Catherine Maras
L'IDENTITÉ
DE LA
DÉMOCRATIE
AMÉRICAINE
Sous la direction de M. Thierry Ménissier
Soutenu en présence de M. Jean Yves Goffi
Département de philosophie
UFR de science humaine. Université Pierre Mendès
France II
|
Catherine Maras
L'IDENTITÉ
DE LA
DÉMOCRATIE
AMÉRICAINE
Sous la direction de M. Thierry Ménissier
Soutenu en présence de M. Jean Yves Goffi
Département de philosophie
UFR de science humaine. Université Pierre Mendès
France II
|
I- MOTIVATION
Pourquoi avoir choisi d'intituler mon projet de
recherche, l'identité de la démocratie
américaine ?
Si j'ai choisi d'étudier la démocratie des
Etats-Unis et pas d'un autre pays, ce que j'aurais très bien pu faire
puisque la notion de démocratie pose déjà en soi un
problème philosophique, c'est parce j'ai voulu comprendre pourquoi cette
démocratie est sujette à tant de controverses,
notamment depuis la fin du siècle dernier. La démocratie
américaine est un sujet qui est beaucoup discuté, soumise
à de nombreuses critiques, négatives comme positives,
émanant de professionnels comme des journalistes, des politiciens, des
historiens, des chercheurs, des philosophes ou encore des non- professionnels,
comme des citoyens américains, européens, arabes, etc. En bref,
la démocratie américaine est un sujet traité,
discuté, jugé, par tous ceux qui sont touchés de
près ou de loin par la politique américaine, l'économie
américaine, le modèle américain ; autrement dit
presque toute la planète puisque avec la mondialisation, l'ouverture des
marchés, la libéralisation des échanges, presque tous les
pays ont été touchés par l'American Way of Life,
c'est-à-dire par le mode de vie américain (MC Donald's, Coca
Cola, CNN, etc.)
Mais tous ont une vision différente de la
démocratie américaine. Il y a me semble t-il, ceux qui contestent
radicalement le modèle américain, et ceux qui l'admirent
aveuglement. Autrement dit, il y a ceux pour qui, l'Amérique n'est pas
une démocratie et d'autres au contraire qui pensent que c'est la plus
grande démocratie du monde. Ces deux positions renvoient respectivement
à l'antiaméricanisme et au proaméricanisme. Les arguments
de chacun sont a posteriori insuffisants, trop partisans pour pouvoir
dégager la vérité, recelant une absence de fondement
objective. Commençons par l'argument critique d'un philosophe
américain, Noam Chomsky, à travers son entretien, Pouvoir et
terreur, il est l'un des rares intellectuels américains portant un
regard critique sur sa société, les pouvoirs qui la
régissent et l'arrière-plan culturel dont ils tirent leur
légitimité. Dans cet entretien, Chomsky replace l'attaque
terroriste dans le contexte des interventions américaines depuis 1945 au
Vietnam, en Amérique centrale, au Moyen Orient, et ailleurs. Le
terrorisme, c'est l'exercice dit-il, de la violence contre les populations
civiles, qu'elle vienne des organisations extrémistes islamiques ou de
l'Etat le plus puissant du monde comme les Etats-Unis. Chomsky est assez
convainquant parce qu'il semble maîtriser l'histoire des
Etats-Unis, convainquant surtout parce que c'est l'avis d'un intellectuel
américain, il semble mieux placé qu'un français pour
parler de son régime démocratique ! Pourtant, son
analyse est « arrêtée dans le temps » dira
Todd, dans son ouvrage intitulé : Après l'Empire,
parce que Chomsky compare les Etats-Unis d'aujourd'hui avec la guerre en Irak,
aux Etats-Unis des années 60, avec la guerre du Vietnam. Pour Chomsky,
l'Amérique a depuis la guerre du Vietnam été mauvaise et
toute puissante ; or pour Todd, il faut prendre en compte que les choses
ont évolué, que l'Amérique est certes mauvaise mais elle
n'est plus toute puissante comme elle l'a été autrefois
après la Seconde Guerre Mondiale. Pour Todd, on surestimerait la
puissance des Etats-Unis. Depuis quelques années, il soutient
l'idée d'un déclin irréversible de « l'empire
américain ». Pour lui, la crise irakienne s'inscrit dans ce
mouvement. Les Etats-Unis, affirme Emmanuel Todd, n'auraient pas les moyens,
notamment financiers, de leurs ambitions, ils seraient même totalement
dépendant économiquement.
« Le pouvoir de contrainte militaire et
économique [des Etats-Unis], écrit Todd, est insuffisante pour
maintenir le niveau actif d'exploitation de la planète, son
universalisme idéologique est en déclin et ne lui permet pas de
traiter les hommes et les peuples de façon égalitaire, pour leur
assurer la paix et la prospérité autant que pour les
exploiter »1(*).
Autrement dit, de protecteur du «Monde libre», les
Etats-Unis seraient devenus un « prédateur ».
L'objectif des Etats-Unis, ne serait plus effectivement de défendre la
démocratie libérale, mais de contrôler politiquement les
ressources mondiales. Ce qui constitue un objectif inaccessible parce que
démesuré : la Russie, l'Europe et le Japon sans compter la Chine
et l'Asie sont des obstacles insurmontables avec lesquels il faut
désormais négocier et le plus souvent plier. D'après Todd,
les Etats-Unis ne peuvent rester qu'un centre symbolique du monde.
« L'empire américain », s'achemine donc vers une
décomposition inévitable. Ce n'est pas l'avis d'André
Kaspi ou encore de Jean-François Revel. Ainsi dans l'Obsession
anti-américaine, Revel y dénonce une tendance
répandue de dénigrement gratuit des Etats-Unis, en particulier de
la part des Européens et des Français, tout en tentant une
explication du phénomène. Ce livre est donc en quelque sorte un
argumentaire très complet contre les mille mauvaises raisons de
détester les Etats-Unis, leur politique, leur façon de vivre,
leur richesse et leur unilatéralisme. Selon Revel, l'Amérique,
contrairement à Todd, est toute puissante, tant au niveau
économique, technologique, militaire que culturel ; «
"l'hyperpuissance" américaine actuelle, écrit-il, n'est que la
conséquence directe de l'impuissance européenne ancienne
contemporaine »2(*). Cette puissance est souvent contestée
par les Européens, Revel constatera que les Français parlent des
Etats-Unis rarement avec sérénité. Tout de suite la
passion s'en mêle : on schématise, on caricature, on tombe
dans le manichéisme. La description qu'Emmanuel Todd fait par exemple de
l'après-11 septembre, n'apporterait pour Revel rien de nouveau, elle ne
fait que prolonger une vieille attitude européenne selon laquelle ce
sont toujours des Etats-Unis que vient le danger. Certes, écrit Revel,
la société américaine, comme beaucoup de
sociétés démocratiques, a beaucoup de défauts et
elle mérite de nombreuses critiques. Mais pourvu que « ces
critiques fussent justifiées et que ces défauts fussent les vrais
défauts ». Pour André Kaspi, s'il y a tant de critiques
injustifiées, c'est parce que l'hégémonie
américaine suscite « la jalousie, l'hostilité
même si bien des Etats en tirent parti »3(*), mais c'est aussi parce
que ceux qui critiquent sont ignorants. Leurs critiques reposent en
règle générale sur des clichés, celui en
particulier de l'Américain obèse, infantile, impérialiste
et dépourvu de culture, étant entendu que les Français
sont les seuls à être vraiment cultivés, comme en
témoigne sa télévision, ses loft story et ses
star academy !
Cette polémique au sujet du modèle
américain, et plus particulièrement sur la politique
américaine actuelle, suffit pour s'apercevoir déjà qu'il
existe de grandes divergences d'opinions, qu'il n'y a pas une opinion
occidentale ou américaine unique et unilatérale sur la question
de la démocratie américaine. Ces différentes positions
concernant les Etats-Unis sont intéressantes, parce que chacune d'elles
reflète un aspect différent, notamment en ce qui concerne la
politique américaine. Mais aucune d'elles n'est réellement
satisfaisante prise isolément, les analyses ne sont pas toujours
convaincantes, l'opinion subjective est parfois trop omniprésente. Revel
par exemple utilise les mêmes armes que les antiaméricains, au
détriment de la quête d'objectivité et de la
solidité du propos. Pire, si pour les antiaméricains tout ce qui
vise les Etats-Unis est forcément négatif, pour Revel toute
critique des Etats-Unis est nécessairement antiaméricaine,
autrement dit l'analyse avant même qu'elle se déploie en est
empêchée. L'analyse de Todd par exemple, soulève quelques
contradictions comme par exemple lorsqu'il écrit «
l'Amérique se refuse à régler la question
israélo-palestinienne, alors qu'elle en a le pouvoir absolu
»4(*),
il reproche en quelque sorte à l'Amérique son inaction, son
isolationnisme, il blâme autrement dit l'Amérique d'être
égocentrique, de ne se préoccuper que de ses propres
intérêts nationaux, mais de l'autre côté il
blâme l'Amérique pour ce qu'elle fait, son interventionnisme en
Irak. Ou encore, il écrit que l'économie américaine est en
déclin, alors que les chiffres de l'OCDE indiquent que l'économie
américaine a augmenté de plus d'un tiers (34,2 %) en moins d'une
décennie, de 1992 à 2001 (presque le double de la croissance de
l'Union européenne et plus du triple de celle du Japon pendant la
même période). La liste d'erreur qui jalonne l'ouvrage de Todd
est longue.
Les clichés sur l'Amérique, qu'ils soient
positifs ou négatifs, appauvrissent notre compréhension de la
démocratie américaine. Mon objectif est donc de sortir de ces
clichés, afin d'offrir une analyse lucide sur la question de
l'identité de la démocratie américaine.
II- ETAT DE LA QUESTION
L'analyse entreprise par Ackerman, professeur de droit et de
science politique à Yale, sur le système politique des
Etats-Unis, est intéressante pour comprendre les fondements de la
démocratie américaine.
Ainsi selon Ackerman, il y a dans les institutions
américaines quelques particularités par rapport aux institutions
des autres pays démocratiques. Par exemple, le fait que le peuple
américain ait pu traverser deux siècles en conservant la
même Constitution, tandis que le peuple français en usait dans le
même temps quinze ; ou encore le fait que cette Constitution divise
les pouvoirs et institutionnalise un mécanisme de check and
balances5(*), grâce auquel le peuple est
représenté par le Président, par le Sénat, par la
Chambre des représentants, et par la Cour suprême ; le fait
que la Cour suprême ait un poids important dans les affaires du peuple,
alors que les juges de la Cour suprême ne sont pas élus par le
peuple ; le fait enfin que le peuple américain se réserve la
possibilité d'intervenir par lui-même et en dehors de ses
représentants, à l'occasion de certains épisodes majeurs,
pour « dicter sa loi délibérée et son jugement
bien pesé en matière de droit et de définition du contenu
du pacte social ». Si les fondements de la démocratie
américaine sont donc si particuliers, c'est parce que les institutions
américaines ont développé une voie originale : celle
du dualisme.
Le modèle dualiste ne correspond ni à la
conception moniste, propre aux pays britanniques par exemple, ni à la
conception fondationnaliste que prône l'Allemagne par exemple. En effet,
ces deux conceptions ne correspondent pas à la réalité de
l'histoire constitutionnelle américaine.
