que le pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels.26 Au cours de la
même année, la charte africaine des droits de l'homme sera
ratifiée par la République du Niger. Ceci marque une
avancée qui restera tout de même formelle car les conditions de
garantie et d'exercice des droits proclamés n'ont pas suivi. Il n'y
avait ni opposition, ni élections politiques et la situation des femmes
au niveau des postes de responsabilité n'a connu aucune évolution
significative. Ramené au précis du Niger, le constat suivant de
Chaibou Maman conserve toute sa pertinence : « les femmes de plusieurs
pays sont devenues juridiquement éligibles alors qu'elles n'avaient pas
le pouvoir de voter : curieux paradoxe ».27
Il a fallu attendre 1988 pour voir la première femme
siéger au Conseil des Ministres, en tant que Secrétaire d'Etat
chargée des affaires sociales au Ministère de la Santé et
des
24 Secrétariat de la Présidence de la
République, Lieutenant- colonel Seyni Kountché : discours et
messages (15 avril 1974 - 15 avril 1975), Niamey, INN, 1975, p91
25 Ergas Yasmine, « les luttes féministes
des années 1970... » in Problèmes politiques et sociaux
n° 835, mars 2000, p 46
26 Ordonnance n°86-17 du 24 avril 1986
publiée dans le Journal Officiel de la République du
Niger n° 9 du 1er mai 1986, p 434
27 Maman Chaibou, Rerpertoire biographique, vol. 1
: les parlementaires, Niamey, Démocratie 2000, 1999 , p 422
affaires sociales. La création du Ministère des
affaires sociales et de la condition féminine en mai 1989,
confiée à une femme, annonce une nouvelle étape dans la
promotion des droits des femmes.
~ La période de 1989 à 1992 : la gestation
de la démocratie :
La IIe République est fondée par la
constitution du 24 septembre 1989 dont le préambule se
réfère aux principes de la démocratie et des droits de
l'homme proclamés par les déclarations de 1789 et 1948 ainsi que
par la charte africaine des droits de l'homme. Le titre III est consacré
aux « droits et libertés du citoyen .»
La « décrispation
» dont le Général Ali Saibou, Président de la
République, a fait son mot d'ordre va commencer, timidement mais
sûrement, à se traduire en changements qualitatifs tant sur le
plan institutionnel que sur le plan des droits et libertés. Et cela, en
dépit du monopartisme consacré par le titre V de la constitution.
Le nombre de femmes passera à deux (2) au Gouvernement et à
l'issue des élections législatives (liste unique du Mouvement
National pour la Société de Développement, Parti Etat) du
10 décembre 1989, cinq femmes font, pour la première fois au
Niger, leur entrée au parlement. Mais les nigériennes et les
nigériens ne se contenteront pas de la « décrispation
politique » et, les changements vont s'accélérer
à partir de 1991.
De 1990 à 1991 les femmes participeront en tant que
syndicalistes, scolaires et membres des structures de la société
civile à toutes les luttes pour l'instauration d'une démocratie
véritable. Ces efforts seront dans un premier temps simplement
niés par les membres de la Commission Nationale Préparatoire de
la Conférence Nationale (CNPCN) qui ont voulu limiter la participation
des femmes à cette instance sous prétexte qu'elles
représentaient le pouvoir en place. Comment les forces d'opposition au
régime appelées communément « les forces vives de
la nation » pouvaient-elles justifier l'absence des femmes dans la
commission chargée de préparer la Conférence Nationale
devant définir des nouvelles bases pour la construction du Niger ? Face
à cette exclusion, les femmes se mobiliseront et descendront dans la rue
le 13 mai 1991 pour exiger une participation significative aux travaux de la
CNPCN. Cette marche mémorable interrompit les travaux de la «
CNPCN qui est alors contrainte d'accepter l'entrée de six (6) femmes
en son sein »28. La date du 13 mai sera instituée
« Journée Nationale de la Femme Nigérienne
» par le Décret n° 92-370 PM/MDS/P/PF du 25 novembre 1992.
28 Hamani Abdou, op cit. P 51
· La période de 1992 à 1999 :
les femmes revendiquent plus de participation
Cette période sera riche en événements
et le Niger connaîtra quatre régimes parmi lesquels régimes
constitutionnels et régimes d'exception alterneront avec hélas la
violence et les privations de liberté qui caractérisent ces
derniers.
Après une courte période de transition (1991
-1992), le pays entre dans sa IIIe République avec la constitution du 26
décembre 1992. C'est le premier régime véritablement
démocratique dans l'histoire moderne du pays. La constitution consacre
un multipartisme intégral (article 10) et garantit les droits et
libertés des citoyens (Titre II). Les femmes vont s'investir dans les
partis politiques et se regrouperont en associations pour mieux
s'émanciper. Le nombre de femmes au Gouvernement connaîtra une
amélioration qui se maintiendra jusqu'à la IVe République
(1996- 1999) tandis qu'au parlement, de cinq (5) au cours de la première
législature, le nombre de femmes députées tombera à
trois (3) sous la seconde et dernière législature de la IIIe
République. L'Assemblée Nationale de la très
mouvementée Quatrième République29 ne comptera
qu'une seule femme en son sein.
Comme nous l'avons évoqué, l'émergence
des associations féminines est concomitante à l'engagement massif
des femmes dans les partis politique mais les deux phénomènes
auront des impacts différents. D'un côté, le dynamisme et
la visibilité des nouvelles associations féminines ne font aucun
doute, et elle seront même appuyées par plusieurs Organisations
Non Gouvernementales (ONG) et institutions internationales oeuvrant dans le
domaine de l'émancipation de la femme. De l'autre côté, les
femmes seront beaucoup plus des mobilisatrices d'électrices et
d'électeurs que de véritables leaders dans les partis politiques
pouvant modifier de façon significative la réalité leur
participation politique qui restera faible en comparaison de celle des hommes.
Cette analyse de Aminata Diaw Cissé sur l'expérience de la
participation politique des femmes sénégalaises au cours de la
même période est bien valable pour les nigériennes : «
médiatrices dans le dispositif de patronage, elles continuent
à participer à la théâtralisation du politique sans
en être véritablement les initiatrices. »30
29 Pour se maintenir au pouvoir les militaires
auteurs du coup d'Etat du 27 janvier 1996 vont doter le pays d'une
constitution. Ils organisèrent des élections mais la commission
électorale sera dissoute avant même la proclamation des
résultats. Ce qui ouvrit la voie à de vives contestations dans
tout le pays et les principaux partis politiques ne donneront pas de
répit au régime jusqu'à sa chute tragique le 9 avril 1999
à la suite d'un coup d'Etat militaire qui coûta la vie au
Président Ibrahim Baré Mainassara.
30 Diaw C. Aminata, Femme, Ethique et Politique,
Dakar, Fondation Friedrich Ebert, 1998, P18
Toutefois, au regard de l'exclusion dont elles ont
été victimes pendant si longtemps, les acquis capitalisés
par les femmes dans la réalisation de leurs droits politique ne sont pas
négligeables même s'ils demeurent insuffisants.
La constitution du 09 août 1999 marque
l'avènement de la Ve République dont l'expérience se
poursuit encore aujourd'hui. Avec des élections libres et pluralistes,
une opposition politique reconnue, active et dotée d'un statut
légal31, une presse indépendante et la garantie de la
liberté d'association et de réunion, sans être dans la
démocratie parfaite (s'il en existe !), les conditions juridiques et
institutionnelles propices à la promotion des droits fondamentaux se
mettent en place, au rythme du Niger qui n'échappe pas à
l'influence de son contexte économique et culturel. La Ve
République est le régime démocratique le plus stable, au
moins du point de vue de la durée, qu'ait connu le Niger
indépendant.
Dès lors, la problématique au centre de notre
étude est la suivante : Les droits politiques de la femme
sont-ils effectivement garantis sous la Ve République au Niger
? Cette question nous amènera à aborder à la fois
l'affirmation des droits politiques de la femme et leur réalisation.
Notre hypothèse principale est que la stabilité
démocratique de la Ve République et le contexte international ont
favorisé le respect et l'exercice des droits politiques en
général et en particulier ceux des femmes longtemps victimes
d'exclusion sous les régimes précédents. Une
hypothèse secondaire part du postulat que l'évolution
amorcée au Niger dans les années 90, sur le plan des droits
politiques de la femme, a été maintenue et renforcée.
Le thème de notre recherche a donc toute sa
pertinence. Etudier l'effectivité des droits politiques de la femme sous
la Ve République a un intérêt scientifique
évident.
Cet intérêt suppose donc l'apport de la
présente étude dans le monde de la science et de la recherche, en
ce qui concerne la problématique de l'effectivité des droits
politiques de la femme au Niger, pays sous développé en
transition démocratique. Ainsi, notre travail est original dans la
mesure où il s'intéresse à une catégorie de droits
au coeur de la citoyenneté mais qui, en dépit d'une
législation abondante, n'a pas toujours bénéficié
d'un cadre institutionnel et politique favorable à son exercice sous les
régimes précédents. Cette originalité est de
surcroît renforcée par le fait que le thème cible une
catégorie particulière de bénéficiaires longtemps
privées de leurs droits à tous les niveaux, du ménage
jusqu'à l'échelle de la communauté nationale. La
construction d'un Etat moderne, la quête d'une démocratie
31 Ordonnance n° 99-60 du 20 décembre
1999
véritable et la nécessité de la
promotion des droits de l'homme au Niger font de la réhabilitation des
femmes dans leurs droits politiques une exigence fondamentale.
Il s'agira pour nous d'examiner les textes fondamentaux
relatifs au sujet dans une démarche juridique et d'étudier les
effets de Jure et de Facto qu'ils ont produits et qu'ils produisent
réellement ou potentiellement. Ce qui permettra assurément de
dégager d'autres pistes de recherche ou d'action pour approfondir la
problématique de la démocratie et des droits politiques des
femmes au Niger ou dans les pays sous développés en
général.
Pour traiter de la question de l'effectivité des
droits politiques de la femme sous la Ve République au Niger nous avons,
à dessein, opté pour un plan en deux parties. La première,
essentiellement analytique, s'articule autour de l'examen des textes
fondamentaux en la matière et tentera de vérifier la
cohérence technique du droit positif nigérien. Quant à la
deuxième partie, elle est beaucoup plus critique car évaluant
l'efficacité des mécanismes nationaux de garantie des droits
politiques de la femme nigérienne. Evaluation de l'efficacité qui
passera nécessairement par une lecture de la réalité de la
participation politique des femmes sous l'éclairage des
prérogatives reconnues et offertes par les textes pertinents.
Ainsi donc l'étude du cadre juridique de la
participation politique des femmes sous la Ve République au Niger avec
ses avancées (Partie 1) nous permettra de procéder
à l'appréciation de la réalité de
l'exercice des droits politiques de la femme nigérienne dans ses
anachronismes (partie 2).
P R E M I E R E P A R T I E :
Cadre juridique de la participation politique des
femmes
sous la Ve République : une évolution
significative mais
insuffisante du droit positif
D'une manière générale, le statut
juridique de la femme nigérienne est écartelé entre
différentes logiques juridiques de source et de nature
différentes et souvent plus concurrentes que complémentaires. Il
y a d'abord la logique émancipatrice en tant qu'idéal d'une
réorganisation sociale plus égalitaire dans l'approche d'une plus
grande équité entre les genres. Cette logique est
proclamée, encouragée et soutenue par les dispositions issues des
conventions internationales, de la constitution nigérienne et dans une
moindre mesure, de la loi. C'est le droit dit moderne. Ensuite la logique
conservatrice en tant que modèle social proposé par les
traditions nigériennes, et par conséquent, issue de la culture
traditionnelle qui sert de fondement à la vision africaine du monde.
Cette logique est soutenue par le droit coutumier nigérien avec ses
variantes d'une communauté à l'autre.
Enfin la logique confessionnelle qui propose un modèle
d'organisation sociale à travers les règles et ordres issus de la
parole divine. En tant qu'ordre divin cette logique propose un statut juridique
éternel et immuable de la femme. Cette logique est
reflétée par les préceptes de l'Islam.
Dans l'ordonnancement juridique nigérien, les
conventions internationales, la constitution et la loi ont
prééminence sur toutes les autres sources de droit. Le droit
moderne proclame les droits politiques de la femme mais il n'est pas affranchi
des influences de la tradition et de la religion.
L'analyse du cadre juridique de la participation politique de
la femme nigérienne s'articulera donc autour des conventions
internationales ratifiées par la République du Niger et la
constitution (Chapitre 1) ainsi que de la loi (Chapitre 2).
Chapitre 1 : L'affirmation des droits politiques de la
femme à travers les instruments internationaux et la constitution de la
République du Niger
Les droits politiques sont des droits nécessaires au
fonctionnement d'une démocratie. Selon Danièle Lochak, «
Les droits politiques forment la substance même de la
citoyenneté, puisque la prérogative par excellence du citoyen est
de participer à l'exercice de la souveraineté.
»32 Les principaux droits fondamentaux de la femme et donc
ses droits politiques sont garantis par les conventions internationales
ratifiées par la République du Niger et la constitution de la Ve
République. De l'indépendance à nos jours, le Niger a
fini, non sans une certaine hésitation, par ratifier les principaux
instruments internationaux relatifs à l'émancipation de la femme.
Il faut noter que tous ces instruments ont été ratifiés
avant l'avènement de la Ve République (09 août 1999). Quant
à la constitution du 09 août 1999, elle proclame à tout
point de vue des droits égalitaires pour l'homme et la femme. Mais
l'ensemble de ce dispositif supra-légal cohabite avec des normes
coutumières souvent contradictoires voire paradoxalement
dérogatoires. D'où la nécessité d'analyser les
droits politiques de la femme dans les conventions internationales (section 1)
d'une part et dans l'actuelle constitution nigérienne d'autre part.
Section 1 - Les conventions internationales : un
environnement international
favorable
Selon l'article 132 de la constitution du 09 août 1999,
« les traités ou accords régulièrement
ratifiés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois. » Cela veut dire q'une
fois publiés au Journal Officiel de la République du Niger, ces
instruments acquièrent une autorité comparable à celle de
la constitution et font partie intégrante du droit positif
nigérien. Ils peuvent être invoqués devant les instances
judiciaires ou les autorités administratives qui sont tenues de les
appliquer. Seules les conventions ratifiées par le Niger seront au
centre de notre réflexion. Si dans cette réflexion nous abordons
une convention non applicable au Niger, ce ne serait qu'à titre de
comparaison ou de plaidoyer pour une évolution du statu quo.
A côté des instrumentaux généraux
relatifs aux droits de l'Homme (A) sur une base égalitaire, certaines
conventions traitent spécifiquement des droits de la femme pour mettre
définitivement et complètement hors la loi les discriminations
dont elle fait l'objet (B).
32 Lochak D., op. cit., p 77
A - Les droits politiques de la femme comme droits de
l'Homme
Les droits de l'Homme peuvent se définir comme un
« ensemble de droits et des libertés fondamentales
inhérents à la dignité de la personne humaine et qui
concernent tous les êtres humains. »33 Nul
besoin d'insister sur le fait que les droits proclamés par les textes
internationaux sont des droits de tout être humain indifféremment
du sexe. La Déclaration universelle des droits de l'homme précise
en son article 2 que « Chacun peut se prévaloir de tous les
droits et de toutes les libertés proclamés dans la
présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race,
de couleur, de sexe... » Cette interdiction de toute discrimination
basée sur le sexe est réaffirmée par le Pacte
international relatif au droits civils et politique (article 2 § 1) ainsi
que la charte africaine des droits de l'homme et des peuples (article 2).
En effet l'ensemble des droits politiques garantis par les
conventions internationales sont également des droits politiques de la
femme même lorsqu'en raison des influences des traditions
séculaires ou simplement de l'ignorance, ils ne sont pas mis en oeuvre.
Il s'agit notamment du droit de prendre part aux affaires publiques, de la
liberté d'association et de réunion et de la liberté
d'opinion.
a) Le droit de prendre part aux affaires publiques : Ce droit
est garanti par la Déclaration Universelle des droits de l'homme
(article 21), le Pacte internationale relatif aux droits civils et politiques
(article 25) et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
(article 13) qui, faut-il le souligner, ne mentionne pas le droit de vote. A la
différence des autres droits, ce droit est réservé aux
citoyennes et citoyens. Le droit de prendre part aux affaires publiques
recouvre :
· le droit de prendre part à la direction des
affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un
représentant ;
· Le droit de vote et d'être élu dans le cadre
d'élection libre ;
· Le droit d'accéder aux fonctions politiques de son
pays ;
b) La liberté d'association et de réunion : la
réunion est la formation de groupe momentané soit dans des lieux
privés (liberté de réunion) soit dans des lieux publiques
(liberté de manifestation) tandis que l'association consiste en la
formation de groupes permanents. Cette liberté est garantie par la
déclaration universelle des droits de l'homme, le
33 Salmon J. (dir), Dictionnaire du droit
international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p 396
Pacte international relatif aux droits civiles et politiques
et la Charte Africaine des droits de l'hommes et des peuples.
c) La liberté d'opinion et d'expression : Elle est
énoncée dans l'article 19 de la Déclaration universelle
des droits de l'homme. L'article 19 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques reprend l'affirmation de la Déclaration avec
quelques nuances. Il indique et justifie certaines restrictions concernant:
- Le respect des droits d'autrui,
- L'ordre public,
- La moralité publique,
- La santé publique.
L'article 20 du Pacte ajoute que toute propagande en faveur de
la guerre ainsi que tout appel à la haine nationale, raciale ou
religieuse sont interdits. L'article 9 de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples reconnaît aussi la liberté d'opinion et
d'expression mais dans « le cadre des lois et règlements
».
