Université de Lille 3 - IUT B Tourcoing
Département Carrières Sociales
35 rue Sainte Barbe - BP 70460 - 59208 Tourcoing cedex
DE NOS RÉFÉRENCES COMMUNES
À NOS DIFFÉRENCES CULTURELLES
Immigrés / Français : dans
quelles mesures pouvons-nous partager des références d'un
pays comme la France, sans gommer nos différences culturelles
d'origine ?
Mémoire présenté pour l'obtention du
Diplôme Universitaire Technologique
Carrières Sociales, option animation sociale et socio
culturelle.
Emmanuelle DÉCRÉAU
Sous la direction de Pierre SACÉPÉ
Mai 2008
TABLE DES MATIÈRES
PRÉAMBULE 5
INTRODUCTION
7
PREMIÈRE PARTIE :
L'IMMIGRATION DANS L'HISTOIRE DE FRANCE :
NÉCESSITÉS ÉCONOMIQUES ?
10
I. L'IMMIGRATION
DURANT LA DEUXIÈME MOITIÉ DU XIXème
SIÈCLE : c'est à cette période
que les premières études sur les flux migratoires vers la
France sont réalisées ; on s'aperçoit que les
immigrés européens sont majoritaires.
11
II. L'IMMIGRATION
AU XXème SIÈCLE : vers un changement des flux
migratoires.
12
II. L'IMMIGRATION
AUJOURD'HUI : les Africains deviennent les plus nombreux à venir en
France mais leur acceptation sur le sol français est soumise
à des contraintes de plus en plus spécifiques.
14
DEUXIÈME PARTIE :
MULTICULTURALISME / INTERCULTURALISME : DEUX
NOTIONS OPPOSÉES ?
17
I. LE
MULTICULTURALISME : des interprétations différentes
selon les pays.
18
I.1. Définition
générale
18
I.2. Des dates clés pour les
minorités ethniques en France
20
I.3. Les limites du
multiculturalisme
21
I.4. Communauté et
« communautarisme »
21
II.
L'INTERCULTURALISME : une notion typiquement
française.
22
II.1. Définition
générale
22
II.2. Une notion qui reste à
structurer
23
II.3. Ethnocentrisme et
interculturalisme
24
TROISIÈME PARTIE :
DIFFÉRENCES CULTURELLES ET RECHERCHES
IDENTITAIRE : COMMENT BIEN VIVRE SA DIFFÉRENCE ?
25
I.
DIFFÉRENCES ET CATÉGORISATION ETHNIQUE :
dès l'enfance, l'être humain est capable de comprendre que
les choses qui l'entourent sont marquées par des
différences.
26
II.
L'AUTO-CATÉGORISATION ETHNIQUE : c'est à partir de
5 ans seulement que l'enfant s'intègre à un groupe
social.
27
III. LA
SIGNIFICATION ÉMOTIONNELLE AU GROUPE D'APPARTENANCE : les jugements
de valeurs que l'être humain porte sur les groupes culturels
dépendent de son expérience.
28
IV. UNE
CONSTRUCTION D'IDENTITÉ CONFLICTUELLE : l'immigré doit
intégrer la culture du pays d'accueil (alors qu'il possède
déjà sa propre culture).
29
QUATRIÈME PARTIE :
LES DIFFÉRENTS MODES DE SOCIALISATION :
QUELLES PRISES EN COMPTE DES DIFFÉRENCES CULTURELLES SONT
NÉCESSAIRES (OU POSSIBLES) PAR LES INSTANCES DE
SOCIALISATION ?
31
I. LE TRAVAIL :
la discrimination positive semble être l'axe privilégié
des entreprises.
32
II.
L'ÉCOLE :
34
diversité des courants et des
pratiques.
34
III. LA
FAMILLE : convergences et divergences entre deux
cultures.
38
IV. A
PROPOS DU MONDE ASSOCIATIF : plusieurs
façons d'aborder les différences culturelles selon les
associations
42
IV.1. Des associations aux objectifs
interculturels
42
IV.2. D'autres associations où il
existe de fait un multiculturalisme
45
SYNTHÈSE PERSONNELLE
50
BIBLIOGRAPHIE
53
GLOSSAIRE
55
ANNEXES :
Annexe 1 : Charte de
la diversité dans l'entreprise
59
Annexe 2 : Guide pour
une éducation multiculturelle
63
Annexe 3 :
Photographies d'Olivier Culmann
66
Annexe 4 : Brochure
de l'AFEC
67
Annexe 5 :
Modalités des formations de l'AFEC
69
Annexe 6 : Projet
éducatif d'Etudes ET Chantiers
71
Annexe 7 : Jeu
interculturel « l'albatros »
75
PRÉAMBULE
Le mémoire ci-après a été
réalisé dans le cadre d'un travail de fin d'études en DUT
Carrières Sociales, option Animation Sociale et Socioculturelle. Il est
le résultat de recherches et d'une réflexion sur plusieurs mois,
d'octobre 2007 à mai 2008.
Ce mémoire comporte des qualités et des
défauts qui ont été soulevé lors de la soutenance,
vendredi 13 juin 2008. Agréable vendredi 13 !
Ce préambule se veut justement être le reflet de
ma soutenance. Je souhaite en effet retracer ici les critiques de mon travail
pour que vous compreniez au mieux le sujet traité : de nos
références communes à nos différences culturelles.
C'est l'occasion aussi de vous expliquer pourquoi j'ai souhaité rendre
public ce travail. Enfin, je souhaite ici faire des remerciements à tous
ceux qui m'ont soutenu.
Pour parler de la gestion de la diversité culturelle,
j'ai voulu éclaircir deux concepts principaux : le
multiculturalisme et l'interculturalisme. J'ai supposé qu'ils
s'opposaient et les ai ainsi présenté en opposition : l'un
comme un mal, l'autre comme un bien. Pour Emmanuel Jovelin (sociologue et
professeur à l'Université Catholique de Lille) présent
lors de ma soutenance, il s'agit là d'un défaut que font beaucoup
d'auteurs. J'ai peut-être interprété les termes. Pour lui,
le multiculturalisme et l'interculturalisme sont complémentaires. Je
vous propose donc de lire mon mémoire en ayant à l'esprit cette
critique.
Par ailleurs, il manque à mon travail des entretiens.
Mon sujet traite d'un point de vue psychologique les difficultés des
immigrés à cumuler deux cultures. Rapporter les paroles des
personnes dont je parle aurait permis de justifier ce que je théorise.
Et n'est-ce pas le rôle même des travailleurs sociaux que
d'écouter son public pour mieux le comprendre ?
Seules ont été corrigées dans cette
dernière version les fautes d'orthographe qui me sautaient encore aux
yeux. Les sources sont, quant à elles, plus détaillées.
C'est mon caractère militant qui m'a conduit à
vouloir rendre public mon travail... de manière gratuite, pour
être le plus lu possible. Mon but est de permettre à chacun de
comprendre la diversité culturelle et d'avoir un rapport à
l'autre plus serein. C'est sans doute un peu utopique, mais si je suscite au
moins votre intérêt par cet écrit, ma
« mission » est accomplie, pourvu que vous continuiez
à vous intéresser à la problématique que je pose en
faisant vos propres expériences, vos propres recherches, votre propre
mémoire.
Je voudrais remercier Pierre Sacépé qui m'a
réellement permis de m'épanouir au cours des deux années
à l'IUT. Je voudrais aussi le remercier d'avoir fait de ma soutenance un
très bon moment de formation (les deux professionnels choisis m'ont bien
« mijoter »).
Je voudrais aussi remercier mes amis, mon copain et ma maman
venus me soutenir lors de cette épreuve.
Enfin, merci à mes deux parents pour leurs corrections
et leur réflexion sur le travail fait au cours de ces derniers mois.
Merci à vous !
INTRODUCTION
Depuis 3 ans, je milite auprès des Sans Papiers. A mon
arrivée dans le Nord-Pas de Calais, je suis allée aux
manifestations organisées par le Collectif des Sans Papiers de Lille
(CSP 591(*)) chaque mercredi
puis aux réunions, ce qui m'a permis de faire la connaissance de
quelques immigrés qui, bien vite, sont devenus mes amis. Nos nombreuses
discussions m'ont permis de comprendre, en partie, comment ils se sentaient
« intégrés » en France.
L'un de mes amis sans-papiers m'a invitée dans sa
famille, en Algérie, l'été dernier. J'ai fait de nombreux
voyages et étais déjà allée plusieurs fois dans le
Maghreb mais plutôt de manière touristique. Cette fois, j'ai
vécu dans une famille kabyle, j'ai dû réellement m'adapter
à leur culture et au niveau de vie de la population du pays. Durant mon
séjour, j'ai été confrontée à
l'autorité du père de famille qui me considérait comme
l'une de ses filles. Il m'a interdit de sortir comme je le souhaitais, y
compris pour faire des visites. Je n'avais pas le droit de boire d'alcool non
plus. Ce sont les enfants de la famille qui m'ont défendue,
prétextant que j'étais française et non habituée
à leurs coutumes. J'ai ainsi pu aller voir la maison de Lounes Mathoub,
ancien leader d'un mouvement révolutionnaire en Kabylie. Tous les
enfants de la famille m'y ont accompagnée, frères et soeurs,
alors qu'ils n'étaient jamais sortis ensemble (les garçons de la
famille ne sortent pas avec les filles). Et les garçons m'ont permis de
boire de la bière en cachette... La maison dans laquelle j'ai
habité est assez modeste : pas de douche, juste un robinet d'eau
qui sert à la fois pour la cuisine et la douche ; de petites
chambres où d'un côté dorment les filles, de l'autre, les
garçons... Avec cette expérience, j'ai mieux compris pourquoi
beaucoup d'algériens ont immigré et immigrent toujours en France.
(Mais attention, je suis loin de considérer que cette image d'une
famille kabyle est le reflet de toutes les familles kabyles).
J'ai, d'autre part, depuis 2 ans, un ami Guadeloupéen
d'origine indienne. Celui-ci est en France métropolitaine depuis 4 ans.
Il m'a souvent dit « se sentir mal accepté en
France », « estimer que les personnes typées
« Indien » n'étaient pas reconnues car trop
minoritaires sur le sol français », contrairement aux
maghrébins. La dernière fois que nous nous sommes vus, il se
demandait s'il ne devait pas entamer une thérapie psychologique à
force de se poser des questions sur lui-même et sur son rapport aux
autres.
Ces différents évènements m'ont permis
d'élaborer ma problématique. Je cherchais à comprendre
comment concilier culture d'origine et culture française.
Puis j'ai formulé la question de mon mémoire de
la manière suivante :
Immigrés / Français : dans
quelles mesures pouvons-nous partager des références d'un pays
comme la France, sans gommer nos différences culturelles d'origine
?
Ma problématique formule une opposition :
immigrés / Français. Je suis bien consciente que certains
immigrés ont pu acquérir la nationalité française
et sont donc devenus français mais mon but est de faire une
différence entre les immigrés nés sur un sol
étranger avec les Français nés en France. Je n'ai pas
trouvé de termes plus appropriés que ceux que je mentionne ici
pour faire cette distinction. Plus loin, dans mon propos, je définirai
également la distinction qu'il faut faire entre
« immigré » et
« étranger »2(*).
J'ai choisi de ne traiter que le cas de la France car c'est
à travers ce pays, qui est le mien, que j'ai eu une réelle
approche des immigrés. Vous trouverez cependant dans mes propos des
comparaisons entre la situation française et celles d'autres pays. Si je
me suis sentie dans l'obligation de parler de ces autres pays, ce n'est que
pour mieux expliquer certains concepts.
Ma définition de la culture trouve son sens dans ce
qu'en dit l'Unesco3(*):
« La culture, dans son sens le plus large, est
considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et
matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une
société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les
lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les
systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. Chaque
société possède sa propre culture et admet, en son sein,
des cultures différentes. Il existe donc une multitude de cultures qui
se rencontrent, s'opposent, se mélangent et, finalement, se
transforment. »
La France, en tant qu'entité sociale, a une culture
propre. Immigrés et Français partageons donc des
références au sein de cette culture française : nous
vivons sur un même territoire et sommes donc dans l'obligation de
respecter des lois, ce qui implique que nous avons chacun des droits et des
devoirs. Pour certains, nous partageons aussi une langue commune qui est le
français, un même rythme de vie, des goûts artistiques...
Les immigrés, s'ils veulent être reconnus dans
cette culture, ont la nécessité d'apprendre ce qui en fait son
entité alors que les Français nés en France, l'ont
intégrée dès leur enfance. On peut donc supposer qu'ils
sont plus à même de la comprendre ou qu'ils ne ressentent pas le
besoin de se questionner dessus.
C'est en cherchant à trouver des éléments
de réponse à ma problématique que je me suis
aperçue que le « multiculturalisme » et
l' « interculturalisme » sont des notions
nécessaires à l'approfondissement de ma réflexion.
Après être revenue sur l'histoire de l'immigration, je
définirai ces deux notions.
