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Justice transitionnelle au Burkina Faso, originalité ou pis-aller?

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par Lamoussa Windpingré Pascal ZOMBRE
Université de Genève - Certificat en droits de l'homme 2006
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE GENEVE ANNEE ACADEMIQUE 2005-2006

------------------------------------

FACULTE DE DROIT

CERTIFICAT DE FORMATION CONTINUE EN

DROITS DE L'HOMME

MEMOIRE

THEME

LA JUSTICE TRANSITIONNELLE AU BURKINA FASO,

ORIGINALITE OU PIS-ALLER ?

AUTEUR : DIRECTION :

ZOMBRE L. W. Pascal Prof. M. Hottelier

Décembre 2006

AVERTISSEMENT

Le présent mémoire ne reflète ni le point de vue du gouvernement burkinabé, ni celui de l'institution judiciaire, ni encore moins celui des structures qui ont donné accès à leur documentation au nom de la recherche scientifique. Les opinions émises dans ce mémoire doivent être considérées comme propres à son auteur.

DEDICACE

Au Professeur Joseph KI-ZERBO qui, toute sa vie durant, a lutté pour la dignité de l'Africain, que la terre de ses ancêtres lui soit légère !

TABLES DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES

Al. : Alinéa

ANEB : Association National des Etudiants Burkinabé

Art. : Article

CDP : Congrès pour la Démocratie et le Progrès

CDR : Comité de Défense de la Révolution

Chap. : Chapitre

CMRPN : Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National

CMOR-CRN : Comité de Mise en Oeuvre des Recommandations de la Commission

Pour la Réconciliation Nationale

CNR : Comité National de la Révolution

CODMPP : Collectif des Organisations Démocratiques de Masse et des Partis Politiques

CRN : Commission Pour la Réconciliation Nationale

CSP : Comité de Salut du Peuple

DH : Développement Humain

Ed. : Edition

INSD : Institut National de la Statistique et de la Démographie

JNP : Journée Nationale du Pardon

MBDHP : Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples

ODP/MT : Organisation pour la Démocratie et le Progrès/Mouvement du Travail

P. : Page

PAREN : Parti de la Renaissance Nationale

PC-PANRJ : Plan de Consolidation du Plan National pour la Réforme de la Justice

PM : Premier Ministère

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PRES : Présidence

S.E : Son Excellence

Sect. : Section

TPR : Tribunal populaire de la Révolution

V. : Voir

§ : Paragraphe

TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT 2

DEDICACE 3

TABLES DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES 4

TABLE DES MATIERES 6

INTRODUCTION 7

Première partie : La recherche de la vérité 10

Chapitre I : L'initiative de la recherche de la vérité 11

Section 1 : Une soif de justice générale 11

§ 1- Un besoin individuel....................................................................11

§ 2- Un besoin collectif......................................................................12

Section 2 : Une décision politique 13

Chapitre II : L'objet et le contenu de la recherche de la vérité 14

Section 1 : L'objet de la recherche 14

§ 1 - Des violations continues des droits de l'homme 14

§ 2 - De la loi du silence 16

Section 2 : Le contenu de la recherche 16

§ 1 -Du recensement des crimes 17

A- Les crimes ayant entraîné des pertes en vies humaines............................18

B- Les crimes ayant entraîné des préjudices divers....................................19

§ 2 - Du recensement des victimes et leur ayants droit 19

A- La situation des personnes disparues 20

B- La localisation et ou l'identification des tombes 21

Chapitre III : Les organes chargés de la recherche 21

Section 1 : - Les organes indépendants 21

§ 1 - Des commissions d'enquête 21

§ 2 - Du Collège de Sages 22

Section 2 : Les organes semi-indépendants 24

§ 1 - De la Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN) 25

§ 2 - Du comité de Mise en Oeuvre des Recommandations de la CRN 25

Deuxième partie : Le pardon 27

Chapitre I : Les fondements du pardon 28

Section 1 : La recherche de la paix sociale 28

Section 2 : La réconciliation nationale 29

Chapitre II : les acteurs du pardon 30

Section 1 : Les auteurs de crimes 30

§ 1 - Des auteurs militaires 30

§ 2 - Des auteurs civils 31

Section 2 : Les victimes 31

§ 1 - Des victimes Individuels 31

§ 2 - Du peuple 32

Chapitre III : La journée nationale du pardon (JNP) 33

Section 1 : L'esprit de la JNP 33

§ 1 - De la responsabilité devant l'histoire 33

§2 - De la demander pardon 35

Section 2 : La portée de la JNP 36

§ 1 - Une initiative louable 36

§ 2 - Une divergence de procédure 37

Troisième partie : Les réparations 38

Chapitre I : Les fondement des réparations 39

Section 1 : La reconnaîssance d'un tort 39

Section 2 : La réparation du tort 40

Chapitre II : Les objectifs des réparations 41

Section 1 : La dimension morale 41

Section 2 : La dimension politique et socio- économique 41

§ 1- De la dimension politique 42

§ 2-De la dimension socio-économique 42

Section 3 : Ls limites 44

§ 1 - Des imites objectives..................................................................44

§ 2 - Des imites subjectives 45

Conclusion 46

Bibliographie 49

INTRODUCTION

Le Burkina Faso, ex Haute -Volta est un pays situé au coeur de l'Afrique de l'ouest. D'une superficie de 274000 kilomètres carrés, sa population est estimée à 13 millions d'habitants1(*). On y dénombre une soixantaine d'ethnies vivant dans une parfaite harmonie et usant à merveille de la parenté à plaisanterie2(*). La population bukinabé est reconnue comme étant travailleuse et disciplinée. Les burkinabés vont, à partir des années 60, faire l'expérience de tous les régimes3(*) qui ont marqué le 20ème siècle.

Le Burkina Faso a la réputation d'être un pays politiquement et socialement stable en Afrique occidentale. Cette stabilité a été sérieusement remise en cause par un événement macabre qu'il est convenu d'appeler le drame de Sapouy4(*). En effet, le 13 décembre 1998, Norbert ZONGO, directeur de publication de l'hebdomadaire « L'Indépendant », ainsi que trois de ses compagnons, parmi lesquels son frère, ont été retrouvés carbonisée dans leur véhicule.

Le drame de Sapouy a créé une onde de choc provoquant la rupture de confiance et le déficit de dialogue entre les acteurs politiques et les populations d'une part et d'autre part, entre le gouvernement et l'opposition. Ce crime rallongeait une liste déjà longue de crimes non élucidés qui endeuillaient des familles et dégradaient le climat politique. S'agit-il d'un crime politique ? Des doigts accusateurs pointaient le pouvoir en place. Dans un élan de désapprobation et de colère généralisées, les populations, particulièrement la jeunesse, ont manifesté leur mécontentement sur la quasi totalité du territoire national, à travers des marches de protestation accompagnées de destructions de biens publics et privés. Tout ce qui symbolisait l'Etat et le parti au pouvoir5(*) faisait l'objet d'attaques et de destructions systématiques lors des manifestations de protestation. Les organisations des droits de l'homme ainsi que les partis politiques de l'opposition se sont regroupés en Collectif des Organisations Démocratiques de Masses et des Partis Politiques (CODMPP) pour demander au gouvernement toute la lumière et la justice dans ce qu'ils ont appelé « l'affaire Norbert ZONGO ». D'un commun accord ils vont soumettre au gouvernement une plate-forme revendicative dans laquelle, ils appelaient de tous leurs voeux la création d'une commission d'enquête indépendante.

Désormais, la lutte était récupérée par le collectif qui allait l'endosser pour le compte et au nom des protestataires. Celui-ci allait s'ériger en seul interlocuteur face au gouvernement. Cette situation de violence généralisée ne pouvait perdurer car, il venait non seulement ternir l'image et la réputation du pays, mais affectait sérieusement le fonctionnement des institutions républicaines. De ce fait, le gouvernement ne pouvait rester insensible à une crise aussi majeure qui, en quelque mois, menaçait sérieusement la stabilité politique et sociale du pays.

Pour apaiser la tension, le chef de l'Etat, le 21 mai 1999, montait au créneau et adressait, cinq mois après le drame, un message6(*) d'apaisement à la population ; message dans lequel il reconnaissait que le Burkina Faso traversait une crise majeure qui mettait à rude épreuve la cohésion sociale. En outre, il reconnaissait la légitimité des questionnements auxquels étaient confrontés ses concitoyens et des réponses pertinentes qu'ils étaient en droit d'en attendre. Par ailleurs, il rassurait ses concitoyens par le fait que le gouvernement prendrait toutes les mesures utiles afin que les personnes concernées par le drame puissent répondrent de leurs faits devant la justice.

Enfin, le chef de l'Etat affirmait avoir pris acte des attentes fortes et fondées de ses concitoyens relativement à d'autres crimes impunis, à la réconciliation des coeurs et à la consolidation de la paix sociale dans le pays. A cet effet, le chef de l'Etat burkinabé avait décidé d'instituer le Collège des sages.

L'institution du Collège des Sages était un désaveu implicite de la justice institutionnelle, révélant ainsi son impuissance à faire face à un passif criminel et un passé parsemé d'impunité que la crise de Sapouy avait contribué à révéler. Cette justice en dysharmonie avec son peuple était décriée et mise en accusation.

En effet, les burkinabé ont toujours reproché à leur justice d'être partisane, sévère à l'égard des plus faibles et complaisante à l'endroit des plus forts7(*). Le Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples (MBDHP8(*)) faisait état dans un de ses rapports9(*), d'une justice dont l'indépendance est tributaire de nombreux problèmes politiques, matériels, humains, textuels etc. et justifiait son discrédit par ses errements au cours de l'histoire10(*). En effet, la parenthèse révolutionnaire, dans l'histoire politique du Burkina Faso, a fragilisé à l'extrême l'appareil judiciaire avec l'institution des Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR) où magistrats et les Comités de Défense de la Révolution (CDR) siégeaient pour rendre une justice révolutionnaire. En outre, cette période a été marquée par la forte politisation de l'institution avec un bouleversement total de la hiérarchie dans le corps, l'introduction d'une procédure révolutionnaire11(*) et l'apparition d'acteurs politiques magistrats. Toutes choses ayant contribué à créer une méfiance des citoyens vis-à-vis de l'institution. L'avènement de la quatrième République en 1991, où les acteurs politiques du passé, toutes tendances confondues, par un jeu de recomposition inimaginable se sont retrouvés soit au pouvoir, soit dans l'opposition, n'avait pas été d'un grand secours pour l'institution judiciaire dont la situation n'avait pas évoluée pour autant.

Le Président du Faso, dans son programme pour un développement solidaire12(*) disait à propos de la justice : « en raison du rôle central de la justice dans tout système de gouvernance et en matière de développement, je ferai de la réforme de notre système judiciaire un grand chantier. Notre justice doit changer en profondeur et offrir les garanties de sûreté nécessaires à tout citoyen et à tout investisseur intéressé par notre pays »13(*).

Une justice en crise, pouvait-elle répondre aux attentes des burkinabés par rapport à une situation de crise dont elle même n'est pas étrangère ? Victime ou acteur ?

L'institution d'organes chargés de rechercher la vérité sur les nombreux crimes commis durant quarante années est une des preuves palpables de la mise à l'écart de la justice (première partie). En outre l'institution du pardon comme un mécanisme de règlement des conflits sociopolitiques, en est une autre preuve (deuxième partie). Enfin, les réparations accordées aux victimes de violences en politique, au terme d'un processus de reconnaissance de leur statut par une voie non judiciaire achèvent de convaincre de cette situation de mise à l'écart (troisième partie).

Spéculer sur la justice transitionnelle au Burkina Faso représente un double intérêt que les développements subséquents s'efforceront de faire ressortir.

Le premier intérêt réside dans la spécificité du processus de réconciliation nationale tel qu'il s'est opéré au Burkina Faso. S'agit-il d'une innovation ou d'une caricature de cette forme particulière de justice qu'est la justice transitionnelle ?

Cette spéculation, vise également à poser la problématique de l'efficacité d'un tel processus comme mécanisme de résolution des conflits sociopolitiques.

Il est peut-être prématuré de se prononcer sur le processus entamé au Burkina Faso en vue d'épurer le passé de toutes les violations des droits de l'homme constituées par les crimes et délits divers. En somme, la spéculation est sans plus, qu'une tentative visant à analyser une expérience burkinabé semblable à d'autres, mais qui n'en conserve pas moins son originalité.

Première partie : La recherche de la vérité

Lors des manifestations consécutives au drame de Sapouy, les manifestants exigeaient tout d'abord que la vérité soit faite. Au fil des mois, cette revendication relative à la recherche de la vérité allait subir des mutations et prendre des proportions insoupçonnées. Le Collège des Sages, dans son rapport, faisait l'analyse suivante : « La crise actuelle que notre pays traverse depuis quelques mois est réelle et profonde. Elle n'est pas que conjoncturelle ; elle est structurelle. Elle s'étend à tous les secteurs de la vie nationale et touche toutes les couches de la population. Elle se manifeste dans le domaine social et culturel, politique et administratif, économique et enfin au niveau éthique. Les tragiques évènements récents, notamment le drame intervenu le 13 décembre 1998 à Sapouy, n'en ont été que le détonateur. »14(*) Est-ce une question d'opportunité politique ou une volonté d'en finir avec un passé qui présente un lourd passif en matière de violation des droits de l'homme ? Toujours est-il que les revendications vont conduire à l'examen des crimes impunis de 1960 à 2000. Dès lors, il convient de s'interroger sur l'initiative d'une telle recherche de la vérité (chap. I), l'objet et le contenu de cette recherche (chap. II) et enfin, les organes chargés de la recherche de la vérité (chap. III).

