UNIVERSITÉ DU LITTORAL CÔTE
D'OPALE
Lab.RII Laboratoire de Recherche sur
l'Industrie et l'Innovation
CAHIERS DU LAB.RII
- DOCUMENTS DE TRAVAIL - N°174 Février
2008
LA GOUVERNANCE
ETAT DES LIEUX
ET CONTROVERSES CONCEPTUELLES
Cheikh NDIAYE
LA GOUVERNANCE ETAT DES LIEUX ET CONTROVERSES
CONCEPTUELLES
GOVERNANCE STATE OF THE ART AND CONCEPTUAL
CONTREVERSES
Cheikh NDIAYE
Résumé
- La diversité des connotations
attachées à la notion (ou aux notions) de gouvernance ne pouvait
manquer de susciter l'appétit des chercheurs désireux de
renouveler leurs outils d'analyse face à un monde en mutation
accélérée (mondialisation, déréglementation,
rapports entre puissances, décentralisation, ...). La gouvernance est
une notion qui a pris en deux décennies une importance
considérable et fait florès dans les discours politiques et
scientifiques. Ce document fait l'état des lieux sur les
différentes approches et théories faites de ce concept, sous ses
multiples domaines et disciplines d'application et depuis divers lieux. Si la
notion de gouvernance prouve d'indéniables qualités
stratégiques et politiques, son usage sans précaution dans
l'analyse scientifique peut se révéler périlleux.
Mots-clés : Gouvernance, Pays en voie de
développement, Société civile, Démocratie
Abstract
- For several years, Governance has become a concept arousing
the interest of economists and of the political community. Since twenty years,
it has taken a major importance and it is at the center of political and
scientific speeches. In a changing world, researchers have to renew their
analysis tools on this topic (globalization, deregulation, decentralization,
etc). This document focuses on the approaches and theories of governence. The
concept of governance presents strategic and political qualities, but its use
without precaution in the scientific analysis may be perilous.
Keywords: Governance, developing countries, civil society,
democracy
(c) Laboratoire de Recherche sur l'Industrie et
l'Innovation Université du Littoral Côte d'Opale,
février 2008
LA GOUVERNANCE ETAT DES LIEUX ET CONTROVERSES
CONCEPTUELLES
GOVERNANCE STATE OF THE ART AND CONCEPTUAL
CONTREVERSES
Cheikh NDIAYE TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 4
1. ORIGINES ET ETYMOLOGIE DE LA GOUVERNANCE 6
1.1. Etymologie évolution du terme 6
1.2. La gouvernance actuelle 7
2. LA GOUVERNANCE, DES GENESES CONCEPTUELLES MULTIPLES 9
2.1. La gouvernance en économie et en géographie
9
2. 2. La gouvernance en sciences politiques 10
3. LA GOUVERNANCE REVISITEE PAR LES DISCIPLINES 11
3.1. Gouvernance appliquée à l'Environnement 11
3.1.1. La gouvernance démocratique pour faire face aux
enjeux de l'environnement 12
3.1.2. Une gouvernance à quatre dimensions 12
3.2. La Gouvernance Urbaine 14
3.3. La Bonne Gouvernance 17
4. LES APPROCHES THEORIQUES DE LA GOUVERNANCE 21
5. QUELQUES CRITIQUES DE LA GOUVERNANCE 24
5.1. Imperfections de la dimension normative et prescriptive de
la gouvernance 25
5.2. La gouvernance entre innovations et inadaptations 32
CONCLUSION 36
BIBLIOGRAPHIE 38
INTRODUCTION
Face à l'évolution et la transformation des
rapports sociaux de production, la lutte des classes, l'avènement de la
démocratie et de la République, les rapports entre gouvernants et
gouvernés, ont largement évolué consacrant aujourd'hui,
non pas seulement la légitimité des gouvernants, mais
également la montée en puissance d'une société
civile jouant de plus en plus le rôle de contre-pouvoir, d'un secteur
privé toujours plus dynamique et puissant dans le jeu des rapports
économiques, politiques et sociaux. De ce fait, le terme de gouvernance
s'est imposé en quelques décennies aux sphères de nos
sociétés actuelles que se soient celles du Nord ou du Sud.
Dès lors, la diversité des connotations attachées
à la notion (ou aux notions) de gouvernance ne pouvait manquer de
susciter l'appétit des chercheurs en sciences humaines et sociales
désireux de renouveler leurs outils d'analyse face à une
réalité socioéconomique en mutation
accélérée (décentralisation, mondialisation,
délocalisation...) en faisant florès dans les discours politiques
et scientifiques.
Conçue comme un mode de gestion du pouvoir, elle
renvoie, ainsi qu'il apparaît, à une acception spécifique
des relations entre gouvernants et gouvernés ; donc à
l'organisation de l'Etat, de la société et de l'économie.
Cependant, la problématique de la gouvernance ainsi que son
évaluation pose en tout premier lieu l'exigence d'une définition
heuristique du concept lui-même. Il convient à cet effet de
relever que le terme gouvernance est relativement récent, même si
la réalité qu'il désigne est aussi ancienne que les modes
d'organisation et de gestion du pouvoir et des sociétés
humaines.
Le présent document essaie de faire une
présentation sommaire de l'état de la réflexion sur le
concept de la gouvernance. Il s'agit donc pour nous, d'un exposé non
«de» la gouvernance mais «sur» la gouvernance, en partant
d'une esquisse des lieux les plus communs autour de cette notion. Cinq
caractéristiques nous permettent de faire un bref état des lieux
de la question et constitueront le fil conducteur de notre argumentation.
Signalons tout de suite que plusieurs termes prêtent à confusion
et tendent à se confondre: gouvernement, gouvernance,
gouvernabilité, voire, la gouvernementalité de Michel
Foucault.
Comme première caractéristique, nous avons donc
une tendance à assimiler la gouvernementalité ou capacité
de gouverner, le mode particulier d'exercer le gouvernement, la gouvernance, et
l'ensemble du pouvoir exécutif ou gouvernement, qui ne donne que des
indications partielles sur la manière dont la sphère politique
est régulée. Nous y reviendrons plus en détails dans les
paragraphes suivants. Deuxième trait, la gouvernance est aujourd'hui
souvent présentée comme une gestion apolitique de la chose
publique, une privatisation de la politique, dans laquelle les citoyens sont
remplacés par des acteurs économiques, de la
société civile, et, en définitive, comme une alternative
à la démocratie représentative, s'inspirant de la logique
du marché. Or, en même temps, le terme s'est
révélé attrayant parce qu'il ouvre la possibilité
aux mouvements sociaux et aux autres acteurs de la société civile
de participer à des processus de prises de décision, aux
côtés de l'Etat, des élus et des autres acteurs
économiques.
En troisième lieu, deux dimensions difficilement
joignables ont en général traversé les analyses sur la
gouvernance, qu'elles soient de caractère académique ou officiel:
l'analytique et la normative. Ainsi, elles tentent de répondre
simultanément à des questionnements divers: Comment
réguler le pouvoir à la fois aux niveaux local et transnational?
Comment se présente le système mondial? Et, enfin : Comment sa
nouvelle structure devrait-elle se mettre en place? Mais nous n'aborderons pas
tous ces points dans ce document.
Quatrièmement, la notion peut répondre, par son
potentiel multidimensionnel, aux exigences de plusieurs champs de l'application
et de la connaissance:
- Politique ; c'est le champ d'appartenance essentiel de
la gouvernance, comprenant en même temps les relations de pouvoir et les
procédures gouvernementales.
- Scientifique (particulièrement des sciences sociales et
politiques), face au besoin d'analyse des nouveaux phénomènes,
dont la mondialisation et la globalisation.
- Économique ; d'une part, l'influence des pouvoirs
privés et la globalisation financière appellent une autre
orientation et d'autres méthodes de coopération, d'où les
versants fonctionnalistes de la notion. D'autre part, le libéralisme
économique s'est doté de principes politiques au début des
années 1990 qui ont été exprimés dans ledit
«Consensus de Washington» et qui, comme on le verra, donneront lieu
à l'une des formulations devenues les plus célèbres de
notre thème : celle de la bonne gouvernance.
- Coopération pour le développement ; sous le
vocable gouvernance, certaines organisations internationales tentent de
résoudre la crise de légitimité qu'elles traversent, tout
en essayant d'accompagner, par un « mode raisonné»
disent-elles, les applications des plans d'ajustement structurel (PAS) dans les
pays pauvres.
- Social ; en réponse à la crise de la
démocratie représentative et face à la capacité des
acteurs à intervenir dans les prises de décision1.
Cinquième caractéristique: la gouvernance a une
origine bien localisée dans les sociétés occidentales des
pays riches. Elle se situe d'abord dans le «Nord studieux», où
les universitaires américains et anglo-saxons ont le plus
réfléchi à la question. La gouvernance a
démarré en effet, dans les pays industrialisés où
le mode de gouvernement traditionnel connaît des problèmes de
gouvernabilité, nécessitant des procédures de
négociations et de décisions participatives et
contractuelles2 ; et que l'Etat solide souvent providence, ne suffit
plus ou en est pleine transformation face aux défis actuels3.
Enfin, et compte tenu de ces traits, le terme paraît obéir
à une réelle nécessité, car il peut remplir des
espaces vides relevant des cinq dimensions citées plus haut. Finalement,
devant la caducité du système de coopération
internationale instauré à Bretton Woods (qui peut être
vécu tantôt comme un échec, tantôt comme un
réajustement nécessaire, selon les points de vue), la gouvernance
pourrait aider à reformuler le multilatéralisme.
La question qui demeure est de savoir si la théorie de
la gouvernance (TG) pourra donner satisfaction à ces questionnements
appartenant à diverses instances de l'action et de la conception (les
dimensions stratégique et scientifique de la gouvernance). Les diverses
dimensions du terme lui fournissent un flou commode du point de vue analytique.
En général, on observe un développement de la TG qui
penche vers l'obéissance à une approche fonctionnelle, mettant
l'accent décidément sur les défis pratiques de l'action
publique et formulant la réponse du pragmatisme gestionnaire aux
inquiétudes fondamentales de l'espace public. On peut d'ores et
déjà noter quelques caractéristiques
générales constituantes pour une définition de la
gouvernance. Il s'agit d'un terme souple, dynamique et
interdisciplinaire4. Il est plus large que celui de gouvernement,
qu'il ne remplace pas, mais complète.
1 Cette dimension a gagné de l'importance
depuis la montée en puissance du mouvement mondial de contestation,
à partir de deux dates symboliques: la victoire des ONG internationales
face aux laboratoires pharmaceutiques en République d'Afrique du Sud en
1997, et la Conférence de l'OMC à Seattle en décembre
1999.
2 Où des acteurs économiques et sociaux
jouent un rôle plus important que dans d'autres pays, aux
côtés des acteurs politiques et administratifs.
3 La théorie de la gouvernance vise à
prendre en compte la multiplicité des centres de pouvoir dans les Etats
modernes, sous les effets notamment des décentralisations.
Contrairement au second, qui suppose l'unité du centre
de pouvoir, le premier n'a pas affaire avec les structures spécifiques
ou avec une «institutionnalité », mais avec une série
de processus, procédures et pratiques liés à la
distribution du pouvoir entre de multiples acteurs et organismes qui doivent
décider en commun, comme le fonctionnement d'une entreprise, le
processus de décision d'une municipalité (gouvernance urbaine ou
locale) ou d'un Etat, le fonctionnement du système international
(gouvernance transnationale ou globale) ou encore les relations entre acteurs
d'un même niveau et de niveaux différents. Passons donc en revue
les principales origines et conditions d'émergence de la gouvernance, sa
plasticité au sein des disciplines avant d'insister sur ses
velléités et innovations.
1. ORIGINES ET ETYMOLOGIE DE LA GOUVERNANCE
1.1. Etymologie évolution du terme
Tout d'abord, ce mot n'est pas nouveau, le Robert indique
qu'il s'agissait anciennement des bailliages de l'Artois et de la Flandre et
que, dans son acceptation moderne, la gouvernance désigne, au
Sénégal, l'ensemble des services administratifs d'une
Région et l'édifice où ils se trouvent. Pour le Webster's
New Universal Dictionnary, il s'agit à la fois de «la forme du
régime politique»; «du processus par lequel
l'autorité est exercée dans la gestion des ressources
économiques ou sociales »; ou « de la capacité des
gouvernements à concevoir, formuler et mettre en oeuvre des politiques
et, en général à assumer leurs fonctions
gouvernementales4 ».
Historiquement, la gouvernance est un mot français.
C'est un terme médiéval, dont la première occurrence
semble remonter au XIIe siècle avec un sens technique : la gouvernance
désignait la direction des bailliages. A partir du XIIIe siècle,
le sens retenu est plus large, et renvoie au fait de gouverner. La
métaphore qui sous-tend les termes de gouvernance comme de gouvernement
est celle du gouvernail d'un navire ; ils réfèrent tous deux
à « l'action de piloter quelque chose ». Au Moyen-Age, les
frontières linguistiques de l'Europe étaient poreuses :
l'Angleterre adapte alors le terme français à l'anglais, et
governance est ainsi utilisé outre Manche pour
caractériser le mode d'organisation du pouvoir féodal. On
retrouvait alors ce terme sous la plume de John Fortescue un légiste
anglais qui publia en 1471 «The Governance of England» (Marcou et
al., 1997).
La réflexion conceptuelle sur le pouvoir,
entamée avec l'émergence de l'Etat moderne à partir du
XVIe siècle, distingue de plus en plus les notions de
gouvernance et gouvernement. La gouvernance est reléguée au
second plan, tandis que s'élabore, notamment chez Machiavel et chez Jean
Bodin, la conception d'un Etat monopolisant l'intégralité d'un
pouvoir exercé sur une population circonscrite à un territoire
donné. Progressivement, la notion de gouvernement décrit ce
pouvoir stato-national et hiérarchisé, cet Etat qui se pense et
se veut comme une totalité. La gouvernance est marginalisée, et
le terme n'est plus guère employé que pour décrire la
science du gouvernement - c'est-à-dire la façon de prendre en
charge adéquatement la chose publique «indépendamment »
de la question du pouvoir. Deux paradigmes fondamentaux du débat
contemporain de la gouvernance se posent alors avec cette distinction entre
pouvoir, politique, et modes d'organisation sociale. Celui de la fin de
l'Histoire qui, de Hegel à Fukuyama, rêve d'une humanité
sortie de ses conflits et qui, apaisée, développerait un autre
mode d'organisation et d'administration des sociétés humaines. Et
celui du « bon gouvernement », qui plonge ses racines dans la grande
rupture de la modernité à la fin du
4 Webster's New Dictionnary; London, Dorset and
Barber, 1979.
Moyen-Age. Libéré de l'emprise du sacré
(de l'église), le pouvoir a désormais comme objectif
l'amélioration de la condition humaine. Dès lors, quel est le
meilleur pouvoir possible ? Deux ordres de réponses ont
été apportés à cette question : une réponse
démocratique qui, de Hobbes à Rousseau, fonde le pouvoir sur un
contrat social librement consenti par les peuples et une réponse
technocratique, particulièrement illustrée par le SaintSimonisme,
selon laquelle le bon gouvernement est exercé par ceux qui en ont la
connaissance.
1.2. La gouvernance actuelle
La réfection des rapports entre les différents
acteurs s'est imposée au sein de l'Etat ou des entreprises suite aux
crises de l'Etat moderne et à la fin de la bipolarisation du monde
symbolisé par la chute du mur de Berlin. Sans qu'elle soit l'oeuvre d'un
tel théoricien ou d'une telle école particulière, la
notion de gouvernance réapparaît à l'intérieur d'un
courant de pensée hétéroclite au début des
années 1990. Elle entend redéfinir les processus classiques de
prise de décision en tenant compte de la multipolarité naissante
au sein d'un monde en pleine transformation. Cette nouvelle approche qui se
fonde sur le partenariat, la pluralité d'acteurs et de pouvoirs multi
centrés, rejette l'analyse classique des rapports de pouvoirs
conçus sur le mode de la verticalité entre des autorités
ordonnancées de manière hiérarchique et les autres acteurs
de la vie en société. Elle met en avant plutôt l'analyse en
réseaux, au sein desquels une pluralité d'acteurs
échangent et interagissent sur le mode de coopération ou de la
concurrence. Ainsi, une nouvelle forme procédurale s'impose aux prises
de décision mais aussi à l'action publique. Il devenait donc
nécessaire de repenser la manière de gouverner et le rapport
entre l'Etat et la société5.
