Centre de recherche et de formation en ressources
humaines
CEFERH
Laboratoire européen de la décision
7 place André Malraux38000 GrenobleTel/Fax :
0476129617E-Mail : labo-decision@9business.fr
Thierry COMON -Robert MICHIT
Science humaine science exacte :Les normes de la pensée
sociale
Mots clés : Weber, science, connaissance,
subjectivité, objectivité, lois,
Résumé
L'étude de phénomènes
particulièrement gênants dans le management utilisant le
débat comme mode de créativité et de prise de
décisions, nous ont conduit à interroger la certitude que «
toute connaissance humaine dépend du point de vue de son auteur ».
En effet, sur cette affirmation reposent toutes les justifications de
l'utilisation des échanges d'opinions et de points de vue pour
prétendre à une plus grande objectivité. Cet essai met en
évidence la contradiction interne de cette conjecture. La
démonstration conduit à ébranler des croyances fortement
ancrées dans les sciences humaines. Le but est d'ouvrir à
d'autres pratiques de communication en identifiant des lois de communication
non assujetties à la subjectivité des communicants.
AbstractThestudyofphenomenaparticularlyhandicappinginthemanagementusingthediscussionasmodeofcreativityandmakingdecision,haveconductedustointerrogateafundamental:thehumanknowledgearewithingviewofhisproduct.Thistrialputsinobviousnessthecontradictionwhofoundbeliefsbeinganintegralpartofhumanknowledgeandthecommonpractisesofcommunication.Thedemonstrationconductstodetermineanotherscientificframepermittingtoidentifylawsofcommunicationnofixedtothesubjectivityofpersonwhocommunicate.
Introduction : Une vieille
question trop vite enterrée.
Les limites du système de connaissance
wéberien au regard du statut de la connaissance en science humaine
1. Le passage de la notion de connexion causale
à la notion de point de vue
2 La subjectivité de la connaissance : une
évidence a priori.
3. La contradiction aporétique de la
conjecture de Weber.
Le rapport subjectivité / objectivité en
science humaine
1. L'objectivité d'une connaissance
dépend des conditions de sa construction :
2. De l'objectivation de l'objet d'études
Les humains sont prévisibles de par les lois qui
les structurent.
1 Résolution de problème et lois de
communication
2 Seul Quatre objectifs régissent les univers
de relations
3 La loi d'action
4. Les méthodes d'investigation et les
modèles théoriques ne sont pas adaptés à l'objet
d'étude
Conclusion : L'affirmation d'un aléatoire
imprévisible en sciences humaines est une croyance
Science humaine : science exacte
«Ladéfinitionminimaledelasciencesupposel'existencedeloisgénérales,unchampd'expérimentationoud'observationetenfinl'effacementdudiscoursabstraitdevantl'applicationpratique»BronislawMALINOSWSKI,1944.
Introduction : Une vieille question trop vite
enterrée.
En s'appuyant sur le postulat aujourd'hui peu discuté
selon lequel les actions humaines échapperaient à des lois
régulières, il semble acquis (au moins depuis Max WEBER) la
nécessité d'abandonner le projet durkheimien visant à
édifier l'explication de la société à partir d'un
système complet de lois sociales (Aron, 1967). Les démarches
convoquées (même celles relevant de la méthode
expérimentale) pour rendre compte des conduites humaines n'accorderaient
pas aux sciences humaines le même statut scientifique reconnu aux
sciences de la nature. Il serait désormais illusoire de penser que le
monde social connaîtrait des lois structurantes et déterminantes
au même titre que celles qui régissent le monde physique et
biologique. Un retour critique sur les Essais sur la théorie de la
science de Max Weber1 devrait nous autoriser pourtant, d'une
part à questionner le postulat, et d'autre part, à expliquer les
conditions épistémologiques nécessaires pour
établir une connaissance précise des systèmes de lois
gouvernant l'humanité sociale.
Lorsque Max Weber étudie les conditions de production
de connaissances objectives dans les sciences et la politique (Weber, 1904),
ses observations sur les régularités des « connexions
causales » sont indiscutables relativement aux théories de
l'action. Il est vrai que les situations des personnes physiques ou morales
sont la conséquence d'une multiplicité de facteurs. Dans la
continuité de ces observations, Janis (1972) en particulier montre que
les décisions institutionnelles sont la conséquence d'un
engrenage de plusieurs types de facteurs, tout comme Bresson (1972) le constate
pour les décisions individuelles. De façon synthétique et
générale, ces facteurs relèvent à la fois des
déterminants sociaux (Durkheim, 1930, Ansart,1990),
idéologiques -systèmes de valeurs et
représentations sociales (Jodelet, 1989, Abric, 1984, 1994)-, des
facultés cognitives avec leurs biais (Simon, 1947 , Brandsford
1979, Caverni 1993), et des compétences d'actions (Aristote,
Erikson 1963, Guindon 1976, Mendel,1998).
Avant les travaux sur l'identité psychosociale et ses
effets sur la prise de décisions, l'influence de ces quatre familles de
facteurs avait été mise en évidence de multiples
manières de façon catégorielle, en fonction des
visées spécifiques des différentes disciplines des
sciences sociales :
La sociologie est centrée sur les déterminants
sociaux.
La psychologie sociale étudie l'interaction de la
position sociale et du système de représentation sociale sur
l'action.
La philosophie de la connaissance (Trotignon 1986), la
psychologie cognitive (Bresson 1972, Brandsford, 1979) s'intéressent
à la nature de la connaissance et à la raison comme moyen
d'intelligence du réel.
Enfin la philosophie de l'action ( Bergson, 1941 Blondel, 1893,
1966, Mendel, 1998), la psychologie du développement (Wallon, 1945,
Erikson 1963, Piaget 1976, Feuerstein 1983) et la psychologie de la
décision (Guindon, 1976) présentent une formalisation des
facteurs spécifiques de la mise en acte en tant que telle.
1 Le lecteur trouvera en Annexe l'extrait du texte
ici analysé.
