CENTRE DE TECHNIQUES DE PLANIFICATION ET D' EC
ONOMIE APPLIQUEE.
Une estimation du coefficient pass-through du taux de
change sur les prix en Haïti. Période octobre 1990 - septembre
2005.
Mémoire de sortie Préparé par : Dady
AUGUSTIN & Dario LEBELON En vue de l'obtention d'un DES en Economie
Appliquée
Sous la direction du Professeur Wilson LALEAU, Septembre
2007
Promotion 2001- 2005
Une estimation du coefficient pass-through du taux
de change sur les prix en Haïti. Période octobre 1990 -
septembre 2005.
Tant que la gourde ne recouvrera pas sa fonction de
réserve de valeur, l'économie haïtienne pourra
difficilement recevoir des investissements sur le long terme.
Wilson Laleau
AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS
Après quatre années de durs labeurs
passées au Centre de Techniques, de Planification et d'Economie
Appliquée (CTPEA), comme tous étudiants, nous avons dû
remplir cette dernière obligation conduisant au DES en Economie
Appliquée qu'est le mémoire de fin d'étude. Ce travail,
qui selon plus d'un est très difficile, voire même impossible
quand on tient compte du manque de disponibilité de professeurs dans
l'UEH pour encadrer ces genres de recherches, de la faiblesse de l'appareil
statistique d'Haïti et des contraintes de tous genres qui se dressent dans
la conduite d'une pareille recherche, se veut une synthèse des
principales notions théoriques apprises au Centre et
développées dans un thème sur Haïti. Il va sans dire
qu'un tel exercice n'a pas été facile. Mais grâce aux
encouragements et encadrements de plus d'un, nous pouvons nous estimer heureux
d'en arriver aux termes.
En ce sens, nos remerciements vont d'abord au Grand Architecte
de l'Univers qui
nous permet d'être ici et qui nous a gratifié du don
de l'intelligence.
Ensuite nos remerciements vont à l'endroit de nos
familles, particulièrement nos parents, qui dès le départ
ont su l'importance de l'éducation et nous ont toujours
accompagné et encouragé dans la poursuite de nos études
afin de pouvoir servir dignement le pays demain.
Nos remerciements vont également à l'endroit de
notre Directeur de recherche, le professeur Wilson LALEAU, qui a accepté
de nous encadrer tout au long du travail. Nos remerciements vont à tous
ceux qui ont participé dans notre formation au CTPEA. En ce sens nous
remercions nos camarades et surtout nos professeurs, qui ont su nous inculquer
les différentes notions théoriques tout au cours de notre
formation.
Un remerciement très particulier à
Luciéné Maxime pour son support inconditionnel durant tout le
travail.
Nos remerciements vont enfin à tous ceux qui d'une
manière ou d'une autre nous ont encouragé à
réaliser ce travail par leurs conseils, leurs critiques et suggestions
qui nous ont été plus que salutaires dans la conduite de cette
recherche.
RESUME
Depuis longtemps, la mesure dans laquelle les variations du
taux de change affectent les prix intéresse les économistes. Ce
papier s'est donc fixé pour objectif d'évaluer
théoriquement et empiriquement le coefficient pass-through du taux de
change dans le cadre d'Haïti. Un modèle déjà
utilisé dans la littérature par Mose Kiptui, Daniel Ndolo et
Sheila Kaminchia (avril 2005) pour le Kenya a été adapté
dans cette étude. Le coefficient pass-through a été
estimé dans un premier temps au premier degré où nous
avons mesuré le degré de transmission des fluctuations du taux de
change à l'indice des prix à l'importation, et dans un second
temps la transmission vers les prix à la consommation a
été estimée. Nos résultats ont montré que
sur le court terme, ces deux coefficients sont incomplets mais
élevés dans le cadre de l'économie haïtienne ce qui
nous porte à croire que les fluctuations du taux de change jouent un
rôle significatif dans la formation des prix dans cette économie
sur le court terme.
ABSTRACT
The degree in which exchange rate changes affect prices
interest economists long time ago. This paper aims to evaluate theoretically
and empirically the exchange rate passthrough for Haïti. A model used in
the empirical literature by Mose Kiptui, Daniel Ndolo and Sheila Kaminchia for
the Kenyan economy has been adapted in this study. The passthrough coefficient
has been estimated both on the first and second stage where we estimate first
the degree in which exchange rate changes are transmitted to import prices and
second where the changes in import prices are transmitted to consumer prices.
Our results show that in the short run, those coefficients are incomplete, but
high in the case of Haitian economy. By those results, we can conclude that
exchange rate changes are an important determinant in the formation of prices
in this economy on the short run.
LISTE DES SIGLES
IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique
DES : Diplôme d'Études Supérieures
EBCM : Enquête budget consommation des ménages
ECVH : Enquête sur les conditions de vie en Haïti
PIB : Produit Intérieur Brut
FMI : Fond Monétaire International
BRH : Banque de la République d'Haïti
E-views: Econometric views
VAR: Vecteur Autoregressive
ADF: Augmented Dickey - Fuller
UEH: Université d'Etat d'Haïti
VECM: Vector Error Correction Model
CTPEA : Centre de Techniques, de Planification et d'Economie
Appliquée.
PPA : Parité du Pouvoir d'Achat
PTM: Pricing to Market
IPC: Indice des prix à la consommation
IPI : Indice des prix à l'importation
ESAF : Facilité d'Ajustement Structurelle
CCI : Cadre de Coopération Intérimaire
DS: Difference Stationary Process
TS: Trend Stationary Process
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES
Tableau I. - Causes de l'inflation
Tableau II. - Principaux résultats des différentes
études présentées ci-dessus
Tableau III. - Principaux résultats des tests ADF
Tableau IV. - Recherche d'un modèle VAR optimal
Tableau V. - Résultats des tests de causalités de
Granger
Graphique I. - L'inflation selon les Keynésiens
Graphique II- Evolution du taux de croissance de M2 de 1990
à 2005.
Graphique III. - Evolution en pourcentage de la part des
importations dans le PIB réel
de 1990 à 2005.
Graphique IV.- Volatilité du taux de change HTG / USD de
mars 1991 à septembre
2005.
Graphique V. - Evolution du rythme d'augmentation de l'indice des
prix à
l'importation de 1991 à 2005.
Graphique VI.- Evolution du degré d'ouverture de
l'économie haïtienne de 1991 à
2005.
Graphique VII. - Réponse de l'indice des prix à
l'importation suite à une variation de
1% du taux de change.
Graphique VIII.- Réponse de l'indice des prix à la
consommation suite à une variation
de 1% de l'indice des prix à l'importation.
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1.- Evolution de l'absorption domestique sur le PIB.
Annexe 2.- Evolution du taux de couverture des importations par
les exportations en
millions de gourdes de 1986-1987
Annexe 3.- Test de causalité (Notions
théoriques)
Annexe 4.- Stationnarisation de la variable IPC
Annexe 5.- Stationnarisation de la variable IPI
Annexe 6.- Stationnarisation de la variable TX
Annexe 7.- Stationnarisation de la variable M2
Annexe 8.- Modèle VAR optimal retenu
Annexe 9.- Test de Johannsen
Annexe 10.- Test de causalité de Granger
Annexe 11.- Estimation du VEC
Annexe 12.- Evolution de la part des Importations dans le PIB
réel pour la période de 1990 à 2005 en million de
gourdes
Annexe 13.- Evolution du PIB réel et des importations de
1990 à 2005.
Annexe 14.- Les générations d'indice des prix
à la consommation calculées en Haïti. Annexe 15.- Variation
de l'IPC et du taux de change de 1991 à 2005.
Annexe 16.- Evolution du ratio de dollarisation de
l'économie haïtienne de 1990 à 2005 Annexe 17.- Evolution du
déficit commercial d'Haïti de 1991 à 2005 en millions de
dollars USD.
Annexe 18.- Evolution des réserves nettes de change de
1990 à 2005, en millions de dollars USD.
Annexe 19.- Réponse de l'indice des prix à la
consommation à une variation de 1% de la masse monétaire M2.
Annexe 20.- Réponse de l'indice des prix à la
consommation suite à une baisse de 1% du taux de change.
Annexe 21.- Séries utilisées dans le
modèle.
TABLE DES MATIERES
A VANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS i
RESUME ii
LISTE DES SIGLES iii
LISTE DES TABLEAUXET GRAPHIQUES iv
LISTE DES ANNEXES v
TABLE DES MA TIERES 1
INTRODUCTION 3
JUSTIFICATION 3
PROBLÉMATIQUE 4
HYPOTHÈSES DE TRAVAIL 6
DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE 6
Chapitre 1 : Cadre conceptuel, revue de la
littérature théorique et empirique 8
1.1 Cadre conceptuel 8
1.1.1 Le taux de change 8
1.1.2 L'inflation 9
1.2 Considérations théoriques 12
1.2.1 La théorie keynésienne de l'inflation
12
1.2.2 L 'approche monétariste de l'inflation
13
1.2.3 La théorie de la parité de Pouvoir
d'achat (PPA) 15
1.2.4 L'approche dupass-through 16
1.3 Revue de la littérature empirique 17
1.3.1. Approche microéconomique 18
1.3.2. Approche macroéconomique 21
Chapitre 2 : Les principaux déterminants
macroéconomiques du coefficient pass-through en Haïti.
26
2.1. Les conditions macroéconomiques pendant la
période 26
2.2 Evolution de la politique monétaire en Haïti
28
2.3 Evolution de la part des Importations dans le PIB réel
32
2.4 Evolution de la volatilité du taux de change. 33
2.5 Evolution du degré d'ouverture de l'économie
haïtienne 36
Chapitre 3 : Modélisation de l'impact des
fluctuations du taux de change
sur l'inflation pour la période octobre 1990
à septembre 2005. 38
3.1. Description de la base de données 38
3.1.1 Masse monétaire M2 38
3.1.2 Taux de change 39
3.1.3 Indice prix à la consommation (IPC) 39
3.1.4 Indice des prix à l'importation 40
3.2 Présentation du modèle 40
3.2.1. Méthodologie 40
3.2.2. Spécifi cation du modèle 42
3.2.3. Estimation 43
3.3 Analyse des résultats et Recommandations 45
3.3.1. Analyse des résultats 45
3.3.2. Recommandations 48
CONCLUSION 50
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE 51
INTRODUCTION JUSTIFICATION
Depuis les accords de Jamaïque signés en 1976
où différents pays ont remplacé le système de
change fixe par un système de change flottant, les économistes se
sont intéressés aux impacts négatifs d'une
dépréciation de la monnaie d'un pays par rapport à celle
de ses principaux partenaires commerciaux. En effet, un choc négatif sur
le taux de change peut se répercuter sur les prix à
l'importation, ce qui par la suite se transmet1 à travers les
coûts de production (transmission indirecte) ou directement sur les prix
à la consommation pour les biens importés destinés
à la consommation. Or depuis la fin des années 80, les
importations tant de biens d'équipement que de biens de consommation ne
cessent de progresser dans l'économie haïtienne. Aujourd'hui
encore, Haïti reste très dépendante du reste du monde, quand
on tient compte de l'évolution du poids des importations dans l'offre
nationale. Parallèlement, de 1990 à 2005, Haïti a connu des
taux d'inflation élevés soit 5 1.08%, 15.32% et 42.46%
respectivement en 1994, 2000 et 2003, soit une moyenne de 17.33% sur toute la
période. Il serait donc opportun de mener une étude pour mesurer
les effets des fluctuations du taux de change sur les prix en Haïti.
De plus, cette recherche serait certainement utile pour les
implications de la politique monétaire et surtout du fait que peu
d'études de ce genre sont accessibles au public. Bien sur, ce travail a
une portée académique nous permettant d'étudier un
phénomène tant du point de vue théorique qu'empirique.
1 La transmission indirecte concerne surtout les
machines servant à la fabrication d'autres produits. Par contre la
transmission directe concerne les biens primaires qui rentrent directement dans
le panier de consommation des ménages.
PROBLÉMATIQUE
L'inflation est un phénomène
macroéconomique qui se traduit par une hausse persistante du niveau
général des prix. Il est coûteux en terme
socioéconomique et néfaste pour la croissance. Ce
phénomène conduit à l'érosion du pouvoir d'achat de
la monnaie et des autres actifs financiers à valeur fixe, diminue
l'épargne, augmente les coûts de production,
décourage la consommation provoquant ainsi un véritable
déclin de l'activité économique. Elle favorise les
distorsions sociales dans le sens que certaines catégories qui
reçoivent des revenus fixes subissent une perte de leur pouvoir d'achat
en termes réels, tandis que d'autres gagnent des revenus plus ou moins
flexibles qui leur permettent de pallier les hausses
répétées des prix dans l'économie. A noter que ce
cas est spécifique à une inflation galopante ou de
l'hyperinflation. Elle engendre en outre des distorsions entre prêteurs
et emprunteurs dans le sens que le taux d'intérêt n'arrive pas
toujours à compenser la hausse du niveau des prix (ce qui
privilégie l'une des parties au détriment d'un autre).
L'inflation est donc un véritable problème2 pour
l'économie moderne tant par le rôle prépondérant
qu'elle joue dans les distorsions économiques que dans l'incertitude
économique. Tout pays doit donc chercher à lutter contre ce
fléau et Haïti n'est pas une exception.