La suite du développement cherche à donner des
éléments de réponse tant psychologique, sociologique et
politique sur le sujet traité.
Dans la dernière partie, je donnerai mon avis personnel
quant à l'ensemble du travail effectué dans le cadre de ce
mémoire.
PREMIÈRE
PARTIE :
L'IMMIGRATION DANS L'HISTOIRE DE FRANCE
:
NÉCESSITÉS ÉCONOMIQUES ?
Si une grande partie des immigrés sont venus en France
pour des raisons d'ordre économique, il est intéressant de se
demander si les politiques visant à leur
« intégration » n'ont pas été
influencées à leur tour par la toute puissance de
l'économie. L'éventualité d'un retour dans le pays
d'origine ou au contraire la nécessité d'une cohésion
entre immigrés et Français a souvent joué sur la
manière de penser des politiques.
Le fait que des individus viennent en France pour trouver du
travail ou fuir un régime autoritaire prouve que les immigrés
n'ont pas réellement choisi leur situation. Dans ce cas, immigrer, c'est
avant tout une manière de survivre. Si la volonté de venir en
France n'est pas là, comment demander aux immigrés de s'adapter
au pays ?
I L'IMMIGRATION DURANT LA
DEUXIÈME MOITIÉ DU XIXème SIÈCLE :
c'est à cette période que les
premières études sur les flux migratoires vers la France sont
réalisées ; on s'aperçoit que les immigrés
européens sont majoritaires.
La mesure du nombre d'immigrés en France est toujours
très difficile à effectuer. Selon les paramètres pris en
compte et la définition donnée au terme
« immigré », les chiffres diffèrent
sensiblement. Les chiffres présentés tout le long des trois
parties qui suivent sont ceux figurant sur le site internet :
mondialisme.org4(*).
L'immigré est celui qui est né à l'étranger et qui
est venu en France. Il a pu acquérir la nationalité
française. Alors qu'un étranger est quelqu'un qui vit en France
avec un passeport d'un autre pays.
Chaque pays a connu, selon les périodes, une
immigration, plus ou moins intense (le déplacement des populations a
toujours existé).
En France, c'est lors du recensement de 1851 que les
étrangers sont pris en compte pour la première fois dans la
population française. Ils représentent 1 % sur les
36 millions d'habitants. En 1911, ils sont 3 %. Les migrants viennent
surtout de Belgique, d'Italie et d'Espagne.
L'époque est caractérisée par la
révolution industrielle. L'essor du machinisme permet à chacun de
trouver du travail. Alors que la fécondité des familles
françaises a fortement chuté ces dernières
années5(*), les
immigrés sont les bienvenus.
II. II L'IMMIGRATION AU
XXème SIÈCLE : vers un changement des flux migratoires.
Dès 1914, l'armée française fait venir
des Africains du nord (ceux-ci sont à l'époque Français)
pour qu'ils combattent aux côtés des Français de la
métropole. Plus l'armée est nombreuse, plus elle est forte.
Après la première guerre mondiale, le pays est
sinistré, tant sur le plan matériel qu'humain. Les
frontières sont laissées ouvertes pour compenser le
déficit démographique. Ce sont majoritairement des Polonais
(environ 600 000), des Espagnols (environ 500 000) et des Italiens
qui rejoignent le sol français. Le pourcentage d'immigrés en
France passe de 3 à 6,6 % pour l'année 1918.
En mai 1924 est créée la Société
Générale d'Immigration, elle a pour but de recruter les
travailleurs dans leur pays d'origine.
Durant cette période, on recense aussi des
Arméniens, des Juifs d'Europe centrale et des Roumains, des Russes ainsi
que des Polonais fuyant le régime de Staline.
En 1929, une crise économique mondiale éclate.
Se prolifèrent des idées xénophobes6(*). Les immigrés sont
malvenus. Mais dès 1936, le Front Populaire7(*) favorise à nouveau une
immigration forte.
Lors de la seconde guerre mondiale, le pouvoir français
reproduit le même schéma : des convois d'étrangers
s'organisent, ces derniers sont obligés de venir en France sous la
contrainte. Mais lorsque la France perd la guerre, les Nord-Africains, et
notamment les Algériens, s'aperçoivent qu'ils peuvent
résister à la domination coloniale. Les intellectuels retournent
dans leur pays pour y contester la France.
Les frontières restent cependant ouvertes. La France a
besoin d'une main-d'oeuvre capable de reconstruire le pays, les tâches
les plus ingrates sont alors confiées aux immigrés. La France a
aussi besoin d'intellectuels capables de penser l'avenir.
Sous l'influence de De Gaulle, l'Office National de
l'Immigration sera créé le 2 novembre 1945. « Pour que
la France ne soit pas une lumière qui s'éteint, il faut une
immigration utile » soutiendra-t-il alors.
Les immigrés auraient construit 90 % des autoroutes
français et un logement sur deux depuis la fin de la guerre
jusqu'à aujourd'hui. L'époque est prospère, il n'y a
quasiment pas de chômage.
Avec la fin des Trente Glorieuses, le prix de l'énergie
augmente, le travail se fait de plus en plus rare. Après la
décision de fermer les frontières en 1974, ce sont les
regroupements familiaux8(*)--qui permettent aux immigrés de faire venir en
France, sous certaines conditions, les membres de leurs familles proches --et,
dans une moindre mesure, les demandeurs d'asile9(*) qui constituent les principales raisons de
l'immigration.
Pour Valery Giscard d'Estaing10(*), ceux qui ont aidé à la reconstruction
de la France doivent être reconnus, ceux qui ne font qu'arriver en France
n'ont pas à y venir.
Puisque le pays entre dans une phase de chômage accrue,
les immigrés sont pointés du doigt. On les taxe d'envahisseurs,
certains soutiennent qu'ils prennent le travail des Français.
III L'IMMIGRATION AUJOURD'HUI
: les Africains deviennent les plus nombreux à venir en France mais
leur acceptation sur le sol français est soumise à des
contraintes de plus en plus spécifiques.
Le pourcentage d'immigrés ces 30 dernières
années n'a guère évolué : aujourd'hui, les
immigrés représenteraient 7,4 % de la population
française.
Les immigrés d'origine non européenne sont
majoritairement les Algériens (600 000), les Marocains (600 000),
les Tunisiens (200 000), les Turcs (200 000) et les personnes venant des
différents Etats d'Afrique centrale (150 000).
Les immigrés d'origine européenne sont
majoritairement les Portugais (600 000), les Italiens (200 000) et les
Espagnols (200 000).
Si l'on comptabilise donc tous ces immigrés, les
« non européens » représenteraient environ 55
% et les Européens 45 % de l'immigration. Depuis 1990, la tendance a
donc changé: désormais ce sont les
« non-européens » qui sont majoritaires.
A ces immigrés, il faut ajouter ceux qui sont
Français de naissance mais qui viennent des Départements et
Territoire d'Outre Mer (DOM-TOM11(*)) : Guadeloupe, Martinique, Polynésie,
Nouvelle-Calédonie.
Pour que les immigrés ne soient pas trop nombreux sur
le territoire français, des conditions s'imposent à leur venue.
Les contraintes d'acquisition d'un titre de séjour ou de la
nationalité française se multiplient.
Un titre de séjour permet de rester en France plus de 3
mois. Le titre de séjour doit être demandé dans les deux
mois à compter de la date d'entrée en France. Au-delà de
ce délai, l'immigré est en situation irrégulière et
encoure des sanctions. Pour autant, l'immigré en situation
irrégulière a la possibilité de constituer un dossier pour
demander un titre de séjour.
Différents titres de séjour existent, ils
diffèrent selon le pays et la situation personnelle et familiale de
l'individu. De manière simplifiée, voici donc une liste des
différents titres de séjours possibles :
- une autorisation provisoire de séjour excédant
rarement 6 mois, renouvelable.
- un titre de séjour mention
« retraité » ou une carte de séjour
« retraité ».
- une carte de séjour temporaire ou un certificat de
résident d'un an renouvelable portant des mentions
« salarié », « visiteur »,
« étudiant »... selon les cas.
- une carte de séjour « compétences et
talents » pour une durée de 3 ans renouvelable.
Elle peut être accordée à ceux qui sont
susceptibles de participer « de façon significative et durable
au développement économique ou au rayonnement, notamment
intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la
France » 12(*).
- une carte de résidence de 10 ans, renouvelable de
plein droit.
Un titre de séjour ne donne pas forcément le
droit de travailler. Il ne donne pas non plus le droit de voter ; seule
l'obtention de la nationalité française le permet. Enfin, la
possession d'un titre de séjour long ne permet pas d'acquérir
systématiquement la nationalité française. Pour obtenir la
nationalité française, il faut en faire la demande et justifier
alors de son intégration dans le pays. Le fait, pour les
immigrés, d'être marié avec une Française depuis au
moins 4 ans, donne plus de chance à l'acceptation d'une demande.
Les lois des 24 juillet 2006 et 20 novembre 2007, ont
instauré un contrat d'accueil et d'intégration pour tous les
nouveaux arrivants étrangers en France13(*). Par ce contrat, les personnes concernées sont
obligées de suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est
établi, linguistique. La formation civique comporte une
présentation des institutions françaises et des valeurs de la
République, notamment l'égalité entre les hommes et les
femmes et la laïcité. La formation linguistique est
sanctionnée par un titre ou un diplôme reconnu par l'Etat. Ces
formations sont dispensées gratuitement. Elles durent deux mois au plus,
au terme desquels l'individu fait l'objet d'une nouvelle évaluation.
Ça n'est qu'après, si l'évaluation est positive, que le
titre de séjour ou la nationalité française est
délivré.
Par ailleurs, le recours aux tests génétiques
pour établir l'état civil est désormais possible. La loi
du 20 novembre 2007 donne en effet la possibilité aux services de l'Etat
d'effectuer à titre expérimental, soit jusqu'au 31
décembre 2009, des tests génétiques afin de s'assurer de
l'identité d'une personne.
Après avoir étudié l'histoire de
l'immigration, j'ai voulu savoir comment la diversité des populations en
France est prise en compte. Pour cela, j'ai étudié deux concepts
principaux : le multiculturalisme et l'interculturalisme dont on
retrouvera leur application dans les instances de socialisation
(quatrième partie de mon mémoire).
DEUXIÈME
PARTIE :
MULTICULTURALISME / INTERCULTURALISME :
DEUX
NOTIONS OPPOSÉES ?
Il existe aujourd'hui deux modèles communément
reconnus de gestion de la diversité culturelle : le modèle
multiculturel anglo-saxon, qui donne la possibilité à tout
individu d'appartenir à une communauté autre que celle de
l'Etat-Nation ; et l'orientation interculturelle, d'inspiration francophone,
qui n'a pas encore donné lieu à des prises de position
officielles et stabilisées, ni en politique, ni en éducation,
mais qui n'en présente pas moins une alternative forte face au courant
multiculturel.
I LE
MULTICULTURALISME : des interprétations différentes selon
les pays.
I.1. Définition
générale
Pour certains, le terme multiculturalisme n'a qu'une valeur de
constat. Il désigne la coexistence de différentes cultures au
sein d'un même ensemble (au sein d'un pays par exemple).
« L'adjectif est recensé pour la
première fois dans la langue anglaise en 1941 où il
désigne une société cosmopolite, composée
d'individus sans préjugés ni attaches pour qui les nationalistes
d'antan ne signifient plus rien » (Lacorne14(*), 1997).
Pour d'autres, la notion est plus complexe et tous ne
s'accordent pas sur son origine : le multiculturalisme, en tant que concept,
semble être apparu aux États-Unis dans les années 1960
lorsque les hommes politiques ont commencé à se soucier des
problèmes que pouvaient poser les différentes vagues
d'immigration au sein du pays, politique migratoire alors
caractérisée par l'idéologie du melting-pot15(*). Mais, en 1970, le
multiculturalisme désigne aussi en Australie et au Canada les politiques
publiques dont le but est de valoriser la diversité culturelle.
De manière générale, il est reconnu que
le multiculturalisme à « l'américaine »
repose sur les valeurs suivantes : la liberté de chacun et
l'égalité de tous. En m'aidant du livre Le
multiculturalisme de Milena Doytcheva16(*), je me suis rendu compte que celui-ci repose sur un
certain nombre de principes et de postulats :
- La priorité donnée au groupe d'appartenance :
l'individu est vu comme faisant partie d'un groupe et c'est l'identité
groupale qui prime sur l'identité singulière.
- Le multiculturalisme donne une vision
« mosaïque » de la société, chaque
groupe étant une composante de cette mosaïque. Chaque groupe est
par ailleurs supposé homogène. Les groupes sont
officialisés, identifiés, catégorisés,
classés voire hiérarchisés de manière implicite ou
explicite en fonction d'une norme.
- Une spatialisation des différences. Celle-ci se
traduit par exemple par la création de quartiers ethniques avec leurs
dérives dans la formation de ghettos.
