La créativité dans la résolution de
problèmes en groupeValidation empirique de la schématisation en
triades
Robert Michit
Laboratoire européen de la décision
au CEFERH
Marina BastounisUniversité René Descartes Paris
5Institut de Psychologie
Auteur correspondant : Robert Michit Laboratoire européen
de la décision au CEFERH 7 place A. Malraux 38000 Grenoble Tel /Fax :
0476129617 e-Mail labo-décision@9business.fr
Abstract
Cette étude vise à tester un modèle de
résolution de problèmes en groupe de prise de décision
qui propose la schématisation des éléments
constitutifs du problème en triades et leur
définition en termes des relations structurelles entre les
trois éléments. Une observation de la
résolution de 360 problèmes par des groupes de 10
à 12 professionnels appartenant à la
même institution a été effectuée dans
le cadre d'une formation à la résolution de problèmes.
Pendant la séance de groupe, les participants s'efforcent
de résoudre un problème réel
d'abord sans, et après explication, avec utilisation de la
méthode. Les résultats comparent
l'efficacité de solutions abouties avec ou sans
application de la méthode de schématisation en
triades, et montrent une augmentation significative obtenue en
faveur de cette méthode.
sur l'application des décisions et l'efficacité des
solutions abouties.
.
The present study tests a model for problem-solving in
decision-makinggroups. This model prescribes the schematisation in triades of
theconstituent elements of a problem and the definition of the structural
andrelations between constituent elements. An observation was conducted in
theframework of professional training sessions in problem-solving techniques.A
total of three hundred and sixty problems were addressed, by groupscomposed of
10 to 12 professionals working for the same organisation.During group sessions
participants tried to resolve a problem first withoutand, after explanation,
with application of the triades method. The resultscompare the efficacy of the
solutions reachedwith and without the application of the method and show a
significantincrease in favour of the latter.
Key words : decision-making, group,
problem-solving,
Mots clés : résolution de
problèmes, groupe, prise de décision,
La présente étude vise à
l'approfondissement et la validation empirique des travaux consacrés aux
méthodes de résolution de problèmes
La procédure utilisée permet d'analyser la
résolution de problèmes réels dans des équipes de
collaborateurs appartenant à la même entreprise ou à la
même équipe de travail. Dans ces conditions, les participants
à cause de leur statut doivent trouver une solution nécessaire
à la pérennité de l'entreprise dans laquelle ils sont
décideurs. De ce fait, la méthode de recherche sur la
créativité comme de mise en oeuvre de la créativité
se différencie des méthodes de créativité qui
s'appliquent à des groupes de travail occasionnel (voir Paulus, Larey,
& Dzindolet, 2001). Les méthodes établies dans ces groupes
définissent des règles du jeu qui rendent possible d'agir sur la
dynamique de groupe. En tentant de modifier les formes de relations
interpersonnelles pour débrider les freins à la
créativité, ces règles peuvent amener des comportements
étrangers à la dynamique habituelle de groupes productifs
pérennes dans lesquels les participants auront une histoire commune de
collaboration après l'expérience de créativité ou
après le temps de formation. Ces positionnements inhabituels
provoqués par les consignes (e.g. poser des questions farfelues,
provoquer les autres, etc.) nécessitent une régulation vigilante
par l'animateur du groupe. Ils ne sont pas reproductibles dans le quotidien des
professionnels car, tendant à rompre les règles de
socialité, ils sont trop dangereux pour l'équilibre du climat
social de groupes stables. Ils sont de fait jamais observées sans les
freins de socialité dans les groupes réels de résolution
de problèmes qui par exemple énoncent une première
étape de remue-méninges. Il en résulte que les
résultats de ces expériences, au demeurant fort
intéressant, ne sont pas applicables dans le monde de l'entreprise sans
une régulation externe1. Performantes, elles sont cependant
handicapantes relativement aux règles de socialité de
l'entreprise.
1 Les enjeux de la protection des individus et de
l'entreprise positionnent structurellement les employés dans le cadre du
salariat et pas uniquement dans un univers de production créatrice.
Toute contribution méthodologique ne devrait donc pas apporter d'effets
pervers dans le système de relation. Il doit se positionner à
l'intérieur du cadre du droit du travail.
La réplique de ces méthodes apprises, dans le
cadre de l'entreprise conduisent à valoriser le débat comme forme
première de résolution de problème. La conséquence
de l'utilisation du débat dans la résolution de problème
conduit à observer dans tous les groupes soit une polarisation des
solutions sur la solution de l'individu ou du groupe en position sociale de
force par rapport aux autres partenaires, soit à choisir une solution
par le vote.
