II.MOLEDES THEORIQUES ET METHODES ECONOMETRIQUES
A. Produit potentiel et loi d'Okun
Produit potentiel
Le produit potentiel est le niveau de
production qu'une économie peut fournir sous condition d'emploi total
(avec un niveau de chômage faible, dit naturel et sans tension
inflationniste). Le produit potentiel s'insère donc dans un contexte
d'équilibre stable de l'économie dans son ensemble, dite
condition de « steady state » ou « état
stationnaire » (Ghislaine, et al, 2005).
A partir de ce concept, nous pouvons
faire appel au concept de l'écart de production.
Par définition, l'écart de production est la
différence entre la production effective et le niveau de production
potentielle (Ghislaine et al, 2005).
L'analyse de l'écart de production peut donc être
considérée comme le point de départ de l'étude de
l'analyse conjoncturelle basée sur le cycle de croissance.
La littérature économique distingue
généralement deux conceptions de la production potentielle
(Lamine, 2005). La première approche qui relève d'une conception
néoclassique soutient que la production potentielle est tirée par
les chocs exogènes de productivité, qui affectent l'offre globale
et déterminent, à la fois, le sentier de croissance de long terme
et les fluctuations à court terme de l'output. Dès lors, les
fluctuations du cycle des affaires ne sont pas causées par
l'insuffisance ou l'excès de demande globale, mais sont
provoquées par le comportement d'investissement d'agents
économiques rationnels qui réagissent à ces chocs de
productivité.
La seconde approche, qui s'inscrit dans la tradition
keynésienne, considère que le cycle des affaires résulte
principalement des mouvements de la demande globale, en relation avec un niveau
d'offre globale dont l'évolution est relativement lente. Durant les
phases de récession, il existe des facteurs de production qui ne sont
pas pleinement utilisés du fait de l'insuffisance de la demande
effective ; en particulier, le taux de chômage se situe au dessus de
son niveau d'équilibre, ce qui exerce une pression à la baisse
sur les prix. Dans ce cadre, l'évaluation de la production potentielle
s'avère nécessaire pour mettre en place une politique (aussi bien
monétaire que fiscale) de gestion de la demande.
L'interprétation des mêmes concepts dans un contexte
purement monétariste est radicalement différente. Dans la
théorie monétariste et la nouvelle macroéconomie
classique, l'économie est supposée être en permanence dans
une position d'équilibre stable (« steady state »)
et donc dans laquelle la production effective coïncide toujours avec la
production potentielle. Seulement des chocs peuvent faire éloigner
l'économie de sa position d'équilibre. Des chocs à
caractère permanent déterminent la position des «steady
state » tandis que des chocs transitoires déterminent des
fluctuations conjoncturelles.
Le produit potentiel est couramment assimilé à la
composante permanente de l'économie qui n'est typiquement pas
stationnaire. L'écart de production quant à lui est
assimilé à la composante transitoire de l'économie,
typiquement stationnaire mais pas nécessairement périodique. La
composante transitoire peut être divisée en une composante
cyclique et une composante irrégulière (Ghislaine, et al,
2005).
Ghislaine, et al. (2005) distinguent deux types de techniques
d'analyse des fluctuations économiques : la déviation par
rapport à la tendance, c'est - à - dire l'interprétation
des changements sur la production et le « gap closing » qui
nous permet d'analyser les phénomènes cycliques. Dans ce sens, si
on se réfère à une approche de moyen terme, le produit
potentiel est assimilé à la tendance et l'écart de
production à la déviation par rapport à la tendance.
Alternativement, si on se base sur le court terme, l'évolution de
l'écart de production correspond aux fluctuations économiques
principalement expliquées par la composante cyclique de
l'économie.
D'un point de vue cyclique, l'analyse de l'écart de
production permet d'identifier les phases du cycle conjoncturel
(accélération, décélération). Du point de
vue de la tendance, l'écart de production identifie les
déviations de la tendance et le lien entre le produit potentiel, et
l'écart de production nous permet de détecter les points de
recouvrement ou récession.
Dans le cas de nos analyses, pour déterminer le produit
potentiel, nous avons tenu compte des conditions et réalités de
l'économie congolaise où l'inflation bat son plein et dans
laquelle on fonctionne en dessous de ses capacités de production. Nous
avons aussi tenu compte de l`ouverture de la RDC à d'autres
économies du monde à travers ses termes d'échanges, voici
l'équation à laquelle nous allons utiliser tout au long de nos
analyses pour déterminer le produit potentiel :
Log(Y/L) = a+b*Infl +c*TE+d*RInfl +u (9) où
Y : produit intérieur brut réel ou production
en valeur réelle ;
L : population totale par année ;
Infl : le taux d'inflation ;
TE : termes d'échanges ;
Rinfl : ratio du taux d'inflation ;
u : terme d'erreurs ;
a, b, c, et d sont toutes des constantes ;
Log : le logarithme naturel.