En plus de ces conventions qui définissent des droits
politiques pour tous les êtres humains sans distinction de sexe, la
communauté internationale a reconnu de la situation particulière
de la femme et a élaboré des textes spécifiques aux droits
de la femmes en vue d'une plus grande équité dans la jouissance
des droits.
B Les droits politiques comme droits de la femme
Trois grandes conventions spécifiques aux droits de la
femme renforcent la garantie des droits politique de la femme. Il s'agit de la
Convention sur les droits politiques de la femmes du 7 juillet
1954 à laquelle le Niger a fait acte de succession le 07 décembre
1964 34 ; de la Convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF)
adoptée le 7 novembre 1967 par l'Assemblée générale
des Nations unies et à laquelle le Niger adhère le 08 octobre
1999 35 ; et du Protocole à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme entrée en
vigueur le 25 novembre 2005. Signataire de ce protocole régional, le
Niger ne l'a pas encore ratifié. Nous nous limiterons donc aux deux
conventions ci-dessus citées. En ratifiant la CEDEF, le Niger a fait une
déclaration et émis des réserves dont la portée est
si considérable sur le plan des droits de la femme qu'il y a lieu de les
examiner de près.
34 Archives Nationales du Niger, Répertoire
des engagements internationaux de la République du Niger, p54
(notification de succession de la République du Niger)
35 JORN n° 19 du 1er octobre 1999, p
845 (Ordonnance n°99-30 du 13 août 1999)
1) La Convention sur les droits politiques de la femmes : Le
but de cette convention est de mettre en oeuvre le principe
d'égalité de droits des hommes et des femmes contenu dans la
Charte des Nations Unies. La convention énonce dans son préambule
que « toute personne a le droit de prendre part à la direction
des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par
l'intermédiaire de représentants librement choisis, et
d'accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions
publiques de son pays, et désirant accorder aux hommes et aux femmes
l'égalité dans la jouissance et l'exercice des droits politiques,
conformément à la Charte des Nations Unies et aux dispositions de
la Déclaration universelle des droits de l'homme ». Elle vise
donc à réaffirmer sans équivoque que les droits politiques
sont des droits de l'être humain, c'est-à-dire de la femme dans
des conditions d'égalité avec les hommes.
En mettant surtout l'accent sur le droit de vote, le droit
d'être éligible aux organismes publiquement élus, le droit
d'occuper des postes publics et d'exercer des fonctions publiques, la
convention a voulu renforcer le cadre juridique garantissant la participation
des femmes à la prise de décision et à la gestion des
affaires publiques dans les Etats parties. Cette convention bouscule donc les
idées reçues et autres stéréotypes tendant à
confiner la femme au foyer et que Xénophon, le philosophe grec,
affirmait déjà en ces termes : « les dieux ont
créé la femme pour les fonctions du dedans, l'homme pour les
autres... Pour les femmes, il est honnête de rester dedans et
malhonnête de traîner dehors. »36
2) La Convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) :
constatant qu'en dépit de ces divers instruments internationaux
garantissant les droits de l'homme, les femmes continuent de faire l'objet
d'importantes discriminations, l'Assemblée Générale des
Nations Unies adopte en 1979 la CEDEF. Le préambule de la convention
rappelle notamment que « la discrimination à l'encontre des
femmes viole les principes de l'égalité des droits et du respect
de la dignité humaine, qu'elle entrave la participation des femmes, dans
les mêmes conditions que les hommes, à la vie politique, sociale,
économique et culturelle de leur pays, qu'elle fait obstacle à
l'accroissement du bien-être de la société et de la famille
et qu'elle empêche les femmes de servir leur pays et l'humanité
dans toute la mesure de leurs possibilités ».
Elle fait obligation aux gouvernements de mettre fin à
toute discrimination dans la vie publique, familiale, sociale, mais aussi dans
la pratique coutumière. En devenant partie à la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes, un État contracte l'obligation d'aligner sa
législation et sa pratique sur les dispositions de cet
36 Xénophon, cité par Hamani Abdou, op.
cit. p 9
instrument. Les parties doivent observer de jure
comme de facto ces dispositions qui concernent l'ensemble des droits -
civils, culturels, économiques, politiques et sociaux - garantis aux
femmes par la Convention. Ainsi, les États sont tenus d'assurer
l'égalité entre hommes et femmes devant la loi, et dans les
domaines suivants : participation à la vie politique, éducation,
santé, droit de la famille.
Les articles 7 et 8 font expressément obligation aux
Etats parties non seulement d'éliminer toute discrimination à
l'égard des femmes dans la vie publique mais également de leur
assurer dans des conditions d'égalité avec les hommes, la
jouissance de l'ensemble de leurs droits politiques. Les États sont
tenus de soumettre périodiquement au Comité des Nations unies sur
l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes un
rapport sur les mesures adoptées pour donner effet aux dispositions de
la Convention. L'article 4 de la convention considère que «
l'adoption par les Etats parties de mesures temporaires spéciales
visant à accélérer l'instauration d'une
égalité de fait entre les hommes et les femmes n'est pas
considérée comme un acte de discrimination ».
L'Assemblée Générale a, par la suite,
adopté un Protocole facultatif à la Convention entrée en
vigueur le 22 décembre 2000 et qui permet aux femmes victimes de
discriminations fondées sur le sexe de soumettre des plaintes,
individuellement ou collectivement, au Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes. Le Niger qui a
émis d'importantes réserves à la Convention, ne ratifiera
ce protocole qu'en 2004 à travers la loi n° 2004-09 du 30 mars
2004.
3) Les réserves de la République du Niger
à la CEDEF : par l'ordonnance n° 99-30 du 13 août 1999
autorisant l'adhésion du Niger à la CEDEF, le Gouvernement de la
République du Niger a émis cinq (5) réserves et fait une
déclaration (cf. Annexe 1). A travers ces réserves, le Niger
écarte l'application des dispositions suivantes de la CEDEF : article 2
- d, f ; article 5 -a ; article 15 - 4 ; article 16 -1-c, 1-e, et 1-g.
Ces réserves portent essentiellement sur le droit de la
famille mais leur portée est générale. Examinons les trois
(3) premières qui ont un lien direct avec l'objet de notre analyse.
· Réserve à l'article 2
alinéas d et f de la Convention : « Le
gouvernement de la République du Niger émet des réserves
à l'égard des alinéas d et f de l'article 2 relatifs
à la prise de mesures appropriées pour abroger toute coutume et
pratique qui constituent une discrimination à l'endroit de la femme ; en
particulier en matière de succession ».
· Réserve à l'article 5-a de la
Convention : « Le gouvernement de la République du
Niger émet des réserves en ce qui concerne la modification des
schémas et modèles de comportements socioculturels de l'homme et
de la femme ».
· Réserves à l'article 15-4 de
la Convention : « Le gouvernement de la République du
Niger déclare qu'il ne pourrait être lié par les
dispositions de ce paragraphe notamment qui concernent le droit de la femme de
choisir sa résidence et son domicile, que dans la mesure où ces
dispositions ne concernent que la femme célibataire ».
Par ces réserves le Niger exclut la possibilité
de prendre aucune mesure législative pour abroger toute coutume et
pratique qui constituent une discrimination à l'endroit de la femme. Le
gouvernement de la République du Niger refuse de bousculer les
traditions culturelles et les modèles de société qu'elles
ont engendrés. Il maintient la persistance des traditions qui consacrent
la prééminence de l'homme dans la détermination de la
résidence ou du domicile conjugal.
Ces réserves sont manifestement contraires à
l'objet même de la convention. Selon l'Association des Femmes Juristes du
Niger (AFJN), « en excluant la possibilité de prendre des
mesures législatives pour abroger toute coutume ou pratique qui
constitue une discrimination à l'endroit des femmes, le Niger ampute la
CEDEF de beaucoup de normes égalitaires et de ce fait, laisse persister
des discriminations à l'égard des femmes. »37
Le gouvernement en est pleinement conscient car selon la
Direction de la Promotion de la Femme au Ministère du
Développement Social, de la Population, de la Promotion de la Femme et
de la Protection de l'Enfant, « les réserves nigériennes
vident la CEDEF d'une grande partie de sa substance normative et constituent
une source de discriminations à l'égard de la femme.
»38
Seule la France et le Royaume des Pays-Bas ont fait objection
aux réserves du Niger sans toutefois s'opposer à l'application du
traité entre l'une ou l'autre et le Niger. Mais la question de leur
validité se pose d'autant plus que l'article 28 alinéa 2 de la
CEDEF dispose qu' « aucune réserve incompatible avec l'objet et
le but de la présente Convention n'est autorisée ».
Selon la convention de Vienne sur le droit des traités, un Etat peut
formuler une réserve mais il ne doit pas s'agir d'une réserve
interdite par le traité ou incompatible avec l'objet et le but du
traité39.
Du point de vue du droit interne nigérien, les
réserves du Niger se fondent sur une logique qui ne ménage pas
les principes égalitaires consacrés par la Constitution.
37 AFJN, rapport parallèle des
organisations non gouvernementales nigériennes sur la conventions pour
l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard
des femmes, juillet 2002, p 87
38 DPF (MDS/P/PF/PE), Etude sur le statut
juridique de la femme et la loi au Niger, Niamey, avril 2002, p 57
39 cf. Convention de Vienne du 13 mai 1969 sur le
droit des traités, article 19 - alinéas a) et c)
Section 2 - La constitution de la Ve République du
Niger : la consécration des
droits égalitaires
Adoptée par référendum le 18 juillet
1999, la constitution de la Ve République est entrée en vigueur
le 09 août 1 99940. Elle institue un régime
semi-présidentiel et consacre la séparation des pouvoirs entre
l'Exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Elu
au suffrage universel direct pour un mandat de cinq (5) ans, le
Président de la République est le Chef de l'Etat, garant de
l'indépendance nationale, de l'unité nationale, du respect de la
constitution et des traités et accords internationaux. Il nomme le
Premier Ministre, Chef du Gouvernement, sur une liste de trois (3)
personnalités proposées par la majorité parlementaire.
Le pouvoir Législatif est, selon les dispositions de
l'article 66 de la Constitution, exercé par une chambre unique
dénommée Assemblée Nationale dont les membres portent le
titre de Député. L'Assemblée Nationale vote les
lois, consent l'impôt et contrôle l'action du Gouvernement. Le
pouvoir judiciaire, indépendant des deux autres, est exercé par
la Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême, les cours d'appel et les
tribunaux créés conformément à la Constitution.
La Constitution consacre le principe égalitaire entre
les hommes et les femmes dans la jouissance de leurs droits(A) même si la
pratique est plus nuancée, car certaines normes discriminatoires
évoluent aux côtés de la constitution (B).
A- Les droits politiques de la femme dans la Constitution
Il n'est pas redondant de rappeler que le préambule de
la Constitution de la Ve République proclame l'attachement du Niger aux
principes de la démocratie pluralistes et aux droits de l'Homme
définis par la Déclaration universelle des droits de l'Homme et
la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
La Constitution « assure à tous
l'égalité devant la loi sans distinction de sexe, d'origine
sociale, raciale, ethnique ou religieuse .»41 Le principe
de l'égalité a une base constitutionnelle et tous les droits
reconnus aux hommes le sont également pour les femmes.
Les fonctions présidentielles sont ouvertes aux femmes
dans des conditions d'égalité avec les hommes car l'article 36,
alinéa 2 dispose : « est éligible à la
présidence de la République toute nigérienne ou tout
nigérien de nationalité d'origine âgé de quarante
(40) ans au moins, jouissant de ses droits civils et politiques. »
Les postes de ministres, députés
40 Décret n°99-320 / PCRN du 09 août
1999
41 Article 8 constitution du 09 août 1999.
etc. sont tout aussi ouverts de façon égalitaire
aux femmes et aux hommes. Le droit de vote est également garanti dans
les mêmes conditions d'égalité aux femmes et aux hommes.
Le titre II de la Constitution consacré aux droits
et devoirs de la personne humaine emploie fréquemment le mot «
personne » pour désigner les bénéficiaires des droits
proclamés. Ce qui a l'avantage de lever toute équivoque quant au
genre. L'article 23 par exemple est ainsi formulé « toute
personne a droit à la liberté de pensée, d'opinion,
d'expression, de conscience, de religion et de culte ». Les
libertés d'association et de réunion sont reconnues dans les
mêmes conditions, c'est-à-dire sans faire référence
au genre.
L'article 10 dispose que « la personne humaine est
sacrée. L 'Etat a l'obligation absolue de la respecter et de la
protéger. Il lui garantit un plein épanouissement ». La
constitution impose donc à l'Etat une obligation positive non seulement
de respecter tous les êtres humains comme tels, mais également de
les protéger contre toute atteintes à leur vie, à leur
biens et à leurs droits. L'Etat doit par ailleurs garantir à la
personne humaine (femme et homme) « un plein épanouissement
». L'iniquité, l'inégalité et l'injustice
étant sources de frustration, de traumatisme et de souffrance, l'Etat a
une forte obligation de les éliminer au nom du puissant but
constitutionnel qui est de réaliser le plein
épanouissement de toutes les citoyennes et de tous les citoyens
dans des conditions d'égalité.
L'on peut donc affirmer que toute discrimination basée
sur le sexe dans la jouissance des droits est contraire à la
Constitution de la Ve République. Mais force est de constater que dans
la réalité certaines pratiques et mesures sont soit
discriminatoires, soit de nature à rompre l'équité entre
les genres.
B - Les normes contraires à la constitution
Le poids des traditions et l'influence de la religion laissent
cohabiter la Constitution avec des règles concurrentes à ses
dispositions. Selon la Direction de la Promotion de la Femme, la force des
traditions et des préceptes de l'islam « est tellement vive que
les responsables politiques même les plus acquis à la
nécessité de faire de la promotion de la femme une de leurs
priorités, sont obligés d'agir de façon prudente afin de
ménager un électorat encore attaché en majorité aux
thèses inégalitaires»42. Si cette situation
génératrice de discrimination est beaucoup plus marquée en
droit de la famille, il n'en demeure pas moins qu'elle influence la jouissance
des droits politiques des femmes. Certaines dispositions légales sont
manifestement sources de discriminations à l'égard des femmes et
donc contraires à la constitution du 9 août qui consacre sans
ambiguïté le principe de l'égalité entre les
genres
42 DPF (MDS/P/PF/PE), Op. cit., p 63
dans la jouissance des droits. Il est donc important d'examiner
ces normes et de ressortir leur impact potentiel sur la condition politique des
femmes.
· Accès des femmes aux emplois
publics : Si le Statut général de la fonction
publique et le code du travail nigériens n'instituent
aucune discrimination à l'égard des femmes, il y a lieu toutefois
de relever l'existence d'une dérogation susceptible de conduire à
des discriminations dans l'Ordonnance n°89-18 du 8 décembre 1989
portant approbation du Statut général de la fonction publique.
L'article 2 de cette Ordonnance dispose « qu'en ce qui concerne
certains corps et en raison de leur caractère technique ou des
attributions et nécessités qui leur sont propres, les statuts
particuliers peuvent déroger à certaines dispositions du
présent statut incompatibles avec le fonctionnement normal desdits
corps ».
En effet, cette dérogation peut légalement
limiter ou interdire l'accès à certaines fonctions aux femmes non
pas pour des raisons de protection de la femme ou de la maternité mais
tout simplement en raison par exemple, de la technicité desdites
fonctions. L'absence d'une définition précise des notions de
« caractère technique » et de «
nécessités » laisse la porte ouverte à
d'éventuelles interprétations abusives.
Par ailleurs selon l'article 223 du Code Civil
nigérien, la femme peut exercer une profession séparée de
celle de son mari, à moins que ce dernier ne s'y oppose. Ce texte est
discriminatoire car il octroie au mari un droit d'opposition au travail de la
femme. Cela est d'autant plus grave que l'article 223 alinéa 2 ajoute
que « les engagements pris par la femme dans l'exercice de cette
profession sont nuls à l'égard du mari si les tiers avec lesquels
elle contracte ont personnellement connaissance de l'opposition au moment
où ils traitent avec l'épouse. »
La claustration pratiquée dans certains milieux
musulmans et qui consiste à cloîtrer la femme mariée dans
le domicile conjugal avec une restriction de ses déplacements et de ses
contacts soumis à l'autorisation préalable de l'époux
empêche à la femme soumise à ce régime d'exercer
toute activité régulière externe au foyer. La
participation à la vie associative, l'engagement politique et l'exercice
d'un emploi salarié et de toute autre responsabilité au sein de
la communauté deviennent difficile des ces conditions.
Au niveau des institutions traditionnelles, les
possibilités offertes aux femmes pour occuper certaines fonctions
demeurent quasiment nulles. Les fonctions de sultans, chefs de provinces, chefs
de cantons ou de groupements, chefs de villages ou de tribus, chefs de
quartiers qui sont les instances coutumières de prise de
décision, sont exclusivement réservées
aux hommes. Cette discrimination qui trouve son fondement dans
le droit coutumier43, a été consacrée par
l'article 7 de l'ordonnance n°93-23 du 30 mars 1993 portant statut de la
chefferie traditionnelle du Niger qui dispose que « tout
nigérien d'une collectivité traditionnelle ou coutumière
donnée, peut être candidat à la chefferie de la
collectivité considérée, s'il est en droit d'y
prétendre selon la coutume ». L'emploi du masculin «
tout nigérien » prouve que ces fonctions sont l'apanage
des hommes. En tout état de cause, l'article 7 de l'ordonnance
susvisée a fait un renvoi à la coutume nigérienne. Or
selon les coutumes applicables au Niger, seuls les descendants mâles des
chefs traditionnels peuvent être candidats à la chefferie d'une
collectivité coutumière considérée.