Dans le cadre de la modélisation sur laquelle nous nous
appuyons, les études concernant les situations d'individus et de groupes
en action, prennent en compte tous ces déterminants en fonction
d'interdépendances présentées dans un
référentiel où ils sont organisés selon une
cohérence structurelle2. En particulier, l'analyse des
objectifs de relation fondamentaux poursuivis par des agents dans une multitude
de situations a permis à la fois de distinguer leur nature, leur nombre
limité3 et de mettre en exergue un principe d'incertitude
spécifique aux sciences humaines : principe lié au fait qu'on ne
peut anticiper à l'avance lequel de ces objectifs fondamentaux va
être mis en avant. Les résultats de ces études
démontrent la possibilité d'une distinction objective de la
causalité des actions humaines ; causalité provenant de
l'interdépendance structurelle (lois de cohérence) des divers
facteurs de l'identité psychosociale et de la prise en compte du
principe d'incertitude.4
Par notre essai, nous espérons montrer, que la
proposition de Max Weber "Une étude « objective » des
événements culturels, dans le sens où le but du travail
scientifique devrait consister en une réduction de la
réalité empirique à des lois, n'a aucun sens parce qu'il
n'est pas possible de concevoir une connaissance des événements
culturels autrement qu'en se fondant sur la signification que la
réalité de la vie, toujours structuré de façon
singulière, possède à nos yeux dans certaines relations
singulières »(Weber, 1904). n'est vérifiée que
pour un observateur ou un professionnel ne possédant pas la connaissance
des lois de cohérence et du principe d'incertitude.
La première étape de l'exposé consiste
à présenter que la conjecture résumé de son propos:
«Toute connaissance de la réalité culturelle est
toujours une connaissance à partir de point de vue spécifiquement
particulier »(Weber 1094), se présente comme une loi
générale, ensuite d'appliquer sa logique à elle-même
et de conclure que ce fondement des sciences humaines fonctionne comme une
aporie, autrement dit qu'elle contredit son universalité. Nous faisons
alors l'hypothèse que cette conjecture a été possible
parce que le référentiel de connaissances était
limité. Ce qui nous conduit dans la deuxième étape
à dévoiler le référentiel théorique qui
permet de sortir du paradoxe d'une science qui ne pourrait établir que
des corrélations statistiques.
2 Par exemple, Festinger, L et Aronson, E. (1978)
mettent en évidence un exemple de cohérence interne entre
position sociale, représentations sociales et connaissances
individuelles. 3 Ces objectifs sont repérés par
ailleurs sous une autre forme dans la littérature sociologique
contemporaine sous le concept de Cités, théorisé par
Boltanski et Thévenot (1991). 4 L'organisation structurelle
des facteurs de l'identité psychosociale définit des conditions
initiales cohérentes qui sont à l'origine d'attitudes, de
comportements et de situations prédéterminées. En sciences
physiques, on a pu rendre compte de l'apparition apparemment aléatoire
de phénomènes. En fait, selon la théorie de la
relativité l'apparition est anticipée à l'aide du principe
d'incertitude d'Heisenberg, et selon la théorie du chaos l'apparition
est déterminée par les conditions d'origine de ces
phénomènes.
Les limites du système de connaissance et de
raisonnement wéberien au regard du statut de la connaissance en sciences
humaines
1. Le passage de la notion de connexion causale à
la notion de point de vue
Lorsque Weber analyse les comportements humains, il observe
qu'ils sont la conséquence d'une « connexion de causalité
».
En suivant pas à pas le récit de Weber, on
observe qu'il passe subrepticement du constat de la « connexion causale
à multiples facteurs » à l'idée selon laquelle le
chercheur ou l'observateur est déterminé par un « point de
vue ». Le seul élément de lien qu'on peut retenir dans le
passage de la notion causale à la notion de point de vue, semble relever
d'une logique analogique autorisé par un glissement
répété de l'adjectif « multiples »,
associé une première fois aux liens de causalité, puis
sans lien logique explicite, dans la conclusion de la démonstration, aux
points de vue des chercheurs
Le lien logique de ce passage n'étant pas explicite,
seule une croyance a priori en la subjectivité des connaissances en
sciences humaines peut autoriser un tel saut et déduire qu'il ne peut
pas y avoir d'observation en dehors d'un « point de vue » a priori.
En effet, s'il existe plusieurs causes, qu'est-ce qui empêche le
chercheur de combiner les observations réalisées sous les
différents angles pour en abstraire une représentation
indépendante de ses a priori.5 C'est le propre de la
pensée logique, tel que le montre Piaget (1923).
Par effet de circularité, la notion de « point de
vue » s'articulant à celle de subjectivité vient donner
à la subjectivité de la connaissance une forme d'évidence
pragmatique. Si bien que pour Weber l'évidence était telle qu'il
pensait impossible d'en montrer son inexactitude. Pour lui, « tenter
d'en montrer les limites serait la conséquence d'une illusion naïve
du savant qui ne se rendrait pas compte de ses déterminants de valeurs
qui seuls lui importent inconsciemment ».
Afin d'éprouver cette affirmation, nous avons d'abord
évalué son impact auprès de nos contemporains avant d'en
démontrer les incohérences.
2 La subjectivité de la connaissance : une
évidence a priori.
Dans ce but, nous avons proposé à 325 sujets
(étudiants en école de commerce bac+4 et des managers en
entreprise) l'énoncé du résumé de la conjecture de
Weber. On leur demande de porter un jugement concernant son exactitude
Les sujets sont dans la même situation cognitive
à la première lecture : tous l'évaluent comme exacte.
La découverte des lois régissant la
lumière (présentant des phénomènes propres aux
caractéristiques des particules, telle que la réflexion, et des
phénomènes spécifiques aux caractéristiques
ondulatoires tels que diffraction et réfraction) est un exemple de prise
en compte de deux points de vue en les associant. Les deux types de
phénomènes s'excluaient, tant que les chercheurs pensaient que
leur point de vue était l'unique valable. C'est par la mise en place
d'un autre référentiel de connaissances (la théorie
quantique de la lumière, dont l'un des intérêts renvoie
à l'articulation de la théorie ondulatoire et de la
théorie des particules) que Planck peut rendre compte des
différents phénomènes.