La conception moniste est celle qui attribue aux
élus du peuple le pouvoir absolu de le représenter, de pouvoir
faire la loi et de la défaire. Or contrairement à cette
conception, le système constitutionnel américain permet de
conserver le principe d'une suprématie absolue de la volonté
populaire étant donné que « le Président, le
Sénat, et la Chambre ne sont que des tenant-lieu d'un peuple
absent ; aucune de ces instances ne devrait pouvoir prétendre
qu'elle parle et agit au nom du peuple
lui-même »6(*). Autrement dit, les représentants ne
peuvent selon Ackerman, être le peuple lui-même, ni agir et parler
en son nom, alors qu'en France, nous avons l'habitude de dire que la
Souveraineté nationale s'exprime dans la loi votée par le
Parlement parce que les représentants du Peuple sont le Peuple
lui-même. Par ce geste, écrit Ackerman, nous effaçons
l'idée même de représentation. Au contraire, les
Américains pensent que la place du peuple est inassignable dans telle ou
telle institution, car il est dans le Président, dans le Sénat,
dans la Chambre des représentants, dans la Cour suprême. Ce n'est
pas parce que certains hommes politiques ont été élus,
qu'ils sont le peuple (We the People...) et que la souveraineté
qu'ils détiennent pour parler en son nom est illimitée. Certes,
de nombreux citoyens américains préfèrent leur existence
privée à leur vertu de citoyens politiques. Il y aurait aux
Etats-Unis des périodes de politique ordinaire, où le peuple
peu mobilisé par les affaires publiques laisse les élus et les
forces politiques aux prises avec eux-mêmes et avec les
intérêts privés ou publics. Mais même pendant ces
moments de politique ordinaire, aucun organe seul ne peut représenter ou
parler au nom du peuple. Le pouvoir de faire la loi nécessite en effet
la coopération de trois instances élues selon des modes
différents. Ainsi, « la Chambre représente le
peuple d'une certaine manière, par le biais du suffrage direct de
l'ensemble des citoyens ; le Sénat représente le peuple
d'une autre manière, en donnant aux législatures des Etats le
pouvoir d'en choisir les membres, la présidence représente le
peuple d'une autre manière encore par le biais du collège
électoral »7(*). Mais même quand ces instances
parviennent à un accord, la Cour suprême vérifie la
conformité de la loi votée avec la lettre de la Constitution,
elle est alors auxiliaire du peuple dans la préservation de ses droits,
contre toute atteinte à ses prérogatives par les élus et
la loi qu'ils votent. Aussi, si la Cour juge que « ces
politiciens/homme d'Etat ont outrepassé leur manda, loin de desservir la
cause de la démocratie, elle la sert tout au contraire en montrant que
nos représentants sont de simples tenant-lieu du peuple, et que leur
parole ne doit pas être confondue avec le jugement collectif du
peuple lui-même »8(*). Autrement dit, la Cour
Suprême des Etats-Unis a autant de légitimité que le
Sénat ou la Chambre des représentants car elle exerce une
fonction conservatrice des principes constitutionnels acquis ; sans la
Cour Suprême la volonté populaire s'éroderait, écrit
Spitz, entre les mains des gouvernants.
Quant à la conception fondationnaliste, elle
défend à l'opposé une limitation du pouvoir des
représentants du peuple; elle considère qu'il est
nécessaire de protéger, contre toute atteinte par le pouvoir
politique, un certain nombre de droits fondamentaux, le plus souvent inscrits
dans la Constitution ou dans la déclaration des droits qui leur sont
annexés. Certes, les partisans de cette conception ont sans doute
raison, écrit Ackerman, de souligner que le gouvernement doit
protéger les droits fondamentaux contre les changements politiques au
jour le jour, mais il y a certaines circonstances majeures, où
l'intervention directe du peuple s'impose dans le débat politique de
façon réfléchie. Ackerman en discerne trois aux
Etats-Unis : le moment de la Fondation entre 1776 et 1787, par lequel le peuple
américain a codifié la défaite infligée par la
génération républicaine à la monarchie, au nom de
l'auto-gouvernement; le moment de la Reconstruction républicaine autour
des années 1860 par lequel le peuple a codifié, à la suite
de la guerre civile, les amendements qui ont aboli l'esclavage et ouvert un
nouvel âge de l'égalité; et enfin le moment du New Deal
entre 1933 et 1937 par lequel le peuple a ouvert de nouvelles voies au big
government, notamment en matière économique et sociale.
Ainsi, le peuple peut abroger des lois permettant l'adoption d'amendements
constitutionnelles, parce qu'« en Amérique contrairement à
l'Allemagne, c'est le peuple qui est la source du
droit »9(*) d'où le fait que les
représentants élus doivent respecter les droits des individus.
Bien que cette analyse, faite par Ackerman, sur la politique
américaine nous fait comprendre l'originalité des fondements de
la démocratie américaine, cette analyse du système
politique américain demeurera toutefois incomplète car elle se
limite à une investigation profonde et détaillée des
institutions ; or pour comprendre l'identité de la
démocratie américaine, il faut certes analyser les institutions
américaines, mais aussi la vie politique et culturelle qu'elles
encadrent.
III- PROBLEME
Du grec demockratia, de demos (« le
peuple ») et kratein (« commander »), on
désigne littéralement par démocratie : le
gouvernement du peuple. La démocratie est donc d'abord une forme de
gouvernement. En ce qui concerne les Etats-Unis, il s'agit d'un gouvernement
représentatif, où la volonté des citoyens s'exprime par la
médiation de représentants élus par le peuple ;
contrairement à Athènes, où les citoyens décidaient
eux-mêmes des lois et prenaient les décisions au sein de
l'Assemblée en votant à la majorité. Mais la
représentativité, n'est-elle pas contraire à la
démocratie ? Pour Rousseau, elle l'est assurément. La
volonté des citoyens ne peut être représentée, car
selon les termes de Rousseau, la souveraineté (c'est-à-dire la
volonté générale) est
« inaliénable », elle ne peut autrement dit se
déléguer. Déléguer sa souveraineté serait,
aliéner sa liberté. Ainsi, même si je peux donner mandat
à quelqu'un pour exécuter une action, je ne peux lui donner
mandat pour vouloir à ma place ; c'est pourquoi selon Rousseau le
gouvernement ne peut qu'agir et exécuter les lois votées par la
puissance législative qui émane du peuple rassemblé, il ne
peut être supérieur au peuple en corps. « Par la
même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est
indivisible. Car la volonté est générale, ou elle ne l'est
pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d'une
partie »10(*). Autrement dit en donnant tout le pouvoir au
peuple, Rousseau rejette la séparation des pouvoirs, le pouvoir
souverain ne peut être exercé que par le peuple assemblé.
Mais un tel gouvernement peut-il exister ? Le peuple, est-il capable de se
gouverner lui-même ? Rousseau reconnaît qu'il n'a jamais
existé de véritable démocratie, et il n'en existera
jamais. Il est contre l'ordre naturel que le grand nombre gouverne, dit-il, et
que le petit soit gouverné. On ne peut imaginer que le peuple reste
incessamment assemblé pour vaquer aux affaires publiques
(...) »11(*). Dès lors, si les hommes aiment
vaquer à leur occupation privée, ne faudrait-il pas confier la
gestion des affaires aux représentants ? La
représentativité selon Montesquieu, contrairement à
Rousseau et à la politique antique, est nécessaire car
« comme, dans un Etat libre tout homme qui est censé avoir une
âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait
que le peuple en corps eût la puissance législative : mais
comme cela est impossible dans les grands Etats, et est sujet à beaucoup
d'inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse, par
ses représentants tout ce qu'il ne peut faire par
lui-même »12(*). En effet, plus un Etat est grand et plus
les avis ont des chances d'être divergents, le peuple ne peut être
assemblé physiquement dans son ensemble ; c'est pourquoi, non
seulement la représentation politique devient nécessaire, mais
elle est aussi indissociable d'une séparation des pouvoirs et d'un
partage de la souveraineté. Aussi, si la division des trois grandes
puissances de l'Etat (législatif, exécutif et judicaire) est
primordiale selon Montesquieu, c'est parce que la concentration de tous les
pouvoirs entre les mêmes mains ne peut conduire qu'au despotisme. Chaque
type de gouvernement selon Montesquieu, a sa propre nature et ses propres
principes. Ainsi le gouvernement démocratique, a une nature
différente du gouvernement monarchique. Dans la monarchie, le monarque
est le seul souverain, alors que dans la démocratie, le souverain, c'est
l'ensemble des citoyens. La corruption peut apparaître selon Montesquieu
dans chacun de ces gouvernements ; la corruption d'un gouvernement, c'est
le processus par lequel le gouvernement perd son principe (le principe de la
démocratie par exemple étant la vertu) et transforme par
conséquent sa « nature ». La situation la plus
catastrophique selon Montesquieu serait qu'un gouvernement
modéré, aristocratique par exemple, bascule en gouvernement
despotique. Dans un tel gouvernement, contrairement à la
république ou à la monarchie, il n'y a ni loi ni règle, le
gouvernement despotique repose sur un pouvoir arbitraire et donc dangereux pour
la liberté des individus. Pour éviter qu'une telle corruption se
produise, la solution serait de diviser les pouvoirs. Ce principe de
division des pouvoirs, que théorise Montesquieu dans l'Eprit des
lois, a énormément influencé le droit constitutionnel
américain. Aujourd'hui ce principe constituerait selon Ackerman, l'un
des fondements de la démocratie américaine. Mais pour se
prémunir d'une éventuelle corruption, la démocratie
américaine, prévoit aussi comme dans toutes démocraties
représentatives, des élections à échéances
régulières afin de limiter l'autonomie des élus. En effet,
si dans un régime démocratique, les représentants
n'héritent pas de leur charge, mais sont élus au terme d'une
procédure élective par le peuple ; ce n'est pas pour autant
qu'ils détiennent définitivement leur fonction13(*). En d'autres termes,
dans une démocratie représentative il est nécessaire de
mettre en place un système de contrepoids : la limitation du
mandat, la séparation des pouvoir en sont des exemples14(*).
Par ailleurs, comme toutes les démocraties modernes,
la démocratie américaine suppose la liberté et
l'égalité des citoyens. Mais de quel type de liberté et
d'égalité se prévalent les Américains ? Il
existe une pluralité d'acceptations pour les mots «
liberté » et « égalité »,
mais quel type de liberté garantit l'Etat démocratique
américain à ses citoyens ? Si l'on observe l'ensemble des
amendements, Bill of Rights, qui est l'un des textes les plus
sacrés de la nation américaine ( le premier amendement
interdit explicitement au Congrès de faire des lois en matière de
liberté religieuse, de parole, de presse, de réunion ; le
deuxième amendement reconnaît aux citoyens le droit de
détenir et de porter des armes ; le quatrième garantit les
citoyens « dans leur personne, leur domicile, leurs papiers et effets
contre toutes perquisitions et saisies déraisonnables »,
etc. ), on s'aperçoit que l'ensemble de ces amendements forme une
sorte de charte, garantissant un certain nombre de libertés civiles et
politiques aux citoyens américains. Mais ces libertés
permettent-elles aux citoyens américains de faire ce qu'ils
veulent ? Leur liberté peut-elle être totale, absolue ?
La liberté politique, écrit Montesquieu, « ne
consiste pas à faire ce que l'on veut. Dans un Etat, c'est-à-dire
dans une société, où il a des lois, la liberté ne
peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à
n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas
vouloir »15(*). Autrement dit, être libre
« politiquement » ne signifie pas être
indépendant, n'avoir aucune contrainte, pouvoir suivre son bon plaisir
sans être gêné par autrui, car dans toutes
sociétés il y a des lois auxquelles nous devons obéir et
la liberté est indissociable de l'obéissance aux lois, ce sont en
effet les lois qui protègent les libertés, en maintenant l'ordre
dans la société ; sans loi, les plus faibles se verraient
privés de leurs libertés par les plus forts. Obéir aux
lois, dit Kant dans son opuscule : « Qu'est ce que les
lumières ? », n'est pas incompatible avec une
liberté de penser. Selon Kant, tous les citoyens doivent faire ce que
les institutions, dont ils sont les membres, leurs imposent ; ils font
alors ce que Kant appelle un usage privé de leur raison,
c'est-à-dire un usage de leur raison dans le cadre de fonctions
définies par des règles qu'ils ne peuvent contester. Mais
obéir aux lois, dit Kant n'interdit pas à l'homme de penser, tous
citoyens est libre d'user de sa raison, de juger par lui-même du vrai et
du faux, de faire autrement dit un usage public de sa raison selon les termes
de Kant.