Chapitre I : L'initiative de la recherche de la vérité

Il faut rappeler qu la recherche de la vérité concerne tous les crimes impunis depuis quarante années soit de 1960 à 2000.

Au Burkina Faso, l'initiative des poursuites, en matière pénale, appartient concurremment au Procureur du Faso15(*) et à la victime selon les cas16(*). En outre, le procureur et la victime ne peuvent indéfiniment poursuivre les auteurs d'un crime, d'un délit ou d'une contravention au nom du principe de la prescription des infractions.

Ainsi, un crime se prescrit en dix (10) ans, un délit en trois (03) ans et une contravention en un (01) an17(*). Cette recherche de vérité ne peut se faire qu'en la violation de tous ces principes contenus dans le code de procédure pénale et le code pénal. Cela se justifie aussi bien par une soif généralisée de justice que par une volonté politique manifeste.

Section 1 : Une soif de justice générale

Le drame de Sapouy a été l'élément déclencheur d'une quête de justice jamais égalée au Burkina faso. Cette quête a été un besoin individuel (§.1) de chaque citoyen burkinabé avant d'être un besoin collectif (§. 2).

§ 1 - Un besoin individuel

L'article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'article 7 de la Charte Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples réaffirment le principe du recours effectif devant les juridictions nationales compétentes, pour toute personne, contre les actes qui violent les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi. L'article 4 alinéa 1 de la Constitution burkinabé18(*) consacre ce même principe et reconnaît, à tous les burkinabés, le droit à ce que leur cause soit entendue par la juridiction compétente.

Dans l'analyse des principales causes de la crise de Sapouy, le Collège des Sages a stigmatisé entre autres :

- l'absence de justice sociale se traduisant par l'inégalité dans la répartition des ressources nationales et des revenus en même temps qu'une concentration de plus en plus croissante des richesses entre les mains d'une minorité ;

- les frustrations et les rancoeurs dues à l'accumulation des problèmes non résolus (disparitions, assassinats non élucidés, tortures, carrières arbitrairement brisées, caractère unilatéral des décisions de ceux qui assument le pouvoir, même pour des questions d'intérêt national) ;

- la limitation des réhabilitations à leur dimension purement administrative et financière, de surcroît parfois incomplètes et pour lesquelles, personne n'assume la faute de la sanction arbitraire, ni ne demande pardon ;

- la non satisfaction des exigences socioculturelles à l'endroit de certaines victimes des violences politiques (morts dont on ignore jusqu'à la tombe et disparus dont la mort n'a jamais été officiellement reconnue) ;

- la précarité de la sécurité des personnes et des biens (coupeurs de route, grand banditisme, vandalisme, milices privées, abus de pouvoir et d'autorité) ;

- l'injustice (justice à deux vitesses et inégalité des citoyens devant la loi) et la culture de l'impunité (transgression consciente des lois avec le sentiment qu'on ne sera pas sanctionné).

Cette analyse du Collège des Sages laisse donc percevoir qu'au Burkina Faso, le citoyen n'a pas toujours jouit du droit d'ester en justice à lui reconnus par la Constitution et par les instruments internationaux pour la satisfaction de ses droits ou pour faire sanctionner les violations y relatives. En outre, la loi n'a pas toujours été protectrice des plus faibles ; au lieu de les protéger, elle a parfois contribué à les exposer à certains abus (arrestations et détentions arbitraires, exécutions extrajudiciaires)19(*). Au delà des individus personnes physiques, les violations dont il s'agit ont eu un impact sur l'ensemble des citoyens burkinabé.

§ 2 -Un besoin collectif

La soif de justice s'est révélée être également une soif collective. Elle était la résultante de toutes les soifs individuelles et il ne s'agissait pas d'individus isolés, appartenant à des minorités ethnique, raciale ou socioprofessionnelle, victimes d'une violation particulière d'un droit à caractère collectif, mais d'individus citoyens. Et comme l'a reconnu le chef de l'Etat burkinabé dans son adresse à la Nation du 21 mai 1999 : « les problèmes sociaux, les contentieux politiques, les dysfonctionnements administratifs, la modernisation des institutions républicaines, la recomposition de la scène politique, voilà autant de points sur lesquels, vous attendiez des réponses pertinentes à la mesure de vos aspirations profondes ».

En effet, les questions de justice sociale, économique et politique faisaient partie avec acuité des aspirations des burkinabés et plus que ces questions, celles relatives à la justice tout simplement étaient urgentes eu égard à la déliquescence du climat social et politique.

Cette analyse menée par le chef de l'Etat l'a été au bout de plusieurs mois de crise où les populations, à travers marches, meetings, sit-in et affrontements avec les forces de l'ordre et diverses atteintes aux biens publics et privés, exprimaient leur mécontentement. Dès lors, il devenait urgent, de prendre une décision politique qui apaise les esprits et fasse baisser la tension sociale.

Section 2 : Une décision politique

La volonté politique de parvenir à une réconciliation nationale était perceptible de par le passé. L'acte majeur a été l'ouverture, le 11 février 1991, d'un forum de réconciliation nationale. Malheureusement, l'atmosphère électrique des débuts du forum a conduit à sa suspension. Cela s'expliquerait par le fait qu'au Burkina Faso, les acteurs politiques d'hier sont aujourd'hui au pouvoir ou dans l'opposition ; toutes choses rendant difficilement crédible la volonté des uns et des autres à faire la lumière sur un passé dont ils restent comptables. Le président Blaise COMPAORE est conscient de cette difficulté lorsqu'il affirme: « L'accélération de l'histoire fait défiler les évènements à une allure telle que la maîtrise par l'homme des faits devient impossible, rendant celui-ci artisan de situations non désirées. Les instants tragiques que nous avons vécus, le 15 octobre courant, font partie de ces types d'événements exceptionnels que nous fournit souvent l'histoire des peuples. »20(*)

Le 21 mai 1999, à l'occasion de son message à la Nation, du Président du Faso réaffirmait une fois de plus sa volonté politique d'élucider les crimes présents et passés ; le tout, dans le souci de préserver la paix sociale, de rétablir la confiance dans les institutions, de renforcer la foi des burkinabé dans le dialogue et la concertation. Il faut dire que cette décision fait suite à des pressions exercées à tort ou à raison par des groupes de pressions dont le plus emblématique est le Collectif des Organisations Démocratiques de Masse et des Parties Politiques.

En tout état de cause, l'objet et le contenu de la recherche de la vérité, pour lesquels les burkinabé semblent être unanimes, restaient à préciser. 

Chapitre II : L'objet et le contenu de la recherche de la vérité

L'objet de la recherche porte sur quarante années d'histoire et son contenu, sur la vérité concernant ces années. Mais alors, de quelle histoire et de quelle vérité s'agit-il ?

Section 1 : L'objet de la recherche de la vérité

Les revendications des burkinabé se résument essentiellement à la soif de justice qui est une question fondamentale dans tout Etat de droit, démocratique et moderne. Cette question a toujours été récurrente dans tous les régimes qui se sont succédés au sein de l'Etat et surtout pendant les régimes d'exception qui, au regard de l'histoire détiennent la palme d'or en matière de violations des droits de l'homme. Si au cours de la quatrième République, la crise a été profonde, nul doute qu'elle est l'aboutissement de quarante années de violations continues des droits de l'homme (§. 1), période pendant laquelle le silence était le maître mot (§. 2).

§ 1 -Des violations continues des droits de l'homme

La question que l'on pourrait se poser légitimement est la suivante : pourquoi élargir les investigations sur des violations de quarante années, alors que les revendications sociopolitiques tendaient à les circonscrire à la période de règne du président COMPAORE qui s'étale du 15 octobre 1987 à nos jours ?

Les crimes de sang décriés de même que les mesures de toute nature contestées par le collectif dans sa plate-forme revendicative21(*) en sept points, relèvent de cette période. En outre, il ressort du rapport du Collège des Sages22(*), que le premier assassinat politique de l'histoire politique est intervenu en 1982 et la victime était le Lieutenant-colonel de gendarmerie NEZIEN Badembié Pièrre Claver.

De 1960, année d'accession à l'indépendance politique et à la souveraineté de l'ex Haute volta (aujourd'hui Burkina Faso) à nos jours, les analystes et observateurs de la scène politique burkinabé sont unanimes à reconnaître que la violence s'est souvent érigée en mode de gouvernement, sinon qu'elle constituait le mode de gouvernance de certains régimes. Si le régime du Président du Faso Blaise COMPAORE (Front populaire et quatrième république) est comptable de crimes importants et cela, eu égard à leur nombre et à leur célébrité, il n'en demeure pas moins que les autres régimes en ont commis. Cependant l'ambiguïté du choix de la période, objet de la recherche de vérité, réside en ce que, au Burkina Faso, les régimes qui se sont succédés de 1960 à nos jours sont des régimes hétérogènes, où les acteurs d'hier sont les opposants d'aujourd'hui, où chaque coup d'Etat en annonçait un autre où enfin, les acteurs civils de la vie politique avaient fréquemment recours aux forces armées nationales pour la conquête et l'exercice du pouvoir. Ainsi, l'histoire révèle que la première République du Président Maurice YAMEOGO (1960-1966), marquée par un fort ancrage à droite, a été remerciée par les populations qui se soulevèrent le 03 janvier 1966 et appelèrent l'armée au pouvoir.

Les régimes d'exception du Président Sangoulé LAMIZANA (de 1966 à 1970 et de 1974 à 1978) ainsi que la deuxième République (1970-1974) ont imprimé au pays une politique fluctuant entre la droite classique et le centre droit suivant les dosages que les circonstances du moment dictaient.

De 1980 à 1982, avec l'avènement du Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National (CMRPN) du colonel Saye ZERBO, le Burkina Faso connaîtra un fléchissement gauchissant avec une forte poussée socialiste. Fait marquant de cette période, les clivages idéologiques jusque là contenus dans les milieux civils, gagneront les rangs de l'armée, exacerbant le conflit de génération entre les aînés et les jeunes officiers qui en découdront par les armes.

De 1982 à 1983, sous le Conseil du Salut du peuple (CSP) du commandant Jean Baptiste OUEDRAOGO, la Haute-Volta sera gouvernée par un mélange explosif de patriotes progressistes et de communistes révolutionnaires. Le clivage idéologique sera porté à son paroxysme et très vite la rhétorique révolutionnaire l'emportera, imposant de ce fait une lutte des classes sans précédent.

De 1983 à 1987, le Capitaine Thomas SANKARA et l'aile communiste du Conseil du Salut du Peuple imposeront une révolution sous la conduite du Conseil National de la Révolution (CNR). La Haute-Volta deviendra Burkina Faso. Ce régime cultivera une vision manichéenne de la société voltaïque puis burkinabé avec d'un côté, les bons et de l'autre, les mauvais publiquement déclarés ennemis du peuple ; les premiers devant absolument éliminer les seconds. La violence du discours et la culture de la terreur prendront leur fondement sous ce régime.

De 1987 à 1991, le Front populaire du capitaine Blaise COMPAORE tentera d'humaniser la révolution. Le Burkina Faso reviendra alors à un régime progressiste nationaliste, mais toujours avec sur toile de fond, la persistance de la terreur et de la violence.

Avec la chute du mur de Berlin, et la démocratisation imposée lors de la conférence de la Baule par François MITTERAND (1990), la 4ème République (depuis 1992) devient un régime de gauche libéral. Mais, on passe difficilement de la révolution à la démocratie sans à-coups de traumatisme. Le régime de la 4ème République va l'apprendre à ses dépens, obligé qu'il était de gouverner avec des acteurs aux idéaux politiques parfois divergents. La survivance des réflexes des Etats d'exception autorisera la persistance de la violence en politique ce, d'autant plus qu'il n'y avait quasiment pas d'opposition extraparlementaire. A cet effet, Maria José Falcon Y Tella disait à propos du droit à la désobéissance civile que : « Dans un système démocratique, il faut distinguer le principe d'égalité et le principe de la majorité avec le respect du pluralisme. Une des voies d'expression dudit pluralisme serait l'opposition extraparlementaire qui, par définition doit professer sa loyauté aux principes qui gouvernent le système politique. Dans le cas contraire, on parlera plutôt d'opposition anti-système. D'un point de vue utilitariste, la première approche est plus appropriée que la seconde. Il est en effet préférable d'intégrer les ennemis du système que de les maintenir à l'écart. Selon le degré d'intégration de ces derniers, il y a lieu de classer les gouvernements démocratiques en gouvernements minoritaires, gouvernements de coalition et gouvernements majoritaires. Ce sont ces derniers qui s'exposent le plus à l'exercice de la désobéissance civile. »23(*)

Au regard de ce bref aperçu historico politique, il est indéniable que la responsabilité de tous les acteurs de la scène politique nationale est ici engagée : le pouvoir, l'opposition et les organisations de la société civile plus ou moins inféodées aux partis politiques.