Après la mise en évidence de la contradiction
inhérente à la conjecture (ci-dessous
énoncée), 174 acceptent la démonstration du
caractère aporétique et 151 ne perçoivent toujours pas la
contradiction intrinsèque et restent avec leur croyance.
Nous validions ainsi les deux hypothèses suivantes :
1 « La connaissance humaine est subjective » est
une représentation communément partagée en occident.
2 Tout sujet, activant cette représentation, est
incapable, en première lecture, de percevoir le problème logique
de la conjecture de Weber.
3 La représentation sociale résiste à la
démonstration jusqu'à l'accusation d'imposture.
3. La contradiction aporétique de la conjecture
de Weber
La conjecture de Weber se heurte à un problème
logique insurmontable.
D'une part « Toute
connaissance de la réalité culturelle est
toujours une connaissance à partir de point de vue
spécifiquement particulier » est une assertion universelle
inconditionnelle. En effet par l'adverbe « toute »
aucune connaissance de la réalité culturelle n'échappe
à la subjectivité des points de vue. L'adverbe « toujours
» renforce cette universalité quantitative par une
universalité temporelle.
D'autre part appliquons cette assertion à
elle-même.
Cet énoncé est une connaissance humaine. Cette
connaissance est donc émise à partir d'un point de vue
particulier. Elle n'est donc pas universelle.
En conséquence cette affirmation universelle n'est pas
universelle.
On peut en conclure en toute logique que la conjecture de
Weber n'est donc qu'une vision de la connaissance à partir d'un point de
vue. Cependant à partir de l'expérience ci-dessus décrite,
un tel défaut de logique n'est pas perçu par les sujets. La
croyance fait donc partie d'une représentation sociale et renvoie
à un jugement d'évidence concernant un très grand nombre
d'énoncés de connaissance qui ne sont que des avis concernant un
événement ou un objet. C'est le propre des débats
où s'échangent des opinions dans l'espérance qu'un
croisement d'opinons apporte une objectivité plus grande.
L'énoncé logique qui rendrait compte de la
réalité serait le suivant : la grande majorité des
connaissances dépendent du point de vue de leur auteur. Autrement
dit : il est possible de trouver en sciences humaines, au moins une
connaissance qui ne dépende pas du point de vue de son auteur.
Le rapport subjectivité / objectivité en
sciences humaines
Approfondir la question concernant le rapport dialectique
subjectivité/objectivité de la connaissance en sciences humaines,
importe non seulement au regard du statut à accorder aux travaux de ces
sciences, mais aussi parce que la réponse à cette question
détermine de nombreux rapports sociaux et la résolution de
problèmes importants, économiques, sociaux et
politiques6.
6 Nous retrouvons l'a priori de subjectivité
d'une part chez les auteurs qui affirment l'impossibilité structurelle
à l'acte de connaissance de se dégager de ses
représentations pour accéder à l'objet sans le biaiser,
d'autre part chez les auteurs qui pensent que la complexité de l'objet
dépasse la puissance de la connaissance, et enfin chez les auteurs qui
pensent que l'acte de connaître transforme l'objet.
La position anti-positiviste s'exprime de la façon
suivante : « toute description du monde étant toujours issue de
la projection des subjectivités de ses auteurs, il est impossible
d'atteindre à l'objectivité sans être régi par un
désir de toute puissance »(Dosse, 1995).
Les adjectifs « toute » et «
impossible », tout comme l'adverbe « toujours
», tendent à faire de cet énoncé une loi
universelle. Ils libèrent l'énoncé du point de vue de son
auteur. En toute logique, si on applique l'affirmation de Fr. Dosse à
son énoncé, l'énoncé est impossible car il porte la
marque de la certitude universelle et donc de l'objectivité. Si on
applique la logique à l'auteur, il révèlerait
explicitement son désir de toute puissance, ce que nous nous refusons
à croire.
1. L'objectivité d'une connaissance dépend
des conditions de sa construction
Comment un tel énoncé est-il possible ? A part
l'assujettissement à une croyance, l'hypothèse la plus plausible
serait que le cheminement de la connaissance objective n'est pas connu. Ce
cheminement consisterait, contrairement aux productions spontanées de la
pensée sociale, dans le contrôle de l'émission d'une
connaissance. Ce contrôle aurait la fonction d'éliminer la
subjectivité en recherchant une adéquation entre ce qu'elle
observe et ce qu'elle décrit, dans le seul but de connaître et non
de dominer. Au moyen de tout un ensemble de méthodes possédant
leur propre système de contrôle ayant pour objectif
d'éliminer la subjectivité (méthode d'observation
instrumentée, calculs statistiques, lectures critiques et
croisées par des experts possédant d'autres méthodes
d'observation), la connaissance se définit comme la création de
modélisations7 de la réalité : création
qui permet de décrire cette réalité avec exactitude, et de
l'expliquer en établissant ses lois de fonctionnement. C'est
l'accomplissement de ces deux fonctions qui rend alors possible
l'anticipation8 des événements et des attitudes
possibles. A la différence de Weber et de Dosse l'objectif n'est donc
pas de décrire les phénomènes du monde mais de
découvrir les lois qui le régissent.
En tant que chercheur, nous avons voulu sortir de l'interdit
posé par Weber, pour tenter de montrer à quelles conditions une
connaissance objective est possible9 en sciences humaines.
Condition 1 : l'utilisation de
la raison et de la méthode expérimentale.
7
Ce ne sont pas les opérations d'abstraction soi, de
modélisation, transformant une réalité objectale en une
réalité nominale, qui par essence ôtent
l'objectivité à la connaissance ainsi produite. Ce sont les
erreurs de des opérations d'abstraction (ensemble d'opérations
d'observation, de description et d'opérations logiques) qui biaisent la
représentation et la subjectivisent. L'objectivité n'est pas
seulement le fait de la raison (comme le pensent les rationalistes et leurs
opposants), mais aussi le produit des opérations d'observation et de
description des lois. Afin d'approfondir ces notions on peut approfondir lls
oeuvres de. Chalmers, 1988, Beauvois, 1990, Dosse, 1995, Matalon, 1996, Michit
1998).