La résurgence du concept de gouvernance sur la
scène internationale sera le fait de la Banque Mondiale (BM) au tournant
des années 1990. Pour la BM, dont la stratégie des années
1980 de libéralisation des pays placés sous ajustements
structurels ne procurait que des résultats très mitigés
sur le plan économique, mais, par contre, commençait à
susciter de plus en plus de critiques de la part des populations et des
organisations non gouvernementales (ONG), la notion de gouvernance est apparue
comme le moyen de redonner de la légitimité à ses
interventions6. La Banque Mondiale parle ainsi, dès 1989, de
?Good governance?. Quand on utilise le mot ?gouvernance?, on ne se
réfère donc certainement pas aux définitions très
larges données par le Webster's Dictionnary mais plus probablement
à cette définition beaucoup plus explicite, malgré les
apparences, donnée par la Commission BRANDT sur la «Gouvernance
globale», et reprise, ensuite, par Eric BAIL au nom de la Commission
Européenne : «La somme des voies et moyens à travers
lesquels les individus et les institutions, publiques ou privées,
gèrent leurs affaires communes. Il s'agit d'un processus continu
grâce auquel les divers intérêts en conflit peuvent
être arbitrés et une action coopérative menée
à bien. Ceci inclut les institutions formelles et les régimes
chargés de
5 La gouvernance favorise ainsi les interactions
Etat- société, en offrant un mode de coordination horizontal
entre partenaires intéressés par l'enjeu- autorité
publique, entreprises, groupes de pressions, experts, mouvements de citoyens,
associations de consommateurs- pour rendre l'action publique plus efficace.
Elle privilégie l'élaboration non hiérarchisées des
politiques publiques, par rapport à la prise de décision
verticale, imposée par le haut, propre au gouvernement traditionnel.
6 Bonnie CAMPBELL Gouvernance : un concept
apolitique ? Conférence prononcée lors du séminaire
d'été du Haut Conseil de la Coopération Internationale,
Dourdan le 29 août 2000. Le rapport complet est disponible sur le site du
Centre des Etudes Internationales et Mondialisation, de l'Université du
Québec à Montréal,
http://www.ceim.uqam.ca/textes/gouvernancehcci.htm
mettre en application les décisions, ainsi que les
arrangements que les gens ou les institutions ont acceptés ou
perçoivent comme étant dans leur intérêt
7 ».
Ce qui est intéressant dans cette définition
c'est l'idée de processus interactif : une succession d'étapes
à travers lesquelles des acteurs nombreux n'ayant pas les mêmes
intérêts et agissant à différentes échelles,
mais faisant face à un même problème, vont progressivement
construire une représentation commune de cette réalité.
Ils vont lui donner un sens, se fixer des objectifs, adopter des solutions puis
les mettre en oeuvre collectivement sans que rien - ni cette
représentation, ni ces objectifs, ni ce sens, ni cette interaction- ne
soit déterminé à l'avance8. La BM, en axant sa
propre conception de la gouvernance, ou de la bonne gouvernance, sur
l'efficacité, la responsabilisation, la participation et la
transparence, cultive ce que Bonnie Campbell appelle « un
managérialisme populiste » qui s'articule autour d'une
approche technique de la chose publique, et une réduction de l'Etat
à la seule fonction de garant d'un régime de droits permettent le
plein épanouissement du marché et le respect de la
propriété privée.
À partir de 1995, d'autres agences internationales et
onusiennes (CNUCED, UNESCO, OCDE, OMC, FMI etc.) vont progressivement recourir
elles aussi à ce concept de gouvernance. Pour ces organisations
internationales qui souffrent de déficit démocratique,
souvent taxées de technocratiques, la gouvernance
apparaît comme une source nouvelle de légitimité.
Essentiellement pragmatique, le concept de gouvernance renvoie ainsi finalement
à une boite à outils? une liste impressionnante et extensible de
recettes managériales ou d'instruments supposés apporter des
réponses appropriées à la crise des politiques
démocratiques traditionnelles, centrées sur l'autorité de
l'Etat (tableau 1 page 13). C'est en cela que la théorie des sites
symboliques peut apporter d'une rationalité de la gouvernance
pragmatique avec la boîte noire qui constituerait le système de
gouvernance, la boîte conceptuelle le modèle et la boîte
à outils les moyens et instruments9.
L'histoire à succès de ce mot - qui comme on l'a
dit ne peut se comprendre qu'en référence au contexte actuel -
s'explique sans doute ainsi par le sentiment - on pourrait presque parler de
croyance mythique - que nous avons maintenant à notre disposition
«une boite de pandore politique», comprenant toutes les formules
nécessaires et suffisantes pour permettre de surmonter les
contradictions de l'action collective. Un catalogue d'outils
«universels» capables de répondre à toutes les
situations, même les plus complexes, sans aucune vision
idéologique du «bon gouvernement», si ce n'est une vision
plutôt abstraite de la démocratie, conçue comme une
interaction ouverte et pluraliste entre acteurs. Cependant, c'est cette vision
neutre, optimiste, managériale de l'action collective qui est selon
Theys, mise fortement en doute par les deux autres termes de
«gouvernabilité» et de «gouvernementalité».
Cette controverse sur la neutralité sera développée dans
les développements suivants.
7 Christophe BAIL, "Environmental Governance: Reducing
risks in democratic societies". Introduction paper, EEC, Future Studies Unit,
1996.
8 Pierre CALAME, «Des procédures de
gouvernement au processus de gouvernance». Séminaire d'ODENSE, 11
octobre 1996, Commission Economique européenne.
9 Voir l'introduction à la théorie
des sites symboliques in Critique de la raison économique de Serge
Latouche, Fouad Nohra et Hassan Zaoual, coll. L'Harmattan 1999. Nous allons
également nous appuyer sur les paradigmes de la sitologie pour faire un
essai de conceptualisation de la « gouvernance située».
2. LA GOUVERNANCE, DES GENESES CONCEPTUELLES
MULTIPLES
L'économie et la gestion, la géographie, la
science politique et la sociologie représentent les principales matrices
disciplinaires de la notion de la gouvernance. La rigueur des
définitions initiales n'a néanmoins pas résisté
à l'hybridation.
2.1. La gouvernance en économie et en
géographie
La gouvernance, comme gestion des transactions d'entreprises :
telle est la vision de la nouvelle économie institutionnelle. Deux
économistes américains, Coase, prix Nobel en 1991, et Williamson,
ont mis en évidence ce que l'on appelle les coûts de
transaction. Nous appuyons notre argumentation sur la lignée de
pensée de ces deux auteurs. En réalité, l'entreprise est
quelque chose d'aberrant par rapport à la vision de l'économie
néo-classique où le marché règne en maître.
L'entreprise est une boîte noire : comme il n'y a pas, en son sein, de
transactions marchandes, l'économie ne sait rien en dire. Pourtant les
acteurs économiques, salariés, chefs d'entreprises, s'y
échangent des compétences, de l'argent... : ils «
rentrent en transaction ». Ces transactions ont évidemment
un coût, comme les coûts de transport, les coûts
d'information : demander des devis, passer un contrat..., toutes ces
démarches demandent du temps et de l'argent. Toute une série de
transactions sont ainsi nécessaires au fonctionnement de
l'économie. Elles peuvent s'effectuer de différentes
manières, « du marché à la hiérarchie »,
pour reprendre les termes du titre d'un ouvrage de Williamson.
-La transaction par le marché, c'est la place du
marché où tout se négocie à tout moment.
-La hiérarchie, c'est le chef qui donne des ordres
à ses subordonnés. C'est une transaction, qui a un coût,
parce qu'il a fallu embaucher, élaborer un contrat, des
règlements, un travail de coordination.
Entre ces modèles extrêmes, qui n'existent pas
sous une forme pure et parfaite, il y a toute une série de
modalités intermédiaires de coordination que l'on appelle
modalités de coordination en réseau, qui comprennent un
peu de marché, un peu de contrat, un peu de hiérarchie, mais
aussi de l'informel. Ce sont ces modalités intermédiaires de
coordination, que nos auteurs appellent « dispositifs de gouvernance
», donc des dispositifs de coordination qui vont au-delà des
pures relations marchandes ou hiérarchiques.
Selon le paradigme de «Coase-Williamson-Scott», les
firmes arbitrent entre les coûts d'organisation et les coûts de
transaction entre entreprises, car contrairement au postulat des
économistes néoclassiques, les coûts de transactions
(rechercher de l'information, donner un ordre, passer une commande,
rédiger un contrat..) ne sont pas nuls. Dès lors, dans son
acceptation large, la gouvernance fait référence aux diverses
institutions (structures et procédures) susceptibles de prendre en
charge ces transactions. Dans un sens plus restrictif, la gouvernance se
rapporte aux seules transactions de l'entreprise et désigne des
relations de pouvoir et de coordination plutôt non marchandes, formes
hybrides empruntant au rapport hiérarchique comme à la relation
partenariale. A ce niveau, nous pouvons reprendre l'exemple du quartier de
Sentier à Paris qui est souvent cité par les spécialistes
du développement local, où une multitude de petites entreprises
travaillent dans la confection. Selon les années, l'une ou l'autre
devient leader et sous-traite une partie de sa production aux autres. Ce
fonctionnement fait jouer le marché, bien sûr, et un peu la
hiérarchie, mais il faut surtout jouer la connivence, la
stratégie10...
10 Voir à ce sujet les travaux du laboratoire
RII ULCO sur « le milieu innovant » notamment sur la proximité
organisationnelle (Uzunidis D.).
Par ailleurs, la notion de gouvernance a suscité
l'intérêt de la géographie économique, en
particulier des spécialistes des districts industriels et autres
systèmes de productions localisés. En référence aux
problématiques de développement local, la gouvernance
désigne alors les modes de régulation de la sphère
économique mettant en jeu la spatialité des dispositifs
organisationnels, les proximités entre les acteurs et, partant, les
institutions et procédures locales. Cependant, face aux défis du
développement territorial, de nombreuses recherches ont
démontré le caractère désuet et inadapté des
options de régulations cloisonnées. C'est dans cette perspective
que s'inscrivent certains travaux du laboratoire RII pour appréhender la
gouvernance territoriale comme étant l'alchimie à trouver ou du
moins à comprendre pour la conduite des organisations et systèmes
de plus en plus complexifiés vers un ou des objectifs bien
identifiés11.
2. 2. La gouvernance en sciences politiques
Chez les politologues ou politistes, le mot gouvernance est
d'origine anglaise. L'Angleterre était la patrie du gouvernement local,
avec des institutions locales fortes, disposant d'un véritable pouvoir
de régulation et d'orientation de l'action publique. L'ère
thatchérienne a modifié la donne de façon paradoxale :
l'Etat a cherché d'un côté à introduire plus
fortement les mécanismes du marché, et d'un autre
côté à centraliser et récupérer une bonne
partie des prérogatives des institutions locales. Les politistes ont
alors commencé à parler de gouvernance, car le pouvoir local ne
se résumait plus aux institutions locales. La notion de gouvernance rend
compte de ces mutations dans l'exercice du gouvernement local ; le pouvoir
local se fragmente et se dilue au sein d'agences de régulation,
d'organismes privés.
C'est dès les années 60 que les tenants
américains du «Public Choice» introduisent la
gouvernance dans les débats sur les réformes institutionnelles
des métropoles. Il y est déjà question de pouvoir
polycentrique, de fragmentation politico-administrative, de coopération
entre acteurs privés et publics. Plus tard, d'autres auteurs mettront
l'accent sur certains aspects spécifiques de l'action publique locale,
se servant de la gouvernance pour les formaliser : partenariats et coalitions
entre acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, participation des
citoyens, etc. Par ailleurs, le glissement de l'économique vers le
politique a été également opéré par la
Banque Mondiale, pour qui la gouvernance est « la manière dont le
pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et
sociales dans un pays en voie de développement » (Osmont, 1998). La
bonne gouvernance constituant pour les experts de la Banque Mondiale le cadre
politico-institutionnel adéquat aux politiques d'ajustement structurel
qui ont marqué les pays africains notamment le Sénégal
dans les années 70-80.
Michael Bratton et Donald Rothchild nous rappellent
l'historique du concept en Afrique. Le concept de gouvernance s'est
récemment frayé un chemin dans le lexique de la politique
comparée en empruntant un itinéraire inattendu. Pour eux «
ce sont les praticiens des organisations de développement
international qui l'ont adopté les premiers ; ils lui donnaient au
début le sens limité de fonctionnement efficace d'un
gouvernement. Après l'indépendance politique, les dirigeants
africains se sont tournés vers les organisations d'aide et de
prêt, afin d'obtenir quelque assistance pour la création
d'organismes de gouvernement et pour la formation de fonctionnaires
habilités à faire appliquer les décisions politiques. A
l'époque, dans les années 1960, ce mode d'activité d'aide
portait de préférence le nom de création des institutions
- on ne parlait pas encore de gouvernance -, nom qui finit par
disparaître du vocabulaire de l'aide, à mesure que les pays
récipiendaires commençaient à se suffire à eux-
mêmes et que leur personnel qualifié devenait opérationnel.
Dans les années 1980,
11 Voir également le document de travail
n° 144 du Lab.RII
cependant, en particulier par rapport à l'Afrique,
governance connut un regain de faveur sous l'autorité morale de la
Banque mondiale, en tant qu'initiative de «développement»
institutionnel «des capacités», sous le nom de governance for
development » (1989, p 60). Il ne sera donc sans surprise que la
notion de gouvernance soit accaparée par certaines disciplines où
les outils et les processus de l'action collective ne sont plus efficaces face
au contexte actuel de déréglementation.
3. LA GOUVERNANCE REVISITEE PAR LES DISCIPLINES
3.1. Gouvernance appliquée à
l'Environnement
L'environnement a, depuis plusieurs décennies et
aujourd'hui encore, servi de «laboratoire» où s'inventent de
nouvelles formes de gouvernance: procédures démocratiques de
consultation, formes flexibles de coordination, modes de gestion
décentralisés, utilisation du contrat, de la médiation ou
des incitations économiques, gouvernement par l'information et les
principes, etc. Ceci témoigné par les efforts de modernisation de
l'action publique: Agendas 21, études d'impact, accords volontaires,
marchés de droits à polluer, conférences de consensus,
principe de précaution, normes ou conventions négociées,
etc. C'est en fait dans les années 90 qu'on note un tournant important
de cette mouvance dans un contexte marqué par la globalisation,
l'émergence des grandes régions économiques comme
l'Europe, et l'influence croissante des idées libérales dans la
conception et la mise en oeuvre des politiques de l'environnement. Au moins
trois raisons convergentes expliquent cet essor tout particulier des nouvelles
formes de gouvernance dans le champ de l'environnement :
- d'abord par la nature même des problèmes
concernés: problèmes d'externalité, de gestion de risques
ou d'utilisation des ressources communes, allant du niveau local au niveau
planétaire. Par définition, ces problèmes sont complexes,
conflictuels, controversés, et leur solution passe par la mobilisation
d'acteurs nombreux, interagissant à de multiples échelles; des
acteurs dont les territoires ne correspondent généralement pas
aux territoires institutionnels classiques, et qu'il faut convaincre;
- par ailleurs l'environnement est lui-même porteur de
valeurs favorables à la démocratie, à la
décentralisation, à la transparence et donc à des formes
d'action publique qui accordent une large place à la
société civile;
- il est clair, enfin, que les nouvelles formes de gouvernance
ont aussi été pour les politiques de l'environnement, un moyen de
surmonter leurs faiblesses ou leur déficit de légitimité,
et en particulier de réagir aux critiques d'inefficacité ou
d'autoritarisme auxquelles elles ont été confrontées
dès l'origine (Theys 2002).