§ 2 - De la loi du silence

Le contexte social durant ces quarante années, très souvent caractérisé par la terreur, n'a pas toujours été favorable à l'expression des droits et des libertés.

En effet, le processus de réconciliation montre que les violations les droits de l'homme sont restées impunies. Des individus ont donc souffert en silence, physiquement, moralement et matériellement des manquements à leurs droits sans faire valoir celles-ci devant une autorité compétente. Il y a lieu de citer les expropriations arbitraires, la violence gratuite, les détentions secrètes accompagnées de séquestrations dans des lieux secrets ou non conventionnels. Il ressort du rapport du Collège des Sages que plusieurs personnes ont perdu la vie suites à ces pratiques.

En outre, la Liberté d'opinion et d'expression, 24(*)dans ses composantes liberté de penser et liberté d'informer autrui, a beaucoup souffert, plus particulièrement sous les régimes d'exception, notamment les régimes révolutionnaires. Considéré comme l' « un des droits les plus précieux de l'homme »25(*), la liberté d'expression est un droit spécifique énoncée par l'article 11 de la déclaration de 1789, 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 9 de Charte Africaine des Droit de l'Homme et des Peuples. Elle est « un droit hors commun : à la fois un droit en soi et un droit indispensable ou préjudiciable à la réalisation d'autres droits26(*), à la fois droit individuel, relevant de la liberté spirituelle de chacun, et droit collectif, ou plutôt conviviale, permettant de communiquer avec autrui.»27(*) L'une des conséquences directes de la violation de ce droit au Burkina Faso est l'enlèvement et l'emprisonnement des leaders d'opinion, voire de simples citoyens, la fermeture ou la destruction des organes de presse28(*). Toutes choses contraires aux textes nationaux29(*) et internationaux30(*) qui consacrent la liberté d'opinion et d'expression.

La peur des représailles, les plaintes sans suite et les dysfonctionnements de l'appareil judiciaire ont constitué parmi tant autres, des raisons justificatrices de ce silence pendant ses quarante années.

Section 2 : Le contenu de la recherche

Le contenu de la recherche sur les quarante années consiste à dresser un état exhaustif des crimes et autres violences politiques ; autrement dit recenser des crimes d'une part (§. 1) et d'autre part, le recensement les victimes et leurs ayants droit (§. 2).

§ 1 -Du recensement des crimes

Le recensement initial du nombre total de dossiers de crimes impunis de 1960 à 2000, selon le rapport de la Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN), donnait le tableau suivant :

Classification

Nombre de dossiers

-crimes économiques

- Trois (03)

-Crimes ayant entraîné des pertes en vies humaines

- Cent (100)

-Crimes ayant entraîné des préjudices moraux, physiques, matériels et financiers

- Cent quatre-vingt-six (186)

total

-Deux cent quatre-vingt-neuf (289)

Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.16

Après un examen approfondi des différents crimes recensés par la CRN, le CMOR-CRN a retenu ce qui suit :

Classification

Nombre de dossiers

-Crimes ayant entraîné des pertes en vies humaines

- Cent quatre (104)

-Crimes ayant entraîné des préjudices moraux, physiques, matériels et financiers

- Cent quatre-vingt-deux (182)

total

-Deux cent quatre-vingt-neuf (286)

Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.17

Les trois (03) dossiers de crimes économiques ont été abandonnés dès le départ car jugés inopportuns par la CRN elle-même.

A - Les crimes ayant entraîné des préjudices divers

Le comité s'est rendu compte, à la suite de l'examen des 182 dossiers individuels, 24 cas de double ou de triple dossiers (une même personne ayant un dossier dans 2, voire 3 catégories de crimes). Ainsi, le nombre de cas correspondant aux 182 dossiers est de 182 -24=158. A ce nombre, il faut imputer les cas non retenus. En effet, l'examen des 158 cas cités a permis au comité d'éliminer 23 cas pour lesquels, soit la CRN a recommandé leur rejet, soit le comité a estimé que les problèmes évoqués, quand ils sont réels, n'ont pratiquement rien à voir avec la question de la réconciliation nationale. En définitive donc, le nombre de dossier retenus par le comité pour l'analyse approfondie est de 135.

Le récapitulatif des crimes ayant entraîné des préjudices moraux, physiques, matériels et financiers donne le tableau suivant :

Désignation

Nombre

Cas à caractère privé

Treize (13)

Cas à caractère administratif

Cinquante six (56)

Cas à connotation politique : vandalisme

Quarante (40)

Cas à connotation politique : Séquestration

Vingt six (26)

Total

Cent trente cinq (135)

Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.20

B - Les crimes ayant entraîné des pertes en vies humaines

L'examen des 104 dossiers individuels a permis d'identifier 02 cas de double emploi. Ainsi, les 102 cas restant ont été regroupés selon le tableau suivant :

Désignation

Nombre

Cas de personnes disparues

Quinze (15)

Cas de personnes tuées au cours ou des suites directes de coups d'Etats

Trente (30)

Cas de personnes tuées au cours d'attentats ou d'assassinats

Neuf (09)

Cas de personnes décédées des suites de tortures

Six (06)

Cas de personnes exécutées pour tentatives de coup d'Etat

Onze (11)

Cas de personnes exécutées pour assassinat d'un officier et de son épouse

Trois (03)

Cas de personnes tuées pour non respect de sommation

Trois (03)

Cas de personnes tuées par bavures policières

Trois (03)

Cas de personnes décédées de mort suspecte

Quinze (15)

Cas de personnes décédées de suites de lynchage

Une (01)

Combattants morts à la guerre du Libéria

Trois (03

Dossiers non retenus, affaires récemment jugées

Trois (03

Total

Cent deux (102)

Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.20

§ 2 - Du recensement des victimes et leurs ayants droit

En Afrique et plus particulièrement au Burkina Faso, lorsqu'une personne décède, il y a lieu de lui organiser des obsèques et des funérailles conformément aux rites prescrits par ses ancêtres ou par sa religion. Il s'agit de permettre à l'âme du défunt de reposer en paix, en même temps qu'à sa famille de faire dignement le deuil. En tout état de cause, la famille doit être au moins informé du lieu de l'ensevelissement. La non satisfaction de ces exigences socioculturelles et ce, malgré l'existence d'un l'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988, a causé tant de frustrations, de rancoeurs et d'injustice. Dès lors, il était important que les familles obtiennent des clarifications aussi bien sur la situation de leurs disparus ou morts que sur le lieu de sépulture.

A - La situation des personnes disparues

Quinze personnes avaient été concernées par cette situation. Après les différentes investigations, dix (10) cas ont pu être clarifiés dont des cas célèbres comme celui du professeur d'université SESSOUMA Guillaume et de l'étudiant en 7ème année de médecine DABO Boukary décédés respectivement en 1989 et en 1990 et dont les noms ressortent chaque année dans les plates-formes revendicatives de l'Association Nationale Des Etudiants du Burkina (ANEB) et du CODMPP. Cinq cas de disparition n'ont pas pu être élucidés et font toujours l'objet d'investigation.

Il est à noter que la quasi totalité des disparitions l'ont été courant années 1987- 1998 et correspondant à la fin de la période des Etats d'exceptions et au début de l'ère démocratique. Les tombes ont été localisées principalement dans des régions à fortes activités militaires. Ce qui laisse penser que ces disparitions sont du fait de ces derniers et sont politiques.

Ces disparitions constituent des violations de droits consacrés par l'article 02 de la Constitution du 02 juin 1991 ainsi qu'il suit : «  la protection de la vie, la sûreté et l'intégrité physique sont garanties. » En outre, selon l'article 03 de ladite Constitution: «  Nul ne peut être privé de sa liberté s'il n'est poursuivi pour des faits prévus et punis par la loi. Nul ne peut être arrêté, gardé, déporté ou exilé qu'en vertu de la loi. »

B - La localisation et/ou l'identification des tombes

Trente-deux (32) cas de tombes à localiser et/ou à identifier ont été recensés par le comité. Les investigations ont permis de localiser et/ou d'identifier vingt-deux tombes dans la province du Nahouri, du kadiogo, du Boulkiemdé et du Houet. Deux tombes ont été localisées au Libéria. La situation des tombes donne le tableau suivant :

Classifications

Nombres

Tombes individuelles localisées et identifiées

Huit (08)

Tombes individuelles localisées mais non identifiées

Douze (12)

Tombes communes à deux (02) localisées et identifiées

Deux (02)

Tombes communes à cinq (05) localisées et identifiées

Une (01)

Tombes communes à six (06) localisées et identifiées

Une (01)

Tombes individuelles non localisées et non identifiées

Cinq (05)

Total

 

Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.24

Chapitre III : Les organes chargés de la recherche

Le divorce entre le peuple burkinabé et sa justice a eu pour conséquence, la mise à l'écart de cette dernière des investigations pour élucider certains crimes politiques mais surtout, dans le processus global de réconciliation nationale.

Parallèlement, il a été crée des organes indépendants (section 1) et des organes semi indépendants (section 2) avec pour mission d'enquêter et de rechercher les auteurs d'infractions, toutes choses relevant normalement de la compétence de l'institution judiciaire.

Section 1 : - les organes indépendants

Deux types d'organes chargés d'enquêter ou de récolter des renseignements sur des crimes impunis, qu'ils soient politiques ou économiques. Ce sont : les commissions d'enquêtes (§. 1) et le collège des sages (§. 2). La caractéristique principale de ces organes est leur indépendance vis-à-vis de l'influence de l'autorité politique qui les a créés et des groupes de pression de toute nature.

§ 1 - Des commissions d'enquête

Deux sortes de commissions d'enquête indépendante ont été constituées pour élucider les crimes dits politiques.

La première, dénommée Commission spéciale d'enquête, a été créée par le décret n° 91-0452-bis/PRES du 19 décembre 1991. Elle a été chargée de faire la lumière sur l'assassinat du Professeur Oumarou Clément OUEDRAOGO, grand idéologue du Front Populaire devenu Organisation pour la Démocratie et Progrès/Mouvement du Travail (ODP/MT). Cette commission est parvenue aux conclusions selon lesquelles ledit assassinat est un crime perpétré par des spécialistes. Il engage la responsabilité de l'Etat.

En vérité, ces conclusions n'étaient qu'un secret de polichinelle. Au demeurant, la justice va en 1992 inculper un suspect. A l'issue d'une procédure ayant durée douze ans, celui-ci qui sera acquitté pour infraction non constituée.

La deuxième commission dénommée Commission d'enquête indépendante, a été créée par le décret n°98-0490/PRES/PM/MEF/DEF/MJ6SG/MATS du 18 décembre 1998 portant création, composition et attributions d'une commission d'enquête indépendante modifiée par le décret n° 99-001/PRES/PM/MEF/DEF/MJ6SG/MATS du 7 janvier 1999.

Elle avait pour mission de mener toutes investigations permettant de déterminer les causes de la mort des occupants du véhicule 4X4 immatriculé 11j 6485 BF, dont le journaliste Norbert ZONGO, survenue le 13 décembre 1998 sur l'axe routier Ouagadougou- Sapouy. Les conclusions de son rapport étaient essentiellement les suivantes :

-L'assassinat du journaliste et de ses compagnons était politique et visait principalement le premier ;

-Six suspects sérieux avaient été identifiés et appartenaient à la garde de sécurité présidentielle. Le rapport de la Commission d'enquête sera transmis au juge d'instruction saisi de l'affaire pour exploitation. L'affaire se termina par une ordonnance de non lieu rendu par le juge d'instruction, trois ans après sa saisine. Quant est-il du Collège des Sages ?

§ 2 - Du Collège des Sages

Le Collège des Sages a été créée par le décret n°99-158/PRES portant création, composition et missions du Collège de Sages et conformément aux engagements pris par le chef de l'Etat, le 21 mai 199931(*). Il avait pour mission d'oeuvrer à la réconciliation des coeurs et à la consolidation de la paix sociale. A cette fin, il était chargé :

- de passer en revue tous les problèmes pendants qui sous-tendaient la crise dite de Sapouy ;

- de proposer des traitements à réserver à tous les crimes impunis ainsi qu'à toutes les affaires d'homicide résultant ou présumées résulter de la violence en politique pour la période allant de 1960 à nos jours32(*) ;

- de faire des recommandations susceptibles de promouvoir la réconciliation nationale et la paix sociale.

Le Collège de Sages était composé de trois (03) anciens chefs d'Etat, de huit (08) notabilités coutumières et religieuses et de cinq (05) personnes ressources. Ces personnalités, selon le chef de l'Etat étaient « créditées pour chacun d'entre elles de vertus d'intégrité et de droiture morale »33(*).

Le Collège de Sages a été accueilli avec réserve, scepticisme et circonspection voire avec hostilité par nombre de personnes, notamment par le CODMPP. Malgré tout, le Collège dirigé par l'évêque Anselme SANOU de Bobo-Dioulasso, a pris au sérieux sa mission et a transmis ses conclusions au chef de l'Etat burbinabé dans les délais à lui impartis par ledit décret.