8
La force d'anticipation d'un énoncé et donc son
utilité sociale n'est pas la caractéristique première
d'une connaissance objective. Une anticipation d'événements peut
provenir d'énoncés faux ou de représentations inexactes
(Beauvois,1990). « Le soleil tourne autour de la terre »
anticipe le fait qu'il se lèvera toujours demain à l'orient.
« Il fera beau demain parce que les hirondelles volent au ras de la
surface de l'étang ». Il est possible que demain il fasse beau.
9 Nous tenons encore à préciser qu'il ne faut pas
confondre «Objectivité d'une connaissance» et
«Déterminisme»
ou «Objectivisme». Le principe d'incertitude,
permettant d'anticiper les formes de la créativité
comportementale et réduisant le champ des possibles
(objectivité), signifie un choix de décision pour tout acteur
entre un nombre fini de possibles (non déterminisme).
Weber et ceux qui sur ce point sont en accord avec sa
conjecture, pensent que le point de vue agit sur le chercheur de façon
inconsciente et structure une mentalité qui donne du sens et produit
dés lors un incontournable biais subjectif.
Le phénomène n'est pas méconnu en
sciences de la nature. En effet, les biais cognitifs liés aux
représentations sociales ont pu être constatés tout au long
de leur histoire. Ces biais apparaissent toujours lorsque les
phénomènes sont observés et décrits mais que la
découverte de la loi qui les régit n'est pas finalisée.
Mais l'histoire nous enseigne comment, à l'aide de
l'accroissement des connaissances, de la méthode expérimentale et
des outils mathématiques, la formalisation de la loi apparaissant, les
scientifiques se dégagent de la pression des croyances pour approcher de
l'objectivité : En astronomie on peut citer Copernic, Kepler,
Galilée, en sciences physiques Galilée, Newton, Planck, Einstein,
en chimie Mendeleïev en biologie, en médecine Pasteur, Flemming, en
Science du langage, Brandsford etc. Il apparaît alors que le lieu de
l'objectivité se trouve dans la découverte et la formalisation de
lois universelles à l'aide de la raison et de son principe de
contradiction (Descartes).
Condition 2 : La connaissance du
principe directeur a priori d'une connaissance (le point de vue) peut corriger
la subjectivité des énoncés du chercheur.
Cette deuxième condition met en évidence qu'il
est possible de se dégager de l'emprise d'une représentation
sociale dans une démarche scientifique (première condition)
lorsque le chercheur connaît la structure de son système de
pensée sociale.
Le premier travail pour un chercheur consiste donc à
mettre en évidence les éléments de ses propres
représentation sociales : croyances, systèmes de valeurs et
système de représentation a priori (même ceux qui sont
à prétention scientifique).
Ce travail est possible car tout un ensemble de recherches
montre que les systèmes de valeurs ou de croyances sont des
représentations sociales analysables à l'aide de plusieurs
modèles structurels. Le plus répandu stipule que toute
représentation sociale est organisée autour d'un noyau central
donnant le sens à tous les concepts périphériques de la
représentation (Flament, 1989). Il est associé à toute une
batterie de méthodes permettant d'en connaître les
éléments (Moliner, 1994).
Les travaux sur les idéologies (Deconchy, 1989,)
montrent les mécanismes de production de ces formes particulières
de représentations sociales. En particulier le modèle des a
priori fondamentaux à l'origine de toutes les représentations
sociales (Michit, Comon 1999) expose comment toute idéologie ou
système de croyances résulte au moins de la combinaison de cinq a
priori fondamentaux qui ne peuvent prendre chacun que trois positions logiques.
Ces fondements a priori à toute connaissance fonctionnent selon les lois
de la rationalité (logicomathématique ou modale),
l'identification de leur contribution à toute production de connaissance
permet de se libérer de leurs biais présent dans
l'interprétation des observations.
Ces deux conditions fondent l'hypothèse selon laquelle
la conjecture de Weber marque une carence de son référentiel
scientifique. Cependant un nouvel obstacle s'élève pour s'opposer
à l'objectivité des sciences humaines. Il s'agit du statut
même de l'objet de ces sciences qui interdirait l'atteinte de
l'objectivité. Ainsi nombre d'auteurs (Gibbens,1994, Boutinet, 1996,
Enriquez1998, Dejours 1998, Paturet,1998,) formule cette hypothèse de
façon différente en précisant qu' «atteindre
l'objectivité en sciences humaines est impossible de par la nature de
son objet d'étude » et non à cause du fonctionnement de la
connaissance (présupposé de Weber).
2. De l'objectivation de l'objet d'étude.
Poser que l'humain dans ses relations avec les autres et son
environnement est objectivable et prévisible, rencontre une
réaction de rejet. Cependant mettre par exemple un groupe de personnes
en situation de résolution de problèmes fait apparaître
immanquablement les mêmes phénomènes de communications
spontanées sans aucune exception : appropriation par les sujets,
interprétations, pré-jugements évaluatifs et conseils de
résolution et de bonnes pratiques avant même d'avoir pris
connaissance avec précision de la teneur du problème
exposé.
A ce titre donc, tout sujet est soumis a minima aux lois de la
communication spontanée (Michit, 2001), elles-mêmes régies
par la logique naturelle et les phénomènes de la pensée
sociale (Moscovici, 1961, Guimelli, 1999). Les connaître permet
d'anticiper les comportements des personnes avec certitude, tout en gardant
intact la force d'émerveillement du chercheur admirant à chaque
fois la régularité d'apparition de ces attitudes. Les
expériences de conduite de groupes composés de différents
sujets l'attestent.
La différence principale entre les sciences de la
nature et les sciences humaines réside donc dans la
caractéristique de leur objet l'une s'occuperait d'un objet
indépendant de conscience et de décision, alors que la seconde
s'intéresse à un objet doté de liberté qui
transcenderait toute loi. Supposant que la liberté serait de ce fait
imprévisible, il est important d'éprouver cet a priori et de se
poser la question : «En quoi la connaissance en sciences humaines
serait-elle différente de la connaissance en sciences de la
nature?»10 .
