Justice transitionnelle au Burkina Faso, originalité ou pis-aller?( Télécharger le fichier original )par Lamoussa Windpingré Pascal ZOMBRE Université de Genève - Certificat en droits de l'homme 2006 |
Section 2 : Les organes semi- indépendantsLe gouvernement a créé deux structures chargées de piloter le processus de réconciliation nationale. Ce sont : la Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN) et le Comité de mise en oeuvre des recommandations de la Commission pour la Réconciliation Nationale. En créant ses structures, il a voulu s'approprier la réconciliation nationale. La caractéristique principale de ces structures réside en ce qu'elles sont essentiellement composées de membres gouvernementaux39(*). § 1 - De la Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN)La Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN) chargée de mettre en oeuvre les recommandations du Collège de Sages a été créée par le décret n°99-390/PRES/PM. Cette commission après avoir examiné les différents dossiers de crimes économiques40(*) et ceux supposés résulter ou résultant de violences en politique41(*) impunis de 1960 à mars 2001, a indiqué des orientations pour leur traitement, formulé des propositions pour la consolidation de l'exercice des libertés publiques et proposé des modalités de mise en oeuvre de la réconciliation nationale. En outre, la commission situe les responsabilités de la tragédie burkinabé, aussi bien du côté des militaires qui ont perpétré les coups d'Etat que des civils qui en sont les véritables commanditaires. Par ailleurs, le rapport met en cause les partis politiques qui ont été ou qui sont au pouvoir et les partis d'opposition ; tous sans exception, ont eu recours aux militaires à un moment donné de l'histoire politico-militaire du Burkina Faso. La question fondamentale à laquelle la commission a tenté de répondre était la suivante : « comment savoir et pouvoir assumer positivement une histoire politique faite de drames, de tragédies, de familles éclatées, de vies humaines sacrifiées sur l'autel de la conquête ou de l'exercice du pouvoir ? » Ainsi, selon elle, les conditions indispensables à la réussite de la réconciliation nationale sont : - la vérité (clarification des faits) ; - la justice (connaissance de la vérité, dédommagement et réparation des préjudices) ; - Et enfin le pardon (demande du pardon et acceptation du pardon). § 2 - Du Comité de Mise en Oeuvre des Recommandations de la CRNLe Comité de mise en oeuvre des recommandations de la Commission pour la Réconciliation Nationale a été créé par le décret n°2000-141/PRES/PM du 11 avril 2000, portant création d'un Comité de Mise en OEuvre des recommandations de la Commission pour la Réconciliation Nationale. Le comité avait pour mission : a) d'élaborer et de soumettre au gouvernement : -un plan de mise en oeuvre des mesures d'ordre général pour la réconciliation nationale ; - des stratégies et des méthodes d'approche des victimes et /ou leur famille en vue du dialogue pour la réconciliation ; - un plan de communication pour la réconciliation nationale ; b) de suivre la mise en oeuvre du traitement des dossiers, objet du rapport de la Commission pour la Réconciliation Nationale. Après douze (12) mois de travaux le comité a rendu son rapport. Ce rapport dresse une liste exhaustive des crimes impunis et fait le point des activités menées par le comité relativement à la clarification de la situation des personnes disparues, la localisation et/ou l'identification des tombes des personnes décédées, la prise de contact avec les familles de toutes les personnes disparues et ou décédés. Selon le rapport, ce comité a également rencontré les victimes encore en vie, les a écoutés et recueilli leurs réclamations. D'une manière générale, les victimes se sont prononcées sur un éventuel pardon à accorder ou pas à leurs bourreaux (même sans les connaître nommément ou de visu). Si dans leur ensemble les victimes encore en vie prétendent avoir pardonné à ceux qui les ont torturés, cela n'exclut pas la démarche inverse de demande de pardon. Cette fois, c'est l'Etat du Burkina Faso qui leur demanderait pardon. Parallèlement à cette démarche, des enquêtes administratives, sur chaque cas, ont été mené en vue d'éclaircir les circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés. * 39 Le CMOR-CRN était composé de 15 ministres dont un ministre d'Etat et un secrétaire général du gouvernement et du conseil des ministres ayant rang de ministre. * 40 Ce sont les crimes suivants : abus de biens sociaux, détournement de deniers publics * 41 Infractions commis par les agents agissant ou supposés agir au nom de l'Etat. |
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