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que cette
volonté d'innovation coexiste avec le souci quasi obsessionnel de
renforcer les modes d'intervention traditionnels de l'Etat - de type
«command and control»- pour reprendre les propos de Theys ;
s'il faut accorder à l'environnement un rôle «d'avant
garde» dans la modernisation des formes de gouvernance. On est encore
en effet dans une phase où il s'agit prioritairement pour les
responsables de l'environnement, de fonder et construire une politique
sectorielle bien identifiée, avec des moyens d'autorité classique
(réglementation, dispositifs de contrôle, ressources
budgétaires), et des instruments de coercition suffisants pour obtenir
des résultats tangibles à courte échéance.
Autrement dit, la nécessité d'innover coexiste avec la
volonté de trouver une place légitime parmi les politiques
traditionnelles de l'Etat et donc, de se couler dans le «moule» des
politiques classiques d'interventions, de réglementation et de
sanction.
De ce fait, cette coexistence historique entre deux
priorités différentes, entre deux stratégies d'action
publique, alimente naturellement beaucoup de controverses. D'un
côté, on accuse les politiques réglementaires
traditionnelles d'être archaïques, inefficaces, inapplicables. De
l'autre, on considère que les nouvelles formes de gouvernance ne sont
qu'une façon naïve d'évacuer la réalité des
conflits et des jeux de puissance, et que sous couvert d'ouverture
démocratique elles ne font que renforcer les intérêts
dominants et institutionnaliser les corporatismes. Au-delà, ce sont deux
conceptions de la démocratie qui s'affrontent avec un défi
commun: comment organiser la confrontation des opinions et des
intérêts sur des questions essentiellement
médiatisées par la science, qui transcendent les
frontières institutionnelles, et concernent des
générations ou des éléments de la nature qui n'ont
pas accès au vote? (ibid 2005)
3.1.1. La gouvernance démocratique pour faire face
aux enjeux de l'environnement
Toutes les réticences que l'on peut raisonnablement
avoir vis à vis d'un discours beaucoup trop «irénique»
sur la gouvernance n'enlèvent rien à la réalité du
constat qui introduisait ce paragraphe: les politiques de l'environnement ont
été, surtout à partir des années 90, un remarquable
laboratoire pour des formes nouvelles de gouvernance. Et celles-ci ont
incontestablement constitué des avancées significatives dans le
fonctionnement démocratique partout où elles ont
été développées ; en ouvrant à un nombre
croissant d'acteurs l'opportunité d'intervenir dans la conception et la
mise en oeuvre de solutions collectives à des problèmes de mieux
en mieux perçus comme communs.
Les années 90 marquent une étape décisive
dans la gouvernance environnementale. En effet, il devînt évident
que tout progrès supplémentaire dans la politique de
l'environnement dépendait désormais de la capacité
à mobiliser la société toute entière - en
commençant par les entreprises, les consommateurs et les habitants.
«L'intégration», «l'internalisation», «la
responsabilisation», «la participation» devinrent de nouveaux
slogans largement répandus. Parallèlement aussi, le processus
conjoint de globalisation, de décentralisation et de constitution de
grandes «régions économiques» (CEE, ALENA...) conduisit
progressivement à un encadrement sensible des Etats-Nations,
désormais contraints de négocier ou de s'ajuster avec une
pluralité diffuse d'acteurs influents intervenant à toutes les
échelles, du global au local. Dès lors, un consensus très
large se forma sur la nécessité de faire évoluer la
politiques de l'environnement du curatif au préventif (puis à la
précaution); de l'injonction à la participation; de la
centralisation à la décentralisation; de l'orientation par l'Etat
à une orientation par le marché; de l'excès de
réglementation à une action essentiellement incitative,
créant les conditions favorables à un changement dans les
comportements des producteurs ou des consommateurs... et ceci, dans un contexte
d'incertitude scientifique et de complexité croissante
3.1.2. Une gouvernance à quatre dimensions
Abordées dans leurs généralités,
toutes ces transformations de l'action publique façonnent aujourd'hui un
«paysage» apparemment très sophistiqué de la
«bonne gouvernance»; un enchevêtrement très complexe de
principes, d'instruments, d'institutions et de procédures dont on
discerne mal, au premier abord, la cohérence. En réalité,
au-delà de cette apparente confusion, on constate que ce concept commun
de «gouvernance environnementale» recouvre quatre approches ou quatre
réalités assez différentes que Jacques Theys illustre
très bien (Tableau 1) :
- une volonté de relégitimation et de modernisation
de l'action publique qui passe d'abord par plus de transparence;
- des formes originales et multiples de coordination non
hiérarchiques (et de tranversalisation) des actions collectives;
- une transition vers des formes plus ouvertes de
rationalité (réflexive, procédurale...);
- et enfin, un certain transfert de pouvoirs vers la
société civile, les collectivités
décentralisées ou des institutions autonomes (nationales ou
internationales).
1. La première approche est très classique, met
en avant la rationalisation, crédibilisation, et modernisation de
l'action publique: c'est rendre les administrations «comptables» de
leur action («accountability»), donner plus
d'indépendance à l'expertise (création d'autorités
indépendantes...), réduire la bureaucratie, développer la
transparence et l'accès à l'information, favoriser la
participation aux décisions... L'objectif qui est de reconstruire une
certaine confiance envers les institutions, n'est naturellement pas
spécifique à l'environnement: mais c'est, à
l'évidence un domaine où les problèmes de
crédibilité, de transparence et de légitimité se
posent avec une acuité particulière, compte tenu de l'importance
des conflits et des incertitudes qui s'y manifestent.
2. Dans une seconde approche de la «bonne
gouvernance», c'est plus fondamentalement le principe même de mandat
d'autorité ou d'autorité hiérarchique qui est remis en
cause ; à la fois pour des raisons d'efficacité mais aussi du
rôle de fait joué par une multiplicité d'institutions ou
d'acteurs à toutes les échelles. L'éclatement des enjeux
et des pouvoirs impliqués dans les problématiques
écologiques impose des mécanismes de coordination non
hiérarchiques de plus en plus raffinés : procédures de
négociation, système de partenariat et de contrats, conventions
internationales, instruments de médiation, mécanismes de
marché (marché de droit à polluer...), accords de
subsidiarité... qui sont pour beaucoup de praticiens, au centre de la
notion de gouvernance.
3. C'est sans doute dans une troisième approche qu'il
faut chercher ce qui fait véritablement l'originalité de la
gouvernance environnementale. De manière plus ambitieuse que la
précédente cette troisième approche vise, finalement,
à élargir les représentations traditionnelles de la
rationalité; à dépasser les cadres trop étroits de
la rationalité instrumentale à court terme. Concrètement
cela s'est traduit, en particulier dans la période récente, par
une capacité à «inventer» puis à diffuser de
nouveaux principes d'action: principe pollueur payeur, principe de
précaution, développement durable ... . Mais aussi par une
extension considérable du champ de la réflexivité dans la
prise de décision (études d'impact, calcul économique,
outils de «reporting», évaluation des risques, etc.).
L'intérêt de ces principes est naturellement qu'ils peuvent
s'accommoder de formes très souples de relations entre acteurs, ou
même d'absence de relations.
4. Ce serait pourtant manquer l'essentiel que de
réduire la «bonne gouvernance» à cet effort ambitieux
pour fonder sur des bases rationnelles plus larges, une nouvelle action
collective. L'essentiel en effet, dans la «bonne gouvernance», c'est
une redistribution des pouvoirs et des rôles entre l'Etat, les autres
institutions locales ou internationales, le marché et la
société civile. D'un mode de gouvernement où l'Etat,
centralisant les responsabilités, déterminait seul l'action des
autres acteurs, on passe à un mode de gouvernement où tous les
acteurs concernés exercent collectivement cette
responsabilité.
Tableau 1: Les quatre dimensions de la gouvernance
environnementale
I) MODERNISER L'ACTION
|
II) DEVELOPPER DES MECANISMES
|
PUBLIQUE, EN ACCROITRE LA
|
NON AUTORITAIRES DE
|
LEGITIMITE ET LA CREDIBILITE
|
COORDINATION ET DE REGULATION
|
|
DE L'ACTION COLLECTIVE
|
(Gérer la confiance et l'acceptabilité)
|
(Gérer la pluralité et la mobilisation)
|
· Réforme du secteur public
|
· Extension du contrat
|
· Transparence
|
· Partenariat public-privé
|
· Evaluation, contrôle,
«accountability»
|
· Incitations économiques (permis
négociables,
|
· Autorités indépendantes
|
taxes) - compensations
|
· Séparation régulateur /
opérateur
|
· Accords volontaires
|
· Consultations et débats publics -
|
· Conventions et protocoles flexibles («accords
|
démocratisations des procédures
|
cadres»)
|
· Mise en oeuvre plus efficace
|
· Politiques constitutives
|
(«enforcement»)
|
· Autorités régulatrices
|
|
· Mécanismes de médiation
|
|
· Intégration et transversalisation
|
|
· Mise en oeuvre négociée
|
|
· Réseaux informels
|
III) ETENDRE LA RATIONALITE
|
IV) CHANGER DE POUVOIR
|
REFLEXIVE OU PROCEDURALE
|
|
(Gérer l'incertitude et la complexité)
|
(Gérer les rapports de force)
|
· Principe de précaution
|
· Transferts de souveraineté (aux institutions
|
· Développement durable
|
supranationales)
|
· Evaluation des risques, études d'impact,
réflexivité
|
· Décentralisation
· Subsidiarité active
|
· Calcul économique et réformes
|
· Droits de propriété
|
comptables
|
· Normalisation volontaire (exigences
|
· Accès à l'information, transparence,
traçabilité, indicateurs, audits...
|
essentielles, autocertifiction)
· Délégation au secteur privé ou aux
O.N.G
|
· Conférences de consensus
|
· «Autogestion» des biens publics par des
|
· Pluralité de l'expertise, autorités
|
communautés d'usagers
|
indépendantes
|
· Institutions de mutualisation (agences de l'eau)
|
· Science «post normale»
|
|
· Déontologie et comités d'éthique
|
|
|
Jacques Theys 2002
3.2. La Gouvernance Urbaine
En matière urbaine, beaucoup de chemins ont
été parcourus depuis le « bon gouvernement des villes
» tel qu'il pouvait exister au Moyen Age en Europe12.
Aujourd'hui, trois facteurs
12 Comme vous pouvez le constater, j'ai
délibérément occulté de mes diagnostics, le
gouvernement des villes en Afrique subsaharienne, qui ne répond pas aux
mêmes règles de gouvernance de celles des pays du Nord. La
réalité des villes africaines est tellement composite qu'elle
échappe aux indicateurs standards d'analyse.
essentiels sont à considérer avec attention :
l'assise territoriale du pouvoir local, sa forme institutionnelle et les
mécanismes mêmes du gouvernement des villes. L'extension
progressive des agglomérations conduit nécessairement à la
coexistence au sein de chacune d'elle d'un nombre élevé de
pouvoirs locaux juxtaposés. Détenant une compétence
générale mais limitée à une portion du territoire
urbain, ces collectivités locales sont incapables d'avoir une vue
d'ensemble des différentes problématiques auxquelles elles sont
confrontées, et leur pouvoir s'en trouve considérablement
amoindri. Deuxièmement, du fait de la sédimentation des
différentes strates de la puissance publique, plusieurs pouvoirs publics
superposés interviennent, plus ou moins directement, sur les villes au
côté des collectivités locales. Ces autorités
supra-locales développent des approches verticales, des programmes
sectoriels, etc. Par conséquent, à l'émiettement
géographique des pouvoirs locaux s'ajoute la parcellisation
fonctionnelle des pouvoirs supra-locaux. Enfin, et c'est le troisième
point, nous assistons dans le domaine des politiques urbaines à
l'émergence d'une pluralité d'acteurs socioéconomiques,
dont les territoires d'intervention ne coïncident pas forcément
avec l'espace du pouvoir local. Les hommes et les organismes implantés
dans une agglomération donnée sont de plus en plus souvent
connectés à de multiples réseaux (matériels ou
non), qui font que ces acteurs sont parfois plus proches d'autres acteurs
situés dans des territoires très éloignés que de
leur environnement immédiat. Ainsi, sauf à faire l'autruche,
force est de constater que les évolutions urbaines sont aujourd'hui le
fruit des interactions, d'une pluralité d'acteurs qui ne sont pas tous
publics, et que les périmètres à considérer sont
variables et dépendent de la nature des problèmes à
traiter. Il n'y a pas d'échelle territoriale optimale en soi, c'est la
fin du mythe du territoire pertinent.
Passer de l'action publique classique (combinant la
légitimité démocratique et l'efficacité
managériale) à la gouvernance urbaine proprement dite, cela
consiste donc à adopter des modalités d'action et de prise de
décision plus partenariales, plus interactives et plus flexibles. Cela
consiste à privilégier la logique de l'innovation sur celle de la
rationalisation, en cherchant à promouvoir des processus d'action qui
sont avant tout des processus d'interpellation réciproque des
différents acteurs locaux. La gouvernance urbaine n'est pas autre chose
à mes yeux que la capacité à mettre en oeuvre des
partenariats efficaces entre les différents acteurs, c'est-à-dire
la capacité à relier les principaux acteurs autour du niveau de
décision politique, en définissant un cadre qui donne du sens
à l'action urbaine (Ndiaye C 2005, p 29). Il faut que cette action soit
suffisamment mobilisatrice pour entraîner les parties concernées,
et suffisamment lisible pour être comprise par tous les citadins et
produire de ce fait du lien social. C'est d'ailleurs bien le rôle des
pouvoirs publics de donner du sens à une action quelle qu'elle soit,
dans les deux acceptions du mot sens : une direction et une signification. Tout
cela est certes plus facile à dire qu'à faire. Mais il existe des
voies et des moyens pour y parvenir. Nous signalerons simplement les
démarches contractuelles, qui se prêtent parfaitement bien
à cette mise en musique de la gouvernance urbaine.
J.M Offner nous rapporte l'introduction de P. Duran dans un
numéro de Politique et Management Public consacré à la
gouvernance : « marquée par les développements
récents de l'analyse des politiques publiques et la théorie des
organisations , et en rupture avec une approche classiquement institutionnelle
de la politique, la gouvernance vise à rappeler dans un premier temps
que l'action publique ne se réduit plus à l'action des seuls
«gouvernements» dont l'étude ne peut plus désormais
rendre compte de la complexité d'une activité qui transcende les
barrières du privé et du public, traverse les nomenclatures
politicoadministratives et mêle les différents niveaux
d'interventions tant infra- que supranationaux. »13
13 Offner JM., «gouvernance, mode
d'Emploi», pouvoirs locaux, n°42 III, 1999.
Autrement dit, l'expansion de fait du système
politique à l'activité d'une multiplicité d'acteurs de
statuts différents interdit de faire des institutions publiques de
gouvernement les seuls dépositaires de l'action publique. Ainsi
l'expression la plus communément utilisée de gouvernance urbaine
vise à rendre compte d'un monde où la gestion publique ne
s'arrête pas à l'action des seules autorités locales pour
embrasser en fait l'action conjuguée d'acteurs tels qu'agences
d'urbanisme, sociétés d'économie mixte, associations,
chambres consulaires et d'autres acteurs publics ou privés se situant
des niveaux nationaux ou supranationaux.
La gouvernance traduit aussi la réalité d'une
action publique de plus en plus étroitement dépendante de la
mobilisation d'acteurs privés comme du consentement des usagers, voire
des citoyens. De même, l'évocation de la «gouvernance
territoriale» a pour but de souligner la diversité, et
l'hétérogénéité des territoires de l'action
publique en l'absence de recouvrement des territoires institutionnels et des
territoires de gestion. (Ndiaye C op cit p 30). En effet, la transformation des
territoires marque des régularités où l'on retrouve des
processus d'élaboration de la commande publique innovants, des
mobilisations puissantes d'acteurs politiques, privés et publics, de
techniciens, ainsi qu'un perfectionnement des systèmes de production.
Par ailleurs, Offner propose une définition plus
détaillée du concept de gouvernance. Pour lui : « La
gouvernance est la capacité à produire des décisions
cohérentes, à développer des politiques effectives par la
coordination entre acteurs publics et non gouvernementaux, dans un univers
fragmenté ». En effet, la gouvernance est nécessairement
« une capacité », c'est à dire une
compétence que l'on essaie d'acquérir :
« une capacité à produire », il
ne s'agit pas seulement de contrôler, de réglementer...
« ... à produire des décisions
» : c'est à dire rompre avec l'ordre établi. Il s'agit
d'aller à l'encontre des routines, et non pas de gérer le
quotidien.