Dans tous les cas de figure, la mise en soumission d'une
partie des décideurs en présence est nécessaire. En
conséquence lors de l'application des décisions acceptées
même avec une conviction apparente et sincère, on observe
inévitablement des écarts notables dans les applications
concrètes sans pour autant observer une intention malveillante de ne pas
appliquer de la part de ceux qui se sont pliés à la
volonté générale. Le fait est qu'ils appliquent la
décision en fonction de leur conception a priori qui elle n'a pas
été modifiée dans le fond.
Pour diminuer les effets du débats, les
méthodes, en particulier dans les démarches qualité,
consistent à appliquer des calculs mathématiques sur la
récupération des données provenant soit des
échanges du débat, soit de l'énoncé des perceptions
de chacun des participants (Souder & Ziegler, 1988). Les méthodes
tentent alors de réduire la subjectivité des
représentations en croisant les perceptions des différents
acteurs (croisement de regard subjectif) en particulier en ce qui concerne le
jugement de causalité. Par exemple pour l'EFQM2 ce
travail se décompose en quatre étapes. La première
consiste à énumérer les facteurs incriminés selon
les avis de chacun (1° subjectivité). La deuxième consiste
à ce que
2 Dans l'approche EFQM, méthode mise en place
comme modèle de la démarche qualité par la Fondation
Européenne pour le Management de la Qualité, la procédure
suivante est indiquée pour l'évaluation des différents
critères à analyser : « Enumérer, commenter et noter
chaque sous-critère, faire la moyenne arithmétique des notes
attribuées, après avoir fait la moyenne se poser la question :
cette note moyenne paraît-elle juste ? Si ce n'est pas le cas, faire une
correction appropriée selon votre jugement en gardant
à l'esprit les notes attribuées aux autres critères
». On retrouve une démarche identique dans toutes les approches
suivantes, remue-méninges, vote simple ou pondéré, les
graphiques et diagrammes causes-effets à l'aide des questions QQOQCP,
les diagrammes F/t, de Pareto, de progrès, de cheminement,
multicritères de Gantt, les matrices de pondération, les
logigrammes et diagrammes de décisions, fléchés, CEDAC,
ACE etc.(Chauvel, 1996)
chacun donne une estimation de pondération de l'effet
des différents facteurs mis en cause (2°
subjectivité). Lors de la troisième
étape, il est réalisé la moyenne arithmétique dans
le but de
réaliser une objectivation des pondérations
subjectives des sujets. La quatrième étape consiste
en mettre le résultat du calcul à
l'appréciation des participants du groupe. Dans le cas où le
résultat de l'analyse ne paraît pas
juste, il est demandé au sujet d'apporter une correction
appropriée selon le propre jugement (3°
forme de subjectivité).
De façon générale, on observe ce type de
comportement : on demande à une opération mathématique de
réguler des informations subjectives. Ce type de comportement
constitutif des démarches classiques et spontanées (voir Chauvel,
1996) renforce la subjectivité de ces démarches en la
masquant part un saupoudrage mathématique cherchant à assurer de
l'objectivité. L'inconvénient réside dans les
premières appréciations. Si elles sont fausses, tout l'arsenal de
logique mathématique confine dans l'échec.
Une étude fine de ces méthodes montrent qu'elles
n'enlèvent pas un des freins le plus puissant à la
créativité, c'est à dire la soumission de la pensée
créatrice aux lois de la pensée sociale. La plus
caractéristique concerne la prédominance de la conclusion sur
l'analyse des causes du problème. Autrement dit, le comportement de
résolution est en fait une reproduction d'une certitude
d'hypothèse de cause ou de solution déterminée par une
expérience. Tout se passe comme s'il existe des genres de
problème se résolvant par des types de solution a priori
efficace. Par exemple pour faire changer de comportement il est
nécessaire d'emporter l'adhésion des individus en les
convainquant de l'utilité ou de la nécessité d'un
comportement différent.
C'est la forme de comportement est très
résistance à la prégnance de l'habitude, car elle touche
l'identité des sujets au niveau de leurs croyances issues de
l'expérience. De par leur structure, ces croyances sont stables car
elles constituent l'armature de toute identité individuelle ou groupale.
Elles résistent donc à la raison et même à l'apport
de pratiques nouvelles.
Deux exemples de comportements résistant à la
créativité permettront d'illustrer le propos.
1.exemple.
Anticipant une rentrée sociale très difficile
à cause des restructurations envisagées dans le groupe industriel
en question, la direction du groupe décide de constituer un groupe de
recherche pour trouver une stratégie commune de réaction dans un
climat de crise sociale forte. Le responsable du groupe produit tout un
ensemble de transparents (30) qu'il remet au groupe de formateurs
destinés à répandre les bonnes pratiques ainsi
identifiées.