- Le multiculturalisme crée autant d'espaces publics
spécifiques qu'il y a de différences.
- L'expression des différences dans l'espace publique.
Chaque institution (écoles, maison de quartiers...) doit reproduire les
différences culturelles et les rendre sociologiquement visibles.
- Une juridiction spécifique et complexe qui garantit
les droits de chacun. La reconnaissance juridique des minorités
(ethniques, sexuelles, religieuses, etc.) implique des droits : politique de
quotas, discrimination positive17(*).
En France, c'est dans les années 1975 que l'on commence
à parler de multiculturalisme, lorsque Valery Giscard d'Estaing met en
place des dispositifs pour renvoyer certaines catégories
d'immigrés dans leur pays d'origine (primes de départ) et
tente par ailleurs de permettre à la population qui reste sur le
territoire de se sentir « intégrée ».
De manière générale en Europe, le terme
multiculturalisme est aujourd'hui utilisé lorsque l'on parle des
minorités considérées comme ayant pour devoir de
s'intégrer. En France, le multiculturalisme est souvent associé
au communautarisme18(*)
pour cette raison.
I.2. Des dates clés pour
les minorités ethniques en France
En 1961, l'Assemblée parlementaire propose un protocole
additionnel à la Convention Européenne des droits de l'homme en
vue de garantir aux minorités nationales des droits plus étendus,
mais la proposition n'aboutit pas.
En 1966, l'Organisation des Nations Unis (ONU19(*)) se réunit et signe
cette fois le Pacte International relatif aux droits civil et politique : selon
l'article 27, les personnes appartenant à des
« minorités ethniques, religieuses ou linguistiques [...] ne
peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres
membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de
pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre
langue ».
En 1992, l'ONU se réunit à nouveau et signe
cette fois la Déclaration des droits des personnes appartenant à
des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.
Elle souligne que la réalisation des droits des personnes appartenant
à des minorités fait partie intégrante de
l'évolution de la société démocratique et instigue
aux Etats, en plus du respect des libertés individuelles, la protection
de « l'identité nationale ou ethnique, culturelle,
religieuse ou linguistique des minorités, sur leurs territoires
respectifs » ainsi que l'instauration de « conditions
propres à promouvoir cette identité » (art. 1).
Un an plus tard, la Conseil de l'Europe20(*) va plus loin et adopte la
Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Elle
souligne en préambule qu' « une société
pluraliste et véritablement démocratique doit non seulement
respecter l'identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse...
mais également créer des conditions propres à permettre
d'exprimer, de préserver et de développer cette identité
». Les États signataires sont appelés en conséquence
à prendre des mesures spéciales dans les domaines de la langue,
de l'éducation, de l'action sociale et des médias.
I.3. Les limites du
multiculturalisme
En France, le modèle multiculturel n'est pas assez
abouti pour tirer des conclusions probantes. Mais on peut dire que
l'application du multiculturalisme aux Etats-Unis semble ne pas avoir permis
une meilleure cohésion sociale. Les conflits ethniques par exemple
existent toujours. On notera donc des limites au concept multiculturel, des
contradictions et des échecs :
- toute catégorisation groupale induit une
frontière. Dès lors que l'individu ne suit pas la norme de son
groupe, le risque d'exclusion est important.
- le discours multiculturel peut aussi conduire à
relancer un débat raciste puisque chacun se referme sur son groupe.
- et puisque chacun se referme sur son groupe, la
mobilité sociale est réduite. La question des
inégalités n'est pas résolue, alors que c'était au
nom de l'égalité des chances qu'a été
pensée, élaborée et mise en place la reconnaissance de la
différence.
- par ailleurs, l'individu qui n'est plus reconnu comme tel
mais comme faisant partie d'un groupe, développe une forme de
dépendance et de déresponsabilisation21(*).
I.4. Communauté et
« communautarisme »
En France, les politiques liées au multiculturalisme
sont souvent vu comme du « communautarisme », puisque
s'appuyant sur les communautés minoritaires. Les définitions de
communauté et « communautarisme »
présentées ci-dessous ne sont que des ébauches car les
termes suscitent actuellement de fortes controverses.
Sur le plan scientifique, sociologues et anthropologues
oscillent entre deux définitions objective et subjective de la
communauté, selon qu'ils examinent la densité du lien social
(objective, mesurable par exemple par la fréquence des rencontres) ou
les sentiments d'appartenance subjectifs, d'identification des individus au
groupe (par exemple l'usage du pronom personnel « nous »).
De manière générale, la
communauté a un sens positif : elle désigne des
personnes ayant un patrimoine commun. La délimitation d'une
communauté n'est pas stricte. C'est pourquoi, Julien Landfried,
directeur de l'Observatoire du communautarisme22(*) tend à démontrer qu'en
réalité les communautés n'existent pas en soit.
Le mot « communautarisme », lui, a
généralement une connotation négative.
« Le terme «communautarisme» est
utilisé, surtout en langue française (depuis les années
1980), pour désigner avec une intention critique [...] toute
autocentration de groupe, impliquant une autovalorisation et une tendance
à la fermeture sur soi, dans un contexte culturel dit
«postmoderne» où l'«ouverture», et plus
particulièrement l'«ouverture à l'autre», est fortement
valorisée ... » (
Pierre-André
Taguieff23(*))
II
L'INTERCULTURALISME : une notion typiquement française.
II.1. Définition
générale
Depuis les « philosophes des
lumières » jusqu'à aujourd'hui, le multiculturalisme
est critiqué en France. Nombreux sont ceux qui ont cherché une
alternative au multiculturalisme. C'est en partie de là qu'est né
l'interculturalisme.
En France, le terme « interculturalisme »
date des années 1975 (rappelons-le : c'est la période
où Valery Giscard d'Estaing est au gouvernement) lorsque des enseignants
se sont interrogés sur l'accueil des enfants et jeunes immigrés.
Son champ d'application s'est ensuite très rapidement étendu aux
diverses situations de dysfonctionnement et de crise liés aux questions
migratoires.
Dans son sens premier, l'interculturalisme désigne
l'interaction entre des personnes qui appartiennent à des groupes
culturels différents (ouvriers/ cadres, rappeurs/ rockers...). Le
préfixe « inter » qui signifie
« entre » traduit à la fois la liaison et la
séparation des cultures.
Le fait que l'interculturel ait été
associé presque exclusivement au phénomène migratoire l'a
fortement connoté dans le sens culture française/ culture
étrangère.
En France, c'est principalement dans la sphère
privée que les différences culturelles s'expriment. L'espace
public met en valeur ce qu'il y a de commun entre les individus, les citoyens.
Par ailleurs, le droit français ne prend pas en compte la notion de
minorité.
Enfin, on peut dire qu'au travers de l'interculturalisme,
l'individu n'est plus seulement le produit de sa culture, il en est l'acteur.
II.2. Une notion qui reste
à structurer
- La terminologie du mot est mal stabilisée. C'est
pourquoi l'on confond le multiculturel et l'interculturel. Ainsi, si le
« multi-culturel » s'arrête au niveau de constat
comme certains le soutiennent, il n'y a aucun doute sur le fait que
l'interculturel procède d'une démarche.
- L'interculturalisme ne se réfère presque
qu'exclusivement à l'immigration. C'est donc un terme qui reste
marginalisé, oublié par les autres lieux où coexistent
différentes cultures.
- Les actions interculturelles sont souvent réduites
à des manifestations de type cours de cuisine, artisanat, danses,
fêtes... folklorisant ainsi les cultures, les figeant aussi dans le
temps. Certains parlent de « pédagogie couscous ».
- L'interculturalisme renvoie à une relation entre moi
et autrui. Mais connaître autrui nécessite de communiquer avec
lui, l'objectif est donc d'apprendre la rencontre et non pas sa culture... ce
qui n'est pas si évident.
II.3. Ethnocentrisme et
interculturalisme
L'ethnocentrisme est « une vue des choses selon
laquelle notre propre groupe est le centre de toute chose, tous les autres
groupes étant mesurés et évalués par rapport
à lui... chaque groupe nourrit sa propre fierté et vanité,
se targue d'être supérieur, exalte ses divinités et
considère avec mépris les étrangers. Chaque groupe pense
que ses propres coutumes (folkways) sont les seules bonnes et s'il observe que
d'autres groupes ont d'autres coutumes, celles-ci provoquent son dédain.
(...) L'ethnocentrisme conduit un peuple à exagérer et à
renforcer tout ce qui dans ses coutumes est particulier et le
différencie des autres. Il renforce par conséquent les
coutumes » (William Graham Summer24(*), 1906 in Le travail social face à
l'interculturalité, édition l'Harmattan, 2006, 341
pages).
L'ethnocentrisme est un phénomène normal
constitutif de tout groupe humain. Il assure une fonction de
préservation positive de l'existence du groupe. C'est un
mécanisme de défense du groupe vis-à-vis de
l'extérieur. Dans le cadre d'une véritable
interculturalité, il est nécessaire (puisque sans ethnocentrisme,
les immigrés seraient conduits à avoir une attitude
d'assimilation de la culture française). Reste que poussé
à l'extrême, l'ethnocentrisme est l'une des principales limites
à l'interculturalisme. Tenir une position de patriote exacerbé
conduit en effet à dévaloriser les autres et à ne pas
respecter leur culture.
TROISIÈME
PARTIE :
DIFFÉRENCES CULTURELLES ET RECHERCHES
IDENTITAIRE :
COMMENT BIEN VIVRE SA DIFFÉRENCE ?
Pour parler des différences culturelles, il faut
d'abord s'approprier sa propre culture.
L'interculturalisme cherche à répondre à
deux antagonismes : ne pas oublier sa culture d'origine et aller vers la
culture de l'autre. De l'enfance à l'âge adulte, l'homme sera
toujours confronté à cette problématique. Mais comment
parviendra-t-il à trouver un équilibre nécessaire pour
lui-même et pour la vie en collectivité ? C'est à
partir de l'analyse de Pascal Pansu et Claude Louche25(*) développée tout
au long de cette partie que j'essaierai de répondre à cette
question.
I DIFFÉRENCES ET
CATÉGORISATION ETHNIQUE : dès l'enfance, l'être humain
est capable de comprendre que les choses qui l'entourent sont marquées
par des différences.
Entre 3 et 4 ans, l'enfant juge un dessin très
différent d'un autre à partir du moment où il comporte un
grand nombre de différences. Après 4/5 ans, la
différenciation s'affine. De même, les enfants comprennent qu'il
existe des différences entre humains.
L'enfant sait distinguer deux hommes dont la couleur de peau
n'est pas la même. A 3 ans, un pourcentage important d'enfants (entre 50
% et 75 %) peut identifier et classifier les personnes à partir de
termes ethniques dichotomiques (noir ou blanc). Vers 5 ans, la plupart des
enfants (80 % à 90 %) font cette classification sans erreur.
II
L'AUTO-CATÉGORISATION ETHNIQUE : c'est à partir de 5 ans
seulement que l'enfant s'intègre à un groupe social.
Les enfants utilisent les termes « nous »
et « eux » pour montrer que les uns sont inclus dans leur
groupe d'appartenance et les autres, en sont exclus.
Le premier critère qui définit la
présence de l'auto-identification est la description de soi à
l'aide d'un attribut ethnique (« je suis noir et j'ai les cheveux
crépus... »).
Le deuxième critère est l'expression de la
différence par rapport aux membres d'autres groupes («... il est
blanc et il a les yeux bleus »).
Enfin, le troisième critère est la permanence,
l'enfant se demande ce qui dans le temps continuera à le
différencier d'un autre (« je suis noir et je vais le
rester »).
Le processus d'auto-catégorisation semble important car
il pose les prémices d'un conflit cognitif chez les enfants de groupes
dominés. Les études de Clark et Clark26(*) ont montré par exemple,
qu'un tiers d'enfants africains interrogés choisissent une poupée
blanche pour répondre à la question : « Peux-tu me
donner la poupée qui te ressemble le plus ? ». Ces
résultats suggéreraient que « les enfants noirs sont
(...) plus conscients que les enfants blancs des différences raciales et
de leur signification ».
L'auto-catégorisation ethnique semble donc être
déterminée par la position relative de dominance que les groupes
occupent dans les sociétés. Les enfants des groupes dominants se
catégorisent plus facilement dans leurs groupes que les enfants des
groupes dominés.
III LA SIGNIFICATION
ÉMOTIONNELLE AU GROUPE D'APPARTENANCE : les jugements de valeurs que
l'être humain porte sur les groupes culturels dépendent de son
expérience.
La critique de la différence résiderait en une
dimension émotionnelle. Cette dimension a été
mesurée par divers chercheurs en psychologie en termes de sentiments de
bien-être ou même de fierté par rapport au groupe
d'appartenance.
Lorsque l'enfant appartient à un groupe de statut
élevé dans la société, alors il a une bonne estime
de soi.
Parallèlement, l'homme se construit un avis critique en
fonction des expériences personnelles qu'il fait, des valeurs qui lui
sont transmises dans la vie quotidienne, des pressions de son environnement
socioculturel.