Les travaux du Collège se sont déroulés à travers deux commissions. Il s'agit de :

- la commission chargée des problèmes pendants ;

- la commission chargée des crimes impunis et affaires d'homicide résultant ou présumés résulter de la violence en politique.

Dans cette perspective, le Collège a recueilli l'analyse, les recommandations et les suggestions de quarante et une (41) organisations et instances de la vie sociale, politique et économique du pays. Par ailleurs, deux cent soixante quatorze (274) personnes dont quarante et une (41) femmes issues de toutes les sensibilités et couches sociales ont été entendues.

Quant aux appels à témoins lancés en direction de la population, le Collège a enregistré deux cent trente et une (231) fiches réparties comme suit :

-crimes de sang : 91 ;

-crimes économiques : 81 ;

- autres crimes (séquestrations, tortures, carrières brisées) :49 ;

-autres fiches ne relevant pas de la mission de la commission : 10.

Après l'analyse minutieuse de tout ce qui précède, quatre principales propositions pour une sortie de crise ont été faites. Il s'agit de :

1) La réforme et la redynamisation de l'appareil judiciaire comme clef de voûte de tout le processus pour mieux garantir son indépendance et son efficacité ;

2) La mise en place d'une commission ad hoc consensuelle chargée de la relecture de certains articles, notamment de la Constitution en ses articles 3734(*) et 8035(*) et de l'élaboration consensuelle de certains textes, relatifs à la vie des partis politiques36(*) ;

3) La mise en place d'un gouvernement d'union nationale de large ouverture. Celui-ci sera chargé d'examiner et d'adopter les projets de lois élaborées par la commission ad hoc en vue de leur transmission à l'actuelle assemblée nationale ;

4) La mise en place d'une Commission Vérité, Justice pour la Réconciliation Nationale qui conduira le processus.

Ce point a fait l'objet d'une recommandation spéciale portant création d'une commission dénommée « commission vérité et justice pour la réconciliation nationale ».

Cette commission, selon le Collège, a pour mission d'une part, d'aider à faire la vérité sur les différents crimes et de veiller au droit à la réparation et d'autre part de présider le processus de cheminement vers la réconciliation nationale en vue d'une véritable catharsis et d'une volonté ferme de pardon mutuelle. La commission se dotera des structures techniques appropriées pour l'accomplissement des ses missions.

A l'issue de ses travaux, le collège des sages a estimé que la réconciliation ne peut se faire sans la connaissance de la vérité avec pour conséquence la réparation des préjudices subis. En effet la catharsis suppose que les acteurs assument leurs responsabilités, reconnaissent éventuellement leurs torts devant un peuple déterminé à dépasser les écueils douloureux de son histoire afin que la demande de pardon et son octroi s'appellent mutuellement. Dans le même ordre d'idées, le Collège de Sages a recommandé que la structure chargée des dossiers de crimes, les traite dans le sens de la réconciliation, prévoyant notamment la possibilité du plaidoyer de culpabilité37(*) comme cela s'est vécu dans d'autres pays38(*).

Pour garantir cette volonté de réconciliation, le Collège de Sages recommande que l'application de la catharsis commence par le premier responsable du pays, le Président du Faso. Il pourrait pour cela, dans un discours bref et solennel déclarer face à la nation qu'en tant que premier responsable :

a) il assume l'entière responsabilité de ce qui s'est passé et qui traumatise notre peuple ;

b) il demande pardon au peuple ;

c) il promet que de telles pratiques n'auront plus cours ;

d) il s'engage à travailler à l'avènement d'une société plus humanisée et plus consensuelle.

Par contre, le Collège des Sages a écarté le principe d'une amnistie générale à cette étape du processus.

Enfin le Collège des Sages a proposé l'adoption d'un projet de loi d'indemnisation.

Suite à la remise du rapport par le Collège de Sages, le Président du Faso a promis que tout sera mis en oeuvre pour que les recommandations puisent trouver une application rapide. Ces recommandations avaient-elles force obligatoire ; autrement dit s'imposaient-elle aux institutions républicaines ?

La recommandation en droit internationale est une résolution d'un organe international dépourvue en principe de force obligatoire pour les Etats membres. En droit interne, la recommandation s'entend d'un conseil donné par un organe délibératif à qui de droit, pour l'inviter à prendre une décision et à en édicter la norme. La création le 11 novembre 1999 et le 11 avril 2001 respectivement de la Commission pour la Réconciliation Nationale pour la mise en oeuvre des recommandations du Collège des sages et du Comité de Mise en OEuvre des Recommandations de la Commission pour la Réconciliation Nationale traduisent le caractère non contraignant des recommandations du Collège de Sages.

Section 2 : Les organes semi- indépendants

Le gouvernement a créé deux structures chargées de piloter le processus de réconciliation nationale. Ce sont : la Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN) et le Comité de mise en oeuvre des recommandations de la Commission pour la Réconciliation Nationale. En créant ses structures, il a voulu s'approprier la réconciliation nationale. La caractéristique principale de ces structures réside en ce qu'elles sont essentiellement composées de membres gouvernementaux39(*).

§ 1 - De la Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN)

La Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN) chargée de mettre en oeuvre les recommandations du Collège de Sages a été créée par le décret n°99-390/PRES/PM.

Cette commission après avoir examiné les différents dossiers de crimes économiques40(*) et ceux supposés résulter ou résultant de violences en politique41(*) impunis de 1960 à mars 2001, a indiqué des orientations pour leur traitement, formulé des propositions pour la consolidation de l'exercice des libertés publiques et proposé des modalités de mise en oeuvre de la réconciliation nationale. En outre, la commission situe les responsabilités de la tragédie burkinabé, aussi bien du côté des militaires qui ont perpétré les coups d'Etat que des civils qui en sont les véritables commanditaires. Par ailleurs, le rapport met en cause les partis politiques qui ont été ou qui sont au pouvoir et les partis d'opposition ; tous sans exception, ont eu recours aux militaires à un moment donné de l'histoire politico-militaire du Burkina Faso.

La question fondamentale à laquelle la commission a tenté de répondre était la suivante : « comment savoir et pouvoir assumer positivement une histoire politique faite de drames, de tragédies, de familles éclatées, de vies humaines sacrifiées sur l'autel de la conquête ou de l'exercice du pouvoir ? »

Ainsi, selon elle, les conditions indispensables à la réussite de la réconciliation nationale sont :

- la vérité (clarification des faits) ;

- la justice (connaissance de la vérité, dédommagement et réparation des préjudices) ;

- Et enfin le pardon (demande du pardon et acceptation du pardon).

§ 2 - Du Comité de Mise en Oeuvre des Recommandations de la CRN

Le Comité de mise en oeuvre des recommandations de la Commission pour la Réconciliation Nationale a été créé par le décret n°2000-141/PRES/PM du 11 avril 2000, portant création d'un Comité de Mise en OEuvre des recommandations de la Commission pour la Réconciliation Nationale.

Le comité avait pour mission :

a) d'élaborer et de soumettre au gouvernement :

-un plan de mise en oeuvre des mesures d'ordre général pour la réconciliation nationale ;

- des stratégies et des méthodes d'approche des victimes et /ou leur famille en vue du dialogue pour la réconciliation ;

- un plan de communication pour la réconciliation nationale ;

b) de suivre la mise en oeuvre du traitement des dossiers, objet du rapport de la Commission pour la Réconciliation Nationale.

Après douze (12) mois de travaux le comité a rendu son rapport. Ce rapport dresse une liste exhaustive des crimes impunis et fait le point des activités menées par le comité relativement à la clarification de la situation des personnes disparues, la localisation et/ou l'identification des tombes des personnes décédées, la prise de contact avec les familles de toutes les personnes disparues et ou décédés.

Selon le rapport, ce comité a également rencontré les victimes encore en vie, les a écoutés et recueilli leurs réclamations.

D'une manière générale, les victimes se sont prononcées sur un éventuel pardon à accorder ou pas à leurs bourreaux (même sans les connaître nommément ou de visu). Si dans leur ensemble les victimes encore en vie prétendent avoir pardonné à ceux qui les ont torturés, cela n'exclut pas la démarche inverse de demande de pardon. Cette fois, c'est l'Etat du Burkina Faso qui leur demanderait pardon.

Parallèlement à cette démarche, des enquêtes administratives, sur chaque cas, ont été mené en vue d'éclaircir les circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés.

Deuxième partie : Le pardon

Les différents organes mis sur pied afin de procéder à la lecture de l'histoire tragique du Burkina Faso durant quarante années sont unanimes, dans leur diagnostic, à reconnaître que les crimes et les violences de toutes natures subis par des burkinabés ont créé des frustrations et plus grave, des traumatismes individuels et collectifs auxquels, il s'avère indispensable d'apporter un remède efficace : le pardon. Prévu comme l'aboutissement d'un processus vers la réconciliation nationale, il se présentera comme une des étapes majeures avec la célébration de la journée nationale du pardon. Avant d'examiner un tel phénomène historique (Chap.3), il s'avère nécessaire de s'interroger sur les fondements du pardon (Chap.1) et d'en découvrir les acteurs (Chap.2) au Burkina Faso.

Chapitre I : Les fondements du pardon

Dans la quasi-totalité des religions du monde, le pardon joue un rôle essentiel et se présente comme une transaction à travers laquelle, celui qui avoue sa faute se voit accorder le bénéfice de la rémission de ses péchés. Chez les catholiques, il existe la confession des péchés devant le prêtre qui a le pouvoir au nom du Christ de pardonner les fautes des fidèles. Ainsi considérée, la confession est facteur de paix, un acte qui libère le coupable du fardeau de ses péchés, le réconcilie avec lui-même, le réconcilie avec Dieu qu'il a offensé à travers ses semblables et le réconcilie avec la communauté des croyants, l'Eglise. Qu'est-il alors du pardon lorsqu'il est organisé dans le cadre d'un Etat laïque et démocratique comme le Burkina Faso ? La différence entre le pardon dans le cadre institutionnel étatique et celui religieux relève d'une question de procédure ; les objectifs demeurent quasiment les mêmes à savoir, la recherche de la paix (sect.1) et la réconciliation (sect.2)

Section 1 : La recherche de la paix sociale

Dans son adresse à la nation le 21 mai 1999, le Président du Faso déclarait ceci : « la cohésion sociale a été mise à rude épreuve et soucieux de préserver la paix sociale, de rétablir la confiance dans les institutions, de renforcer votre foi dans le dialogue et la concertation, le gouvernement prendra toutes les mesures.. »42(*). Pour le Président du Faso, la cohésion sociale est compromise du fait de trois choses :

- la perte de confiance dans les institutions républicaines ;

- la rupture du dialogue ;

- le manque de concertation.

Comment alors, rétablir la confiance dans les institutions, renforcer la foi dans le dialogue et la concertation ? De simples mesures suffisent-elles ? Certainement pas ; voilà pourquoi, le Collège de Sages aussi bien que la Commission pour la Réconciliation Nationale avaient recommandé le pardon. Cette démarche vise d'abord à reconnaître que des droits de nombreux burkinabé ont été violés par le fait d'autres burkinabés et au nom de l'Etat ; que cette situation est anormale en ce sens qu'elle est négatrice des droits de l'homme. Ensuite, elle vise à permettre aux auteurs des différents crimes de sortir de leur peur, de confesser leurs crimes et de réintégrer la communauté. Egalement, elle permet aux victimes de sortir de l'anonymat, d'avoir un statut de victimes à travers la reconnaissance des torts qu'ils ont subis. Enfin, elle permet le rétablissement du dialogue entre bourreaux et victimes. Il s'agit en fait d'une thérapie où victimes et auteurs sont tous des patients. Cette thérapie a pour but de redonner la parole aux uns et aux autres afin qu'ils expriment l'indicible, qu'ils se libèrent et libèrent la parole en même temps qu'ils se parlent. Dès lors, victimes et auteurs se reconnaissent dans leurs rôles respectifs et prennent la mesure des torts qui ont été commis. Au sortir de cette thérapie, chacun se trouve restauré et rétabli dans sa dignité, même en l'absence de toute sanction. Le pardon ainsi conclu est signe de libération et marque un nouveau départ vers la réconciliation.

Section 2 : La réconciliation nationale

Au Burkina Faso, le débat s'est focalisé sur les conditions nécessaires et indispensables pour une véritable réconciliation nationale. Le pardon simple suffit-il ? Où est-ce qu'il faut en plus, punir les auteurs des crimes commis durant ces quarante années ? A cet effet, deux conceptions se sont opposées.

Les partisans de la trilogie43(*) justice, vérité et réconciliation affirment que le châtiment des fautes n'exclut pas la réconciliation. Selon eux, la réconciliation est l'aboutissement d'un processus et non le début. Pour les partisans44(*) du pardon, la réconciliation n'exclut pas le châtiment des fautes. Il faut, selon eux, asseoir d'abord la paix, donc le pardon, avant toute quête de justice.

Ce débat traduisait la méfiance et la tension qui subsistent entre certains acteurs de la scène socio-politique burkinabé. En tout état de cause, ce débat venait, montrer si besoin en était que la réconciliation sociale est un passage obligé vers le processus de maturation de la démocratie burkinabé.