Lors de la remise du cahier des charges aux futurs formateurs
spécialiste de ce genre de problèmes, ces derniers constatent que
les solutions envisagées pour produire un changement en matière
de résistance à une crise sociale, sont identiques à tout
ce que l'entreprise enseigne déjà et qui n'ont pas modifié
les comportements de management depuis des années sur ce sujet.
Ils s'en ouvrent au commanditaire. Ils lui démontrent
par des exemples la similitude des axes de formation proposés au regard
des programmes de management déjà réalisés.
Ensemble, ils concluent à l'inefficacité de ces
procédés. Ils proposent une autre programme au regard des
objectifs à atteindre qui lui a fait ses preuves. Le commanditaire en
convient, il est même très intéressé par la
proposition au cours de la journée. Cependant il conclut en fin de
journée : il n'y a pas d'autre solution que celle que je vous propose
dans la situation sociale qui est la nôtre, vous faites ce que je vous
demande ou je vais demander à d'autres consultants de réaliser le
programme.
2°exemple
Un groupe de travail constitué de managers recherche
une méthode pour modifier les comportements de leurs commerciaux. Ils
définissent de nouvelles normes de fonctionnement et proposent un mode
de management basé sur la signification et l'évaluation
continuelle des pratiques habituelles au regard des nouvelles règles. Le
groupe se retrouve et tous les mangers énoncent qu'ils ont redis
plusieurs fois par semaines les nouvelles consignes, remis de nombreuses fois
l'évaluation de l'écart entre le prescrit et le
réalisé sur le tapis et que rien n'a changé dans les
pratiques des commerciaux. S'en ouvrant à un consultant en groupe de
créativité, ce dernier met en évidence l'évidence
de ce résultat au regard de la technique de changement utilisé
basée sur la persuasion et la démarche de conviction. Ils en
conviennent. Ils travaillent alors à la découverte d'une autre
manière de procéder. Ils construisent une autre démarche
basée sur l'analyse des décisions commerciales des commerciaux
pour que ceux-ci puissent mettre en acte les nouvelles procédures de
vente. L'ensemble du groupe trouve la technique intéressante et marque
son adhésion rationnelle. La réunion se termine sur la conclusion
suivante émise par les membres du groupe : "en fait, les commerciaux
résistent au changement, il faut donc continuer à chercher
à les convaincre de façon à ce qu'ils mettent en pratique
les nouvelles procédures et quand ils seront convaincus on fera une
analyse de leur pratiques.
L'intervenant leur demande de nouveau :" qu'à produit
votre première démarche de conviction jusqu'à
présent?" et la réponse : "rien mais il n'y a pas d'autre moyen
pour convaincre. S'il ne le sont pas c'est qu'ils ne veulent pas adhérer
à ces règles. Ils résistent simplement à la
direction et s'ils ne font pas c'est parce qu'ils ne sont pas convaincus, il
faut donc les convaincre et lorsqu'ils le seront, alors on pourra mettre en
oeuvre l'analyse de leur nouvelles pratiques qui leur montrera qu'elles sont
efficaces.
Pour observer de réel changement dans l'analyse, la
résolution et l'application fidèle des décisions, la
méthode ici testée est conduite en milieu naturel sur des
problèmes réels et dans le cadre de réunions de travail
habituelles. Elle ne rompt pas les communications spontanées. Elle
évite ainsi d'avoir à retrouver un équilibre productif au
sortir des situations expérimentales de créativité.
1. Proposition théorique
1. 1. La modélisation en triade
Toute situation humaine est représentable sous formes
de triades. Ces triades constituent structurellement la position d'un acteur en
relation à la fois à d'autres acteurs (seul ou appartenant
à un groupe) et à un objet social, objet de leurs interrelations
(Moscovici, 1984). Pour chaque triade, il est possible d'en connaître
l'équilibre structurel indiquant la stabilité ou la
nécessaire évolution du système vers une organisation des
relations plus équilibrée lorsque celle-ci présente une
anomalie (Heider, 1946 ; Guimelli, 1999). Enfin, tout acteur est le
résultat d'une construction individualisée déterminant une
identité présentant une cohérence interne qui se modifie
à la fois par les apports de son environnement et par ses modes propres
d'assimilation et de contradiction. (Zavalloni,1973, Piaget 1976, Guindon 1982,
Michit Het R 1998 , Mansart 2000.)
Sous l'aspect de la schématisation en triade la
méthode ici testée retient de la cybernétique le
phénomène de rétroaction. Ainsi que tous les
élément des triades entretiennent entre eux deux relations en
forme d'action et de rétroaction l'une par rapport à l'autre.