« ... des décisions cohérentes
» : le mot cohérent est sans doute le plus employé dans
le domaine du développement local, évidemment parce que c'est
plutôt l'incohérence qui règne. Mais ce mot peut avoir des
visées concurrentielles : par exemple, ceux qui s'occupent de la
politique de la ville vont réclamer une cohérence par rapport au
social, ceux de l'énergie vont s'attacher à la cohérence
entre l'énergie et l'environnement, etc.
« ... capacité à développer des
politiques effectives ». » Une politique » c'est
justement quelque chose de cohérent. C'est un programme d'actions qui
convergent vers un même objectif. On est en droit de se poser la question
«est ce vraiment une politique de...» ?
« ...des politiques effectives » ce mot a
l'intérêt de diviser en deux la notion d'efficacité entre
la notion d'efficience (qui a à avoir avec la productivité), et
celle d'effectivité (la réussite des mesures mises en place).
« ...par la coordination » : un mot qui
peut recouvrir bien des choses ! L'un des principaux objectifs des sciences
sociales est justement de comprendre les mécanismes de coordination.
« ...entre acteurs publics et non gouvernementaux ». on
parle de coordination intergouvernementale pour désigner des relations
entre niveaux territoriaux différents, et de coordination entre acteurs
publics et acteurs non gouvernementaux pour désigner ce que l'on met
sous le terme générique de «PPP» ( Partenariat Public -
Privé).
Ainsi, c'est dans cet univers multi-acteurs et
multi-échelles, que coordination, co-production (les PPP), coalitions et
contrats sont censés permettre une capacité d'action collective.
De ce fait, efficacité, équité, durabilité du
développement et citoyenneté se retrouvent au coeur des
réflexions sur la recherche urbaine.
3.3. La Bonne Gouvernance
Les «prêcheurs» de la gouvernance sont
principalement des experts de la Banque Mondiale et du FMI dont William J-C.
Rejetant l'économisme qui les caractérisait auparavant et
nouvellement conscients du poids du politique sur l'économique, le
social et le développement des pays notamment des pays en voie de
développement, ces experts trouvèrent dans «la
gouvernance» une expression commode de parler «politique» alors
qu'ils n'ont pas mandat explicite de le faire. La gouvernance est donc d'abord
une manière de parler du politique sans le nommer en suggérant
«...l'effort pour dégager un consensus ou obtenir le consentement
nécessaire à l'exécution d'un programme dans une enceinte
ou de nombreux intérêts divergents entrent en jeu» (de
Alcantara C-H, 1998). En effet, dès 1989, la gouvernance retrouve des
applications normatives spécifiques : la bonne gouvernance, devient
l'étendard institutionnel de la Banque mondiale. Elle s'approprie
certains éléments des approches que nous développerons
plus loin, dont notamment ceux de la gouvernance corporative, qu'elle adapte
aux nouvelles stratégies néolibérales de
développement, en droite ligne des consignes dudit «Consensus de
Washington».
Ces stratégies ont été proposées
ou imposées aux pays africains, suite à une série de
séminaires de réflexion sur la situation du
continent14. La Banque mondiale a ainsi fait sa propre lecture des
faits, constatant qu'aucun projet économique ne pouvait aboutir si les
conditions minimales de «légitimité politique, d'ordre
social et d'efficacité institutionnelle» n'étaient pas
respectées. De son point de vue, les échecs des plans
d'ajustement structurel (PAS) seraient liés à une mauvaise
gouvernance régnant dans les pays pauvres, dont les administrations
devraient se réformer pour mieux répondre aux exigences du
nouveau «paradigme» rendu possible par les PAS. Ses principales
dimensions sont la réduction des dépenses étatiques, la
responsabilité du secteur public (accountability,
essentiellement composée de la lutte contre la corruption) et la
transparence fiscale et de l'information. Ses conditions les plus importantes
sont la privatisation des services publics et des droits de
propriété, et la bancability15.
Une abondante littérature a déjà
été consacrée à cette approche du
développement limitée à la gestion du secteur public ;
mais retenons en rapport avec notre sujet trois caractéristiques:
- la bonne gouvernance se focalise sur les conditions favorisant
la croissance économique, en vertu de cela, elle présuppose une
orientation résolument néolibérale;
- issue d'un débat interne - à certaines
organisations internationales - entre ceux qui revendiquent une intervention
sur le politique et ceux qui s'y opposent, elle est un terme à haut
potentiel de mystification, car il «parle du politique sans le
dire»;
- elle est cantonnée à une rationalité
technocratique des procédures.
Malgré l'aspect un peu «light» de ces
caractéristiques, elles sont loin d'être imprécises dans la
pensée de ses initiateurs. Il s'agit principalement de mesures
politiques et administratives visant à accompagner les politiques
d'ajustement structurel et les réductions drastiques des dépenses
des Etats notamment sur le plan social. La bonne gouvernance vise
également à créer un environnement favorable au
développement du secteur privé. Telle est la dimension
prescriptive de la gouvernance. Elle a également une dimension normative
et analytique ;
14 Définition de la gouvernance selon la
Banque mondiale: «The manner in which power is exercised in the
management of a country 's economic and social resources for development.
» World Bank, From Crisis to Sustainable Growth. Sub-Saharan
Africa: A Long-term Perspective Study, 1989. Le célèbre
rapport a été publié également en français
(Banque mondiale 1989).
15 «Eligible aux règles de
crédit».
c'est d'ailleurs cette pluridimensionnalité qui la
rend ambiguë et complexe. Les deux premières sont les plus
visibles. Elles indiquent ce qui est «bien» ou «mieux»
à faire et comment il «faut le faire». C'est ce qu'on appelle
la «bonne gouvernance». La troisième dimension est analytique,
car elle constitue une nouvelle manière d'aborder le politique
éloignée des perceptions classiques fortement centrées sur
l'Etat et sur une vision «mythique» ou idéologique de cet
Etat. Quoi qu'il en soit, la bonne gouvernance a été largement
reprise par la coopération multilatérale et bilatérale,
avec quelques variations. Elle n'est pas seulement devenue un modèle
à usage des pays du Sud, mais est aussi appliquée dans certains
pays de l'Union Européenne, notamment l'Angleterre. Dans ces cas, la
gouvernance met en exergue le phénomène du transfert de
compétences de la sphère de la gestion publique à celle de
la science, entre leurs différents champs de production de connaissances
et d'application de procédures. Dans ce sens, l'essor du terme est une
autre manifestation des interdépendances croissantes entre
décideurs politiques, bailleurs de fonds de la coopération
internationale (y compris des ONG) et une recherche appliquée (publique
et privée) menée sous les velléités de la commande.
Outre le grand intérêt que représentent ces nouvelles
passerelles entre « le savant et le politique », les risques
d'instrumentalisation et de sollicitations des sciences sociales pour la
légitimation de certaines politiques sont élevés, au
détriment du renforcement critique et épistémologique
nécessaire comme nous le verrons plus loin.
De plus, l'un des aspects de l'application de la
«troisième voie « proposée par Giddens et mise en
oeuvre par le gouvernement britannique à la fin des années 1990
est l'apparition de programmes de recherche, suscités par le
gouvernement, sur le thème de la gouvernance, cela notamment à
travers l 'Economic and Social Research Council et la London
School of Economics. Dans cette lignée, l'application de la bonne
gouvernance à partir de 1996 s'accompagne d'une sorte de «mission
pédagogique» et de diffusion d'une référence
partagée des connaissances parmi une partie de la communauté
scientifique préoccupée par l'ingénierie
socio-économique. Ainsi la BM met en oeuvre cette stratégie
à travers le World Bank Institute et ses publications
(Development Studies). Des banques régionales du système
partagent cette démarche, ainsi que d'autres organisations comme l'OCDE,
l'OMC, la CNUCED ou l'UNCHS. En tant que bailleurs de fonds pour la
réalisation de recherches, d'études et d'actions de
développement, ces institutions, avec des gouvernements et des
fondations privées, déclarent prioritaire la mise en place d'une
bonne gouvernance et déclenchent une mouvance suivie aussi par
des ONG internationales et des grandes organisations humanitaires, voire des
écoles nationales d'administration publique et des universités.
De son côté, la méthode de la gouvernance locale ou urbaine
est renforcée par des programmes internationaux sur le city
management. Certains centres universitaires prennent le relais, comme le
Canadian Urban Institute ou le Centre for Urban and Community
Sudies de Toronto.
Quant à l'Union européenne, elle a
publié en 2001 le «livre blanc sur la gouvernance
européenne», qui revoit l'ensemble des règles, des
procédures et des pratiques qui affectent la façon dont les
pouvoirs sont exercés à l'échelle européenne
(Commission des Communautés européennes 2001). Par ailleurs,
en 2002 a été lancé le 6e Programme pluriannuel
de recherche-développement (PCRD) dont l'un des thèmes
prioritaires est bien la gouvernance. L'UE semble invoquer la gouvernance pour
deux raisons: le besoin de comprendre sa propre structure institutionnelle,
s'agissant d'une organisation sui generis, concentrant à la
fois des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, et le
besoin de travailler dans les processus de régulation publique au niveau
régional, originalité des approches classiques, basées sur
le local et sur le global.
Ainsi donc, la bonne gouvernance intègre dans la
perception des institutions internationales (B.M., PNUD...) et même pour
les agences de coopération, des dimensions et des exigences
particulières : démocratie locale, participation populaire
à travers les associations et les ONG, transparence dans la gestion des
budgets publics et lutte contre la corruption. A titre d'exemple, le
traité de l'union Européenne lie étroitement la politique
de coopération au « développement et à la
consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit ainsi qu'au respect
des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (Article
130). En définitive le concept de gouvernance renvoie selon ses
promoteurs à trois systèmes16
- Le système politico - administratif.
- Le système économique.
- La société civile.
Donc le développement économique et social ne
peut se réaliser que grâce aux transformations de ces trois
systèmes en vue d'une plus grande cohérence et d'une synergie
dans le fonctionnement du système global. Les fondements conceptuels et
opérationnels du « modèle de bonne gouvernance » se
résumeraient finalement dans17 :
- La transparence dans la gestion des affaires publiques.
- La démocratisation et la participation de la
société civile.
- La recherche systématique de l'amélioration de
l'efficacité et l'efficience organisationnelle.
Cette approche de la gouvernance est largement
inspirée, en fait, par les apports théoriques récents
réalisés par le prix Nobel d'économie 1998 Amartya Sen
pour lequel le progrès social et la démocratie sont des processus
qui se renforcent mutuellement. Ce sont ces fondements théoriques mais
aussi les réalités empiriques des expériences de
développement qui ont fait incontestablement évoluer l'attitude
des organisations financières internationales sur le rôle de
l'Etat dans le développement économique. En pratique, la Banque
mondiale définit assez étroitement la gouvernance comme le
pouvoir au service du développement, « étant entendu ici
comme le pouvoir politique de diriger les affaires d'une nation «. Pour
les responsables de la Banque mondiale, «le comportement des élites
politiques africaines, avides de s'enrichir, encouragées dans cette voie
par le flux de l'aide étrangère, a miné
l'efficacité de l'Etat «. L'analyse qu'ils proposent, souligne
Lancaster, « reconnaît la nécessité de la
suprématie du droit, de la liberté de la presse, du respect des
droits de la personne et de l'action des citoyens au sein des associations qui
agissent comme médiateurs entre l'Etat et la société. Mais
les gouvernements membres de cette organisation internationale entravent les
efforts des institutions financières et répugnent à
souscrire à des projets qui visent explicitement le domaine politique.
C'est pourquoi la Banque mondiale a préféré adopter une
approche technocratique, qui oriente les réformes de gouvernance vers
les encouragements à la croissance économique plutôt
qu'à une politique favorable à la démocratie. A ce jour,
son programme de gouvernance, encore peu étoffé, vise
plutôt à réduire les dimensions de l'Etat, à
privatiser les organisations paraétatiques et à améliorer
l'administration des fonds d'aide» (Lancaster, 1990, p. 39).
Il s'agit en fait d'instaurer le modèle libéral
de l'« Etat de droit» avec la primauté de la loi. Un des
principaux piliers de la bonne gouvernance est, en effet, la
réhabilitation et le rehaussement de ce qu'on appelle la
société civile. L'Etat n'est plus considéré comme
le seul acteur du développement ou même comme l'acteur principal.
A ses côtés se trouvent le
16 B. JESSOL : « L'essor de la gouvernance et
ses risques d'échec : le cas du développement économique
» RISS, Mars 1998
17 HEWITT DE ALCANTARA:« Du bon usage du concept
de gouvernance » RISS, Mars 1998
secteur privé et ce que les Anglo-saxons
dénomment le tiers secteur correspondant en France au secteur à
but non-lucratif (qui, lui, serait à cheval entre le «public»
et le «privé»). Il s'agit des ONG, des associations sans but
lucratif, des coopératives, des mutuelles, des syndicats et des
organismes à base communautaire, des fondations, des clubs, etc. Ces
derniers sont invités à prendre place dans l'oeuvre politique du
développement au même titre que les pouvoirs publics et le monde
des entreprises privées et des affaires. La gouvernance renvoie donc
à l'ensemble de ces réformes qui visent principalement une
nouvelle articulation entre l'Etat, la société et le
marché. Celle-ci ne constitue pas un but en soi. Elle permet ou doit
permettre le développement économique et social des
sociétés sous l'égide de rapports partenariaux entre les
pouvoirs publics, le monde des entreprises privées et le secteur sans
but lucratif.
La recomposition du politique prônée par les
tenants de la bonne gouvernance et qui concerne aussi bien les pays du Sud que
les pays du Nord, est légitimée par un certain nombre de facteurs
liés au phénomène de la mondialisation. Les
transformations économiques et financières liées à
un tel phénomène ont des répercussions politiques. En
rendant obsolète la notion de marché intérieur captif et
en mettant à l'épreuve le statut des monnaies nationales, elles
ont des répercussions sur la marge de manoeuvre des Etats, sur la notion
de solidarité nationale et enfin, et surtout,
«ébranlent» le modèle politique de l'Etat-Nation, ses
prérogatives classiques sur son territoire et plus
généralement la souveraineté des Etats. Pour les
concepteurs de la «bonne gouvernance» ces transformations loin
d'être forcément négatives, pourraient permettre une
communion de tous dans les mêmes valeurs autour des effets
régulateurs du marché, de la démocratie et du peu
d'Etat».
Telle que présentement formulées, la notion de
«gouvernance» offre une image «lisse» qui ne peut que
susciter l'adhésion de tous. Pour autant, il n'est pas possible de se
suffire de cette première lecture ; il importe de résumer les
principales critiques qui leur ont été portées, notamment
en ce qui concerne les PVD. Très succinctement, ces critiques ont
porté essentiellement18 :
- sur l'ethnocentrisme de cette notion et la faiblesse des
catégories publiques qu'elle mobilise, parce qu'elle émane d'un
contexte autrement plus différent que celui dont on voudrait la voir
appliquée.
- sur les relations entre la gouvernance, la mondialisation,
la démocratie et le développement. On considère dans cette
optique que le phénomène de mondialisation accroît les
dépendances des PVD et dissout les souverainetés
économiques autant que politiques. Par ailleurs on estime que les
capacités régulatrices et gestionnaires des ONG, sont très
limitées...
Il est tout à fait remarquable de noter l'absence
d'une ligne de force ou d'un consensus affirmé, pour un concept devenu
pourtant stratégique dans les rapports Nord-Sud, et plus
spécifiquement dans les relations entre les principales institutions
financières internationales, les pays membres de l'OCDE d'une part, les
pays en développement d'autre part. Les définitions varient d'une
institution à une autre. Il est encore plus facile de relever que si le
concept de gouvernance reste à spécifier, il en va de même
de la notion de bonne gouvernance, dont les contours changent également
d'une institution à l'autre. Mais il y a également lieu de
relever l'absence d'instruments d'évaluation et de quantification de la
gouvernance. On est donc placé ici dans une situation bien
particulière, où la communauté internationale d'une seule
voix use d'un concept, en fait un slogan, qu'elle transforme en
conditionnalité d'aide au développement, sans avoir
réglé les questions préalables et préjudicielles
:
18 S.BEN NEFISSA : « ONG, gouvernance et
développement dans le monde arabe» document de discussion n°46
MOST
- d'un consensus sur le contenu du concept ;
- d'une démarche scientifique d'évaluation et
de quantification des dimensions du concept, toutes choses au demeurant si
nécessaires à une démarche rationnelle, objective et
équitable, surtout lorsqu'elles constituent une condition du soutien au
développement humain et engagent par conséquent la vie et la
survie de millions d'humains de notre planète.
