3.2.2. Théorie des options et décision
d'investissement:
Dans l'analyse traditionnelle des investissements, un projet
ou un nouvel investissement doit être accepté seulement si la
rentabilité obtenue est supérieure au coût du capital. Dans
le cadre des cash-flows actualisés, cela se traduit par l'acceptation
des projets ayant une VAN positive. La limite de cette approche est qu'elle
omet de prendre en compte toutes les options associées aux projets
d'investissement. Dans cette section, nous analysons trois types d'options qui
sont souvent retrouvés dans les projets. Le premier concerne l'option de
remettre un projet, notamment lorsque l'entreprise a des droits exclusifs sur
lui. Le deuxième est l'option d'étendre un projet pour produire
un nouveau produit ou entrer dans un nouveau marché dans le futur.
Enfin, le troisième est l'option d'abandonner un projet si les
cash-flows réalisés ne correspondent pas à ceux
anticipés.
A. L'option de délai d'un
projet:
Les projets d'investissement sont généralement
analysés sur la base des cash-flows anticipés et du taux
d'actualisation ; la valeur actuelle nette (VAN) estimée sur cette base
constitue le critère d'acceptabilité ou non du projet. Cependant,
les cash-flows et le taux d'actualisation changent au cours du temps et donc la
VAN aussi. Ainsi, un projet qui dégage aujourd'hui une VAN
négative peut offrir une VAN positive dans le futur.
Dans une situation de concurrence parfaite où les
entreprises ne possèdent pas d'avantages spécifiques sur leurs
concurrents, concernant la réalisation des projets, le fait que la VAN
puisse être positive n'a pas beaucoup d'impact. Dans une situation
où un projet ne peut être réalisé que par une
entreprise, du fait de l'existence de restrictions légales ou de
barrières à l'entrée, les changements possibles de la VAN,
au cours du temps, lui confèrent les caractéristiques d'une
option d'achat.
VAN= V - X
Supposons qu'un projet requiert une somme initiale de X
et que la valeur actuelle des cash-flows sécrétés par
l'investissement est aujourd'hui de V. La VAN de ce projet n'est rien
d'autre alors que la différence entre ces deux sommes :
Supposons maintenant que l'entreprise a des droits exclusifs
sur le projet pendant les n années à venir et que la valeur
actuelle des cash-flows peut changer au cours du temps du fait des variations
dans la valeur des cash-flows ou dans le taux d'actualisation. Le projet peut
donc avoir aujourd'hui une VAN négative mais il reste un bon projet si
l'entreprise remet le projet à plus tard. Si V
représente alors la valeur actuelle des cash-flows (qui peuvent
changer au cours du temps), la règle de décision du projet est
donnée par :
· Si V > X le projet est
accepté : il a une VAN positive
· Si V < X le projet est
refusé : il a une VAN négative
· Si l'entreprise ne réalise pas le projet pendant
sa durée de vie, cette décision élimine la création
de cash-flows additionnels et l'entreprise perd ce qu'elle a investi dans
l'achat de l'exclusivité du projet. Cette situation est
représentée dans le graphique ci-dessus où il est
supposé que l'entreprise détient jusqu'à
l'échéance les droits d'exclusivité.
Notons que ce graphique correspond à celui d'une option
d'achat, l'actif sous-jacent est le projet ; le prix d'exercice est le montant
nécessaire à la naissance du projet et la durée de vie de
l'option est la période pendant laquelle l'entreprise a des droits
exclusifs sur le projet. La valeur actuelle des cash-flows du projet et sa
variance anticipée correspondent à la valeur et à la
variance de l'actif sous-jacent.
B. L'option d'extension d'un projet:
La réalisation de certains investissements permet aux
entreprises d'envisager d'autres investissements ou d'entrer sur d'autres
marchés dans le futur. Dans ces cas, il est possible d'envisager les
projets initiaux comme des options permettant aux entreprises d'investir dans
d'autres projets, cette option ayant bien évidemment un prix. Il est
également possible, dans ces cas, qu'une entreprise accepte un projet
initial à VAN négative si elle anticipe qu'il
générera des projets futurs à VAN positive.
L'option d'extension peut être évaluée
lors de l'analyse du projet initial. Supposons que le projet initial donnera
à l'entreprise les droits d'investir et d'exploiter un nouveau projet
dans le futur. Soit V la valeur actuelle anticipée des cash-flows du
futur projet, et X l'investissement nécessaire pour ce projet.