En effet depuis près de vingt ans, Haïti signe des
programmes financiers3 avec le FMI où nos différents
gouvernements se sont engagés à atteindre des objectifs. En
matière de taux d'inflation, les objectifs et les résultats ont
été les suivants. Pour les exercices 1988, 1989, 1990 l'objectif
a été de 4.5% 4 en moyenne tandis que les
résultats ont été respectivement 8.35%, 6.97% et
24.64%5. En 1996 l'objectif a été de 4.5% l'an tandis
que pour l'exercice 1996-1997, l'économie haïtienne a
enregistré un taux d'inflation de 16,2% ce qui a été l'une
des raisons qui a entraîné l'interruption du programme de
1996-1999 six mois après le début de sa mise en oeuvre
(Deshommes, mai 2005) ; pour l'exercice 2002-
2 Il faut reconnaître que l'inflation a ses
bons cotés, dans le sens que si les prix baissent, ceci va affecter la
croissance économique et on va se retrouver en situation de
récession. C'est le cas du Japon (1994-2003). Mais dans cette
étude, on s'intéresse plus à ses aspects vicieux.
3 Les premiers accords ont été entrepris
dans le cadre des programmes d'ajustement structurel et les autres font parties
des SMP (Staff Monitoring Program).
4 IMF, Staff Report for the 1987 Article IV
Consultation, Review of first Annual Arrangement under the structural
adjustment Facility.
5 Inflation annuelle, valeur de septembre.
2003, l'objectif était de ramener le taux d'inflation
à environ 10%, tandis qu'on a enregistré un résultat final
de 42.46%. Force est-il de constater que dans le moyen et le long terme, les
objectifs en matière de taux d'inflation n'ont jamais été
vraiment atteints.
Parallèlement, une nouvelle source d'inflation
causée par la hausse6du taux de change va apparaître
dans l'économie haïtienne dès le début des
années 80. Les craintes se sont donc intensifiées, surtout avec
l'officialisation du système de change flottant en 1991 et depuis lors,
on observe une dépréciation quasi continue de la gourde par
rapport au dollar. En effet, d'octobre 1990 à septembre 2005, le taux de
change est passé de 7.81 à 43.04 gourdes pour un dollar, soit une
dépréciation7 de 8 1.85% en 15 ans.
Parallèlement, l'indice des prix à la consommation semble suivre
le rythme du taux de change, particulièrement durant les années
2000 où il a été décidé par les
autorités étatiques de ne plus subventionner les produits
pétroliers dans l'économie. En outre les importations tant de
biens d'équipement que de biens de consommation ont
considérablement progressé durant ces dernières
années dans l'économie. En effet en termes réels, le ratio
M/PIB8 est de 51.34%, 70.84% et 120.85% respectivement pour les
années 1991, 1996 et 2005. Comment expliquer cette incapacité de
l'économie à atteindre les objectifs fixés par les
politiques en matière d'inflation? Sans minimiser le poids de
l'instabilité politique qui a régné au cours de la
période d'étude, quelle est la place du taux de change dans
l'explication de la persistance d'un taux d'inflation à deux
chiffres9 dans l'économie haïtienne? Autant de questions
qui nous préoccupent dans le cadre de cette étude et dont les
différentes réponses apporteraient sans doute une lumière
aux autorités monétaires dont l'un des principaux objectifs est
de maîtriser l'inflation.
Notre objectif principal est donc d'étudier le
rôle du taux de change dans la formation des prix dan l'économie
Haïtienne. De manière spécifique, nous voulons estimer les
coefficients pass-through10 du taux de change pour Haïti sur la
période d'étude. Ceci
6 Il faut souligner que dans un premier temps, cette
hausse provient du marché parallèle.
7 La dépréciation de la gourde a
été calculée à partir du taux de croissance de la
valeur externe de la monnaie : (vt-vt-1) / vt-1 avec vt = 1 / Taux
de change courant.
8 Depuis 2000, les importations dépassent le
PIB (BRH, rapport annuel 2004).
9 Outre les années 1998 et 1999 où on a
enregistré des taux d'inflation de 8,27 et 9,92 (en rythme annuel),
l'économie a enregistré des taux d'inflation à deux
chiffres sur l'ensemble de la période d'étude.
10 Le pass-through est considéré
comme étant la variation en pourcentage du prix des importations qui
résulte d'une variation de 1% du taux de change (GOLDBERG P.K. et
KNETTER M.M (1996) "Goods Pri ces and Exchange Rate)
nous permettra de déterminer l'efficacité du
taux de change à absorber les effets des chocs extérieurs qui ont
sans doute un impact sur le niveau des prix dans l'économie
haïtienne sur le court et le long terme. Pour cela, nous formulons les
hypothèses suivantes :
HYPOTHÈSES DE TRAVAIL
H1: Tenant compte de la part élevée des
importations dans le PIB en termes réels et dans le panier de
consommation du ménage haïtien, le taux de change joue un
rôle significatif dans l'explication de l'évolution des prix en
Haïti.
H2: Vu la structure de l'économie haïtienne, la
hausse du taux de change se répercute fortement sur les prix des
produits importés.
H3: Un choc sur les prix à l'importation dû
à une hausse du taux de change se transmet fortement sur les prix
à la consommation.
DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
Notre travail est de nature théorique et empirique. La
stratégie pour vérifier nos hypothèses est de deux sortes
: une approche descriptive et une approche analytique. Dans la première
approche, nous allons présenter le cadre conceptuel et théorique
du travail d'une part, et d'autre part, nous allons voir comment certaines
variables clés dans cette étude ont évolué dans
l'économie haïtienne durant les 15 dernières années.
Dans la seconde approche, nous allons estimer et analyser le coefficient
pass-through pour Haïti à partir d'un modèle tiré
dans la littérature économique. Ce modèle a
déjà été utilisé par Moses Kiptui, Daniel
Ndolo et Scheila Kaminchia (avril 2005) qui ont testé le coefficient
passthrough dans le cas du Kenya. Toutefois nous apporterons certaines
modifications pour tenir comptes des spécificités propres de
notre économie. Les données que nous allons utiliser proviennent
de la BRH et de l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI)
et seront traitées à partir du logiciel E-views 4.1.
Généralement, les études sur le
coefficient pass-through adoptent deux approches spécifiques. Une
approche microéconomique11 et une approche
macroéconomique. Cette dernière est la plus utilisée dans
la littérature compte tenu de sa facilité à être
opérationnalisée et la possibilité de trouver les
données. C'est donc elle que nous retenons dans le cadre de ce travail.
Le modèle VAR12, méthode popularisée par SIMS
en 1980 sera utilisée dans le cadre de ce travail. Il nous permettra de
cerner la relation statistique entre les différentes variables qui
seront spécifiées dans notre modèle. La suite de cette
étude s'articule autour de trois chapitres.
Le chapitre (I) un est consacré à une revue de
littérature théorique et empirique du sujet. D'abord, nous
présenterons le cadre conceptuel du sujet. Ensuite, nous passerons en
revue certaines théories qui ont rapport avec notre thème
d'étude d'où nous allons tirer le cadre d'analyse pour mener
cette recherche. A noter que dans cette partie, nous ne nous contenterons pas
de faire des présentations, ce sera de préférence une
revue critique, où nous nous proposons d'analyser les points forts et
les limites des différentes théories explorées dans ce
travail. Enfin, nous ferons une revue de littérature empirique du sujet
où nous étudierons comment certains auteurs ont abordé le
même thème.
Dans le second chapitre, nous allons analyser
l'évolution des principaux déterminants macroéconomiques
du coefficient pass-through du taux de change en Haïti. Ce chapitre trouve
sa justification en ce sens qu'il nous permettra d'interpréter
aisément d'un point de vue économique les résultats de nos
estimations, tenant compte de l'évolution de ces derniers.
Dans le troisième chapitre, nous allons d'une part,
présenter et spécifier le modèle retenu dans le cadre de
ce travail. D'autre part, nous présenterons et analyserons les
résultats d'un point de vue statistique et économique à la
lumière de la théorie économique et du contexte
d'évolution de l'économie haïtienne. Cette partie nous
permettra d'accepter ou de réfuter nos différentes
hypothèses.
11 Voir les déterminants de l'approche
microéconomique à la page 20 et les déterminants de
l'approche macroéconomique à la page 23.
12 Vecteur Autorégressif
Chapitre 1 : Cadre conceptuel, revue de la
littérature théorique et empirique.
1.1 Cadre conceptuel
Cette section est consacrée à la
présentation de certains concepts qui faciliteront la
compréhension de la suite du texte. Il ne s'agit pas pour nous de faire
une présentation exhaustive des différents termes techniques
utilisés, mais nous voulons avant tout bâtir une construction
abstraite afin de renseigner le lecteur sur la réalité qui nous
préoccupe. En ce sens, nous avons choisi de développer deux
concepts clé dans notre étude : le taux de change et
l'inflation.
1.1.1 Le taux de change
Définition du taux de change
Selon Grégory N. Mankiw13 le taux de change
est le prix auquel se font les échanges entre deux pays. Cette
définition est un peu large, en ce sens qu'elle ne fournit aucune
précision sur la nature du prix du bien dont fait mention l'auteur.
Cette objection nous renvoie donc à préciser les deux types de
taux de change que reconnaissent les macro économistes en
général : le taux de change réel et le taux de change
nominal.
D'un point de vue macroéconomique, le taux de change
réel est un indicateur de compétitivité en ce sens qu'il
informe sur le rapport des prix intérieurs et des prix externes des
biens et services. S'il est faible, les résidents d'un pays auront
tendance à acheter peu de biens et services à l'étranger.
Sinon, ils auront le comportement inverse. D'un autre coté, le taux de
change nominal est le prix relatif des monnaies de deux pays. C'est cette
définition que nous retenons pour la suite du travail et à chaque
fois que nous parlerons de taux de change, nous nous y
référerons.
Traditionnellement, on a coté dans chaque pays les
monnaies étrangères en unité de monnaie locale; on dit
alors que la cotation est à l'incertain. Dans le cas contraire où
les devises jouent le rôle de numéraire, elle est dite au
certain14.
13 Grégory N. Mankiw, Macroéconomie,
Editions Ouvertures économiques, janvier 2004.
14 Telle est le cas des Etats-Unis et du
Royaume-Uni.
· Le cas du pass-through
Le pass-through est le phénomène par lequel la
dépréciation d'une monnaie affecte les prix dans une
économie. Selon GOLDBERG P.K. et KNETTER M.M (1996), il est
considéré comme étant la variation en pourcentage du prix
des importations qui résulte d'une variation de 1% du taux de change.
Pour la suite de notre travail, nous parlerons de pass-through au premier
degré quand il s'agit d'étudier l'ampleur des changements du taux
de change sur l'indice des prix à l'importation; et de pass-through au
second degré quand nous étudierons l'impact des changements des
prix à l'import sur les prix à la consommation, ces changements
étant dus à une hausse du taux de change.
1.1.2 L'inflation
Définition
L'inflation est avant tout un phénomène
dynamique. Il est défini comme une hausse
généralisée15, autoentretenue, durable et plus
ou moins importante des prix. C'est un phénomène
macroéconomique mettant en jeu l'interdépendance entre toutes les
parties et tous les mécanismes de l'économie. Il est
mesuré par un indice du coût de différents biens et
services appelé Indice des prix à la consommation. Il peut se
présenter sous différentes formes. On parle d'inflation rampante
pour un taux d'inflation de 3 à 4 % l'an, d'inflation galopante pour un
taux d'inflation de 6 à 50%16 l'an et d'hyper inflation pour
un taux d'inflation annuel dépassant les 50%.
15 A noter que quand la hausse des prix n'est pas
généralisée dans l'économie, mais est
localisée dans un secteur spécifique, on parle dans ce cas de
pression inflationniste.
16 In Inflation et déflation,
http://forums.france2.fr/france2/europe1/inflation-sujet-11698-1.htm
Tableau I-. Causes de l'inflation
Inflation par la demande
|
Il résulte d'un déséquilibre entre une
demande trop forte par rapport à une offre à un prix
donné. Pour rétablir l'équilibre, les prix augmentent
tirant la demande à la baisse. (voir l'évolution du poids de
l'absorption domestique sur le PIB)
|
L'inflation par les coûts, la productivité
et la marge
|
Dans la plupart des cas, les entreprises fixent leurs prix en
ciblant leur niveau de profit. Revenu total = P*Q ( P : prix , Q :
quantité )
PQ = (1+k) * (Wn + Cm) k étant le taux de marge des
entreprises
devant garantir le niveau de profit désiré; W :
salaire n : nombre
d'employés Cm : coût * quantité des autres
facteurs, taxes, matières
premières
P = (1+k) [W/ (Q/n) + C / (Q/m)] Mais les rapports Q/ n et Q/
m
représentent respectivement la productivité du
travail et celle des autres facteurs. La croissance des prix dans
l'économie peut donc résulter tout à la fois d'une baisse
de la productivités des facteurs, d'une augmentation du coût des
facteurs, du taux de marge ou d'une combinaison des trois.
|
L'inflation par les structures
économiques
et sociales
|
Les rapports de force sur le marché ne permettent pas
toujours une libre fixation du prix d'équilibre. C'est le cas quand une
entreprise est en situation de monopole ou que le pouvoir des syndicats est
trop fort.
|
L'inflation
importée
|
Il survient suite à la hausse du prix d'un bien
importé faisant partie du processus de production ou rentrant
directement dans la consommation. C'est le cas le plus direct et on a tendance
à oublier les autres facteurs. Pourtant, avec l'instauration du
système de change flottant, on a pu constater que les monnaies des pays
modérément inflationnistes étaient
régulièrement surévaluées tandis que les pays
à forte inflation avaient, au contraire, une monnaie
sous-évaluée ce qui ne faisait que surenchérir leurs
importations.
|
Source : Recherches bibliographiques.