Pour couper la poire en deux, le Président du Faso affirmait à l'occasion de la journée nationale du pardon que cette journée « est la quête d'un pardon qui ne met pas un terme à la recherche de la justice, ni une entrave à la manifestation de la vérité ; elle n'est pas une finalité en soi, mais bien une étape indispensable de réflexion, d'introspection et de résolution pour un nouveau départ.»

Chapitre II : les acteurs du pardon

La réalisation du pardon suppose la présence de deux parties que sont les auteurs et les victimes. C'est lorsque les auteurs de crimes (sect.1) et les victimes (sect.2) sont capables de se rencontrer, de se parler et de s'écouter, que naît un dialogue fécond et libérateur de toutes les angoisses et frustrations.

Section 1 : Les auteurs de crimes

Au Burkina Faso, la relecture de l'histoire tragique du pays, a permis de dresser une liste exhaustive des crimes et des violences qui ont émaillé ces quarante années. En outre, les travaux des différentes commissions qui se sont succédées ont également permis d'identifier et/ou de localiser les tombes. Cependant, les auteurs de ces atrocités n'ont pas été identifiés. Plusieurs raisons expliquent cela et parmi celles-ci, il y a le fait que certains auteurs sont membres du régime au pouvoir45(*). En tout état de cause, il ressort des rapports que l'armée est au premier banc des accusées et qu'elle est instrumentalisée par les acteurs politiques civils.

§ 1 - Les auteurs militaires

Le Burkina Faso a expérimenté de 1960 à nos jours, quatre régimes républicains et six régimes d'exception sans oublier les tentatives de coup d'Etat vraies ou supposées, avec des putschistes sacrifiés, de façon expéditive, sur l'autel de la sûreté d'Etat. Ces coups d'Etat et leurs tentatives ont toujours endeuillé des familles. C'était généralement le camp des vaincus qui payaient la note de leurs vies ou par de violences inouïes de la part des vainqueurs. C'était également des situations de non droit où les contradictions politiques se terminaient dans un bain de sang. Les militaires étaient les acteurs de ces coups d'Etat au bilan humain très souvent macabre et lourd. Ils en étaient aussi les principales victimes. Outre ces coups d'Etat, des militaires ont été impliqués dans des cas de tortures ayant entraîné la mort des victimes.

En tout état de cause, l'histoire du Burkina a montré que les militaires ont longtemps été des instruments au service des civils.

§ 2 - Les auteurs civils

La prise du pouvoir de janvier 1966 par les militaires était le fait des populations civils qui ont réclamé l'armée au pouvoir. Certains auteurs46(*) pensent que cette prise de pouvoir qualifié de coup d'état l'a été à tort. La preuve est que ledit coup s'est passée sans effusion de sang. Après cet événement, la vie constitutionnelle du Burkina Faso a été émaillée d'autres coups d'Etat, cette fois-ci à l'initiative des militaires eux-mêmes. Selon le rapport de la commission pour la réconciliation nationale, les recours fréquents des acteurs civils de la vie politique aux forces armées nationales pour la conquête et l'exercice du pouvoir, sont à l'origine de crimes divers et ont fini par enraciner la culture de la violence et de l'intolérance dans les débats d'idées et les choix institutionnels. Ces acteurs civils étaient généralement des intellectuels, grands penseurs et idéologues en quête de pouvoir. Ils étaient très souvent les victimes à l'arrivée de nouveau régime venu mettre fin au leur.

Section 2 : Les victimes

Les victimes des quarante années d'histoire politique tragique s'entendent des personnes physiques qui ont payé de leur vie des violences commises au nom de la République, de leurs familles, mais aussi de l'ensemble des Burkinabé.

§ 1 - Les victimes et leurs ayants droit

Les investigations ont fait ressortir que plus de cent quatre (104) personnes ont perdu la vie par suite directe de coups d'Etat, d'attentats ou d'assassinats, de tortures, de tentatives de coups d'Etat, de bavures policières de lynchage, de guerres, de disparitions ou autres. S'ajoutent à cette liste, les cas de violences à caractère privé, à caractère administratif, à connotation politique (vandalisme et séquestration) qui s'élèvent à cent trente sept (137) victimes. Quoique ce nombre de crimes et de violences soit en deçà des bilans semblables dressés dans certains pays, il n'en demeure pas moins que ce soit des vies humaines qui aient été enlevées injustement. Toute chose contraire aux garanties accordées par les différentes conventions internationales47(*).

Les victimes indirectes, appelées ayants droit, sont les descendants et/ou les ascendants. Ce sont ceux qui ont le plus souvent souffert non pas uniquement de la perte d'un des leurs, mais surtout du silence, du manque d'information, de l'impossibilité d'offrir à leur mort une sépulture digne de ce nom et celle de leur rendre justice.

§ 2 - Le peuple

L'un des trois éléments constitutifs de l'Etat est la population. Cette population, en échange de son obéissance au pouvoir en place et de l'impôt dont elle s'acquitte, attend la sécurité et le bien-être socio-économique de la part du gouvernement. Cela n'a pas toujours été le cas au Burkina Faso tout au long des quarante années. Dans son allocution à l'occasion de la journée nationale du pardon, le Président du Faso s'adressait en ces termes aux populations présentes à la cérémonie : « Comme la plupart des peuples du monde, tu as connu bien de vicissitudes et de traumatismes. Comme la plupart des peuples, tu as connu des périodes de paix et de stabilité, des instants de bonheur, des sursauts d'espoir, hélas quelques fois ternis et compromis pour des actes que tu abhorres parce qu'en contradiction avec ton idéal de tolérance et de dialogue dans la construction de ton bonheur. »

Le statut de victime a été reconnu au peuple du Burkina Faso qui a souffert des violences de ses fils et filles. Ces actes ont compromis son développement socio-économique, accentuant ainsi son retard sur le développement humain durable48(*). Outre ce retard, il y a que les institutions républicaines garantes du jeu démocratique ont mis du temps avant de se mettre en place.

Chapitre III : La journée nationale du pardon (JNP)

La tenue de la journée nationale du pardon a suscité un débat vif et contradictoire au sein de la classe sociopolitique du Burkina faso. Le gouvernement, les partis politiques, la société civile, les familles des victimes, tous ont pris la parole, à travers presses interposées pour exprimer leur conception du pardon et leur opinion sur la journée nationale du pardon. Les procès d'intention ont été au rendez-vous de ces débats. Pour ou contre, la journée s'est finalement tenue. Pour savoir la portée d'une telle célébration (sect. 2), il s'avère nécessaire de s'interroger sur l'esprit qui a prévalu à sa célébration (sect.1).

Section 1 : L'esprit de la JNP

« Ce qui nous mobilise en ce jour, c'est le repentir de tous les torts et de tous les crimes qui ont sali ta mémoire et terni ton image de marque. C'est la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat et le regret officiel de tous les actes qui ont créé la fracture sociale qu'il nous faut absolument combler. C'est la mise en oeuvre officielle des conditions d'un pardon sincère, préalable incontournable à une réconciliation véritable. C'est la quête d'un pardon qui ne met pas un terme à la recherche de la justice, ni entrave à la manifestation de la vérité. C'est un pardon de paix et de la réconciliation pour un Burkina Faso nouveau. »49(*)

Comme il ressort de cet extrait du discours du président du Faso, l'esprit de la Journée nationale du pardon consistait à provoquer la rupture avec le passé en crevant l'abcès des rancoeurs, des frustrations et créer un nouveau départ vers un avenir où les burkinabé ne connaîtrons plus jamais ces souffrances. Ce nouveau départ passait d'une part par l'acte d'assumer l'entière responsabilité de ce qui s'est passé et qui a traumatisé le peuple et par la demande de pardon à ce même peuple.

§ 1 - Assumer quarante années d'histoire

Assumer quarante années d'histoire, c'est prendre volontairement sur soi la responsabilité de cette histoire. Qui est-ce qui, dans le contexte burkinabé allait assumer cette lourde histoire ? De prime abord, il y a les exécutants et ensuite, les commanditaires. Pourquoi alors, le collège des sages avait-il recommandé que se soit l'Etat, à travers la personne du chef de l'Etat,  qui assume l'entière responsabilité de ce qui s'est passé ? Pourquoi, celui-ci a-t-il accepté d'assumer ?

Si pour des crimes récents, il est plus facile de rassembler des preuves et de rechercher les coupables, il est plus difficile de le faire lorsque les faits ont pris de l'âge et les éléments de preuves difficiles à établir. Certes, cette difficulté n'est pas insurmontable50(*), mais elle est encore rendue plus difficile lorsque certains auteurs de l'époque sont aux commandes de l'appareil d'Etat. Ce n'est pas chose aisée que de faire son propre procès. A ce propos, le Professeur Laurent BADO du parti national de la renaissance (PAREN) écrivait dans le journal « l'observateur paalga » que « non seulement la vérité sera celle des juges du pouvoir, mais encore, il faudra des années et des années pour dire cette vérité partielle, étant entendu que cela implique le jugement de tous les criminels jusqu'à épuisement de la procédure judiciaire (appel, cassation), avec le risque évident de prescription de certains crimes au moment de la découverte des auteurs ! »51(*)  « Il est par ailleurs nécessaire, selon le professeur Xavier Philippe, que la manifestation de la vérité se fasse rapidement. Le retour sur le passé est toujours difficile mais plus l'écart entre les faits et leur établissement grandit, plus il devient difficile de se souvenir et de relater des faits de façon précise. »52(*) Aussi, la transition des régimes d'exception vers la démocratie s'étant imparfaitement opérée53(*), tout procès de celles-ci reste délicat.

Par ailleurs, la plupart des crimes qui ont été commis l'ont été au nom du peuple, même si c'est pour le compte d'une oligarchie. A ce sujet les propos du Président du Front Populaire et du Président du Faso sont révélateurs. Dans son appel du 19 octobre, le Président du Front Populaire disait : 

« Le mouvement de rectification du processus révolutionnaire que dirige le Front Populaire a donc été favorisé par les évènements du 15 octobre 198754(*). Nous sommes convaincus que notre peuple qui sentait déjà la nécessité d'une rectification y participera avec détermination et soutiendra le front populaire . . .»55(*) Dans son allocution à l'occasion de la journée nationale du pardon, le Président du Faso est revenu sur le sujet, parlant du peuple en ces termes: «C'est vrai. Beaucoup de choses ont été faites en ton nom. Des actes élogieux, louables et constructeurs ont été posés. A contrario, d'autres ignobles, révoltants et condamnables ont malheureusement été perpétrés.»56(*) 

Enfin, au nom du principe de la continuité de l'Etat, la quatrième république est comptable des violences commises sous toutes les autres républiques, et ce, y compris les périodes d'exceptions. Dès lors c'est à l'Etat d'assumer et de demander pardon.

§2 - Demander pardon

Demander pardon est un acte d'humilité. Lorsque cette demande doit s'opérer en public comme ce fut le cas à l'occasion de la journée nationale du pardon, elle comporte, sans doute, une dose d'humiliation.

Le 30 mars 2001, le Président du Faso, Blaise COMPAORE a pris la parole devant des milliers de burkinabés (plus de trente milles personnes) venues de toutes les provinces du Burkina regroupant toutes les couches socioculturelles et socioprofessionnelles, religieuses et les superstructures de l'Etat et, il a demandé pardon en ces termes  « En cet instant solennel, en notre qualité de chef d'Etat assurant la continuité de la nation, nous demandons pardon et exprimons nos profonds regrets pour les tortures, les crimes, les injustices, les brimades et tous les autres torts commis sur les burkinabé par d'autres burkinabé...nous demandons également pardon à tous ceux qui, parmi nous, portent encore les stigmates de la violence, de l'arbitraire et de l'injustice.

Nous mesurons la somme des efforts et des sacrifices qu'ils doivent développer pour accorder le pardon et nous en appelons à leur magnanimité, leur foi et leur grandeur d'âme.»57(*)

La Journée Nationale du Pardon a été l'occasion pour le Chef de l'Etat d'inviter tous les Burkinabé à se pardonner mutuellement pour les torts causés ou subis dans le règlement des différends politiques ou autres, d'inviter la nation entière à se réconcilier avec elle-même en adoptant un code de conduite où sera banni à jamais la violence, d'évoquer la question des réparations des torts (aux plans moral, matériel et financier) et de s'engager à veiller à l'effectivité de ces réparations.

A cette occasion, sept (07) engagements ont été pris par le Président du Faso au nom de l'Etat, et libellés ainsi qu'il suit :

1° - La mise en oeuvre de mesures de réparation dont la création d'un fonds d'indemnisation en faveur de toutes les familles victimes de la violence en politique, pour permettre d'apporter une aide matérielle et financière aux familles en détresses.

2° - L'érection de monuments qui seront les témoins de notre devoir de mémoire à l'égard de tous nos martyrs et héros nationaux.

3° - La commémoration sur toute l'étendue du territoire national et le 30 mars de chaque année d'une journée du souvenir et de promotion des droits humains et de la démocratie au Burkina Faso. Cette journée sera une occasion de recueillement et de mémoire pour nos martyrs mais aussi une occasion pour faire le point sur l'état de la démocratie et le respect des droits humains au Burkina Faso.