Mais les lois étasuniennes protégent-elles
l'ensemble des Américains ? Garantissent-elles les mêmes
libertés civiles et politiques pour tous les Américains ? Si
l'on se réfère à la fin du 19ème
siècle, tous les Américains n'avaient pas le même statut,
tous n'étaient pas citoyens, les Noirs par exemple comptaient pour trois
cinquième d'un être humain, ils durent attendre la ratification du
treizième amendement (1865) pour ne plus être
considérés comme des esclaves, le quatorzième amendement
(1868) pour qu'ils puissent avoir le droit de vote, le Civil rights
act ( 1964), qui est une loi sur les droits civiques, pour qu'il n'y ait
plus de ségrégation dans les lieux publics. Ainsi, depuis la
fondation de la démocratie américaine, il y a eu de nombreuses
améliorations juridiques, afin de garantir l'égalité des
droits, c'est-à-dire une égalité civique et politique,
une égalité devant la loi, traitant ainsi les hommes de la
même façon. Mais d'après les observations de Tocqueville,
qui séjourna près de neuf mois aux Etats-Unis,
l'égalité démocratique américaine admettrait
également un autre type d'égalité. Ainsi, dès le
début de son ouvrage, De la démocratie en
Amérique, Tocqueville précisait :
« ce n'est pas qu'aux Etats- Unis comme ailleurs
il n'y ait des riches ; je ne connais même pas de pays où
l'amour de l'argent tienne une plus large place dans le coeur de l'homme, et
où l'on professe un mépris plus profond pour la théorie de
l'égalité permanente des biens ».
« Dans les démocraties, les serviteurs ne
sont pas seulement égaux entre eux ; on peut dire qu'ils sont, en
quelques sorte, les égaux de leurs maîtres [...]. A chaque
instant, le serviteur peut devenir maître et aspire à le
devenir ; le serviteur n'est donc pas un autre homme que le
maître » 16(*).
Autrement dit, l'égalité dont parle Tocqueville
et qui anime la démocratie américaine serait
l'égalité des conditions. Cette égalité des
conditions implique une réelle mobilité sociale, de sorte que,
s'il y a des distinctions qui s'établissent, elles sont flexibles et
passagères, on peut ainsi accéder à une position sociale
supérieure et inversement. Mais l'égalisation des droits ou
même une égalisation des conditions, serait-elle suffisante pour
faire disparaître les différences qui existent entre les
hommes ? Dire que tous les hommes sont égaux en droit, c'est dire
qu'il y a entre eux une égalité
« arithmétique », au sens où ils ont tous
rigoureusement les mêmes droits et les mêmes devoirs. Autrement
dit, deux individus égaux, ne sont pas forcément identiques,
c'est-à-dire indiscernables l'un de l'autre, car un être humain
peut être égal à un autre être humain sur la base
d'un critère déterminé, jamais dans l'absolu. La
différence désigne donc le ou les caractères qui
distinguent une chose d'une autre, un individu humain d'un autre : les
hommes sont différents par la force, le talent, l'état (femme,
homme, enfant) etc. Le peuple américain serait donc
considéré comme un tout dans lequel vient se fondre leurs
différents statuts ; un melting-pot, dans lequel toutes
les cultures fusionneraient.
La démocratie américaine est devenue,
après la Seconde Guerre Mondiale, un modèle dominant les
représentations politiques, idéologiques et culturelles du monde
occidental notamment grâce à la victoire militaire qui a
validé son efficacité et sa légitimité, mais aussi
grâce aux implantations planétaires des multinationales (telles
que Coca Cola, Mcdonald's, etc.), ou encore grâce à la culture de
masse qui domine le marché mondial avec une énorme production
cinématographique et télévisuelle17(*) . La
démocratie américaine et même toutes les démocraties
en générale, sont souvent présentées comme
étant le meilleur régime politique. Or, le modèle
démocratique américain présente des insuffisances. Le
problème sera donc de savoir où sont ces insuffisances et si
celles-ci peuvent avoir une incidence sur son identité
démocratique.
IV- PISTES PRINCIPALES DU DEVELOPPEMENT
Depuis toujours, l'Amérique s'est donnée comme
principe d'assurer la promotion de certaines valeurs, dont la démocratie
et la liberté, demandant à l'ensemble des Etats de respecter de
tels principes, mais respecte t-elle, elle-même ces principes ? Ce
problème fera l'objet d'une première piste de notre
développement. Si l'Amérique pense pouvoir exporter ses valeurs
démocratiques, c'est parce qu'elle se sent investie d'une mission
religieuse, c'est pourquoi nous aborderons la question de la religion et de ses
effets sur la société américaine comme deuxième
piste du développement.
POLITIQUE AMERICAINE, POLITIQUE DE LA CONTRADICTION
« Rien n'est plus important que l'Amérique reste
séparée des systèmes européens, et en
établisse un original. Notre situation, nos objectifs, nos
intérêts sont différents. Il doit en être de
même pour les principes de notre politique. Tout engagement avec cette
région du monde doit être évitée si nous voulons que
la paix et la justice soient les (objectifs caractéristiques) de la
société américaine.18(*)»
Dès le départ, le souci de créer un
état nouveau poussa les fondateurs des Etats-Unis, tel Jefferson ici
dans son discours prononcé en 1820, à limiter les contacts avec
les Etats européens considérés comme décadents. Or
l'histoire des relations internationales, nous prouve que cette promesse de ne
pas s'engager dans les affaires européennes, n'a pas été
tenue. Ainsi, en 1917, les Etats-Unis aux côtés de la France et de
la Grande Bretagne entrent en guerre. Certes, la guerre terminée, les
Etats-Unis se replièrent à nouveau sur leurs propres
intérêts, mais la destruction par l'aviation japonaise, en
novembre 1941, de la flotte américaine du Pacifique ( Pearl Harbor)
permit à Franklin D. Roosevelt de mettre toute l'Amérique
derrière lui pour une nouvelle guerre, une guerre perçue comme la
lutte entre les forces du Bien ( les démocraties alliées) et
celles du Mal (les fascismes de l'Axe). Après la seconde guerre
mondiale, les Etats-Unis menèrent de nombreuses guerres : la guerre
de Corée en 1950, la guerre de Cuba en 1959, la guerre du Vietnam en
1961, etc. Finalement en matière de politique étrangère,
les Etats-Unis sont passées d'une position dite
« isolationniste » à une position dite
« interventionniste ». Autrement dit, au lieu de s'isoler
du monde, d'éviter tout engagement dans les affaires mondiales, la
politique américaine s'est engagée de manière permanente
dans les affaires du monde, contredisant ainsi la politique de « non
engagement » (Non-entanglement) que
prônait George Washington, Jefferson ou encore Monroe. Mais parmi ces
interventions, il y a deux attitudes, pourrait-on dire, diamétralement
opposées : l'attitude dite « réaliste »
et celle dite « idéaliste ». Les grands
spécialistes de la politique étrangère des Etats-Unis, ont
représenté par exemple, les actions du Président
Théodore Roosevelt comme « réalistes », et
celles de Woodrow Wilson comme étant
« idéalistes ». Mais quelle est la
différence entre ces deux attitudes? Tous deux sont intervenus dans
le monde, ont mené une guerre, mais aucun des deux n'avait le même
objectif. Ainsi, pour le réaliste Théodore Roosevelt, que les
interventions soient d'ordre économique, politique ou militaire, le but
était de pratiquer une politique de puissance, afin de défendre
les intérêts du pays par tous les moyens, par la force si
besoin ; on pouvait qualifier son attitude comme étant
égoïste puisqu'elle ne servait que l'intérêt
particulier des Américains. Alors que pour l'idéaliste, Woodrow
Wilson, l'objectif était de mener une politique extérieure
morale, afin d'apporter la sécurité et la paix dans le monde, de
propager le modèle américain, perçu comme étant le
meilleur modèle démocratique du monde. Ces deux attitudes sont
devenues avec le temps, deux courants de pensée en matière de
politique étrangère américaine. Aujourd'hui les
présidents n'appliquent plus l'isolationnisme, il en va de la position
même des Etats-Unis comme première puissance économique et
militaire ; ils adoptent donc soit une position idéaliste, soit une
position réaliste. Mais pour les antiaméricains, quelque soit la
position adoptée, la politique étrangère américaine
est impériale, motivée uniquement par l'économie, le
commerce, autrement dit l'argent ; fondée sur un pouvoir
illégitime et abusif, dont l'intention est d'exploiter ou de dominer le
monde.
Or, peut-on dire de la politique
américaine qu'elle soit impériale ? L'impérialisme
désignerait, selon Thierry Ménissier, « la tendance
à constituer un empire, c'est-à-dire à conquérir
des territoires et à les priver d'autonomie au profit du pouvoir
central »20(*). Au regard de cette définition, on
pourrait dire que les Etats-Unis ont connu une phase d'impérialisme, au
tournant du 20ème siècle, avec l'annexion pendant
plusieurs années de quelques îles aux dépens de l'Espagne
(notamment les Philippines), mais cette phase d'impérialisme n'a
durée que très peu de temps et est complètement
désuète de nos jours. Néanmoins, la position
idéaliste de certains présidents américains, comme celle
de Wilson, celle de John F. Kennedy ou encore celle de George W. Bush de nos
jours, n'est-elle pas impériale ? En effet vouloir étendre
son pouvoir, son modèle sur des territoires d'autres Etats et ceux
parfois malgré eux, n'est-ce pas une volonté
impérialiste ? Selon Justin Vaïsse :
« C'est dans sa quête de maintien de l'ordre
mondial que l'Amérique se manifeste le plus comme "empire informel",
lorsqu'elle garantit l'environnement de sécurité de
l'espace-monde, défend - par des stationnements de troupe permanents et
acceptés - des pays menacés (Corée du Sud, Taiwan...),
assure la sécurité des lignes de communication et des
échanges, etc. Ceci implique d'intervenir de temps à autres,
voire d'occuper de manière temporaire des territoires à pacifier
(Somalie, Kosovo, Iraq...). Mais à l'inverse des empires du
passé, l'Amérique ne conquiert pas de territoires de
manière permanente et s'efforce généralement d'apporter la
démocratie et la prospérité aux pays qu'elle occupe ou
qu'elle libère : Japon, Allemagne, Corée, Iraq,
etc. »21(*).
Autrement dit, selon Vaïsse, la politique
étrangère des Etats-Unis peut être considérée
comme impériale, mais c'est un impérialisme qui n'est pas de type
colonial, car l'objectif des Etats-Unis n'est pas de contrôler les Etats
dans lesquels ils interviennent, leur objectif n'est pas de confisquer la
souveraineté d'un Etat ; leur expansionnisme qu'il soit
économique, militaire voire culturel ne repose pas sur la fondation de
colonies. Dès lors, on pourrait considérer les Etats-Unis comme
un « empire démocratique »,
c'est-à-dire une grande puissance qui intervient dans le monde non pas
dans un but colonial, mais afin d'apporter la démocratie et la
prospérité comme ce fut le cas pour le Japon ou encore
l'Allemagne, sans qu'elle vise pour autant à l'édification d'un
empire, c'est-à-dire d'un Royaume ou d'une nation.
Néanmoins n'est-il pas paradoxale que
l'Amérique recourt à la guerre, comme ce fut le cas au Vietnam
ou encore en Irak, afin d'exporter les valeurs démocratiques?