Conséquences de l'inflation
L'inflation entraîne des conséquences
économiques et sociales.
· Conséquences
économiques
L'inflation érode le pouvoir d'achat des
ménages, ce qui diminue leur niveau de vie. Il réduit les
recettes réelles de l'Etat (effet Olivera-Tanzi), ce qui aggrave les
déficits publics. Si l'Etat finance ce déficit par une
création monétaire de la banque centrale, il accentue les
coûts pour les agents économiques en ce sens qu'il
prélève sur ces derniers une taxe d'inflation.
· Conséquences sociales
Les conséquences sociales de l'inflation sont diverses.
Pour une inflation anticipée, on parle de coût « d'usure en
chaussures » pour les agents économiques du fait qu'elle diminue
les encaisses réelles de ces derniers et les porte ainsi à aller
plus souvent à la banque pour augmenter le niveau de leurs encaisses.
Les entreprises quant à elles font face à un « coût de
menu » du fait qu'elles sont obligées de modifier très
souvent leurs listes de prix. Aussi, supposons qu'une entreprise décide
de ne pas ajuster son prix pour une inflation stable de 1% par mois. Au tout
début de l'année, ses prix de vente sont relativement
élevés, ce qui diminue la demande, par contre à la fin de
l'année, ses prix relatifs baissent ce qui augmente automatiquement son
volume de vente. On voit donc bien que l'inflation entraîne des
inefficacités microéconomiques à cause des changements
dans les prix relatifs. Pour une inflation non anticipée, l'impact est
encore plus pernicieux car elle redistribue de manière arbitraire la
richesse entre les gens. L'inflation agit donc sur l'ensemble des agents
économiques. Ceci justifie donc la place importante que joue cette
variable dans tous programmes économiques.
Constats
Quand un choc externe fait augmenter le rythme de croissance
des prix, ce dernier ne revient pas à sa situation initiale à la
disparition de ces chocs. ( Phénomène d'Hystérésis)
Donc la meilleure façon de combattre l'inflation est de l'éviter,
car elle ne disparaît pas à la disparition de ses causes !
1.2 Considérations
théoriques
Cette section concerne les différentes approches
théoriques de l'inflation qui ont jalonné l'histoire
économique. Elle ne se veut pas exhaustive et ne se contente pas
simplement d'une présentation de ces diverses approches. Elle vise
essentiellement à voir dans chacun des cas, les points forts et les
limites de chacune d'elle. En ce sens, nous tenterons de présenter dans
cette partie la théorie keynésienne de l'inflation, la
théorie monétariste de l'inflation, la théorie de la
Parité de Pouvoir d'Achat et enfin l'approche du Pass-through.
1.2.1 La théorie keynésienne de
l'inflation
Toute la macroéconomie keynésienne est une
théorie de la demande. C'est à partir de cette dernière
que Keynes propose les différents remèdes pouvant aider une
économie se trouvant en situation de sous-emploi à atteindre le
plein emploi. L'auteur suppose qu'à court terme, les prix sont rigides
et c'est notamment cette rigidité des prix qui va rompre selon lui la
neutralité de la monnaie. Cette situation est modélisée de
la manière suivante :
Graphe #1 L'inflation selon les
Keynésiens
OLT
P1
D4
P
OCT
D1 D2 D3
Pb
Y1 Y2 Y3 Yp
Où : Di, i=1à 4: demande agrégée
OCT : Offre agrégée de court terme
OLT : Offre agrégée de long terme
Yi : Revenu
Pi : Prix
A court terme, la courbe d'offre agrégée est
horizontale et on remarque qu'un déplacement vers la droite de la
demande permet d'augmenter le revenu dans l'économie jusqu'à
atteindre le revenu de plein emploi Yp. Dans le long terme, l'offre
est verticale et tout déplacement de la demande dépassant l'offre
se répercute directement sur les prix.
On voit donc bien que selon la théorie
keynésienne, l'inflation n'est possible qu'en situation de plein emploi,
dans le cas d'un dépassement de l'offre globale par la demande globale
provoquant ce qu'on appelle l'écart inflationniste. Donc, suivant
l'approche keynésienne, l'inflation est un simple
déséquilibre entre offre et demande agrégée qui ne
survient qu'en situation de plein emploi !
1.2.2 L'approche monétariste de
l'inflation
L'approche monétariste de l'inflation se résume
à partir de la théorie quantitative de la monnaie
énoncée par Milton Friedman. Cette dernière se
modélise de la façon suivante : MV = PY
Où :
M : l'offre de monnaie contrôlée par la Banque
centrale
V : Vitesse de circulation de la monnaie dans
l'économie
P : Niveau général des prix
Y : La production
L'hypothèse de vitesse constante nous permet d'induire
que toute variation de l'offre de monnaie se répercute soit sur P soit
sur Y. Or comme les Monétaristes, tout comme les Classiques supposent
que toutes les capacités de l'économie sont utilisées donc
qu'on est dans le plein emploi, toute expansion monétaire se traduit par
une augmentation du niveau général des prix et donc de
l'inflation. C'est ce qui a poussé le chef de file de ce courant
à conclure17 : « L'inflation est partout et toujours un
phénomène monétaire ». Dès
17 Milton Friedman et Anna J. Schwartz, A monetary
history of the United States, 1867-1960 (Princeton, N.J.: Princeton University
Press, 1963); Mil ton Friedman et Anna J. Schwartz, Monetary trends in the
United
lors, le rythme de croissance d'offre de monnaie devait
nécessairement dépendre du taux de croissance de long terme de
l'économie. Donc une expansion monétaire plus rapide que le taux
de croissance de l'économie va forcément se répercuter
directement sur les prix et aggraver le taux d'inflation.
Les approches keynésienne et monétariste valent
leur pesant d'or. La première permet à l'Etat qui se charge de la
politique budgétaire de contrôler la demande agrégée
et d'éviter une pression de celle-ci sur l'offre sous peine de provoquer
l'inflation dans l'économie sous l'hypothèse que celle-ci est
dans le plein emploi. Elle permet donc à ce dernier de doser sa
politique budgétaire et de faire un arbitrage judicieux entre
réduction du chômage en choisissant le chemin de la croissance
économique et la maîtrise de l'inflation en évitant une
politique budgétaire qui risque de provoquer une pression de la demande
agrégée sur l'offre agrégée.
D'un autre coté, la seconde approche légitime
l'existence d'une institution telle que la banque centrale dont le principal
objectif est de contrôler la quantité de monnaie en circulation
afin d'éviter des tensions sur les prix. Par contre, ces deux
théories font défaut quand on se réfère au type
d'économie qu'est Haïti. L'une suppose qu'en sous-emploi, les prix
sont rigides, donc il n'y a pas d'inflation. Pourtant l'économie
haïtienne jouit d'un taux de chômage18 très
élevé ce qui induit l'hypothèse de sous emploi des
facteurs et l'inflation persiste. L'autre suppose qu'on est en plein emploi, si
bien que toute variation de M se répercute sur P, toutefois cette
dernière ne dit pas comment une augmentation de la quantité de
monnaie se répercute sur les prix. Elle semble plus cadrée avec
les pays développés où l'hypothèse de taux de
chômage naturel et de plein emploi semble être plus réaliste
que dans le cas des pays sous développés comme Haïti. En
outre, elles ne disent rien concernant l'inflation qui se transmet dans les
échanges internationaux et qui nous préoccupe
particulièrement dans cette étude. La théorie du PPA
semble peut être plus appropriée dans ce contexte.
States and the United Kingdom : their relation to income, prices
and interest rates 1867-1975 (Chicago : University of Chicago press, 1982.)
18 En juillet 2003, le taux de chômage des
personnes de 10 ans et plus est particulièrement élevé
à l'échelle nationale : 27,4% de la population active sont
privées d'emplois. Mais c'est surtout dans les milieux urbains que le
taux de chômage prend une ampleur considérable : 45,5% dans l'aire
métropolitaine et 28,2% dans les villes de province.
Sources : ECVH 2001, IHSI
1.2.3 La théorie de la parité de Pouvoir
d'achat (PPA)
La théorie de la Parité de Pouvoir d'Achat
repose sur une idée particulièrement simple : une unité
monétaire quelconque pourrait être échangée contre
la même quantité de biens dans son pays d'origine ou dans tout
autre pays après conversion en monnaie locale. Cette théorie a
pour principale hypothèse la loi du prix unique selon laquelle tous les
prix de biens identiques sont uniques sur tous les marchés sinon les
arbitragistes feraient un profit rapide et sans risque en achetant un bien
à un point A pour le revendre à un point B. Elle se
présente généralement sous deux formes : une version
absolue et une version relative.
Version absolue
La version absolue de la PPA postule simplement que le pouvoir
d'achat d'une gourde en Haïti est identique à son pouvoir d'achat
aux USA. Elle implique que :
1 / I* = S / I
Où : S est le taux de change nominal
I* et I, étant des moyennes géométriques
pondérées des prix des différents biens avec I* = ?
(P* i) ai I= ? (Pi) ai i= 1,2 ....n
?ai = ? a*i = 1
Suivant cette relation, le taux de change se réduirait
à un simple rapport entre 2 indices de prix :
S = I / I*, I étant l'indice de prix en Haïti et I*
l'indice de prix à l'étranger.
Dès lors, si les prix externes augmentent plus vite que
les prix internes, le taux de change19 diminue, donc la monnaie
locale s'apprécie par rapport à la devise
considérée et vice versa. Version relative
La version relative découle de la version absolue tout
en étant moins restrictive. En effet, elle implique qu'il n'est plus
nécessaire que le taux de change et le ratio des indices soient
égaux à tout moment mais qu'ils restent dans un rapport constant,
c'est-à-dire qu'ils enregistrent la même variation relative durant
la période considérée.
St+1 / St = (It+1 / I* t+1) / (It/ I*t)
Vu sous cet angle, la théorie du PPA du moins dans sa
version relative nous apprend que les variations du taux de change sont
liées directement au différentiel d'inflation entre deux (2)
pays. A première vue, elle semble être une théorie
intéressante d'explication de
19 Nous faisons l'hypothèse que le taux de
change est coté à l'incertain.
l'inflation dans le cas des échanges commerciaux.
Toutefois, les nombreuses critiques qui lui ont été
adressées révèlent certaines faiblesses majeures. En effet
:
1) Elle ne tient pas compte des biens non
échangés20, ce qui induit l'existence d'un biais dans
les estimations.
2) Généralement, elle n'est pas
vérifiée quand il s'agit de deux économies très
différentes en terme de niveau de développement.
3) Quand le dollar est inclus dans le couple de devises, elle
n'est pas vérifiée.
4) Elle peut être vérifiée pour une certaine
période dépendamment du système de change qui est en
vigueur et ne pas l'être pour une autre.
5) L'hypothèse faite sur les arbitragistes est
utopique dans le sens qu'elle induit que les marchés sont parfaits.
Alors que dans la réalité, les marchés sont imparfaits :
coût de transport, distance entre les différents marchés,
différents niveau de taxation...
En outre, dans ces différentes versions, la
théorie du PPA semble muette concernant l'impact d'une variation du taux
de change sur les prix intérieurs. Pour trouver des
éléments théoriques plus convaincants, nous pensons que
nous devons explorer le phénomène Pass-through et les
différents canaux de transmission du taux de change vers l'inflation.
1.2.4 L'approche du pass-through
Suivant la théorie économique, un pays peut
adopter un régime de change fixe où la banque centrale
mène une politique spécifique afin de maintenir la parité
des monnaies, ou un régime de change flottant où le cours de la
devise est déterminé suivant les fluctuations de l'offre et de la
demande de devises sur le marché des changes. Dans le deuxième
cas, on parle de dépréciation de la monnaie domestique quand le
taux de change21augmente et d'appréciation de la monnaie
quand le taux de change diminue. Le passthrough est donc le
phénomène par lequel la dépréciation d'une monnaie
affecte les prix dans une économie. Les travaux sur le coefficient pas
s-through distinguent généralement trois canaux par lesquels les
variations du taux de change affectent les prix domestiques. Dans le premier
canal, les variations des taux de change affectent les prix locaux directement
à travers les
20 B. Balassa In The purchasing power parity doctrine,
A reappraisal, journal of political Economy, déc 1974.
21 Sous l'hypothèse que le taux de change est
coté à l'incertain.
biens dans le panier du consommateur. Dans le deuxième
canal, la transmission se fait à travers les prix des biens
intermédiaires utilisés comme moyen de production. A travers ce
dernier, le taux de change affecte le coût de production des entreprises.
Alors, pour un niveau donné de concurrence, en supposant que le bien
vendu est un bien dont la demande est assez rigide aux variations de prix, ces
producteurs peuvent répercuter l'augmentation du prix des intrants sur
les consommateurs. Dans le dernier canal, le taux de change affecte les prix
des biens domestiques libellés en devise.
L'approche du pass-through semble être
intéressante. Mieux que les autres approches, elle nous aide à
cerner le problème qui nous préoccupe. En effet, elle nous permet
de voir l'impact d'une hausse du taux de change sur les prix à l'import
et l'impact des changements dans les prix à l'import sur les prix
à la consommation. Donc, elle semble être plus appropriée
dans ce contexte.
1.3 Revue de la littérature
empirique.
Depuis le passage du système de change fixe à un
système de change flexible, les économistes ont commencé
à s'intéresser aux impacts réels des fluctuations du taux
de change sur les prix internes. Il leur revenait souvent d'estimer le
coefficient pass-through. La littérature sur ce dernier est donc
très abondante. Certains auteurs22 analysent son lien avec le
phénomène de la dollarisation. D'autres cherchent à le
mettre en relation avec la Parité de Pouvoir d'Achat23.