Cette construction se simplifie dans le temps et peut conduire
à la naissance de préjugés. Un préjugé se
forme toujours sur un stéréotype. Le stéréotype est
une image figée, de l'ordre des croyances et des simplifications de la
réalité. Le préjugé est un jugement, il correspond
à la formulation orale du stéréotype. Par exemple :
« les arabes sont fainéants ! »
« L'exposition aux stéréotypes
(raciaux) commence très tôt et persiste au long du cycle de la vie
dans tous les domaines de la société. La culture transmet les
stéréotypes raciaux aux individus par plusieurs véhicules
tels les livres d'histoire, la présentation des exo groupes par les
médias, les réseaux familiaux, les organisations communautaires
et autres interactions quotidiennes » (Opérario et
Fiske27(*))
IV UNE CONSTRUCTION
D'IDENTITÉ CONFLICTUELLE : l'immigré doit
intégrer28(*) la culture du
pays d'accueil (alors qu'il possède déjà sa propre
culture).
Pour l'immigré, intégrer une culture fait
l'objet de conflits cognitifs. D'un côté, l'immigré ressent
comme utile ou nécessaire à son intégration de se
soumettre aux traits culturels de la société d'accueil ;
d'un autre coté, il considère comme important, voire vital, de
faire en sorte de ne pas perdre sa culture d'origine. Se construire une
identité devient donc sujet à de nombreuses souffrances.
Pour Jean-Pierre POURTOIS, Benoit DEMONTY et Delphine
JOURET29(*), ces
souffrances résultent de trois concepts : la désaffiliation,
l'indisponibilité cognitive et la disqualification sociale.
· La désaffiliation : le migrant se
détache de son groupe culturel.
Elle touche d'abord la sphère familiale :
l'attachement parents-enfants est mis en péril par la migration. Les
parents dont les enfants sont nés dans le pays d'accueil ou y sont
arrivés très jeunes, peuvent éprouver des
difficultés à reconnaitre leurs enfants, à se reconnaitre
dans ceux-ci. Le sentiment de différence, de non identification peut
avoir d'importantes répercussions. Cacou30(*) (citée par Ezembé31(*), 1996) a en effet
démontré qu'il pouvait être source de violences sur les
enfants.
La violence est communément reconnue comme l'un des
mécanismes de défense des immigrés vis-à-vis d'une
société qu'ils jugent hostile. Les « révoltes
dans les banlieues » en sont un autre exemple.
La désaffiliation affecte également la
« communauté ». Les immigrés qui choisissent
de revendiquer leur culture d'origine se heurtent à ceux qui
assimilent la culture d'accueil.
· L'indisponibilité cognitive :
l'épuisement moral du migrant entraine son épuisement
intellectuel, il ne sait pas comment agir face à des situations du
quotidien.
Dans la relation parents-enfants, on remarquera que les
parents expriment un profond sentiment d'impuissance face aux comportements
négatifs de leurs enfants. Ainsi, pour des raisons économiques,
sociales ou culturelles, ils ne parviennent pas à stimuler le
développement des compétences de leurs enfants. Certains
craignent d'aborder des sujets « tabous » (les relations
sexuelles, les drogues...) de peur de précipiter l'enfant vers le
passage à l'acte.
· La disqualification sociale : le migrant perd
son statut.
Ce sont le manque de communication et de considération
qui conduisent à la disqualification sociale.
Les acteurs sociaux ne suffisent pas toujours ou connaissent
trop peu les problématiques des migrants pour répondre à
leurs attentes. Par ailleurs, les migrants ne sont pas toujours à
même de comprendre les acteurs sociaux prêts à les aider.
Dans le pays d'accueil, les enfants possèdent
généralement des compétences linguistiques
supérieures à celles de leurs parents. Ils deviennent les
interprètes familiaux et ont donc accès, parfois très
jeunes, à des préoccupations d'adultes. L'image
idéalisée du parent -en particulier du père- s'effondre.
Au contraire, le statut de l'enfant s'élève mais crée chez
lui une angoisse. L'enfant est conduit à prendre des décisions,
il en profite parfois : il teste, provoque, attend une sanction de ses
parents qui n'en donnent pas.
QUATRIÈME
PARTIE :
LES DIFFÉRENTS MODES DE
SOCIALISATION :
QUELLES PRISES EN COMPTE DES DIFFÉRENCES
CULTURELLES SONT NÉCESSAIRES (OU POSSIBLES) PAR LES INSTANCES DE
SOCIALISATION ?
Les instances de socialisation permettent un
apprentissage
progressif du
modèle culturel
de la
société
dans laquelle l'individu vit et agit. Au travers du travail, de l'école,
de la famille et des associations, les stratégies ayant pour but cet
apprentissage sont toutes différentes.
I LE TRAVAIL : la
discrimination positive semble être l'axe privilégié des
entreprises.
« Aujourd'hui, il ne fait aucun doute que ce soit
par l'emploi que l'on s'intègre vraiment dans la vie sociale »
affirme le sociologue Renaud Sainsaulieu dans son livre L'identité
au travail (1977). Le travail aurait donc une fonction
intégrative.
Selon Durkheim32(*), le rôle de la division du travail n'est pas en
premier lieu d'augmenter le rendement du travail mais de rendre effectivement
solidaire chacun des individus au sein de cette division, de faire lien,
d'assurer l'unité du corps social. L'individu est inscrit dans une
logique productive et lui donne le sentiment d'être utile. Par ailleurs,
le travail permet d'apprendre la vie avec les autres, les contraintes, les
conflits, la négociation. Enfin, être reconnu comme
« actif » permet l'obtention de droits.
Contrairement à Durkhein, le sociologue Claude
Dubar33(*) estime que le
travail conserve de moins en moins sa fonction intégrative aujourd'hui,
notamment à cause de la montée du chômage et la
libéralisation de l'économie de ces dernières
années. D'après des statistiques de l'Institut National de la
Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) en 2005, la part des
immigrés actifs au chômage est de 18 % alors que la part des non
immigrés actifs au chômage est bien moindre, soit de 9 %.
Les emplois précaires généralisés,
d'autre part, tendent à aller à l'encontre de
l'épanouissement de l'individu dans son rapport au travail. Il
s'avérerait, selon les mêmes statistiques de l'INSEE, que les
immigrés actifs cumulent davantage les Contrats à Durée
Déterminée que les non immigrés.
Les immigrés sans papiers, eux, vivent une toute autre
réalité. Les seuls postes qu'ils peuvent occuper dans le monde du
travail sont des postes non reconnus par le droit français, dit
« au noir ».
Aujourd'hui, les politiques actuelles laissent donc entendre
que le principe de discrimination positive pourrait être un atout en
France comme aux États-Unis pour permettre l'accession du travail aux
immigrés.
Matérialiser l'engagement des entreprises dans la lutte
contre les discriminations, tel est l'objectif de la Charte de la
diversité (cf. annexe 1 page 59). Créée en 2004 par Claude
Bébéar, président du conseil de surveillance d'AXA et de
Yazid Sabeg, patron de Communication & Systèmes, la charte se veut
être un outil pour encourager les entreprises à refléter
dans leur effectif les diverses composantes de la société
française, et à faire de la non discrimination et de la
diversité un axe stratégique. Lors de son lancement, le texte a
suscité l'adhésion de 33 premiers signataires. Aujourd'hui, ils
sont 1680.
En acte, la charte se traduit de différentes
manières. Depuis janvier 2005, AXA France recrute ses commerciaux selon
la méthode des CV anonymes. Au même moment, la SNCF
organisait des forums intitulés « Rendez-vous égalité
et compétences » qui ont permis à 1000 personnes issues
des quartiers populaires de trouver un emploi. Aujourd'hui, Regus recrute
volontairement des candidats de différentes origines. Au siège,
sur 60 salariés, 17 origines sont représentées. Chez
FedEx, on comptabilise 51 nationalités au sein des 1 600
salariés du centre de tri de Roissy...
Malgré ces initiatives, il reste difficile
d'évaluer le changement. Une enquête CSA-Halde,
réalisée en janvier 2008 sur 603 personnes, donne les premiers
résultats : dans les entreprises de plus de 5000 salariés
où la charte n'a pas été signée, 31 % des
salariés déclarent avoir été victimes d'au moins
une discrimination à l'emploi alors que dans celles ayant signé
la charte, ils ne sont plus que 17 %.
La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations
et pour l'Egalité (HALDE) a été créée en
mars 2005. L'institution recueille et traite les réclamations des
personnes qui s'estiment victimes de discrimination. Plus de la moitié
de ces réclamations concerne l'emploi.
En juin 2008, le ministère de l'immigration lance le
label « Diversité ». Selon l'Association Nationale
des Directeurs et Cadres de la fonction Personnel (ANDCP), à
l'initiative du projet, le but est d'inciter les entreprises à
développer leurs bonnes pratiques en matière de diversité,
par l'obtention du label, placé sous l'égide du Ministère
concerné.
Parallèlement à la discrimination positive, les
associations tentent de former à l'interculturalité au quotidien,
dans le monde de l'entreprise comme en dehors : autre forme de solution
préconisée pour permettre l'accession des immigrés au
travail. Le but est de permettre une réelle compréhension des
différences culturelles et d'enrayer les préjugés. La
formation interculturelle est donc tournée à la fois vers les
chefs d'entreprises mais aussi vers les salariés, pour que chacun trouve
au mieux sa place dans le monde du travail.
Pour les « spécialistes » de
l'interculturalité, les formations interculturelles sont essentielles
pour considérer que le travail est un lieu d'intégration. La
discrimination positive en soit n'est pas une solution, elle n'est qu'un
palliatif.
II L'ÉCOLE :
diversité des
courants et des pratiques.
L'école est, elle aussi, considérée comme
l'une des principales instances de socialisation. Le courant multiculturel et
le courant interculturel y sont diversement représentés selon les
pays.
L'expression « multiculturelle »
à l'école connaît diverses interprétations.
Il en va de la simple interrogation par les enseignants de la reconnaissance
des coutumes et traditions qui diffèrent de la norme des
élèves d'une classe par exemple, à la réelle prise
en compte des différences qu'elles soient raciales, ethniques, sexuelles
dans et par l'école.
Aux Etats-Unis :
De nombreuses formations liant études ethniques et
éducation multiculturelle sont dispensées dans les
universités (University Roosevelt de Chicago, Université
National-Louis dans l'Illinois, Université de Washington de
Seattle...)
Le rôle de l'école dans le cas d'un programme
d'éducation multiculturelle (James A. Banks34(*), 1997) est :
- de reconnaître et respecter la diversité
ethnique et culturelle,
- de promouvoir la cohésion sociale sur le principe de
la participation des groupes ethniques et culturels
- de favoriser l'égalité des chances pour tous
les individus et les groupes
- de développer et construire la société
sur l'égale dignité de tous les individus et sur l'idéal
démocratique.
Il faudra se référer au guide définissant
les grandes lignes d'un programme d'études pour l'éducation
multiculturelle, rédigé sous la direction de J. A. Banks, qui a
été adopté par le National Council for the Social Studies
(NCSS) en 1991 pour en savoir plus, celui-ci comprend 23 points (cf. annexe 2
page 63).
C'est sur la base de ces principes que la discrimination
positive est permise dans les universités américaines. Elle n'est
pas le fruit de décisions prises par les pouvoirs publics, ce sont les
autorités universitaires elles-mêmes qui en sont les acteurs. Les
étudiants noirs représentent aujourd'hui 6 à 7 % du public
des universités les plus prestigieuses (alors que la
« minorité noire » compte pour 12 % de la population
américaine). S'ils avaient été admis sur la base de leurs
seuls résultats scolaires, la proportion tomberait à 2 % - 3
%.
C'est également sur ces principes qu'il est permis dans
les écoles américaines que chacun affiche sa différence.
Les élèves sont autorisés à porter des signes qui
relèvent de leur propre groupe social, ethnique, culturel.
En France : des réponses à plusieurs
niveaux.
Une réponse spécifique aux
phénomènes des banlieues (chômage, violence...) a
été donnée par la création des Zone d'Education
Prioritaire (ZEP35(*)).
Par ailleurs, l'accès aux grandes écoles a
été ouvert à cette partie de la population qui n'y aurait
sans doute jamais eu accès : les meilleures élèves de
ZEP ont depuis 2000/2001 le droit d'y postuler, par procédure
dérogatoire. Ces derniers, contrairement à ceux sortant d'une
filière générale n'ont pas à passer de concours,
ils sont recrutés sur la seule base de leur dossier et sur entretien.