Pour un iréniste, utiliser le mal telle que la force
par exemple au service du bien n'a pas de sens. Pour un iréniste, seuls
les moyens bons doivent servir les bonnes fins. Autrement dit, si l'objectif
d'un état démocratique est d'apporter la paix ou la
liberté elle devra le faire sans recourir à la force. A
contrario, un belliciste considèrera que la violence et la guerre,
peuvent être au service de la paix. Autrement dit pour un esprit
belliciste, il ne serait pas paradoxale que la démocratie
américaine face la guerre contre une dictature. Ainsi ce ne n'est pas la
non-violence, ni les vertus du dialogue qui ont triomphé du nazisme,
mais bien la guerre comme force au service du droit. Mais si cette force
utilisée par les Américains devenait une menace pour les droits
de l'homme, devra t-on considérer cette guerre comme étant
« juste » parce qu'elle a pour but d'aider une population
soumise à la dictature ? Pour un conséquentialiste, tout
repose sur les conséquences de l'accomplissement de l'action et non pas
sur la nature de l'action elle-même. Autrement dit, si violer les droits
de quelques hommes pouvait permettre de protéger et de garantir les
droits d'un plus grand nombre, alors il agirait en conséquence : il
préféra par exemple tuer un homme et sauver dix, plutôt
que de ne pas tuer cet homme aux risques d'en perdre dix. Alors que le
déontologiste, ne se préoccupera pas des conséquences, la
nature de l'acte sera suffisante pour pouvoir dire si l'action est juste ou
non, car certaines actions sont blâmables ou condamnables par leur
nature elle-même. Pour un déontologiste, à partir du moment
où cette guerre met en péril des vies humaines, elle ne peut
être juste. Finalement, si l'on ne recourt qu'au raisonnement moral pour
résoudre ce problème, on ne pourra pas y répondre à
moins d'y prendre parti. En revanche du point de vue de la
légalité, c'est-à-dire des lois non morales mais
juridiques, on ne pourra pas blâmer le pouvoir politique d'avoir user de
la force pour avoir fait respecter les lois par exemple ou pour avoir
fait maintenir l'ordre dans la société. Donc, d'un point de vue
strictement juridique le gouvernement a le pouvoir d'utiliser la
violence : la violence de la loi par exemple, pour incarcérer un
individu ayant transgressé les lois ; ou encore la violence de
l'armée, afin de protéger la Nation d'une éventuelle
attaque. Mais cette violence du pouvoir est-elle légale si elle porte
atteinte au droit de l'homme? Bien que la Déclaration universelle des
droits de l'homme, texte contenant une liste de droits reconnus au profit des
individus en général (le droit à la vie, l'interdiction de
la torture, l'égalité devant la loi, le droit à la
sûreté de la personne, l'interdiction de l'esclavage et d'autres
droits et libertés), ne soit qu'une résolution
adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies
et qu'elle n'ait aucune valeur normative, autrement dit qu'elle n'ait qu'une
valeur symbolique, n'engageant pas juridiquement les Etats qui ne la respectent
pas ; ces différents droits proclamés par cette
Déclaration font partis souvent d'autre instrument telle que la
Déclaration des droits aux Etats-Unis, qui est obligatoire parce que
faisant partie de la Constitution des Etats-Unis. En d'autres termes, le
gouvernement américain ne peut violer les droits de l'homme parce qu'il
porterait atteinte aux droits fondamentaux de l'individu que la Constitution
américaine reconnaît et protège. Or dans le cadre de
« la guerre contre le terrorisme » par exemple, le gouvernement
américain a bafoué les droits de l'homme notamment pour avoir
autorisé la détention de prisonniers dans des conditions
épouvantables22(*) : tout contact avec le monde
extérieur, ainsi que quelque statut légal que ce soit leurs
étaient refusés, des traitements cruels, inhumains et
dégradants leurs ont été infligés (ce qui est
contraire au traitement des prisonniers de guerre prévu par la
Convention de Genève). Par conséquent, même si cette
guerre peut sembler juste pour les bellicistes, on ne peut considérer
les actions accomplies durant cette guerre comme étant légales.
En effet, un acte ou une organisation sont dit légaux quand ils
obéissent à une loi instituée et reconnue ; or
certains actes durant cette guerre23(*), comme ceux dont nous venons de citer,
n'obéissent pas aux règles internationales. D'après
Amnesty International dans son rapport intitulé : le paradoxe
Américain, les atteintes aux droits de l'homme seraient
également observables au sein de la société
américaine. Des policiers, des gardiens, et des fonctionnaires des
services de l'immigration, transgresseraient régulièrement les
directives et les lois nationales ainsi que les normes internationales. En
effet, des policiers assènent et blessent par balles des individus qui
ne représentent aucune menace, parfois même de simples passants.
« De nombreux suspects sont morts après avoir été
maîtrisés, brutalisés et contraints de se mettre à
plat ventre. La plupart sont décédés après avoir eu
les chevilles et les poignés ligotés derrière le dos
». Et, poursuit Amnesty, « la grande majorité des victimes
appartiennent aux minorités ethniques, alors que la plupart des
policiers sont de race blanche ». On maltraite, on torture aussi dans les
postes de police. Le manque de données fiables et de contrôles, la
« loi du silence » fait que la plupart des coupables ne sont pas
sanctionnés. Tous ces actes sont accomplis bien que les traités
internationaux, ainsi que la législation civile et pénale
américaine, tant au niveau fédéral qu'étatique,
énoncent clairement des garanties visant à préserver le
bien être physique et psychologique des personnes privées de
libertés24(*). La peine de mort peut être aussi
considérée comme une pratique antidémocratique, surtout
lorsque l'on sait qu'aux Etats-Unis jusqu'à tout récemment ( mars
2005), des mineurs se faisaient exécuter25(*).Certes les
Etats-Unis, avec cette restriction du champ d'application de la peine de mort
pour les mineurs, ont fait une avancée par rapport aux droits humains,
mais de l'autre côté ils refusent toujours de ratifier la
Convention Internationale des droits de l'enfant, sachant que 192 pays l'ont
ratifiée26(*). Finalement ces quelques exemples,
permettent de tirer la conclusion que beaucoup de normes visant les droits de
l'homme ont été bafouées par le pouvoir politique
américain : soit à cause de sa négligence dans les
affaires internes, soit à cause d'un usage illégitime du droit
dans les affaires externes. Il semble donc paradoxal, que les Etats-Unis,
puissent vouloir exporter les valeurs démocratiques, alors qu'ils ne les
respectent pas eux-mêmes.
Certes depuis la fondation des Etats-Unis jusqu'à nos
jours, les comportements ont évolué : il y a à peine
deux cent cinquante ans27(*), presque tous les Afro-américains
étaient des esclaves ; il y a à peine cinquante ans la
ségrégation raciale dans les écoles publiques était
la norme dans la majorité du pays, elle était autorisée ou
exigée par la loi dans vingt quatre États28(*). Aujourd'hui,
l'Amérique garantit à tous, c'est-à-dire autant aux
Amérindiens, aux Hispaniques, aux Asiatiques ou encore aux
Noirs29(*), les mêmes droits et les mêmes
devoirs civils et politiques30(*). Le gouvernement Bush, malgré les
critiques que nous pouvons faire en ce qui concerne sa politique
étrangère, est le plus ouvert aux minorités ethniques, que
n'a jamais été jusque là un gouvernement américain.
En effet parmi les membres du gouvernement ont compte plusieurs individus
d'appartenances ethniques différentes, dont Colin Powell, premier
Afro-américain à occuper le poste de secrétaire d'Etat aux
affaires étrangères durant le premier mandat du
Président ; Condolezza Rice première femme noire
Conseillère à la sécurité nationale ; Ealine
Chao, première femme asiatique membre du gouvernement américain,
etc. Certes, malgré l'évolution des moeurs, les
inégalités socio-économiques existent toujours, mais ces
inégalités n'existent pas qu'aux Etats-Unis, elles existent dans
toutes les sociétés démocratiques, et elles ne sont pas
forcément antinomiques avec la démocratie. D'après
Tocqueville, la suppression de l'inégalité de richesse est
impossible, il existera toujours des riches et des pauvres, une
égalité absolue selon Tocqueville ne serait même pas
souhaitable. En effet, bien que l'égalité soit
considérée comme une valeur essentielle, trop
d'égalité nuirait à la société, parce
qu'elle effacerait toute diversité de sentiment et toute disposition
à l'action. Aussi, selon Tocqueville, chaque pas vers
l'égalité rapprocherait les citoyens vers le despotisme, car
lorsqu'il y a égalité entre les individus, tous les pouvoirs
publics sont entre les mains du souverain, le pouvoir central s'accroît,
l'existence individuelle s'affaiblit et devient subordonnée ; les
individus s'en remettent au pouvoir collectif et naît alors une servitude
consentie où s'ouvre la voie à un despotisme prévoyant et
doux31(*). Rawls ira jusqu'à dire, dans sa
théorie de justice, que les inégalités sont justes, tant
qu'elles suscitent un surcroît de richesses et qu'elles améliorent
le sort des plus démunis : « l'enrichissement des plus riches
permet de maintenir le pouvoir d'achat des plus pauvres ». Cela ne
signifie pas pour autant, que les individus pauvres sont condamnés
à rester pauvres ; selon Rawls les inégalités
sociales et économiques doivent être organisées dans des
conditions d'égalité des chances, ce qui donc autorise la
discrimination positive en faveur de certaines personnes. En effet, pour qu'il
y ait une égalité des chances, il faut atténuer au maximum
les éventuelles différences pour le plus grand profit des plus
désavantagés, car la société écrit Rawls
doit être une entreprise de coopération et non de
compétition. C'est pourquoi, pour répondre aux effets des
discriminations raciales et de la grande pauvreté, le gouvernement
américain a développé une politique de compensation, sous
le nom d''affirmative action permettant aux minorités
Noirs de bénéficier d'un certain nombre de droits (non
contractuels) leur permettant d'intégrer par exemple les
universités, l'administration, ou encore la politique32(*). Ainsi, à la
discrimination négative succéda la discrimination positive ;
aux inégalités, une juste inégalité permettant en
quelque sorte, à des groupes économiquement et culturellement
désavantagés de bénéficier d'une véritable
égalité des chances où personne n'est
désavantagé en raison de sa condition sociale. Néanmoins
cette théorie de justice sociale, que nous propose Rawls,
satisfait-elle réellement à l'exigence de justice de la
démocratie ? Selon Kymilcka, la théorie de justice de Rawls
est satisfaisante dans la mesure où elle vise à compenser les
inégalités non méritées, c'est-à-dire celles
qui n'ont pas de pertinence morale dans la mesure où elles sont le fruit
de circonstances qui échappent au contrôle des individus, comme
par exemple les origines sociales ou ethniques. Toutefois, sa théorie
n'est pas suffisante, car Rawls ne prévoit pas, écrit Kymlicka,
de compenser les handicaps naturels et ne distingue pas clairement «
les inégalités qui découlent de choix différents,
de celles qui découlent de circonstances
différentes »33(*). De plus, concernant la discrimination
positive, bien qu'elle ait diminué progressivement la discrimination
raciale, cette mesure est de plus en plus contestée de nos jours ;
parce que non seulement elle a accentué les rivalités
interethniques (jalousie, ressentiment)34(*), mais elle n'a pas éliminé les
inégalités, elle n'a fait que dissimuler la gravité de
l'état. En effet la discrimination raciale, ethnique existe
toujours car derrière l'affrontement entre les riches et les
pauvres, il y a d'abord un affrontement entre les Blancs et les Noirs, entre la
culture dominante Wasp (White Anglo-Saxon protestant) et les cultures
minoritaires35(*) . Aussi, la
démocratie américaine ne peut durablement s'accommoder d'une
discrimination positive, car cette mesure revient à accorder des
privilèges, ce qui est contraire à l'idée même
d'égalité des droits. La solution selon Kymlicka, serait que les
Etats-Unis acceptent la conception multiculturaliste, qui propose de mettre en
oeuvre un processus de reconnaissance institutionnel des différences
pour qu'elles puissent être politiquement représentées.