· Les réserves du Niger à la
CEDEF : Les réserves du Niger à la Convention
sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes heurtent à bien
d'égards les dispositions de la Constitution du 9 août 1999,
notamment l'article 8 qui consacre l'égalité de toutes les
personnes devant la loi et le titre II traitant des droits et devoirs de la
personne humaine.
Ces réserves se résument au refus :
- de prendre des mesures appropriées pour abroger toute
coutume et pratique qui constituent une discrimination à l'endroit de la
femme ;
- de modifier les schémas et modèles de
comportement socioculturels de l'homme et de la femme en vue d'éliminer
les préjugés et pratiques coutumières fondées sur
l'idée de l'infériorité de la femme ;
- de reconnaître le droit de la femme de choisir sa
résidence et son domicile ;
- d'accorder les mêmes droits et responsabilités
au cours du mariage et lors de sa dissolution, les mêmes droits de
décider librement et en connaissance de cause du nombre et de
l'espacement des naissances.
Cela est tout d'abord contraire aux articles 2 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples auxquels font précisément
référence le préambule de la Constitution de la Ve
République. Ces réserves sont également incompatibles avec
les articles 8 et 10 de la Constitution qui garantissent
l'égalité, le respect et la protection de la personne humaine
ainsi que son plein épanouissement.
Toutes ces normes sont antérieures à la
Constitution mais elles produisent ou sont potentiellement en mesure de
produire encore des effets alors qu'elles doivent s'éteindre du fait
même de la contrariété avec la loi fondamentale. Il faut
néanmoins souligner que sous la
43 Il s'agit ici du droit coutumier nigérien
Ve République des réformes ont été
entremise pour adapter l'environnement juridique d'une manière
générale aux exigences d'un Etat moderne, d'un Etat de droit.
Chapitre 2 : La traduction des droits politiques de la
femme à travers la loi sous la Ve République
C'est notamment à travers la transposition des
engagements internationaux dans le droit interne et les lois d'application des
principes et objectifs constitutionnels supérieurs qu'un Etat peut le
mieux garantir le respect et la jouissance des droits de l'homme. Il ne suffit
pas de ratifier les conventions internationales et d'adopter les principes de
droits de l'homme comme normes constitutionnelles ; encore faudrait-il
créer un cadre propice à la mise en oeuvre des droits reconnus.
Les droits politiques sont nécessaires au fonctionnement de toute
démocratie. C'est certainement ce qui explique l'évolution de
l'encadrement législatif des droits politiques de la femme sous la Ve
République, le plus long et stable régime démocratique du
Niger moderne. Cette évolution est certes importante mais elle est loin
d'être suffisante. Néanmoins, à ce niveau de la
réflexion, nous allons nous contenter de mettre en lumière les
textes majeurs relatifs aux droits politiques à savoir le code
électoral d'une part (section 1) et la loi dite sur le quota d'autre
part (section 2).
Section 1 - Le code électoral : des principes
égalitaires pour une compétition inéquitable
L'Ordonnance n°99-37 du 04 septembre 1999 portant code
électoral modifiée par la loi n°2003-32 du 17 juillet 2003
organise les modalités de préparation, de déroulement et
de détermination des résultats des élections politiques et
les règles applicables au référendum sous la Ve
République au Niger.
L'ordonnance précitée précise à
son article 6 que « sont électeurs, les nigériens des
deux sexes de dix-huit (18) ans accomplis au jour du scrutin ou mineurs
émancipés, jouissant de leurs droits civiques et politiques et
n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi.
» Conformément à la Constitution, le droit d'être
électeur est reconnu aux femmes dans des conditions
d'égalité avec les hommes. Par rapport aux conditions
d'éligibilité et à la composition des listes
électorales, cette loi énonce des dispositions
générales applicables indistinctement du sexe.
Autrement dit cette ordonnance, qui est pourtant
postérieure à l'Ordonnance n°99-30 du 13 août 1999 par
laquelle le Niger faisait acte d'adhésion à la CEDEF, n'a pas
voulu modifier le statu quo dans les rapports
déséquilibrés entre les genres. Aucune disposition de
cette ordonnance n'envisage un traitement spécifique propre à
prendre en compte la situation particulière des femmes qui «
sont les plus vulnérables parce qu'elles sont les moins instruites
et les moins capables de mobiliser les moyens leur permettant d'utiliser toutes
leurs
potentialités »44. Dans les
conditions que connaissent les femmes nigériennes, poser des principes
généraux insensibles aux genres ne permet pas d'assurer
l'équité ni dans les compétions électorales et
encore moins dans la représentation nationale.
L'article 57 par exemple qui interdit les tracts et
déclarations diffamatoires et injurieux ne mentionne nullement le
harcèlement et les multiples formes d'agressions dont les femmes
candidates peuvent être l'objet en raison uniquement de leur sexe. Une
telle disposition aurait dû attirer l'attention des candidats adversaires
ainsi que leurs sympathisants sur l'importance de la protection
spécifique à laquelle les femmes ont droit
particulièrement en période électorale.
La loi n°2003-32 du 17 juillet 2003, modifiant et
complétant l'ordonnance du 04 septembre 1999 portant code
électoral a amélioré la représentation des femmes
au sein de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Cette
loi intervenue après l'adoption de la loi sur le quota dans un contexte
où les organisations féminines revendiquent activement leur place
dans la conduite des affaires nationales, réserve le poste de
Deuxième Vice- Président de la CENI à une
représentante des collectifs des associations féminines. Elle
prévoit également une place de membre de la CENI à une
représentante des associations féminines et une place à
une représentante la Direction de la Promotion de la Femme. La loi ne
définit toutefois pas comment assurer la pérennité de
cette dernière place face aux multiples réorganisations dont font
l'objet les ministères et les services centraux.
La loi du 17 juillet 2003 a aussi ramené de cinq (5)
à deux (2) kilomètres la distance maximale entre le lieu de
résidence et le lieu d'implantation du bureau de vote. Ce qui est
susceptible d'encourager le vote des femmes en particulier en milieu rural
où elles sont accablées par une charge de travail
journalière importante.
Mais cela ne va pas résoudre le problème des
femmes vivant sous le régime de la claustration qui est une forme de
réclusion imposée par le mari. Interdites de sortir, ces femmes
sont représentées au bureau de vote par leur mari qui vote
à leur place grâce au mécanisme du vote par procuration. Ce
choix est-il véritablement libre au sens de l'article 63 du code
électoral qui dispose que « le choix de l'électeur est
libre. Nul ne peut être influencé dans son choix par la contrainte
» ? L'analyse faite dans une étude de l'Unicef sur la
situation des femmes au Niger à ce sujet en 1994 conserve toute sa
pertinence et sa vigueur dans le contexte de la Ve République. Le droit
de vote, « bien que reconnu explicitement aux femmes (...) n'est pas
exercé par celles soumises à la claustration. Celles-ci se
retrouvent
44 Cabinet du Premier Ministre de la République
du Niger, Stratégie de réduction de la pauvreté,
Niamey, janvier 2002, p 45
littéralement privées de leur droit de vote
du fait d'un recours abusif au vote par procuration bénéficiant
très largement à leurs conjoints. Malheureusement avec le vote
par procuration, les femmes soumises à la claustration, et même de
très nombreuses autres qui ne le sont pourtant pas, demeurent
d'éternelles muettes, car force sociale recluse, sans voix ni opinion
politiquement efficiente.»45 Cette situation
ignorée par le code électoral représente, à n'en
point douter, un véritable défi aux libertés et à
la démocratie.
En élevant de dix (10) millions à quinze (15)
millions de francs CFA la participation aux frais électoraux pour les
élections présidentielles, la loi modifiant le code
électoral est susceptible de retarder encore l'émergence d'une
candidature féminine à la fonction suprême. Si par cette
nouvelle disposition, le législateur a voulu limiter les risques de
candidatures pléthoriques voire fantaisistes pour l'élection du
Président de la République, l'on ne peut objectivement ignorer
que dans la société nigérienne, les femmes ont plus de
difficulté à remplir cette condition que les hommes.
En effet selon le Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté (DSRP), « la pauvreté au
Niger a un visage féminin ».46 Et le DRSP explique
que les discriminations dont sont victimes les femmes « sont
relevées aussi bien dans les secteurs formels que dans les secteurs
informels et se rapportent aux taux d'occupation des femmes par rapport
à ceux des hommes, aux écarts entre les deux genres en ce qui
concerne les revenus, à la surcharge de travail des femmes, à
leur statut juridique inadéquat, à la persistance des pesanteurs
socioculturelles qui influencent d'une façon ou d'une autre tous les
domaines de la vie économique et sociale des femmes ; elles sont
marginalisées dans le partage des moyens et des bénéfices
du développement. »47 On ne peut être plus
clair que le Cabinet du Premier Ministre lui-même ! La conséquence
logique de cette analyse pertinente publiée en 2002, c'est-à-dire
un an avant la révision du code électoral, aurait
été le réaménagement des conditions
financières de la participation des femmes à toutes les
élections ; qu'elles se présentent sous la bannière d'un
parti politique ou comme candidates indépendantes.
Même la loi n°2002-0 12 du 11 juin 2002 portant
principes fondamentaux de la libre administration des régions, des
départements et des communes et leurs ressources, adoptée trois
(3) ans après l'adhésion du Niger à la CEDEF, n'a rien
prévu pour donner aux femmes un rôle accru dans la conduite des
affaires locales. A côté des membres élus des conseils dont
la désignation par voix d'élection obéit à la loi
sur le quota, il y a les membres de droit qui ont
45 UNICEF, Analyse de la situation des femmes et
des enfants au Niger, Gubler SA, Lengnau (Suisse), 1994, p 58
46 Cabinet du Premier Ministre de la République
du Niger, Op. cit., p 42
47 Ibid. p43
une voix consultative. Elle fait des députés et
des chefs traditionnels des membres de droit des conseils mais ne
prévoie aucune place pour les structures féminines. Quand on sait
que tous les chefs traditionnels sont des hommes, il y a manifestement une
rupture dans l'équité de la représentation des genres au
niveau des institutions traditionnelles. Le législateur a-t-il
pensé que la loi sur le quota était suffisante
pour résoudre le problème de la représentation des genres
et de la participation de la femme ?
Section 2 - La loi n°2000-008 du 07 juin 2000
instituant le système de quota dans les fonctions électives, au
gouvernement et dans l'administration de l'État
Cette loi marque un changement de taille dans l'encadrement
juridique des droits politiques de la femme nigérienne maintenue pendant
longtemps dans une position moins favorable dans l'accès aux
responsabilités les plus élevées. L'adoption de cette loi
doit beaucoup à l'action des associations féminines qui,
déçues des réserves émises par le Niger vidant la
CEDEF de sa substance, ont exigé l'application des dispositions de la
Convention que l'Etat nigérien a librement acceptées. Il faut
noter qu'au Niger, dans le débat sur le statut de la femme, le
Gouvernement est dans une position délicate qui l'a souvent contraint
à plus de réalisme politique et donc à moins d'audace.
Conscient de la nécessité d'évoluer avec la
modernité propulsée par le contexte international et soutenue de
l'intérieur par les associations féminines laïques
revendiquant plus d'émancipation pour la femme, il ne peut ignorer les
puissantes organisations musulmanes qui ne se retrouvent pas dans les nouvelles
idées et valeurs véhiculées par le mouvement
féministe. De ce point de vue l'adhésion du Niger à la
CEDEF et la loi sur le quota peuvent être considérées comme
un pas décisif vers l'équité entre les genres dans
l'exercice des responsabilités et la gestion des affaires publiques tant
au niveau national qu'à l'échelle locale.
Communément appelée loi sur le quota, la
n°2000-008 du 07 juin 2000 instituant le système de quota dans les
fonctions électives, au gouvernement et dans l'administration de
l'État découle d'une volonté de mettre en oeuvre les
engagements de l'Etat du Niger dans le sens d'éliminer certaines
discriminations basées sur le sexe. En effet la loi sur le quota vise la
Constitution, la déclaration universelle des droits de l'homme, la
convention sur les droits politiques de la femme48 et la CEDEF. Bien
que cette loi ne cible pas spécifiquement les
48 Dans ses visas, la loi fait plutôt
référence à la convention sur les droits Publics de la
femme de 1952. Nos recherches ne nous ont pas permis de confirmer l'existence
d'une telle convention. Nous en avions déduit qu'il s'agissait
probablement de la Convention sur les droits politiques de la femmes
ouverte à la signature et à la ratification par
l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution
640 (VII) du 20 décembre 1952 et à laquelle le Niger fait acte de
succession le 07 décembre 1964.
femmes, elle a en réalité été
adoptée en leur faveur. Son article 1er précise
qu'elle est instituée à titre transitoire. Ce qui est d'ailleurs
conforme à l'article 4-1 de la CEDEF qui prévoit que «
l'adoption par les Etats parties de mesures temporaires spéciales visant
à accélérer l'instauration d'une égalité de
fait entre les hommes et les femmes n'est pas considérée comme un
acte de discrimination tel qu'il est défini dans la présente
Convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence
le maintien de normes inégales ou distinctes; ces mesures doivent
être abrogées dès que les objectifs en matière
d'égalité de chances et de traitement ont été
atteints. »
Aux termes de l'article 2 de la loi n.2000-008 du 07 juin 2000
instituant le système de quota dans les fonctions électives, au
gouvernement et dans l'administration de l'Etat : « le quota est une
mesure d'action positive visant à permettre à chaque citoyen sans
distinction aucune :
- de prendre part à la direction des affaires
publiques soit directement soit par l'intermédiaire de
représentants élus ;
- d'accéder dans les conditions
d'équité, aux fonctions publiques. »
Après avoir défini la notion de quota, la loi
fixe le pourcentage minimum de représentation des genres exigé
pendant les élections législatives ou locales, ou lors de la
nomination des membres du gouvernement et la promotion aux emplois
supérieurs de l'Etat.
L'article 3 dispose que lors des élections
législatives ou locales, les listes des partis politiques, groupements
de partis politiques ou regroupements de candidats indépendants, doivent
comporter des candidats titulaires de l'un et l'autre sexe. L'alinéa 2
de cet article stipule que « lors de la proclamation des
résultats définitifs, la proportion des candidats élus de
l'un ou de l'autre sexe ne doit pas être inférieure à 10
%. » Ainsi la loi fait obligation aux partis et regroupements de
candidats indépendants d'assurer une représentation minimale des
genres.
Le Décret n°2001-056/PRN/MDSP/PF/PE du 28
février 2001 portant application de la loi sur le quota précise
que les partis politiques et regroupements de candidats indépendants
doivent « inclure obligatoirement des candidats de l'un et de l'autre
sexe de manière à obtenir lors de la proclamation des
résultats définitifs une proportion supérieure ou
égale à 10 % des candidats de l'un et de l'autre sexe.
» Il ajoute que toute proclamation de résultats faite en violation
du principe du quota de 10 % peut être attaquée devant la Cour
Constitutionnelle. Cette disposition permettra de bannir la situation
de déséquilibre aberrant connu au niveau de la première
Assemblée Nationale de la Ve République où seule une femme
siégeait parmi 83 députés.
Les enjeux politiques des élections législatives
et locales mais aussi leurs coûts font que les partis politiques sont
enclins à observer rigoureusement ces dispositions. Aucun parti ne
prendra le risque insensé de voir ses listes rejetées ou ses
résultats invalidés pour défaut ou insuffisance de la
représentation des genres. Dans la pratique le système de quota a
bien fonctionné et a permis d'améliorer nettement la
représentation des femmes à l'Assemblée Nationale et dans
les conseils municipaux.
Quant à l'article 4 de la loi sur le quota, il
énonce que « lors de la nomination des membres du gouvernement
et de la promotion aux emplois supérieurs de l'État, la
proposition des personnes de l'un et de l'autre sexe ne doit pas être
inférieure à 25 % ». Cela signifie que le seuil minimal
de représentation des genres exigé dans le Gouvernement et les
emplois supérieurs de l'Etat est de 25 % contre 75 %. A contrario, aucun
sexe ne doit par conséquent dépasser le plafond de 75 % de
représentation dans les emplois supérieurs de l'Etat et au
Gouvernement.
L'Ordonnance n°99-57 du 22 novembre 1999,
déterminant la classification des emplois supérieurs de l'Etat et
les conditions de nomination de leurs titulaires, distingue les emplois
à caractère politique pourvus à la discrétion des
autorités compétentes et les emplois dits techniques dont les
nominations obéissent à des critères techniques et doivent
être motivées. Mais la formule de l'article 6 de cette ordonnance
est suffisamment vague pour tempérer les critères techniques et
maintenir le statu quo. Selon cette disposition, « le pouvoir de
nomination aux emplois techniques visés aux articles 4, 5 et 6 de la
présente ordonnance s'exerce sans discrimination de sexe et sans
préjudices de méthodes de recrutements et autres dispositions
relatives à l'organisation de la carrière contenues dans les
statuts régissant les cadres et corps des agents de l 'Etat et ou ses
démembrements. » 49
Quelles que soient les « méthodes de
recrutement », la loi sur le quota impose le quota à tous les
emplois supérieurs, qu'ils soient à caractère politique ou
technique. Les méthodes de recrutements (concours, promotions directes,
etc.) doivent être sensibles au quota de manière à rendre
conformes à la loi toute décision de nomination.