D'autres encore cherchent à le mettre en relation avec ses principaux
déterminants macroéconomiques et microéconomiques.
Toutefois, la majorité des études consistent à
étudier l'impact des variations du taux de change sur différentes
variables prix : prix à l'importation, prix à la production, prix
à la consommation, prix à l'exportation et à chaque fois
on redéfinit le coefficient pass-through. Généralement,
elles se regroupent en deux grandes approches : une approche
microéconomique et une approche macroéconomique. Cette section
s'organise de la manière suivante. D'une part on va
22 GONZALEZ J.A. (2000), «Exchange Rate Pass-through and
Partial dollarization: Is There a Link» Center For Economic Development
and Policy Reform, Stanford University.
23 FEENSTRA R.C. (1996), «The Relationship of
Pass-through of Exchange Rates to Purchasing Power Parity
http://www.ntu.
edu.sg//nbs/sabre/working_papers/12-96.pdf.
présenter succinctement l'approche
microéconomique du pass-through à travers quelques études
relevées dans la littérature et qui ont adopté notamment
cette dite approche. D'autre part, nous verrons l'approche
macroéconomique.
1.3.1. Approche
microéconomique
Plusieurs auteurs ont adopté une approche
microéconomique et les conclusions de ces différentes
études se retrouvent dans les travaux de Feenstra et Kendal (1997),
Taylor J.B. (2000), P. Krugman (1988), Richard Marston (1990), P. K. Goldberg
et M.M Knetter (1996).
D'origine néoclassique, cette approche tente d'analyser
l'influence des variations du taux de change sur les prix dans une
économie, particulièrement dans certaines industries
spécifiques. Ses tenants ont retenu ce qu'ils appellent les
déterminants microéconomiques. Ce sont :
a) L'organisation industrielle
b) Le comportement des firmes dans la fixation du prix de leur
produit sur les différents marchés où elles
opèrent
c) L'élasticité de la demande
d) La fixation des prix en monnaie locale ou en monnaie
étrangère
e) La structure de coût des producteurs qui participent
dans l'échange international
f) Les droits de douanes24.
Comme son nom l'indique, c'est à partir du comportement
stratégique de chacun des acteurs dans la fixation du prix de leurs
produits que les différents auteurs arrivent à donner une
explication du phénomène pass-through.
Takatoshi Ito,Yuri N. Sasaki and Kiyotaka Sato (avril 2005)
ont utilisé un modèle conventionnel à fondement
microéconomique qui constitue entre autre une parfaite illustration de
cette approche. Dans le souci d'estimer le coefficient pass-through pour des
pays de l'Asie de l'Est, ils ont testé l'hypothèse suivante qui
d'ailleurs revient dans tous les modèles à fondement
microéconomique :
H1: Le coefficient pass-through est complet si et seulement si
:
24 Webber, 1995.
a) Le coût marginal de la firme qui exporte est constant
Les principales équations du modèle sont :
JJt = St Pt f (PE t / Pt, Zt) -C {f ( PE t / Pt , Zt )
PWt} (1)
Où :
St est le taux de change (libellé en monnaie locale)
PE t est le prix des exportations libellé en devise
f (.) représente la fonction demande dans les
marchés étrangers
C {. } représente la fonction de coût
Zt le revenu réel dans les pays étrangers
PW t les salaires locaux
Les conditions du premier ordre sont :
St PE t = MC {f (PEt / Pt, Zt), PWt} N
(PEt, Zt) (2)
Où :
MC représente le coût marginal
N (.) représente le markup du prix étranger au
dessus du coût marginal
En réécrivant25 l'équation 2, on
obtient :
pEt = a* 1/st + bpt + cpWt + dzt + et
(3)
ApEt = ctA 1/st + 3Apt + yApWt +
áAzt + et (4)
A noter que l'équation (4) n'est autre que l'estimation
de (3) dans le but de calculer ct qui représente
l'élasticité du pass-through. Si le taux de change est
exprimé en monnaie locale, l'élasticité se trouvera dans
l'intervalle [-1 ; 0 ] ; sinon, l'élasticité sera égale
à -1.
Ses résultats ont montré que le pass-through du
taux de change dans les pays de l'Asie de l'Est pour les prix à l'import
est très élevé alors qu'il est plutôt
modéré pour les prix à la consommation, à
l'exception de l'Indonésie. Les tenants de cette approche expliquent ces
résultats à partir du comportement des firmes qui exportent qui,
selon eux, n'ajustent pas immédiatement leur prix dans le but de garder
leur part de marché26.
25 Les petites lettres représentent les
variables sous forme de logarithme.
26 Krugman a été le premier à
fournir cette explication pour un coefficient incomplet à partir de son
hypothèse de Pricing to Market (PTM).
Pour sa part, Barhoumi Karim (2004) a estimé le
pass-through pour 24 pays en développement en utilisant une approche
microéconomique. Il s'est fixé comme objectif d'étudier
l'effet de long terme des variations du taux de change pour ces pays. Selon
lui, ces derniers sont des < price takers > dans le commerce
international et n'ont aucun pouvoir dans la fixation des prix dans
l'échange international. Aussi, ils sont très dépendants
des importations du reste du monde. Le modèle utilisé est
spécifié de la
manière suivante :
|
|
|
|
PXit =Xit Ct
|
|
|
(1)
|
PMit = Eit PXit = Eit Xit Ct
|
|
|
(2)
|
Xit =( Pit / Eit Ct )a Yit
|
f3 > 0
|
0 < a < 1
|
(3)
|
PMit = (Eit Ct)1-a Pita Yit ?
|
|
|
(4)
|
|
Où :
|
|
|
|
PXit est le prix des produits libellés en monnaie
locale
Xit est le markup au dessus de ses coûts de production (Ct
)
PMit est le prix des produits importés libellé en
monnaie locale
Yit est la demande externe
Selon l'auteur, l'élasticité du pass-through du
taux de change est obtenue à partir de 1-a. Il a pu trouver que le pas
sthrough du premier degré est formé sur le long terme à
partir d'une combinaison du taux de change effectif nominal, du prix des
produits concurrents, de la structure de coût des exportateurs et des
conditions de la demande locale. Les résultats de ces estimations ont
prouvé que le coefficient pour les prix à l'importation pour les
pays en développement est très hétérogène.
Ce constat dépend forcément des particularités de chaque
économie et de leur taille spécifique.
Si ce modèle permet de capturer le pass-through pour
les prix à l'import, il ne renseigne en rien sur la transmission du taux
de change à l'inflation. De plus, il ne fait aucune différence
entre pass-through du taux de change et le poids des coûts externes dans
les prix à l'importation, alors que dans la réalité cette
restriction ne tient pas, ce que nous pouvons considérer comme les
limites de ces estimations à cause de cette hypothèse trop
simpliste de l'auteur.
1.3.2. Approche
macroéconomique
Les conclusions de ceux qui ont travaillé sur une
approche macroéconomique sont présentées dans les travaux
de Michael B. Devereux (2000), Elke Hahn (2003), J.A. Frankel, D. C. Parsley et
Shang-Hin Wei (2005), Richard Marston (2000), Dornbush (1987), Peter Rowland
(2004), Lavern McFarlane (2002), Carlos José Garcia et Jorge Enrique
Restrepo (Novembre 2001), Moses Kiptui, Daniel Ndolo et Scheila Kaminchia
(2005).
Cette approche n'est pas à priori associée
à un courant théorique fixe. On retrouve tantôt du
keynésianisme, tantôt des variables qui se rapprochent d'une
logique monétariste... Et c'est pourquoi d'un point de vue empirique,
l'approche économétrique généralement
utilisée est le modèle VAR que nous développerons dans la
suite du travail. Ce choix se justifie car l'approche VAR suit une logique
éclectique, c'est-à-dire qu'elle donne une certaine
liberté au modélisateur d'utiliser plusieurs courants
théoriques dans la spécification du modèle qui le
préoccupe. L'approche macroéconomique s'applique donc en fonction
de la spécificité propre de chaque pays.
Les tenants de cette dernière ont identifié les
différents déterminants macroéconomiques du coefficient
pass-through à l'aide desquels ils parviennent à expliquer son
niveau et son évolution. Ce sont :
a) La part des importations dans la production intérieure
brute (PIB)
b) Le poids des importations dans le panier de consommation des
ménages
c) La politique monétaire
d) L'environnement inflationniste27
e) La volatilité du taux de change
f) La taille de l'économie
g) Le degré d'ouverture28 de l'économie
considérée.
Les principales hypothèses de cette approche sont :
H1: Le degré du pass-through est corrélé
positivement à la part des importations dans le PIB
27 Hypothèse de Taylor pour expliquer le
comportement des importateurs.
28 Degré d'ouverture d'un pays : ((X+M) /
2PIB).
112: Le coefficient pass-through du taux de change est de plus
en plus élevé que la part des importations dans le panier de
consommation des ménages est grande.
113: L'implémentation des mesures de politique
monétaire29 a une certaine influence sur le coefficient.
114 : L'environnement inflationniste30 joue un
rôle significatif dans le niveau et l'évolution du coefficient
pass-through.
Parmi les travaux ayant adopté cette approche, nous
retenons celui de Lavern McFarlane (2002), Moses Kiptui, Daniel Ndolo et
Scheila Kaminchia (2005).
Lavern McFarlane a estimé l'impact de la variation du
taux de change sur les prix à la consommation pour l'économie
Jamaïcaine. Sa problématique est basée sur le fait que les
précédentes études sur le coefficient pass-through ont
été menées pour la Jamaïque alors que la Banque
centrale pratiquait une politique monétaire expansionniste. Maintenant
qu'il y a eu un changement dans les mesures de politique monétaire et
d'autres changements structurels, l'auteur s'est donc proposé de tester
l'hypothèse d'un faible degré de pass-through. Son
modèle31 est le suivant :
p = f3(1+m) c* + X1et + X2 bt + X3it
Où:
p: niveau des prix intérieurs c* : coût de
production m : marge sur les produits
exportés e : taux de change nominal b : base
monétaire i : taux d'intérêt
Ses résultats ont révélé que le
degré du pass-through du taux de change a en effet diminué dans
l'économie jamaïcaine suite à l'adoption par la banque
centrale d'une politique monétaire restrictive et d'autres changements
structurels opérés dans cette petite économie ouverte.
Paradoxalement, après avoir adopté cette politique, il y a eu une
certaine volatilité du taux de change ce qui n'a pas
empêché une diminution du degré du coefficient.
Si ce modèle est simpliste et est facilement
opérationnel, l'inclusion de variables de politique telles la base
monétaire et le taux d'intérêt limite forcément les
résultats obtenus,
29 Si la politique monétaire est stable, les
prix à l'import sont stables, ce qui induit un faible niveau de
passthrough.
30 John Taylor, (2000).
31 Les variables sont sous forme logarithmique.
en ce sens que le modèle prendra plus en compte le
comportement de la banque centrale que l'influence directe des fluctuations du
taux de change sur les prix32.
De leur côté Moses Kiptui, Daniel Ndolo et
Scheila Kaminchia (2005) ont estimé l'impact des variations du taux de
change sur les prix à l'importation et les prix à la consommation
pour l'économie kenyane pour la période 1972 : 2003. Selon eux,
la compréhension du pass-through est pertinente pour trois (3) raisons
principales. D'abord, le niveau du coefficient est une estimation de la
transmission internationale des chocs macroéconomiques et a ainsi des
implications pour l'implémentation de la politique monétaire.
Ensuite, la compréhension du coefficient au niveau
macroéconomique et industriel donne une idée du pouvoir
international sur certaines industries33. Enfin, un faible
degré de passthrough peut rendre les échanges commerciaux
insensibles en dépit d'une demande fortement élastique.
Pour le calcul et l'analyse des chocs du taux de change sur
l'inflation, les auteurs cherchent d'une part l'impact de la hausse du taux de
change sur les prix à l'importation qu'ils qualifient de passthrough du
premier degré, et d'autre part ils calculent l'impact des changements
dans les prix à l'importation sur les prix à la consommation.
Cette dernière estimation est appelée passthrough du second
degré. Suivant l'approche VAR, le modèle utilisé est
spécifié de la façon suivante :
n n n
TX = ? - ? ?
á á á ë
TX t i IPI IPC
+ + +
11 (1)
12 t i
- 13 t i t
- 1
i = 1 i =1 i=1
n n n
IPI =?? ?
á á á ë
+ + +
21 TX IPI IPC (2)
t i
- 22 t i
- 23 t i t
- 2
i = 1 i =1 i=1
n n n
(3)
IPC = ? + ? + ?
á á á ë
+
31 TX IPI IPC
t i
- 32 t i t i
- -
33 3 t
i = 1 i =1 i=1
Où : TX représente le taux de change nominal
effectif34 IPI représente l'indice des prix à
l'importation
IPC représente l'indice des prix à la
consommation
32 Parsley et Popper (1998).
33 Peut-être des industries clés pour
l'économie étudiée.
34 Ce taux de change effectif à partir de la
part des importations des principaux pays avec lesquels le Kenya commerce.
Il s'agit des Etats-Unis (62,37%), l'Allemagne (20.2%), le Japon (6.7%), Uk
sterling (10,73%).