De plus, la méthode emprunte à l'analyse
systémique la notion de système. Toute organisation est
agencée en sous-systèmes interdépendants. La
nouveauté de ces approches de résolution est d'avoir
identifié que la nature des relations entrant et sortant de chaque
sous-système est une variable identifiant une source possible de
problème. Or ces variables ont la propriété de pouvoir
être modélisées de façon à répondre
à une arithmétique de présence / absence propre à
tout système d'informations selon la théorie de l'information.
Cette propriété permet de ne pas avoir besoin d'outils
mathématiques pour résoudre des problèmes
complexes3. Il suffit de construire des règles de
cohérence générée par la rationalité
logicomathématique. En contrepartie, cette propriété des
relations présentes ou absentes, impose de pouvoir identifier avec
précision la nature des relations structurelles à un
système. Elle nécessite donc un modèle théorique
suffisamment puissant le permettant.
C'est pour répondre à cette
nécessité que la méthode des triades se différencie
des méthodes systémiques en schématisant toute
organisation par un ensemble de triades élémentaires qui
représentent les mailles structurelles des sous-systèmes. Cette
différence est capitale car chaque triade formant une cellule
élémentaire correspond à une problématique
spécifique. Cette problématique est déterminée par
des relations essentielles entre les éléments qui correspondent
à des catégories particulières de relations, dont les
règles de fonctionnement sont normalisées et facilement
identifiables. La présence / absence de ces
3 Cette propriété rend possible non
seulement de sortir des arithmétiques de cardinaux (gradient de masse,
de distance, de forces et de temps) propres à l'arithmétique des
sciences de la nature régies par les lois de la mécanique de
Newton, mais aussi de sortir des arithmétiques trigonométriques
propres à l'arithmétique des sciences de l'infiniment petit,
régies par les lois de la relativité
généralisée ou encore de sortir des arithmétiques
stochastiques des phénomènes incertains, régie par les
lois de la probabilité.
relations et leur décalage relativement à la
norme de fonctionnement rend possible une évaluation d'écarts et
donc une identification de source de problèmes.
Cette particularité rencontre a priori de
fortes résistances concernant sa faisabilité. Il est vrai que la
formalisation précise de ces triades est impossible sans une
méthode précise de recherche des informations permettant
d'atteindre les formes structurelles des relations. Il faut
nécessairement combiner à la théorie des triades, une
technique d'explicitation des événements et des processus
décisionnels des acteurs permettant d'identifier les relations entre les
acteurs et les objets de communication pour que la méthode puisse
répondre à ses propres exigences. Cela implique un double
changement de comportement : un comportement rationnel et un comportement
méthodologique de quête des informations
2. L'explicitation des relations et de leurs
éléments simples
Dans la logique de la recherche de l'objectivation des
situations professionnelles, les travaux de Guindon (1982) et de Vermersh
(1996), sont très proches au regard de la méthode. Les deux
recherchent l'objectivation des situations qui les préoccupent par
l'explicitation précise des séquences d'actions d'un
événement, afin de mettre en évidence la séquence
des attitudes et des décisions des acteurs. Les résultats de ces
études montrent qu'il est possible de faire expliciter ce que les
tenants de la systémique pensent impossible (Le Moine, 1998), en
particulier les actions réellement effectuées par les acteurs
présents dans l'avènement d'un événement, ou une
séquence d'actions aboutissant à la naissance d'un
problème à résoudre. La technique de l'explicitation des
processus décisionnels consiste à faire reprendre selon quatre
angles d'accès le récit d'une séquence d'action
aboutissant à un problème. Le
premier récit plante la problématique de base.
Il permet d'établir la première schématisation en triade
des éléments de la situation.
De ce premier récit on peut identifier par les noms ,
sujet et compléments des verbes d'actions) les éléments
simples de la situation4. Les verbes d'action déterminent les
relations entre les acteurs et les objets. Par la schématisation de tout
premier récit, on définit un premier ensemble
d'éléments simples et de relations. Le deuxième
récit plus précis en ce qui concerne les séquences
d'actions, permet d'apporter de nouveaux éléments simples et de
nouvelles relations les reliant. Il permet de préparer l'analyse des
différents facteurs concernant la responsabilité causale des
acteurs. La troisième étape consiste à rechercher les
décisions des acteurs et de leurs formes décisionnelles
(objectifs et moyens pour les atteindre). L'ensemble des décisions des
acteurs constituent une partie des relations. L'autre partie est
déterminé par l'analyse de chaque triade déterminant des
problématique impliquant des relations structurelles nécessaires
à leur bon fonctionnement5. La comparaison entre les
décisions (relations réelle) et les relations structurelles peut
manifester des écarts signe, lieu ou encore symptôme des
dysfonctionnements. La quatrième étape est la démarche
d'explicitation proprement dite des processus décisionnels. Elle
constitue l'analyse de la causalité intrinsèque de l'apparition
des problèmes.