L'article 6 du décret d'application de la loi sur le
quota (n°2001-056/PRN/MDSP/PF/PE), dispose que toute nomination faite en
violation du seuil de 25 % de représentation de l'un ou l'autre sexe
lors de la nomination des membres du Gouvernement et aux emplois
supérieurs de l'Etat peut être attaquée devant la Chambre
administrative de la Cour Suprême. Cependant nous verrons plus loin que,
contrairement au recours dans le cadre du contentieux électoral
49 Article 6 Ordonnance n°99-57 du 22 novembre
1999
(devant la Cour Constitutionnel), le contentieux administratif
relatif aux actes de nomination des membres du gouvernement est assez
délicat et complexe. Dans la réalité le quota de 25 % de
représentation au Gouvernement et dans les emplois supérieurs de
l'Etat n'est toujours pas respecté même si l'on peut constater que
le nombre de places acquises par les femmes s'est accru.
Si la loi sur le quota a eu pour effet d'améliorer la
représentation des femmes, il faut souligner qu'elle n'a rien
prévu pour garantir la participation des femmes. Les femmes peuvent
être à l'Assemblée ou siéger dans les conseils
municipaux sans grande influence dans la prise de décision. Le
système de quota peut finalement faire des femmes un groupe minoritaire
dans des assemblées d'hommes où la domination de ces derniers
renforcée par les prédispositions culturelles et les
préjugés sociologiques, n'aura pas beaucoup de peine à
s'imposer.
L'on est par ailleurs contraint de compter sur la bonne
volonté des hommes leaders des partis pour ne pas limiter les femmes
à la proportion de 10 % dans les fonctions électives qui
constituent, selon la loi sur le quota, un minimum et non un plafond. A
défaut de la parité qui est le meilleur gage d'une
représentation et d'une participation équilibrées des deux
sexes, la loi aurait dû aller plus loin en exigeant plus
d'équité entre les genres dans la mise en place des bureaux des
conseils, Assemblée et commissions. La limitation du quota aux
élections législatives et locales, fait échapper un grand
nombre d'institution de la République au critère minimum de
représentation des genres car leur mode de désignation ne rentre
ni dans le champs des élections au sens du code électoral ni dans
celui de la nomination aux emplois supérieurs de l'Etat.
Le cadre légal ne peut ignorer le poids des traditions
et les survivances d'une répartition inégalitaire des rôles
dans une société qui a tendance a réserver les rôles
clefs aux hommes. Les femmes continuent certes à se battre pour avancer
et protéger chaque parcelle de responsabilité acquise mais elles
sont après tout les produits de cette société que la loi
sur le quota vise à réformer. Il y a donc lieu d'envisager de
meilleures garanties pour la représentation et la participation
politiques des femmes.
DEUXIEM E P A R T I E :
L'exercice des droits politiques de la femme au Niger :
les garanties dans le partage des responsabilités et leurs limites
Selon Frédéric Sudre, « la proclamation
internationale des droits de l'Homme est une chose, la garantie internationale
du respect de ces droits en est une autre. »50 Cette
analyse peut également être transposée dans un contexte
national comme celui du Niger.
L'affirmation des droits politiques de la femme est importante
mais elle ne suffit pas à en garantir la jouissance. Les droits
politiques examinés plus haut doivent produire des effets. Il faut
convenir avec Emmanuel Decaux que « les droits de l'homme ne sont pas
seulement un idéal abstrait, ils constituent des droits réels
»51. L'exercice et la jouissance des droits politiques de
la femme garantis par les lois et les conventions internationales
ratifiées par le Niger peuvent se mesurer à la
représentation des genres dans les institutions et l'Administration de
l'Etat. Elle se mesure également à la participation des femmes
dans la vie des partis politiques et les mouvements de la société
civile.
Le contexte d'une démocratie jeune et dynamique qui est
celui de la Ve République offre un cadre idéal à
l'engagement politique au sens large. Comme tous les droits de l'homme, les
droits politiques de la femme ont besoin de garantie, c'est-à-dire
l'existence de mécanismes de protection qui constituent l'ultime recours
des victimes des violations face à l'arbitraire et aux abus.
Cette partie sera donc consacrée à l'examen des
garanties des droits politiques de la femme (Chapitre 1) et à l'analyse
de la représentation politique de la femme sous la Ve République
(chapitre 2).
50 Sudre Frédéric, « les
mécanismes et les techniques de garanties internationale des droits :
les mécanismes quasi-juridictionnels et juridictionnels »,
ressources en ligne du chapitre 11 du programme DUDF, site web de la
formation
51 Decaux Emmanuel, « Justice et droits de
l'Homme », Revue Droits fondamentaux, N°2,
janvier-décembre 2003, p 78
Chapitre 1 : Garanties des droits politiques de la
femme au Niger
L'efficacité d'un droit peut être mesurée
par l'adéquation entre capacités individuelles exprimant la
dignité humaine et capacités institutionnelles à
protéger cette dignité de toute atteinte. Autrement dit, «
un système de protection des droits de l'homme n'est crédible
que s 'il offre aux individus des garanties efficaces pour la protection de
leurs droits. »52
Les droits politiques de la femme bénéficient de
garanties comme tous les droits de l'homme. L'essentiel des garanties sont
d'ailleurs communes à tous les droits de l'homme même s'il existe
des organisations et des institutions spécialisées visant
à la promotion de la femme.
Le thème de l'étude nous impose d'éviter
de verser dans des généralités dont la valeur
ajoutée n'est pas évidente pour notre argumentation. La
précision que nous devons apporter à ce stade est que dans ce
chapitre il ne s'agira pas de faire l'exégèse des juridictions,
institutions, organisations et mécanismes mis en place pour assurer la
protection des droits de l'homme. Nous ne perdrons pas de vue la
spécificité du sujet (les droits politiques de la femme) ainsi
que son cadre institutionnel et temporel (la Ve République). Ce chapitre
sera consacré plus exactement aux mécanismes de garantie des
droits politiques ayant connu une évolution dans un sens ou dans un
autre ou susceptible d'être mis en oeuvre sous la Ve
République.
Nous pouvons distinguer les mécanismes juridictionnels
(Section 1) des mécanismes non juridictionnels (Section 2) de protection
des droits politiques de la femme.
Section 1 : les garanties juridictionnelles
Les garanties juridictionnelles, précisons-le, ne sont
pas spécifiques aux droits politiques de la femme. Mais la loi sur le
quota en instituant le quota dans la proclamation des résultats des
élections et en imposant la représentation des genres dans les
nominations aux emplois supérieurs de l'Etat a conséquemment
étendu le domaine de contrôle du juge électoral (A) et du
juge administratif (B).
A. La Cour Constitutionnelle, juge électoral :
La Cour Constitutionnelle tient de la constitution du 09
août 1999, compétence exclusive sur le contrôle de
régularité des élections présidentielles,
législatives et locales. En outre « elle est juge du
contentieux électoral et proclame les résultats définitifs
des
52 Sudre Frédéric, Op. cit
élections. »53 Le recours pour
excès de pouvoir en matière électorale est
également portée devant la Cour Constitutionnelle, sans recours
administratif préalable.
La Cour Constitutionnelle joue un rôle majeur dans la
garantie du droit de vote et de celui d'être éligible. Aux termes
de l'article 89 du code électoral, « le contrôle de la
régularité des opérations électorales lors des
élections présidentielles, législatives, locales et du
référendum est assuré par la Cour Constitutionnelle qui
statue également sur l'éligibilité des candidats et sur
les réclamations. » La saisine de la cour en matière de
contentieux électoral est ouverte à tout candidat, parti
politique ou liste de candidats. Cette possibilité de saisine
individuelle en matière électorale permet à tous les
candidats, hommes et femmes, de mieux protéger leur droit contre tout
abus de l'autorité administrative ou même à
l'intérieur des partis politiques.
Le contrôle de l'éligibilité des candidats
et la proclamation des résultats permettent véritablement
à la cour de veiller au respect de la loi n°2000-008 du 07 juin
2000 instituant le système de quota dans les fonctions électives,
au gouvernement et dans l'administration de l'État. Le principal
élément de garantie à ce niveau porte sur un
critère de contrôle préalable des listes de candidats
basé sur les genres et le critère fondamental à la
proclamation des résultats qui est le quota. Le critère
basé sur les genres est institué par l'article 3 de la loi sur
les quota qui exige que les listes présentées par les partis ou
regroupements de candidats indépendants « doivent comporter des
candidats titulaires de l'un et de l'autre sexe ».
Ainsi la cour constitutionnelle peut rejeter une liste qui
n'est pas mixte du point de vue des genres. Aucun parti politique ou
regroupement de candidats se présentant aux élections
législatives et locales ne peut soumettre une liste de candidats d'un
seul sexe, sous peine de voir sa liste rejetée par la haute juridiction.
Quant au système de quota, il permet, lors de la proclamation des
résultats, de sanctionner un parti politique, un groupement de partis ou
un regroupement de candidats indépendants dont la liste des élues
ne permet pas d'assurer une représentation des genres sur la base du
critère minimum de 10 % pour l'un ou l'autre sexe.
Depuis la publication de la loi sur le quota en 2000, la cour
constitutionnelle qui vise cette loi dans ses arrêts relatifs aux
élections législatives et locales, n'a pas eu l'occasion de se
prononcer sur un cas de violation des dispositions de cette loi. Les
élections législatives et locales de 2004 ont été
l'occasion de mettre en oeuvre le système de quota au niveau des postes
électifs concernés. En réalité le formidable
travail de sensibilisation menée par les associations et Organisations
Non Gouvernementales (ONG) sur la loi sur le quota a éveillé
53 Constitution du 09 août 1999, article 103,
alinéa 2
les consciences. En plus les partis politiques ont
respecté les quota. S'agit-il d'une franche adhésion au principe
du quota ou plutôt de la crainte de la sanction ? Il y en a probablement
des deux raisons mais la dissuasion de la cour est la meilleure garantie car
elle est indépendante de toute contingence. Le contrôle de la cour
et la possibilité de recours individuel font que les partis prennent
leurs précautions pour assurer qu'un ou des sièges
potentiellement gagnés dans les urnes ne leur échappent pour non
conformité des listes au principe du quota. La garantie juridictionnelle
de la Cour a, à ce niveau, pleinement fonctionné.
Mais le phénomène de révisions
intempestives de la loi constitue une menace qui risque d'atténuer la
force de la garantie du juge électoral. Le 29 avril 2004, la Cour
Constitutionnelle rend huit (8) arrêts relatifs à
l'éligibilité des candidats aux élections municipales. A
travers ces arrêts, la Cour invalide plusieurs candidatures et rejette
conséquemment un grand nombre de listes présentées par les
partis politiques dans plusieurs circonscriptions. Les motifs de ces rejets
portent essentiellement sur la constitution incomplète des dossiers,
l'âge des candidats et des cas de double candidature pour une même
personne se présentant à la fois sur deux listes
différentes. Les élections municipales ont lieu au scrutin de
liste et l'inéligibilité d'un seul candidat ou d'une candidate,
entraîne ipso facto le rejet la liste sur laquelle il/elle se
présente car selon l'article 136 du code électoral, «
toute liste doit comprendre un nombre de candidats égal au nombre de
sièges attribués à la circonscription. »
Pour faire échec à l'exécution des
arrêts n° 05-2004 à 12-2004 du 29 avril 2004 rejetant un
grand nombre de listes de candidats aux élections municipales, les
partis politiques s'entendent pour repousser la date des élections et
réviser le code électoral de manière à faire
valider leur listes plus facilement. Les élections seront
reportées, ce qui va donner plus de temps aux partis pour corriger les
manquements constatés par la Cour Constitutionnelle.
En dépit des vigoureuses protestations de la
société civile, les partis politiques, maîtres du jeu
parlementaire, réussiront à faire voter une série de
révisions du code électoral avec des dispositions plus souples
quant aux formalités de dépôt des candidatures et aux
délais. La loi n° 2004-014 du 13 mai 2004 modifiant le code
électoral impose un contrôle préalable à
l'autorité administrative qui reçoit les déclarations de
candidature. Selon l'article 46 nouveau, « S'il est constaté
des pièces manquantes dans les dossiers, il est donné la
possibilité aux déposants de régulariser ceux-ci. »
En outre l'alinéa 8 du même article dispose que «
dans le cas où les pièces reçues ne sont pas conformes
à la liste des documents énumérés, le parti
politique, groupements de partis politiques ou les
candidats indépendants concernés sont aussitôt saisis
[par l'autorité administrative] aux fins de régularisation.
»
Ainsi les partis politiques refusent de subir les
conséquences de leur négligence et de l'impréparation de
leurs candidats et font désormais obligation à l'administration
de contrôler leurs listes et de les inviter à apporter les
corrections nécessaires. Aussi ont-ils utilisé, pour ne
pas dire manipuler la loi pour rendre caduque la sanction de la plus haute
juridiction de la Ve République. Cette pratique altère la
garantie juridictionnelle car si dans le cas vécu, les principaux
acteurs étaient tous consentants, rien n'empêche à une
majorité forte à l'Assemblée Nationale de recourir
à la méthode de la rectification de la loi, en matière
électorale voire administrative, pour rendre sans objet un arrêt
défavorable ou atténuer ses effets.
B - La Chambre administrative de la Cour Suprême, juge
administratif :
Il faut préciser que la loi n° 2004-15 du 13 mai
2004 portant révision de la Constitution du 09 août 1999
érige la Chambre administrative de la Cour Suprême en Conseil
d'Etat.
Selon l'article 116 bis de la constitution « le
Conseil d'État est juge de l'excès du pouvoir des
autorités administratives en premier et dernier ressort, des recours en
interprétation et en appréciation de la légalité
des actes administratifs ». Mais les dispositions transitoires de la
loi citée ci-haut précise qu'en attendant la mise en place du
Conseil d'Etat la chambre administrative de la Cour suprême demeure
compétente pour les affaires pendantes devant elles et relevant de la
compétence dévolue au Conseil d'Etat.
Le Conseil d'Etat n'étant pas encore en place, la
Chambre administrative demeure donc le juge des recours pour excès de
pouvoir formés contre les décisions émanant des
autorités administratives. C'est pourquoi, dans le cadre de cette
étude, nous considérons plutôt la chambre administrative
comme le juge administratif effectif, qui protège les droits individuels
des abus de l'autorité administrative.
Mais cette garantie de la chambre administrative est
générale et n'est pas spécifique aux droits politiques et
a fortiori ceux de la femme. Toutefois le décret d'application de la loi
sur le quota offre un recours individuel contre les nominations au Gouvernement
et aux emplois supérieurs de l'Etat faites en violation de la proportion
minimale de 25 % pour l'un ou l'autre genre.
L'article 6 du décret n°2001-056/PRN/MDSP/PF/PE du
28 février 2001 portant modalités d'application de la loi sur le
quota, dispose que « toute nomination faite en violation des
dispositions de l'article 5 ci-dessus [relatif à la nomination des
membres du
Gouvernement] peut être attaquée par tout
intéressé devant la Chambre administrative de la Cour
Suprême ».
Les décrets n° 2002-263 du 08 novembre 2002,
n° 2003-284 du 24 octobre 2003 et n°2004-404 du 30 décembre
2004 portant nomination des membres du Gouvernement violent tous la loi sur le
quota car le nombre de femmes dans ces différents Gouvernements est en
dessous du nombre qui découlerait d'une application du quota minimum de
25 %. Le premier Gouvernement mis en place après la publication de la
loi sur le quota, celui du 08 novembre 2002, comporte quatre (4) femmes sur
vingt-huit (28) Ministres et Secrétaires d'Etat soit 14, 29 % de femmes
contre 85,71 % d'hommes alors qu'aucun des genres ne doit être
représenté en dessous du seuil de 25 % ni au-delà du
plafond de 75 %.
Conformément à la loi sur le quota, le nombre
minimum de femmes dans ce Gouvernement devrait être de sept (7). Le
remaniement intervenu le 24 octobre 2003, n'a pas eu pour but de rendre la
composition du Gouvernement plus conforme à la loi. Il n'a fait que
remplacer deux hommes par des hommes, maintenant ainsi le
déséquilibre dans la représentation des genres en
violation de la loi sur le quota. L'actuel Gouvernement, en place depuis le 30
décembre 2004, se rapproche davantage du quota sans pour autant
réaliser le but fixé par la loi. Il compte six (6) femmes
Ministres représentant 23, 08 % des membres du Gouvernement.
La violation des dispositions de la loi sur la quota est
encore plus critique au niveau des nominations aux emplois supérieurs de
l'Etat. Cinq (5) récents décrets de nomination de cadres de
commandement illustrent parfaitement cette illégalité :
- Décret n° 2006-144/PRN/MI/D du 05 avril 2006
portant nomination de
Gouverneurs des Régions : tous les quatre (4)
Gouverneurs de Région nommés sont des hommes. Aucune femme ne
figure parmi les huit (8) Gouverneurs de Région actuellement en fonction
dans le pays, soit 100 % d'hommes
- Décret n° 2006-145/PRN/MI/D du 05 avril 2006
portant nomination des
Secrétaires Généraux des Gouvernorats :
aucune femme ne figure parmi les quatre (4) hauts fonctionnaires nommés
à ces postes, c'est-à-dire 0 % de femmes.
- Décret n°2006-146/ PRN/MI/D du 05 avril 2006
portant nomination des
Secrétaires Généraux Adjoints des
Gouvernorats : Les cinq (5) Secrétaires Généraux Adjoints
nommés sont tous des hommes, soit encore 100 % du sexe masculin.
- Décret n°2006-147 PRN/MI/D du 05 avril 2006 portant
nomination des Préfets
de Département : sur une liste de vingt et deux (22)
Préfets de Département nommés, l'on ne dénombre
aucune femme : 0% de femmes.
- Décret n°2006-147 PRN/MI/D du 05 avril 2006 portant
nomination des Chefs
de Postes Administratifs : aucune femme ne figure parmi les
deux (2) personnes nommées à la tête des Postes
Administratifs.