Dans ces analyses, c'est l'optique production qui nous
intéresse de plus parmi les optiques déterminantes du produit
intérieur brut (soit optique production, optique revenu et optique
dépense).
Notre étude a retenu une variable dépendante
(LogY/L) et trois variables indépendantes (Infl, RInfl et TE). Notre
fonction est construite de la manière suivante :
Log(Y/L)= F(Infl, RInfl, TE)
(+) (-) (+)
Où :
Log : logarithme naturel ;
Y/L : Produit intérieur brut réel par
habitant ;
Infl. : taux d'inflation ;
RInfl. : ratio d'inflation au produit intérieur brut
réel ;
TE : terme d'échanges total
Le signe (+) ou (-) sous chaque variable explicative indique a
priori l'impact attendu de la variable considérée sur le produit
intérieur brut réel estimé.
Loi d'Okun
La loi d'Okun relie la production et chômage
(Mankiw, 2003). Pour Samuelson et Nordhaus (2000), elle fournit le lien, de
toute première importance entre le marché des produits et le
marché de travail. Elle décrit la liaison entre les mouvements de
court terme du PIB réel et les variations du chômage.
La « loi d'Okun » est la relation empirique
entre les écarts de croissance de la production autour de sa tendance et
les variations du chômage. Cette loi montre comment le taux de
chômage observé varie autour du taux de chômage
d'équilibre (Pour Okun, 1970).
L'article qui définit les fondements du concept de
production potentielle fut publié par Okun en 1962. Okun propose une
relation linéaire simple entre l'écart du taux de chômage
à son niveau naturel et l'écart de la production par rapport
à son niveau potentiel. Il existe donc une corrélation
négative entre les changements du taux de chômage et les
changements de croissance de la production. La relation entre le taux de
chômage et écart de production est plus précisément
considérée par Okun comme relatant les déviations de la
production à son niveau potentiel et du taux de chômage à
son niveau naturel (Destais et al, 2005).
La considération mathématique de la loi d'Okun est
la relation linéaire simple entre l'écart du taux de
chômage à son niveau naturel et l'écart de la production
par rapport à son niveau potentiel définit par Okun est
donnée par la fonction suivante :
(Yp-Y)/Yp = c (U-Un) (1) avec
Yp : production potentielle ;
Y : produit intérieur brut réel ;
Un : taux de chômage naturel ;
U : taux de chômage ;
c : facteur de taux de chômage qui se change en
production ou coefficient de sacrifice de taux
de chômage en production
Dans ses analyses de 1965, aux Etats-Unis, Okun trouve la valeur
de c égale 2 ou 3. Dans la loi d'Okun, Yp et Un doivent être
estimés. En d'autres termes, la relation (1) peut s'écrire comme
suit :
VarY/Y = k - cVarU (2) où
Y et c sont définis précédemment ;
VarY : variation de PIB réel ;
VarU : variation de taux de chômage
k : la variation de production potentielle autour de
son produit potentiel moyen sur
production potentielle moyenne multipliée par
100.
L'équation (2) est la variation en pourcentage du PIB
réel. Il nous est important de démontrer la provenance de
l'équation (2), de l'équation (1) :
(Yp-Y)/Yp = c (U-Un) = 1- Y/Yp
en multipliant les deux membres de cette équation par -1,
nous obtenons l'équation suivante :
Y/Yp-1 = c (Un-U) (3)
en calculant la différentielle de l'équation (3),
nous avons l'équation suivante :
Var(Y/Yp) = (Y+VarY)/ (Yp+VarYp)-Y/Yp = c (VarUn-VarU) (4) en
cherchant le dénominateur commun du premier membre de l'équation
(4), nous obtenons :
(YpVarY-YVarYp)/ Yp (Yp+VarYp) = c (VarUn-VarU) (5)
multiplions le premier membre de l'équation (5) par
(Yp+VarYp)/ Y, pour trouver approximativement l'équation (1), nous
aurons :
(YpVarY-YVarYp)/ YpY = VarY/Y-VarYp/Yp = c (VarUn-VarU)
de cette équation nous déduisons l'équation
suivante :
VarY/Y = VarYp/Yp+cVarUn-cVarU (6) en posant k =
VarYp/Yp+cVarUn,
l'équation (6) peut s'écrire comme suit :
VarY/Y= k - cVarU (7)
L'équation (7) nous montre que lorsque le taux de
chômage diminue d'un point de pourcentage, la variation de produit
intérieur brut réel en pourcentage varie positivement d'un
certain pourcentage. Cette fonction est celle qui fait l'objet de la
présente étude, communément appelée « loi
d'Okun ».