Autre problématique : le phénomène
du voile qui n'est pas seulement un phénomène religieux mais
aussi un phénomène identitaire. Dans ce cadre, l'histoire de la
laïcité36(*)
en France a joué un rôle important. La laïcité est
devenue une valeur constitutionnelle depuis 1946. Au début, les
principes de la laïcité sont assez mal suivis. La question prend un
tour polémique en 1989 lorsque, dans la région parisienne, des
jeunes filles sont exclues du collège parce qu'elles souhaitaient s'y
rendre voilées. Le gouvernement demande alors au Conseil d'Etat de dire
le droit sur ces questions. Dans son avis du 27 novembre 1989, en tenant compte
du droit international et des ressources juridiques internes (dont la loi
d'orientation pour l'école de 1989 qui consacre le principe de libre
expression des élèves), le Conseil reconnaît la
liberté des élèves de porter des signes religieux dans
l'enceinte scolaire à condition qu'ils n'affichent pas un
caractère revendicatif et que cela ne porte pas atteinte à la
mission de l'école, tant au niveau du contenu des programmes que des
obligations d'assiduité. Face à la multiplication des affaires
litigieuses, la France a décidé en 2003 d'interdire par voie
législative le port de signes religieux distinctifs à
l'école.
Entre une école où l'on renforce le culte de la
différence et une école où c'est
l'homogénéité qui prime (laïcité),
l'éducation interculturelle se présente comme
une alternative.
C'est par l'expression « activités
interculturelles » que la problématique interculturelle a
été introduite à l'école.
Dès 1973, le Conseil De la Coopération
Culturelle (CDCC), organe de gestion et d'impulsion des travaux du Conseil de
l'Europe en matière d'éducation et de culture, a fait de
l'éducation interculturelle un point fort et central de ses programmes.
· De l'apprentissage des langues
La Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires, adoptée en 1992 au Conseil de l'Europe, souligne dans son
préambule la valeur de l'interculturel et du plurilinguisme.
Désormais, l'apprentissage des langues a officiellement valeur
« interculturelle ». C'est dans cette perspective que des
classes d'initiation (CLIN) ont été instituées en France
en 1973. Celles-ci consistent à donner aux minorités ethniques
des cours de soutien en Français. L'apprentissage des langues vivantes
devient un enjeu important à l'heure où d'un point de vue
économique, le marché se mondialise. Mais, d'un point de vue
interculturel, les langues sont aussi et surtout enseignées comme un
outil répondant au souci d'altérité. La connaissance d'une
langue ne suffit pas, encore faut-il chercher à se mettre à la
place d'autrui pour le comprendre. La manière dont les langues sont
enseignées a donc une importance cruciale dans une démarche
interculturelle.
· Des échanges scolaires
Par souci d'interculturalisme, les échanges scolaires
se multiplient. Les contacts, les rencontres sont considérés
comme d'excellents moyens de lutter contre les préjugés. Ce
postulat est largement partagé par les décideurs mais rien ne
prouve que l'expérience du contact suffise à enrayer les
préjugés. Au contraire, l'expérience sert aussi à
renforcer des idées et des représentations fausses au nom du
« vécu » (« j'ai vu »,
« j'y étais »). Pour que l'expérience soit
fructueuse, les penseurs de l'interculturalisme s'accordent à dire qu'il
faut que l'échange scolaire soit précédé et/ou
accompagné d'une réflexion... Les travaux de l'Office
Franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ37(*)) vont dans ce sens, ils tentent d'inciter les
établissements scolaires et associations diverses à
réfléchir sur les tenants et les aboutissants des échanges
en proposant des formations.
· De la formation des animateurs
Le Conseil de l'Europe a mis en place en 1990 un programme
intensif de formation interculturelle à destination des animateurs de
jeunesse qui travaillent au sein d'organisations locales, régionales,
nationales et internationales : rencontrer autrui, ce n'est pas seulement
utiliser « ses mots ». Au-delà de la linguistique,
il est nécessaire de développer d'autres compétences :
aptitude à l'empathie, à la communication, à la
relation...
III LA FAMILLE :
convergences et divergences entre deux cultures.
Les cultures sont des notions dynamiques dont il est difficile
de rendre compte sans tomber dans le réductionnisme. Cependant, j'ai
cherché à comprendre ce qui pouvait différencier une
famille française d'une famille maghrébine par mes lectures et
mon expérience personnelle.
· Mariage et divorce
Selon le sociologue Jean François Dortier38(*), l'augmentation du divorce en
France rend aujourd'hui l'instance « famille » plus
fragile. La famille est donc de moins en moins vecteur de socialisation.
Auparavant, il était choquant et honteux de divorcer ; aujourd'hui,
c'est vivre avec quelqu'un que l'on n'aime plus qui devient ridicule. Le
mariage est un véritable choix.
Dans le Maghreb, comme il y a quelques années en
France, le mariage reste très codifié et parfois obligé.
Les femmes se marient très tôt, même si les dernières
générations plus instruites que les précédentes,
résistent au mariage précoce. Par ailleurs, il est encore coutume
de se marier avec des membres de sa propre famille.
· Education des enfants
Le père et la mère sont les piliers de la
structure familiale en France. Les autres personnes (voisins, enseignants...)
qui entourent l'enfant n'ont pas leur mot à dire quant à
l'éducation qu'il reçoit. Cela n'a pas toujours été
vrai.
Dans le Maghreb, l'enfant n'est pas spécifiquement sous
la contrainte de ses parents (ceux qui lui ont donné la vie), c'est
l'ensemble des personnes qui l'entourent qui ont un rôle éducatif
sur lui. « La parenté ne se réfère pas
principalement à un phénomène biologique, mais
social », « L'enfant n'est jamais la
propriété du couple, mais celle de la
communauté » explique Emmanuel Jovelin39(*).
· Statut du père et de la mère
Aujourd'hui en France, le père et la mère de
famille ont chacun un travail. La femme est devenue autonome. Le statut de
chacun a changé. Autrefois, seul le père ramenait l'argent
nécessaire pour faire vivre la famille, la mère restait au foyer
pour s'occuper des enfants.
Le père d'une famille maghrébine traditionnelle
a le même rôle. Il doit en plus surveiller l'intimité de ses
enfants et de sa femme. A ce titre, les enfants ne peuvent pas toujours
s'afficher sous les yeux de la famille avec leur petit(e) ami(e). Et dès
que l'enfant se détourne de l'autorité du père, c'est
l'honneur de la famille qui est remis en question. La mère, elle, est
vénérée en tant que mère féconde.
· Pratique religieuse
Il y a encore 50 ans en France, la pratique de la religion
catholique rythmait le cours de la vie de l'individu. Aujourd'hui, le
baptême, la communion, le mariage prennent d'autres valeurs... ils ne
constituent plus réellement des rites de passage.
La pratique de la religion islamique est encore importante
dans le Maghreb. Parfois confondue avec les traditions culturelles, la pratique
de la religion donne de grandes orientations à la vie familiale. Le
tableau ci-dessous retrace les différentes fêtes des musulmans et
chrétiens avec leur signification.
Age
|
Pratique musulmane
|
Pratique chrétienne
|
signification
|
Naissance
|
Prononciation du credo musulman
|
Le Baptême
|
M : préserver l'âme
C : entrer dans l'église
|
Entre 3 et 7 ans
|
Circoncision
|
|
M : devenir un homme
|
7 ans
|
Récitation publique de tout le coran
|
Première communion
|
|
Adolescence
|
Le premier RAMADAN
Mariage
|
Communion solennelle
|
M : adulte responsable
C : autonomie religieuse
|
Age adulte
|
Naissance
Circoncision
Mariage des enfants
|
Mariage
Puis naissance
Mariage des enfants
|
M & C: se prolonger
M : prouver sa fécondité ou sa virilité
suivant son sexe
|
Mort
|
Funérailles
|
Extrême onction
|
M & C : nouvelle naissance spirituelle
|
M : pour les Musulmans ; C : pour les
Catholiques
La colonisation des pays du Maghreb est l'un des premiers
éléments qui va bouleverser le modèle familial
maghrébin. C'est entre autre la scolarisation, scolarité à
l'occidentale, qui va susciter la transformation du modèle. Les enfants
vont commencer à remettre leur mode de vie en question en le comparant
à celui d'autres pays, celui de la France en particulier.
« L'être communautaire laisse peu à peu la place
à un être individuel et rationnel » affirment Emmanuel
Jovelin, Saïd Bouamama et Hadjila Sadsaoud40(*).
La télévision et dans une moindre mesure,
Internet, ont eux aussi contribué à faire évoluer les
mentalités au Maghreb. Les programmes étrangers
représentent 69 % des émissions télévisées
importées dans les pays arabes contre 31 % de programmes nationaux. Et
parmi les programmes importés, 32 % sont des émissions
américaines, 13 % sont françaises et 7 % anglaises.
On peut penser aujourd'hui que les images transmises
grâce à la télévision sont aussi un
élément expliquant l'immigration : elles véhiculent
le rêve d'une société meilleure, au-delà des
frontières du Maghreb. C'est d'ailleurs ce que suggère Olivier
Culmann41(*) qui a voulu
faire de la photo une oeuvre sociologique pour montrer l'impact de la
télévision sur chacun d'entre nous (cf. annexe 3 page 66).
Qu'elles soient maghrébines ou non, toutes les familles
issues des vagues d'immigration sont tiraillées par deux cultures. La
difficulté est donc de trouver un équilibre, de se forger une
nouvelle réalité, spécifique à leur situation.
Mais trouver un équilibre entre deux cultures reste un
exercice difficile. Certains préfèrent renier totalement leur
culture d'origine, d'autres la « survalorise ».
IV A PROPOS DU MONDE
ASSOCIATIF : plusieurs façons d'aborder les différences
culturelles selon les associations
Le monde associatif, lui aussi a son rôle à jouer
dans la prise en considération des différences. Voyons quelques
exemples d'associations dans le Nord-Pas de Calais qui, de près ou de
loin, connaissent la problématique de l'interculturalité.
IV.1. Des associations aux
objectifs interculturels
L'Association Formation Education Culture (AFEC) et l'Union
Nationale des Associations Régionales Etudes et Chantiers (UNAREC) sont
deux associations dont l'un des objectifs est de favoriser la communication
interculturelle.
L'AFEC :
Notons que pour la responsable chargée du pôle
« inter culturalité » à l'AFEC,
l'interculturalisme concerne « le respect et la mise en lien des
différentes cultures afin qu'elles s'enrichissent ».
Plusieurs actions allant dans ce sens sont mises en place par
l'association (cf. annexe 4 page 67) :
- des activités dans les écoles maternelles et
élémentaires pour développer la sensibilité, la
créativité et favoriser l'expression.
Les activités sont diverses : initiations au
théâtre, à la musique, au chant, aux contes et aux arts
plastiques... notamment auprès d'enfants issus de milieu
défavorisé.
- des stages appelés « Ensemble vers
l'emploi » dont l'objectif est de rendre autonomes et actifs des
lycéens professionnels démotivés, de leur redonner
confiance, tant en eux-mêmes que dans les adultes et les institutions. Il
s'agit aussi d'informer sur les aides à la recherche d'un emploi.
Ces temps « vers l'emploi » sont
organisés soit durant le temps scolaire soit durant plusieurs jours, en
dehors du lycée.
- des stages de formation permanente pour développer
auprès de chacun la compréhension des autres cultures, permettre
un travail sur soi pour mieux appréhender sa relation à
l'autre.
Ces stages de formation s'adressent à tous ceux qui
sont en contact avec des personnes issues des vagues d'immigration ou de
manière plus générale, en contact avec des cultures
diverses. Ils se décomposent en trois parties. Dans un premier temps,
les intervenants donnent des éléments de compréhension sur
l'immigration, tant d'un point de vue historique, économique,
sociologique que philosophique. Le deuxième temps concerne l'inter
culturalité en soi, il s'agit d'en expliquer ses tenants et ses
aboutissants. Enfin, le troisième temps est davantage tourné vers
la pratique : comment vivre la relation avec une différence
culturelle ? Le but étant surtout de former les responsables des
institutions (sociales entre autre) à pouvoir comprendre les
immigrés. Entre huit et dix intervenants animent ces formations, ils ont
des diplômes différents mais tous s'intéressent à
l'inter culturalité : par exemple, l'AFEC fait appel à des
metteurs en scène, des sociologues... La troisième partie de la
session permet la mise en place de jeux de rôle. Les
« élèves » sont mis en situation dans leur
pratique professionnelle au contact des autres (cf. annexe 5 page 69).
L'AFEC organise bientôt une formation vers des
policiers. La relation entre la police et les jeunes de quartier est souvent
conflictuelle, c'est sur cette base que se monte cette formation.
J'ai souhaité participer à l'un de ces temps de
formation mais avant le délai de rendu de mon mémoire, aucun
n'était organisé à l'égard des travailleurs
sociaux.
L'UNAREC :
L'association organise des chantiers internationaux de jeunes
volontaires - dès 14 ans. Ces chantiers concernent l'aménagement
d'espaces naturels et la restauration de patrimoine et visent
l'amélioration des conditions de vie des populations locales. Chaque
année, les associations Etudes ET Chantiers accueillent
près de 900 volontaires encadrés par 150 animateurs.