Les résultats ont montré que le pass-through du
taux de change pour l'économie kenyane est incomplète. Par contre
le niveau du coefficient est élevé au premier degré tandis
qu'il est relativement modéré au deuxième degré ce
qui nous laisse comprendre que l'inflation importée n'a pas joué
un rôle significatif dans l'explication de l'inflation au kenya. Une
autre explication35 de ces résultats serait que les
entreprises kenyanes n'ajustent pas immédiatement leur prix de vente
quand il y a une dépréciation du taux de change, acceptant
à court terme une diminution de leur profit de peur de perdre leur part
de marché.
Ce modèle a l'avantage d'être simpliste en ce
sens que d'une part, il n'utilise pas un nombre important de données et
d'autre part, il est facilement opérationnel. C'est l'une des raisons
pour lesquelles il semble mieux adapté aux pays en développement
que les modèles microéconomiques.
Tableau II-. Principaux résultats36
des différentes études présentées
ci-dessus
Auteurs
|
Passthrough de court terme 1 er
degré
|
Passthrough de long
terme 1er
degré
|
Passthrough de court
terme 2eme
degré
|
Passthrough de long
terme 2eme
degré
|
Période d'étude
|
Lavern Mc
|
-
|
-
|
0.48%
|
0.9%
|
1990
|
|
|
|
|
|
-
|
Farlane
|
|
|
|
|
2001
|
(Jamaïque)
|
|
|
|
|
|
Moses
|
0.69%
|
0.71%
|
0.4%
|
-
|
1972
|
Kiptui
|
|
|
|
|
-
|
|
|
|
|
|
2003
|
(Kenya)
|
|
|
|
|
|
Takatoshi
|
|
|
|
|
|
Ito, Yuri
|
|
|
|
|
|
Sasaki
|
|
|
|
|
|
HongKong
|
-0.23
|
-0.49
|
0.09
|
0.07
|
1986-04
|
Indonésie
|
-0.53
|
-1.04
|
-0.11
|
-0.57
|
1990-02
|
Japon
|
-0.84
|
-0.99
|
0.03
|
-0.01
|
1980-04
|
Corée
|
-1.05
|
-0.17
|
-0.08
|
-0.13
|
1990-04
|
Singapour
|
0.59
|
-0.01
|
0.1
|
0.2
|
1984-04
|
Tailand
|
-1.27
|
-1.66
|
-0.08
|
-0.26
|
1993-04
|
Taiwan
|
0.09
|
0.3
|
-0.1
|
0.17
|
1990-04
|
35 Microéconomique.
36 Pour les résultats des études
microéconomiques, voir les différentes études
présentées ci-dessus.
Sources : Recherches bibliographiques
Ce tableau nous donne une idée du coefficient
passthrough pour la Jamaïque, le Kenya et quelques pays de l'Asie de
l'Est. Pour une variation de 1% du taux de change, les prix à l'import
pour l'économie kenyane ont augmenté respectivement de 0.69% et
0.71% sur le court et le long terme. Les changements dans les prix à
l'import n'expliquent que 9% des variations de l'indice des prix à la
consommation kenyan. Par contre pour l'économie Jamaïcaine,
l'auteur a calculé directement l'impact des changements de l'indice des
prix à l'import sur les prix à la consommation. Pour une
variation de 1% dans les prix à l'import, à court terme l'indice
des prix à la consommation augmente de 0.48% ; tandis qu'à long
terme, la transmission est quasi complète. Pour les pays de l'Asie de
l'Est le passthrough du premier degré est élevé tandis que
le coefficient au second degré est faible, à l'exception de
l'Indonésie.
L'analyse de l'approche microéconomique nous a
révélé qu'elle est plus adaptée aux pays
développés qu'aux pays en développement compte tenu des
principales caractéristiques de ces types d'économie dans leur
ensemble. En effet, cette approche exige un nombre élevé de
données. Elle est très difficile à opérationnaliser
et enfin les principales hypothèses ne sont pas réalistes dans le
cadre d'une économie en développement, particulièrement
celle d'Haïti qui est une petite économie ouverte, donc qui subit
les prix fixés sur les marchés internationaux et dont les
entreprises nationales n'ont aucun pouvoir dans la fixation du prix de leur
produit qu'elles exportent sur les marchés étrangers. Par contre,
l'approche macroéconomique en plus d'être relativement simple
à manoeuvrer semble être parfaitement adaptée aux pays en
développement. Tenant compte donc des caractéristiques de notre
économie, cette dernière est retenue pour la suite de ce
travail.
Pour pouvoir estimer le pas s-through, il serait avant tout
intéressant de voir comment ont évolué ses principaux
déterminants.
Chapitre 2 : Les principaux déterminants
macroéconomiques du coefficient pass-through en
Haïti.
La politique monétaire, la part des importations dans
le PIB réel, la volatilité du taux de change, le degré
d'ouverture d'une économie sont entre autres les déterminants du
coefficient de pass-through retenus dans le cadre de cette étude.
L'analyse de ces variables nous permettra d'interpréter les
résultats de nos estimations. Néanmoins avant d'analyser
l'évolution de ces variables, il serait opportun de situer le contexte
dans lequel le pays a évolué au cours de la période
d'étude.
2.1. Les conditions macroéconomiques pendant
la période
Pendant ces quinze dernières années, la
situation socioéconomique du pays n'a guerre été favorable
à son développement. Cette conjoncture a été
marquée par des crises politiques récurrentes et une implication
de la communauté internationale dans la gestion interne de la
république. Les structures économiques et sociales du pays ont
été gravement endommagées, suite à l'imposition de
l'embargo commercial de 1991 à 1994 qui a entraîné une
croissance négative du PIB réel de 22 % sur la
période37. Cette récession a laissé des traces
de large déficit budgétaire financé principalement par les
autorités monétaires. En moyenne le solde global des
opérations de l'administration centrale a atteint 4.88 % du PIB. Il en
est résulté des taux d'inflation très élevés
dans l'économie, dépassant même la barre psychologique de
50 % en septembre 1994.
La période d'après le retour à l'ordre
constitutionnel s'était avérée très prometteuse,
sur le plan macroéconomique. En conséquence, plusieurs mesures
ont été prises pour mettre le pays sur un sentier de croissance
durable. Parmi ces mesures, on a retrouvé l'élaboration d'un
Programme Economique qui a défini les grandes orientations de
l'économie pour la période 1996-1999 et le Projet de Budget
1996-1997 qui a constitué l'expression concrète de la politique
du gouvernement pour cet exercice fiscal. Les objectifs macroéconomiques
poursuivis par le programme étaient la reprise de l'activité
économique avec des taux de croissances du PIB supérieur ou
égal à 4.5 % par an, la réduction de l'inflation autour de
4 % par an et le renforcement de la balance des paiements de manière
à faire face à la réduction progressive de l'aide externe.
Ce programme a été
37 Sur la période de l'embargo.
appuyé par le FMI par un ESAF38 pour un
montant équivalent à 131 millions de dollars É.U. Par
contre, les objectifs poursuivis dans le projet de budget visaient surtout la
lutte contre la pauvreté, l'inflation, la corruption, la promotion de
l'investissement privé, le redressement des finances publiques et
l'augmentation de la production nationale. Pour cette année, l'inflation
devrait s'établir autour de 10 %, le déficit du commerce
extérieur ne devrait pas dépasser 15 % du PIB et une pression
fiscale qui devrait tourner autour de 8.5 % du PIB. Les réserves
internationales devraient être suffisantes pour couvrir environ 2.7 mois
d'importation. Environ 69 % de ce budget devrait être financé par
la communauté internationale.
Comme résultats, le PIB réel a connu en moyenne,
de 1997 à 2000 une croissance de 2,12 %, en dépit de l'effet
conjugué de plusieurs facteurs défavorables. D'abord,
l'augmentation continue des importations qui sont passées de 703.2 8
millions de dollars É.U en 1997 à 1086.72 millions de dollars en
2000, ce qui a contribué au creusement du déficit de la balance
courante qui a été en moyenne de 59 millions de dollars de 1997
à 2000. Ensuite, l'enlisement du pays dans une crise politique qui a
contribué au blocage de certains fonds internationaux destinés
à financer le Programme Economique. Enfin, l'augmentation progressive du
déficit budgétaire en fin de période comparativement
à l'évolution modérée qu'il a connu en début
de période.
L'environnement macroéconomique de la période
2001-2005 s'est déroulé dans un contexte de crise
généralisée. Notamment les catastrophes naturelles d'une
rare violence qui ont eu lieu aux Gonaïves par les cyclones Yvan et Jeanne
et par-dessus tout des troubles sociopolitiques nés des élections
de 2000. Par conséquent, la communauté internationale a dû,
dans un premier temps geler son assistance à Haïti, avant de
s'engager à nouveau à aider le pays à travers le Cadre de
Coopération Intérimaire (CCI). L'économie haïtienne a
connu une performance médiocre sur cette période. Le PIB a
enregistré une croissance moyenne de -0.53%. Les principaux indicateurs
macroéconomiques se sont tous détériorés. Le
déficit budgétaire n'a pas cessé de se creuser, soit une
moyenne de 2.86 % du PIB. Il en résulte des niveaux élevés
d'inflation dans l'économie haïtienne au cours de la période
sous revue soit 42.46 % en fin d'exercice 2002-2003, 22.53 % en 2003-2004 et
14.84 % pour l'exercice suivant.
38 Enhanced Structural Ajustment Facility
2.2 Evolution de la politique monétaire en
Haïti
La politique monétaire des quinze dernières
années a été, d'une manière générale,
caractérisée par un objectif fondamental : « le maintien de
la stabilité des prix ». Cette politique s'est exprimée
à travers la mise en oeuvre des instruments directs et indirects
contrôlables par l'institut d'émission. De ce fait, pour
répondre à sa mission, la banque centrale avait comme instruments
de politique monétaire : les taux d'intérêts et les
réserves obligatoires. Mais, face à l'inadéquation de ces
moyens, et vu le contexte socioéconomique prévalant le
commencement du 20ième siècle en Haïti «
instabilité politique engendrée par le coup d'état
militaire, le blocus économique ... » la BRH a entrepris
d'assouplir la gestion de la politique monétaire en y introduisant
d'autres instruments. En ce sens, après avoir géré la
politique monétaire par les taux d'intérêts et les
coefficients de réserves obligatoires, elle a introduit à partir
de 1996 : les bons BRH et les interventions sur le marché des changes.
Le premier est un instrument de reprise de liquidité du système
bancaire et le second, un outil d'appoint qui permet d'une part de lisser les
fluctuations du cours du change et de l'autre de stériliser une partie
du surplus de gourde en circulation. Soulignons que les interventions de la BRH
sont passées par deux étapes. D'une part, de 1997 à 2000,
elles ont été utilisées pour stabiliser le taux de change
et réduire sa volatilité39. D'autre part, depuis 2001
elles visent la reconstitution des réserves nettes de changes de la
BRH.
Sous-période 1990-1994
La période 1990 - 1994 a été
considérée comme la période la plus critique dans
l'histoire de la vie économique en Haïti. La BRH s'est
évertuée à mener sa gestion de façon à
donner à la devise nationale une progression permettant d'assurer une
stabilité des prix et du taux de change. Mais, cependant pour des
raisons conjoncturelles et politiques la BRH n'a pas toujours été
en mesure de réagir à temps à des fluctuations du cours du
change et des prix. Partant de ce fait, la politique monétaire de cette
période a été prise en « sandwich ». Par
conséquent, c'était une période où nous avions eu
une progression
39 A noter que durant la première
période mentionnée, les interventions sur le marché des
changes ont été réalisées des deux cotés du
marché. Tandis que durant la seconde période, elles ont
été réalisées seulement du coté des
achats.
accélérée du déficit
budgétaire et le taux d'inflation le plus élevé (plus de
50 %), et où le taux de change a connu une brutale
détérioration40.
Sous-période 1995-1996
Au retour à l'ordre constitutionnel, la banque centrale
s'était donnée plus de flexibilité dans la conduite de la
politique monétaire. Car la tension de la sphère politique et la
pression de l'international étaient moindres. Elle accordait une
attention soutenue aux fluctuations du cours du change sans pour autant
répondre du tac au tac aux variations des indicateurs
économiques. Certes, les objectifs de la politique monétaire,
pour les deux années fiscales consécutives (1995-1996),
présentaient des similitudes. Cette politique s'évertuait
notamment de contenir les anticipations de dépréciation de la
gourde par une stabilité du taux de change et réduire
l'inflation. Toutefois le premier semestre de l'année
96 a été marqué par le recours soutenu du
trésor au financement de la banque centrale.
Les instruments utilisés ont été les
suivants : le taux des réserves obligatoires et les interventions de la
BRH sur le marché des changes. Les résultats de cette politique
ont été concluants dans la mesure où le taux de change
était resté en deçà de la barre de 17 gourdes pour
un dollar E.U. De même que le taux d'inflation était revenu en
moyenne annuelle de 51.80 % en 1994 contre 17.26 % en 1995 et à 16.95 %
en 1997. Donc l'effet concomitant du maintient des réserves obligatoires
et les interventions de la BRH sur le marché des changes a permis de
stériliser l'impact des liquidités injectées par le biais
du financement du trésor.
Sous-période 199 7-2000
Cette sous-période a été
considérée comme une nouvelle donne dans l'histoire de la
politique monétaire haïtienne, plus précisément au
début de l'exercice 9741 . Cette nouvelle donne s'est
exprimée par l'introduction d'un nouvel instrument : en l'occurrence la
création des Bons BRH, par la banque centrale. Ces bons allaient
être considérés comme un instrument de reprise de
liquidité à court terme du système bancaire. Cette mesure
visait de produire un double effet, d'une part il s'agissait de substituer
progressivement les bons aux réserves obligatoires pour signifier que la
banque voulait rompre avec la politique de
40 La gourde avait perdu plus de deux tiers de sa
valeur
41 À partir du mois de novembre 1996
répression financière qui avait prévalu
durant les années antérieures. D'autre part, il était
donné aux opérateurs économiques le signal d'un engagement
de la BRH envers le développement du marché interbancaire.