C'est qu'en vérité, un tel «flou
conceptuel» se révèle bien commode pour les institutions
financières, car, en l'absence de standards, chacune fixera
elle-même, au nom de la bonne gouvernance, ses exigences et ses
conditions, appréciera les évolutions, pour décider sans
rendre compte à quiconque des politiques et programmes, des
réformes de structures et d'institutions que les pays en
développement devront mettre en oeuvre. Ainsi, si la BM
s'intéresse depuis les années 1980 à la gouvernance, comme
nous l'avions déjà souligné, si le groupe de la Banque
africaine de développement a fait de la bonne gouvernance le
thème de son rapport annuel 2001, si le PNUD a consacré son
rapport annuel 2002 à la gouvernance, si la Commission économique
des Nations unies pour l'Afrique a engagé un vaste programme
d'évaluation de la gouvernance en Afrique depuis l'année 2001,
l'absence de synergie intellectuelle, de réflexion commune et de
débats interinstitutionnels et universitaires est à
déplorer et conforte cette dispersion des tentatives théoriques
de définition et surtout d'évaluation. Quelque soit la discipline
investie par la gouvernance, elle découle principalement de deux
approches théoriques celle dite anglo-saxonne et la source
européenne.
4. LES APPROCHES THEORIQUES DE LA GOUVERNANCE
Principalement, les apports conceptuels et théoriques
de la gouvernance moderne, découlent de deux sources : la gouvernance
des institutions politiques complexes caractérisées par une
multiplicité de paliers de gouvernement et de lieux de pouvoirs (Etats
fédéraux décentralisés, l'Union
Européenne...), et la gouvernance d'entreprise d'inspiration
américaine. D'obédience européenne, la première
source, permet de considérer les rapports entre divers partenaires
publics et privés, évoluant à des échelles de
pouvoirs différents, voire enchevêtrées. Il s'agit donc de
prendre des décisions concernant des actions publiques qui soient
efficaces compte tenu de cette complexité institutionnelle. La
gouvernance de ces institutions politiques complexes favorise une coordination
empirique entre les multiples acteurs présents ainsi que
l'élaboration pragmatique et négociée des normes et des
instruments de régulation.
Développée principalement dans le contexte
américain, la seconde source se situe dans le prolongement des
modifications structurelles de l'économie qui ont
«systématique de la sous- traitance, l'autonomisation des centres
de responsabilité. Le nouveau mode de gestion de la « corporate
governance» explore ainsi la voie d'un fonctionnement moins
hiérarchique de l'entreprise, en se fondant sur le postulat du choix
rationnel dans un contexte de libre circulation de l'information et de
collaboration. Très schématiquement, trois courants se dessinent
dans les approches et usages de la gouvernance. Le premier,
développé principalement depuis les années 1970, est
constitué par les analyses scientifiques de la Théorie de la
Gouvernance (TG) à proprement parler. À partir de ce tronc
commun, deux courants presque simultanés dégagent les deux
applications les plus importantes du terme : celui de la gouvernance
corporative dans les années 1990 et celui de la bonne
gouvernance à partir de 1989 avec la Banque Mondiale, qui sera
repris par la plupart des organisations de coopération et d'aide au
développement.
Les usages contemporains de la gouvernance dans le cadre des
études, recherches et analyses académiques prennent le sens de
«pilotage pragmatique des pouvoirs ». Les premiers travaux en date
sont ceux de Berle et Means en 193219 et de Coase dès
1937.20 L'analyse théorique du phénomène de
gouvernance s'orientait plus vers le monde des entreprises où elle se
conçoit comme un mode de gestion qui marque la séparation bien
nette entre le patrimoine et la gestion à travers la substitution de la
responsabilité à la rente de pouvoir, ou, en d'autres termes, un
mode qui remet en cause la gestion patrimoniale des fonctions. La gouvernance
est alors à la fois un état d'esprit et des méthodes de
travail.
Mais on peut situer le démarrage de la
théorisation de la gouvernance dans les années 1970, avec deux
repères : le texte d'Olivier Williamson (1970) et le rapport The
Crisis of Democracy: Report on the Governability of Democracies to the
Trilateral Commission (Huntington, Crozier et Watanuki 1975). Ce dernier
développe le principe selon lequel dans les pays d'Europe occidentale,
au Japon et aux Etats-Unis, la fracture entre l'augmentation des demandes
sociales et le manque de ressources de l'Etat génère des
problèmes de gouvernabilité ; il s'agit donc du début de
la crise de l'Etat-providence, qui ouvre la voie au thème des
réformes structurelles des relations entre l'Etat et le citoyen,
thème centré sur le retrait économique de l'Etat. La
gouvernabilité est ici la première utilisation de la
version instrumentale ou pragmatique de la question de la gouvernance, entendue
alors comme capacité à trouver les conditions pratiques au
guidage de l'action publique.
L'analyse institutionnelle appliquée en dehors de la
sphère publique est une partie essentielle de la TG. En 1976, James
March et Johan Olsen parlaient de University Governance, faisant
référence aux problèmes de gestion et d'administration du
pouvoir et de l'économie des responsabilités dans une structure
organisationnelle. Dans la même lignée, la gouvernance
corporative, consacrée au cours des années 1990, est
à proprement parler la première conception de la gouvernance dans
son sens moderne21. Elle s'intéresse à la structure de
l'entreprise, à son organisation interne, à la division du
travail entre les unités de production, à ses relations avec
d'autres entreprises et à la régulation du jeu entre les
actionnaires et les dirigeants. Selon cette conception, le meilleur
système de gouvernance est celui qui permet de minimiser les pertes de
valeur en tenant compte des coûts qu'il induit, sachant que les
différents mécanismes sont imbriqués et que
l'élimination totale des pertes de valeur est impossible. Son
application dans la gestion des biens publics parie sur l'établissement
de partenariats entre les entreprises, veillant à davantage
d'efficacité, avec la responsabilité ou
accountability22 comme pierre angulaire. Son
présupposé part du fait que les entreprises transnationales sont
plus puissantes que beaucoup d'Etats dans le monde23 et qu'elles
pourront garantir la gestion des biens publics avec le double résultat
de l'accroissement de l'efficacité et du profit.
19 Berle et Means, The Modern Corporation and
Private Property (Transaction Publishers, New Brunswick, NJ,
1991).
20 In: Coase, Ronald H., «The Nature of the
Firm», Economica, vol. 4 (13-16), November 1937, pp. 386-405.
21 On en attribue cependant l'origine à la
thèse de Berle et Means en 1932 et aux travaux de March et Olsen
(1995).
22 L'accountability est la
définition claire de qui est responsable de quoi, et a pour but
principal de s'opposer aux «dimensions arbitraires» de la gestion. De
son côté, la corporate social responsibility est un
nouveau terme du monde des affaires et comporte trois éléments:
prospérité économique, souci de l'environnement et
équité sociale.
23 Selon G. Solinis, 500 de ces entreprises
contrôlent un tiers du PNB mondial et trois quarts du commerce
international. « Mondialisation, pouvoirs et rapports de genre ».
Pour revenir à l'action publique, le débat en
sciences politiques autour de l'Etat s'est développé dans les
années 1980 et 1990, à partir du constat de ses
défaillances face à ses fonctions régaliennes,
associées à la régulation, au bien-être et au
développement social. Avec ce constat, les acteurs non étatiques
se forgent de plus en plus une légitimité pour défendre et
promouvoir le bien public. L'Etat ne détient donc plus de façon
exclusive le monopole de la promotion de ce bien, ni celui de sa
définition. Dans ce cadre, il s'agit aussi de définir l'espace
public dans lequel se joue la démocratie actuellement, cet espace
étant constitué d'un réseau complexe
d'intérêts, d'interactions entre acteurs et d'échelons
d'intervention politiques. Certains auteurs comme Kooiman et Jessop parlent
d'une «école européenne» de la TG, relativement
différente du «courant américain» et fortement
orientée par une sociologie davantage fonctionnaliste que critique des
systèmes politiques. Selon cette approche «européenne»,
la gouvernance est un processus complexe de prise de décision qui
devance et dépasse le gouvernement, ayant pour principaux aspects la
légitimité de l'espace public en constitution, la
répartition du pouvoir entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont
gouvernés, les processus de négociation entre les acteurs
sociaux, la décentralisation de l'autorité et des fonctions
liées à l'acte de gouverner.
Notons enfin que la TG est concernée, pour
différentes raisons et de diverses manières, par les deux champs
extrêmes de la sphère publique : le local et le transnational.
Pour ce qui est du premier, l'approche instrumentale de la gouvernance, dans
son acception importée du monde de l'entreprise pour décrire des
protocoles de coordination différents des marchés, a eu comme
premier laboratoire le pouvoir local et la gestion urbaine. La gestion de
l'aménagement des villes en France au XXe siècle
à travers les plans d'urbanisme apparaît comme une pratique de
fait de la gouvernance locale «avant la lettre» : après l'acte
classique de gouvernement de la commande du plan se développe la
pratique de gouvernance dans les mécanismes de négociations
informelles et de coopération entre acteurs publics et privés. En
outre, il est aujourd'hui convenu d'accepter que les politiques
urbaines24 des années 1980 et 1990 ont fait en
général l'objet d'une influence accrue de la terminologie
néolibérale et des méthodes de gestion consacrant les
principes de transparence, d'efficacité et d'obtention de
résultats précis (il est rarement établi qui
définit les résultats à atteindre, dans quel objectif et
surtout au moyen de quel processus - démocratique, participatif,
technocratique... ).
Le niveau transnational pourvoit l'une des plus
intéressantes applications de la TG. En 1995, la Commission mondiale sur
la gouvernance globale a défini la gouvernance comme un «
processus continu à travers lequel les intérêts
conflictuels peuvent être conciliés par des actions de
coopération ». Le processus comprend la constitution
d'institutions formelles et de régimes capables de renforcer des
allégeances - des accords informels que les peuples et les institutions
font ou envisagent de faire dans la protection de leurs intérêts.
Dans cette approche, il n'y a pas plus un seul modèle de gouvernance
qu'une seule structure. Dans son élaboration la plus achevée et
en liaison avec l'approche de la gouvernance globale ou transnationale, la TG
participe à l'étude de réseaux organisés
(policy networks) où l'Etat est un acteur parmi tant d'autres.
Les notions d'ouvertures, de dynamique et de complexité sont des
approches nécessaires à la prise de décision interactive
qui évolue pour répondre à des circonstances changeantes.
Le concept clé de cette analyse est la régulation, issue de la
théorie des systèmes et désignant un ensemble de
règles explicites et implicites qui guident le comportement des acteurs
en présence sur la scène politique et qui maintiennent un minimum
d'ordre et d'intégration par des processus grâce auxquels un
système politique serait capable de résoudre des tensions
sociales et de réduire les effets déstabilisateurs.
24 Sur l'application de la gouvernance au niveau
local, voir le numéro spécial que la revue Annales de la
recherche urbaine a consacré à ce thème (n° 80/81,
décembre 1998).
Les bases théoriques de cette approche25
sont ancrées dans la gestion de systèmes sociaux complexes,
appliquant à la science politique des notions systémiques
empruntées aux sciences dures. Malgré la nature diverse des
courants sur la TG, on peut les regrouper en cinq traits :
- l'efficacité dans la gestion des biens publics;
- le transfert de pouvoir du secteur public au secteur
privé et de l'Etat à la société civile;
- Le rôle des acteurs non étatiques dans les
mécanismes de régulation politique, de gestion et de
participation;
- l'analyse des organisations les mieux adaptées aux
évolutions du monde contemporain; - et enfin, les transferts des usages
sociaux de la science.
Cependant, ce grand engouement à la notion et aux usages
de la gouvernance, ne saurait l'épargner des critiques qui
s'évaluent à la mesure de son succès.
5. QUELQUES CRITIQUES DE LA GOUVERNANCE
Les critiques les plus répandues sont d'ordre
méthodologique. Dans ses définitions englobantes, la gouvernance
se préoccupe d'à peu près tous les enjeux de la vie
politique, perdant ainsi sa portée heuristique. En revanche, lorsque la
rigueur sémantique est au rendez- vous, la multiplicité des
acceptations apparaît rédhibitoire, sauf à préciser
contextes et références. La critique se fait aussi
idéologique. Soit que l'on accuse la gouvernance de servir de masque aux
doctrines libérales, ce qui s'avère souvent vrai ; soit que l'on
comprenne l'instance sur les techniques de management comme une façon de
ne pas parler de pouvoir. Mais les charges les plus intéressantes sont
d'ordre scientifique, parce qu'elles aident à poser de bonnes questions.
Pourtant un diagnostic de la complexification de l'action publique (de plus en
plus d'acteurs liés par de plus en plus d'interactions) et formalisant
un mode opératoire de «policy network», la
gouvernance fait du réseau à la fois un problème et une
solution. Au constat d'une fragmentation mettant à mal la conduite des
politiques publiques répond l'atout d'une «mise en
réseau» des acteurs. La tautologie n'en reste pas moins stimulante,
provoquant l'interrogation : qu'est-ce qui motive les spécialistes du
réseau qui construisent l'action collective par ses interactions
renouvelées ?
A qui tout cela profite-t-il ? Fameuse question qu'on retrouve
dans la sociologie urbaine marxiste des années 60-70. Patrick Le
Galès ne disait pas autre chose, en évoquant dans son article
séminal de 1995 la nécessité de « mettre l'accent sur
les régulations sociales et politiques locales ». La gouvernance,
dernier avatar technocratique en date. Tel est le deuxième type de
critique souvent développé. Faisant de l'efficacité
l'ambition ultime de l'action publique, la gouvernance à
l'évidence confond les genres. Quid du politique, s'il s'approprie les
normes de fonctionnement du monde technico-administratif ? A quelle aune
mesurer la productivité décisionnelle ? L'efficacité
fait-elle désormais office de légitimité ?
En conséquence, les controverses sur la gouvernance
sont généralement enfermées dans deux discours
contradictoires. Pour certains auteurs il faut la bonne gouvernance pour faire
face aux problèmes actuels socioéconomiques et
écologiques, et qui aura donc comme vocation à se substituer aux
politiques publiques traditionnelles considérées comme
dépassées. Pour d'autres, au contraire, la gouvernance est le
problème - et non la solution - car elle ne fait que renforcer
l'impuissance collective face à des défis de plus en plus
ingouvernables. Dès 1995, au balbutiement de la gouvernance, William D.
Sunderlin, dans un article portant sur le
25 Dont notamment David Easton, Analyse du
système politique, A. Colin, Paris, 1974, et Richard Rose et Guy
Peters, Can Government Go Bankrupt?, Basic Books, New York, 1978.
changement global26, mettait en évidence
l'éclatement des réflexions des chercheurs autour des trois
catégories «paradigmatiques»: d'un coté, ceux qui ont
une vision essentiellement managériale de la «gouvernance»; de
l'autre, ceux qui insistent sur les évolutions ou les
différenciations culturelles; et enfin, ceux qui ont une vision
«agonistique», en terme de «rapports de force», du
problème, et considèrent que les solutions passent
nécessairement par des changements structurels improbables (gouvernement
mondial, leadership européen...).