Ainsi au total trente et sept (37) cadres de commandement ont
été nommés le 05 avril 2006 dont 100 % d'hommes et 0 % de
femmes. L'on est donc très loin du minimum de 25 % « de l'un ou
l'autre sexe » requis par l'article 4 de la loi n°2000-008 du 07
juin 2000 instituant le système de quota dans les fonctions
électives, au Gouvernement et dans l'administration de l'Etat.
En dépit du fait que toutes les nominations au
Gouvernement et la plupart des nominations aux emplois supérieurs de
l'Etat ne respectent pas cette disposition, aucun recours n'a encore
été porté devant la Chambre administre de la Cour
Suprême. La réalité est que les conditions de recours
proposées par la loi sur le quota ne sont pas aussi simples que l'on
pourrait l'imager à première vue. A défaut d'une
jurisprudence da la Chambre, un examen de ce recours mène à une
impasse au moins pour deux raisons dont l'une tenant à la forme,
c'est-à-dire à la recevabilité du recours et l'autre au
fond même de la matière.
D'abord il se pose la question de savoir qui a
intérêt à agir. La loi dispose que toute nomination au
Gouvernement et aux emplois supérieurs de l'Etat qui ne respecte pas le
quota de 25 % peut être attaquée par « tout
intéressé ». S'agit-il des associations de promotion de
l'équité entre les genres comme les associations
féminines, des autres organisations de la société civile
ou des Partis politiques ? S'agit-il de tout individu ayant un
intérêt particulier à une nomination ? Dans les deux cas
l'intérêt à agir n'est pas aisé à
établir. Il ne suffit pas par exemple pour une femme ou un homme d'avoir
les qualifications requises pour être fondé à exiger
l'annulation ou la réformation d'un décret de nomination de
Gouverneurs ou d'Ambassadeurs.
Il y a ensuite un problème de fond lorsqu'on
considère la notion d'actes de gouvernement qui sont des actes
politiques pris dans les domaines qualifiés de «
matières de gouvernement ». Ces actes
bénéficient d'une immunité juridictionnelle qui les place
en dehors de la compétence des juridictions administratives et
judiciaires. Ils ne peuvent par conséquent être l'objet d'un
recours en annulation.
A défaut d'une jurisprudence établie, une partie
de la doctrine soutient qu'il existe une catégorie d'acte de
gouvernement relatifs à l'exercice de la fonction gouvernementale et
donc distincte de la fonction administrative. René Chapus
considère la nomination des membres du
gouvernement comme un acte de gouvernement54 au
même titre que les actes accomplis par le gouvernement dans ses rapports
avec le parlement et ceux d'ordre international.
Concrètement, le décret de nominations des
membres du gouvernement n'est pas susceptible de recours pour excès de
pouvoir et ne peut par conséquent être attaquée devant la
Chambre administrative de la Cour Suprême ni même devant le futur
Conseil d'Etat. C'est sans doute ce qui a conduit la Direction de la Promotion
de la femme à tirer une conclusion aussi nette que pertinente : «
en ce qui concerne les nominations des membres du Gouvernement la femme et
les associations féminines ne disposent d'aucun instrument juridique
pour faire respecter leur droit à y être
représentées suivant le quota déterminé par la loi
du 07 juin 2000. »55
La garantie du recours contre les décrets de nomination
des membres du gouvernement est donc une garantie plutôt
déclaratoire et difficilement réalisable, en raison des
problèmes de forme et de fond que poserait sa mise en oeuvre. Les droits
affirmés par la loi sur le quota sont certes des droits collectifs des
citoyens mais il faut bien convenir avec Frédéric Sudre que la
clé de voûte de la garantie des droits de l'homme demeure la
garantie de recours individuel56 qui semble bien faire
défaut, du moins en pratique, dans le cas d'espèce.
Section 1 : les garanties non juridictionnelles
Le recours contentieux n'est pas la seule méthode de
garantie des droits de l'homme. Les garanties non juridictionnelles concernent
tous les mécanismes de réparation ou de dissuasion des violations
des droits de l'homme. Au Niger, il existe toute une constellation de
mécanismes, opérationnels ou non, destinés à
assurer la jouissance des droits reconnus à l'homme et à la
femme. Toutefois, il ne nous paraît pas d'un grand intérêt
d'en faire l'inventaire car la spécificité de notre étude
nous commande de recentrer la réflexion sur les droits politiques et en
particulier ceux de la femme. L'analyse des mécanismes de garantie non
juridictionnelle des droits politiques de la femme nous amène à
distinguer les mécanismes institutionnels (A) et les mécanismes
non institutionnels (B).
A - Les mécanismes institutionnels de protection des
droits politiques de la femme
Par mécanisme institutionnel, il faut entendre les
possibilités offertes par des institutions nationales ou internationales
ayant mission ou compétence pour garantir les droits politiques de la
femme nigérienne. La pratique qui a tendance à se
généraliser et qui consiste
54 Chapus R., Droit administratif
général, Tome 1, 9e édition, Paris,
Montchrestien, 1995, pp 834-835
55 DPF (MDS/P/PF/PE), Op. cit., pp 66 - 67
56 Frédéric Sudre, Op. cit.
au niveau des institutions et de certaines autorités
à nommer des conseillère en genre est certes à encourager.
Mais, tout en reconnaissant l'importance du rôle de ces
conseillères dans la promotion de la femme, l'on peut objectivement les
considérer comme ayant vocation à garantir les droits politiques
de la femme. Si de part leur expertise elles peuvent éclairer voire
influencer les décideurs, elles ne jouissent d'aucune
indépendance dans leur action.
C'est pourquoi nous mettons plutôt l'accent au plan
national sur le Ministère de la Promotion de la Femme et de la
Protection de l'Enfant et la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des
Libertés Fondamentales (C.N.D.L.F) et au plan international sur le
Comité pour l'élimination de la discrimination à
l'égard des femmes.
· Le Ministère de la Promotion de la
Femme et de la Protection de l'Enfant : Le Ministère de la
Promotion de la Femme est probablement l'un des
Ministères dont la structure est la plus instable d'un
Gouvernement à un autre. Mais il a, depuis 1981, toujours gardé
une Direction de la promotion de la femme. Cette Direction joue un rôle
important dans la conception et la mise en oeuvre des politiques du
gouvernement dans le domaine de la promotion de la femme. Les études,
séances de formation et de sensibilisation menées par cette
Direction sur la loi sur le quota et les questions de genre contribuent
à une meilleure connaissance des droits politiques de la femme. A
travers cette Direction, le Ministère de la Promotion de la Femme et de
la Protection de l'Enfant contribue à faire évoluer les textes et
les politiques dans un sens favorable à l'émancipation de la
femme.
A côté de la Direction de la Promotion de la
femme qui est avant tout une administration, donc une entité soumise au
gouvernement, il existe un observatoire national de la promotion de la femme.
Créé par le Décret n° 99-545/PCRN/MDS/P/PF/PE du 21
décembre 1999, l'Observatoire National de la Promotion de la Femme
(ONPF) est chargé en réalité de coordonner et d'impulser
la mise en oeuvre du plan d'action relatif à la politique nationale de
la promotion de la femme. Un des objectifs de cette politique est de
respecter les droits de la citoyenne dans le cadre de la
démocratie. Un des résultats attendus de cet objectif est
précisément : « le nombre de femmes au niveau des
instances décisionnelles de l'administration et dans les structures
politiques est augmentée ». L'Observatoire (ONPF) pourrait
bien se servir de la loi sur le quota pour faire du plaidoyer auprès des
plus hautes autorités pour une meilleure représentation de la
femme au gouvernement et aux emplois supérieurs de l'Etat.
Placé sous la présidence du Ministre
chargé de la promotion de la femme, L'ONPF est essentiellement
composé de fonctionnaires représentants de l'administration. Les
associations
et ONG de la société civile y sont sous
représentées. Rattaché au Ministère de la promotion
de la femme, sa composition est imprécise et il compte trois Ministres
en son sein dont son Président. Comme on peut le constater, l'ONPF n'a
ni le statut et le niveau d'autonomie nécessaires à son bon
fonctionnement, ni la composition et la structure pour être efficace.
Cette structure qui aurait bien pu profiter du dynamisme des
organisations féminines pour faire avancer le plan d'action de la
promotion de la femme et faire du coup évoluer la représentation
des femmes à tous les niveaux sombrent aujourd'hui dans la
léthargie. L'ONPF doit être reformé pour donner plus de
poids aux associations et ONG de développement et sa mission doit
dépasser le cadre étroit du plan d'action pour lui permettre de
surveiller et de mieux suivre l'effectivité des droits de la femme.
Comme on peut le constater, le Ministère de la
promotion de la femme conçois des politiques qu'elle exécute et
à ce titre contribue à l'évolution et à la
connaissance des droits politiques de la femme. Mais il est moins
outillé pour contrôler l'effectivité des droits politiques
de la femme.
· La Commission Nationale des Droits de
l'Homme et des Libertés Fondamentales (C.N.D.H.L.F) :
Créée pour la première fois au Niger sous la IV
République, la CNDHLF a été prévue par la
Constitution du 09 août 1999 en son article 33. Selon la loi n°98-55
du 29 décembre 1998 fixant ses attributions, la CNDHLF a le statut
d'autorité administrative indépendante. Cette indépendance
se reflète dans la composition de ses membres qui sont pour la plupart
désignés par les organisations de la société civile
à l'issue d'élections organisées en leur sein.
La CNDHLF a un mandat étendu en matière de
protection des droits de l'homme en général. Sa mission est
« d'assurer la promotion et la protection des Droits de l'Homme sur le
territoire du Niger ; de promouvoir par tous les moyens appropriés,
notamment d'examiner et de recommander aux pouvoirs publics toutes dispositions
de textes ayant trait aux Droits de l'Homme en vue de leur adoption ;
d'émettre des avis dans le domaine des Droits de l'Homme ; (...) de
procéder à la vérification des cas de violation des Droits
de l'Homme et des libertés fondamentales sur le territoire de la
République du Niger».57
La CNDHLF a par ailleurs des pouvoirs quasi-juridictionnels.
Elle est habilitée à recevoir et à examiner des plaintes
individuelles concernant des cas de violation des droits de l'homme et dispose
du pouvoir d'investigation et d'enquête. Ce qui fait dire à son
Président
57 Article 2 Loi n° 98-55 du 29 décembre
1998 fixant les attributions, la composition et le fonctionnement de la
CNDHLF
M. Garba Lompo que « sans avoir la puissance de
juger, la CNDHLF dispose de l'arme tout aussi redoutable de dissuasion et de
persuasion. »58
La Commission qui s'est beaucoup illustrée sur le
terrain des droits sociaux grâce notamment au recours que font les
organisations syndicales constitue une voie de recours possible dans le domaine
de la protection des droits politiques de la femme. Les organisations
féminines ont la possibilité de recourir à la CNDHLF pour
surveiller l'effectivité des droits politiques de la femme. En effet la
Commission est bien placée pour faire des investigations sur la mise en
oeuvre effective de la loi sur le quota surtout en ce qui concerne la
représentation de la femme dans les emplois supérieurs de
l'Etat.
En plus de la dissuasion que constituerait le recours à
la commission, celle-ci peut, selon l'article 2 alinéa b de la loi
n°98-55 du 29 décembre 1998, « donner aux pouvoirs
exécutifs et judiciaires des avis sur toutes les questions relatives aux
droits de l'homme », y compris donc les droits politiques reconnus
aux femmes.
Le nombre et la variété des plaintes
individuelles et collectives59 que reçoit la CNDHLF attestent
de la confiance qu'elle gagne de plus en plus auprès des citoyens. Etant
donné qu'elle dispose du pouvoir d'auto saisine, la Commission peut
davantage élargir son champ d'action en s'intéressant à la
représentation des femmes aux emplois supérieurs de l'Etat en
s'appuyant sur les dispositions de la loi sur le quota. Cela pourrait
constituer un domaine de partenariat efficace avec les organisations
féminines.
· Comité pour l'élimination de
la discrimination à l'égard des femmes : Institué
par l'article 17 de la CEDEF, le Comité pour l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes examine les progrès
réalisés par les Etats parties dans la mise en oeuvre de la
Convention. L'article 18 de la CEDEF fait obligation aux Etats parties de
« présenter au Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies, pour examen par le Comité, un rapport
sur les mesures d'ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre
qu'ils ont adoptées pour donner effet aux dispositions de la
présente Convention et sur les progrès réalisés
à cet égard ». Le Comité formule des
recommandations générales sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes, à l'intention de tous
les Etats parties. Il a en outre la possibilité d'inviter les
institutions spécialisées du système des Nations unies
à présenter des rapports et les organisations non
gouvernementales peuvent lui fournir des informations sur
58 Lompo Garba, « Communication du
Président de la CNDHLF à Kinshasa », Revue semestrielle
de la CNDHLF, n° 001, sans date, p11
59 Selon la revue semestrielle de la CNDHLF, plus de
30 plaintes sont enregistrées par mois.
les faits dans un pays donné soit lors des
réunions du Groupe de travail pré-session ou même en
séance plénière.
Le protocole facultatif qui a été ajouté
à la Convention, permet aux femmes ou à des groupes d'individus
victimes de discrimination fondée sur le sexe de soumettre des plaintes
au Comité. En devenant parties au Protocole, les Etats reconnaissent les
compétences du Comité pour recevoir et examiner ces plaintes une
fois que tous les recours nationaux ont été
épuisés. Entrée en vigueur le 22 décembre 2000, ce
protocole a été ratifié par la République du Niger
à travers la loi n° 2004-09 du 30 mars 2004.
Ainsi les femmes nigériennes, les associations et ONG
disposent d'une voie de recours à travers le mécanisme de plainte
individuelle auprès du comité. Mais il faut souligner que les
voie de recours internes ne sont encore que très faiblement
utilisées. Ce qui rend en l'état actuel des choses, difficile le
recours au comité. L'utilisation optimale des voies de recours
nationales et internationales ne peut s'améliorer qu'avec un engagement
plus fort de la société civile et des partis politiques.
B - Les moyens de protection non institutionnels
Le rôle que jouent les partis politiques et la
société civile dans la garantie des droits politiques de la femme
n'est pas négligeable même s'il est loin d'être
satisfaisant.
· Les associations et ONG : Depuis
la marche historique des organisations féminines du 13 mai 1991 qui a
forcé la participation des femmes aux travaux de la Commission Nationale
Préparatoire de la Conférence Nationale, la composante
féminine de la société civile nigérienne a, pour
ainsi dire, marqué son territoire. Le nombre des associations et la
variété de leurs domaines d'intervention est un gage pour les
femmes de jouir pleinement de leur liberté d'association et de se donner
les moyens de s'exprimer et d'aborder les problèmes
d'intérêt général ainsi que ceux qui leurs sont
spécifiques.
Il existe au Niger plusieurs associations et ONG de
défense et de promotion des droits de la femme. Le nombre de ces
associations offre aux femmes une opportunité de s'engager davantage
dans le mouvement et de faire entendre leur voie sur leurs
préoccupations ainsi que les politiques nationales. En raison
certainement des problèmes que posent la satisfaction des besoins
pratiques ou primaires de la majorités des femmes, les ONG et
associations se sont surtout attaquées aux questions relatives à
l'allègement des tâches domestiques, aux activités
génératrices de revenus, aux actions de salubrité,
à l'octroi de crédits, etc.
D'autres ONG s'inscrivent plutôt dans le renforcement
des capacités d'organisations à la base dans le sens d'une plus
grande responsabilisation des femmes dans leurs ménages et à
l'échelle de la communauté.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, dans le
contexte nigérien, la participation politique effective des femmes est
tributaire de la satisfaction de ces besoins pratiques. Plusieurs études
montrent que les tâches domestiques occupent une très grande
partie de la journée de la femme. Ce qui lui laisse très peu de
temps pour des activités associatives ou politiques. Le défi de
la conciliation des activités politiques et le rôle de mère
ne semble pas d'ailleurs être une spécificité
nigérienne même s'il se pose ailleurs en des termes bien
différents. Selon Mme Elisabeth Guigou, Ancienne Ministre
française, « même lorsque leur compagnon prend sa part du
fardeau, c'est quand même sur les femmes que repose la
responsabilité principale de la vie de tous les jours. Or le quotidien
est particulièrement difficile pour une femme en politique, car c'est
l'une des activités qui respectent le moins les rythmes du temps
privé. »60
Certaines ONG et associations comme l'AFJNmettent un accent
particulier sur la sensibilisation et la formation pour favoriser une plus
grande prise de conscience des droits et devoir de la femme.
Il faut noter également le rôle que joue la
société civile dans le plaidoyer pour influencer une plus grande
prise en compte des droits de la femme ou pour faire écho à une
initiative internationale. L'adoption de la loi sur le quota
considérée comme un pas de géant vers une plus grande
équité dans la représentation des genres est aussi
à mettre à l'actif des associations et ONG de promotion des
droits de la femme.
A l'heure actuelle par exemple, les ONG et associations
féminines ont déjà engagé plusieurs initiatives et
mènent des actions de plaidoyer auprès des décideurs
politiques en faveur de la ratification par la République du Niger du
Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
relatif aux droits des femmes. Ce protocole qui reprend certaines dispositions
de la CEDEF pourrait rendre caduques une partie des réserves du Niger
à la CEDEF.
Le dynamisme de la société civile
nigérienne dans la conquête des droits de la femme ne signifie pas
que le mouvement associatif ne connaît pas de limites. Tant s'en faut.
Outre le problème de la faiblesse des moyens financiers qui limite leurs
initiatives, il y la duplication des actions, un manque de concertation entre
les regroupements qui vivent une sorte de rivalité nuisible aux actions
de plaidoyer. Le contexte socioculturel peu favorable, la faiblesse des
compétences techniques des membres dans certains cas et le
contrôle que les pouvoirs publics ont tendance à exercer dans le
fonctionnement des organisations limitent l'action de
60 Guigou Elisabeth, citée par Mariette Sineau,
« l'obstacle familial », Problèmes politiques et
sociaux, n° 835, mars 2000, p 62
ces dernières. L'entrée en scène des
partis politiques, créant des associations pour infiltrer le milieu,
demeure aussi un sujet de préoccupation.