« la diversité des conditions de vie et des
expériences ; des hommes et des femmes, des anglophones et des
hispanophones, des Blancs et des Noirs, des immigrants et des peuples
indigènes, des personnes handicapées et des personnes qui ne le
sont pas, des riches et des pauvres ; débouche sur des
intérêts différents et parfois opposés, et les
intérêts des groupes moins nombreux et plus pauvres pourraient ne
pas être représentés dans le cadre du système
majoritaire. Aussi, pourquoi ne pas mettre en place des structures
représentatives permettant l'expression adéquate des
intérêts de ces minorités36(*). »
Kymlicka défend ici une nouvelle conception du statut
et des droits des minorités culturelles, visant à garantir pour
chaque citoyen que justice lui soit rendue. Mais, en exaltant plus le
pluribus que le unum , ce multiculturalisme met
à mal le modèle américain d'intégration, autrement
dit l'image du melting-pot, du creuset dans lequel tout se mêle
et tout se fond37(*). Néanmoins, selon Kymilcka,
« il est désormais plus possible (pour peu que cela le
fût jamais) d'éliminer ce sentiment d'identité distincte
qui est la base du désir exprimé par ces groupes de former leurs
propres sociétés nationales38(*). »
Finalement, le rêve de Martin Luther King, celui qu'il a
prononcé le 28 août 1963, celui où il dit « J'ai
fait un rêve. (...) Je rêve qu'un jour mes quatre gosses vivront
dans une nation où ils seront jugés non d'après la couleur
de leur peau, mais d'après la réalité de leur
caractère », n'est pas pour autant devenu
réalité. Certes un an après son discours, les Etats-Unis
ont adopté le Civil Rights Act, mais cette loi malheureusement
n'a pas suffi à mettre fin aux inégalités
socioculturelles.
Par conséquent, et nous terminerons cette partie sur ce
constat, l'Amérique est bien démocratique dans ses principes,
mais pas toujours dans ses pratiques. La politique américaine, autant
sur le plan interne qu'externe, autrement dit autant au sein de la
société américaine qu'en dehors de sa nation, contredit
par ses actions, ses pratiques, l'idée d'égalité et de
liberté qui est pourtant inscrite et garantit par la Constitution des
Etats-Unis.
* * *
De même qu'il y a aux Etats-Unis une pluralité de
cultures, il y a une pluralité de religions. Ainsi il
n'y a pas un seul vrai dogme, une seule vraie religion, mais une
pluralité de religions qui se valent. En effet par le biais de
l'immigration, des gens du monde entier ont afflué aux
États-Unis afin d'acquérir la nationalité
américaine. Aussi, ils ont apporté avec eux les traditions
religieuses du monde entier : islamiques, hindoues, bouddhistes, sikhs,
africaines et afro caraïbes, etc.39(*)Mais quelle place la religion tient-elle aux
Etats-Unis ?
LA PLACE DE LA RELIGION AUX ETATS-UNIS
En principe les Etats-Unis sont neutres en matière de
religion, la séparation de l'Eglise et de l'Etat existe bien aux
Etats-Unis, c'est une tradition politique affirmée par la
Constitution40(*)et sanctionnée par la Cour
Suprême et les tribunaux fédéraux. C'est pourquoi aucune
confession n'a jamais été choisie comme religion officielle.
Tocqueville disait d'ailleurs, que pour qu'un mariage harmonieux puisse se
réaliser entre démocratie et religion, il est souhaitable, en
effet, que la religion obéisse à un certain nombre de conditions
telles que reconnaître sa spécificité et bien savoir
définir son domaine de façon à ne pas empiéter sur
le domaine des institutions laïques. Ainsi, si la
religion s'attache à un gouvernement donné dans l'espace et dans
le temps, elle en vient à servir les intérêts d'un groupe
humain spécifique et perd alors sa dimension de
généralité. En revanche, quand la religion renonce
à l'exercice d'une puissance de type temporelle, elle peut
acquérir par des moyens indirects, une influence considérable et
bénéfique pour la société. Néanmoins, force
est de constater que l'équilibre n'est pas facile à
trouver ; par exemple, nous savons que la prière en classe aux
Etats-Unis est depuis plusieurs années interdite, mais il est
arrivé que la Cour Suprême reconnaisse aux élèves le
droit d'y tenir après les cours des réunions de nature
spirituelle. Autrement dit, la sécularisation aux Etats-Unis n'a pas mis
fin à la religiosité ; depuis l'arrivée des colons
puritains en Amérique, jusqu'à aujourd'hui encore les Etats-Unis
sont fortement emprunts de religiosité. En effet la religion est loin
d'être absente de la politique américaine, bien qu'en principe il
est supposé y avoir une séparation de l'Eglise et de
l'Etat ; la société américaine est parsemée de
référence religieuse. Pour ne cité que quelques
exemples : la devise nationale « In God We
Trust » ( « En Dieu nous mettons notre
confiance »), que l'on retrouve sur les billets et les pièces
de monnaie, dans l'hymne national et gravée sur les murs du
Congrès ; le serment de fidélité au drapeau, qui
contient la formule « One Nation Under God » (
« Une seule nation sous le regard de Dieu ») ; le
serment prêté sur la Bible par tout nouveau président, qui
se termine par « So Help Me God » (
« Avec l'aide de Dieu »), ou encore le Mémorial
Day (Journée du souvenir), qui est un jour de congé officiel
aux Etats-Unis, instauré au lendemain de la guerre en l'honneur des
femmes et des hommes qui perdirent leur vie durant la guerre de
sécession. Après la Seconde Guerre Mondiale, cette journée
est devenue une cérémonie religieuse durant lequel sont lus les
noms des soldats morts en service. Pour décrire cette dimension
religieuse publique qui s'exprime dans un ensemble de croyances et de symboles,
Robert N. Bellah, spécialiste d'histoire et de sociologie
comparées des religions, utilise la notion de « religion
civile ». Dieu dit-il, est le symbole de la religion civile :
« Derrière chaque aspect de la religion
civile se profilent des archétypes bibliques : l'Exode, le Peuple
Elu, la Terre Promise, la Nouvelle Jérusalem, le Sacrifice de la mort et
de la renaissance. Elle compte ses propres prophètes et martyrs, ses
lieux sacrés et ses histoires saintes, ses rites solennels et ses
symboles. Elle entend que l'Amérique soit une société
aussi conforme que possible à la volonté de Dieu, et soit une
lumière pour toutes les nations »41(*).
Autrement dit, selon Bellah, la religion est enracinée
dans l'idéologie de la nation américaine, elle est même
essentielle semble t-il à son identité nationale. Alors que la
plupart des pays effectivement tirent leur l'identité nationale de leur
histoire culturelle, les Etats-Unis fondent leur identité sur une longue
tradition religieuse. C'est pourquoi « Dieu » est
mentionné ou évoqué dans tous les discours
présidentiels. Ainsi, à l'issue de la Première Guerre
Mondiale, le président Wilson affirme : « Je crois que Dieu a
présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes
choisies pour montrer la voies aux nations du monde dans leur marche sur les
sentiers de la liberté»42(*) ; lors des
débuts de l'engagement des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam, le
président Johnson déclare en 1965 : « l'histoire et nos
propres oeuvres nous ont donné la responsabilité principale de
protéger la liberté sur la terre » ; le
président Clinton, le 1er janvier 2000, termine son discours à la
nation en confirmant sa mission universelle : « Si l'Amérique
respecte ses idéaux et ses responsabilités, nous pouvons faire de
ce siècle nouveau une époque de paix sans pareille, de
liberté et de prospérité pour notre peuple comme pour tous
les citoyens du monde. » ; ou enfin après le drame du 11
septembre 2001, George W. Bush, dans un climat d'extrême
religiosité, fait appel à l'esprit de croisade contre «
l'Axe du Mal »43(*). Autrement dit, les invocations religieuses
ont toujours marqué le langage politique aux Etats-Unis comme nous
pouvons le constater. Mais pourquoi les Américains ont ce sentiment
d'être un peuple élu ? Pourquoi ont-ils ce sentiment d'avoir
une mission à accomplir ?
Selon le sociologue allemand, Max Weber, le protestantisme
puritain (calvinisme) des premiers colons aurait imprégné
durablement les moeurs de la société américaine,
d'après son ouvrage : l'Ethique Protestante et l'Esprit du
Capitalisme, le modèle américain aurait hérité
du calvinisme. Pour les calvinistes, Dieu aurait crée le monde pour sa
gloire et aurait prédestiné l'homme, à son insu, au salut
ou à la damnation. Bien qu'il soit prédestiné, il faut
cependant que sa conduite ne soit pas immorale. Aussi, le puritain doit
rechercher les signes de son excellence dans le succès temporel,
interpréter sa réussite séculière, en particulier
le développement de son entreprise, comme un signe de
bénédiction divine, comme une preuve attestant qu'il fait parti
des élus. Il doit autrement dit travailler régulièrement
et méthodiquement pour développer des richesses.
Néanmoins, il ne s'agit pas d'accumuler des richesses pour en jouir et
se reposer dans la luxure, mais de mener une vie ascétique,
consacrée au travail. Conduire sa vie rationnellement et
systématiquement, c'est apparemment pour le calvinisme bien savoir
utiliser son temps et savoir faire des efforts à bon escient ; en
réalité et plus profondément, c'est soumettre sa vie
à l'éthique du travail. Le travail devient donc une forme
d'ascèse qui permet de se rapprocher de Dieu, d'éviter de trop
s'adonner au plaisir et de ne pas gaspiller son temps. Cette étude sur
l'éthique protestante, a finalement permit à Weber de montrer
l'influence que pouvait avoir la religion (l'ascétisme protestant) sur
l'économie. Quant à notre problème, cette étude
nous permet de mieux comprendre, grâce à l'idée de
prédestination des Calvinistes, qui se voyaient comme le peuple
élu par Dieu, pourquoi les dirigeants américains se donnent pour
mission de sauver le monde. Mais une telle emprunte de la religion dans la
société, n'est-elle pas un danger pour la
démocratie ? Bien que pour Tocqueville la religion serait un moyen
d'améliorer la vie d'ici-bas, un instrument pour résoudre les
problèmes de la société ou de l'individu, le grand danger
toutefois dans un pays aussi religieux que les Etats-Unis, est qu'un dirigeant
politique n'agisse de façon messianique et ne diabolise à
l'excès un adversaire politique, au nom du grand combat du Bien et du
Mal. La guerre annoncée par George W. Bush contre l'Irak, comme une
« croisade pour délivrer le monde des
malfaisants »44(*), ne rentrerait-elle pas dans ce cas de
figure ? Les avis sur la question sont partagés, pour certains Bush
n'est pas un fondamentaliste religieux, sa doctrine de la guerre
préventive serait fondamentalement areligieuse ; le dieu de Bush
serait coupé de ses bases confessionnelles et institutionnelles, c'est
un dieu rhétorique pleinement instrumentalisé par le pouvoir
politique et la stratégie. Mais d'autres personnes pensent au contraire
que beaucoup de guerres menées par les Américains, comme cette
guerre en Irak ou encore la guerre du Vietnam, sont des guerres religieuses.