1. 3. L'analyse causale
Au niveau de la recherche de la causalité, la
méthode se différencie de l'ensemble des méthodes par sa
capacité à réaliser à la fois
4
Pour vu que le nom ne soit pas décomposable en une
association d'éléments simples et de relations. Les
éléments simples sont les sujets et compléments des
propositions du récit exposant le problème à
résoudre réduits à des phrases simples comprenant
seulement un sujet, un verbe d'action ou d'intention et des compléments
d'objet et des circonstanciels. Les prédicats des noms serviront
à identifier les qualités des éléments simples. Par
exemple la communication est souvent identifiée comme un problème
entre des acteurs dans une entreprise. En tant que « Nom » elle n'est
sujet que de verbe d'état : elle est défectueuse par exemple. De
plus, la communication n'est jamais un élément simple : car pour
communiquer il y a nécessairement deux acteurs et un objet de
communication. Le nom « communication » n'est pas un
élément simple. Il faut le représenter sous la forme d'au
moins d'une triade. 5 Les relations réelles reliant les
éléments simples soit sont identifiées et
caractérisées par les verbes d'action des propositions
ramenées à des propositions principales, soit elles sont
tirées de la norme inscrite dans la problématique qu'elle
caractérise. Par exemple, dans la problématique du management,
quel que soit le type de management, il s'avère nécessairement
qu'à un moment donné un objectif soit fixé, qu'un
collaborateur réalise l'action, qu'un contrôle de l'atteinte de
l'objectif soit effectué et qu'une évaluation de l'action soit
identifiée. Ainsi fixer un objectif, décider de ceux qui doivent
la réaliser, déléguer, contrôler, et évaluer,
sont des normes de relation à mettre en acte dans toute
problématique de management à des temps différents.
a) Un traitement des relations entre les éléments
pris deux à deux qui est propre aux méthodes de traitement
linéaire (même les méthodes matricielles s'apparentent
à ce mode de traitement linéaire) b) Un traitement de la
cohérence des 6 relations organisant chaque triade. Les travaux
précédents avaient mis en évidence que c'est
spécifiquement sur ce point que l'écart avec les autres
méthodes se creusait. Cela est obtenu grâce à la
représentation des situations dans un espace à deux ou trois
dimensions. c) Un traitement de l'ensemble des cohérences propre
à l'identité de chaque élément.
Par exemple toute situation managériale peut se
représenter au moyen d'une double pyramide inversée à
trois faces, car elle impose un lien avec une direction commanditaire et une
société qui impose des lois sociales de production avec des
responsabilités individuelles (voir Figure 1).
--Insérer Figure 1 ici-
Dans cette optique, la causalité est recherchée pas
seulement au niveau des relations en décalage avec la norme, qui
renverrait la causalité à un défaut de l'organisation,
mais aussi au niveau de la structure des éléments simples.
1. 4. L'identification des solutions avec l'analyse des
risques
Les causes ainsi mise en évidence, la recherche des
solution et l'analyse des risques s'appuie sur le principe d'incertitude propre
aux phénomènes de production. Ce dernier stipule que les
individus comme les groupes ne possèdent que quatre formes
décisionnelles pour agir ou réagir à un ensemble de
stimuli. Avec ces fondements, il est toujours possible de définir, quel
que soit le problème, quatre stratégies de résolution,
d'en choisir une et d'établir l'analyse des risques en fonction
des trois autres réactions possibles et donc de construire
des lignes de défense en fonction des réactions ainsi
anticipées .
1. 4.1. Le modèle de l'identité
La structure des éléments simples s'organise au
moyen des cohérences entre quatre structures identifiant toute personne
physique ou morale : (i) sa position sociale (organisation structurelle des
facteurs sociaux déterminant toute identité individuelle ou de
groupe), (ii) son système culturel (organisation structurelle des
facteurs de la pensée sociale : représentations sociales,
idéologie, a priori de valeurs fondamentaux), (iii) son système
de connaissances (comprenant les facteurs de dénomination et les
procédures de traitement des informations logiques et
schématisation théorique), et (iv) son potentiel d'action
(ensemble de facteurs hiérarchiquement organisés selon des lois
précises permettant de prendre des décisions en acte dans les
différents dimension de l'existence : récupération
d'énergie, production et socialité).
Ces quatre structures sont chacune en relation de
cohérence structurelle avec les trois autres. Six cohérences sont
alors mises en évidence. La découverte de la cause d'un
problème se trouve généralement dans les
incohérences entre les quatre structures identitaires qui n'ont pas
trouvé un mode d'équilibration adaptée à la norme
de la triade envisagée. A l'aide de cette schématisation, la
solution d'un problème est donc la découverte des
différentes manières de réaliser un nouvel
équilibre permettant de réduire l'incohérence entre les
facteurs de l'identité en cause.