Or, comme pour les phénomènes de la
lumière (ondulatoire/corpusculaire) -qui ont longtemps mis en
échec les théories physiques -on se retrouve en science des
hommes et des organisations en présence de deux ensembles de
phénomènes difficilement conciliables.
On constate aussi bien des phénomènes dans
lesquels les humains sont agis par des conditions externes à leur
volonté que des phénomènes dans lesquels la
créativité étonne et déjoue les prédictions.
La différence structurelle de ces deux ensembles de
phénomènes conduit à concevoir deux objets d'étude
dont les caractéristiques sont radicalement contradictoires. Ces deux
objets séparent les chercheurs en deux grands courants relatifs à
l'étude du sujet humain social.
Les premiers le considèrent comme un sujet social agi
par son environnement et son histoire (Marx, Durkheim, Crozier, Bourdieu...),
Les travaux mettant en évidence les déterminants
psychosociologiques des comportements humains sont menés du point de vue
de la pathologie, de l'apprentissage, de la cognition et de la mémoire,
et du point de vue de la dynamique des comportements en société
et de la pensée sociale. Cet ensemble de travaux montre que le sujet
humain est un sujet agi11 qui se croit acteur et qui s'en persuade
comme le montrent notamment les études
10 In «Une théorie scientifique de la
culture», Bronislaw MALINOWSKI, 1968, Paris, Maspéro, p.12. La
question est d'autant plus légitime que les questions que posent les
phénomènes de la physiques des particules divisent la
communauté scientifique sur les caractéristiques de l'objet
« matière ». 11 La notion d'agi ne renvoie pas
à la notion de victime, mais bien à celle d'être
dirigé pas des forces ou soumis à des lois incontournables.
sur la norme d'internalité (Beauvois et Joule ? 1981).
L'approche Freudienne articule la créativité imprévisible
à l'émergence incontrôlable des pulsions ou de
l'inconscient qui sont conçues comme des déterminations psychique
et/ou sociale.
Cependant, aux courants admettant une détermination
s'opposent ceux qui perçoivent dans l'humain un irréductible
imprévisible. Ces courants peuvent se rassembler sous les fondements de
la théorie la liberté et de l'action (Descartes1637, Ficthe
(1798), Rousseau(1762), Blondel (1893), Mendel,(1998) Comme sujet acteur libre,
l'humain est imprévisible à cause de la créativité
inhérente à son intelligence qui le rend stratège et
inventif ou à l'émergence de son désir qui s'explicite
dans toutes les formes de l'art.
Pour ces courants, essentiellement philosophique, il est
impossible d'anticiper les comportements de l'humain qui viendrait toujours
surprendre les compréhensions et les anticipations projetées
à l'aide des déterminants individuels et sociaux. Il est à
noter qu'aucune expérience systématique n'a été
conduite pour démontrer cette caractéristique. La théorie
des jeux et ses développements l'admet implicitement.
La défense de cette caractéristique
irréductible reste donc basée sur des constations empiriques et
sur la nécessité a priori de ne pas réduire les personnes
à des objets dans un projet social ou politique.
Toutefois, à considérer les procédures
expérimentales ou les études réalisées en sciences
de l'homme et des organisations, toutes utilisent les statistiques pour valider
leurs résultats. Que nous enseigne cette méthode commune
d'analyse des données observées ? En plus de nous assurer que les
découvertes des interrelations entre les phénomènes et
variables manipulées ne sont que des corrélations, cette
méthode élimine l'analyse des phénomènes
résiduels. Si ces phénomènes ne sont pas pris en compte
sont-ils la conséquence de lois non identifiées ou pas prises en
compte par l'expérience ou bien sont-ils l'expression de la
liberté irréductible de l'humain. Nous aurions là les
bribes de la manifestation de l'irréductible humain sortant du champ de
l'observation scientifique.
L'incertitude de l'attribution causale des
phénomènes résiduels rend impossible la réduction
de la tension entre les deux caractéristiques du sujet humain
(déterminé et libre). La théorique de la complexité
tente une percée (Morin 1984). Cependant une autre voie semble possible,
celle de la découverte de lois structurelles traversant tous les
phénomènes de l'humain individuel et social.
Les humains sont prévisibles de par les lois qui
les structurent.
Pour trouver la cause des phénomènes
résiduels présents dans la multitude des expériences ou
études à propos des phénomènes
étudiés par les méthodes statistiques, nous avons
formulé l'hypothèse suivante :
Les actes humains sont prévisibles non du fait de leurs
déterminations culturelles et de leurs environnements mais à
cause des lois les structurant.
. Les expériences réalisées pour
l'éprouver ont révélé la présence de lois
universelles gouvernant ces phénomènes.
Résolution de problème et lois de
communication
Le premier ensemble d'expériences
consiste, chez des individus réunis dans un groupe, à
activer leur système de traitement rationnel pour comprendre une
situation afin d'apporter des modifications susceptibles d'en réduire
les dysfonctionnements.
Les expériences se sont déroulées aussi
bien dans le cadre de formations continues que dans l'aide immédiate
à la résolution de problèmes en entreprise
Quels que soit les sujets de l'expérience et les lieux,
la consigne invite à résoudre des problèmes réels.
Les résultats de cette première partie de
l'expériences, stimulant le traitement rationnel créatif
(brainstorming par exemple) devaient manifester, selon toute
probabilité, une activité d'innovation. En fait dans toutes les
situations de problèmes impliquant des relations entre acteurs, les
sujets ne mettent jamais en oeuvre de façon spontanée les
fonctions cognitives qui leur permettraient d'être créateurs
imprévisibles : ils pensent et agissent selon les lois de la
communication spontanée. Ils s'approprient, en fonction de leur
expérience, les éléments de la situation
étudiée, ils les interprètent en se positionnant en centre
de vérité.
La poursuite de l'expérience, consiste à
dégager les sujets de l'emprise des lois de la communication
spontanée par l'activation des lois de la communication productive. Pour
atteindre cet objectif le premier temps consiste à mettre en
évidence les lois qui les ont dirigé dans les interrelations
communicationnelles. Puis, il s'agit de doter les sujets des méthodes
(l'explicitation des processus décisionnels) respectant les lois de la
construction d'un message et de son décodage par l'émetteur.