L'utilisation des bons BRH a permis à la banque centrale de doter d'un
instrument de contrôle indirect de la masse monétaire.
A côté de ce nouvel instrument, la banque
centrale avait fait usage des interventions sur le marché des changes.
Nous avions eu comme résultats : le taux d'inflation en glissement
annuel est passé de 17.10 % en 1996 à 16.95 %, 8.27 % en 1998,
9.92 % en 1999 et pour remonter à 15.32 % en 200042. De
même, l'effort de stabilisation a été payant jusqu'en
septembre 1999 où la gourde s'échangeait 16.95 gourdes pour un
dollar EU ; pour ensuite atteindre 28.33 gourdes pour un dollar en septembre
2000.
Sous-période 2000-2005
La politique monétaire pour cette sous période,
plus spécifiquement pour les exercices de 2001 à 2004, a
été entravée par des difficultés de tout genre,
particulièrement les séquelles des élections de mai 2000
qui ont engendré des tensions politiques et sociales et des
problèmes économiques au sein de la société. De ce
fait, les autorités monétaires d'alors avaient pour objectif la
réduction du financement du déficit public, la maîtrise et
le maintien des taux d'inflation et de change dans un certain intervalle. De
plus, sous la contrainte du FMI, l'obligation leur était faite de
procéder à la reconstitution des réserves nettes de change
de la BRH. Ainsi, les bons BRH, instrument privilégié de la
banque centrale depuis 2001, les coefficients de réserves obligatoires
sur les passifs des banques et les interventions sur le marché des
changes43 ont été les principaux instruments
utilisés par la BRH.
Comme résultats nous avons eu des taux d'inflation de
42.46 % en fin d'exercice 2002-2003, 22.53 % en 2003-2004 et 14.84 % pour
l'exercice suivant. Le marché des changes a été
stabilisé autour de 43 gourdes pour un dollar E.U.
Mis à part les taux de change et d'inflation que la
banque centrale suit de très près, la masse monétaire en
circulation est un agrégat doté d'une extrême importance
pour les autorités monétaires. Partout où elle est
localisée, les répercutions de son expansion sont
42 On pourrait expliquer cette remontée par la
crise politique née des élections de mai 2000.
43 Il est à signaler que l'instrument : «
les interventions sur le marché des changes » a été
utilisé dans le but de la reconstitution des réserves nettes de
change.
promptes à amplifier des tentions inflationnistes. De
ce fait nous pensons qu'un coup d'oeil sur l'évolution de sa croissance,
pour la période d'étude, nous permettrait de voir son lien avec
le taux d'inflation en Haïti.
La masse monétaire M2 n'a pas suivi une tendance
spécifique durant la période de notre étude. Elle a
évoluée dans une fourchette de 2 % à 32 % sur toute la
période. Les taux les plus élevés ont été
enregistrés pour les années de 1993 et 2003. le taux de
croissance le plus faible a été enregistré en 1996. Le
taux d'inflation le plus élevé44 durant ces vingt cinq
dernières années a été observé en 1994,
l'exercice succédant la période où nous avons eu la
croissance la plus considérable de la masse monétaire ; ce qui
monte l'effet de son expansion sur l'inflation. Une conclusion logique est que
l'impact se réalise avec retards sur le niveau général des
prix.
Graphe # 2 Evolution du taux de croissance de M2 et du
taux d'inflation de 1991 à 2005.
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
2004 2005
60.00
50.00
40.00
30.00
20.00
10.00
VarM2 Tx_INF
Source : Rapports Annuels de la BRU
44 51,08 %
2.3 Evolution de la part des Importations dans le PIB
réel
Un autre indicateur qui permet de cerner le canal du pass-through
est la part des importations dans le PIB réel.
Graphe # 3 Evolution en pourcentage de la part des
importations
dans le PIB réel pour la période de 1990
à 2005
1 40% 120% 100% 80% 60% 40% 20% 0%
|
|
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
2002 2003 2004 2005
|
Source : Rapports Annuels de la BRH
Durant toute la période, nous constatons que la
tendance est à la hausse. De 1990 à 2005, elle oscille entre
9.10% et 120.85%. Dès 1991, en termes réels, les importations
équivalaient déjà à plus de 50% du PIB ce qui nous
laisse comprendre que la logique de dépendance du reste du monde en
termes d'importations pour l'économie haïtienne et la
détérioration de l'appareil production semblent perdurer et ceci
durant toute la période. Pour essayer de cerner rapidement ce
phénomène, essayons de faire un bref rappel45 de
l'évolution de quelques indicateurs du commerce extérieur durant
ces 15 dernières années.
Le commerce extérieur d'Haïti, facteur
conditionnant de son développement est dans une situation
préoccupante. En effet, sur toute la période, on observe une
tendance à la hausse de l'effort à l'exportation (X / PIB) qui
s'explique plus par une contraction de
45 Pour une analyse plus approfondie de
l'évolution du commerce extérieur en Haïti sur les deux
dernières décennies, lire Wilson Laleau 2002, La situation du
commerce extérieur haïtien : une mise en perspective, PNUD.
l'appareil productif que par une forte croissance des
exportations. En effet, en faisant la sommation de toutes les croissances du
PIB obtenue durant la période, on obtient un taux de croissance
négatif, soit -12.27%. En terme de croissance économique,
Haïti a donc régressé au cours de la période tandis
que les exportations ont sensiblement augmenté. Dans ce contexte, la
demande interne a surtout été satisfaite par les importations. La
progression de la demande des biens importés a donc permis de provoquer
d'abord une demande de devises, et ensuite une augmentation du taux de change
impliquant une perte de valeur de la monnaie nationale46 et une
augmentation des prix sur le marché local. Par conséquent cette
progression peut servir de courroie de transmission de l'inflation.
D'un autre coté, on observe un taux de couverture des
importations par les exportations passer de 45% dans les années 1990
à moins de 25% en 2005 ( voir graphique en annexe) entraînant un
déficit commercial structurel qui n'est pas sans conséquence sur
le change. Pourtant Haïti n'a pas pu profiter de cette
dépréciation quasi-continue de sa monnaie par rapport au dollar
US en réorganisant complètement son appareil productif afin de
bénéficier de ce gain de
compétitivité47et redressant par surcroît sa
balance courante.
2.4 Evolution de la volatilité du taux de
change.
La volatilité du taux de change est retenue dans la
littérature économique comme déterminant
macroéconomique du coefficient du pass-through. Suivant certains auteurs
comme Mann (1986), Jonathan Mc Carty (2006), elle est corrélée
négativement au degré du pass-through. En effet, selon eux, une
volatilité de change élevée rend les importateurs plus
réticents à changer le niveau des prix de leurs produits ;
ceux-ci préfèrent jouer sur leur marge de profit, ce qui
réduit la mesure du pass-through. Ce raisonnement qui se base sur un
environnement concurrentiel, sous tend donc qu'une hausse de la
volatilité du taux de change implique un impact plutôt
limité sur les prix à l'importation et aussi sur les prix
à la consommation. Dans le cadre de cette étude, nous avons
cerné la volatilité du taux de change à partir de
l'écart type glissant sur un horizon temporel d'un semestre. Elle a
évolué comme suit :
46 Le taux de change est côté à
l'incertain
47 Phénomène de courbe en J. Pour que ce
dernier puisse se vérifier, il faudrait que le théorème
des élasticités critiques (Conditions de Marshall Lerner) soit
d'abord vérifié pour le pays.
Graphe # 4 Volatilitilité du taux de change HTG /
USD de mars 1991 à septembre 2005.
6.00 5.00 4.00 3.00 2.00 1.00 0.00
|
|
Volatilité_txch Linear (Volatilité_txch)
Source : BRH
Le graphique nous permet de voir rapidement la tendance de la
volatilité du taux de change pour la période. En effet, de mars
1991 à septembre 2005, la volatilité du taux change est de plus
en plus élevée. Pour apprécier son évolution, nous
avons jugé bon de sectionner la période en deux sous
périodes : la première allant de mars 1991 à juillet 2000
et la seconde de juillet 2000 jusqu'à la fin de la période. Pour
la première sous-période, la volatilité moyenne du taux de
change a été estimée à 0.92. On remarque quelques
pics sur la période qui correspondent précisément à
la période d'embargo. Pour la deuxième sous- période, la
volatilité moyenne du taux de change a été estimée
à 1.48, ce qui confirme l'idée qu'effectivement, la
volatilité du change a effectivement augmenté au cours de la
période. Plusieurs causes peuvent être retenues pour tenter
d'expliquer ce constat. D'une part, il y a les troubles sociopolitiques qui se
sont succédées durant cette sous-période (contestation des
élections du 21 mai 2000, départ d'Aristide) qui ont eu pour
corollaire d'alimenter les anticipations négatives des agents
économiques ce qui a un impact non négligeable sur le change.
D'autre part, on peut retenir la hausse considérable de nos
importations non suivie par les exportations, ce qui a
grandement détérioré le solde commercial du
pays48, provoquant une pression quasi permanente de la demande de
devises sur l'offre, ce qui ne fait qu'alimenter la
spéculation49 sur le marché de changes.
Si l'on tient compte du raisonnement de Mann, on serait
porté à dire que le degré du pass-through est plus faible
dans la deuxième période que dans la première. Mais
l'économie haïtienne a ses spécificités et ce
raisonnement ne tient pas forcément dans le cas d'Haïti. En effet,
analysant le graphique ci-dessous on voit que le taux de croissance des prix
à l'importation est relativement faible de 1990 à 1999 et
plutôt élevé sur le reste de la période. Ceci semble
évolué de pair avec la volatilité du taux de change.
Toutefois, cette analyse graphique ne nous permet pas d'affirmer que dans le
cas d'Haïti, il existe une corrélation positive entre ces deux
variables car il faut noter que durant la deuxième sous- période,
les différents gouvernements qui se sont succédés n'ont
pas pratiqué la politique de subvention des produits pétroliers,
ce qui a eu un impact direct sur la volatilité de l'indice des prix
à l'importation, quand on sait que la facture pétrolière
pèse lourd dans le niveau de nos importations. Depuis cette
décision des autorités étatiques, toute variation des prix
des produits pétroliers sur le marché international est suivie
sur le marché local.
48 Voir graphique en annexe.
49 La spéculation évolue en sens inverse
avec le niveau des réserves de la banque centrale. Or à partir
des années 2000, la banque centrale n'intervient plus du coté de
la vente de devises sur le marché des changes à cause du faible
niveau des ses réserves nettes de change.
60
40
20
0
-20
-40
-60
Source : IHSI
2.5 Evolution du degré
d'ouverture50 de l'économie
haïtienne
Le degré d'ouverture d'un pays est retenu dans la
littérature comme un déterminant
macroéconomique du coefficient pass-through. Cependant,
les différents auteurs restent un peu ambigus sur la relation existante
entre le coefficient du pass-through du taux de change et l'ouverture d'un
pays. Certains pensent qu'il y a une relation positive entre les deux
variables, c'est à dire que plus un pays est ouvert, plus le
degré du pass-through devrait être élevé. D'autres
auteurs comme Romer (1993) pensent que la relation est plutôt inverse. Ce
dernier explique ces résultats en soutenant qu'il est difficile de
poursuivre les politiques de stabilisation dans les petites économies
ouvertes. En fait, l'ambiguïté résulte du fait que les
auteurs utilisent une chaîne directe ou indirecte dans leur calcul. Donc
la relation sera positive ou négative, dépendamment de la
chaîne utilisée.
50 Ce ratio est obtenu en divisant la moyenne annuelle
des importations et des exportations par le montant du PIB.
Dans cette étude nous avons calculé le degré
d'ouverture de l'économie haïtienne à partir de la
statistique suivante : (X +M) / 2 PIB. Elle a évolué comme suit
:
Graphe # 6 Evolution en pourcentage du taux d'ouverture
de l'économie haitienne de 1991 à 2005
69.24
70.10
73.85
0.00
80.00
70.00
60.00
50.00
40.00
30.00
20.00
10.00
67.77
25.29
19.03 22.41
17.02
55.92
33.06
47.28
41.79
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
2004 2005
degré d'ouverture
Source : BRU
Ce graphique nous montre que le degré d'ouverture de
l'économie haïtienne est de plus en plus élevé sur
toute la période. En tant que petite économie ouverte, donc
preneur de prix dans le commerce international, la transmission internationale
des chocs a dû affecter positivement le degré du pass-through du
taux de change sur les prix à l'importation, vu le poids de cette
variable dans le PIB.
Chapitre 3 : Modélisation de l'impact des
fluctuations du taux de change sur l'inflation pour la période
octobre 1990 à septembre 2005.
Dans ce chapitre, dans un premier temps, nous allons
procéder à la description de la base de donnée
utilisée pour la réalisation de ce travail. Dans un second temps
nous effectuerons certains tests sur les variables retenues. Pour atteindre ce
but nous avons retenu les variables suivantes : la masse monétaire M2,
le taux de change, l'indice des prix à l'importation et l'indice des
prix à la consommation. Toutes les données que nous aurons
à utiliser sont en rythme mensuel. Dans un troisième temps, nous
analyserons les résultats de nos estimations tout en faisant des
recommandations jugées opportunes au terme de ce travail.