C'est en cherchant un poste de direction en Centre de Vacances
et Loisirs pour l'été que j'ai rencontré Etudes ET
Chantiers. Après avoir eu une réponse positive quant à ma
candidature, l'association m'a proposé de suivre une de leur formation
pour l'ensemble des animateurs en mai.
Lors de la formation, j'ai pris connaissance du projet
éducatif de l'association (cf. annexe 6 page 71). Je me suis ainsi
aperçu que celle-ci attache une grande importance à
l'interculturalité, notamment en raison de la diversité des
nationalités présente sur les chantiers. Au cours de la
formation, il nous a donc été proposé une sensibilisation
à l'interculturel. Cette sensibilisation s'est déroulée en
deux temps. Dans la première partie, nous avons fait un jeu. Nous avons
été invité par un couple d'Albatros et avons essayé
d'échanger avec lui (cf. annexe 7 page 75). Dans la seconde partie, nous
avons décri cette rencontre puis parlé de la manière dont
nous l'avions vécu : entre crainte de la méconnaissance,
plaisir de découvrir, frustration... Le but de cette sensibilisation
était de nous faire prendre conscience que nous regardons le monde qui
nous entoure en fonction de nos propres codes culturels et que par
conséquence nous agissons en fonction de ces codes, or ils ne sont pas
forcément les mêmes dans la société d'accueil.
En parcourant les différents livres mis à notre
disposition au cours de la formation, je me suis rendue compte qu'une multitude
d'autres jeux du type de celui de l' « Albatros »
existent. Ces jeux sont facilement exploitables dans l'animation. Veuillez en
trouver quelques uns dans le livre : Tous différents, tous
égaux, Kit pédagogique, Centre européen de la
jeunesse, 1995. Disponible aussi sur Internet à l'adresse
suivante :
http://www.coe.int/T/E/Human_Rights/ECRI/3-Educational_resources/Education_Pack/Kit%20pedagogique.pdf
Remarque :
Bon nombre d'autres associations pensent avoir pour objectif
l'interculturalité, mais certaines d'entres elles sont des lieux
où se retrouve une seule et unique communauté (ex :
Association Franco-tunisienne Le Renouveau à Tourcoing). Il n'est pas
toujours facile de distinguer les deux types d'associations.
IV.2. D'autres associations
où il existe de fait un multiculturalisme
Les Portes du Soleil et l'Association Baptiste Entraide pour
la Jeunesse (ABEJ) sont deux associations d'accueil pour sans-abri dans
lesquelles j'ai effectué mes stages dans le cadre de mon DUT. De fait,
il existe dans ces associations un mélange des cultures.
Les Portes du Soleil :
Mon stage aux Portes du Soleil est encore récent. Les
informations que j'y ai récoltées vis-à-vis de
l'écriture de mon mémoire sont donc plus exhaustives que celles
prises à l'ABEJ Solidarité.
Les Portes du Soleil sont aujourd'hui un foyer de
stabilisation pour les sans-abri, c'est à dire que l'accueil des
personnes s'y fait en continu, de jour comme de nuit. C'est « un lieu
d'accueil pour tous quelque soit son origine, sa situation, son histoire... et
particulièrement un lieu d'accueil et d'hébergement pour les
personnes très marginalisées » écrit la
présidente de la structure, dans son rapport annuel de 2006. En 2006, il
était comptabilisé 18,29 % de 18-24 ans, 49,39 % de 25-39 ans,
31,32 % de 40-65 ans et 1 % de 65 ans et plus. La plupart de ces personnes
sont sans ressources (41,18 %) ou possèdent le Revenu Minimum Insertion
(30,68 %), l'Allocation Adulte Handicapé, les Assedic... « Les
demandeurs d'asile augmentent d'année en année »
souligne encore celle-ci dans ce même rapport, sans donner de
chiffres.
Compte tenu de la diversité du public accueilli, la
structure s'adapte. L'accueil est aujourd'hui ouvert tous les jours 24h/24
alors qu'il n'était ouvert que deux jours par semaine en 2004. Les
permanences santé ont triplé depuis 2003, les activités
culturelles et de loisirs se multiplient... Les discussions de salariés
à héberger sont plus fréquentes, individuellement ou en
collectivité. Aujourd'hui, deux salariés sont chargés
d'établir des plannings d'activités deux mois avant leur
lancement. Ces activités sont multiples : sorties cinéma,
concert, théâtre, conte, musée, exposition, jardinage,
marche, footing, foot, poterie, art déco, soirée billard, DVD,
jeux de société, cuisine... J'ai participé à
quelques-unes d'entres elles et mon observation porte principalement sur
celles-ci.
Il me semble en effet que ce soit au travers des discussions
et de ces différentes activités que l'interculturalisme est mis
en place dans la structure. Cependant la problématique interculturelle
n'a jamais été discutée entre salariés. Dans des
structures comme les Portes du Soleil (et l'ABEJ Solidarité), il n'est
effectivement nulle part écrit que l'objectif des salariés est de
favoriser l'interculturalité même si quelques-uns admettent quand
même que cela relève de leur travail. Si certains y sont
favorables, d'autres ne comprennent pas le sens de cette notion.
- Les discussions du salarié à
l'accueilli ont lieu soit dans les bureaux de l'association, afin de permettre
une intimité des propos échangés, soit dans les
différents lieux de vie de l'association (salle à manger,
cuisine, coin fumeur...) Les personnes accueillies se confient sur leur
situation et/ou sur les problèmes rencontrés avec autrui. Les
travailleurs sociaux écoutent et conseillent. Les discussions trouvent
aussi leur place au cours des activités, et sont même parfois
instituées par celles-ci. On note ici, l'importance d'une relation de
confiance pour que l'accueilli ose parler de lui sans oublier qu'il existe, de
fait, une hiérarchie entre les participants au dialogue.
« On croit alors que tout se réduit à
un problème de communication, qu'il suffit d'ajuster nos codes culturels
réciproques pour que la relation soit harmonieuse [...] pourtant le
travailleur social se trouve en position de pouvoir face à ces
interlocuteurs : les deux partis le savent plus ou moins et feignent de
l'ignorer, cela peut parasiter la relation. » (Claudio
Bolzman42(*), 2002 in
Le travail social face à l'interculturalité
édition l'Harmattan, 2006, 341 pages).
Le dialogue est également institué lors de
réunions prévues pour les accueillis. Une fois par semaine, les
accueillis et travailleurs sociaux sont invités à discuter
ensemble autour d'une table de ce qui va ou ne va pas dans la structure.
Lorsque j'ai assisté aux réunions, un thème
récurent revenait : celui du respect. Certains accueillis se
plaignaient que d'autres ne les respectent pas (insultes...), ou ne respectent
pas les locaux (dégradation). L'un des accueillis a proposé des
cours de civisme, d'autres ont demandé à ce que les travailleurs
sociaux soient plus autoritaires vis-à-vis du règlement.
- Les jeux de société auxquels
j'ai souvent participé permettent de rassembler des personnes qui n'ont
pas forcément l'habitude de communiquer entre elles. Même si le
dialogue n'est pas toujours présent à travers le jeu, le fait
d'avoir à défier l'autre reste sujet à l'échange.
Les rires, les cris exprimés sont aussi révélateur d'un
bien être des personnes et permettent de créer une relation. Il
s'agit d'un moyen de nouer un premier contact avant d'aller plus loin dans la
rencontre. Malheureusement, le jeu reste assez peu exploité comme moyen
d'interaction entre les personnes dans la structure. Aucune réflexion
n'est menée à ce propos.
- Les séances cinéma sont
organisées autour de différents thèmes. Dans le cadre de
mon stage, je suis allée voir le film « Samia ».
C'est l'histoire d'une jeune fille dont les parents sont d'origine
algérienne. Elle vit à Marseille, refuse les traditions du
« bled » et se heurte ainsi à sa famille. La
séance a été suivie d'un débat, l'occasion pour les
sans-abri que j'accompagnais de s'exprimer sur la question et ils n'ont pas
été « frileux ». En effet, lors du
débat, une femme a affirmé « que si les hommes
algériens en France battaient leurs filles ou soeurs pour faire
respecter les traditions, la violence devait être pire au
Maghreb ». L'un des sans-abris, d'origine algérienne, a alors
pris la parole pour lui expliquer qu'il s'agissait simplement d'une
réaction propre à la situation des immigrés en
France : c'est une réaction à l'impuissance des hommes dans
un contexte culturel trop différent.
- Durant mon stage, j'ai aidé à la mise en place
d'un projet : la création de panneaux en liège
pour permettre l'accrochage d'affiches, de photos ou de cartes postales dans
les chambres des personnes accueillies. Le but étant de mieux
s'approprier les locaux, rendre les chambres moins impersonnelles, j'ai
souhaité discuter des modalités du projet avec l'ensemble des
personnes concernées. La première réunion a permis
l'échange d'idées sur la façon dont allait prendre forme
ce projet. Ma tutrice et moi-même avons dû canaliser la discussion
et donner des réponses quant aux attentes de chacun. Pour certains
(travailleurs sociaux comme personnes accueillies), il ne s'agissait que d'un
moyen occupationnel, et c'est vrai en partie, mais cela va
au-delà : l'activité culturelle et de loisir trouve son sens
dans l'épanouissement et dans la relation positive qu'elle induit entre
les personnes.
En tant que travailleurs sociaux, nous essayons d'avoir un
regard attentif envers les personnes sans avoir de préjugés sur
elles. Et c'est aussi cette façon de penser que nous essayons de
transmettre aux hébergés, car les propos portant atteinte aux
autres sont courants dans la structure. On entend souvent dire de la part des
accueillis que tel ou tel salarié, bénévole ou stagiaire,
n'est pas compétent, que tel ou tel accueilli est fou, qu'il ne cherche
pas à se sortir de sa situation, que les sans-abri en
général sont des « fainéants » (sous
entendu : « moi, pas »). A nous d'expliquer ou de
permettre le dialogue entre les personnes en situation de conflit pour faire
disparaître peu à peu les jugements de valeur trop simplistes.
Stratégie d'évitement au
« communautarisme » :
Combattre les jugements de valeur s'avère être
une lutte quotidienne aux Portes du Soleil. Faire face au
« communautarisme » s'explique dans ce contexte. Dans les
chambres par exemple, on favorise la mixité. Les places données
sont choisies en fonction du tempérament des personnes, de leurs
affinités et non forcément en fonction de leurs origines.
L'ABEJ :
L'ABEJ Solidarité est un accueil de jour pour les
sans-abri de plus de 25 ans. Les personnes accueillies y viennent dans la
journée pour se mettre au chaud, trouver du réconfort autour d'un
café, prendre leur courrier, une douche, et régler leur situation
dans les bureaux des assistantes sociales, des médecins ou des
psychologues. Les sans-abri présents dans la structure sont de toutes
origines culturelles confondues. Notons cependant que les sans-papiers y
viennent de moins en moins puisque la police, par ordre du préfet de la
région, fait des rondes régulièrement devant l'association
pour en arrêter certains.
Si l'ABEJ Solidarité propose bien moins
d'activités qu'aux Portes du Soleil, il me semble avant tout que ce soit
dû à son statut : c'est un accueil de jour et non un foyer,
beaucoup sont seulement de passage. Il s'agit plus d'un lieu d'urgence. Par
opposition, les Portes du Soleil devient un foyer de
« stabilisation ». Puisque ce sont surtout des objectifs
à court terme qui sont tenus à l'ABEJ Solidarité, la
construction d'un réel échange entre accueillis et sans abri est
moins évident. L'interculturalité s'inscrit dans le temps car
elle nécessite une relation de confiance, elle est censée
susciter un changement dans les représentations qu'ont les personnes
vis-à-vis des autres et d'elles-mêmes, or nul ne peut changer en
quelques jours. C'est un travail de longue haleine.
L'an passé, lorsque j'étais encore en stage dans
l'association, j'avais insisté sur le fait que des activités
d'ordre socioculturel aidaient les personnes à apprendre à vivre
ensemble. Une salariée avait proposé de créer une salle
d'activités, où des débats autour d'un film pourraient
être proposés. Le projet était bien monté :
elle pensait réutiliser une salle qui était peu occupée
pour réaliser son idée... et l'équipe semblait d'accord.
Aujourd'hui, cette salle n'a toujours pas vu le jour, et la salariée
engagée dans cette initiative m'a dit que l'équipe avait
finalement décidé d'attendre les travaux dans la structure avant
de réaliser le projet. Est-ce un prétexte ? Je ne sais pas.
Toujours est-il que les échanges restent donc bel et bien embryonnaires.