5.1. Imperfections de la dimension normative et
prescriptive de la gouvernance
Les premières critiques sur la dimension normative de
la gouvernance ont porté sur l'ethnocentrisme de ce terme et sur la
faiblesse des catégories politiques qu'il mobilise. La gouvernance est
d'abord ancrée dans une idée spécifiquement
européenne du bien politique (Pagden A 1998). C'est le modèle
politique libéral tel qu'expérimenté par les pays
occidentaux qui en est le fondement principal. La construction historique de ce
dernier est aujourd'hui l'objet de relectures multiples par certains chercheurs
qui sont intrigués par les contradictions existantes entre, d'une part,
le discours libéral du «peu d'Etat» et, d'autre part, les
pratiques politiques dites libérales qui ont montré la croissance
exponentielle des pouvoirs de l'administration et de l'Etat sur les individus,
la société et l'économie (Gauchet M. 1980). De même,
il convient de s'interroger sur les traditions politiques et étatiques
propres aux PVD (Badie B. 1998), Le Roy E 1983). Pour De Senarclens P, la
gouvernance occulte les conflits d'intérêts, les contradictions et
l'hégémonie ; elle occulte, de plus, le fait que le politique
soit d'abord une culture et une histoire. Elle met l'accent sur le consensus et
elle ne constitue pas une réflexion sur le pouvoir mais sur les modes
les plus efficients de «gestion» de la société.
La deuxième série de critiques a porté
sur les relations entre la gouvernance, la mondialisation, la démocratie
et le développement. Pour plusieurs auteurs, cet avènement d'un
temps mondial marqué par la fin du totalitarisme et l'avènement
de la démocratie est loin d'être évident. Pour eux, la
mondialisation signifie plutôt une société capitaliste sans
bornes ni frontières et il n'est pas étonnant que la
manifestation de ce «temps mondial» se soit accompagnée d'une
remontée de «temps locaux» qui le contredisent. Ce
«localisme» lié à de nouvelles revendications
identitaires, religieuses ou «ethniques» et à l'apparition de
nouvelles solidarités se substituant aux solidarités nationales
(Latouche S, 2004. Williams J-C, 1998 ; Badie B 1998 ; Zaoual H 1999)
De même, la concentration des grandes décisions
économiques aux mains de certaines institutions financières et
capitales occidentales ne fait qu'accroître la dépendance des pays
du Sud. Il est faux de croire que les politiques d'ajustement structurel qui
conduisent à l'affaiblissement de la légitimité des Etats
Nationaux, conduisent à une dissolution des prérogatives
politiques. Celles-ci sont en fait transférées à des
experts à qui on reconnaît compétence et
indépendance face aux pressions et pouvoirs locaux (de Alcantara C.H,
1998). Enfin, la liaison entre démocratie et développement sous
jacente à la «bonne gouvernance» n'est pas prouvée.
Certains pays sont arrivés à se développer malgré
l'autoritarisme de leur système politique et inversement la
démocratie libérale dans le monde occidental a montré
qu'elle était accompagnée de phénomène d'exclusion
(William J-C 1998).
Il en est de même pour les postulats sur lesquels se
base la gouvernance. Est-il vrai qu'il existe une crise de la
gouvernabilité et que l'Etat n'a plus que l'apparence du pouvoir,
les marchés internationaux étant les véritables
arbitres ? La globalisation impose-t-elle vraiment
26 W. D. Sunderlin, « Global environmental
change, sociology and paradigm isolation». Global environmental
change, Vol. 5, Number 3, June 1995.
une pression telle sur les Etats-providence que ceux-ci sont
dans l'obligation de s'adapter ou de périr? Ces propos rejoignent les
réflexions de Bertand Badie qui montre que, face à sa remise en
cause, l'Etat se défend et reconstruit sa domination sur de nouvelles
bases. La crise de la territorialité atteint les Etats mais ne les
abolit pas. Les Etats savent capter la déterritorialisation pour se
créer de nouveaux avantages. (William J-C, 1998 Merrien F-X, 1998 Badie
B.1998). Enfin, est-il vrai qu'il y a une crise de légitimité de
l'Etat-providence et peut-on dire que les mesures de bonne gouvernance sont
plus adaptées au contexte ?
Les théories économiques du
développement ont fréquemment échoué à
prendre en compte le «facteur étatique» dans toute sa
complexité et la théorie de la gouvernance n'échappe pas
à ce constat. Elle repose, elle-aussi, sur une figure mythique de l'Etat
à l'instar de la figure de «l'Etat développeur», acteur
unique du décollage économique des années 1950 et à
l'instar du mythe de «l'Etat fantoche» des années 1960-70, du
fait de sa dépendance par rapport aux pays occidentaux. Le mythe propre
à la gouvernance repose sur celui de «l'Etat modeste
libéral». (Ben Nefissa, 2000) Cette théorie n'est-elle pas
remise en cause par le fait que certains pays nouvellement
industrialisés comme les dragons (Corée du Sud, Taiwan, etc.) ont
disposé d'Etats qui avaient beaucoup de pouvoirs. Cette offensive
antiétatique ne peut-elle pas produire dans certains PVD son contraire
par l'érosion des ressources fiscales de l'Etat qui pourrait affaiblir
le secteur privé en supprimant un certain nombre de ses ressources
publiques (Petiteville F 1998) ?
Enfin, l'apologie du néolibéralisme et des
vertus du marché sous-jacente à la notion de gouvernance valorise
de manière naïve les autres acteurs en dehors de l'Etat et les
vertus du secteur privé. Ce dernier vise principalement le profit et
peut parfaitement s'accommoder d'un Etat hégémonique. Quant aux
capacités régulatrices et gestionnaires des ONG, elles ont
plusieurs limites. Les ONG n'ont en fait que des visions sectorielles, elles
sont parfois très liées aux Etats et elles-mêmes sont
traversées par les phénomènes de pouvoir et
d'inégalité sans oublier que leurs activités sont
généralement «palliatives». La fragilisation des Etats
dont est porteuse la notion de gouvernance peut conduire à de
très graves problèmes sociaux, notamment pour les PVD.
L'irruption des ONG, experts, bureaucrates transnationaux, réseaux
locaux et régionaux est loin de résoudre la question de la
participation politique et du contrôle des instances de pouvoir. De
toutes les manières, les Etats sont toujours présents et les
conflits inhérents à l'essence du politique n'ont aucune chance
de se dissoudre durablement dans une gouvernance technocratique et
administrative (de Senarclens P op cit, Leca J op cit).
Au regard de cette évolution, Il n'est donc pas
étonnant de constater que le concept de gouvernance est au centre de la
réflexion théorique, sur les plans politique et économique
des pays de l'OCDE, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire
international ou du groupe de la Banque africaine de développement. Il
est encore moins étonnant de relever que le contenu théorique
qu'elles déclinent à la gouvernance, traduit une vision du monde,
leur vision du monde, c'est-à-dire une conception philosophique,
politique et économique de l'Etat lui- même. Ceci conduit Marie
Smouts à souligner : « Quoi qu'il en soit, pour les
spécialistes d'économie politique internationale, le concept de
gouvernance est lié à ce que les grands organismes de
financement en ont fait : un outil idéologique au service de l'Etat
minimum» (Marie Smouts 1998). Dans cette même
lignée de pensée, Cynthia Hewitt de Alcantara considère
que « le concept de gouvernance est venu à point nommé
en ce qu'il a permis aux institutions financières internationales
d'abandonner l'économisme et de revenir aux questions sociales et
politiques essentielles que posait le calendrier des restructurations
économiques. Il permettait de surcroît de ne pas s'opposer trop
ouvertement à des gouvernements qui, en général,
n'aimaient guère que des prêteurs leur donnent des leçons
sur
des points sensibles de politique intérieure et
d'administration. En parlant de «gouvernance» plutôt que de
«réforme de l'état» ou de changement politique ou
social, les banques multilatérales et organismes de
développement, ont pu aborder des questions délicates
susceptibles d'être ainsi amalgamées sous une rubrique
relativement inoffensive, et d'être libellées en termes
techniques, évitant de la sorte à ces organismes d'être
soupçonnés d'outrepasser leurs compétences statutaires en
intervenant dans les affaires politiques d 'Etats souverains » (1998,
p. 3).
Ainsi, le Programme des Nations unies pour le
développement (PNUD), considère la gouvernance comme étant
l'exercice de l'autorité économique, politique et administrative
en vue de gérer les affaires d'un pays. Elle englobe les
mécanismes, les processus et les institutions par le biais desquels les
citoyens et les divers groupes expriment leurs intérêts, exercent
leurs droits juridiques, assument leurs obligations. Dans cette acception, la
société civile et le secteur public deviennent des institutions
de gouvernance au même titre que l'Etat lui-même. Cette
définition traduit une vision du monde où l'Etat devient moins
régalien, où la société civile prend une part
active dans l'élaboration, l'exécution, le suivi et le
contrôle des politiques et programmes de développement, où
l'organisation économique est d'essence libérale. Lorsqu'on
examine le rôle de chacune de ces institutions dans une perspective
historique et dynamique, on constate que dans la majeure partie des
sociétés en développement il n'existe encore ni de
société civile forte, indépendante, représentative
et constitutive de véritable contre pouvoir, apte à susciter,
voire à imposer aux dirigeants des politiques faites de transparence, de
responsabilité et d'imputabilité, ni de réel secteur
privé productif, promouvant la croissance économique et le
développement humain durable.
Comment donc les pays en développement pourront-ils
réaliser la bonne gouvernance dans les termes fixés par les
institutions financières, au stade actuel du développement des
forces productives et des rapports actuels socio-économiques de
production de ces pays ? En faisant de la bonne gouvernance, aux conditions
édictées par ces institutions financières, une condition
du soutien financier, ne risque-t-on pas de condamner à la misère
des millions d'humains de notre planète ? Dans les pays
industrialisés où ces processus ont été
générés par l'histoire, on ne peut négliger la part
prépondérante prise par l'Etat occidental lui-même dans le
développement, l'organisation et l'expansion des enseignements primaire,
secondaire, supérieur, de la recherche, de la formation, autant
d'éléments, combinés avec le combat pour le respect des
libertés fondamentales qui ont généré, entretenu et
soutenu le développement d'opinions nationales et donc de
sociétés civiles organisées et conscientes, jouant le
rôle de contre pouvoir. C'est également l'Etat dans les pays
industrialisés qui a organisé, soutenu, impulsé, le
secteur public certes, mais aussi le secteur privé, par l'encouragement
des initiatives privées, la définition des cadres juridiques,
institutionnels et fiscaux incitatifs, le soutien financier à
l'investissement, l'incitation à la création des industries et
des emplois, la protection de la production nationale, la recherche de
marchés extérieurs (combien de chefs d'entreprises des pays
membres de l'OCDE accompagnent leurs chefs d'Etats dans les visites de travail
à l'extérieur, à la recherche de marchés ?), la
création d'emplois, ou la mise en oeuvre de politiques de
sécurité sociale. C'est encore l'Etat qui a soutenu et
encadré les politiques en matière agricole et de
sécurité alimentaire, en matière de santé, ou de
stratégie énergétique. Combien d'Etats occidentaux
accordent des subventions au domaine de l'agriculture, de l'élevage, aux
petites et moyennes entreprises, etc. ? Or, voici que, pour de nombreux pays en
développement, on voudrait éloigner l'Etat de la gestion et du
soutien à des secteurs stratégiques, à l'image d'une
cellule qui perd ainsi son noyau central.
Voici que l'on définit la bonne gouvernance comme
résultant de l'interaction de trois institutions distinctes qui dans
bien des cas demeurent inefficientes, structurellement et
fonctionnellement inaccomplies dans les pays en
développement caractérisés en particulier par :
· des Etats aux prérogatives et compétences
amoindries ;
· des sociétés civiles en balbutiement et
dans beaucoup de cas inféodées aux pouvoirs en place ou aux
partis politiques d'opposition ;
· des secteurs privés dont la production est dans
de nombreux pays insignifiante, car structures largement informelles, qui
contribuent de manière insuffisante à la croissance, à la
création d'emplois et à la fiscalité. Le tissu industriel
existant, de part son caractère excentré alimente davantage
l'économie externe que la croissance interne.
Par ailleurs, on oublie surtout, que la démocratie est
d'abord démocratisation, et donc processus qui s'inscrit dans l'histoire
et la durée. En imposant aujourd'hui à l'Afrique de
réaliser ici et maintenant la bonne gouvernance pour accéder aux
ressources financières nécessaires à promouvoir son
développement, et ce en l'absence même des institutions et
conditions historiques nécessaires à celle ci, ne condamne-t-on
pas l'Afrique et les pays en développement en général
à végéter dans la misère et le
sous-développement ? En vérité, comme nous l'avons
évoqué, si la construction de l'Etat, ainsi que des nations dans
les pays industrialisés d'Occident, constitue une résultante d'un
processus historique endogène, il en est tout autrement dans la majeure
partie des états africains où les processus obéissent, par
le fait de la domination, à des impulsions exogènes, pour prendre
la forme de greffons ou de transplants dont les processus de gestation, de
maturation et d'évolution sont plus souvent a- historiques qu'inscrits
dans la genèse naturelle et évolutive de ces
sociétés elles-mêmes.
Il s'ensuit que, si l'Etat colonial ou néocolonial
africain était déjà de structure et de fonction
exogène, la conception et la définition de la gouvernance rendue
à l'examen de la réalité africaine d'aujourd'hui par les
institutions financières internationales répondent d'avantage
à des préoccupations et des intérêts externes
qu'à des évolutions générées par les
processus internes, fruits d'une évolution historique propre au
continent. (Yenikoye 2002). Ainsi que le relèvent M. Bratton et D.
Rothchild, « cette abdication partielle de la souveraineté en
Afrique quant aux décisions politiques entre les mains de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international a plutôt miné
la légitimité politique des élites de l 'Etat en exercice
qu'elle ne l'a favorisée ». (1993, p. 377) Lofchie pour sa
part, renchérit sur le même ton en soulignant que « dans
les pays africains, le pouvoir de décider de la distribution des
ressources repose en réalité entre les mains des grandes
institutions de prêt internationales qui peuvent dicter à leur
gré les termes des diverses politiques d'ajustement économique
«. (1989, p. 20).
Peut-on donc raisonnablement, dans le contexte de la
mondialisation, de la constitution de vastes ensembles régionaux
interdépendants, mais plus encore des relations entre les pays en
développement (pour l'usage desquels le concept de bonne gouvernance
semble s'adresser en priorité) et les puissances économiques et
financières occidentales, définir la bonne gouvernance dans ses
seuls effets internes, et occulter les influences externes souvent
déterminantes sur les actions internes de gouvernance elles-mêmes
? Or, les approches faites ici et là du concept, et principalement par
les institutions financières internationales qui se sont
appropriées le terme, oublient opportunément de relever une telle
dimension qui mettrait vite en cause la réalité de leur pouvoir
de décision et de contrôle en matière de politique,
programme et plans d'action des pays en développement.
Plus qu'un alibi, le concept de «gouvernance»
constitue aujourd'hui, par la mise en avant du qualificatif «bonne
gouvernance», élevé au rang de conditionnalité
économique, financière et politique, le moyen le plus
sûr d'interférer dans la marche de l'histoire des pays en
développement pour en déterminer la
destinée et imposer une conception de l'Etat, une forme d'organisation
politique, économique et sociale tournée davantage vers la
satisfaction des intérêts du capital international. En effet, en
éclatant l'Etat en trois institutions distinctes dont la
réalité et l'effectivité historiques paraissent bien
inaccomplies à ce jour dans les pays en développement, en
préconisant l'Etat minimum, en conditionnant toute forme de soutien
à l'adhésion et la mise en oeuvre de politiques d'ajustement
structurel où le social est bien souvent mis au ban de l'analyse et de
l'action, en imposant un ultralibéralisme dont les effets et
contre-effets sont sans commune mesure avec les capacités d'action et de
réaction de sociétés civiles en balbutiement, en imposant
une philosophie de la libre concurrence dans un environnement économique
où prévaut en réalité la loi du monopole, en
déstructurant le secteur des entreprises publiques stratégiques
par une privatisation sauvage dont la conséquence résulte dans
leur reprise en main par les multinationales et les capitaux extérieurs,
et tout ceci a contrario de toutes les conditions historiques ayant
secrété, généré et entretenu le
développement économique et social de l'Occident, les
institutions financières internationales finissent, à terme, par
se substituer aux Etats des pays en développement eux- mêmes, pour
décider et agir à leur place, au bénéfice des
intérêts bien compris du capital international. Il doit appartenir
donc, aux pays en développement et aux citoyens de ces Etats d'en avoir
conscience, non pas pour rejeter le concept de gouvernance lui-même, qui
constitue aujourd'hui un fait établi, mais pour concevoir les
instruments par lesquels la réflexion, l'analyse et l'action sur la
gouvernance se révéleront porteuses d'un Développement
humain durable au profit des populations déshéritées d'une
humanité soumise au principe de rotation et d'évolution à
deux vitesses.