Théoriquement, quatre familles de solutions sont à
envisager dans toute démarche de résolution : (i) le changement
de position sociale, (ii) la modification du système de
représentations sociales, (iii) le changement du système de
connaissances et (iv) l'accroissement du potentiel d'action avec anticipation
des conséquences de leur modification sur les trois autres.
2.. Procédure expérimentale
La procédure expérimentale propre comporte
quatre étapes. Dans la première étape, on demande aux
groupes de professionnels leurs méthodes pour résoudre un
problème. Cette consigne a pour but de mesurer le niveau de
cohérence et de connaissance de l'ensemble des groupes concernant les
techniques de résolution de problèmes. Tous les groupes
définissent une méthodologie générale. Ils en
donnent systématiquement les phases suivantes : 1. définir le
problème et l'espace dans lequel il trouvera sa solution, 2. chercher
les causes, 3. déterminer les solutions en formes de stratégies
d'actions, 4. faire le choix d'une des stratégies, 5. mettre en place un
plan d'action avec des critères d'évaluation. Un quart des
groupes fait référence explicitement à des méthodes
spécifiques pour réaliser ces différentes phases.
Dans la deuxième étape, chaque groupe doit
étudier les problèmes présentés par un des leurs.
Chaque participant est impliqué d'une part, soit parce qu'il pense avoir
déjà rencontré un problème équivalent, soit
parce qu'il est susceptible de le rencontrer, d'autre part parce que son statut
professionnel l'oblige à trouver des solutions à des
problèmes semblables pour atteindre ses objectifs de production. A la
fin de cette deuxième étape qui dure 30 minutes, on constate,
dans tous les cas de figure, qu'au bout de 15 minutes en moyenne les sujets
n'apportent plus d'informations nouvelles.
Concernant les problèmes non résolus, les
solutions proposées n'obtiennent pas l'adhésion de tous les
participants campant sur des certitudes de causes et de solutions
déduites intuitivement de croyances, de stéréotypes, ou
élaborées à partir de leur expertise propre.
Concernant les problèmes dont les décideurs sont
insatisfaits de leur manière de faire pour les résoudre, leur
degré de satisfaction ne se trouve pas modifié. Pour analyser les
causes de cette carence de créativité, nous formulons
l'hypothèse, selon laquelle les difficultés de résolution
des problèmes complexes ne relèvent pas de la complexité
des phénomènes étudiés mais de
l'inadéquation de la technique de résolution. Pour
l'éprouver, dans les conditions réelles, nous avons
développé les étapes précédentes en
proposant une troisième étape. Celle-ci consiste à donner
aux participants deux méthodes :
La première : l'entretien d'explicitation des
processus décisionnels, donne les moyens de récupérer
avec exactitude l'ensemble des événements qui ont
précédé l'apparition du problème, les actions, les
décisions et les processus décisionnels des experts qui en sont
à l'origine et qui ont tenté de le résoudre,
La deuxième : l'organisation en triades,
elle consiste 1) à disposer dans l'espace les
éléments composant la situation dans laquelle surgit le
problème, 2) à identifier la structure de ces
éléments avec leurs 6 cohérences internes, et 3) à
caractériser les relations que ces éléments entretiennent
entre eux en les comparant à des normes de fonctionnement optimum des
systèmes (ou à des normes d'utilisation appropriée des
outils).
Enfin, la quatrième étape consiste à
remettre les groupes de professionnels à résoudre les
problèmes dont ils n'avaient pas pu trouver les solutions.
2.5. Hypothèses opératoires
A l'aide des référents théoriques et
pratiques précédents, nous avons éprouvé les deux
hypothèses opératoires suivantes: H1. Plus la situation sera
représentée à l'aide de triades plus les solutions seront
efficaces. H2. Plus le nombre de relations caractérisées sera
important, plus les solutions seront efficaces.
L'objectif de l'étude étant d'étudier la
puissance créatrice des groupes de travail, nous avons cherché,
à partir de l'identification des éléments et de la
caractérisation des relations, à mettre en relation, selon les
conditions expérimentales de résolution avec ou sans
méthode, les variables suivantes.
Variables indépendantes : la prise en compte
(i) du nombre d'éléments énoncés
(ii) d'un troisième élément simple
permettant d'identifier une triade
(iii) du nombre de caractéristiques identitaires de
chaque élément simple énoncées.
(iv) du nombre de relations caractérisées.
(v) du nombre de stratégies proposées par
problème.
(vi) du nombre de solutions identiques au système de
valeurs de référence
Variables dépendantes :
1 le taux d'adhésion des participants aux des solutions
proposées
2 le taux de résolution.