L'Amérique agirait par pure conviction, convaincue d'être le
peuple élu de Dieu, ces guerres sont enfin de compte comme une mission,
celle d'appliquer partout les institutions, les moeurs, les principes
américains pour effacer entre les hommes où qu'ils soient toutes
différences. Mais une telle conviction, ne serait-elle pas plus
dangereuse que le mensonge ? Le menteur sait la vérité qu'il
travestit, mais le convaincu l'ignore. Toute conviction est conservatrice,
rebelle à toute nouveauté ; aucune conviction ne peut
tolérer la concurrence d'une autre vision des choses, élevant
ainsi une prétention totalitaire, hégémonique et
oppressive. Certes, il y a des convictions qui ne sont pas dangereuses,
à condition qu'elles soient lucides et pas seulement superstitieuses et
délirantes, à condition qu'elles soient conscientes
d'elles-mêmes, qu'elles ne soient pas une vérité qui
s'impose partout. Or, les convictions religieuses de Bush sont-elles
lucides ? Pour le public européen et français sa vision
manichéenne du monde, opposant les bons et les mauvais, les «
purs » et les « impurs », n'a rien de lucide,
elle fait même plutôt penser aux discours que prônent les
fanatiques, auxquels Bush s'oppose lui-même. Néanmoins, ces
invocations religieuses que l'on retrouve dans le discours de Bush, avec les
termes de « croisade », « d'axe du
mal », de « destinée manifeste » par
exemple, ne sont pas des créations de l'administration Bush, ce type de
discours comme nous l'avons vu, fait parti des fondements de la politique
étrangère de Etats-Unis. Par conséquent en quoi la
conviction de George W. Bush, ne serait-elle pas lucide ?
Selon Max Weber, la passion, la conviction
c'est-à-dire le dévouement est une qualité essentielle de
l'homme politique ; mais pour diriger la conviction ne lui est pas
suffisante, il lui faut le sentiment de responsabilité. La
différence entre l'éthique de la responsabilité et
l'éthique de la conviction est fondamentale. Etre responsable, c'est
répondre de ses actes, c'est aussi envisager les conséquences
prévisibles de son agir. Alors que être convaincu, c'est agir
selon ses sentiments sans référence explicite ou implicite aux
conséquences. Bien que ces deux éthiques se différencient,
toutes les deux sont nécessaires ; c'est en effet un
« pêché mortel en politique, écrit Weber, que de
ne défendre aucune cause ou de n'avoir aucun sentiment de
responsabilité ». Autrement dit, non seulement la croyance et
la foi sont nécessaires en politique, mais la responsabilité
l'est aussi ; un politique sans conviction ni responsabilité est
« le produit d'un esprit blasé, souverainement superficiel et
médiocre, fermé à toute signification de l'activité
humaine [...] »45(*). Ainsi, avoir des convictions religieuses en
politique ne semblerait pas être un défaut mais une
qualité, à condition néanmoins que l'on soit aussi
responsable. En effet Weber nous met en garde contre l'idée d'une
séparation absolue. Pour lui dans l'action du politique,
l'éthique de la conviction et l'éthique de la
responsabilité ne peuvent pas être disjointes l'une de l'autre. La
première, considérée en elle-même, conduite à
ses extrêmes conséquences, est propre au fanatique. En effet, la
conviction est telle qu'elle le rendrait incapable de juger par lui-même,
ni d'envisager ou de tolérer toute autre opinion que la sienne. La
seconde quant à elle, considérée en elle-même,
conduite à ses extrêmes conséquences, est propre au cynique
qui est tournée uniquement vers le succès, sans croire à
aucune valeur.
Si l'on admet l'hypothèse selon laquelle George W. Bush
aurait agit par conviction, qu'il aurait fait autrement dit la guerre en Irak
dans le but d'apporter la paix, la prospérité, les valeurs
démocratiques ; peut-on dire qu'il a eu le sentiment de
responsabilité dont parle Weber ?
Non seulement, il n'y a toujours pas la paix en Irak, le bilan
humanitaire de la guerre s'élève à des milliers de morts
dans les rangs de l'armée américaine, irakienne et des civils
irakiens46(*), mais cette violence a aussi
amplifié l'antiaméricanisme chez les Irakiens, parce que la
démocratie politique, même minimale est un processus et ne peut ni
se décréter, ni s'exporter sans transformation profonde et lente,
des mentalités, des modes de vie et du fonctionnement des
organisations47(*). Outre ce renforcement de
l'anti-américanisation, l'invasion en Irak a dynamisé le
recrutement terroriste. Chomsky écrit à ce propos, que le
meilleur moyen de stopper le terrorisme, c'est de ne pas y participer. Certes
on pourrait rétorquer à Chomsky que quelques fois ne rien faire,
c'est mal faire, c'est refuser de regarder le mal en face, mais dans cette
situation, il aurait sans doute été préférable de
ne rien faire, l'intervention militaire n'a effectivement pas diminué ce
terrorisme au contraire, elle l'a alimenté et renforcé le
sentiment de haine contre les «infidèles ». Avec les
conséquences qu'a eu cette guerre, beaucoup de personnes
soupçonnent les raisons mêmes pour lesquelles les Etats-Unis l'ont
faite. Si certains pensent que l'Amérique a vraiment voulu
protéger la sécurité des américains, d'autres
pensent qu'elle a agit juste par vengeance, l'humiliation étant
intenable. D'autres encore comme Todd, pensent que la guerre paraissait pour
les Etats-Unis comme une solution logique pour affirmer de nouveau leur
hégémonie, leur superpuissance. D'après une étude
intéressante sur la capacité des Etats-Unis à renverser un
régime et à installer une démocratie, sur les seize
régimes que les Etats-Unis ont tenté de renverser, seulement
quatre étaient encore des démocraties dix ans après le
départ des troupes américaines. Les deux premières datent
de la Seconde Guerre Mondiale (Japon et Allemagne) et les deux autres sont des
petits Etats (Grenade et Panama)48(*). Autrement dit d'après cette
étude, la préoccupation exprimée par l'Amérique
concernant les droits humains du peuple irakien et le manque de
démocratie dans le pays ne seraient pas non plus les véritables
raisons des interventions américaines.
Finalement si l'on doute sur le fait que George W. Bush ait
agi par conviction, il y a nul doute sur le fait qu'il ait agi sans tenir
compte des conséquences de ses actes. Autrement dit le danger pour la
démocratie américaine, ce n'est pas d'avoir des dirigeants aux
convictions religieuses, mais des dirigeants n'ayant que des convictions, sans
avoir le sens des responsabilités. Aucun régime politique, semble
t-il ne peut fonctionner correctement sans que celui ou ceux qui sont au
pouvoir ne fassent preuve d'une grande conscience de leurs
responsabilités. La religion en politique n'est donc pas un danger pour
la démocratie américaine, souvenons nous que Martin Luther King
était pasteur, et que son mouvement : la Southern Christian
Leadership a servi la cause des Noirs, un problème d'ordre
politique à l'époque. En Amérique, écrit
Tocqueville, il y a « chez l'être humain un désir d'infini
que les choses finies n'épuisent jamais et que l'espace d'une vie ne
permet pas de contenter _ et ceci encore plus vrai, rappelons-le, pour l'homme
démocratique dont les désirs matériels sont insatiables
»49(*). La religion, selon Tocqueville, serait la
réponse à cet appétit. En effet, la religion permettrait
à qui souhaite ardemment l'immortalité de se tourner vers un
autre monde et comblerait ses aspirations profondes ; l'homme
matérialiste sortirait de sa matérialité grâce
à la religion, qui est immatérielle, plutôt que de rester
dans la matérialité, qui fait que les croyances religieuses sont
oubliées. Par conséquent l'empreinte de la religion même
forte dans la société américaine n'exclurait pas le
fonctionnement de la démocratie, au contraire la religion semblerait
même être, comme nous l'avons déjà dit lorsque nous
avions évoqué l'étude de Bellah, encastrer dans les
fondements de la démocratie américaine.
* * *
Finalement, bien que l'Amérique fût longtemps
considérée comme un pays de rêve, un pays
d'intégration, bien qu'elle ait fasciné le monde à
travers le cinéma hollywoodien et ses « happy
end », etc. ; la fascination exercée par le
modèle américain n'est pas exempte d'une certaine
méfiance. En effet comme nous avons pu le constater au cours des pistes
principales du développement, certaines actions du gouvernement
américain sont inquiétantes parce qu'elles n'obéissent pas
aux normes nationales et internationales, parce qu'elles ne servent pas le bien
commun et enfin parce qu'elles portent atteintes aux droits fondamentaux de
l'individu. Il y aurait d'autres raisons, que nous n'avons pas
évoquées dans les pistes du développement et qui
expliqueraient pourquoi ce modèle est contesté comme par exemple
sa domination sur le plan économique. Pour les antimondialistes,
l'Amérique serait un problème pour l'économie des autres
pays. Ainsi, à travers la mondialisation, les antimondialistes, en lutte
contre la liberté de circulation des personnes et des marchandises
visent directement l'Amérique, le capitalisme démocratique,
c'est-à-dire le modèle économique américain. Selon
les antimondialistes, la mondialisation favoriserait des
inégalités entre les riches et les pauvres et profiterait aux
entreprises, notamment américaines, au détriment des
salariés, des consommateurs et de l'environnement. Or la
mondialisation, comme le fait remarquer Revel à juste titre, a
été positive parce que l'ensemble des pays pauvres aujourd'hui
est moins pauvre qu'il y a un demi siècle parce que l'ouverture des
marchés ne profite pas uniquement aux entreprises
américaines : les Etats-Unis représentent un marché
très attractif pour les entreprises étrangères
étant donné qu'ils consomment énormément. On aurait
pu citer de nombreux exemples encore comme ceux-là, où l'on
critique les Etats-Unis par manque d'information comme l'écrit Revel, ou
pire par désinformation. Depuis la guerre en Irak par exemple, les
journalistes n'hésitent pas à alimenter
l'antiaméricanisme, modifiant l'opinion publique; toute critique du
gouvernement, se confondant avec une critique ouverte visant l'ensemble des
Etats-Unis. Les médias ont ce pouvoir de nous informer et de nous
désinformer : pour servir leur intérêt particulier,
les médias peuvent choisir par exemple ce qu'il faut mentionner et ce
dont il faut passer sous silence. Or le postulat démocratique
présuppose bien sûr que les médias se consacrent à
la recherche de la vérité avant d'en informer le public. Mais, il
suffirait que les médias soient autocensurés par des groupes de
pression par exemple pour que l'on manque d'information, ou qu'ils manipulent
l'information pour que l'on en soit désinformé50(*). Les médias
ont ceci de particulier, c'est qu'ils peuvent influencer, contrôler
l'opinion publique. Aussi d'après Revel si les arguments des
antiaméricains sont contradictoires, c'est justement parce qu'ils
manquent d'informations. C'est pourquoi, dans les pistes principales du
développement il m'a semblé inutile de rappeler l'ensemble des
raisons pour lesquelles les Etats-Unis sont un modèle contesté.
S'il y a un argument qui permet de soulever les insuffisances du modèle
démocratique américain, c'est celui que nous avons
étudié dans la première piste du développement. Cet
argument souligne les contradictions de la politique américaine et
à lui seul est suffisant pour remettre en question le modèle
démocratique américain. Mais cet argument est-il suffisant pour
dire de la démocratie américaine qu'elle est en déclin
vers un despotisme ? Je pense que la réponse à cette
question est clairement négative. En effet si l'on considère la
démocratie américaine en déclin à cause des actions
de la politique américaine, alors on devrait considérer la France
de la même manière ; n'a-t-elle pas en effet pratiqué
la torture en Algérie ? Or la torture est un acte prohibé
par les textes internationaux de la proclamation des droits de l'homme, et
pourtant la France est toujours, jusqu'à preuve du contraire,
démocratique.