4° - La mise en place d'un Comité d'Ethique composé de personnalités dont la probité, l'expérience et la compétence font autorité, dans le but de moraliser la vie publique, de combattre la corruption et la délinquance économique.

5° - La consolidation du dialogue avec tous les acteurs politiques et sociaux aux fins de résorber le déficit de dialogue et de communication, facteur de négation d'une réconciliation nationale durable ;

6° - La poursuite de réformes politiques et institutionnelles en cours devant déboucher sur la mise en place d'un système de gouvernance consensuel ;

7° - La mise en place d'un mécanisme de suivi de la journée comprenant les représentants des autorités morales et spirituelles, des organisations de défense des droits humains et de la démocratie et ceux du gouvernement. Ce mécanisme veillera à l'application des engagements pris.

La mise en oeuvre de la plupart des engagements ci-dessus a nécessité la création des structures suivantes :

· le Comité National d'Ethique ;

· le Comité Technique d'Appui au Gouvernement ;

· le Comité de Gestion et la Direction du Fonds d'Indemnisation des Personnes Victimes de la Violence en Politique ;

· le Comité de Suivi des présents engagements.

Si la journée nationale du pardon a eu lieu malgré le refus d'une frange de la classe politique, de certaines familles de victimes d'y participer, il n'en demeure pas moins qu'elle reste dans l'histoire des burkinabé un évènement inédit dont la portée est à mesurer sans complaisance.

Section 2 : La portée de la JNP

Au delà des réserves émises à l'occasion de l'organisation de la JNP, l'opinion public burkinabé l'a perçue comme une initiative louable (§ 1) malgré les divergences de point de vue sur la procédure devant conduire à sa tenue (§ 2).

§ 1 - Une initiative louable

Tous les acteurs de la scène sociopolitique burkinabé sont d'avis que le pardon est un passage obligé pour toute réconciliation, gage indispensable pour envisager l'avenir ensemble, dans la paix.

Ils croient à la valeur du pardon comme une chose sacrée, consistant à remettre à Dieu ce qui s'est passé, à tout le moins accepter ce qui s'est passé au nom de l'intérêt supérieur de la nation.

Dans toutes les traditions, des différentes ethnies qui peuplent le Burkina Faso, le pardon joue une fonction de régulation sociale qui permet de réintégrer le déviant qui aurait troublé l'ordre social. Il n'y avait donc pas de raison qu'à une étape aussi critique de l'histoire du Faso, cet instrument de gestion social des conflits ne puisse pas être mis à profit pour asseoir la paix et la réconciliation. Toutefois, l'importance d'un tel outil requiert, pour son utilisation des précautions pour ne pas biaiser les résultats escomptés.

§ 2 - Une divergence de procédure

Pour les opposants de la journée nationale du pardon, celle-ci est prématurée. Elle devrait se tenir bien plus tard, après des conditions optimales du pardon ; autrement dit après que les coupables aient été identifiés puis jugés. Cette vision présente la JNP comme une tribune d'expiation des péchés, où les coupables obtiendraient après confession de leur crime, le pardon des victimes. Cette vision selon eux est respectueuse de la trilogie : justice, vérité et réconciliation telle que préconisée par le Collège de Sages ; le pardon faisant partie de la dernière étape. Si la JNP n'avait pas pour but d'absoudre les coupables sans confession, mais de ramener la paix sans laquelle la vie politique, sociale de la nation se dégradait dangereusement et irrémédiablement, il ne demeure pas moins que certaines familles de victimes se sont senties exclues ou se sont exclues de la célébration. Ce qui fait dire à certains que cette journée est née de la volonté unilatérale du régime en place.

En tout état de cause, les contradictions nées de la célébration de la JNP, montrent à suffisance que certains burkinabé restent attachés à la manifestation de la vérité comme condition sine qua none pour l'obtention du pardon. Pour eux, les engagements pris par le chef de l'Etat sous forme de serment, n'ont aucune valeur juridique, étant entendu que celui-ci a déjà prêté serment sur la constitution le jour de son investiture. Selon eux, le plus important est, dans ce genre de profession de foi, moins le repentir que la vérité; c'est-à-dire l'aveu et le ferme propos.

La tenue de la JNP est supposée avoir permis la réconciliation et le retour de la paix sociale et surtout de la quiétude chez les victimes. Dès lors, la question des réparations se pose du moment où, l'Etat doit assumer l'entière responsabilité de ces quarante années de violences.

Troisième partie : Les réparations

Parmi les sept engagements pris par le Président du Faso à l'occasion de la célébration de la journée nationale du pardon figurait celui relatif à la mise en oeuvre de mesures de réparation dont la création d'un fonds d'indemnisation en faveur de toutes les familles victimes de la violence en politique. Cet engagement figure en première place et il vise à apporter une aide matérielle et financière aux familles en détresses.

Créé par le décret n° 2001-275/PRES/PM du 8 juin 2001 portant création, organisation et fonctionnement d'un fonds d'indemnisation des personnes victimes de la violence en politique, le fonds d'indemnisation a pour objet la liquidation et le paiement des droits individuels des victimes de la violence en politique. La mise en oeuvre du fonds d'indemnisation qui a débuté en septembre 2001, s'est achevée en août 2006.

La question des réparations des préjudices causés aux victimes des crimes résultant ou présumés résulter de la violence en politiques au Burkina Faso sera abordée à travers les fondements des réparations (Chap. 1), la portée et les limites des réparations (Chap.2).

Chapitre I : Les fondement des réparations

Il ressort de l'article 11 de la déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 40/34 du 29 novembre 1985 que : « Lorsque des fonctionnaires ou d'autres personnes agissant à titre officiel ou quasi officiel ont commis une infraction pénale, les victimes doivent recevoir restitution de l'Etat dont relèvent les fonctionnaires ou les agents responsables des préjudices subis. Dans les cas où le gouvernement sous l'autorité duquel s'est produit l'acte ou l'omission à l'origine de la victimisation n'existe plus, l'Etat ou gouvernement successeur en titre doit assurer la restitution aux victimes. »

Ce principe, à grande valeur morale et universelle, qui oblige à la réparation d'un tort (sect.2), répond à un souci d'équité et est la conséquence de la reconnaissance d'un tort (sect.1).

Section 1 : Reconnaître un tort

Au Burkina Faso, l'Etat n'a pas été traduit en justice pour répondre des crimes résultant ou présumés résulter de la violence en politique. C'est sur la base des conclusions des rapports déposés par les différentes structures58(*) mis sur pied de façon consensuelle par le gouvernement, les partis politiques et la société civile, que celui-ci a accepté assumer la responsabilité des crimes reprochés à ses agents. Si le droit interne burkinabé prévoit la responsabilité de l'Etat du fait de ses agents, cette responsabilité n'est pas absolue et exige des conditions pour son application. En outre, cette responsabilité qui est établie au terme d'un procès, ne dissout pas totalement celle de ses agents qui doivent en répondre personnellement. L'Etat apparaît dès lors comme le civilement responsable, la responsabilité pénale d'un Etat ne pouvant être soulevée que sur le plan international et cela, sous réserve de respecter certaines conditions.

Si l'Etat burkinabé, en assumant la responsabilité des crimes résultant ou présumés résulter de la violence en politiques a engagé donc sa responsabilité civile, il demeure que la responsabilité des auteurs qui ont agi ou supposé avoir agi en son nom, est susceptible d'être engagé avec le temps, si le temps le permet.

Les démarches auprès des victimes ou leur famille restent donc purement formelles ou symboliques ; dans la mesure où elles rentrent uniquement dans le cadre de la réconciliation. Cependant, comment réparer un tort qui n'a pas d'auteur désigné et connu ?

Section 2 : Réparer un tort

Nul doute qu'une vie humaine perdue ne peut être réparée. Le plus grand tort qu'on puisse infliger à une victime après celle de lui ôter la vie, c'est lui dénier toute sépulture digne d'un être humain. A sa famille, victime indirecte, le plus grand tort serait, outre celui d'arracher un des leurs à leur affection, de ne pas être en mesure de lui offrir des obsèques et des funérailles dignes de leur affection ou de leur croyance. Le tort est d'autant plus cruel, lorsque la famille ignore le lieu de sépulture de la victime.

Quant aux victimes de tortures ou autres violences, outre les tortures et/ou les humiliations subies, il y a la marginalisation socio-économique et le silence face à l'injustice, aux accusations et à l'infamie.

Chapitre II : Les objectifs des réparations

Deux objectifs se dégagent essentiellement des réparations. Le premier prend en considération la dimension morale des réparations ; la seconde elle, prend en considération la dimension politique et socio-économique.

Section 1 : La dimension morale des réparations

La prise en compte de cette dimension dans les réparation a pour but de parvenir à rétablir la victime dans sa dignité de personne humaine, en lui donnant la parole pour qu'il puisse exprimer sa douleur, celle dont l'expression lui a été déniée depuis. Donner la parole à une victime, c'est lui donner la possibilité en tant qu'être humain de se plaindre, d'exprimer sa souffrance, son désarroi et sa désolation ou son isolation. C'est accueillir sa plainte, en l'écoutant raconter et se raconter. C'est respecter l'expression atypique d'une douleur présente pourtant vieille de plusieurs années. C'est enfin permettre à la victime de se libérer, se soulager en vue de se réparer moralement.

Au Burkina Faso depuis l'institution du Collège de Sages et du CMOR-CRN, cette possibilité a été accordée aux victimes de venir raconter leurs souffrances. A contrario, des équipes composée de représentants du gouvernement et de certaines membres du fonds d'indemnisation des victimes de violences en politique ont sillonné toutes les treize régions du Faso, à la rencontre des victimes ou de leurs familles pour présenter les excuses de l'Etat et en même temps demander pardon.

Si plusieurs de familles ont accueilli cette démarche, certains l'ont refusé, préférant la voie judiciaire. Certes, les victimes n'ont pas rencontré leurs bourreaux, à fortiori les écouter avouer leurs crimes ; mais devant ces commissions qui symbolisent la nation burkinabé, ils ont eu l'assurance que leur détresse a franchi le seul de leur univers personnel et familiale pour avoir un écho national. En tout état de cause, la réhabilitation morale à elle seule ne suffit pas, pour être au moins quasi-totale, elle doit prendre en compte la dimension politique et socio-économique de la réparation.

Section 2 : La dimension politique et socio- économique

Aussi bien sur le plan politique que sur le plan socio-économique, les réparations ont eu des impacts diversement appréciés. Si les engagements au plan politique visent à rétablir la confiance et le dialogue entre les différents acteurs de la scène politique et de ce fait, touchent tous les burkinabés, au plan socio-économique, l'impact est beaucoup plus précis et se focalise essentiellement sur les victimes et/ou leurs familles.

§ 1- La dimension politique

L'engagement politique du Président du Faso à bannir toute forme de violence au Burkina, l'exhortation des citoyens de toutes les couches sociales et appartenances politiques, au civisme, à la tolérance et au pardon mutuel, constituent les éléments fondateurs de la nouvelle société où la violence fera désormais place au dialogue et à la concertation, dans le respect des différences d'opinions.

Dans ce sens, le gouvernement s'est engagé à restaurer l'autorité de l'Etat, à animer la réflexion sur le fonctionnement des institutions et à en faire le reflet de nos valeurs culturelles. Il s'est engagé, en outre, à éviter le clientélisme politique, à prendre des mesures au sein du gouvernement pour combler le déficit de communication avec les populations, à restaurer la confiance dans les institutions nationales par le respect des dispositions constitutionnelles concernant l'incompatibilité des fonctions des membres du gouvernement avec les affaires.

Il s'est engagé enfin, à renforcer la nature républicaine de l'armée nationale et à veiller au respect des textes en la matière, à réserver l'exercice de la police judiciaire aux seuls fonctionnaires légalement commis à cette fonction, et à assurer l'indépendance effective du pouvoir judicaire garantie par la constitution etc. C'est un véritable pacte politique gage de la bonne foi du gouvernement.

§ 2-La dimension socio-économique

Au plan social, la préoccupation majeure qui se dégage concerne la réinsertion sociale des victimes. Cette réinsertion sociale passe d'abord par une réhabilitation morale qui consiste à leur reconnaître leur statut de victime et à les innocenter. Mais elle passe également par leur réhabilitation économique. A cet effet, le décret n° 2002-97/PRES/PM portant modalités d'indemnisation des personnes victimes de la violence en politique59(*) du 05 mars 2002 est celui qui définit les modalités d'indemnisation des personnes victimes de la violence en politique. Les victimes visées par ce décret sont regroupées en deux catégories qui sont :

- les personnes ayant perdu la vie ;

- les personnes ayant subi divers préjudices.

S'agissant d'une part de l'indemnisation des ayants cause des victimes ayant perdu la vie, elle comprend deux composantes dont une part fixe forfaitaire et une part modulable.

