Conclusion
Notre étude a permis de mener une réflexion sur
les outils méthodologiques nécessaires à la
modélisation des effets du dispositif de défiscalisation locale,
et a conduit à la construction d'un modèle en équilibre
partiel de l'impact de la défiscalisation sur le secteur hôtelier
polynésien.
Ce modèle offre des résultats
intéressants sur les effets induits de la défiscalisation mais
aussi sur les caractéristiques du marché touristique
polynésien. Ainsi, le poids de chaque déterminant de la demande
de nuitées hôtelières a été mis en
lumière et l'on constate une faible sensibilité des touristes non
européens aux fluctuations monétaires (parité dollar/euro
et yen/euro). 40 En revanche, un lien étroit et robuste
apparaît entre le revenu américain et la demande
hôtelière polynésienne: la conjoncture américaine
est donc un déterminant non négligeable de la venue de touristes
américains et par conséquent, le tourisme polynésien
paraît sensible voire volatile à la conjoncture internationale.
Quant à l'impact du dispositif de
défiscalisation locale sur l'activité hôtelière, ce
dernier semble faible. En effet, si la réduction de 2/3 du coût du
capital induite par la défiscalisation entraîne une baisse du
coût moyen de long terme d'une nuitée allant jusqu'à 13%,
le nombre de nuitées induites par ce dispositif ne varie que de 5%. Ceci
correspond à un nombre de nuitées supplémentaires allant
de 42 371 à 101 600 soit un CA supplémentaire compris entre 1,7
milliards de F CFP (14 millions d'Euro) et 4 milliards de F CFP (33 millions
d'Euros). Compte tenu de l'effort budgétaire consenti par le Pays
à la défiscalisation dans le secteur hôtelier (50 milliards
F CFP entre 1996 et 2006, soit en moyenne 4,5 milliards par an), cet impact
semble être décevant.
Ce résultat s'explique par un autre résultat de
notre étude: la demande hôtelière ne varie quasiment pas
à une variation du prix (élasticité-prix de la demande
très faible). Si ce résultat peut être expliqué par
les caractéristiques de l'offre hôtelière (bien de luxe),
il est la raison centrale du faible impact des dispositifs de
défiscalisation sur l'équilibre hôtelier. En effet, compte
tenu de cette faible élasticité-prix de la demande, les
politiques visant à diminuer le coût d'une nuitée et donc
son prix, ne peuvent avoir qu'une efficacité limitée. Le
raisonnement contrefactuel mené dans cette étude en est
l'illustration: que l'aide publique porte sur le coût du capital
(défiscalisation) ou sur le coût du travail (baisse de la masse
salariale), l'impact de ces mesures sur le nombre de nuitées induites
reste faible, et ceci du fait d'une faible sensibilité de la demande aux
prix. Ainsi, malgré la baisse du seuil de
rentabilité41 induite par la défiscalisation, cette
dernière ne suffit pas à relancer la demande
hôtelière car elle ne le permet pas. Par conséquent, la
défiscalisation locale ne paraît pas pouvoir être
considérée comme un instrument efficace de développement
du secteur hôtelier.
Cette conclusion peut paraître forte mais elle ne semble
pas exagérée dès lors que l'on considère les
hypothèses retenues dans le modèle: des hypothèses
favorables à la mise en lumière d'effets positifs de la
défiscalisation sur la demande hôtelière. En effet, nous
avons supposé l'existence d'un marché hôtelier
concurrentiel à long terme, présumant ainsi que l'ensemble de la
baisse des coûts, induite par la défiscalisation, était
répercuté sur les prix. L'absence d'effets de marge nous a donc
permis de prédire qu'à l'équilibre recette moyenne et
coût moyen s'égalisaient au prix. Ainsi, l'ensemble des effets de
la défiscalisation est, par construction, redistribué aux
consommateurs. Or, malgré cette hypothèse forte, le dispositif de
défiscalisation locale apparaît peu efficace. Si cette
hypothèse était affaiblie, supposant qu'une partie de la baisse
du coût du capital était reportée sur les marges, ou si
l'on supposait le marché hôtelier oligopolistique, l'impact de la
défiscalisation serait encore plus faible, voire nul.
Si le modèle n'est, par construction, pas en mesure de
montrer l'existence d'effets d'aubaine (investissements hôteliers qui
auraient été réalisés en l'absence de
défiscalisation), il peut néanmoins laisser présager de
l'existence d'un autre effet pervers de la défiscalisation: un effet de
cannibalisme. Ce concept désigne le fait que les nouveaux entrants
(voire des hôtels de même marque) génèrent la
faillite des autres. En
40 Ce dernier résultat peut néanmoins
être nuancé au regard de la faible significativité des
coefficients, Cf. Annexe 4.
41 En effet, la défiscalisation peut être vue comme
un dispositif permettant de diminuer le taux de remplissage pour un même
niveau de rentabilité.
effet, malgré une rentabilité médiocre du
secteur hôtelier, associée à un taux de remplissage rigide,
de nouveaux hôtels défiscalisés sont construits,
annonçant alors une concurrence accrue source de fermeture. Si ce
constat n'est pas la preuve d'un surinvestissement, il pose néanmoins la
question du fait -une fois encore- de la faible élasticité de la
demande hôtelière.
Personnes rencontrées au cours de cette étude et
remerciées pour leur aide
AFD Papeete
Benoit Massuyeau IEOM
Bruno Jordan Service Tourisme
Charlotte Fontan SPPE
Christophe Parion FITEC
Claude Périou Socredo
Dany Panerau Service des contributions
Dhana Brillant ISPF
Dominique Michaud Le Méridien
Franky Sacault SPPE
Julien Vucher-Visin ISPF
Lolita Kuo IEOM
Olivier Sudrie D M E
Pierre Terriitehau D M E
Richard Chin-Foo Tahiti Invest
ThierryButtaud South Pacific Management
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