Pour que l'Amérique devienne en effet un jour
despotique, il faudrait que la population américaine consente à
sa propre servitude. Selon La Boétie, l'homme semble être, sinon
la victime constante, du moins l'auteur de son propre asservissement. Par
nature, nous ne sommes « serfs de personne », écrit
La Boétie : « c'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe la
gorge, qui ayant le choix ou d'être serf ou d'être libre, quitte la
franchise et prend le joug, qui consent à son mal, ou plutôt le
pourchasse ». Autrement dit, si despotisme il y a, c'est parce que la
population aura consenti volontairement et non sous la contrainte, à
restreindre sa liberté, à se plier, à se rallier à
la volonté d'un autre51(*). Est-ce par servitude que la plupart des
Américains ont suivi leur président dans la guerre en Irak, alors
que vue de la France, et un bon nombre d'autres pays, cette guerre est
décrite comme précipitée, disproportionnée,
injustement cruelle pour les populations civiles? Comment en effet expliquer le
fait que les Américains ont réélu Bush pour un second
mandat, alors qu'il a trompé son peuple et menti au Congrès pour
obtenir l'autorisation de conduire « une guerre
préventive » et envahir l'Irak52(*) ; alors qu'il a
encouragé un usage disproportionné de la force et provoqué
la mort de civils irakiens innocents, alors qu'il a violé la convention
de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre permettant la
pratique de la torture dans la prison de Guantanamo ? Autrement dit,
comment encore soutenir ce président, à moins d'être
asservi ? Pour Pierre Hassner ou encore Denis Lacorne, si les
Américains ont été imperméables aux objections
extérieures, c'est parce qu'ils sont unis dans la lutte contre l'ennemi
terroriste, d'où cet étonnant élan patriotique, ce
sentiment de fierté qui les poussent à se battre pour leur pays.
La population Américaine ne serait donc pas asservie, elle serait unie.
Le patriotisme américain est comme un devoir sacré, il fait parti
des valeurs américaines, et donc de l'identité du pays. En effet
l'identité de la démocratie américaine ne se résume
pas à ses institutions ou encore à sa politique.
L'identité de la démocratie américaine s'inscrit dans le
temps, parce qu'elle est fondée sur des bases stables telles que la
Constitutions des Etats-Unis, mais ce n'est pas pour autant qu'elle ne change
pas, elle tire sa richesse aussi des moeurs et des valeurs qui évoluent
avec le temps. Pour revenir à notre problème, on ne peut pas dire
que la population américaine soit asservie, car bien que la
majorité de la population ait été favorable pour
mener cette guerre, cela ne signifie pas pour autant que le président
Bush soit apprécié. En effet, les manifestations contre la
politique de Bush et son administration sont nombreuses ; Michael Moore
par exemple qui est un réalisateur américain de documentaires
engagés, n'hésite pas à exprimer librement ses opinions et
à dénoncer au travers de ces films ou ses livres, tels que
Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11, Mike
contre-attaque ! : Bienvenue aux Etats Stupides d'Amérique,
à coup d'anathèmes l'administration Bush53(*). Autrement dit, le
droit de critique et la liberté d'expression des individus, sont
assurés aux Etats-Unis, c'est une raison suffisante pour prouver que la
démocratie n'a pas tourné au despotisme, malgré les abus
dans l'usage politique de la force.
Par ailleurs pour que l'Amérique devienne despotique,
il faudrait qu'il y ait un despote, or bien que George W. Bush occupe la
fonction la plus déterminante du système politique, celle qui
offre le plus de possibilité d'action puisqu'il est à la fois le
chef de l'état, le chef du gouvernement, et le chef des
armées ; il n'a pas le droit de tout faire, il ne
peut être tout puissant. En effet, le président des Etats-Unis
dispose d'un pouvoir très étendu mais dans les limites
tracées par la Constitution. Aussi s'il peut conduire avec une certaine
liberté la politique étrangère, pour déclarer une
guerre il a toutefois besoin de l'approbation du Sénat. Outre ce
contrôle du Congrès sur le président et son administration,
il y a aussi le contrôle du pouvoir judiciaire. Aux Etats-Unis, le
pouvoir judiciaire joue le rôle d'un contre-pouvoir extrêmement
puissant, mais complexe54(*). Ce pouvoir est en effet
complexe parce que les Etats-Unis d'Amérique sont une
fédération constituée de cinquante Etats. Ainsi chaque
Etat a son propre système judiciaire. Le pouvoir judiciaire est donc
composé en réalité d'une multitude de systèmes
autonomes : il existe un système judiciaire fédéral
et les systèmes judiciaires individuels des États. Ces
systèmes fédéraux et fédérés sont
structurés comme des pyramides. Au sommet de chaque pyramide se trouve
une instance de dernier ressort (au niveau fédéral, la Cour
suprême des États-Unis ; au niveau de chaque État, la
cour suprême de l'État) qui a le pouvoir d'interpréter le
droit de cette juridiction. Il existe également un niveau
intermédiaire : une cour d'appel dans la plupart des États,
comme dans le système fédéral. Aux Etats-Unis n'importe
quel tribunal a le droit de déclarer qu'une loi ou une action du pouvoir
exécutif est inconstitutionnelle, sous réserve d'examen
ultérieur par une cour de niveau supérieur. Ainsi grâce
à cette pratique du fédéralisme, les pouvoirs sont
partagés entre les Etats ce qui permet d'éviter, comme au niveau
gouvernemental (exécutif et législatif sont
séparés), qu'une seule personne ne détienne le pouvoir. Il
y a toujours un contrôle qui s'effectue afin d'éviter tout abus du
pouvoir. Par conséquence, malgré les actions illégales du
gouvernement américain, on ne peut pas dire des Etats-Unis qu'ils soient
en déclin progressif vers un despotisme, en revanche ne peut-on pas
parler de crise d'identité démocratique américaine ?
L'identité de la démocratie américaine s'adapte, nous
l'avons vu, à l'évolution des moeurs, elle n'est pas un produit
fini mais un processus en perpétuel évolution. Si l'on observe
comme nous l'avons fait au cours des pistes principales du
développement, l'univers social et politique dans lequel la
démocratie évolue actuellement, il est possible de dire qu'elle
soit en crise d'identité. Cette crise s'apparenterait à la crise
d'identité d'un individu, qui change tout en restant le même. La
différence donc entre une Amérique qui est en crise
d'identité et une Amérique qui serait despotique, c'est que dans
un premier cas on affirme qu'elle est toujours démocratique, bien que
quelques aspects aient changés, alors que dans le second elle perd
complètement son identité pour devenir un autre régime.
V- CORPUS PRIMAIRE
Pour réaliser ce projet sur l'identité de la
démocratie américaine, j'ai dû lire plusieurs articles de
presse francophone (Le Monde, l'Humanité, Courrier International, etc.)
et anglophone (CNN, BBC, etc.) et parcourir plusieurs pages Web (Réseau
Voltaire, géostratégique, etc.) afin de me tenir au courant de
l'actualité. Bien que la démocratie américaine soit un
thème toujours d'actualité, c'est aussi un thème qui
remonte à plus de deux siècles. C'est pourquoi je me suis
intéressée également à des ouvrages tels que :
De la démocratie en Amérique, réalisé par
Tocqueville, qui nous offre une étude du système politique et
des moeurs américaines, se présentant à la fois comme une
enquête historique et comme une réflexion sur la nature de la
démocratie ; ou encore le livre de Marie-France Toinet, qui est
également un excellent instrument de travail sur le système
politique des Etats-Unis, son analyse précise et
détaillée, non seulement des institutions, de la vie politique,
mais aussi des pratiques quotidiennes contemporaines, nous permet de comprendre
les évolutions historiques depuis la naissance des Etats-Unis.
Concernant la partie sur l'état de la question, j'ai
fait référence essentiellement à l'analyse d'Ackermann,
à son ouvrage intitulé : Au nom du peuple. Cette
analyse est en effet nécessaire pour comprendre l'originalité et
la particularité de la tradition constitutionnelle américaine.
Pour parvenir au travail d'analyse et de comparaison entre les principes et les
pratiques de la démocratie américaine, j'ai lu un certain nombre
de spécialistes des Etats-Unis, tels que Denis Lacorne, André
Kaspi, Jean François Revel, Pierre Hassner ou encore Emmanuelle Todd.
Tous sont français, mais tous n'ont pas la même vision des
Etats-Unis. Chacune de ces thèses m'a été néanmoins
utile au cours de mon développement, bien qu'aucune d'elles prise
isolément soit la solution à mon problème. Le livre de
Kaspi par exemple, sur la civilisation américaine, qu'il a
coécrit avec d'autres historiens spécialistes des Etats-Unis, est
un ouvrage intéressant pour comprendre les valeurs de la
démocratie américaine, la politique, les institutions, etc. c'est
autrement dit un outil d'information pour ceux qui manquent d'informations ou
sont complètement désinformés. Ainsi, bien que ce manuel
ne permette pas de répondre directement à mon problème
parce que ce n'est pas l'objectif de ce livre, il est indispensable pour
éviter la posture de l'antiaméricanisme. Cet
antiaméricanisme, plusieurs ouvrages en analysent les symptômes,
notamment celui, magistral, de Jean-François Revel dans l'Obsession
antiaméricaine, où il y fait une analyse de la psychologie
de l'antiaméricanisme, de ses manifestations et de ses fonctions. Ainsi,
si grâce à Revel on comprend mieux l'antiaméricanisme,
grâce aux connaissances que Kaspi nous apporte sur les Etats-Unis, on
peut plus aisément rétorquer les arguments antiaméricains.
Par exemple, Emmanuelle Todd, dans son ouvrage Après l'Empire,
dit de la superpuissance économique américaine qu'elle est
dépendante, il va même jusqu'à dire
qu'économiquement les Etats-Unis sont inutiles pour le monde. Or il
suffirait de lire les chapitres consacrés à l'économie
dans le manuel sur la civilisation américaine55(*), pour se
rendre compte du contraire. Ainsi, lorsque l'on s'engage dans une critique des
Etats-Unis comme le fait Todd, il est primordial de fonder ses arguments sur
des preuves concrètes. Les ouvrages spécialisés sur les
Etats-Unis peuvent nous apporter de telles preuves, bien qu'ils ne soient pas
les seuls. Effectivement, des travaux comme ceux de Max Weber, notamment celui
sur l'éthique protestante et l'éthique du capitalisme,
n'est pas une étude spécialisée sur les Etats-Unis et
pourtant cet ouvrage est essentiel pour comprendre par exemple l'éthique
du travail aux Etats-Unis qui fait partie aujourd'hui des valeurs
démocratiques américaines, ce livre peut donc servir comme preuve
que le puritanisme a imprégné les moeurs aux Etats-Unis.
VI- BIBLIOGRAPHIE
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TABLE DES MATIÈRES
I- MOTIVATION P
2
II- ÉTAT DE LA QUESTION P
6
III- PROBLÈME
P 9
IV- PISTES PRINCIPALES DU
DÉVELOPPEMENT P 14
V- CORPUS PRIMAIRE P 34
VI- BIBLIOGRAPHIE P 36
ANNEXE P 41
|
Annexe :
L'organisation judiciaire
Aux Etats-Unis.
Tableau : L'organisation
judiciaire aux Etats-Unis
COUR SUPRÊME FÉDÉRALE
COUR SUPRÊME D'ÉTAT
TRIBUNAUX DE COMTÉ
COURS D'APPEL
COURS D'APPEL
Circuit courts 12
COURS DE DISTRICT
District courts 93
Circuit fédéral
JUGES DE PAIX
TRIBUNAUX MUNICIPAUX
TRIBUNAUX SPÉCIALISÉS
Circuit fédéré
Source : DUHAMEL, O., Les Démocraties :
régimes, histoires, exigences, Paris, Seuil, 1993, p.50
* 1
TODD, E., Après l'empire : essai sur
la décomposition du système américain,
Paris, Gallimard, 2002, p.96.