Le calcul de la part fixe forfaitaire prend en compte la réparation du préjudice moral résultant des souffrances morales et psychologiques éprouvées par les proches parents du fait du décès de la victime. La somme forfaitaire est de dix millions (10000000) Frs CFA à l'ensemble des ayants cause de chaque victime et majorée ainsi qu'il suit :

-Pour chaque conjoint survivant...........................1 500 000 Frs CFA

-Pour chaque enfant mineur au moment des faits........1 500.000 Frs CFA

-Pour chaque enfant majeur.................................1 500 000 Frs CFA

-Pour chaque ascendant......................................1 000 000 Frs CFA

Il est alloué aux familles des victimes décédées les sommes forfaitaires de trois-cent quarante-cinq mille (345.000) Frs CFA pour les frais funéraires d'une part, et de cent mille (100.000) Frs CFA pour l'aménagement des tombes d'autre part.

Quant au calcul de la part modulable, il prend en compte la réparation du préjudice économique, constitué du manque à gagner financier ou matériel résultant du décès de la personne et éventuellement d'autres préjudices qu'auraient subis les ayants cause et en relation étroite avec le décès. Pour ce faire, il est tenu compte du niveau de vie du défunt au moment de son décès, et de la qualité de chacun des ayants cause.

S'agissant d'autre part de l'indemnisation des personnes ayant subi divers préjudices, sont concernés par cette catégorie les personnes victimes de séquestration, de coups et blessures, de spoliation, de vandalismes, de mesures administratives abusives ainsi que les « déguerpis de Bilibambili »60(*), et autres personnes pouvant justifier tous autres préjudices résultant de la violence en politique.

L'indemnisation des victimes s'est effectuée selon la nature du préjudice subi.

Ainsi, l'indemnisation des coups et blessures se décompose éventuellement comme suit :

-Le remboursement des frais médicaux ;

-L'indemnisation liée à l'incapacité temporaire ou permanente ;

-L'indemnisation liée à l'assistance d'une tierce personne ;

-L'indemnisation liée au préjudice de carrière.

S'agissant des personnes victimes de vandalisme61(*), elles sont indemnisées au taux forfaitaire de 50% du montant total justifié. Toutefois, le montant de cette indemnisation ne saurait excéder la somme de cinquante millions (50 000 000) Frs CFA.

Les victimes de spoliation62(*) quant à eux, sont indemnisées soit par la restitution des biens spoliés s'ils existent ; le cas échéant, par l'allocation d'un taux forfaitaire de 75% de la valeur justifiée des biens spoliés. Toutefois, le montant de l'indemnisation ne saurait excéder la somme de cent millions (100.000.000) Frs CFA.

En définitive, toutes les victimes selon les catégories dans lesquelles elles se trouvent, se sont vues appliquer un traitement approprié. Au total, plus de trois milliards, six-cents-soixante-millions (3.660.000.000) FCFA ont été versés aux victimes, tous préjudices confondus, au mois d'août 2006 sur un montant d'environ trois milliards, huit cent trente sept millions (3.837.000.000) FCFA. Cependant, quelque soit l'importance symbolique ou financière de ces réparations, elles comportent des limites.

Section 3 : les limites

Les réparations sont une contribution financière de l'Etat qui ne saurait valoir le préjudice réellement subi par les familles. En ce sens, elles comportent des limites objectives et des limites subjectives qui feront l'objet des développements qui suivent.

§ 1 - Les limites objectives

Sont exclus du champ d'application du fonds, les faits considérés comme violence en politique ayant fait l'objet d'une décision judiciaire passée en force de chose jugée63(*), les faits considérés comme violences en politique déjà examinés dans le cadre des mesures d'indemnisation antérieures, notamment l'ordonnance n°91-080/PRES du 30decembre 1991 portant réhabilitation administrative. Pour prétendre à une réparation, la qualité de victime directe ou indirecte est requise. En outre, les victimes indirectes sont soumises à certaines conditions relatives à la filiation, à l'âge etc.

Par ailleurs, les réparations ne sont jamais intégrales et sont plafonnées à un certain pourcentage du montant global du préjudice supposé.

La question de la réparation du préjudice subi par le peuple du fait de la confiscation et la violation de certains droits et libertés n'est pas sans causer problème. En effet, ces réparations sont essentiellement des mesures qu'on pourrait qualifier de bonnes intentions ou de déclarations d'intention qui n'ont aucune valeur juridique et dont il serait hasardeux de se prononcer sur leur éventuelle effectivité.

Enfin, un décret peut-il remettre en cause une disposition constitutionnelle qui garantit à tout citoyen le droit de recours effectif devant les tribunaux ? La réponse ne souffre d'aucun débat dans la mesure où la constitution est supérieure à la loi.

Si en Afrique du Sud la réconciliation s'est opérée sur la base de dispositions constitutionnelles prises à cet égard, au Burkina Faso, seule la loi, les décrets et les engagements politiques ont prévalu ; toute chose qui fragilise le processus de réconciliation et l'expose à d'éventuelles remises en cause.

§ 2 - Les limites subjectives

Le bénéficiaire du fonds d'indemnisation ne peut intenter une action judiciaire sur la base des mêmes faits pour demander une autre réparation64(*). De même, pour les faits qui font l'objet d'une procédure judiciaire en cours, le plaignant, pour être éligible au fonds d'indemnisation, doit au préalable se désister de son action65(*). Ces conditions d'éligibilité au fonds montre implicitement que réparation rime avec renoncement à toute procédure judiciaire. Cela sous entend que la réparation met fin à toute possibilité de manifestation de la vérité, et donc à toute condamnation des éventuels coupables.

Il est permis de penser et ce, avec raison, que l'état de dénuement de certaines victimes ou de leurs familles les aurait motivé à préférer la voie de la réparation en lieu et place de la voie judiciaire.

En outre, le fait que la liste des personnes à indemniser ainsi que le montant à allouer doivent être arrêté par décret pris en conseil des ministres est une autre limite. En effet, l'Etat est le civilement responsable dans cette histoire. Peut-il être juge et partie à la fois ? Il en est de même lorsque le fonds est placé sous l'autorité du premier ministre.

Longtemps, la thèse selon laquelle il serait prudent de ne pas divulguer les noms des auteurs des violations des droits de l'homme laisse penser également que les réparations aussi bien que les demandes de pardon ne suffisent à faire disparaître l'épouvante de la vengeance qui serait présente.

Conclusion

Il y a eu plusieurs transitions au Burkina Faso. La première, qui nous intéresse le moins, est celle située entre la période coloniale et les indépendances. Ensuite, viennent les nombreuses transitions marquées par une alternance entre les différentes Républiques et les coups d'Etat. La dernière transition est celle qui a mis fin au régime dit des capitaines, plus précisément au régime du front populaire dirigé par le capitaine Blaise COMPAORE. Cette transition a donnée naissance à la réouverture démocratique des années 1990. Mais, peut-on réellement parler de transition? Si une transition se limite au changement de régimes politiques, ça en est une. Cependant lorsque ce changement de régime n'est pas accompagné d'un changement des hommes qui sont à la tête de l'appareil d'Etat, on ne peut affirmer avec certitude qu'il y a transition, même si une nouvelle constitution a été adoptée. Malheureusement, la nouvelle constitution burkinabé de la quatrième république66(*) n'a pas tenu compte du fait que le passif en matière de violation massive des droits de l'homme devait être soldé. La transition telle que nous la concevons, comporte ces éléments, mais, elle doit être marquée par une remise en cause de l'histoire sociopolitique du pays en question et une volonté commune de se réconcilier avec le passé, en vue d'aborder l'avenir avec sérénité et tranquillité. Dès lors, il est difficile d'affirmer sans crainte qu'il y a eu transition au Burkina Faso.

En outre, l'ampleur des violations des droits de l'homme y est relative, eu égard au nombre des victimes et à la durée dans l'espace et dans le temps des actes incriminés.

On pourrait affirmer que justice a été faite aux victimes des violences en politique au Burkina Faso, parce la possibilité a été offerte aux victimes de saisir les tribunaux, les mêmes qui ont été écartés dans la recherche de la vérité générale et globale sur les quarante années de l'histoire politique du pays. Des victimes ou leurs familles les ont effectivement saisis. Là encore les différents verdicts qui ont été rendus n'ont pas été satisfaisants pour les requérants et certains67(*) ont saisi la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies. Une fois de plus la justice a été décriée et taxée de partisane.

Par ailleurs, la confession publique du chef de l'Etat burkinabé, l'endossement des crimes commis au nom de l'Etat sur la base des travaux des différentes commissions et la demande de pardon solennelle aux victimes, à leurs familles et à la nation entière, pourraient être considérés, dans une moindre mesure, comme une justice. Toutefois, la justice transitionnelle est une quasi justice qui emprunte imparfaitement les chemins de la justice classique, même si la logique qui anime ces deux institutions est différente, elles parviennent, à n'en pas douter, au même résultat; à savoir la manifestation de la vérité.

Par contre, la célébration de la JNP, avant que la commission justice, vérité et réconciliation n'ait été créée et statuée, telle que l'a recommandé le Collège de Sages et fortement souhaité par certaines familles des victimes, pourrait être interprété comme une tentative insidieuse d'étouffer l'expression de toute vérité. Par ailleurs, le fait même d'admettre, en plus du pardon, les recours aux juridictions, est la manifestation tangible qu'il n'y a point eu de consensus autour de la question de justice. Il y a peut-être intention de justice en laissant aux victimes et à leurs familles la possibilité de se déterminer. Dans ce cas, ce mélange non miscible de pardon et de procès apparaîtrait comme une originalité à la burkinabé. Il s'agit probablement d'un mélange des voies traditionnelle et moderne de résolution des crises sociales. Il devra être homogène, à tout le moins, non explosif.

S'agissant de la JNP, la majorité des familles des victimes y a participé; est-ce à dire qu'il y a renoncement de leur part à la vérité?

Il est à noter que les familles de victimes qui se sont désolidarisées de la JNP sont celles dont l'assassinat des membres, a beaucoup choqué l'opinion par la méthode utilisée. Jamais sous les cieux du Faso, des méthodes aussi barbares n'ont été utilisées pour ôter la vie humaine d'une manière peu discrète et peu honorable pour les bourreaux. On peut détester un être humain; cependant sa dignité commande qu'on continue de le respecter jusqu'au bout. A ce effet, l'assassinat à la grenade du professeur Oumarou Clément OUEDRAOGO, ou l'assassinat et ensuite, l'incinération du journaliste Nobert ZONGO et ces compagnons d'infortune sont cités en exemple.

En tout état de cause, on a l'impression que dans le cas burkinabé, il y a une contradiction et un piège. La contradiction vient de ce que la demande de pardon ait précédé la justice et que la possibilité de justice n'est pas exclue après la demande de pardon. Certes, les victimes devaient faire un choix entre les indemnisations et les recours judiciaires ; néanmoins, certaines victimes ont accepté de pardonner, mais elles ont refusé de se faire indemniser. Lorsque le pardon est accordé, on ne peut après demander justice. C'est comme si le pardon n'avait pas été sincère ; d'où le piège. Le pardon est synonyme d'absolution des fautes. Aussi, généralement en Afrique, après le pardon, l'offensé n'a plus de compte à demander à l'offenseur. Dès lors, le pardon apparaît comme une grâce accordée par la victime au coupable. Voilà pourquoi, la justice, en réhabilitant le premier, en lui rendant justice, le met dans une disposition d'esprit qui lui permet de réhabiliter son bourreau en lui accordant son pardon. Ce sont des raisons pour lesquelles tout le processus de réconciliation nationale apparaît comme un pis-aller face à la soif de justice des burkinabés.

Par ailleurs, la réconciliation a été faite en dehors du cadre constitutionnel68(*) ou institutionnel établit. Dès lors, le recours fréquent à des traditions ancestrales diverses et non codifiées pour résoudre de graves problèmes nés de la modernisation des institutions politiques et de la transformation du processus de désignation des gouvernants, comporte des risques majeurs de créer une irresponsabilité vis-à-vis des risques sociopolitiques et leur banalisation.

Encore faudrait-il, que la tradition soit respectée dans son esprit, même en l'absence de la lettre. D'où l'urgence de codifier des règles minimums d'épurement du passé qui évite les éternels retours à la case départ car, comme l'a si bien dit le chef de l'Etat du Burkina Faso : «l'exemple de nombreux pays africains, et même d'ailleurs, montre à quel point les crises sociales mal résolues, la négation du dialogue, le manque de tolérance et l'absence de clairvoyance des acteurs politiques et sociaux ont conduit, tout simplement, à leur destruction »69(*).

L'implication du Président du Faso Blaise COMPAORE dans la résolution de la récente crise au Togo voisin laisse croire que « la recette burkinabé » en matière de résolution des conflits sociaux nés de la violation des droits de l'homme et en matière de réconciliation nationale semble être une bonne recette ou à tout le moins une recette exportable. En tout état de cause, l'avenir nous en dira plus.

Bibliographie

I- Ouvrages généraux

- Frédéric Sudre : Droit européen et international des droits de l'homme, 6e éd., collection droit fondamental, PUF, 2003.

- Didier Rouget : Le guide de protection internationale des droits de l'homme, éd. La Pensée sauvage, 2000.