2. 6. Participants
Les séances expérimentales se déroulent
en groupe de 10 à 12 participants. Dans chaque groupe, les participants
appartiennent à une même institution. Ils sont soit managers
d'entreprises privées (entreprises de services, de production ou de
commerce), soit responsables d'accompagnement de personnes en
difficultés psychosociales au sein d'associations à
caractère social. Ils participent à cette recherche dans le cadre
d'une formation à la résolution de problème et à la
prise de décision dans leur champ professionnel.
Les participants sont tous des professionnels confirmés
de niveau universitaire. Ils ne présentent pas de différence de
puissance cognitive. Lors des séances de résolution aucune
information concernant le problème n'est apportée par un expert
extérieur. On considère donc, que les différents groupes
possèdent le même type d'information au cours des
différentes phases de la procédure.
Dans ce cadre expérimental qui se déroule sur
deux ans, nous avons traité 360 problèmes dont 251 n'avaient pas
été résolus depuis plus d'une année, et 109 pour
lesquels les décideurs étaient insatisfaits de la manière
dont ils les avaient soldés. Comme la méthode implique
d'écrire tous les éléments d'information pris en compte,
elle facilite le recueil des données. Ce recueil est
réalisé par deux observateurs dont la cohérence
d'observation était de 95% d'accord.
3. Résultats et discussion
3.1. La triangulation : facteurs de
créativité
Le Tableau 1 présente les différences entre les
conditions avec ou sans l'application de la méthode de triades, en ce
qui concerne les mesures de cinq parmi les six variables indépendantes
identifiées précédemment.
--Insérer tableau 1 ici-
On remarque d'une part que le nombre moyen
d'éléments simples envisagés dans la condition avec
méthode est beaucoup plus élevé pour chaque
problème quels que soient les groupes et les problèmes. Quoi que
importante, cette différence n'est pas statistiquement significative. De
plus, les deux conditions ne diffèrent pas de manière
significative quand au nombre de caractéristiques décrivant
chaque élément simple. En revanche, le fait de pouvoir associer
un troisième élément à deux éléments
identifiés est significativement plus élevé dans la
condition avec méthode.
En ce qui concerne la variable dépendante taux de
résolution, sur les 251 problèmes restés sans solution
avant l'utilisation de la méthode, 248 ont trouvé une solution
qui a été appliquée avec succès dans les
entreprises après la schématisation de la situation en triades.
Ces résultats tentent à confirmer hypothèse 1. Il s'en
suit que, ni la recherche des éléments constituant une situation
problématique, ni l'identification des caractéristiques de la
structure identitaire des éléments simples, permettent d'en
résoudre les dysfonctionnements. Autrement dit,
l'énumération linéaire d'un grand nombre de facteurs n'est
pas efficace à la résolution d'un problème. Or, cette
recherche d'énumération linéaire est le propre des
méthodes classiques de résolution de problèmes. En effet,
la manière de traiter les éléments consiste après
les avoir énuméré de les comparer deux à deux, ce
que nous caractérisons de traitement linéaire. Les
résultats montrent que lorsque dans le traitement les participants
trouvent les troisièmes éléments qui constituent une
problématique spécifique, chaque fois la découverte de la
solution devient plus probable. Ce que nous caractérisons par un
traitement dans l'espace à eux ou trois dimensions.
Une différence significative entre les deux conditions
apparaît aussi au niveau de l'énumération et de la
caractérisation des relations qui interagissent entre les
éléments (voir Tableau 1) qui tente à confirmer
Hypothèse 2. Cette différence peut être vu en relation
directe avec le fait de pouvoir schématiser les éléments
de la situation en triade. En effet celle-ci implique de caractériser
toutes les relations binaires qu'elle met en évidence par le
schéma. Les participants dans la condition sans méthode
n'identifient pas les relations dans leur interactivité et n'ont pas la
capacité cognitive de traiter dans le même temps de connaissance
toutes les informations à la fois, ce que permet la
schématisation. Ces résultats tentent à confirmer
hypothèse 1.
On peut considérer que la faculté à
schématiser en triade et à identifier toutes les relations des
mailles élémentaires d'un système, dans un seul ensemble
de représentation, est une cause de la créativité. Cela
implique un changement de comportement dans la rencontre d'un
dysfonctionnement, concernant l'habitude de partager sur des premières
impressions marquées inévitablement par les
phénomènes d'interprétation. D'autre part le changement
consiste aussi en une simplification dans l'utilisation de méthode ou
tableaux matriciels sophistiqués. En effet l'attitude de questionnement
sans appropriation des données à partir de l'expérience de
celui qui questionne, et entièrement centrée sur l'analyse du
récit d'un acteur est suffisant pour créer un schéma
d'analyse performant.