La difficulté rencontrée dans des associations
comme les "Portes du Soleil" ou l'ABEJ Solidarité, c'est qu'elles
travaillent dans l'urgence même si elles peuvent avoir des objectifs
à long terme pour la « réinsertion » dans la
société. Est-ce pour cela que les personnes accueillies sont si
peu nombreuses aux activités proposées (en moyenne, 3 personnes
sur 25 y participent aux Portes du Soleil) ? Ou est-ce parce qu'elles ont
d'autres préoccupations, celle de pouvoir manger à leur faim, de
trouver un logement dans la durée, un travail également,
d'être en bonne santé, d'avoir des papiers en
règle... ? Ou puis-je également dire que si les personnes
accueillies sont aussi peu nombreuses aux activités proposées,
c'est qu'elles n'en voient pas leur utilité ? Peut-être y
a-t-il encore un travail à faire de ce côté là, sur
le but, la finalité du travail d'animation. Enfin, comme me le confiait
une salariée des Portes du Soleil, peut-on croire que les individus,
d'une manière générale, n'opèrent plus qu'une
démarche de consommation et se désintéressent totalement
des activités culturelles, si elles impliquent un relatif engagement ?
Il s'agit de consommer de la nourriture, de consommer du service... et de s'en
satisfaire. Et à ce titre, faut-il se demander quel est l'avenir des
actions interculturelles dans une société où l'accent est
mis sur l'individualisme et la consommation à tout prix ?
SYNTHÈSE
PERSONNELLE
Après avoir défini les deux notions
« multiculturalisme » et
« interculturalisme » et étudié leur champ
d'application, ma problématique trouve un écho plus favorable
dans l'interculturalisme qui privilégie la rencontre avec la
différence.
Les différents points abordés tout au long de
mon mémoire (histoire de l'immigration, théorie sur la
construction identitaire...) sont importants à connaitre pour avoir
cette démarche interculturelle. Prendre en compte l'individu dans son
environnement, comprendre sa culture, rend plus accessible la
différence. Ce n'est qu'un premier pas.
Mais il faut, aussi, bien se connaitre soi-même pour
chercher à vouloir comprendre l'autre.
« A s'ignorer soi-même, on ne parvient jamais
à connaitre les autres ; [...] connaitre l'autre et soi est une
seule et même chose ». (Todorov43(*), 1989 in Le travail social
face à l'interculturalité, édition l'Harmattan, 2006,
341 pages).
En ayant une meilleure connaissance de lui-même, le
travailleur social peut en effet percevoir ses limites dans sa relation
à l'autre. Peut être y a-t-il des sujets à éviter
d'emblée ou trop sensibles pour chacun des protagonistes.
Mais le mieux, est encore que le travailleur social sache
faire un effort de décentration par rapport à son vécu ou
à sa propre culture. De la sorte, il aurait quelques clefs pour
observer, écouter et questionner avec plus d'objectivité
(même s'il faut être conscient qu'une totale
objectivité n'existe pas !)
C'est dans ce sens que j'ai voulu vivre mon stage aux "Portes
du Soleil" cette année. C'est également dans ce sens que j'ai
écrit mon mémoire et cela n'a pas été sans
difficultés.
Aux Portes du Soleil, j'ai parfois eu le sentiment de juger
les personnes (sans-abri ou personnel d'encadrement) avant même de les
comprendre. Ce qui prouve que même en ayant toute les bonnes intentions
du monde, entrer dans une démarche interculturelle reste un exercice
difficile.
Lorsque j'ai écrit mon mémoire, j'ai
essayé d'éviter tout jugement de valeur. Le fait de parler d'un
modèle familial maghrébin n'a pas été tâche
facile...
Mais ce qui m'a posé le plus problème, c'est de
trouver des éléments répondant vraiment à ma
problématique : soit j'avais l'impression de dire des choses qui
n'y correspondaient pas, soit j'avais l'impression qu'il y avait trop à
dire.
Le sujet est vaste. J'ai dû sélectionner mes
champs théoriques mais aurais pu en choisir d'autres. D'un point de vue
économique, on peut en effet se demander si la CMU, le RMI... sont des
aides à l'intégration (l'argent permet-il un accès
à la culture du pays d'accueil ?). De la même manière,
j'aurais pu développer certains aspects évoqués : le
rôle de la télévision au Maghreb, par exemple.
Limitée dans le temps, je n'ai pas pu me consacrer à ces
recherches.
Une autre de mes difficultés a été de
montrer comment le multiculturalisme et l'interculturalisme sont mis en
application, notamment dans le domaine associatif. J'ai écrit des mails
et téléphoné à de nombreuses associations avant
d'être reçue par les responsables de l'AFEC. Et malheureusement,
je n'ai pas pu voir sur le terrain la mise en place des activités que
propose l'association.
J'ai aussi contacté l'association Wellouëj
(association qui prône la rencontre par le jeu) mais je n'ai eu un
rendez-vous que pour le mois de juin.
Aujourd'hui, je souhaite continuer à explorer le
domaine de l'interculturalité. Cet été, en tant que
directrice, j'animerais un chantier avec l'UNAREC. Ce sera pour moi l'occasion
de mettre la théorie en pratique. J'espère, par ailleurs,
être acceptée l'année prochaine en licence professionnelle
« Médiation Sociale » à Lille 2. Cette
licence professionnelle propose des cours directement en lien avec
l'interculturalité. Je pourrais dans le même temps m'investir
pleinement à l'AFEC, en contrat de professionnalisation ou
bénévolement.
La diversité culturelle reste pour moi une
véritable richesse...
BIBLIOGRAPHIE
LIVRES
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interculturelle, édition PUF, collection Que sais-je ?, 1999,
123 pages.
- DEMORGON Jacques, Complexité des cultures et de
l'interculturel, ouvrage publié avec le concours de l'Office
franco-allemand pour la jeunesse, édition Anthropos, 1996, 318 pages.
- DOYTCHEVA Milena, Le multiculturalisme,
édition La découverte, collection Repères, 2005, 123
pages.
- JOVELIN Emmanuel, Le travail social face à
l'interculturalité : comprendre la différence dans les
pratiques d'accompagnement social, édition l'Harmattan, 2006,
341 pages.
- LONGUET Christophe, BAILS Joëlle, BARLOT Eric,
BERGER-LONGUET Pascale, BLOESS Françoise, Sciences
économiques et sociales, manuel scolaire de terminale ES,
édition Hatier, 2003, 447 pages.
- PANSU Pascal et LOUCHE Claude, La psychologie
appliquée à l'analyse de problèmes sociaux,
édition PUF, collection psychologie sociale, Paris, 2004, 286 pages.
- Tous différents, tous égaux, Kit
pédagogique, Centre européen de la jeunesse, 1995.
PERIODIQUE
- Le magazine de 20 minutes :
« Diversité », mai 2008.
ARTICLES DE PERIODIQUES
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social », Ecarts d'identité : Sociétés
multiculturelles et travail social, n°98, Hiver 2001-2002, 7
pages. [en ligne]. Disponible sur :
http://ecid.online.fr/french/numero/article/art_98.html
(consulté le 10/03/2008).
- BESKI-CHAFIQ Chahla, « Interculturalité,
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http://www.cndp.fr/revuevei/129/12213611.pdf
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http://www.liberation.fr/actualite/societe/279916.FR.php
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http://www.psycho.univ-bpclermont.fr/~dambrun/TDPIC/PIC11_2005_hierarchie.pdf
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- SAINSAULIEU Ivan et SALZBRUNN Monika, « La
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critique, Juin 2006, 12 pages. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.espritcritique.fr/publications/1001/esp1001article01.pdf
SITES INTERNET
- www.mondialisme.org/
- http://fr.encarta.msn.com/
- fr.wikipedia.org/
GLOSSAIRE
Dans ce glossaire, j'ai voulu faire figurer des termes pour
lesquels je ne donne pas de définition dans le contenu de mon
mémoire ou d'autres qui n'y figurent pas mais qui restent cependant
intéressants à connaître lorsque l'on s'intéresse
à la diversité culturelle.
Pour construire ce glossaire, je me suis surtout
appuyée sur le livre Le Multiculturalisme de Milena Doytcheva
et sur le site internet Wikipédia.
Acculturation :
désigne l'ensemble des phénomènes qui
résultent d'un contact continu et direct entre des groupes d'individus
de
cultures différentes
et qui entraîne des modifications dans les modèles
culturels initiaux de l'un
ou des deux groupes.
Afrocentrisme : apparu en
réaction à l'eurocentrisme avec lequel il fait couple,
l'afrocentrisme est un mouvement culturel d'affirmation identitaire qui vise
à promouvoir la dignité de l'homme africain et des traditions
d'origine africaine ainsi qu'à valoriser les contributions
afro-américaines à l'histoire, aux arts et aux lettres des
Etats-Unis.
Altérité : terme
philosophique qui désigne la différence de l'autre dans ce
qu'elle a de plus irréductible et incommensurable.
Enculturation : terme proposé par
Margaret Mead pour
définir le processus par lequel le groupe va transmettre à
l'enfant, dès sa naissance, des éléments culturels, normes
et valeurs partagés. L'enculturation traduit le processus de
transmission de la
culture du groupe à
l'enfant
. Ce processus a donc
lieu dans un contexte intraculturel.
Ethnicité : «L'ensemble des
traits, objets et productions symboliques dans lesquels une collectivité
se reconnaît et par lesquels elle se fait reconnaître. On pourrait
dire tout aussi bien : toutes les caractéristiques culturelles ou
symboliques partagées par l'ensemble des membres d'une
collectivité et qui ont pour effet, sinon pour fonction,
de la singulariser. L'ethni-cité, c'est donc tout ce
qui nourrit un sentiment d'identité, d'appartenance, et les expressions
qui en résultent. » (Gérard Bouchard, «Ouvrir le cercle
de la nation. Activer la cohésion sociale. Réflexion sur le
Québec et la diversité», in Les nationalismes au
Québec, sous la direction de Michel Sarra-Bournet et Jocelyn
Saint-Pierre, Les Presses de l'Université Laval, Québec 2001, p.
319.)
Eurocentrisme : attitude ethnocentriste
qui valorise et/ou se réfère exclusivement aux normes
européennes pour comprendre et évaluer un système social
différent.
Ghetto : au XIXème siècle
en Europe, le terme de ghetto désignait un quartier juif, quartier qui
leur été à la fois réservé et imposé.
Aujourd'hui, on parle de ghetto pour désigner un quartier où se
trouve une forte concentration d'une minorité ethnique.
Identité : c'est la
reconnaissance de ce que l'on est, par soi-même ou par les autres.
L'identité tient de l'idéologie et se façonne en fonction
d'enjeux de pouvoirs.
Intraculturel : concerne les relations
qu'une culture entretient à l'intérieur d'elle-même.
Métissage : il peut
désigner tout aussi bien un mélange de personnes
génétiquement différentes ou le mélange
d'influences
culturelles distinctes au
niveau
musical,
pictural,
sculptural,
vestimentaire, et
linguistique (bien
au-delà de la problématique des gènes).
Minorités : groupes qui sont en
position d'infériorité - numérique, ethnique,
économique, culturelle ou linguistique - au regard des
communautés dominantes qui les excluent, plus ou moins volontairement,
de la participation sociale.
Pluriculturel : tout comme le
multiculturel, la notion renvoie à une distinction entre les cultures
d'ordre quantitative. Une société recèle, en son sein,
plusieurs cultures ou peut-être même, de multiples cultures.
Race : la notion de
race se base sur la notion de « gènes communs
et exclusifs à un groupe d'individus ». Francois Lebas
(Directeur de recherche honoraire de l'INRA) propose la définition
suivante : ..."au sein d'une espèce, une race est
généralement considérée comme une collection
d'individus ayant en commun un certain nombre de caractères
morphologiques et physiologiques qu'ils perpétuent lorsqu'ils se
reproduisent entre eux..."
Tolérance : attitude d'ouverture
face aux opinions et aux comportements d'autrui. Tolérer signifie ne pas
interdire alors qu'on le pourrait, mais sans aller jusqu'à une
reconnaissance positive. Dans la société française, les
minorités sont libres de cultiver leurs différences dans l'espace
privé, mais sont tenues de se soumettre aux normes de la culture
dominante dans l'espace public. La tolérance s'arrête là
où l'ordre social pourrait être menacé, et la ligne de
partage entre le tolérable et l'intolérable est l'enjeu de
l'affrontement entre les groupes minoritaires et la majorité.
ANNEXES
Annexe 1 : Charte
de la diversité dans l'entreprise
Annexe 2 : Guide
pour une éducation multiculturelle
1/ La diversité ethnique et culturelle devraient
être présente dans l'environnement scolaire à tous les
niveaux et sous tous les aspects.
2/ La politique et les méthodes de scolarisation
devraient encourager les interactions multiculturelles positives et favoriser
la compréhension entre les étudiants, les professeurs et le
personnel d'encadrement.
3/ Le personnel d'une école devrait refléter la
diversité ethnique et culturelle des États-Unis.
4/ Les écoles devraient avoir des programmes de
formation continue pour le personnel qui soient méthodologiques,
exhaustifs et obligatoires.
5/ Le programme d'études devrait refléter
l'esprit et la façon d'apprendre qui sont culturellement propres aux
étudiants au sein de la communauté scolaire.
6/ Le programme d'étude multiculturel devrait fournir
en permanence aux étudiants des occasions de développer une
meilleure conscience de soi.