· Les partis politiques : Le
rôle des partis politiques dans la garantie des droits politiques de la
femme est plus équivoque. D'une part ils consacrent tous une place
importante à la promotion de la femme dans leurs programmes et discours
mais d'autre part au moment de prendre les décisions, les responsables
sont moins magnanimes.
L'action la plus remarquable des partis politiques en faveur
des droits politiques de la femme se situe au niveau de la protection du droit
de vote. Ils consacrent une énergie et des moyens considérables
pour mobiliser les femmes à s'inscrire sur les listes électorales
et à se servir de leurs droits de vote. Selon l'article 9 de la
constitution du 09 août 1999, « les partis et groupements de
partis politiques concourent à l'expression des suffrages. »
Il s'agit donc là d'une mission constitutionnelle, non
dénuée d'intérêts particularistes, dont les partis
politiques s'acquittent plutôt bien.
Les partis jouent également un rôle
considérable dans la mise en oeuvre de la loi sur le quota notamment au
moment de la préparation des listes de candidatures pour les postes
électifs. Ce rôle a surtout été bien joué en
raison de l'effet dissuasif du contrôle des listes par la Cour
constitutionnelle. L'on peut d'ailleurs aisément remarquer que les
partis se sont limités au minimum requis. Les cas où les partis
sont allés au delà de ce que prévoit la loi pour favoriser
une meilleure représentation des femmes sont plutôt rares.
En réalité il faudrait examiner de près
le fonctionnement des partis politiques essentiellement animés par les
hommes, pour comprendre pourquoi ils se contentent du minimum dans la
protection des droits politiques de la femme quand ils ne contribuent pas,
à travers leurs propositions de nominations, à limiter la
représentation des femmes au gouvernement et aux emplois
supérieurs de l'Etat.
Chapitre 2 : La représentation des femmes dans
les institutions publiques, les partis politiques et les associations
Les femmes constituent 50.13 % de la
population nigérienne mais elles ne
représentent que 26 % des effectifs de la fonction
publique.
La représentation des femmes est essentielle pour
atteindre un plus grand respect de la dignité humaine et un meilleur
équilibre social. Le Préambule de la CEDEF rappelle à
juste titre que « la discrimination à l'encontre des femmes
viole les principes de l'égalité des droits et du respect de la
dignité humaine, qu'elle entrave la participation des femmes, dans les
mêmes conditions que les hommes, à la vie politique, sociale,
économique et culturelle de leur pays, qu'elle fait obstacle à
l'accroissement du bien- être de la société et de la
famille et qu'elle empêche les femmes de servir leur pays et
l'humanité dans toute la mesure de leurs
possibilités.»
Selon l'article 21, paragraphe 1 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, « Toute personne a le droit de
prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit
directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement
choisis. » Et le paragraphe 2 du même article d'ajouter :
« toute personne a droit à accéder, dans des conditions
d'égalité, aux fonctions publiques de son pays. » Si la
représentation est une nécessité sociale, elle s'appuie
donc sur des droits fondamentaux reconnus aux femmes. Ces droits sont
déclinés par l'article 7 de la CEDEF : « Les Etats
parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la
discrimination à l'égard des femmes dans la vie politique et
publique du pays et, en particulier, leur assurent, dans des conditions
d'égalité avec les hommes, le droit :
a) de voter à toutes les élections et dans
tous les référendums publics et être éligibles
à tous les organismes publiquement élus;
b) de prendre part à l'élaboration de la
politique de l'Etat et à son exécution, occuper des emplois
publics et exercer toutes les fonctions publiques à tous les
échelons du gouvernement;
c) de participer aux organisations et associations non
gouvernementales s'occupant de la vie publique et politique du pays.
»
La représentation des femmes dans la
société nigérienne d'une manière
générale est un indicateur pertinent du niveau
d'équité entre les genres dans le partage des rôles et
responsabilités.
Il est particulièrement intéressant à ce
stade de notre étude de jeter un regard sur la représentation des
genres qui nous aidera à mieux appréhender les résultats
concrets, les effets réels des droits politiques reconnus aux femmes
surtout en matière de participation à la gestion des affaires
publiques. Cela permet non seulement d'évaluer la mise en oeuvre des
lois consacrant ces droits politiques mais également d'identifier et
d'apprécier les facteurs d'équité ou de discrimination
à l'endroit des femmes.
Cette analyse nous permettra par la suite de mettre un accent
sur les obstacles majeurs à une représentation plus
équilibrée des genres dans les institutions et les emplois
publics, les partis politiques et associations. Ce qui facilitera la mise en
perspective de quelques pistes d'amélioration sous forme de
recommandations.
Ainsi pour examiner la représentation des femmes du
point de vue de leurs droits politiques, nous mettrons en lumière leur
représentativité au sein de l'administration publique, les
institutions de la République, dans les partis politiques et les
associations d'une part (Section1) et les défis et perspectives
d'amélioration d'autres part (Section 2)
Section - 1 Les femmes dans les emplois publics, les partis
politiques et les associations
Le troisième des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) est de promouvoir l'égalité des sexes
et l'autonomisation des femmes. Selon le Rapport sur les OMD, « donner
aux femmes un pouvoir égal d'intervention dans les décisions qui
influent sur leur vie, du sein de la famille aux instances les plus
élevées du gouvernement, c'est leur donner la clef de leur
autonomie. Or, bien que leur représentation dans les parlements
nationaux augmente régulièrement depuis 1990, elles n'occupent
encore que 16 % des sièges parlementaires dans le monde.
»61
Au Niger, sous la Ve République, la
représentation des femmes a connu une progression dans certains domaines
grâce notamment à la loi sur le quota et à une culture
démocratique qui se renforce de plus en plus en faisant de l'espace aux
associations et ONG de promotion des droits de la femme. Mais cette progression
est encore insuffisante car le rapport entre hommes et femmes, du point de vue
de la participation à la prise de décision,
61 Nations Unies, Objectifs du Millénaire
pour le Développement Rapport 2005, New York 2005, p 14
tant à l'échelle locale qu'au niveau national,
demeure inéquitable. Les hommes étant largement plus
représentés dans les principaux centres décisionnels.
La faible représentation des femmes se remarque aussi
bien au niveau de l'administration et des institutions publiques (A) que dans
les partis politiques et associations (B)
A- Les femmes dans l'administration et les
institutions de la République
Selon les résultats du dernier Recensement
Général de la Population et de l'Habitat 2001, les femmes
représentent 50,13% de la population nigérienne. « Si le
taux actuel de croissance démographique de 3,1% l'an se maintient, la
population féminine atteindrait 8 503 937 en 2015 sur une population
projetée de 16 544 625 habitants. »62 La
représentation des femmes dans les emplois publics ne reflète pas
du tout leur poids démographique dans le pays. Cela influence, du coup,
négativement leur participation à la prise des décisions
et à l'élaboration des politiques même lorsque celles-ci
les concernent comme le montre l'Indicateur de la Participation de la Femme
(IPF) qui mesure la maîtrise que les hommes et les femmes peuvent exercer
sur leur destinée dans les domaines politique et économique .
Selon le cinquième Rapport National sur le
Développement Humain, Niger 2004 du système de Nations Unies
(RNDH), « l'Indicateur de la Participation des Femmes (IPF), qui
traduit les inégalités entre les hommes et les femmes, est
estimé à 0,157 dans le [Rapport National sur le
Développement Humain 2003] (...) L'indice de parfaite
égalité est égal à un. »63
Pour mieux cerner cette réalité, nous allons
examiner la représentation des femmes dans l'administration
générale, les emplois supérieurs de l'Etat, les
collectivités décentralisées et les institutions de la
République.
1) Les femmes dans l'administration publique et les
collectivités locales :
Les femmes représentent 26 % des effectifs de la
fonction publique et 21.7 % des travailleurs du secteur privé et
para-public.64 Mais comme on peut le constater dans le tableau
ci-dessous, elles sont plus représentées dans les fonctions
d'exécution. Selon une étude du Ministère du
Développement Social, de la Population, de la Promotion de la Femme et
de la Protection de l'Enfant (MDS/P/PF/PE), « la "masculinisation" des
responsabilités de l'administration nigérienne est l'expression
du caractère très élevé de l'analphabétisme
des femmes ».65
62 Système des Nations Unies au Niger, 5ème Rapport
National sur le Développement Humain, Niger 2004, p45
63 Ibid.
64 Ibid. p 46
65 MDS/P/PF/PE, Rapport de l'analyse approfondie des
principaux indicateurs de la base de données
désagrégée par sexe, CIERPA-Le Pharaon, Niamey, 2003,
p21
Proportion des femmes selon la catégorie dans la
fonction publique
Catégorie
|
% femmes
|
% hommes
|
Observations
|
Cadres A1
|
12,7
|
87,3
|
Cadres supérieurs
|
Cadres A2
|
21,7
|
78,3
|
Cadres A3
|
18,8
|
81,2
|
Cadres B1
|
21,5
|
78,5
|
Agents d'exécution
|
Cadres B2
|
37,8
|
62,2
|
Cadres C1
|
33,3
|
66,7
|
Cadres C2
|
34,9
|
65,1
|
Cadres D1
|
30,4
|
69,6
|
Cadres D2
|
22,7
|
77,3
|
Auxiliaires
|
21,3
|
78,7
|
|
Source : MDS/P/PF/PE, Rapport de l'analyse
approfondie des principaux indicateurs de la base de données
désagrégée par sexe, janvier-février 2003
L'on remarque aisément que la proportion des femmes est
beaucoup plus importante dans les catégories B2 à D1
correspondant à la majorité des agents d'exécution sans
formation de niveau supérieur. Les femmes sont moins présentes
dans les catégories les plus élevées. Elles ne
représentent que 12 % des A1, la catégorie la plus
élevée, la mieux rémunérée avec plus
d'opportunités d'accéder aux plus hautes responsabilités
et donc les centres de décision de conception et d'élaboration
des politiques.
La loi sur le quota a permis d'assurer une certaine proportion
de femmes dans les conseils municipaux. Le taux de 10 % exigé par la loi
demeure largement insuffisant. Au niveau des emplois supérieurs de
l'Etat, le quota de 25 % n'est pas toujours réalisé. Le tableau
suivant nous donne une idée des écarts par rapport à la
loi sur le quota.
Proportion de femmes dans certains emplois supérieurs
et les collectivités locales
Postes
|
Effectifs
|
Femmes
|
Quota exigé par la loi
|
Sources
|
|
Nombre
|
Pourcentage
|
Ambassadeurs
|
21
|
3
|
14,29%
|
25%
|
5ème RNDH, Niger 2004
|
Secrétaires Généraux de
Ministère
|
26
|
1
|
7.69 %
|
25%
|
5ème RNDH, Niger 2004
|
Directeurs centraux
|
189
|
35
|
18,52%
|
25%
|
5ème RNDH, Niger 2004
|
Conseillers à la Présidence de la
République
|
19
|
1
|
5,26%
|
25%
|
5ème RNDH, Niger 2004
|
Conseillers des Ministères
|
39
|
6
|
15,38%
|
25%
|
MDS/P/PF/PE, 2003
|
Inspecteurs des Ministères
|
46
|
6
|
13,04%
|
25%
|
MDS/P/PF/PE, 2003
|
Gouverneurs de Région
|
8
|
0
|
0,00%
|
25%
|
5ème RNDH, Niger 2004 et Décret 2006-144 du
05/04/2006
|
Préfets de Département
|
36
|
0
|
0,00%
|
25%
|
5ème RNDH, Niger 2004 et Décret 2006-147 du
05/04/2006
|
Chefs de Postes Administratifs
|
24
|
0
|
0,00%
|
25%
|
5ème RNDH, Niger 2004 et Décret 2006-148 du
05/04/2006
|
Conseillers municipaux
|
3748
|
661
|
17,64%
|
10%
|
CARE International au
Niger, Stratégie d'accompagnement des femmes
élues, 2005
|
Maires
|
265
|
6
|
2,26%
|
Non déterminé
|
CARE International au
Niger, Stratégie d'accompagnement des femmes
élues, 2005
|
Ce tableau nous donne une idée de la proportion de
femmes dans les emplois supérieurs de l'Etat. La représentation
des femmes y est faible voire trop faible en violation de la loi sur le quota.
L'administration territoriale (Gouverneurs de région, Préfets de
département et Chefs de postes administratifs) est complètement
masculinisée. Sous la Ve République une seule femme a
brièvement occupé le poste de Préfet de Région
(actuellement appelé Gouverneur de Région). Elle sera
remplacée par un homme. Depuis, la branche moderne de l'Administration
territoriale ne fait pas mieux que la chefferie traditionnelle, qui elle, est
entièrement contrôlée par les hommes.
Dans un grand nombre de profession, la dispersion
géographique des postes de responsabilité limite leur
accès aux femmes. En effet, « Lorsqu'elles sont mariées,
les femmes ne peuvent plus librement choisir leur domicile ou résidence.
Ce choix revient au mari. »66
66 Ibid. p 63
L'article 15 paragraphe 4 de la CEDEF qui reconnaît
à l'homme et à la femme le droit de « choisir leur
résidence ou domicile » a d'ailleurs fait l'objet d'une
réserve du Gouvernement de la République du Niger qui «
déclare qu'il ne pourrait être lié par les dispositions
de ce paragraphe [article 15 paragraphe 4] notamment qui concernent le
droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, que dans la
mesure où ces dispositions ne concernent que la femme
célibataire. »67 Par cette
réserve, le Niger maintient non seulement les conditions
défavorables à l'accession des femmes à certains postes de
responsabilités géographiquement dispersés, mais il
institue une discrimination entre la femme mariée et la femme
célibataire qui seule, peut décider de changer de
résidence pour par exemple occuper un poste de
responsabilité.
L'on constate que le quota est respecté au niveau des
conseillers municipaux mais avec seulement 2.26 % de femmes au poste de maire,
il est donc aisé de comprendre que les femmes ne disposent pas d'un
poids réel dans la gestion des commune. Cela constitue une des
grandes faiblesses de la loi sur le quota qui n'a pas créé les
conditions d'une plus grande équité entre les genres au niveau
des organes exécutifs des communes. D'ailleurs même au niveau de
l'organe délibérant où le quota est exigé, la
proportion des femmes demeure insuffisante pour influer de façon
significative les choix des conseils qui prennent leur décision à
la majorité, c'est-à-dire avec l'accord des hommes.
L'Analyse du Professeur Abdou Hamani au sujet de la
capacité réelle des femmes ministres à influencer les
décisions du Gouvernement est tout aussi valable au niveau des Conseils
municipaux : « Le nombre est décisif et une petite
minorité de femmes se heurte souvent à de grandes
difficultés dès qu'elle veut se faire entendre
»68.
2) Les femmes dans les institutions de la République :
Il faut rappeler que la loi sur le quota impose un seuil
minimal de représentation des genres au niveau du Gouvernement (25%) et
de l'Assemblée nationale (10%). Les autres institutions ne sont pas
concernées par le quota. Le mode de désignation des membres de
ces institutions obéit souvent à des critères d'ordre
professionnel (Cour Suprême) ou le plus souvent des critères
complexes comportant une phase d'élections à l'intérieur
de structures associatives et professionnelles en dehors du contrôle de
l'autorité de nomination (Conseil Supérieur de la Communication,
Conseil Economique et Social, etc.).
Cela rendrait difficile l'application d'un quota.
Néanmoins, pour garantir une meilleure représentation des femmes,
il est tout à fait concevable de réserver des places aux
67 JORN n°19 du 1er octobre 1999, p
845
68 Hamani Abdou, Op. cit. p 61
organisations féminines ou d'autres structures
représentant les intérêts de la femme comme c'est le cas de
la composition de la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des
Libertés Fondamentales.
- Représentation des femmes au Gouvernement
Périodes
|
nombres de Ministres
|
Femmes
|
Sources
|
Nombre
|
Pourcentage
|
1999- 2002
|
23
|
2
|
8,70%
|
MDS/P/PF/PE, 2003
|
2002- 2004
|
28
|
4
|
14,29%
|
Décrets n°2002- 263 /PRN du 08/11/2002 et
n°2003- 284/PRN du 24/10/2003
|
2004 - avril 2006
|
26
|
6
|
23,08%
|
Décret n °2004- 404/PRN du
30/12/2004
|
L'on note une progression constante de la
représentation des femmes dans les différents Gouvernements
successifs de la Ve République qui passe de 8, 7 % en 1999 à
23,08% à partir de la deuxième législature. Il n'en
demeure pas moins que la proportion des femmes ministres est toujours en
dessous du quota légal de 25 %.
En outre, cette progression de la représentation des
femmes au Gouvernement en nombre et en valeur relative ne doit pas cacher la
réalité plus nuancée dans le partage du pouvoir au sein
même du Gouvernement. Il faut constater avec Abdou Hamani que «
les hommes occupent généralement des portefeuilles relatifs
à la production (Finances, Commerce, Transport, Industrie, Mines...) et
les femmes des portefeuilles relevant de la reproduction sociale
(éducation, santé, affaires sociales). Nouvelles venues, elles
sont soumises à des fortes pressions pour accepter les priorités
et les points de vue de la majorité masculine. »69
Le poste de Premier Ministre n'a jusqu'ici été occupé par
une femme.
Sous la Ve République, la présence
prolongée et remarquable d'une femme au portefeuille stratégique
des Affaires Etrangères et de la Coopération mérite
d'être relevée comme une avancée dans la confiance
placée aux femmes.