Pour étudier cette relation, qui doit normalement
être négative, entre le PIB réel autour de sa tendance et
celle du taux de chômage autour de son taux naturel, nous avons
fixé un principe. Ce dernier est que, par hypothèse, nous allons
considérer que la variation du taux de chômage est la seule
variable qui influence la variation du produit intérieur brut
réel autour de sa tendance et que les autres variables
indépendantes sont isolées.
Alors la variable dépendante est la variation du produit
intérieur brut réel autour de sa tendance en pourcentage
notée (Y-Yp)/Yp et la variable
indépendante, la variation du taux de chômage autour de son taux
naturel notée (U-Un).
Cette fonction se présente de la façon
ci-après :
(Y-Yp)/Yp= F(U-Un)
(Mankiw, 2003)
(-)
Où (Y-Yp)/Yp : variation du
produit intérieur brut réel autour de son produit potentiel en
Pourcentage ;
(U-Un) : variation de taux de
chômage autour de son taux naturel.
Le signe (-) présente en dessous de la variable
explicative indique a priori l'impact attendu de la variable
considérée sur la variable expliquée estimée.
B. Méthodes
économétriques
Test de stationnarité (Unit root test)
Une variable est dite stationnaire si les données
observées pour cette dernière suivent un même ordre ou
degré de probabilité, tandis qu'une variable est dite non
stationnaire si elle ne suit pas le même ordre de probabilité.
Tableau n°1 : Test de stationnarité
Variables
|
Stat. ADF
|
CV (5%)
|
Avec tendance
|
Avec constante
|
Conclusion
|
Log(Y/L)
|
-2.99
|
-1.95
|
NON
|
NON
|
I (0)
|
INFL
|
-4.09
|
-3.20
|
OUI
|
OUI
|
I (0)
|
RINFL
|
-4.13
|
-3.52
|
OUI
|
OUI
|
I (0)
|
TE
|
-2.19
|
-3.52
|
NON
|
NON
|
NS
|
D (Log(Y/L))
|
-2.12
|
-1.94
|
NON
|
NON
|
I (1)
|
D (INFL)
|
-8.24
|
-3.53
|
OUI
|
OUI
|
I (1)
|
D (RINFL)
|
-8.22
|
-3.53
|
OUI
|
OUI
|
I (1)
|
D (TE)
|
-5.75
|
-3.53
|
OUI
|
OUI
|
I (1)
|
Source : confectionné sur base de logiciel Eviews
3.1
NS : non stationnaire
I (0) : stationnaire en niveau
I (1) : stationnaire en différence première
La combinaison de ces séries est stationnaire en niveau
« I (0) », à l'exception de la série
« terme d'échanges total » qui est non stationnaire
en niveau « NS ». Mais toutes les autres variables sont
stationnaires en différence première « I
(1) », ce qui laisse supposer une relation de co-intégration.
Cette caractéristique essentielle nous donne la possibilité
d'analyser la dynamique de long terme du produit intérieur brut
réel par tête avec des modèles faisant appel aux tests de
co-intégration des variables.
Tableau n° 2: Test de stationnarité de DF
variables
|
stat ADF
|
valeur critique 5%
|
Avec trend
|
avec constante
|
conclusion
|
|
- 1,79
|
- 3,52
|
Non
|
Non
|
NS
|
(U - Un)
|
-3,29
|
- 2,93
|
Non
|
Oui
|
l(0)
|
D
|
- 7,35
|
-3,52
|
Oui
|
Oui
|
l(1)
|
D(U- Un)
|
-6,09
|
-3,53
|
Oui
|
Oui
|
l(1)
|
Sources : calculs effectués sur les
données à partir de logiciel Eviews 3.1
De ce tableau ressort d'une manière simple et claire
que la variable endogène est non
stationnaire à niveau tandis que la variable exogène (U- Un) est
stationnaire à niveau. Au seuil de 5% toutes les variables
(endogène et exogène) sont toutes stationnaires ou
différence première, ce qui nous pousse à croire qu'il y a
présence d'une relation de co - intégration dans notre
modèle.
|