L'entreprise dispose d'un certain laps de temps pour prendre sa décision
de réaliser ou non le futur projet. Enfin, le futur projet n'est
envisageable que si le projet initial est réalisé. Le
bénéfice retiré de cette option est illustré dans
le graphique ci-dessous.
À l'expiration de la période de
réflexion, l'entreprise développera le futur projet si la VAN
anticipée des cash-flows excède, à cette date, le
coût de l'extension dudit projet.
C. L'option d'abandon d'un projet:
Lors de la réalisation de nouveaux projets, le risque
principal pour les entreprises est que ceux-ci ne sécrètent pas
les bénéfices escomptés. L'option d'abandon d'un projet
permet d'évaluer la possibilité qu'un projet ne rapporte pas le
bénéfice attendu, spécialement pour les projets avec un
fort potentiel de pertes. Dans cette section, nous examinons la valeur de cette
option d'abandon et ses déterminants.
Le modèle d'évaluation des options procure un
moyen général d'estimer la valeur de l'abandon d'un projet. Soit
V, la valeur d'un projet poursuivi jusqu'à la fin de sa durée de
vie, et L, la valeur de liquidation ou d'abandon du projet et estimé au
même moment. Si le projet a encore n années de vie, la
valeur de continuer le projet peut être comparée à la
valeur de liquidation. Si la valeur de continuer le projet est
supérieure, le projet doit être poursuivi ; si la valeur de
liquidation est plus élevée, le détenteur de l'option
d'abandon doit considérer la possibilité de l'abandonner. Le
bénéfice de cette option peut s'écrire de la
manière suivante :
Bénéfice de l'option d'abandon =0 si
V>L
= L-V
si V<ou=L
Le bénéfice obtenu par l'option d'abandon,
représenté dans le graphique ci-dessous, est en fonction du cours
anticipé de l'action. À la différence des deux
premières options, l'option d'abandon prend les caractéristiques
d'une option de vente (put).
Cette première partie a porté essentiellement
sur la nature des options et sur le mode de fonctionnement du
marché des options. Pour le profane, ce point de départ
constitue la base grâce à laquelle il pourra édifier
ses stratégies d'investissement en options.
L'analyse dans cette partie a mis en évidence le
rôle crucial qu'on peut faire jouer aux options dans un portefeuille de
valeurs mobilières ainsi que dans les décisions
financières de l'entreprise.
Afin d'utiliser les options à bon escient,
l'investisseur doit cependant acquérir une connaissance approfondie des
diverses stratégies d'investissement en options et comprendre les
multiples répercussions que peuvent avoir ces stratégies sur le
portefeuille.
C'est ce que nous nous proposons d'examiner à la
deuxième partie en se focalisant sur les options dans le portefeuille et
avec comme sous-jacent les actions.
Différents motifs conduisent les opérateurs
à recourir aux options. Certains d'entre eux les utilisent pour un
objectif de couverture. Les stratégies élaborées visent
alors à protéger la valeur d'un titre, d'un actif ou d'un
portefeuille contre les risques de variation des prix.
D'autres opérateurs recourent aux options pour un
motif de spéculation. Dans ce cas, les acheteurs et les vendeurs mettent
en place des stratégies sans détenir l'actif support et
négocient des options en fonction de leurs anticipations quant à
l'évolution probable des prix des actifs sous-jacents.
Certains opérateurs, enfin, mettent en oeuvre des
stratégies à base d'options pour profiter des distorsions
temporaires de prix dans le cadre d'opérations d'arbitrage.
L'utilisation d'une option ou d'une combinaison d'options
répond ainsi à trois motifs : la couverture, l'arbitrage ou la
spéculation. La diversité des stratégies s'explique par
les besoins des opérateurs en matière de gestion des risques
financiers.
Les études de Cox et Ross (1976) montrent que les
options accroissent l'efficience des marchés en augmentant les
opportunités d'investissement des agents économiques. Les
études de Leland (1980,1985), Bookstaber et Clark (1983), Trennpohl
(1982), Madan et Carr (1997), parmi beaucoup d'autres, indiquent que les
options constituent une forme d'assurance contre les risques financiers.
Merlon, Scholes et Gladstein (1978), Madan et Carr (1997)
constatent que les stratégies couvertes d'options réduisent le
risque et la rentabilité. Le risque d'un portefeuille d'options demeure
toutefois supérieur à celui d'un portefeuille d'actions. Ces
études indiquent qu'environ 85 % des options sont utilisées dans
un objectif te couverture.