- Alfred Fernandez et Robert Trocmé : Vers une culture des droits de l'homme, Université d'été des droits de l'homme et du droit à l'éducation, éd. diversités Genève.

- Edouard Ouedraogo : Voyage de la Haute-Volta au Burkina Faso, éd. Paalga, Ouagadougou, 1995.

- Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples : Rapport sur l'Etat des droits de l'homme au Burkina Faso, période 1996-2002, imprimerie de l'avenir.

- Comité technique d'appui au gouvernement : Vers un apaisement social, éd. Découvertes du Burkina, Tunis, 2004.

II- Rapports et cours

- Rapport mondial sur le développement humain 2005.

- Rapport du collège des Sages, Ouagadougou, juillet 1999.

- Rapport général sur la mise en OEuvre des recommandations de la commission pour la réconciliation nationale, Ouagadougou, mai 2001.

- Rapport de la commission d'enquête indépendante sur la mort des occupants du véhicule 4X4 immatriculé 11j 6485 BF, survenue le 13 décembre 1998 sur l'axe routier Ouagadougou- Sapouy, dont le journaliste Norbert ZONGO.

-Mission d'informations des comités, Ouagadougou, mars 2005.

-Cours du Prof. Dr. Xavier Philippe : « La justice transitionnelle : une nouvelle forme de justice »

III- Législations

- L'ordonnance n°68-7 du 21 février 1968, portant institution du code de procédure pénale.

- La constitution du Burkina Faso adopté par referendum du 02 juin 1991.

- Le décret n°99-158/PRES portant création, composition et missions du Collège de Sages.

- Le décret n°98-0490/PRES/PM/MEF/DEF/MJ6SG/MATS du 18 décembre 1998 portant création, composition et attributions d'une commission d'enquête indépendante.

- Le décret n° 2001-275/PRES/PM portant création, organisation et fonctionnement d'un fonds d'indemnisation des personnes victimes de violence en politique.

- Le décret n° 2001-276/PRES/PM portant critères et conditions d'indemnisation des personnes victimes de la violence en politique.

- Le décret n° 2002-97/PRES/PM portant modalités d'indemnisation des personnes victimes de la violence en politique.

IV- Conventions Internationaux

- La convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants entrée en vigueur le 26 juin 1987, conformément aux dispositions de l'article 27 (1) ;

- L'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988 ;

- La déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 40/34 du 29 novembre 1985.

V - Journaux

- Observateur paalga, Hors série, XXVII année, du 08 mai 1999 ;

- Observateur paalga, n°4915, XXVII année, du 03 juin 1999 ;

- Observateur paalga, n°4917, XXVII année, du 07 juin 1999 ;

- Observateur paalga, n°4923, XXVII année, du 15 juin 1999 ;

- Observateur paalga, n°4945, XXVII année, du 15 juillet 1999 ;

- Observateur paalga, n°4958, XXVII année, du 03 au 05 août 1999 ;

- Observateur paalga, n°4959, XXVII année, du 06 au 08 août 1999 ;

- Observateur paalga, n°4965, XXVII année, du 16 août 1999.

* 1 Selon les données de L'INSD, en 1996, la population était estimée à 10.469745 ; aujourd'hui, elle est estimée à environ 13 millions. Les estimations du PNUD prévoient une population de 17.7 millions en 2015.

* 2 Plaisanterie entre ethnies ayant eu, entre autre, des rapports de maître à esclave de par le passé.

* 3 Quatre régimes démocratiques et 6 régimes d'exception.

* 4 Localité située à 100 Km au sud de la capitale, sur l'axe Ouagadougou Léo

* 5 Le congrès pour la démocratie et le progrès (CDP)

* 6 V. Message à la nation de son excellence le président du Faso, Ouagadougou le 21 mai 1999, rapport Générale sur la mise en oeuvre des recommandations de la commission pour la réconciliation nationale, p. 46-47

* 7 V. Réquisitions du commissaire du gouvernement Boniface N Gjiguimdé près le conseil d'Etat, Rentrée judiciaire 2006-2007, Ouagadougou, octobre 2006, p. 2

* 8 Mouvement burkinabé des droits de l'homme et des peuples, principale organisation de défense des droits de l'homme, membre du collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques (CODMPP)

* 9 V. Rapport sur l'Etat des droits humains au Burkina Faso, période : 1996- 2002, MBDHP 2002, p. 92

* 10 V. Ibidem, p.92

* 11 Suppression des délais de recours et de prescription.

* 12 Programme du parti au pouvoir, le CDP, pour le quinquennat 2006-2010.

* 13 V. Plan de consolidation du plan d'action national de reforme de la justice (PC-PANRJ), Patricia Birette-Bernard, Guy de scorraille, août 2006, p.25

* 14 V. Rapport du collège des sages, Ouagadougou, juillet 1999, p.9

* 15 V. Article 39 de l'ordonnance n°68-7 du 21 février 1968, portant institution du code de procédure pénale, p.425.

* 16 V. Article 1er² de l'ordonnance n°68-7 du 21 février 1968, portant institution du code de procédure pénale, p.419.

* 17 V. Articles 7,8 et 9 de l'ordonnance n°68-7 du 21 février 1968, portant institution du code de procédure pénale, p.420.

* 18 V. constitution du Burkina Faso adoptée par referendum du 02 juin 1991, révisée par les lois constitutionnelles suivantes : n°002/97/ADP du 27 janvier 1997 ; n°003-2000/ AN du 11 avril 2000 ; n°001-2002/AN du 22 janvier 2002, P.8

* 19 V. Rapport sur l'Etat des droits humains au Burkina Faso, période : 1996- 2002, MBDHP 2002, p. 51-55

* 20 V. Vers un apaisement social, comité technique d'appui au gouvernement, éd découvertes du Burkina, juin 2004, p. 16

* 21 V. Rapport sur l'Etat des droits humains au Burkina Faso, période : 1996- 2002, MBDHP 2002, p. 31-33

* 22 Organe crée par décret n°99-158/PRES portant création, composition et missions du Collège des Sages, chargé d'oeuvrer à la réconciliation des coeurs et à la consolidation de la paix sociale.

* 23 Alfred Fernandez et Robert Trocmé : Vers une culture des droits de l'homme, Université d'été des droits de l'homme et du droit à l'éducation, éd. diversités Genève, p. 11.

* 24 V. art. 11 de la déclaration universelle des droits de l'homme et 09 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

* 25V. - Frédéric Sudre : Droit européen et international des droits de l'homme, 6e éd., collection droit fondamental, PUF, 2003, p. 416

* 26 La liberté d'expression et d'information est nécessaire à la liberté de réunion mais constitue une menace au droit au respect de la vie privée

* 27 V. Ibidem, p. 416

* 28 Incendie en 1983 du seul journal indépendant qui existait, dénommé l'Observateur. Elle fut attribuée aux CDR

* 29 V. art.08 constitution du Burkina Faso adopté par référendum du 02 juin 1991, p. 09

* 30 V. art. 18 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, guide de la protection internationale des droits de l'homme, Didier Rouget, éd. La pensée sauvage, p.295

* 31 V. Ibidem, p. 8

* 32 « A nos jours » prend en compte les violences recensées avant mars 2001.

* 33 In message à la nation de S.E. le président du Faso, Ouagadougou, mai 1999, p.2

* 34 Cet article porte sur la durée du mandat présidentiel. Il a été modifié deux fois. A son adoption, il prévoyait un septennat renouvelable une fois. La première modification à supprimer la limitation du mandat. La seconde a réintroduit cette limitation, cette foi-ci avec un quinquennat.

* 35 Cette modification a été opérée par la loi constitutionnelle du 11 avril 2000 qui supprime la chambre des représentants.

* 36 Adoption d'une loi intitulée « charte des partis politiques »

* 37 Mécanisme par lequel, l'auteur d'un crime se voit accorder une immunité en raison de ses aveux et de sa participation à la manifestation de la vérité. Le plaidoyer de culpabilité a été expérimenté avec succès en Afrique du Sud dans le cadre de la commission justice, vérité et réconciliation.

* 38 Le pays généralement cité en exemple en l'espèce est l'Afrique du Sud.

* 39 Le CMOR-CRN était composé de 15 ministres dont un ministre d'Etat et un secrétaire général du gouvernement et du conseil des ministres ayant rang de ministre.

* 40 Ce sont les crimes suivants : abus de biens sociaux, détournement de deniers publics

* 41 Infractions commis par les agents agissant ou supposés agir au nom de l'Etat.

* 42 In message à la nation de S.E. le président du Faso, Ouagadougou, mai 1999, p.1

* 43 Il s'agit de certains leaders politiques de l'opposition, les membres du CODMPP ainsi que certaines familles de victimes.

* 44 Il s'agit essentiellement du gouvernement et d'une majeure partie des familles des victimes.

* 45 Le pouvoir n'a véritablement pas changé de main depuis le 15 octobre 1987, date d'arrivée au pouvoir du front populaire dirigé par le capitaine Blaise COMPAORE qui va créé avec ses amis L'ODP/MT qui deviendra le CDP.

* 46 Lire « voyage de la haute Volta au Burkina Faso » Edouard OUEDRAOGO, Ed. paalga, Ouagadougou, 1995

* 47 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants entrée en vigueur le 26 juin 1987, conformément aux dispositions de l'article 27 (1) ; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988 ; Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 40/34 du 29 novembre 1985

* 48V. PNUD : Rapport mondial sur le développement humain 2005, la coopération internationale à la croisée des chemins, économica, paris 2005.

Ledit rapport classe le Burkina Faso 175/177 sur l'indicateur du développement Humain.

* 49 In allocution de S.E Monsieur le président du Faso à l'occasion de la JNP, Ouagadougou, mars 2001, p.3

* 50 Il existe en droit international des crimes imprescriptibles comme le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. La situation de violation des droits de l'homme au Burkina Faso, entrerai difficilement dans une de ces catégories.

* 51 In Observateur paalga, n°4949, XXVII année, du 06 au 08 août 1999 

* 52 In Cours du Prof. Dr. Xavier Philippe : « La justice transitionnelle : une nouvelle forme de justice »

* 53 A cause de la survivance de certains réflexes des Etats d'exception, notamment les milices privées, les tortures, la violation des libertés individuelles et collectives relatives aux réunions, aux manifestations sur la voie publique.

* 54 Date du coup d'état sanglant ayant mis fin au régime du CNR dirigé par le capitaine Thomas SANKARA et avènement du front populaire dirigé par le capitaine Blaise COMPAORE.

* 55V. Vers un apaisement social, comité technique d'appui au gouvernement, éd découvertes du Burkina, juin 2004, p. 23

* 56In allocution de S.E Monsieur le président du Faso à l'occasion de la JNP, Ouagadougou, mars 2001, p.3

* 57 In allocution de S.E Monsieur le président du Faso à l'occasion de la JNP, Ouagadougou, mars 2001, p.10

* 58 Il s'agit du Collège des Sages, de CRN, du CMOR-CRN

* 59 L'expression a été définie de façon claire nette et précise par l'art.02 du décret n° 2001-275/PRES/PM portant création, organisation et fonctionnement d'un fonds d'indemnisation des personnes victimes de violence en politique. Il définit la violence en politique comme tous actes commis dans la conquête et la gestion du pouvoir d'Etat ayant entraîné des pertes en vies humaines ou des préjudices physiques, économiques, moraux et dont le CMORN a été saisi.

* 60 Premier quartier populaire de la ville de Ouagadougou ayant fait l'objet de déguerpissement dans des conditions peu respectueuses des droits des déguerpis, sous le CNR. Le site abrite de nos jours la cité an III.

* 61 On compte parmi ces victimes certains dignitaires du régime au pouvoir, hommes d'état, militants du CDP, opérateurs économiques et autres particuliers dont les biens ont été saccagés pendant les périodes troubles consécutives à la crise de sapouy.

* 62 Les victimes de spoliation sont essentiellement les anciens dignitaires des autres régimes qui ont été jugés par les TPR et qui ont vu leurs biens retirés ou confisqués.

* 63 Autorité attachée à un acte de juridiction servant de fondement à l'exécution forcée du droit judiciairement établi, et faisant obstacle à ce que la même affaire soit à nouveau portée devant le juge.

* 64 V. art. 08 al.1er du décret n° 2001-275/PRES/PM portant création, organisation et fonctionnement d'un fonds d'indemnisation des personnes victimes de violence en politique.

* 65 V. art. 08 al. 2nd du décret n° 2001-275/PRES/PM portant création, organisation et fonctionnement d'un fonds d'indemnisation des personnes victimes de violence en politique.

* 66 Constitution du Burkina Faso adoptée par référendum du 02 juin 1991 ayant permis le retour à une vie constitutionnelle normale par l'organisation de l'élection présidentielle au mois de décembre de la même année, où Blaise COMPAORE a été élu à la magistrature suprême.

* 67 Il s'agit entre autre de l'affaire Thomas SANKARA et de l'affaire Norbert ZONGO.

* 68 Conçue dans le cadre du processus interne de reconstruction, la justice transitionnelle possède souvent aujourd'hui un statut constitutionnel.

* 69 In allocution de S.E Monsieur le président du Faso à l'occasion de la JNP, Ouagadougou, mars 2001, p.9






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