Les femmes au Gouvernement sont
généralement plus qualifiées que la moyenne des
nigériens et ont toujours au moins une formation ou une
expérience pertinente dans leur domaine d'activité. L'on ne peut
en dire pareillement pour les hommes ministres dont l'accès au
Gouvernement semble plus facile et échappe en tout cas aux exigences
(non écrites) de qualification et d'aptitude auxquelles les femmes sont
apparemment soumises. En l'absence d'une évaluation des
performances ou de mécanismes de sanction de
69 Hamani Abdou, Op. cit. pp 60 - 61
la performance nos ministres (comme dans les grandes
démocraties) il est difficile d'avancer plus loin dans la
comparaison.
- Les femmes au parlement :
Périodes
|
nombre députés
|
femmes
|
nombre
|
Pourcentage
|
Première législature de la Ve République :
1999 - 2004
|
83
|
1
|
1,20%
|
Deuxième législature de la Ve République :
2004 - 2009
|
113
|
14
|
12,39%
|
Les femmes sont 50, 13 % de la population
mais
12.39 % seulement de la
représentation nationale Au parlement
également la présence des femmes a
nettement tendance à s'améliorer. La
première assemblée de la Ve République installée
avant l'adoption de la loi sur le quota ne laissait qu'une seule place aux
femmes. Grâce à la loi sur le quota la proportion de femmes
députées passe de 1,2 % à 12,39 %. Même si ce
rapport est conforme à loi sur le quota, le Niger se situe en dessous de
la moyenne en Afrique Subsaharienne qui est de 14 % de femmes parlementaires en
2005 et de la moyenne mondiale de 16 %70 . La loi sur le
quota est ici respecté mais les résultats ne sont pas
satisfaisants. En effet il y a un vrai problème d'équité
lorsque 50.13 % de la population ne représente que 12.39 % des
députés à l'Assemblée nationale, haut lieu de
représentation du peuple.
La répartition des pouvoirs au sein du parlement montre
une fois de plus que les femmes ne contrôlent pas les décisions
même lorsque le quota légal est réalisé. Le
Président et les Vice-présidents de l'Assemblée ainsi que
les Présidents des groupes parlementaires sont actuellement tous des
hommes. Toutefois deux (2) des sept (7) commissions permanentes de
l'Assemblée sont présidées par des femmes. Il s'agit de la
Commission des Affaires Sociales et Culturelles (CAS/C) et la Commission des
Affaires Générales et Institutionnelles (CAG/I). La Commission
des Affaires sociales et Culturelles comprend à elle seule six (6)
femmes et aucun homme ne siège en son bureau. Cela confirme une certaine
tendance à confiner les femmes dans les activités de
reproduction.
B - Les femmes dans les associations et les partis politiques
L'ouverture démocratique consolidée par la Ve
République a fortement favorisé l'engagement des citoyennes et
des citoyens dans les partis politiques et associations. Les
70 Voir notamment, Nations Unies, Objectifs du
Millénaire pour le Développement Rapport 2005, New York
2005, p 16
femmes, compte tenu de leur capacité de mobilisation et
d'animation sont beaucoup sollicitées par les organisations politiques
et de la société civile. Il faut, à ce niveau, noter une
grande évolution de la position des femmes dans la société
civile où elles contrôlent un grand nombre d'association alors que
dans les partis politiques elles sont plus des mobilisatrices
d'électeurs que des leaders capables d'influencer significativement les
décisions stratégiques. L'analyse de la position des femmes dans
les organes dirigeants des différentes structures nous permet ainsi
d'apprécier le niveau d'équité entre les genres dans la
société civile et la classe politique.
1) Représentation des femmes dans les bureaux des ONG et
associations
Fonctions
|
effectifs
|
Femmes
|
nombre
|
pourcentage
|
Président
|
229
|
45
|
19,65%
|
Vice-président
|
110
|
22
|
20,00%
|
Secrétaire Général
|
160
|
28
|
17,50%
|
Secrétaire Général Adjoint
|
90
|
21
|
23,33%
|
Trésorier Général
|
169
|
59
|
34,91%
|
Trésorier Général Adjoint
|
93
|
29
|
31,18%
|
Secrétaire chargé des relations
extérieures
|
34
|
7
|
20,59%
|
Secrétaires Adjoints chargés des relations
extérieures
|
15
|
4
|
26,67%
|
Source : MDS/P/PF/PE, Rapport de l'analyse
approfondie des principaux indicateurs de la base de données
désagrégée par sexe, janvier -février 2003
L'on remarque que selon les données disponibles, les
femmes sont moins représentées que les hommes dans les postes les
plus importants. Cela se traduit par le nombre important d'organisations
contrôlées par les hommes. Toutefois le nombre important
d'associations et ONG féminines a eu pour effet de donner plus de
visibilité aux femmes au sein de la société civile. Ces
associations sont essentiellement constituées de femmes et se
préoccupent surtout de la promotion de la femme. Cette concentration des
femmes dans la promotion de leurs droits et intérêts leur permet
de se faire entendre mais elle a l'inconvénient de les isoler du reste
de la société civile qui a tendance à reléguer les
droits de la femme au second plan de leurs préoccupations.
Les organisations dites féminines « sont
essentiellement tournées vers la promotion de la femme, qu'elles
considèrent comme un objectif qu'elles ne peuvent réaliser que
dans le cadre d'organisations regroupant des personnes proches d'un point de
vue biologique c'est-à-dire
des femmes. Cette concentration des femmes dans des
organisations féminines s'est faite au détriment de la
participation des femmes aux activités des autres associations et ONG.
»71
2) Représentation des femmes dans les bureaux de cinq (5)
partis politiques représentés à l'Assemblée
Nationale
Fonctions
|
effectifs
|
Femmes
|
nombre
|
pourcentage
|
Membres des bureaux politiques
|
712
|
99
|
13,90%
|
Présidents
|
5
|
0
|
0,00%
|
Vice-présidents
|
39
|
2
|
5,13%
|
Secrétaires Généraux et Secrétaires
aux élections
|
18
|
0
|
0,00%
|
Trésoriers Généraux et Adjoints
|
19
|
2
|
10,53%
|
Secrétaires à l'organisation
|
24
|
1
|
4,17%
|
Source : MDS/P/PF/PE, Rapport de l'analyse
approfondie des principaux indicateurs de la base de données
désagrégée par sexe, janvier -février 2003
La sous représentation des femmes dans les instances
dirigeantes des partis politiques les plus influents est criarde. Minoritaires
dans les bureaux politiques, leur proportion baisse encore au fur et à
mesure que l'on monte dans la hiérarchie. Comme au Gouvernement, les
femmes occupent essentiellement des fonctions considérées comme
féminines (affaires sociales, promotion de la femme, santé,
éducation, etc.). Pour mieux détourner les femmes de la conduite
des orientations et décisions stratégiques, certains partis ont
créé des organisations des femmes dont la présidente est
généralement Secrétaire à la promotion de la femme
dans le bureau politique.
Structures de masse, ces organisations qui sont plus actives
en période électorale et à l'occasion des congrès
sont surtout des structures d'animation et de mobilisation d'électeurs.
Loin de la conception des programmes, elles excellent dans l'organisation des
manifestations folkloriques et récréatives (soirées
culturelles, concerts, tam-tam, etc.) destinées à accroître
la visibilité du parti à travers danses, chants, exhibition
d'habits aux couleurs du parti et souvent à l'effigie de son leader,
etc. Les organisations de femmes de partis s'appuient presque toujours sur les
réseaux sociaux des femmes et leurs familles pour mobiliser des
électrices et électeurs pour les partis.
71 MDS/P/PF/PE, Op. Cit. p 19
Ainsi, « en investissant l'espace public par le code
vestimentaire (boubou avec effigie), par le bruit (musique, chants, ...),
[la femme] participe à la théâtralisation de la
politique, à son inscription symbolique dans le réalité du
terroir en activant comme toujours les leviers de la solidarité, de la
parenté, du voisinage. Mais cette forme de transaction qui relève
de l'initiative des hommes (...) montre que la théâtralisation que
nous avons mentionnée tient beaucoup plus du jeu de marionnette.
»72
Les femmes aident les partis à remplir les salles de
congrès et les bureaux de vote mais c'est aux hommes qu'il appartient de
décider du partage des responsabilités et de l'attribution des
postes acquis grâce à l'effort collectif.
La sous représentation des femmes dans les bureaux
politiques participe du même processus plus général qui a
pour résultat la limitation de l'accès des femmes aux instances
de prise de décision dans la société. Ce processus est
culturel et mental avant d'être politique et social. C'est le principal
défi à relever pour tendre vers une meilleure participation
politique de la femme nigérienne.
Section 2 - Défi et perspectives
Un faisceau de facteurs intimement imbriqués bloque le
plein exercice des droits politique de la femme au Niger. Toutefois, à
la faveur du processus démocratique et surtout de l'évolution du
contexte international depuis quelques décennies, ces obstacles ne sont
plus insurmontables. Quels sont les obstacles à l'effectivité des
droits politiques de la femme nigérienne ? Quelles sont alors les
possibilités d'améliorer la situation actuelle ? Voilà
deux (2) questions auxquelles cette dernière section de l'étude
tentera de répondre.
A- les défis à relever :
Selon Abdou Hamani, « La sous-représentation
des femmes dans les sphères du pouvoir politique est un problème
mondial. »73 Au Niger, les facteurs qui freinent la
participation politique des femmes sont de plusieurs ordres et se situent dans
certains cas en dehors du champ politique ou du moins en amont des manifestions
du politique. L'on distingue des facteurs sociaux, culturels,
économiques et juridiques qui se conjuguent et influent sur l'exercice
des droits politiques des femmes au Niger.
· Au plan culturel, le faible taux de scolarisation
et donc l'accès limité des femmes à l'instruction
constitue un handicap majeur à la jouissance effective des droits
politiques des femmes. En effet le taux de scolarisation au Niger est l'un des
plus faibles de la
72 Diaw C. Aminata, Op. Cit. p 20
73 Hamani Abdou, Op. Cit., p 171
Sous région ouest africaine. Mais il a connu une
évolution sensible au cours des dernières années. Le
tableau ci-dessous nous renseigne sur le taux brut de scolarisation.
Taux brut de scolarisation au Niger (les chiffres dans le
corps tableau sont des pourcentages)
|
1999-2000
|
2000-2001
|
2001-2002
|
2002-2003
|
2003-2004
|
2004-2005
|
ENSEMBLE
|
34
|
37
|
42
|
45
|
50
|
52
|
FILLES
|
27
|
30
|
33
|
37
|
40
|
43
|
GARCONS
|
39
|
45
|
50
|
54
|
60
|
63
|
Sources : Ministère de l'Education de
Base et de l'Alphabétisation (MEBA), annuaire statistique 2004 - 2005
L'évolution du taux de scolarisation est beaucoup plus
marquée chez les garçons que chez les filles où ce taux
est de 43 % en 2005 alors que la moyenne nationale est de 52%. Cette
disparité dans l'égalité des chances dans l'accès
à l'école se traduit à long terme par une
inégalité dans l'accès aux emplois publics et bien
d'autres opportunités. L'analphabétisme qui frappe plus les
femmes que les hommes, leur empêche d'exploiter toutes leurs
potentialités dans la vie. Le Niger est loin de réaliser
l'objectif de « garantir à tous une éducation primaire
» et de la cible d'«éliminer la disparité
entre les sexes dans les enseignements primaires et secondaires d'ici 2005 si
possible et, à tous les niveaux de l'enseignement en 2015 au plus
tard ».74
Le volume des tâches ménagères a une
influence négative à la fois sur le taux de scolarisation et
à la survie scolaire des jeunes filles gardées auprès de
leurs mères qu'elles aident dans les travaux domestiques. Selon le
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP),
« le faible niveau d'éducation de la jeune fille et
d'alphabétisation de la femme s'explique également par la
persistance des pesanteurs socioculturelles (notamment les mariages
forcés, la claustration, etc.) l'interprétation erronée
des préceptes de l'islam qui régissent la vie de la
société et la méconnaissance de leurs droits par les
femmes. »75
· Sur le plan social, les modèles et
stéréotypes basés sur l'infériorité de la
femme conduisent à la masculinisation de certaines
responsabilités et activités auxquelles les femmes ont plus de
peine à accéder (postes de cadres de commandement par exemple).
Certaines pratiques sociales fondées sur la religion ou les coutumes (la
claustration par exemple) font échec aux principes égalitaires
dont sont porteurs les textes consacrant les droits politiques de la femme, y
compris la constitution. Ce que confirme le RNDH 2004 qui souligne que «
les
74 Voir Objectifs du Millénaire pour le
développement.
75 Cabinet du Premier Ministre de la République
du Niger, Op. cit., p 44
résistances socio-culturelles à
l'égalité des hommes et femmes et à l'autonomisation des
femmes constituent l'un des principaux obstacles à surmonter pour
introduire des réformes en faveur des femmes. Les mariages
précoces, la division sexuelle du travail, les mariages forcés et
la persistance de pratiques néfastes comme les mutilations
génitales des femmes dans certaines zones, constituent autant
d'obstacles à la promotion des femmes. »76
· Du point de vue économique, la pauvreté
généralisée du pays, qui frappe les femmes en particulier,
est un handicap sérieux à leur plein épanouissement. Le
DSRP du Niger révèle que 63 % des nigériens (soit deux
nigériens sur trois) vivent en dessous du seuil de la pauvreté et
34 % (une personne sur trois) vivent en dessous du seuil de l'extrême
pauvreté. Selon le RNDH Niger 2004, «beaucoup plus
marquée en milieu rural, la pauvreté affecte moins les hommes que
les femmes, notamment les femmes au foyer et les inactifs à hauteur de
75%. »77
Victimes de discriminations dans l'accès aux emplois
les plus rémunérateurs, elles ont un accès très
limité aux moyens de production. Dans ces conditions le combat quotidien
des femmes pour la satisfaction des besoins pratiques (trouver de l'eau, se
nourrir, soigner ses enfants, se vêtir, etc.) a tendance à prendre
le pas sur la défense de leurs intérêts
stratégiques. Le contexte socio-économique actuel du Niger ne
permettra pas, à court et moyen terme, d'éliminer
l'inégalité des sexes ainsi que les disparités entre les
sexes.
· Sur le plan juridique et institutionnel, il se pose un
problème de garantie des droits affirmés par les conventions
internationales et les normes nationales. L'exemple le plus récent se
rapporte aux dispositions de la loi sur le quota qui ont permis une
amélioration de la représentation des femmes dans les fonctions
électives mais peinent à s'imposer dans les mesures nominatives.
La garantie du recours à la Chambre administrative est difficile
à mettre en oeuvre comme nous l'avons vu plus haut. Ce qui fait dire
à la Direction de la Promotion de la femme que « dans les
faits, la loi sur le quota n'est pas aisée à mettre en oeuvre.
»78
Par ailleurs, avec le poids des traditions et de l'influence
de la religion, l'écrasante majorité des femmes
nigériennes ignorent jusqu'à l'existence des lois et conventions
qui leur accordent des droits égalitaires. Les réserves du Niger
à la CEDEF, qui selon certains Etats parties à la convention,
«vident l'engagement de la République du Niger de tout contenu
»79, s'expliquent en grande partie par la reconnaissance
de cette réalité sociologique.
76 Système des Nations Unies au Niger, Op. Cit. p 78
77 Ibid. p 32
78 MDS/P/PF/PE, Op. Cit. p 22
79 Voir RJDH, recueils des instruments juridiques
internationaux et régionaux africains relatifs aux droits humains
ratifiés par le Niger, Niamey, NIN, 2003, p 75
Il faut souligner la cohabitation entre les normes
coutumières et le droit moderne qui lui- même a ses propres
contradictions internes. Certaines dispositions de la loi sont par exemple
contraires aux principes généraux énoncés par la
constitution. Le cas typique est celui de l'article 223 du code civil qui
reconnaît à l'époux un droit d'opposition au travail de la
femme en violation de l'article 25 de la Constitution qui reconnaît
« à tous les citoyens le droit au travail» ainsi que
des conventions internationales relatives aux droits de l'homme
ratifiées par le Niger.
Le statu quo qui correspond à la sous
représentation des femmes dans les institutions devient difficile
à réformer car les principales personnes concernées, les
femmes, ne sont pas toujours suffisamment associées aux
réflexions et à l'élaboration des politiques. Cela est
d'autant plus vrai que le niveau d'organisation et de coordination des
organisations de promotion des droits de la femme n'est pas de nature à
ébranler le rapport de forces ou à jouer un rôle de
persuasion et de dissuasion en faveur des droits politiques de la femme
auprès des décideurs.
B - Perspectives d'amélioration des conditions
d'exercices des droits politiques de la femme
Au Niger, pas plus qu'ailleurs, la réforme des
questions liées aux habitudes, aux comportements sociaux n'est jamais
aisée. La vision égalitaire du droit issue des conventions
internationales et de la constitution se heurte aux résistances
socioculturelles et religieuses. Mais aujourd'hui la réforme s'impose
car le Niger a souscrit à des engagements et il est de plus en plus
évident pour tout le monde qu'un Etat démocratique ne peut se
construire sur la base de la discrimination entre les citoyens. En effet
«l'inégalité entre les sexes est un gaspillages de
ressources et de potentialités précieuses et ne s'accorde pas aux
valeurs déclarées d'une démocratie pluraliste.
»80
L'élimination des disparités entre les sexes en
matière de droits est un impératif de développement auquel
le Niger ne saurait se soustraire. Pour améliorer l'exercice effectif
des droits politiques de la femme, quelques pistes de réflexion et
peut-être d'action peuvent être judicieusement envisagées.