Pour revenir sur les controverses globales de la gouvernance,
nous pouvons dire en résumé, que les critiques se structurent
autour d'une double opposition: pour certains auteurs, ce sont les conditions
de mise en oeuvre qui sont critiquables; pour d'autres ce sont, au contraire,
les objectifs eux-mêmes. Ce qui est pour les uns une question de
transition, est vu par les autres comme une inadaptation structurelle. Ce qui
signifie que pour le premier groupe, largement majoritaire, ce sont
essentiellement les conditions dans lesquelles les politiques
délibératives sont mises en oeuvre qui incitent au pessimisme :
un accès au débat encore trop inégal, le pluralisme non
respecté, une autonomie réduite des acteurs consultés,
l'équivalence des intérêts mal garantie, une interaction
entre parties prenantes beaucoup trop faible, des procédures
marginalisées, des conclusions non publiées ou sans suite
opératoire. Mais jusque là on reste un scepticisme
modéré car on est dans le registre des dysfonctionnements pour
lesquels il existe, en principe, des solutions
managériales27.
Dans un second registre beaucoup plus pessimiste, ce ne sont
pas les procédures qui sont mises en cause, mais plutôt
l'existence des conditions culturelles nécessaires pour les faire
fonctionner. L'hypothèse d'un activisme de la société
civile, d'une mobilisation spontanée des acteurs est fortement
questionnée. On lui oppose le constat d'une très large
indifférence démocratique comme tout ce qui relève des
problèmes globaux. Le point faible de tous les espoirs placés
dans la gouvernance, comme le souligne Theys est en effet que ceux-ci reposent
sur le présupposé de transformations culturelles importantes :
l'existence d'acteurs intéressés à s'engager dans l'action
collective, une sensibilité suffisante au problème posé,
un minimum de connaissance et de confiance réciproque. Or
l'expérience historique a clairement montré, qu'en dehors des
problèmes locaux, cette transposition vers
«l'autorégulation»
27 Tout un ensemble de travaux s'attache en effet
à définir les "règles du jeu" d'une participation
efficace. Voir par exemple Patrice DURAN, (opus cité), mais
également Pierre LAS COUMES: «Information, consultation
expérimentation; les activités et les formes d'organisation au
sein des forums hybrides», CNRS, 1997, programmes " Risques collectifs et
situations de crise", Paris.
réussie pouvait prendre souvent un temps très
long. Si la circulation de l'information est aujourd'hui d'une
accessibilité presque immédiate, il n'en demeure pas moins de se
rendre compte des difficultés de passage entre l'opinion publique et la
connaissance scientifique; et l'importance décisive du
«knowledge gap», considéré par Robert DAHL
comme le principal obstacle à la démocratie. Il y a donc
clairement un risque que la participation arrive toujours avec un «train
de retard» - ce qui rejoint le problème de l'inanité.
Dans une troisième perspective critique, les
échecs de la gouvernance s'expliquent par l'inadéquation de ses
objectifs. Ce qui est mis en cause ici, c'est une certaine dérive
libérale et néo-corporative de la gouvernance qui tend à
en faire un substitut des formes classiques d'action publique; l'illusion d'une
«pilotless policy» - dont parlait Norton LONG en 1958-, sans
mandat d'autorité, sans hiérarchisation des
intérêts, sans institutions de contrôle. L'idée,
aussi, que la participation - dans un contexte de crise - pourrait efficacement
remplacer les formes électives de la démocratie. Dans cette
troisième perspective, qui donne la priorité aux structures de
gouvernabilité, le risque majeur par exemple en matière
d'environnement apparaît en effet moins celui d'un manque de
légitimité des décisions publiques que celui d'un
affaiblissement des institutions - en particulier aux niveaux international et
local; d'une absence de leadership face à des rapports de force
défavorables; d'une dilution des responsabilités liée, par
exemple, à la multiplication des partenariats ou à une
décentralisation mal maîtrisée; et finalement d'une
impuissance de la démocratie représentative face à un
double phénomène de polarisation, autour des relations
producteurs - consommateurs, et autour des phénomènes de
«glocalisation» (convergence des réseaux locaux et
supranationaux d'action publique)28. Ce n'est donc pas l'ambition
d'une plus grande ouverture démocratique qui est critiquée, mais
plutôt la tentation de faire de la gouvernance un nouveau mythe politique
se substituant aux autres.
A cela s'oppose une quatrième et dernière
position, encore plus radicalement pessimiste, qui met, elle, directement en
doute à travers la notion de gouvernance la capacité même
des démocraties à prendre en compte leurs responsabilités
à long terme - en particulier dans le domaine de l'environnement.
S'appuyant sur Hans Jonas et son «Principe responsabilité»,
certains mouvements écologistes opposent en effet à
«l'indifférence démocratique» la
nécessité d'une prise en charge par une élite
éclairée de l'avenir à long terme de la planète.
Exprimé de cette manière, l'argument est difficilement
acceptable. Mais dans un registre plus modéré, certains experts,
comme Giandomenico Majone, plaident pour le développement d'institutions
non majoritaires29 ou d'autorités indépendantes,
capables de garantir le respect d'objectif à long terme en
s'affranchissant des incertitudes de la démocratie élective.
C'est dans cette même lignée que s'inscrivent Michel Callon,
Pierre Lascoumes et Yannick Barthe en contestant dans leur
ouvrage30, le monopole des scientifiques dans la marche de nos
sociétés surtout dans un contexte où les
problématiques de la participation des citoyens ou encore de la
gouvernance occupent de plus en plus les discours politiques. Ils tentent
à travers la «démocratie dialogique» de donner un
fondement et une légitimité théorique aux aspirations des
citoyens à s'immiscer dans les processus de décision technique et
scientifique ; tendance constatée par la multiplication de situations
problématiques difficilement gouvernables ces dernières
années (déchets nucléaires, gaz à effet de serres,
OGM...). Pour eux ces situations ont pour point commun de combiner incertitude
scientifique et stratégies
28 Source: Jan VAN TANTENHOVE: «Political
modernization and environmental policy», in Jacques THEYS:
L'environnement au XXI siècle, Editions GERMES, 1998.
29 Giandomenico MAJONE: " Temporal consistency
and policy credibility: Why democracies need non majoritarian
institutions?", in Jacques THEYS (ed) The environment in the 21th
century, GERMES, Paris, 1998.
30 « Agir dans un monde incertain. Essai sur la
démocratie technique », Le Seuil, Paris, 2001.
divergentes d'acteurs, de groupes concernés
mobilisés, créant une situation de controverse, que les auteurs
appellent «controverse sociotechnique» ; «Les controverses
engendrées [...] vont bien au-delà des seules questions
techniques. Un de leurs enjeux est [...] d'établir une frontière
nette et largement acceptée entre ce qui est considéré
comme indiscutablement technique et ce qui est reconnu comme indiscutablement
social. [...] Reconnaître sa dimension sociale, c'est redonner une chance
[à un dossier] d'être discuté dans des arènes
politiques.» (p. 45, 2001).
En effet, les controverses socio-techniques, se multiplient
sur fond d'incertitudes, et mettent à mal le monopole des scientifiques
sur les questions de choix techniques. Ce monopole à dire la
vérité des choses, des lois de la nature, et la séparation
classique science (faits) / politique (valeurs), est fondé sur ce que
Bruno Latour appelle une «Constitution», modèle
métaphysique séparant la nature transcendante et la
société31. Les scientifiques acquièrent ainsi
un pouvoir politique gigantesque (Latour parle de «la plus fabuleuse
capacité politique jamais inventée [...] faire parler le monde
muet, dire le vrai sans être discuté», op. cit., 1999,
p. 28) sous couvert de la « neutralité de la
science « puisqu'ils ont le pouvoir d'imposer de nouveaux objets dans la
société et de faire taire les oppositions des autres acteurs
sociaux, des « profanes « ; en effet, toutes les décisions
techniques prises par le politique s'appuyant sur la légitimité
du savoir scientifique, celles-ci échappent au débat
démocratique bien qu'elles engagent notre mode de vivre ensemble. La
sociologie des sciences a pourtant bien établi que la production de
connaissances n'est pas aussi désintéressée, pure de tout
enjeu de pouvoir et de société, que les représentations
classiques de la science (la recherche de la vérité...) le
prétendent. Ce modèle métaphysique apparaît alors
illégitime d'un point de vue épistémologique et
démocratique.
Ces premiers apports théoriques de
«délégitimation» du monopole des scientifiques et
experts dans l'orientation des choix techniques du politique effectué
par Latour, semblent soutenir les essais de Callon, Lascoumes et Barthe de
«légitimation» de la possibilité pour les
«profanes» (il peut s'agir de riverains, d'élus, d'acteurs
associatifs, comme de scientifiques issus de disciplines non prises en compte
dans un projet technique...) de participer aux débats et aux prises de
décision sociotechniques aux côtés des scientifiques et des
experts. Cette réflexion s'inscrit dans une perspective sociologique
constructiviste et se fonde sur l'étude de différents exemples de
controverses sociotechniques récentes. Ces controverses issues de la
mobilisation des acteurs autour d'incertitudes pour faire entendre leur point
de vue, en se constituant en groupes concernés, aptes à
débattre des mesures à prendre dans ces situations avec les
décideurs politiques et les scientifiques. Si la question reste
technique, elle est confisquée par les scientifiques et les experts. Or,
observent les trois auteurs, ces controverses se multiplient dans des espaces
qu'ils appellent des «forums hybrides» ; des espaces « ouverts
où des groupes peuvent se mobiliser pour débattre des choix
techniques qui engagent le collectif» ; des forums «hybrides»
car ces groupes engagés et leurs porte-parole sont
hétérogènes (experts, profanes, hommes politiques...),
ainsi que les questions et les problèmes soulevés, qui vont des
domaines purement scientifiques et techniques aux questions économiques,
éthiques (pp. 35-36). Un modèle de «démocratie
dialogique» serait ainsi en construction dans les
pratiques32.
31 Bruno Latour, 1999, Politiques de la nature.
Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La
Découverte.
32 Cette idée de "démocratie
dialogique" s'inscrit dans le cadre plus général de
réflexion sur les formes de la démocratie, de la
délibération et de la participation. Voir par exemple le
n°57 (vol.15, juin 2002) de la revue Politix, "Démocratie
et délibération"; ainsi que : C.R.A.P.S./C.U.R.A.P.P., 1999,
La démocratie locale. Représentation, participation et espace
public, Paris, PUF.
Les trois auteurs mettent ainsi en évidence
différentes situations de controverse sociotechnique posant un
problème de gouvernabilité, en exposent et analysent dans chaque
cas le processus d'émergence, de constitution de forums hybrides et de
coopérations entre experts et groupes concernés
«profanes». Les controverses sociotechniques entraînent ainsi
une «prolifération du social», c'est-à-dire une
multiplication des groupes concernés par différentes questions ou
décisions techniques auxquelles ils tentent de participer pour y
défendre leurs intérêts. Au cours de l'échange
réciproque, de l'apprentissage commun produit pendant la controverse,
ces groupes concernés participent à «l'élaboration du
monde commun», qu'il soit micro-local ou plus vaste. Cette
prolifération du social pose la question de la représentation des
minorités dans ces controverses sociotechniques qui constituent des
activités pleinement politiques. Le modèle dialogique tel qu'il
s'expérimente ainsi au sein de différentes procédures
depuis une trentaine d'années constitue selon les auteurs une
alternative qui pourrait faire l'objet d'une transposition vers des questions
politiques qui ne sont pas de l'ordre de la démocratie technique, pour
repenser la question de la représentation des minorités. C'est en
effet dans le sens où la démocratie dialogique refuse toute forme
de majorité pour au contraire favoriser l'échange,
l'apprentissage réciproque et l'empathie des acteurs, dans une dynamique
progressive, qu'elle apparaît complémentaire de la
démocratie représentative (ou
«délégative»). Il ne s'agit pas de remettre en cause
les procédures de représentation par le vote, mais
d'atténuer la «tyrannie de la majorité», en
enrichissant la logique délégative par les apports de la
démocratie dialogique, telle qu'elle apparaît à l'oeuvre,
émergente, dans les forums hybrides. Il ne s'agit pas de supprimer la
démocratie délégative mais de la compléter par des
procédures participatives particularisantes permettant une action
mesurée à la place de décisions unilatérales
s'imposant de manière hétéronome, comme il ne s'agissait
pas de nier la science et son difficile accès, mais de lui refuser le
monopole du savoir. La représentation des minorités constitue
selon les auteurs une des innovations procédurales des forums hybrides
et de la démocratie technique, la plus à même d'enrichir la
démocratie délégative, de réduire les logiques
majoritaires abstraites au profit de la prise en compte de l'existence des
groupes concrets.
Comme nous le constatons à la diversité des
propos précédents, les perspectives ouvertes par la gouvernance
suscitent donc beaucoup de controverses et pas mal d'interrogations. Cette
perplexité traduit sans doute la difficulté d'articuler
démocratie et complexité, démocratie et expertise. Mais
elle témoigne aussi de la vivacité du débat qui, autour du
thème de la gouvernance, oppose différentes conceptions
alternatives de la démocratie. Ainsi, du point de vue pragmatique, au
lieu d'opposer une conception idyllique de la bonne gouvernance à un
pessimisme sans borne, il est urgent de construire des passerelles entre ces
différentes positions; et de se placer non pas dans une logique de
substitution des formes démocratiques de gouvernance aux modes
classiques d'action publiques - mais plutôt dans une perspective de
complémentarité et de nouvelle «distribution des
tâches» entre l'Etat et la société civile, entre la
démocratie représentative et la démocratie
délibérative, et même démocratie dialogique ; entre
l'innovation managériale et la crédibilité
institutionnelle. Cela revient à mettre la gouvernance à
l'épreuve des réalités, ou à l'épreuve de la
gouvernabilité (et de ses contradictions).
5.2. La gouvernance entre innovations et
inadaptations
En admettant que la notion de gouvernance concerne
plutôt les outils et les processus de l'action collective, celle de
gouvernabilité quant à elle, met l'accent sur la
spécificité des situations, et sur la probabilité, face
à ces situations spécifiques, plus ou moins complexes, de trouver
des solutions à la fois efficaces et acceptables. Si certaines
situations sont
intrinsèquement ou politiquement gérables;
d'autres ne le sont pas - ou ne peuvent l'être qu'au prix
d'énormes sacrifices. Ce qui signifie que les solutions vont fortement
dépendre de la nature des problèmes ou de la structure des
relations existantes entre les différents acteurs. De ce fait, le
caractère plus ou moins structuré ou controversé des
questions mises en jeu, l'existence ou pas de solutions praticables, le nombre
des acteurs impliqués dans cette solution et leur capacité
à se coordonner, l'accord ou pas sur les objectifs et les moyens
d'action, la capacité à gouverner du ou des principales instances
de coordination ou des acteurs majeurs (ressources, savoir faire,
légitimité, organisation), et enfin la volonté ou
l'habileté de ces acteurs majeurs à élaborer un projet de
gouvernement crédible et susceptible de générer des
alliances stables et suffisamment puissantes, vont fortement influer.
Concrètement la notion de gouvernabilité traduit
les typologies de situations plus ou moins «gouvernables» et à
toute une série de distinctions entre, par exemple, «
problèmes bien structurés et mal structurés;
modes de gouvernement en univers stabilisé ou en univers
controverse~33; gouvernabilité forte, moyenne ou
faible »34. Ainsi, la notion de gouvernabilité
remet finalement en cause l'idée même «d'instruments
universels», de boîte à outils appropriée à
toutes les situations. Dans certains cas de «basse
gouvernabilité» (problèmes non structurés ou sans
solution praticable, pluralité anarchique d'acteurs opposés,
capacité de blocage d'un acteur majeur, faiblesse structurelle des
institutions, absence de projet mobilisateur...) les gains à attendre de
procédures plus ouvertes de «gouvernance» seront mineurs. Et
puis surtout les «styles de gouvernement», et donc les processus
à mettre en place, seront très différents selon la nature
des problèmes en jeu et les contextes institutionnels. C'est ce
qu'Olivier GODARD a formalisé dans le domaine de l'environnement en
opposant de manière radicale la prise de décision en
«univers stabilisé» et en «univers
controversé» et que nous avons représenté sur le
tableau suivant.