3.1. Description de la base de
données
3.1.1 Masse monétaire M2
La masse monétaire est un terme désigné
par la Banque Centrale et dont la principale caractéristique est le
degré de liquidité ou de la vitesse de circulation.
Généralement la monnaie créée par la Banque
Centrale au profit du Trésor contribue à faire augmenter la masse
monétaire et engendre souvent un surplus de liquidité dans le
système bancaire. Dès lors, ce surplus de gourdes a pour
conséquence immédiate d'augmenter l'offre de gourdes sur le
marché des changes ce qui fait baisser la valeur de la monnaie locale
par rapport au dollar. De ce fait, une progression de la masse monétaire
contribuerait à augmenter la volatilité du taux de change, si la
production ne suit pas. Dans notre travail, nous avons
préféré M2 à M3 qui est la masse monétaire
au sens large parce qu'il existe déjà un effet change dans cette
dernière à cause des dépôts en dollars de M3 qui
sont convertis en gourdes. Soulignons que dans le cadre de l'économie
haïtienne, M2 regroupe la masse monétaire M1 augmentée de la
quasi-monnaie51.
51 La quasi-monnaie se compose des dépôts
d'épargne et des dépôts à terme.
3.1.2 Taux de change
Le taux de change dont nous disposons est le taux de change
nominal de fin de période. C'est un taux de change bilatéral
(HTG/USD) coté à l'incertain de manière à ce qu'une
hausse du taux corresponde à une dépréciation de la
monnaie nationale, la gourde, et une appréciation de la monnaie
étrangère en l'occurrence le dollar. Il faut mentionner que dans
le cadre de l'économie haïtienne, cette statistique est
calculée à partir des deux compartiments du marché des
changes : le marché officiel ou marché formel, composé des
banques commerciales et dont les données proviennent à partir des
transactions journalières des banques dans le système avec les
différents agents économiques ; le marché parallèle
ou marché informel composé majoritairement de cambistes et dont
les données sont collectés à partir de points
stratégiques de ce compartiment du marché. Soulignons que dans le
calcul du taux de référence, la banque centrale fait
l'hypothèse que le marché officiel représente 60% du
marché des changes, le reste étant occupé par le
marché informel. La série que nous utilisons provient de la base
de données de la Banque Centrale (BRH).
3.1.3 Indice prix à la consommation
(IPC)
La série d'IPC que nous allons utiliser pour faire ce
travail est sur une base mensuelle et est collectée à partir de
la base de données de l'Institut Haïtien de Statistique et
d'Informatique (IHSI). Elle est calculée à partir de la
même période de référence, c'est à dire
novembre 1996. Il faut souligner que l'économie haïtienne a connu 6
paniers52 de consommation qui se sont succédés dans
les dates suivantes : 1948, 1980, 1987, 1991,1996 et le dernier en date, 2004
pour tenir compte des changements survenus dans les habitudes de consommation
des ménages haïtiens et l'évolution de la pondération
de certains produits au fil des ans. Cet indice permet d'établir un taux
d'inflation conjoncturel en calculant une variation en rythme mensuel de l'IPC
et permet également d'obtenir un taux d'inflation structurel en
calculant une variation de l'IPC en rythme annuel. Il permet donc
d'appréhender l'évolution du coût de la vie à partir
du taux de l'inflation mensuel et annuel.
52 Voir Annexe XII : Les générations
d'IPC calculées en Haïti.
3.1.4 Indice des prix à
l'importation
Nous disposons de données trimestrielles sur la
série indice des prix à l'importation en provenance de l'IHSI.
Nous l'avons mensualisé en supposant que sur 3 mois, l'indice ne varie
pas sensiblement. Il a été collecté sur deux bases
différentes : une partie sur la base 75-76 et une autre partie sur la
base 97-98. Nous avons effectué un raccordement des deux
sous-séries afin de l'avoir sur une seule base : 1997-1998.
3.2 Présentation du modèle 3.2.1.
Méthodologie
L'approche méthodologique retenue dans le cadre de ce
travail est le modèle VAR Standard. Ce choix se justifie en ce sens que
ce modèle est éclectique car il ne sous tend pas une
théorie spécifique et de ce fait accorde une certaine
liberté au modélisateur qui dès lors utilisera les
données en fonction de ce qu'il cherche. En plus, il permet de faire des
simulations entre les données de manière à étudier
aisément l'impact d'un choc d'une variable sur une autre ou sur tout un
ensemble de variables. La méthodologie du modèle VAR se
déroule en 5 étapes.
Stationnarisation des variables
Avant tout traitement économétrique, il convient
de tester la stationnarité des variables étudiées. Un
processus Xt est dit stationnaire si tous ses moments sont invariants pour tout
changement de l'origine du temps. Il existe deux types de processus non
stationnaire : le processus TS (Trend Stationnary Processes) qui
représente une non stationnarité de type déterministe et
les processus DS (Difference Stationnary Processes) pour lesquels la
stationnarité est de type aléatoire. Ces processus sont
respectivement stationnarisés par écart à la tendance et
par un filtre aux différences. Dans ce dernier cas, le nombre de filtre
aux différences permet de déterminer l'ordre d'intégration
de la variable53. Afin de discriminer entre les deux types de
processus et d'appliquer la méthode de stationnarisation
adéquate, nous utiliserons les tests de Dickey et Fuller
Augmenté.
Détermination du modèle VAR optimal
53 S'il est nécessaire de différencier d
fois une variable afin de la rendre stationnaire, on dit qu'elle est
intégrée d'ordre d, notée I(d).
Après avoir stationnarisé les variables si elles ne
le sont pas, nous construisons un modèle VAR. Un modèle VAR
à k variables et à p décalages noté VAR(p)
s'écrit :
Yt = A0 + A1 Yt-- 1+ A2 Yt - 2 + ... + Ap Yt - p + Vt -A(D)Yt =
A0 + vt ou
Yt est un vecteur de dimension (k, 1) et vt le vecteur des
résidus.
Avant tout traitement économétrique, il convient
de déterminer le retard p optimal ; il s'agit de celui qui minimise les
critères d'Akaike (AIC) et Schwartz (SBC). La connaissance de ce retard
est en effet nécessaire pour les étapes suivantes. Toutefois, si
le retard p demeure le même tout au long de l'étude, le
modèle VAR déterminé à cette étape peut
faire l'objet d'une modification, en fonction des résultats obtenus lors
de l'étape suivante.
Etude de la cointégration
· Le concept de cointégration
L'analyse de la cointégration présentée
par Engel et Granger (1983, 1987) permet d'identifier la véritable
relation entre deux variables en recherchant l'existence éventuelle d'un
vecteur d'intégration et en éliminant son effet.
Deux séries Xt et Yt sont dites cointégrées
si :
- Elles sont affectées du même ordre
d'intégration « d » .
- Une combinaison linéaire de ces séries permet de
se ramener à une série
d'ordre d'intégration inférieur, c'est à
dire : Xt --I (d) et Yt --I (d), telles que (aXt + bYt) - I (d-b) avec
d>b>0.
On note (Xt, Yt) - CI (d, b).
· Le test de cointégration
Pour mettre en place ce test, on utilise la statistique de
Johannsen, X, calculée à partir des valeurs propres Xi, de la
matrice définissant les relations de long terme du modèle. Cette
statistique se calcule comme suit : X = -n ?k i = r+1 Ln (1- Xi). Elle suit une
loi de probabilité (similaire à un Khi deux) tabulée
à l'aide des simulations de Johannsen et Juselius. Le test54
fonctionne par exclusion d'hypothèses alternatives quant au nombre de
relations de cointégration r. On teste d'abord l'hypothèse nulle
Ho : r = 0 contre l'hypothèse alternative r > 0. Si Ho est
acceptée, la procédure de test s'arrête sinon, on
54 Cette procédure est effectuée
directement par E-views. Le traitement de série chronologiques impose ce
test afin d'éviter les risques de régressions fallacieuses. De
plus, dans le cadre de la modélisation VAR, la présence de
cointégration nécessite une correction du modèle (Vector
Error Correction Model) qui tienne compte de cette relation.
passe à l'étape suivante en testant r = 1 contre
r > 1. Ce schéma est reproduit tant que Ho est rejetée. Si
pour le test de Ho : r = k contre r > k, Ho est rejetée, cela
signifie que les variables ne sont pas cointégrées.
Etude du modèle VAR (ou VECM)
Si l'étape précédente met en
évidence des relations de cointégration, l'étude se fera
à ce niveau sur le modèle VECM ; dans le cas contraire, on
poursuit l'analyse à l'aide du modèle VAR déterminé
lors de la deuxième étape. Ces modèles permettent
d'analyser les effets d'une politique économique au travers de deux
outils :
- L'analyse des fonctions impulsionnelles. Elles permettent de
mesurer l'impact d'un
choc sur les variables.
Il est alors possible d'étudier les impacts que les
variables ont les unes sur les autres. Néanmoins, si ce type de
modélisation nous renseigne sur l'impact qu'ont les variables les unes
sur les autres, elle n'indique pas le sens de la causalité.
Etude de la causalité
Au niveau théorique, la mise en évidence de
relations causales entre les variables économiques permet une meilleure
appréhension des phénomènes économiques, et
amène des informations supplémentaires quant à
l'antériorité des événements entre eux et par la
même, permet la mise en place d'une politique économique
optimisée. Nous utilisons ici la notion de causalité
développée par Granger : la variable y1t cause la
variable y2t si la prévision de cette dernière est
améliorée en incorporant à l'analyse des informations
relatives à y1t et à son passé.
3.2.2. Spécification du
modèle
Le modèle que nous allons utiliser répond à
la spécification suivante.
n n n n
TX = ? - ? ? ?
á á á á ë
+ + + + (1)
11 TX IPI IPC M
t i 12 t i
- 13 t i
- 14 t i t
- 1
n n n n
IPI = ? ? ? ?
á á á á ë
+ + + + (2)
21 TX IPI IPC M
t i
- 22 t i
- 23 t i
- 24 t i t
- 2
i =1 i=1 i =1 i=1
n n n n
IPC =? ? ? ?
á á á á ë
+ + + +
31 TX IPI IPC M (3)
t i
- 32 t i t i
- -
33 34 t i t
- 3
i=1 i=1 i = =
1 i 1
n n n n
M =? ? ? ?
á á á á ë
+ + + + (4)
41 TX IPI IPC M
t i
- 42 t i
- 43 t i
- 44 t i t
- 4
i =1 i=1 i =1 i=1
Où TX représente le taux de change
bilatéral gourde / dollar. Nous aurions pu utiliser un taux de change
effectif nominal mais cette statistique n'étant pas disponible, nous
avons alors choisi le taux de change par rapport au dollar américain car
les Etats Unis sont notre principal partenaire commercial.
IPI représente l'indice des prix à
l'importation. Cet indice a été collecté en rythme
trimestriel. Nous l'avons mensualisé en supposant que sur le très
court terme, les prix à l'import ne varient pas.
IPC représente l'indice des prix à la consommation
et M la masse monétaire M2.
3.2.3. Estimation
La première démarche avant tout traitement
économétrique est de tester la stationnarité des variables
qui vont être utilisées dans le modèle pour éviter
d'avoir des régressions fallacieuses. La méthode utilisée
pour stationnariser55 les différentes variables est la
technique « ADF ». Les tests ADF montrent que toutes les variables
sont stationnaires en différence, à l'exception de la variable
IPI qui est stationnaire en niveau. Les principaux résultats sont
synthétisés dans le tableau suivant :
Tableau 3.- Principaux résultats des tests
ADF
Variables
|
Ordre d'intégration
|
Retards
|
ADF calculé
|
ADF tabulé
|
Durbin- Watson
|
Risque
|
Types de modèle56
|
IPC
|
1
|
1
|
-13.42
|
-2.87
|
2.00
|
5%
|
2
|
IPI
|
1
|
2
|
-14.38
|
-1.94
|
2.00
|
5%
|
1
|
TX
|
1
|
0
|
-14.17
|
-2.87
|
1.99
|
5%
|
2
|
M2
|
1
|
2
|
-3.80
|
-1.94
|
2.04
|
5%
|
1
|
Source: Calculs effectués par les
auteurs
Ces résultats nous permettent de dire qu'il y a une
présomption de cointégration entre les variables IPC, IPI, TX,
M2. Un test de cointégration s'impose pour confirmer ou rejeter
55 Dans la littérature
économétrique, d'autres tests sont utilisés. Il s'agit des
tests de Phillips- Perron, Elliott - Rothemberg et Stock, KPSS,
Schmidt-Phillips, Perron-Vogelsang...
56 1 : Modèle sans constante ni tendance
2 : Modèle avec constante
3 : Modèle avec constante et tendance
cette hypothèse. Mais avant de réaliser ce test
nous devons déterminer le modèle VAR optimal. Ce dernier pourra
être réalisé en déterminant le modèle pour
lequel le critère d'information d'Akaike ou Swartz est minimum.
Tableau 4.- Recherche d'un modèle VAR
optimal.
Nombre de retards
(p)
|
Akaike Information Criterion (AIC)
|
Schwartz Criterion (SC)
|
1
|
32.92
|
33.27
|
2
|
33.07
|
33.71
|
3
|
32.72
|
33.66
|
4
|
32.80
|
34.03
|
5
|
33.02
|
34.55
|
Source : Calculs effectués par les
auteurs
Le modèle var optimal retenu est un var
(1)57. Il est obtenu pour la valeur du retard pour laquelle le
critère de Swartz est minimum. A noter que les variables sont
placées dans l'ordre suivant : TX ? IPI ? M2 ? IPC. Cet
ordre58 placé suivant une intuition théorique est
supportée par le test de causalité de Granger.