Enfin, il s'agit de les doter des techniques d'analyse de situations et de
décryptage des lois d'une situation en caractérisant les
relations entre les éléments simples déterminés par
les statuts de chaque élément simple au regard des autres.
(Michit, 2001).
Les résultats montrent que si le groupe utilise les
lois de la communication spontanée, pour résoudre des
problèmes où des acteurs sont en cause alors, il produit toujours
de la soumission à un compromis par les phénomènes de
polarisation. Ces phénomènes ne se produisent pas dans le cas de
résolution de problèmes déterminés uniquement par
des lois de la nature (création d'un objet ou découverte d'un
système de régulation ou d'une loi de la nature).
Si le groupe utilise les lois de la communication productive,
alors il se trouve nécessairement en situation de collaboration et
trouve une solution innovante sans soumission à un compromis
polarisé et porté par une partie du groupe.
Seul Quatre objectifs régissent les univers de
relations
La seconde expérience consiste -en
situation de formation comme en situation de gestion de conflits -de
prévoir toutes les actions-réactions que les individus peuvent
activer. Les résultats (relatifs à 100 situations
observées) mettent en évidence que seules quatre réactions
sont possibles: la mise en situation de production, la recherche du maximum
d'intérêt (en particulier les manifestations de défense
d'identité), la recherche d'échange d'être et la protection
des autres.
De cet observation, il est possible d'identifier la loi des
univers de relation de la façon suivante : seuls quatre objectifs de
relation peuvent être choisis par les personnes humaines quels que soient
leur culture et leur statut.
L'analyse des caractéristiques des conditions pour
respecter chacun de ces objectifs (règles de communication et prise en
compte de l'autre) conduit à tirer une autre loi corollaire : il est
impossible qu'un humain puisse être à la fois dans deux univers
différents. Il peut cependant passer de l'un à l'autre
rapidement.
Si on prend en compte que le partenaire d'une relation ne
révèle pas nécessairement avec précision son
objectif de relation, alors on est conduit à établir le principe
d'incertitude des relations humaines. Ce principe stipule qu'il est impossible
de connaître avec certitude et l'objectif de relation et la
stabilité de la dynamique du système des quatre objectifs
présents en chaque individu.
Ce principe réduit l'incertitude des actions humaines
à quatre réactions. De ce fait, la gestion des relations des
relations à quatre types de stratégies correspondantes au respect
des règles propres à chaque univers définis par les
objectifs de relation.
Caractériser un principe d'incertitude propre aux actions
humaines est capital car cela permet de construire les sciences humaines comme
les sciences de la nature lorsqu'elles rendent compte et maîtrisent les
phénomènes de l'infiniment petit déterminés par
l'incertitude énoncée par Heisenberg.
La loi d'action
La troisième expérience met en évidence que
quelle que soit l'action qu'un individu active au près d'un autre
partenaire en relation à un même objet alors obligatoirement il en
active dans le même temps cinq autres au minimum. Soit deux
professionnels dont le but est de réaliser un produit, lorsque le
premier interpelle le deuxième. Ce faisant, il utilise un moyen
(interpeller est un choix de moyen) et l'interpelle dans un but particulier (la
décision de but est multiple). S'il l'interpelle c'est à propos
d'un objet et dans le but de mieux le réaliser ou d'établir une
relation la mieux appropriée (décision de perfection). Le moyen
de cette réussite passe par une évaluation de l'état
d'avancée de l'objet (il réalise une
évaluation/observation). En réalisant tout cela, dans le
même temps, il poursuit un objectif pour lui-même et pour atteindre
cet objectif le concernant, il met en oeuvre un moyen (ce but et ce moyen sont
spécifique à l'acteur).
Afin d'éprouver la loi d'actions, il a été
conduit des entretiens d'explicitation des actions de professionnels en
situation de collaboration auprès de collaborateurs en situation de
parité et auprès de professionnels en position
hiérarchique différente (manager/collaborateur/équipe).
Aucune situation analysée ne présente un écart avec cette
loi d'actions. On constate que la condition « 6 actions concomitantes
» est rare. On observe généralement aux moins huit actions
concomitantes. En effet, les situations professionnelles présentent
généralement des actions vis à vis de l'équipe de
travail et des actions relatives à l'outil de travail en plus.
Ces trois expériences montrent que le sujet humain n'est
pas imprévisible. Il est soumis à des lois universelles qui
permettent de prévoir ses réactions. La nature de l'objet
d'étude (l'homme créatif, désirant, passionné et
intelligent) ne constitue donc pas une spécificité suffisante
pour établir une différence de nature entre les sciences de la
nature et les sciences humaines. Il nous faut interroger les méthodes
d'investigations pour découvrir o se loge la différence s'il en
existe.
Les méthodes d'investigation et les modèles
théoriques ne sont pas adaptés à l'objet d'étude
Au regard de l'histoire des sciences, nous formulons
l'hypothèse que « l'imprévisibilité des actions
humaines » relève d'une carence des méthodes d'analyse aussi
bien des techniques d'intervention sur l'objet à connaître que des
modèles théoriques spécifiques aux sciences de l'homme et
des organisations.
L'histoire des sciences de la nature montre que les
avancées scientifiques se réalisent par des changements tant au
niveau des méthodes d'observation qu'au niveau des modèles de
représentation.
Les ruptures opérées par Kepler, Copernic,
Galilée, Newton, Einstein, Heisenberg, Planck pour n'en citer que
quelques unes s'appuient sur ces deux modes de connaissances (le concept et les
techniques d'expérimentation). La science accède à une
connaissance plus proche du réel par des outils d'observation
adaptés à l'objet que le chercheur observe. C'est ainsi que la
connaissance parvient à se dégager des apparences et des
représentations sociales en place en utilisant des
référents théoriques, des modèles de
représentations et des outils d'observation adaptés à la
structure de l'objet. Les sciences de la nature sont passées d'une
soumission au bon vouloir imprédictible de variables cachées
(Dieu, Eléménts, Ether...) à une compréhension des
lois structurant la matière et la vie. C'est la découverte des
lois qui permet les anticipations précises même des
phénomènes perçus comme aléatoires
(interférence lumineuses, dynamique des fluides et des gaz,
électromagnétique et réaction nucléaire).