Il s'agira avant tout de moderniser le droit en la matière, d'apporter
plus de garantie aux droits politiques de la femme et de faire en sorte que le
Niger puisse respecter ses engagements internationaux.
80 Hamani Abdou, Op. Cit. p183
· Réformer les normes
coutumières et modernes en ce qu'elles ont de discriminatoire :
La Constitution et les conventions internationales régulièrement
ratifiées par le Niger se trouvent au sommet de la hiérarchie des
normes. Il est donc impératif d'engager un travail d'harmonisation des
normes inférieures (lois, règlements et coutumes). Il s'agira
là d'un travail qui doit s'inscrire dans le moyen et long terme avec une
forte implication des parties prenantes dans un processus de négociation
et d'information. Il faudrait informer les citoyens et leur donner
déjà l'occasion de mettre en oeuvre l'article 113 de la
Constitution selon lequel « toute personne partie à un
procès peut soulever l'inconstitutionnalité d'une loi devant
toute juridiction par voie d'exception. » Un Observatoire national de
la promotion de la femme opérationnel travaillant en collaboration avec
la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés
Fondamentales pourrait apporter cet éclairage soit directement soit
à travers les organisations de la société civile.
· Lever les réserves du Niger à la
CEDEF : La Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes, est considérer comme
une véritable charte des droits de la femmes. La levée des
réserves émises par la république du Niger permettra de
faire bénéficier aux femmes nigériennes de l'ensemble des
droits affirmés par la convention. Cela permettra surtout d'ôter
toute base juridique aux nombreuses discriminations dont les femmes sont
victimes.
· Améliorer l'accès des femmes
à l'éducation : Une meilleure jouissance des droits
politiques de la femme passe nécessairement par
l'amélioration de leur accès à l'instruction. Les efforts
de l'Etat pour améliorer le taux de scolarisation et celui de la jeune
fille en particulier doivent se poursuivre à tous les niveaux de
l'enseignement. Mais l'amélioration du taux de scolarisation ne suffit
pas. Encore faudrait-il mettre l'accent sur la qualité même des
programmes et du cadre de l'école pour augmenter les chances de
réussite des élèves et étudiants. L'école
doit surtout contribuer à éliminer toutes les formes de
discriminations dont sont victimes les femmes et combattre les
stéréotypes fondés sur l'infériorité de la
femme. L'école doit former tous les enfants du pays et en faire des
citoyens égaux.
· Ratifier le protocole à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples relatifs aux droits des femmes,
sans réserve : ce protocole régional vise à
assurer la promotion, la réalisation et la protection des droits de la
femme afin de lui permettre de jouir pleinement de tous les doits humains comme
le précise bien son préambule. Les Etats parties se
déclarent « préoccupés par le fait qu'en
dépit de la ratification par la majorité des États Parties
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de tous
les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, et de
l'engagement solennel pris par ces États d'éliminer toutes les
formes de discrimination et de pratiques néfastes à
l'égard des femmes, la femme en Afrique continue d'être l'objet de
discriminations et de pratiques
néfastes ». Aux termes de l'article 2 du
protocole, ils s'engagent par conséquent à combattre «
la discrimination à l'égard des femmes, sous toutes ses
formes, en adoptant les mesures appropriées aux plans législatif,
institutionnel et autre. »
La ratification de ce protocole permettra de combler les
lacunes nées des réserves du Niger à la CEDEF. Les
organisations féminines ont fait de la ratification intégrale de
ce texte leur cheval de bataille. L'incorporation de ce protocole dans le droit
nigérien rendra hors la loi plusieurs pratiques discriminatoires
à l'égard des femmes.
· Réviser la loi sur le quota :
Initiative louable pour améliorer la participation des femmes à
l'Assemblée, dans les conseils locaux, au Gouvernement et dans les
emplois supérieurs de l'Etat, la loi sur le quota a permis
l'entrée d'un nombre plus élevé de femmes au parlement et
dans les conseils municipaux. Mais comme l'affirme si bien Jacqueline de Groote
« il ne suffit pas que quelques femmes accèdent à de
hautes fonctions. Isolées des autres femmes, elles y deviennent
rapidement des otages du pouvoir en place. Il faut un nombre suffisant de
femmes au pouvoir pour apporter une vision nouvelle des relations entre les
hommes et les femmes dans la société et faire évoluer les
institutions. »81
Avec 12 % de femmes à l'Assemblée Nationale, la
loi sur le quota n'a toutefois pas permis au Niger de réaliser la
moyenne africaine de représentation des femmes au parlement qui est de
14 % alors que la moyenne mondiale est de16 % selon le rapport 2005 des Nations
Unies sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Une
révision plus ambitieuse de ce quota à la hausse s'impose pour
permettre au Niger de s'inscrire parmi les nations qui cherchent à
établir la plus grande équité entre les genres au sein de
la représentation nationale.
Par ailleurs les effets attendus de la loi sur le quota
tardent à se produire au niveau des nominations au niveau du
Gouvernement et des emplois supérieurs de l'Etat et la garantie de
recours offerte par son décret d'application s'avèrent difficile
à mettre en oeuvre. Pour avoir plus d'impact, il faut étendre le
système de quota à toutes les institutions de la
République en réservant des places aux femmes. La révision
du code électoral dans le sens d'introduire la discrimination positive
au regard de la caution à verser et de la répression du
harcèlement basé sur le sexe paraît salutaire pour donner
plus de chance à celles qui en ont le moins dans la préparation
et le déroulement des compétions électorales.
· Offrir plus de garanties aux droits politiques
de la femme : L'Observatoire Nationale de la Promotion de la femme
créé par le Décret n°99-545/PCRN/MDS/P/PF/PE du
81 De Groote J., « pourquoi, partout, la question
de la place de la femme dans le processus de décision et de la
responsabilité publique se pose-t-elle ? », La place de la
femme dans la vie publique et dans la prise de décision, Paris,
L'Harmattan, 1997, p 24
21 décembre 1999 doit être redynamisé pour
lui permettre de jouer un rôle actif dans la promotion et la protection
des droits politiques de la femme. Sa composition doit être revue pour
faire plus de place aux organisations de la société civile
(associations et ONG). Le nombre de fonctionnaires et la présidence
confiée à un ministre ne permettent pas à l'Observatoire
d'avoir l'indépendance ou du moins l'autonomie nécessaire
à la bonne exécution d'une telle mission. Les membres de
l'Observatoire doivent élire leur président et les autres membres
du bureau. Ce mécanisme est plus conforme à l'esprit de la
démocratie et plus approprié à la recherche de
l'efficacité. Cet Observatoire peut travailler étroitement avec
la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés
Fondamentales (CNDHLF) dont nous avons examiné la mission plus haut,
pour assurer une meilleure protection des droits politiques de la femme. En
effet le pouvoir de recevoir des plaintes, de s'auto-saisir, de mener des
enquêtes et les compétences de médiation reconnus à
la CNDHLF sont autant de mécanismes qui, mis au service de l'exercice
des droits politiques de la femme, permettent de mieux en garantir la
protection. Il suffit finalement de quelques ajustements législatifs et
institutionnels pour garantir une plus grande effectivité des droits
politiques de la femme au Niger.
CONCLUSION
De son accession à la souveraineté
internationale (en 1960) à nos jours, la République du Niger a
adhéré ou ratifié la plupart des conventions
internationales affirmant les droits de l'homme y compris les droits politiques
de la femme. Si, en raison de la nature moins démocratique des tous
premiers régimes politiques, les droits politiques n'ont pas
bénéficié de conditions favorables à leur exercice,
avec l'éveil du mouvement féministe international et
l'avènement de la démocratie pluraliste au Niger, le débat
sur les droits de la femme et sa place dans la vie publique prend forme et
vitalité.
Capitalisant les acquis des conventions internationales, la
constitution de la Ve République consacre l'égalité entre
les hommes et les femmes dans la jouissance de leurs droits sur tous les plans.
Sur la plan législatif, la Ve République va reconnaître et
poser très clairement la nécessité d'assurer une plus
grande équité dans la représentation des genres aux haute
fonctions de l'Etat. Pour améliorer l'équité entre les
genres la loi n° 2000-008 du 07 juin 2000 plus connue sous l'appellation
de « Loi sur le quota », fixe pour certaines fonctions
publiques, un minimum de représentation exigé pour l'un ou
l'autre des sexes.
Le caractère démocratique de la Ve
République et la stabilité institutionnelle (au moins du point de
vue de la durée) qui la caractérise ont favorisé
l'émergence et le dynamisme d'une société civile dont une
importante partie se consacre à la promotion de la femme.
Ce cadre juridique et institutionnel a permis
d'améliorer de manière sensible la représentation
politique des nigériennes et leur engagement dans les associations et
les organisations politiques. Sur ce plan la Ve république a fait
assurément mieux que ses devancières.
Toutefois ce jugement peut-être nuancée lorsqu'on
aborde la question en termes de possibilité offerte aux femmes de jouir
de l'ensemble de leurs droits en tant qu'être humain,
indépendamment de l'histoire politique du Niger. Aujourd'hui encore ,
l'on est loin de réaliser la participation équitable des hommes
et des femmes à la prise de décision. Plusieurs facteurs
concourent à cela.
A côté d'un droit égalitaire
consacré par les conventions internationales et la Constitution
nigérienne, évoluent des normes modernes et coutumières
discriminatoires à l'égard des femmes. Cela révèle
le poids des traditions et des pratiques sociales solidement ancrées
dans les mentalités et qu'aucun régime n'a encore osé
réformer profondément. Les réserves formulées par
la République du Niger à la Convention sur l'Elimination de
toutes les
formes de Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDEF)
en sont la plus parfaite illustration. A l'article 5 de la CEDEF par exemple,
qui rend hors la loi les idées fondées sur
l'infériorité ou la supériorité d'un sexe, «
le gouvernement de la République du Niger émet des
réserves en ce qui concerne la modification des schémas et
modèles de comportement socioculturels de l'homme et de la femme
»82. Or comme nous l'avons vu plus haut, une pratique comme la
claustration des femmes mariées les prive de la possibilité
d'exercer une activité ou d'occuper une responsabilité en dehors
du foyer. Cette pratique empêche même à une femme d'aller
voter sans l'autorisation de son mari.
L'analphabétisme et la pauvreté
généralisés dans le pays sont aussi des handicaps à
la participation politique des femmes, car celles-ci sont plus frappées
par ces deux phénomènes que les hommes. L'inégalité
dans l'accès à l'éducation et à
l'alphabétisation et le manque d'égalité des chances dans
l'accès et le contrôle des sources de revenus (emploi, moyens de
production, etc.) dans la société contribuent lourdement à
la marginalisation des femmes et leur empêchent de jouir de certains de
leurs droits.
Par ailleurs, en dépit d'un contexte
démocratique plus favorable et de l'émergence d'une
société civile à laquelle prennent activement part les
femmes, les mécanismes de garantie des droits politiques de la femme
restent perfectibles. D'une part certains mécanismes de garantie
politique ne sont pas toujours opérationnels et d'autre part les
garanties juridictionnelles se révèlent souvent difficiles
à mettre en oeuvre. La loi sur le quota par exemple prévoit un
recours contentieux contre les décisions de nomination au Gouvernement
qui n'assureraient pas le quota de 25 % de représentation de l'un ou
l'autre des sexes. Mais cette garantie n'est en réalité qu'une
fausse sécurité car difficile à mettre en oeuvre sur un
plan pratique et techniquement inopérante. En effet, en plus de la
difficulté de savoir qui a intérêt à attaquer une
décision de nomination, il se pose un problème de savoir si la
juridiction administrative peut connaître des actes relatifs à la
nomination des membres du gouvernement considérés par une partie
de la doctrine comme des actes de gouvernement donc, insusceptibles de recours
contentieux. L'absence au Niger d'une jurisprudence établie en la
matière rend le problème entier. Le résultat est que le
quota n'est pas encore réalisé au niveau des mesures de
nomination.
Au delà des difficultés techniques, l'on peut se
poser la question de la volonté politique de faire changer plus
profondément le statu quo qui est du reste largement défavorable
aux femmes. En dépit des discours et des promesses, les partis
politiques,
82 JORN, n° 19 du 1er octobre 1999, p
845
l'administration et les institutions de la République
sont très largement dominés par les hommes. En dehors de
l'Assemblée nationale et des conseils municipaux où le quota
légal est assuré, la représentation des femmes aux emplois
supérieurs de l'Etat et dans les institutions de la République
(ces institutions sont hors quota) est largement en deçà du
minimum fixé par la loi. Les nominations de cadres supérieurs
pris en conseil de Ministres, violent régulièrement le principe
du quota. Par ailleurs il n'y a pas une stratégie claire de
discrimination positive dans la vie publique et les instances de prise de
décision de manière à améliorer la participation
politique de la femme.
Par ailleurs, l'absence d'un cadre de concertation sur les
droits de la femme au sein de la société civile ne permet pas
à cette dernière d'opérer en synergie et de jouer un
rôle majeur d'influence sur les décisions et les politiques du
Gouvernement.
La participation équitable des genres n'est pas et ne
peut être un discours. C'est « une exigence en termes de droits
de l'homme et de justice sociale, en termes de contribution au
développement à visage humain, ainsi qu'à la paix et
à la résolution pacifique des conflits. »83
En définitive, les acquis du point de vue du cadre
juridique doivent être sauvegardés et d'importants efforts restent
à faire pour réformer les normes et usages internes
discriminatoires. Plus de six (6) ans après l'adoption de la loi sur le
quota qui est déjà un bon début dans la recherche de
l'équité des genres dans la jouissance des privilèges et
libertés, il est temps de réviser ce texte pour tendre vers une
meilleure représentation des femmes et une participation plus
équitable dans la vie publique et dans la prise de décision.
Les droits fondamentaux, dont font partie les droits
politiques, sont des droits inhérents à la personne humaine
indépendamment de toute considération de sexe.
L'égalité de tous les citoyens dans la jouissance de leur droits
politiques est à la fois une exigence de développement et un
facteur de paix sociale. Le Niger ne peut espérer raisonnablement
atteindre le progrès en maintenant plus de la moitié de sa
population à l'écart de la conduite des affaires publiques et des
processus politiques.
Il faut bien convenir avec M. Koffi Annan, Secrétaire
Général de l'Organisation des Nations Unies, que «
l'inégalité dont souffrent les femmes et les violations de
leurs droits fondamentaux demeurent des obstacles majeurs au
développement, à la démocratie et à la paix
» 84.
83 Ould Daddah Turkia, « Exposé
introductif », La place de la femme dans la vie publique et dans la
prise de décision, Paris, L'Harmattan, 1997, p 7
84 Annan, A. Koffi, Rapport annuel du
Secrétaire Général de l'ONU sur les activités de
l'organisation, New York, Nations Unies, 1998, p 32
ANNEXES
- Annexe 1 : les réserves de la République
du Niger à la Convention sur l'élimination de toutes les formes
de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF)
"Réserves nigériennes à la CIDI
- Annexe 2 : loi n° 2000-008 du 07 juin 2000
instituant le système de quota dans les fonctions électives, au
gouvernement et dans l'administration de l'Etat (Loi sur le quota)
"Loi sur le quota.pd~"
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République, Lieutenant- colonel Seyni Kountché :
discours et messages (15 avril 1974 - 15 avril 1975),
Niamey, INN, 1975, 142 p
3. Etudes et rapports
- AFJN, rapport parallèle des organisations non
gouvernementales nigériennes sur la conventions pour
l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard
des femmes, Niamey, juillet 2002, 117 p
- ANDDH, Droits fondamentaux de la femme et de l'enfant,
Niamey, avril 2002, 110 p
- Annan, K., Rapport annuel du Secrétaire
Général de l'ONU sur les activités de l'organisation,
New York, Nations Unies, 1998, 86 p
- Assemblée Générale des Nations Unies,
Etat de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes, Document n°
A/57/406 du 16 septembre 2002
- Bureau de la Coopération Suisse au Nige, Genre et
Développement, une approche nigérienne, Niamey, NIN, 1997, 57
p
- Cabinet du Premier Ministre de la République du Niger,
Stratégie de réduction de la pauvreté, Niamey,
janvier 2002, 209 p
- CARE International au Niger, Définition d'une
stratégie d'accompagnement des femmes élues, Niamey,
décembre 2005, 37 p
- DPF (MDS/P/PF/PE), Etude sur le statut juridique de la
femme et la loi au Niger, Niamey, avril 2002, 79 p
- I.I.S.A, La place de la femme dans la vie publique et
dans la prise de décision, une étude comparative : le cas de
l'Europe, du Canada, du Maroc et de la Palestine, Paris, L'Harmattan, 1997, 141
P
- MDS/P/PF/PE, Rapport de l'analyse approfondie des
principaux indicateurs de la
base de données désagrégée par
sexe, CIERPA-Le Pharaon, Niamey, 2003, 82 p
- MEB/A, Statistiques du Ministère de l 'Education de
base de l'Alphabétisation 2004 -
2005, Niamey, septembre 2005, 332 p
- Nations Unies, Objectifs du Millénaire pour le
Développement Rapport 2005, New York 2005, 48 p
- Système des Nations Unies au Niger, Rapport National
sur le Développement Humain Niger 2004, Niamey, 2004, 150 p
- UNICEF, Analyse de la situation des femmes et des enfants
au Niger, Gubler SA, Lengnau (Suisse), 1994, 216 p
4. Ressources en ligne et sites Web :
-
http://www.droits-fondamentaux.prd.fr/dudf
-
www.droits-fondamentaux.org
-
http://millenniumindicators.un.org/unsd/mi/mi
goals.asp -
http://www.aidh.org
-
http://www.ohchr.org/french/
- http://www.africa-union.org/
- http://www.pnud.ne/
- http://www.assemblee.ne/
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