4.2.La triangulation : facteur d'adhésion
Pour un groupe devant prendre une décision dans le but
de mettre en acte une décision, le degré d'accord entre les
participants à la résolution d'un problème est
fondamental. Il est le gage d'une cohérence dans l'application des
solutions quand il s'agit d'une équipe de production qui intervient sur
un même système à des temps différents. Pour mesurer
le taux d'adhésion, on a demandé, à la fin du travail de
groupe, quelle est la solution retenue. Le taux d'adhésion relativement
aux stratégies identifiées était pour tous les groupes
avec méthode de 92%, alors que pour les groupes sans méthode, ce
taux était de 28%, ce qui confirme les deux hypothèses
opératoires que nous avons énoncé. Afin d'analyser les
causes de cette différence, on s'est proposé d'étudier les
résultats concernant les formes des décisions de
résolution, autrement dit les stratégies proposées.
Les groupes « sans méthode » demeurent en
général sans conclusion acceptée par tous. Ils ne
proposent donc pas de solution autrement que par un acte d'autorité d'un
groupe dominant ou à la suite d'un vote. Par contre, les groupes «
avec méthode » proposent en moyen 2.71 solutions possibles (voir
Tableau 1). Ce résultat montre en premier lieu que l'objectivation de la
démarche rend possible la prise de décision en groupe sans faire
intervenir un autre principe décisionnel (autorité statutaire ou
majorité), en second lieu que les groupes peuvent construire plusieurs
stratégies possibles, 2 et souvent 3.
En associant ce résultat à celui du taux
d'adhésion, on remarque que la multiplicité des solutions n'est
pas en opposition à l'adhésion du groupe à une seule
stratégie d'action. Pour expliquer ce constat, l'analyse des
stratégies proposées est nécessaire. On observe, dans le
cas des groupes instrumentés, que, grâce au principe
d'incertitude, chaque solution reconnue comme possible par les
différents membres du groupe peut être intégrée
à la globalité de la stratégie envisagée, comme
ligne de défense dans le cas où celle qui a été
privilégiée, se montrerait non ajustée à la
réactivité de la réalité. Ainsi aucun participant
ne se trouve exclu dans la solution, car toutes les solutions font partie du
dispositif de résolution.
Il est enfin à remarquer que les solutions
proposées dans la condition « sans méthode »
étaient toutes en cohérence avec le système de valeur de
référence des décideurs dans les conditions. Par contre,
les groupes « avec méthode » présentent deux tiers de
solutions qui ne sont pas dirigées par les principes du
référentiel dominant. Cela montrerait que, en objectivant les
processus de résolution et de décision, la schématisation
en triades dégagerait des a priori d'analyse et en ce sens permettrait
de libérer la créativité.
3.4. Conclusion : le vecteur de la créativité
Dans le cas des problèmes socio-économiques
complexes propres à cette étude, trois raisons sont couramment
invoquées pour rendre compte des échecs de performance : la
première incrimine les capacités carencées de
l'imagination créatrice des individus (Munier, 1998), la seconde
suspecte le manque de puissance des modes de résolution (Elster, 2000),
la troisième pose une limite intrinsèque à la
créativité du fait de la complexité (Morin, 1994). Notre
travail nous pousse à conclure que la seconde paraît la plus
ajustée. Il semblerait que la puissance de créativité
implique d'associer à un outil permettant une analyse globale, un
principe d'incertitude propre aux phénomènes de la
complexité, permettant la prévision de plusieurs
stratégies en fonction des réactions possibles de la
réalité aux actions de réduction des dysfonctionnements.
En somme, pour sortir de l'aléatoire et des jeux de
pouvoir dans la recherche de solutions aux problèmes, sans laisser la
créativité au principe de spontanéité subjective
aléatoire ou à l'expertise de leaders charismatiques ou
institutionnels, cette étude, met en exergue trois principes
d'objectivation aboutissant à une créativité accrue,
à savoir la construction des triades d'éléments simples
qui interviennent dans une situation, avec leurs six relations structurelles.
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Larousse T.2p.246-262.
Figure 1 : Schématisation d'une situation
managériale Tableaux 1 : Nombre moyen des observations sans et avec
application de la méthode de triade
Sans méthode
|
Avec méthode
|
t
|
p
|
Eléments simples identifiés
|
2.36
|
5.33
|
.86
|
ns
|
Triades identifiées
|
.33
|
7.57
|
4.11
|
.01
|
Caractéristiques des éléments simples
|
5.48
|
7.91
|
1.93
|
ns
|
Relations caractérisées
|
1.71
|
22.86
|
2.13
|
.02
|
Stratégies proposées par problème
|
.032
|
2.71
|
2.62
|
.02
|
|