Ce parcours de la connaissance en science de la matière
nous conduit à poser l'hypothèse selon laquelle les conjectures
d'imprévisibilité en sciences humaines relèvent du
même mouvement. Autrement dit, si les maîtres des sciences humaines
trouvent que leurs productions sont assujetties à leur
subjectivité (Weber) ou à la subjectivité de l'objet
d'étude ( Morin et la théorie de la complexité), alors
leurs théories et leurs outils d'observation sont inappropriés.
Pour éprouver cette hypothèse et
démontrer que les conclusions de ces maîtres -stipulant que la
connaissance des phénomènes humains ne peut être que
singulière et que des lois générales en ce domaine ne
peuvent être qu'abstraites-sont exactes uniquement dans un
environnement cognitif particulier, nous a conduit à construire une
méthodologie d'analyse et une modélisation.12
Procédure expérimentale
Afin de valider ce corpus méthodologique et
théorique, nous avons conduit des expériences dans lesquelles les
comportements humains en situation d'activités sociales en milieu
naturel (relations interindividuelles ou intergroupes) étaient
anticipés, décrits avec précision et consignés par
écrit.
Sujets et composition des groupes
Ces expériences mettaient en jeu deux groupes de sujets
: des animateurs de réunion auxquels on donnait les
éléments théoriques et méthodologiques permettant
d'analyser les conditions initiales d'une situation donnée et dont ils
devaient prédire les événements qui
Développer un corpus de connaissances qui rendait
caduque les fondements théoriques et les méthodes d'analyse
classiques en sciences humaines est une tentative qui a déjà
été jugée de scientiste par certains mais sans qu'en soit
apportée une réfutation rationnelle détachée de l'a
priori fondateur. L'argumentation identique à toute argumentation
idéologique est la suivante : comme l'humain est libre et sujet de
désirs imprévisibles, il est donc imprévisible. C'est la
remise en cause la plus radicale de ce qui est une fonction première de
l'homo sapiens (celle de connaître) comme de celle de l'homo habilis
(celle d'être capable de construit des outils au service de sa
connaissance ou de ses besoins). Ici le besoin serait de connaître les
comportements futurs d'un individu ou d'un groupe. On voit par l'interdit de
cette connaissance, un interdit antique concernant l'interdit de dominer son
prochain. Mais il ne faudrait pas confondre l'aspect éthique de la
connaissance acquise avec la capacité à connaître. Ce n'est
pas parce qu'une connaissance est dangereuse et inductrice de manipulations
moralement dommageables que sa possibilité n'existe pas.
allaient se produire et conduire les événements
en fonction de leur prédiction. Ces sujets recevaient ces
éléments au cours d'une formation de 36h.
L'autre groupe de sujets agissait dans des situations
similaires sans avoir reçu les apports théoriques et
méthodologiques.
.Dans chacun des groupes étudiés la composition
des participants était la suivante :
Un animateur formé versus un animateur non formé
Des participants en accord avec l'objectif de production.
Des participants en maximum d'intérêt remettant
en cause soit l'objectif de la réunion, soit l'intégrité
des intentions de l'animateur.
Types de situation
Deux ensembles de phénomènes ont fait l'objet
d'observations : d'une part les situations de groupes de résolution de
problèmes dans le monde professionnels, d'autre part les situations
d'enseignant face à une classe difficile : soit en tout 230 situations
Résultats
Les résultats de ces expériences montrent que
les sujets formés ont anticipé l'atteinte de leur objectif
à 98% avec l'identification des stratégies à mettre en
oeuvre pour arriver à leur fin. Les écarts avec les
prévisions des sujets (4,35% = 5 situations sur les 115) sont survenus
lorsque les sujets avaient omis de suivre la procédure d'anticipation
avec rigueur.
Les sujets ne possédant pas ces apports
théorique et méthodologique ont anticipé les
événements pouvant survenir à 74,78% (86 situations sur
les 115). A la différence des premiers, sur ces prédictions
justes, 50% se déroulaient avec la certitude que les acteurs
n'atteindraient pas les objectifs fixés par la situation de travail.
Autrement dit dans 43 situations les acteurs n'étaient pas les
animateurs de leur réunion, ils étaient submergé par les
éléments parasites. 50% des prévisions étaient
exprimées avec une espérance forte d'atteindre leur objectif mais
sans savoir avec certitude sur la manière dont le travail de groupe
allait se dérouler. Ces acteurs se trouvaient dans une situation
d'incertitude face aux événements à venir,
déterminés à leurs yeux par des événements
extérieurs imprévisibles et donc pour eux non maîtrisable.
Si on ajoute les 29 erreurs de prévisions aux 43 incertitudes on se
retrouve avec 72 situations sans anticipation sûre soit 62,6%
d'incertitude.
Exemples de situation expérimentale
Exemple 1.
Un chef de service rassemble ses 7 chefs d'équipe
concernant la réorganisation du service pour une opération de
maintenance impliquant une totale disponibilité des employés avec
une impossibilité de réalisé des remplacements
générant des heures supplémentaires impliquant un
coût très élevé pour l'entreprise. Donc cet interdit
de remplacement pour la période induit une perte pour les
salariés.
Dans le groupe, le Chef de service est formé, un
participant est en rejet de la proposition et accuse d'intention cachée
et malveillante l'animateur, un est en situation de protection du chef, cinq
sont en production. Résultat l'ensemble du groupe bascule en production
et trouve une solution efficace.
Exemple 2
Une équipe de cadre de direction veut faire travailler
leurs chefs d'équipe au sujet de la question de l'évaluation de
leur compétence. Une réunion est organisée.
L'animateur de réunion ne maîtrise pas les
éléments théorique et méthodologique.
Les présents à la réunion : 7 chefs
d'équipe dont deux sont en rejet de la proposition et cinq sans avis. Le
groupe se retrouver à rejeter en bloc la proposition.