7/ Le programme d'études devrait aider les
étudiants à comprendre l'ensemble des expériences
vécues par les groupes ethniques et culturels aux Etats-Unis
(c'est-à-dire les problèmes auxquels ces groupes ont
été confrontés mais aussi ce qu'ils ont apporté
à la société nord américaine ainsi que leurs
expériences positives).
8/ Le programme d'études devrait aider les
étudiants à comprendre que le conflit entre les idéaux et
la réalité est inhérent aux sociétés
humaines.
9/ Le programme devrait explorer et clarifier les alternatives
et les choix culturels et ethniques possibles aux Etats-Unis.
10/ Le programme devrait promouvoir les valeurs, les attitudes
et les comportements qui soutiennent le pluralisme ethnique et la
diversité culturelle aussi bien que ceux qui soutiennent et construisent
l'Etat-Nation et la culture nationale commune, « De plusieurs, un
seul » devrait être le but des écoles et de la
nation.
11/ Le programme devrait aider les étudiants à
développer leurs capacités à prendre des décisions,
leurs attitudes à la participation sociale, et leur sens de
l'efficacité politique, comme des bases nécessaires à
l'exercice d'une citoyenneté efficiente au sein d'une nation
démocratique et pluraliste.
12/ Le programme devrait aider les étudiants à
développer les aptitudes nécessaires aux interactions efficaces
des groupes, qu'elles soient interpersonnelles, interethniques ou
interculturelles.
13/ Le programme devrait être un programme étendu
et suivi, et présenter une vue d'ensemble holistique des groupes
ethniques et culturels, et faire partie intégrante du programme scolaire
complet.
14/ Le programme devrait inclure l'étude suivie des
cultures, des expériences historiques, des réalités
sociales et des conditions d'existence des groupes ethniques et culturels,
ainsi qu'un certain nombre de compositions raciales.
15/ Des approches interdisciplinaires et multidisciplinaires
devraient présider à la conception et à l'exécution
du programme.
16/ Le programme devrait se servir d'approches comparatives
pour étudier les groupes ethniques et culturels.
17/ Le programme devrait aider les étudiants à
considérer et interpréter les évènements, les
situations et les conflits depuis des perspectives et des points de vue
ethniques et culturels multiples.
18/ Le programme devrait conceptualiser et décrire le
développement des Etats-Unis comme celui d'une société
multidimensionnelle.
19/ Le programme devrait donner aux étudiants
l'opportunité de participer aux expériences esthétiques de
plusieurs groupes ethniques et culturels.
20 / Les écoles devraient donner aux étudiants
les moyens d'étudier les langages de groupes ethniques en tant que
systèmes de communication légitimes et les aider à
maitriser aux moins deux langues.
21/ Le programme devrait utiliser au maximum l'apprentissage
expérimental, et tout spécialement les ressources des
communautés locales.
22/ Les méthodes qui servent à évaluer
les étudiants devraient refléter leurs expériences
ethniques et culturelles.
23/ Les écoles devraient évaluer de façon
continue et systématique les buts, les méthodes et les supports
pédagogiques qui sont utilisés pour l'étude de la
diversité ethnique et culturelle.
Annexe 3 :
Photographies d'Olivier Culmann
Annexe 4 :
Brochure de l'AFEC
Annexe 5 :
Modalités des formations de l'AFEC
FORMATION A LA COMMUNICATION
INTERCULTURELLE
DANS LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE
OBJECTIFS DE LA FORMATION
Ce stage vise à :
· Sensibiliser les personnes en contact régulier
avec les publics migrants, en favorisant l'écoute et la
compréhension de leurs problèmes,
· Mettre en commun l'expérience de chacun dans sa
relation interculturelle,
· Découvrir ou redécouvrir les autres
cultures,
· Analyser les situations de conflit quand la rencontre
des cultures apparaît comme source de problème,
· Envisager les nouveaux modes de relation par la mise en
place d'outils méthodologiques,
· Concevoir des projets interculturels.
PUBLIC
Ce stage s'adresse à :
· tous les responsables et animateurs d'associations
culturelles et socio-éducatives,
· aux responsables et animateurs de centres sociaux,
assistantes sociales, conseillers en économie sociale et familiale,
· ainsi qu'aux fonctionnaires, formateurs,
éducateurs, enseignants, employés et cadres d'administration et
aux étudiants de grandes écoles.
PROGRAMME
Proposé en TROIS THEMES principaux
· Le phénomène de
l'immigration : historique, problèmes de terrain,
situation des étrangers dans la région, évolution, racisme
et discrimination,
· La communication
interculturelle : traditions, histoire, psychologie, religions
des ethnies proches,
· La relation des personnes issues de
l'immigration avec les administrations et les associations :
statut des étrangers, approche de l'intégration, techniques
d'accueil et d'écoute, rôle des services sociaux
spécialisés, médiation.
FORMATEURS
Sous la direction d'un responsable de formation, une
équipe expérimentée et dynamique, composée de
sociologues, psychologues, universitaires spécialisés sur ces
thématiques, travailleurs sociaux et techniciens de la communication,
anime les journées.
DEROULEMENT
Chaque thème est traité par un
spécialiste et/ou un acteur de terrain.
La participation des stagiaires est sollicitée dans des
débats, des ateliers de technique pratique et des petits groupes de
réflexion.
Les interventions peuvent être appuyées par des
documents audiovisuels ou des jeux de rôles.
Annexe 6 : Projet
éducatif d'Etudes ET Chantiers
Annexe 7 : Jeu
interculturel « l'albatros »
* 1 Le CSP59 a pour but
une régularisation massive des Sans-papiers.
* 2 Les termes sont
explicités dans la première partie, page 11.
* 3 Unesco :
Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la
culture. Créé en 1945, l'objectif de cette organisation est
ambitieux, elle souhaite construire la paix dans l'esprit des hommes à
travers l'éducation, la science, la culture et la communication.
* 4 mondialisme.org :
site internet destiné aux revues et aux collectifs de critique politique
et sociale.
* 5 L'important déclin
démographique s'explique par la politique menée par Malthus dans
les années 1850.
* 6 Le mot xénophobie
est composé des
racines grecques
xénos, « étranger » et
phobos, « rejet, peur ». Ce mot définit
donc littéralement, « le rejet de
l'étranger ».
* 7 « Front
Populaire » : cette expression de
Eugen Fried, datant de
1935, caractérise des accords passés entre des partis de gauches
(socialistes, communistes, syndicats, mouvements intellectuels) afin de lutter
contre la montée de l'extrême-droite ou du fascisme, à la
suite des crises provoquées par la
Grande
Dépression de 1929.
* 8 Le regroupement familial
est la possibilité donnée à des membres d'une famille
séparés entre plusieurs pays de se retrouver.
* 9 Le
droit d'asile est
principalement la possibilité, pour un État, de protéger
certains ressortissants étrangers qui peuvent être
inquiétés, dans leurs pays d'origine, pour leurs convictions
politiques ou religieuses.
* 10 Valéry Giscard
d'Estaing, né le
2 février
1926 à
Coblence en
Allemagne, est un
homme
d'État
français,
3e Président de la
Ve
République et 20e
Président
de la République du
27 mai
1974 au
21 mai
1981.
* 11 Les DOM-TOM sont
un ensemble des terres sous souveraineté française situées
hors métropole. Ces terres sont d'anciennes colonies
françaises.
* 12 La citation est issue du
CESEDA (Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit
d'Asile) créé en 2004.
* 13 article L 311-9 du
CESEDA
* 14 Denis Lacorne est
philosophe politique aux Etats-Unis, il a écrit Le multiculturalisme
est-il un communautarisme ? en 2004.
* 15 Le terme melting-pot a
été emprunté au titre d'une pièce d'Israël
Zangwill (1908), l'expression désigne l'intégration des
immigrants de toutes provenances et de toutes conditions sociales dans une
même culture.
* 16 DOYTCHEVA Milena,
Le multiculturalisme, édition La découverte, collection
Repères, 2005, 123 pages. Doytcheva est maître de
Conférences en sociologie, Université Lille 3.
* 17 La discrimination
positive est un ensemble de mesures visant à égaliser les chances
de certaines catégories de personnes ayant subi des discriminations
systématiques par le passé.
* 18 Le terme
« communautarisme » est explicité dans la partie
I.4, page 21.
* 19 L'ONU est une
organisation internationale constituée en 1945 par les Etats qui ont
accepté de remplir les obligations prévues par la Charte des
Nations unies en vue de sauvegarder la paix et la sécurité
internationales, et d'instaurer entre les nations une coopération
économique, sociale et culturelle.
* 20 Le Conseil de
l'Europe est une organisation de coopération européenne
crée en 1949. L'organisation est à l'origine de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales (1950).
* 21 TODOROV Tzvetan, Du
culte de la différence à la sacralisation de la victime, in
revue Esprit, juin 1995. Todorov, né le
1er
mars
1939 à
Sofia en
Bulgarie, est un
essayiste et historien
français d'origine
bulgare.
* 22 L'Observatoire du
communautarisme est un « observatoire indépendant
d'information et de réflexion sur le communautarisme, la
laïcité, les discriminations et le racisme ». Son
objectif affiché est de « mettre à disposition des
citoyens les faits portant atteinte à l'universalisme
républicain ».
* 23 Pierre-André
Taguieff (né le
4 août
1946 à
Paris) est
philosophe,
politologue et
historiens français. Il est actuellement directeur de recherche au
CNRS
et enseigne à l'
Institut
d'études politiques de Paris.
* 24 William Graham Summer
était sociologue américain (1840-1910).
* 25 PANSU Pascal et LOUCHE
Claude, La psychologie appliquée à l'analyse de
problèmes sociaux, édition PUF, collection psychologie
sociale, Paris, 2004, 286 pages. Pansu est maitre de conférences en
psychologie sociale à l'université de Savoie.
* 26 Clark et
Clark étaient chercheurs en psychologie sociale dans les
années 1940.
* 27 Opérario et Fiske
sont chercheurs en psychologie sociale.
* 28 Ici, il faut bien faire
une différence entre « intégrer » et
« assimiler ». En sociologie, selon
Parson, l'intégration constitue une des fonctions du système
social, assurant la coordination des diverses fractions de celui-ci, pour
assurer le bon fonctionnement de l'ensemble. L'assimilation est le processus
par lequel un ensemble d'individus se fond dans un nouveau cadre social plus
large. Le meilleur indice d'assimilation est la disparition totale des
spécificités des assimilés, ce qui implique leur
renonciation à leur culture d'origine, la mise au pas de leur
personnalité et leur atomisation au sein de la société qui
les absorbe.
* 29 POURTOIS Jean-Pierre,
DEMONTY Benoit et JOURET Delphine, « Souffrances affectives,
cognitives et sociales des parents en exil », éditions De
Boeck Université, 2004, page 51 à 60. [en ligne]. Disponible
sur :
www.cairn.info/resumze_p.php?ID_ARTICLE=PP_008_0051
* 30 Marie-Chantale Cacou a
écrit L'entretien clinique dans la consultation de l'enfant en
côte d'ivoire dans la Revue psycho-pathologique africaine,
année 95/96.
* 31 Ferdinand Ezembé
est docteur en psychologie, directeur d'Afrique Conseil.
* 32 David Émile
Durkheim (
15 avril
1858,
Épinal -
15
novembre
1917,
Paris) est un
sociologue
français et l'un des
fondateurs de la
sociologie moderne.
* 33 Claude Dubar est un
sociologue
français, actuellement professeur de sociologie à l'
UVSQ (Université de
Versailles Saint-Quentin).
* 34 James A. Banks est
directeur du centre d'éducation multiculturelle à
l'université de Washington.
* 35 Zones dans lesquelles
sont situés des établissements scolaires (écoles ou
collèges) dotés de moyens supplémentaires et d'une plus
grande autonomie pour faire face à des difficultés d'ordre
scolaires et sociales.
* 36 La laïcité
désigne la séparation du
civil et du
religieux.
* 37 L'OFAJ est une
institution favorisant l'échange entre jeunes résidant en France
et en Allemagne depuis 1963.
* 38 Jean-François
Dortier est fondateur et rédacteur en chef du magazine
Sciences
Humaines.
* 39 JOVELIN Emmanuel,
Le travail social face à l'interculturalité : comprendre
la différence dans les pratiques d'accompagnement social,
édition l'Harmattan, 2006, 31 pages. Emmanuel Jovelin est enseignant
chercheur en sociologie à l'Université Catholique de Lille.
* 40 Saïd Bouamama et
Hadjila Sadsaoud sont tous deux sociologues. Ils ont chacun participé
à l'écriture d'articles dans le cadre du livre d'Emmanuel
Jovelin : Le travail social face à
l'interculturalité.
* 41 Olivier
Culmann est photographe professionnel (cf. annexe 3 page 66).
* 42 Claudio Bolzman est
enseignant-chercheur en sociologie.
* 43 Todorov.
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