* 2 REVEL,
J.-F., L'obsession anti-américaine : son
fonctionnement, ses causes, ses inconséquences, Paris, Plon, 2002,
p.42.
* 3 KASPI,
A., Les Etats-Unis d'aujourd'hui : mal connus, mal
compris, mal aimés, Paris, Perrin, 2004.
* 4
TODD, E., Après
l'empire : essai sur la décomposition du système
américain, Paris, Gallimard, 2002, p.11.
* 5
« check and balances », signifie en
français « contrôle et équilibre » des
trois pouvoirs.
* 6
ACKERMAN, B., Au nom du peuple : les fondements de la
démocratie américaine, trad. de l'anglais par J.-F. Spitz,
Paris, Calmann-Lévy, 1998, p.325-326.
* 7
ACKERMAN, B, ibid., p.238.
* 8
ACKERMAN, B, ibid., p. 328.
* 9
ACKERMAN, B, ibid., p.45.
* 10
ROUSSEAU, J.-J., Du contrat social, GF Flammarion, 1992, II,
chap.2, p.52.
* 11
ROUSSEAU, J.-J., ibid., III, chap.4, p.95.
*
12 MONTESQUIEU, De l'esprit
des loi, t.1, Paris, GF Flammarion, 1979, XI, chap.6. « C'est
moi qui souligne »
* 13
« Nul ne sera élu plus de deux fois aux fonctions de
président - et nul, s'il a occupé ou exercé les fonctions
de président pendant plus de deux années pour lesquelles un autre
que lui avait été élu, ne sera élu aux fonctions de
président plus de deux fois ». 22ème
amendement, ratifié en 1951.
* 14 Nous
parlerons des autres systèmes de contrepoids qu'utilise la
démocratie américaine pp. 32-33.
* 15
MONTESQUIEU, ibid., livre XI, p.291-293.
* 16 A.
TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Paris,
Garnier- Flammarion, I, partie I, chap. III.
*
17 « On appelle
« culture de masse » un divertissement séduisant le
plus grand nombre et produit dans un circuit économique. Elle s'oppose
à une culture élitiste ou contre culture qui se développa
aux Etats-Unis dans les années 60 (hippies, « beat
generation »,...). Elle a constitué aux Etats-Unis un foyer de
valeurs et de stéréotypes, propice au développement du
fameux rêve américain ». JAMET, F., Les
Etats-Unis : bilan et perspectives, Paris, L'Etudiant, 1999, p.
118.
* 18
Le discours en langue originale, "Nothing is so important as that
America shall separate herself from the systems of Europe, and establish one of
her own. Our circumstances, our pursuits, our interests, are distinct. The
principles of our policy should be so also. All entanglements with that quarter
of the globe should be avoided if we mean that peace and justice shall be the
polar stars of the American societies.19" -Thomas Jefferson to J.
Correa de Serra, 1820.
* 20
MENISSIER, T., « Empire et Impérialisme »,
Eléments de philosophie politique, Paris, Ellipses-Marketing,
2005.
* 21
Contribution à L'empire américain?, sous la
direction de Michel Wieviorka, Balland, 2004 (intervention de Justin
Vaïsse aux Entretiens d'Auxerre, samedi 22 novembre 2003).
*
22 Cf. Rapport publié par
Amnesty International le 13 mai 2005, intitulé Guantánamo and
beyond : The continuing pursuit of unchecked executive power.
* 23 La
guerre en Irak relève un certain nombre de contradictions que nous
évoquerons à la page 28 de ce projet.
* 24 Aux
termes du PIDCP ( pacte international des droits civils et politiques) et de la
convention contre la torture, le gouvernement est tenu de veiller à ce
que nul soit victime d'actes de torture, notamment de viol, ou autres
traitements cruels, inhumains ou dégradants ( art 7 du PIDCP). Il doit
également faire en sorte que les personnes privées de
libertés soient traitées avec humanité et respect pour la
dignité de la personne humaine ( art 10 du PIDCP).
* 25 LESER,
E., « la Cour suprême des Etats-Unis abolit la peine de mort
pour les mineurs », Le Monde, 3 mars 2005.
*
26 On peut retrouver la listes des
pays signataires de cette convention sur :
www.droitsenfants.com
* 27
1865 : abolition de l'esclavage.
* 28
Arrêt Brown : En mai 1954, par sa décision
historique dans l'affaire Brown contre la Commission scolaire de Topeka, petite
ville du Kansas, la Cour suprême des États-Unis a
décrété que la ségrégation dans les
établissements d'enseignement public était anticonstitutionnelle.
L'affaire doit son nom à Oliver Brown, un Afro-américain, qui
s'est pourvu devant les tribunaux lorsque sa fille Linda, âgée de
sept ans, s'est vu refuser l'admission dans une école
élémentaire fréquentée exclusivement par des
Blancs.
* 29 Chacun
de ces grands ensembles d'ethnies regroupe plusieurs sous-groupes.
*
30 Cf. Civil rights act
(la loi sur les droits civiques).
*
31 « Je vois,
écrit Tocqueville, une foule innombrable d'hommes semblables et
égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de
petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme [...].
Au-dessus de ceux-la s'élève un pouvoir immense et
tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller
sur leur sort. II est absolu, détaillé, régulier,
prévoyant et doux. [...] il ne brise pas les volontés, mais il
les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose
sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il
empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il
comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il
réduit enfin chaque nation a n'être plus qu'un troupeau d'animaux
timides et industrieux, dont le gouvernement est le
berger. »
TOCQUEVILLE, A., De la Démocratie en
Amérique, Paris, Garnier Flammarion, 1981, II,
4ème partie, chap.VI.
* 32 Aux
Etats-Unis, on est passé du principe de color Blindness
(indifférence à la couleur de peau) au principe de color
consciouness (prise en compte de la couleur de peau) qui justifie
l'utilisation des mesures telles que les quotas pour corriger des
discriminations avérées.
* 33
KYMLICKA, W., Les théories de la justice : une
introduction, Paris, la Découverte, 2003, p.101.
* 34 Les
étudiants blancs mécontents des statuts privilégiés
des minorités (qui ont parfois un diplôme inférieur et ont
néanmoins plus de droits) se réunissent en comités pour
revendiquer une certaine parité. Le CCRI
( California Cvil Rights Acts Initiative) désire
supprimer les critères ethniques dans l'administration et à
l'université.
*
35 Selon Kymlicka, La
citoyenneté multiculturelle : une théorie libérale du
droit des minorités, il y aurait aux Etats-Unis deux grands
modèles de minorités culturelles : les
« minorités nationales », qui souhaitent se
maintenir comme sociétés distinctes, parallèles à
la culture majoritaire, et exigeant leur autonomie sous une forme ou sous une
autre afin d'assurer leur survie en tant que société distincte
(tels que les Amérindiens, les Portoricains, les Polynésiens
d'Hawaï, etc.) ; et les « groupes ethniques » qui
souhaitent s'intégrer à la société dans son
ensemble et être accepté comme membres à part
entière. Ces groupes ne constituent pas des «
nations » et ne résident pas sur leur terre d'origine.
* 36
KYMLICKA, W., La citoyenneté multiculturelle, une théorie
libérale du droit des minorités, traduit par P. Savidan,
Paris, La découverte, 2001, p.198.
* 37 De nos
jours l'image qui qualifierait le mieux la société
américaine, serait le salad bowl, image possible du
multiculturalisme où les minorités ethniques seraient des
feuilles de salades juxtaposées, cohabitant avec plus ou moins de
concorde.
* 38
KYMLICKA, W., ibid., p.261
* 39 Lors
du recensement national de 1990, on comptait respectivement : 140 millions de
Protestants, 62 millions de Catholiques, 5 millions de Juifs.
* 40
Premier amendement (1791) « le Congrès ne pourra faire aucune
loi ayant pour objet l'établissement d'une religion ou interdisant son
libre exercice, de limiter la liberté de parole ou de presse, ou le
droit des citoyens de s'assembler pacifiquement et d'adresser des
pétitions au gouvernement pour qu'il mette fin aux abus ».
TOINET, M.-F., Le système des Etats-Unis, PUF, Paris, 1987,
p.609.
*
41 BELLAT, N., « La
religion civile aux Etats-Unis », 1967, Le débat,
n°30, mai 1984, p.111. « C'est moi qui souligne ».
*
42 Ronald Steel, «Mr
Fix-it», in New York Review of Books, 5 octobre 2001,
pp.19-21.
* 43
«States like these, and their terrorist allies, constitute an axis of
evil, arming to threaten the peace of the world» (« De tels Etats
constituent, avec leurs alliés terroristes, un axe maléfique et
s'arment pour menacer la paix mondiale), Discours prononcé par le
président Bush le 29 janvier 2002.
* 44 Selon
les termes de George W. Bush du 16 septembre 2001 : «
crusade » to « rid the world of
evil-doers ».
* 45 WEBER,
M., Le savant et le politique, trad. de l'allemand par J. Freund,
Paris, Le Monde en 10-18, 1963, p.64.
* 46 On
peut retrouver le nombre de civils morts en Irak par les interventions
militaires américaines, sur :
http://www.iraqbodycount.net.
* 47 La
conception des droits de l'homme, par exemple ne correspondrait pas à
image et à la culture des Etats musulmans, c'est pourquoi d'ailleurs
ils ont adopté en 1981, la Déclaration islamique universelle des
droits de l'homme, car pour les musulmans les droits de Dieu priment sur les
droits de l'homme, leur conception des droits de l'homme se fondent autrement
dit sur la volonté divine.
* 48 Etude
réalisée par Carnagie Endowment.
* 49
TOCQUEVILLE, W., De la Démocratie en Amérique, I,
2ème partie, chap. IX.
* 50 «
Les tentatives gouvernementales pour « influencer » la pesse sont
fréquentes. Elles vont parfois jusqu'à manipuler les informations
(...), voire à poursuivre et ruiner la carrière de certains
journalistes comme ce fut le cas pendant la période maccarthyste ».
TOINET, M.-F., Le système politique des Etats-Unis, Paris, PUF,
1987, p.572-573.
* 51 S'il y
a corruption et trahison, c'est parce que, écrit Spitz :
« les citoyens cèdent aux charmes de l'intérêt
privé et qu'ils ont cessé d'être réellement des
citoyens pour ne plus être que des sujets confiants à des
politiciens professionnels, le soin de leurs affaires collectives ».
SPITZ, J.-F., « Bruce Ackerman, théoricien de la
démocratie dualiste », Critique, Décembre
1998, N°619, p.860.
*
52 Dans une interview
diffusée en avril par la radio BBC, le chef des inspecteurs en
désarmement, Hans Blix, a dénoncé la falsification de ce
document pour justifier la guerre en Irak.
* 53 «
We like nonfiction and we live in fictitious times. We live in the time where
we have fictitious election results that elects a fictitious president. We live
in a time where we have a man sending us to war for fictitious reasons. Whether
it's the fiction of duct tape or fiction of orange alerts we are against this
war, Mr. Bush. Shame on you, Mr. Bush, shame on you. »
(« Nous aimons ce qui n'est pas fictif et nous vivons dans des temps
fictifs. Nous vivons à une époque où nous avons les
résultats d'une élection fictive qui élisent un
président fictif. Nous vivons une époque où un homme nous
envoie à la guerre pour des raisons fictives. Qu'il s'agisse de la
fiction du ruban adhésif ou de la fiction des alertes orange nous sommes
contre cette guerre, M. Bush. Honte sur vous, M. Bush, honte sur
vous. » ). Discours prononcé lors des Oscars par Michael
Moore, le lundi 24 mars 2003.
* 54 Cf.
Annexe : l'organisation judiciaire aux Etats-Unis.
* 55 KASPI,
A., DURPAIRE, F., HARTER, H., [et al.], La civilisation
américaine, Paris, PUF, 2004, chap. 15 et 17.
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