Cette partie présente les spécificités et
analyse les caractéristiques des différentes stratégies
utilisant les options et leurs actifs sous-jacents. Il est implicitement
supposé dans les développements de cette partie que les options
ont pour actifs sous-jacents des actions et qu'elles portent sur des
quantités standardisées de titres, variables en fonction des
spécificités des marchés. Cette quotité est
généralement de 10 pour le marché des options de Paris et
de 100 pour celui du Chicago Board Options Exchange.
Les profils «à expiration» fournissent aux
opérateurs actifs un cadre de référence indispensable
à la compréhension générale et au suivi quotidien
de leurs positions. D'autant plus que, on l'a vu à la première
partie, lorsque le temps passe la courbe de valeur se rapproche du profil
à expiration jusqu'à s'y confondre le dernier jour. Le profil
à expiration est «l'enveloppe» des profils avant
l'échéance.
Nous considérons dans cette partie que la plupart des
positions prises par les opérateurs sont conservées
jusqu'à expiration.
Nous avons vu que le gain net de l'acheteur et du vendeur d'un
CALL, ou d'un PUT, à expiration dépend du prix d'exercice, de la
valeur que prendra l'actif sous-jacent à l'expiration et du prix de
l'option au moment de l'ouverture de la position. Donc toute prise de position
suppose d'abord :
· une anticipation concernant l'évolution du
marché en général et celle d'actifs particuliers (à
l'aide d'analyses techniques ou fondamentales, ...) et du temps
nécessaire pour sa réalisation;
· le choix d'une stratégie qui procure un profit
si l'anticipation faite se réalise, et limite les pertes sinon. Ce choix
implique la sélection d'une échéance et d'un prix
d'exercice.
Parce que les opérateurs ont le choix entre
différents prix d'exercice et différentes
échéances, les options leur permettent de concevoir des
stratégies plus complexes que celles qui consistent à ne
spéculer qu'à la hausse ou la baisse des cours (seules
possibilités offertes par les achats ou ventes d'actifs cotés au
comptant ou à terme).
Par achats et ventes simultanées de différentes
options, il devient possible de spéculer sur des variations du cours de
l'actif sous-jacent à l'intérieur d'une ou plusieurs plages de
cours, ou sur la volatilité de l'actif sous-jacent. Il est aussi
possible de construire des stratégies qui fournissent un profil de gain
net taillé sur mesure.
Notre objectif dans ce chapitre est de présenter les
stratégies spéculatives tes plus traditionnelles, construites
à partir de combinaisons d'options négociées sur le
même actif sous-jacent, sur la base d'anticipations concernant soit
l'évolution de son cours soit celle de sa volatilité.
Nous présentons dans une première section les
stratégies élémentaires d'achats ou ventes «nus»
de CALLs ou de PUTs ; dans une deuxième section les stratégies
d'écart, stratégies moins risquées construites par achats
et ventes simultanés de CALLs (ou de PUTs) de prix d'exercice ou
d'échéances différents, adaptées à la
spéculation sur la volatilité. Sauf mention expresse, nous
ignorons les frais de transactions, les appels de marge, les dividendes, et
l'impact de la fiscalité. La date d'expiration est supposée
coïncider avec la date du règlement.
Une stratégie élémentaire consiste
à acheter ou à vendre une action, un actif, un indice, un
portefeuille ou une option sans investir dans un second actif.
L'opérateur achète une option d'achat lorsqu'il
anticipe une hausse du prix de l'actif support. Lorsqu'il anticipe une baisse
de la valeur du sous-jacent, il vend une option d'achat. L'opérateur
achète une option de vente lorsqu'il anticipe une baisse du prix du
sous-jacent. Il vend une option de vente lorsqu'il anticipe une hausse du prix
de l'actif support.
L'option achetée (vendue) est à la parité
on à la monnaie (at thé money) lorsque la valeur de
l'actif support est égale, ou pratiquement égale, au prix
d'exercice. Elle est dans la monnaie (m thé money) lorsque le
prix du sous-jacent est supérieur (inférieur) au prix d'exercice
pour une option d'achat (une option de vente). L'option achetée (vendue)
est en dehors de la monnaie (ont of thé money) lorsque le prix
de l'actif support est inférieur (supérieur) au prix d'exercice
pour une option d'achat (une option de vente).
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