Tableau II : Modes de gouvernement dans deux univers de
décision différents, stabilisé et
controversé
La prise de décision en univers
stabilisé
|
La prise de décision en univers
controversé
|
Les agents ont une perception directe des effets externes ou
|
Prédominance de la construction scientifique et sociale
des
|
des biens collectifs
|
problèmes sur la perception directe par les agents
|
Leurs préférences sont bien informées
|
La représentation séparée des
intérêts de tiers absents est en
|
Seuls les intérêts ou préférences des
agents présents sont directement pertinents
|
cause: générations futures, autres pays,
espèces naturelles, biosphère
|
Ces agents disposent de procédures sociales
adéquates pour exprimer leurs préférences:
|
Ils sont des porte-parole contradictoires
|
marché, votes, manifestations et protestations,
conflits
|
|
La connaissance scientifique s'est stabilisée sur les
aspects
|
La connaissance scientifique est encore controversée sur
des
|
des problèmes pertinents pour l'action:
|
aspects essentiels du problème pertinents pour l'action
|
- chaînes causales élucidées
|
|
- dommages bien constituées
|
|
- imputation des responsabilités dénuées
d'ambiguïté
|
|
Les phénomènes en cause sont réversibles:
|
Du fait de l'irréversibilité potentielle, et du
caractère majeur
|
on peut attendre un développement suffisant des
|
des enjeux, certains acteurs estiment qu'il faut agir
|
connaissances pour pouvoir prendre des décisions
|
immédiatement, sans attendre la stabilisation des
|
conforme aux exigences du modèle de la rationalité
substantielle (analyses coûts - avantages)
|
connaissances
|
33 Olivier GODARD, «Stratégies
industrielles et convention d'environnement. De l'univers stabilisé aux
univers controversés», INSEE méthode 1993, Paris.
34G. VAN VLIET et Carlos MATUS,
«Planification en sistemas de baja governabilidad», IDRI,
Bogota, 1982.
Les connaissances scientifiques stabilisées constituent
un monde commun pour tous les acteurs, de façon préalable
à l'action
|
Les théories scientifiques, les «visions du monde
et du futur» deviennent des variables stratégiques donnant
naissance à de nouvelles formes de compétition
|
L'enjeu de la situation: l'efficacité économique et
l'équité, sur la base d'intérêts bien
constitués
|
L'enjeu de cette compétition: la formation de
communautés épistémiques et la fixation de conventions
d'environnement
|
Source : Olivier Godard, 1993
C'est également dans cette perspective que Yves
Mény et Jean-Claude Thoenig35 différencient fortement
plusieurs types possibles de processus ou styles de gouvernement plus ou moins
efficaces - en fonction du degré d'accord ou de désaccord entre
acteurs sur les objectifs et les valeurs (première dimension), et du
degré de certitude ou d'incertitude existant sur le fait et les moyens
à mettre en oeuvre (seconde dimension). Dans certaines situations les
contradictions pourront être gérées par la
négociation ou le pragmatisme; dans d'autres cas on n'évitera pas
un processus chaotique essentiellement régulé par les crises
(tableau 3).
Tableau III : Nature des problèmes et processus ou
styles de gouvernement
Degré d'accord sur les objectifs et les
valeurs
ELEVE FAIBLE
Processus programmé
Routines, automaticité, non-évènement.
Technicisation, bureaucratisation, planification.
|
Processus négocié
Débats idéologiques ; recours à
l'expérience et à la tradition. Controverses officielles
et compromis informels.
|
Processus pragmatique
Recours aux experts, empirisme
(le mieux qu'on peut) recherche de variantes
stratégiques
|
Processus chaotique
Evitement, décentralisation, recours à
l'autorité ou à l'homme providence ; gestion des crises.
|
|
ELEVE
|
Degré de certitude sur les moyens, les faits, la
connaissance
|
|
FAIBLE
|
Source: Y. Mény et J. - C. Thoenig 1989
Ainsi donc, le concept de gouvernabilité rappelle
l'indissociabilité entre les processus de gouvernements et les contextes
structurels dans lesquels ils se déroulent.
Ceci étant, les concepts de
gouvernance et de gouvernabilité, malgré leurs différences
ont néanmoins en commun, d'être très fortement liés
à l'analyse de système. Ils s'inspirent clairement d'une
conception managériale des systèmes politiques pour laquelle il
s'agit essentiellement de trouver des solutions pragmatiques à des
défaillances de marché ou à des défaillances
d'intervention publique. Maintenant, la question qui se pose naturellement est
de
35 Yves MENY et Jean-Claude THOENIG ; Politiques
Publiques, PUF, Paris, 1989
savoir si on peut parler de «bonne gouvernance» - ou
de «gouvernabilité forte ou faible» - sans vision normative du
bon gouvernement? Evidement, des controverses ne sauraient manquer à
cette question.
La Gouvernementalité du philosophe Michel Foucault
(auquel on doit cette notion), remet en cause la neutralité
idéologique du «bon gouvernement» dont certains auteurs
américains comme Karl Deutsch ou David Easton tentent de défendre
sous une perspective fonctionnaliste,
«cybernétique»36, et apolitique. Pour Deutsch, qui
a joué un rôle majeur dans la filiation entre cybernétique
et gouvernance, celle-ci s'apparente en effet essentiellement à un
ensemble fonctionnel d'instruments de contrôle et de guidage. Un ensemble
de régulations qui permettent au système politique de s'adapter
à son environnement, et font intervenir de manière centrale la
capacité à diffuser, échanger, recevoir de l'information.
Comme l'indique le titre même d'un de ses livres majeurs: The Nerves
of Government37, ce qui compte dans le système
politique, ce ne sont pas «les muscles ou les os» (c'est à
dire les «rapports de force») mais «les nerfs» :
«il est donc plus profitable - écrit dès 1963 K.
Deutsch- d'étudier le gouvernement non pas comme un
phénomène illustrant la présence du pouvoir, mais comme un
instrument de guidage, le guidage étant avant tout une question de
communication. S'il y a dysfonctionnement du système politique, c'est
parce qu'il n'est plus capable de déchiffrer ou capter les informations
essentielles, ou parce qu'il y a un écart croissant entre
l'interdépendance des acteurs et l'échange
d'information».
Conçue ainsi comme un ensemble de mécanismes
autorégulateurs, d'incitations et de signaux, la gouvernance ne suppose,
dans cette perspective, aucune vision politique ou éthique du bon
gouvernement, aucune conception du monde ou
«méta-rationnalité», si ce n'est un vague assentiment
sur des règles purement procédurales et cognitives de
transparence, de réflexivité et d'accès à
l'information. Elle n'intègre pas non plus la dimension du temps et de
l'irréversibilité, qui est pourtant, comme on le sait,
essentielle pour déterminer l'efficacité des mécanismes
«d'autorégulation» mis en jeu par la communication. La
position de Michel Foucault est, dans une large mesure, symétrique
à celle de Karl Deutsch: là où ce dernier
privilégie l'autorégulation sans rupture, la neutralité du
fonctionnalisme, et les vertus de la rationalité communicatrice, il
réintroduit la discontinuité historique, la
spécificité du pouvoir, et l'importance des visées
politiques. Pour lui, nous ne pouvons comprendre les pratiques pragmatiques,
les arrangements collectifs, le fonctionnement des outils ou des
procédures en les isolant des objectifs et valeurs assignées
à l'action publique; mais surtout en oubliant les formes de
rationalité, ce qu'il appelle lui- même «les
régimes de vérité» qui structurent en profondeur
ces pratiques ou ces arrangements. C'est cette combinaison des outils, des
objectifs et des systèmes de rationalité qui définit la
«Gouvernementalite~»38 un art de
gouverner dont les formes changeantes sont indissociablement liées
à l'histoire: de même que Machiavel introduit une rupture radicale
par rapport au modèle politique de la Renaissance; de même ne
peut-on assimiler l'art de gouverner orienté par la Raison d'Etat
à celui qui se construit à partir du 1 8ème
siècle, autour de la conception libérale de la politique puis du
biopouvoir.
36 La «cybernétique» signifie au sens
propre "l'action de manoeuvrer un vaisseau" ou "l'action de diriger, de
gouverner" au sens figuré.
37 Karl Deutsch, The Nerves of Government,
New York, Free Press, 1963
38 Michel Foucault, De la
Gouvernementalité; Edition du Seuil 1989, Paris.
CONCLUSION
De la gouvernance politique à la gouvernance mondiale,
en passant par la gouvernance d'entreprise, nous avons vu que le politique est
dilué au sein de cette mouvance globalisante. Mettant de
côté les dérives d'instrumentalisation que l'usage du terme
peut développer dans ses champs d'application, récapitulons
plutôt les aspects épistémologiques du terme. En une
phrase, la gouvernance renvoie à un pouvoir distribué. À
un noyau de pouvoir unique et concentré se substituent des instances
multiples impliquées dans l'action publique. Dans le dispositif complexe
de la polyarchie, tous détiennent une partie de pouvoir, d'où une
opacité des mécanismes de décision et un brouillage des
frontières et des responsabilités. Si nous admettons que la
distribution du pouvoir fait partie de l'objet d'étude de la
gouvernance, on pourra dire que la théorie de la gouvernance offre une
portée critique, utile à l'examen ultérieur de
propositions. Il est clair que le succès du terme gouvernance et du
champ qu'il englobe dépasse les effets de mode ou de rattrapage de
quelques organisations pour le développement. Si la gouvernance a pu
servir à ces raisons, elle tient aussi, et c'est le plus important,
à une tentative de réponse aux nouvelles conditions historiques
de l'action publique mais surtout des nouvelles formes de participation dans un
contexte de globalisation.
En définitive, nous retenons que les différentes
approches, orientations et applications de la gouvernance appartiennent
principalement à trois champs d'utilisation de cette notion :
1. La gouvernance contractuelle du partenariat entre le
secteur public, le secteur privé et les organisations de la
société civile, prenant en considération les modes de
régulation, les niveaux et les instances de décision, et
récusant toute organisation ou tout contrôle centralisés.
Cependant, l'indétermination du concept, hybride et ouvert, doit
être considérée comme une occasion de dépasser le
manichéisme réduisant l'économique au marchand et le
politique au gouvernement ou à l'Etat, sans considérer la
pluralité dans les modes de participation à la vie politique et
économique.
2. La gouvernance du développement, promue
essentiellement par les institutions de Bretton Woods (BM et FMI) comme une
nouvelle forme d'intervention dans la sphère publique afin de
réduire les déficits de l'Etat et comme un outil
idéologique au service des politiques de privatisation. Mais en faisant
le discrédit des régimes démocratiques, non rodés
par l'usage, dont les Etats du Sud viennent de se doter ou qu'ils viennent de
restaurer et en décrétant également l'action de ces Etats
inefficace sinon corrompue, incohérente et contre-productive, les
financeurs de l'aide au développement (par ailleurs aujourd'hui en
échec) ne peuvent en aucun cas espérer un développement
harmonieux et durable de ces pays. Il faut que les promoteurs de la bonne
gouvernance tiennent compte des processus historiques de démocratisation
propres à chaque Etat, d'autant plus que les imperfections et manque de
performance de ces Etats restent discutables. En plus, le recours aux ONG et
aux entreprises ne doit pas se faire à la place de l'Etat, mais avec
l'Etat.
3. La gouvernance transnationale, aux niveaux régional
(Union Européenne) et mondial, se référant à un
nouvel ordre mondial. Dans cet ordre, la décision centralisée de
l'Etat fait place à la subsidiarité, le partenariat ou la
régulation.
Cependant, il est regrettable de constater la faiblesse des
études critiques sur la gouvernance menées jusqu'ici. De par
leurs orientations souvent instrumentalistes et financières, les usages
de la notion ont une forte tendance à privilégier l'approche
mécanique et normative, devenant le résultat automatique d'une
série de procédures, au détriment du développement
de la potentialité critico-analytique du terme. Les tentatives
d'innovation de ce concept pourront pallier les imperfections liées
à son appropriation surtout dans les pays du Sud ; mais aussi
une réelle compréhension de qui pourra
être immédiatement mise au service de la démocratie et de
la reformulation des politiques (démocratie cognitive, démocratie
dialogique, prise en compte de la gouvernementalité, etc.). Le
développement de cette approche gagnerait en effet à
s'élargir dans un cadre comparatif plus international. Il y aurait grand
intérêt à compléter la construction d'une nouvelle
matrice théorique avec des apports qui peuvent consolider sa pertinence.
Nous pensons à la ?gouvernométrie? de Aboubacar Yenikoye
Ismaël et de la ?gouvernance située? l'un de nos chantiers de
recherche avec Hassan Zaoual. Néanmoins, la théorie de la
gouvernance aura jusqu'ici provoqué un débat sur l'espace public,
les rapports de coopération, l'intérêt
général, la place de l'Etat, du secteur privé et des
organisations de la société civile dans le développement
des alternatives de régulation vis-à-vis de
l'hégémonie néolibérale.
Comme on le constate finalement à travers toutes ces
préconisations, la gouvernance suppose donc des changements structurels
et un ensemble d'innovations qui vont manifestement très au-delà
du bricolage pragmatique et des arrangements de terrain dans lesquels on la
cantonne généralement. Même si notre parcours sur la notion
de gouvernance reste sommaire, il a essayé de montrer pourquoi la
gouvernance est pour le moment un concept pas tout à fait établi,
capable d'avoir un statut scientifique à part entière à
certaines conditions qui se réfèrent essentiellement à son
développement substantiel et à celui d'une véritable
théorie critique, s'imprégnant d'historicité, se
référant à des contextes sociaux et culturels particuliers
et sachant déterminer précisément l'objet d'étude.
Son autonomie par rapport à des discours normatifs, mécaniques ou
issus d'une nature d'application technique est une autre exigence qui reste
à valider.
L'enjeu de la gouvernance doit être de faire
émerger des valeurs communes qui puissent présider aux conflits
d'identité. L'émergence d'une «communauté»
partielle et évolutive, portée par une idée du bien commun
et concrétisée par une action collective à l'égard
de biens publics globaux identifiés ensemble, est le moyen de redonner
du pouvoir et du sens à la démocratie. En un mot, il s'agit de
faciliter la collaboration entre l'État et la société
civile dans le but non seulement de rendre plus souple cette dynamique mais
aussi afin d'améliorer la régulation sociale. D'autre part, il
faut aussi assouplir les structures étatiques, réduire les
hiérarchies pour accroître l'autonomie et les
responsabilités aux structures locales afin de rendre de meilleurs
services aux citoyens. Enfin, il s'agit, dans le cas de la gouvernance
mondiale, de réduire les barrières économiques et
politiques entre les États dans le but d'augmenter les échanges
commerciaux plus équitables entre les pays et favoriser une
économie sociale et solidaire.
Ainsi, la théorie de
l'empowerment39, étudiant socialement les
capacités de devenir acteur de sa propre histoire, et celle des sites
symboliques pour la prise en compte des conditions mésologiques et
anthropologiques de chaque système dans le processus de
développement, sont fortement liées à la participation et
représente de ce fait une perspective adaptée aux nouvelles
conditions de la gouvernance démocratique globale face aux défis
actuels.
Dans ce cadre, l'économie solidaire participe-t-elle
dans ses relations avec les différents échelons de pouvoirs
publics, au développement de nouvelles relations partenariales et plus
globalement à l'émergence de nouveaux principes de gouvernance,
notamment dans le cadre de projets de développement local et initiatives
d'économie populaires en Afrique subsaharienne? Quelles modes
d'expression de l'intérêt général, faudra-t-il
envisager, à travers notamment la participation de nouveaux acteurs
locaux pouvant compléter les actions
39 « L'empowerment est un mot américain qui signifie
investir les gens de pouvoirs qu'ils puissent s'épanouir et donner le
meilleur d'eux-mêmes » (Scott et Jaffe, 1992, p.3).
traditionnellement dévolues aux pouvoirs publics
nationaux ? Comment dès lors qualifier les nouvelles formes de pilotage
au niveau local et quelle place attribuer aux acteurs de l'économie
sociale et solidaire ? Sont entre autres les questionnements qui guideront
notre démarche dans nos prochains documents.
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