Tableau 5.- Résultats des tests de
causalité de Granger.
Hypothèse nulle
|
Observations
|
F-Statistic
|
Probabilité
|
D(IPI) ne cause pas D (TX)
|
178
|
1.41
|
0.2358
|
D (TX) ne cause pas D(IPI)
|
178
|
0.50
|
0.4777
|
D (M2) ne cause pas D (TX)
|
178
|
1. 23
|
0.2686
|
D (TX) ne cause pas D (M2)
|
178
|
8.07
|
0.0050
|
D (IPC) ne cause pas D (TX)
|
178
|
0.51
|
0.4728
|
D (TX) ne cause pas D (IPC)
|
178
|
0.38
|
0.5353
|
D (M2) ne cause pas D (IPI)
|
178
|
11.26
|
0.0009
|
D (IPI) ne cause pas D (M2)
|
178
|
8.34
|
0.0043
|
57 Voir annexes.
58 A noter que cet ordre a déjà
été utilisé par Jonas Stulz où il a
étudié le passthrough du taux de change pour la Suisse.
D (IPC) ne cause pas D (IPI)
|
178
|
0.01
|
0.9147
|
D (IPI) ne cause pas D (IPC)
|
178
|
0.49
|
0.4819
|
D (IPC) ne cause pas D (M2)
|
178
|
0.06
|
0.8017
|
D (M2) ne cause pas D (IPC)
|
178
|
4.48
|
0.0355
|
Source : Calculs effectués par les
auteurs
Suivant ce test, les prix à l'importation causent la
masse monétaire, et cette dernière cause les prix à la
consommation au sens de Granger. Par contre, au sens de Granger, le taux de
change ne cause pas les prix à l'importation. Néanmoins nous
retenons cet ordre pour la suite du travail.
A présent, nous pouvons tester l'hypothèse de
cointégration entre les variables. E-views nous permet de le
réaliser à partir du test de Johannsen59. Ce test nous
a permis d'accepter l'hypothèse de cointégration entre les
variables. En fait elle nous permet de voir qu'il existe au moins une relation
de cointégration entre nos différentes variables. Cette relation
est la suivante : TX = 2.18 IPI + 0.01M2 -1.73 IPC. Mais cette équation
ne nous permet pas de voir l'impact des changements du taux de change sur les
indices des prix à l'importation et à la consommation. Toutefois,
pour pouvoir corriger l'erreur, nous avons estimé sur Eviews un VEC.
Cette dernière estimation nous a permis de voir que notre modèle
n'admet pas de VEC. Nous allons donc continuer notre estimation avec un VAR.
Nous pouvons donc à présent calculer le pass-through du taux de
change sur les prix à l'import (passthrough premier degré) et le
pass-through des prix à l'import sur les prix à la consommation
(pass-through du second degré.)
3.3 Analyse des résultats et Recommandations
3.3.1. Analyse des résultats
Le pass-through du taux de change sur les prix à
l'importation _ pass-through du premier degré_ peut être
représenté graphiquement comme suit :
59 Voir annexes.
Graphe # 7.- Réponse de l'indice des prix à
l'importation suite à une variation de 1% du taux de change
3
2
1
0
-1
-2
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Mois
Le pass-through des prix à l'importation vers les prix
à la consommation _ passthrough du second degré_ peut être
représenté comme suit :
Graphe # 8.- Réponse de l'indice des prix à la
consommation suite à une variation de 1% de l'indice des prix à
l'importation.
2
1
0
-1
-2
-3
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Mois
On observe que le pass-through du premier degré est
relativement élevé sur le court terme, soit 0.50 après
trois mois et le choc s'estompe au bout de 7 mois environ60.
Le pass-
60 Après 7 mois, le choc se répercute
à 0.001% environ.
through du second degré est également
élevé, soit 0.71 au bout de 3 mois et le choc s'estompe au bout
de 7 mois environ pour atteindre un niveau de 0.04.
D'entrée de jeu, nous pouvons faire deux constats sur
ces résultats. D'une part, les coefficients pass-through sont incomplets
sur le court terme, c'est à dire que les chocs ne se transmettent pas
« one to one » d'une variable à une autre car suite à
une hausse de 1% du taux de change, les prix à l'importation varient
à 0.50% et la transmission des changements dans les prix à
l'importation se fait à 0.71% sur les prix à la consommation.
D'autre part les deux coefficients sont plutôt élevés bien
que le premier soit inférieur au second. Ces observations nous
permettent donc d'accepter les hypothèses H2 à savoir la «
hausse du taux de change se répercute fortement sur les prix des
produits importés » et H3 « Un choc sur les prix à
l'importation dû à une hausse du taux de change se
répercute fortement sur les prix à la consommation ». Ceci
nous permet donc de dire que sur le court terme, le taux de change peut
être retenu comme une variable significative dans l'explication de la
formation des prix en Haïti. Ce qui nous conduit à accepter H1.
Ces résultats ne sont pas tout à fait conformes
à ceux trouvés dans la littérature sur le pass-through. En
effet, plusieurs auteurs pensent qu'effectivement le pass-through du taux de
change sur les prix à l'importation est élevé tandis que
la transmission est faible sur les prix à la consommation. L'un des
arguments retenus par les auteurs pour expliquer cette situation est la
thèse du Pricing to Market (Krugman, 1988). Selon ce dernier, dans un
environnement concurrentiel, quand le taux6 1de change augmente, les
entreprises n'ajustent pas tout de suite leur prix de vente dans l'optique de
conserver leur part de marché. Si bien qu'à court terme, toute
dépréciation de la monnaie locale a un impact très
limité sur les prix à la consommation. Ce raisonnement ne saurait
s'appliquer au cas d'Haïti car dans cette économie où les
marchés sont très imparfaits, on ne peut pas vraiment parler
d'environnement concurrentiel.
Ces résultats étaient plutôt
prévisibles. Le degré d'ouverture de l'économie
haïtienne est de plus en plus élevé tout au cours de la
période, ce qui théoriquement fait varier à la hausse le
niveau du coefficient pass-through. Ensuite, la période
considérée est fortement marquée par une
instabilité politique chronique ce qui a sans doute affecté la
politique économique. En effet, du point de vue de la politique
budgétaire les différents
61 Sous l'hypothèse que le taux est coté
à l'incertain.
gouvernements qui se sont succédés ont toujours
enregistré de larges déficits budgétaires, et ont souvent
fait appel à la banque centrale pour combler cet
écart62. Ceci ne fait que créer un surplus de gourdes
en circulation, ce qui augmente la quantité de gourdes disponibles sur
le marché des changes par rapport au dollar et fait
déprécier la monnaie locale. A très court terme, cette
dépréciation se répercutera sur le niveau des prix dans
l'économie et la spirale recommence.
Du point de vue de la politique monétaire, la banque
centrale dans le souci de lutter contre l'inflation a du certaines fois garder
un taux directeur élevé63 pénalisant ainsi la
croissance économique. Les bons ont toujours été
utilisés comme instrument d'assèchement de la liquidité
sur le court terme dans le système. Pourtant le pass-through de court
terme reste élevé dans l'économie haïtienne et la
dépréciation de la gourde reste sans conteste une source
d'inflation.
3.3.2. Recommandations
Les mesures que nous proposons dans cette partie prônent
d'une part une augmentation de l'offre de devises sur le marché des
changes, car nous croyons que plus que l'offre est élevée, moins
il y aura de pression sur le marché des changes et la stabilisation du
taux de change par la banque centrale sera plus facile et moins coûteux ;
d'autre part, une certaine autonomie de la banque centrale. Ainsi, l'impact de
la dépréciation de la gourde sur l'inflation et sur
l'économie d'une manière générale sera
minimisé.
1. Nous pensons que l'Etat devrait redynamiser la production
nationale. Ceci permettrait de diminuer le poids des importations dans l'offre
nationale, ce qui diminuerait la demande de devises sur le marché des
changes à moyen et long terme et permettrait d'enregistrer une
augmentation des exportations ce qui alimenterait l'offre de devises sur le
marché des changes. Cette mesure permettrait à la banque centrale
d'intervenir plus facilement sur le marché des changes sans perturber
le
62 Voir en annexe, le pass-through de M2 vers
l'IPC.
63 De 1996 à 2005, les taux sur les bons
à 91 jours s'élèvent en moyenne à 18.19%.
marché ce qui lui permettrait de remplir aisément
sa mission qui est de sauvegarder la valeur de la monnaie locale.
2. Les transferts privés sans contre partie sont la
principale composante de l'offre de devises sur le marché des changes.
L'Etat doit donc mettre en place des politiques qui visent à diversifier
l'offre. L'une de ces politiques pourraient être par exemple de relancer
l'industrie touristique qui de nos jours joue un rôle très
important en terme de rentrée de devises pour les économies qui
misent sur cette politique. Ceci aurait un effet porteur pour l'économie
en termes de créations d'emplois et augmenterait l'offre
agrégée ce qui pourrait diminuer le niveau général
des prix dans l'économie.
3. La Banque centrale doit être autonome. Ceci lui
permettra d'éviter de céder aux éventuelles pressions du
gouvernement central pour financer les déficits budgétaires, car
le financement a pour conséquence une augmentation de la masse
monétaire en circulation qui va créer un
déséquilibre sur le marché des changes entre la
quantité de gourdes disponibles pour une certaine quantité de
devises, ce qui va se répercuter sur le taux de change. La banque
centrale devra alors intervenir sur le marché en injectant une certaine
quantité de devises, ce qui va diminuer ses réserves nettes de
change et augmenter les risques de spéculation su le marché des
changes, car on sait que plus les réserves internationales de change
sont faibles, moins la Banque a de marge de manoeuvre pour combattre les
attaques spéculatives contre la monnaie locale qui peuvent
générer des effets inflationnistes.
4. Une ambiance favorable à l'implantation des firmes
multinationales dans le pays serait aussi un moyen pour l'économie et le
pays d'une manière générale d'attirer des devises. Mais
ceci impliquerait la mise en place de toute une batterie de mesures comme la
sécurité des vies et des biens, une réforme judiciaire
très sérieuse et une stabilité politique et
macroéconomique durable...
CONCLUSION
Ce travail avait pour objectif d'étudier l'impact des
variations du taux de change dans la formation des prix en Haïti. Pour y
parvenir, nous avons estimé le coefficient passthrough du taux de change
vers les prix à l'importation d'une part, et d'autre part nous avons
estimé la transmission des prix à l'importation vers les prix
à la consommation. Les résultats de nos estimations nous ont
montré que le coefficient de répercussion est élevé
au premier et au second degré, sur le court terme soit respectivement
0.50 % et 0.71%. Pour mener cette recherche, trois hypothèses ont
été posées au tout début de ce travail et elles ont
toutes été acceptées. Sur le court terme, on peut donc
affirmer sans ambages que le taux de change joue un rôle non moins
négligeable dans la formation des prix dans l'économie
haïtienne. Pourtant ce travail ne dit rien concernant l'influence du taux
de change dans la formation des prix sur le long terme. Vu les
caractéristiques statistiques de notre modèle, nous n'avons pas
été en mesure de répondre à cette
préoccupation.
Le contexte sociopolitique et économique dans lequel a
évolué le pays depuis environ un quart de siècle reste
très fragile. Les séquelles du coup d'état militaire,
l'embargo, la détérioration du tissu social et tant d'autres
faits ont gravement endommagé les structures économiques et
sociales d'Haïti. L'appareil productif marche à reculons, la
faiblesse des institutions étatiques, la perte de valeur de la monnaie
locale sont autant de facteurs qui rendent le pays aussi vulnérable et
beaucoup plus dépendant de l'extérieur.
Quand on analyse le ratio dépôt en devises /
dépôt total, on remarque que l'économie est partiellement
dollarisée et ce processus s'est fait graduellement64. En 15
ans, la monnaie locale a pratiquement perdu son rôle de réserve de
valeur car l'évolution du coefficient prouve que les agents
épargnent de plus en plus en devises à cause de
l'instabilité de la gourde. La monnaie tend également à
perdre son rôle d'étalon d'échange car de plus en plus de
transactions dans l'économie se font en devises. Certains auteurs
pourraient donc essayer d'approfondir les recherches sur le coefficient
pass-through en tentant de cerner le lien qui existe avec le processus de
dollarisation en Haïti. D'autres auteurs pourraient également
étudier la dynamique du coefficient pass-through dans l'économie
haïtienne et examiner les implications pour la politique
monétaire.
64 Voir Annexes
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
1) ALPHANDERY Edmond, (1976) cours d'Analyse
macroéconomique, Editions Economica.
2) A. VIAU, J. M. ALBERTINI (1975), L'inflation, Editons
ouvrières-Editions du Seuil.
3) BAILLIU J. and Hafedh Bouakez (spring 2004), Exchange rate
pass-through in industrialized countries, Bank of Canada Review.
4) BARHOUMI Karim (2005) « Exchange Rate Pass-Through
Into Import Prices In Developing Countries: An Empirical Investigation»
http://www.economicsbulletin.com/2005/volume3/EB-04C50035A.pdf
5) B. Balassa (décembre 1974), The purchasing power
parity doctrine, A reappraisal, journal of political Economy.
6) CARLOS Jose Garcia, JORGGE Enrique Restrepo (Novembre 2001),
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taux de change et déséquilibres internationaux : le cas
français, Editions Calmann-Lévy.
8) CHRISTIAN Bordes-Marcilloux (1980),
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9) CULMANN Henry (1988), les mécanismes
économiques, Presses universitaires de France, Collection Que
sais-je ?
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