Eléments théoriques proposés
Chaque acteur est organisé dans son identité
psychosociale selon quatre dimensions définissant sa compétence
d'interaction (les facteurs de position sociale, de
système de valeurs, de système de
connaissance et de Potentiel d'action)
Toutes les interactions sont déterminées par les
4 objectifs de relation possibles : Production, Echange
d'identité, Protection,Maximum d'intérêt.
Les objectifs de relation structurels sont déterminés par
les statuts des personnes. Cependant les acteurs par décision peuvent
mettre en oeuvre un autre objectif de relation que celui-ci.
Il existe donc un principe d'incertitude stipulant
qu'il est impossible de connaître a priori sans explicitation, l'objectif
de relation d'un acteur.
Le modèle de l'identité psychosociale
Position sociale Système de valeurs
· Statut
· Les cinq a priori fondamentaux
Rôle
· Les idéologies
· Groupe d'appartenance
· Les représentations sociales d'objets
Sociaux
Univers de relation
Ressources
Place dans l'espace et le temps
Système de connaissances
Potentiel d'action
Trois espaces de décisions en acte :
· L'identification stable des "objets"
Récupération d'énergie/
production/acceptation
· Puissance d'abstraction de
l'altérité
Pour chacun une compétence en fonction de la
· Les logiques de raisonnement
force du processus décisionnel déterminé
par 6 maîtrisés et leurs représentations.
Les outils de représentations
facteurs (perception/discernement des
importants/hiérarchisation/choix de moyens ajustés/ mise dans le
temps/ dépassement des obstacle et capacité d'apprentissage
Eléments méthodologiques proposés.
Première méthode : explicitation des
récits et des processus décisionnels
Tout récit énoncé entre des participants
à un groupe de travail est à interroger au niveau de sa
construction en demandant une explicitation s'appuyant sur un exemple concret,
suivi si nécessaire d'une explicitation des actions et décisions
mises en oeuvre par la personne dans l'exemple concret qu'elle énonce.
Deuxième méthode : la
schématisation en triades
Lors d'une résolution, tout problème sera
schématisé par un ensemble de triades composées de trois
éléments simples (acteurs, objets, outils). Ces
éléments simples sont reliés chacun par deux relations
structurelles. Les relations structurelles sont déterminées par
le statut de ces éléments simples. Les écarts entre les
relations structurelles et les relations réelles (relations mises en
oeuvre concrètement dans la situation exposée) constituent les
lieux problématiques. La causalité se découvre par
l'analyse de l'identité psychosociale des éléments.
Cette première schématisation permet
d'identifier l'état initial du système. La vérification
des états initiaux des acteurs se vérifie lors des
premières itérations communicationnelles.
Conclusion :
L'affirmation d'un aléatoire imprévisible en
sciences humaines est une croyance fondée d'une part sur l'a priori du
sujet acteur transcendantal libre de toute loi imposant une
impossibilité au chercheur de se libérer de son point de vue,
d'autre part sur l'utilisation de méthodes et de modèles
d'analyse insuffisamment appropriés à l'objet d'étude.
Or le modèle de l'identité psychosociale, celui
des lois des univers de relation, le principe d'incertitude associé aux
deux méthodologies : l'explicitation des processus décisionnels
et la schématisation en triades donnent la possibilité de
conclure que :
1 Dans un système d'acteurs en interaction, les objectifs
de relation sont définis dans l'état initial.
2 L'évolution du système se déroule selon
l'objectif de relation initial si l'animateur du système connaît
les lois des systèmes humains et possède les compétences
pour les utiliser.
3 L'évolution du système se déroule de
façon aléatoire avec une tendance à la recherche du
Maximum d'intérêt des participants si l'animateur ne connaît
pas les lois et ne sait pas les utiliser.
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Annexe :
Weber Max (1904),
L'objectivité de la connaissance dans les sciences
et la politique sociales,
Traduction française, Freund J. (1965)In
Essais sur la théorie de la science, Paris ,
Plon,Extrait de la page 179.
Dans les cas des phénomènes complexes de
l'économie, "toutes les "lois dites économiques" y étant
comprises sans exception, il ne s'agit jamais de relations "légales au
sens étroit des sciences exactes de la nature, mais de connexions
causales adéquates exprimées dans des règles, donc de
l'application de la catégorie de "possibilité objective".
Quant à savoir si cela a un sens de mettre sous
forme de "loi" une régularité familière de connexions
causales observées dans la vie quotidienne, c'est une question
d'opportunité dans chaque cas particulier. Pour les sciences exactes de
la nature, les lois sont d'autant plus importantes et précieuses
qu'elles ont une validité plus générale, tandis que pour
la connaissance des conditions concrètes de phénomènes
historiques les lois les plus générales sont
régulièrement celles qui ont le moins de valeur parce qu'elles
sont le plus vides en contenu (inhaltleersten).
En effet , plus la validité, c'est-à-dire
l'extension d'un concept générique, est large, plus aussi il nous
éloigne de la richesse de la réalité, puisque pour
embrasser ce qu'il y a de commun au plus grand nombre de
phénomènes, il doit être le plus abstrait possible, donc
pauvre en contenu. Dans les science de la culture, la connaissance du
général n'a jamais de prix pour elle-même.
La conclusion découlant de ces explications est la
suivante : une étude "objective" des événements culturels,
dans le sens où le but idéal du travail scientifique devrait
consister en une réduction de la réalité empirique
à des lois, n'a aucun sens. Elle n'en a pas [...] parce qu'il [...]
n'est pas possible de concevoir une connaissance des événements
culturels autrement qu'en se fondant sur la signification que la
réalité de la vie possède à nos yeux dans certaines
relations singulières.
Aucune loi ne nous révèle en quels sens et
dans quelles conditions il en est ainsi, puisque cela se décide en vertu
des idées de valeurs sous lesquelles nous considérons chaque fois
la "culture" dans les cas particuliers.
Il en résulte que toute connaissance de la
réalité culturelle est toujours une connaissance à partir
de points de vue spécifiquement particuliers.