II.4. Hypercalcémie associée à une
élévation du turn over osseux
Le tissus osseux est en permanence le siège d'un
remodelage ou la destruction des travées osseuses est associée
à une ostéogenèse simultanée. Le
déséquilibre entre la résorption osseuse et la
reconstruction peut entraîner une libération de calcium et une
hypercalcémie lorsque l'élimination rénale ne suffit pas
à maintenir la valeur du calcium dans les limites normales.
II.4.1. Hyperthyroïdie
Les hormones thyroïdiennes sont de puissants stimulateurs
de la résorption osseuse. Des récepteurs de ces hormones ont
été mises en évidence sur des cultures de cellules
osseuses. Néanmoins seulement 20 % des hyperthyroïdies
présentent une hypercalcémie associée
L'hypercalcémie survient lorsque le rein n'arrive pas à
excréter la surcharge calcique produite. L'hypercalcémie reste
modérée et le signe le plus fréquent est la
présence d'une hypercalciurie. L'hypercalcémie se corrige avec le
traitement de l'hyperthyroïdie. (Gopal and all
200)
II.4.2. Immobilisation
Chez le volontaire sain, l'immobilisation entraîne une
hypercalciurie et une mobilisation du calcium squelettique mais habituellement
sans hypercalcémie car le rein élimine la production de calcium
Par contre l'immobilisation chez l'enfant et chez l'adolescent peut
entraîner des hypercalcémies particulièrement en cas de
para- ou tétraplégie. La calcémie se normalise
progressivement lorsque le malade reprend une rééducation.
II.4.3. Intoxication à la vitamine A
Il s'agit d'une cause rare d'hypercalcémie le plus
souvent secondaire à une supplémentation nutritionnelle.
L'hypercalcémie peut être sévère (3 à 3,5
mmol·L-1 après injection de 50 000 à 100 000 UI
de vitamine A par jour) et serait provoquée par une augmentation de la
résorption osseuse dont le mécanisme n'est pas
complètement élucidé Le diagnostic se fait par
l'interrogatoire et dosage de la vitamine A.
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Calcifédiol
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Calcitriol
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Hyperparathyroïdie
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normal
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haut/normal
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Hypercalcémie maligne
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Tumeur solide
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normal
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bas/normal
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Lymphome
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normal
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haut/normal
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Intoxication à la vitamine D
|
Haut
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normal
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Granulomatose
|
normal
|
haut
|
Tableau 5: Concentrations de
calcifédiol et de calcitriol en cas
d'hypercalcémie. (Gopal and all 200)
II.5. Hypercalcémie associée à une
insuffisance rénale II.5.1. Hyperparathyroïdie secondaire
sévère
La réduction de la production de vitamine D active dans
l'insuffisance rénale chronique (IRC) induit une hypocalcémie par
défaut d'absorption associée à une
hyperphosphorémie par défaut d'élimination. Dans la
majorité des cas, l'hyperproduction d'hormone parathyroïdienne qui
en résulte n'induit pas d'élévation significative de la
calcémie du fait de la réduction franche de l'absorption
intestinale du calcium. Il existe cependant des formes sévères
où la sécrétion de PTH aboutit à une
hypercalcémie par résorption osseuse brutale. Mais, même
dans ces formes sévères, l'hypercalcémie n'est
qu'exceptionnellement aiguë et très élevée. Le
mécanisme invoqué est que l'hyperphosphorémie
provoquée par l'insuffisance rénale majore la réduction de
synthèse de la 1.25 (OH)2 vit D, elle-même diminuée par la
réduction néphronique. Cependant récemment, il a
été démontré qu'au stade
précoce d'insuffisance rénale (clairance < 70
mL·min-1), il existait déjà des signes
biologiques (augmentation de la PTH - diminution de la calcémie) et
paracliniques (hyperostéoclastie, apparition d'os fibreux) d'HPT II sans
qu'il y ait jamais eu d'hyperphosphorémie Ceci pourrait être
expliqué par l'accumulation intracellulaire de phosphore provoquant une
baisse de la production de 1,25 OH vitamine D3 qui est déjà
compromise par la réduction néphronique et l'acidose. Cette
augmentation de phosphate dans les cellules tubulaires rénales serait
secondaire à la charge filtrée de phosphates répartit sur
un nombre de néphrons plus petits restant encore fonctionnels. D'autres
études démontrent qu`il existe d'autres facteurs contribuant
à la baisse de synthèse du calcitriol au cours de l'IRC:
diminution du calcifédiol par une carence lactée par la prise
d'anticonvulsivants ou par la perte dans les urines en cas de syndrome
néphritique
La baisse du calcitriol aggrave l'HPT II par l'effet
inhibiteur direct du calcitriol sur la synthèse de PTH et la
prolifération cellulaire parathyroïdienne et par la
réduction de l'absorption intestinale de calcium.
Au stade plus avancé d'IRC, l'hyperphosphorémie
apparaît et celle-ci pourrait contribuer à l'augmentation de la
PTH, d'autant qu'il existe une hypocalcémie associée à une
baisse supplémentaire de calcitriol La sécrétion excessive
de PTH est également imputable à la diminution de l'expression du
récepteur calcium sur les cellules parathyroïdiennes. Il existe une
diminution plus marquée des récepteurs calcium sur les zones
nodulaires que sur les zones d'hyperplasie. Au cours de l'HPT II, les glandes
parathyroïdiennes évoluent d'une hyperplasie diffuse vers une
hyperplasie nodulaire. Il est donc probable que ce type de transformation
aboutit à un échappement progressif du contrôle de la
synthèse et de la sécrétion de la PTH.
Les signes cliniques associent des calcifications, un prurit et
des douleurs osseuses relevant de deux mécanismes différents:
- Ostéomalacie ou ostéofibrose par baisse de
calcitriol. La biopsie montre une bande de tissu osseux non
minéralisé (grande épaisseur ostéoïde).
- Ostéopathie adynamique par un bas niveau de
remodelage osseux (baisse des ostéoblastes et ostéoclastes).
Histologiquement l'épaisseur ostéoïde est normale ou petite.
Initialement, l'ostéopathie adynamique se rencontrait dans les
intoxications aluminiques chez les patients dialysés chroniques.
À l'heure
actuelle elle s'inscrit dans le cadre d'une
hypoparathyroïdie secondaire iatrogénique (surcharge en calcium ou
vitamine D soit par voie orale ou pendant la dialyse notamment en cas de
dialyse péritonéale continue ambulatoire).
Les calcifications ectopiques sont péri-articulaires,
vasculaires (média, intima), cutanées ou sous-cutanées et
oculaires. Leur développement seulement chez certains malades
malgré un profil biologique similaire s'expliquerait par l'augmentation
prolongée du produit phosphore-calcium. Certains suggèrent que de
hautes concentrations de phosphore et de calcium soient une indication à
la parathyroïdectom ie.
Le prurit, attribué à une augmentation de calcium
dans la peau peut être très invalidant et incessant
Les signes biologiques à un stade avancé
associent la calcémie plutôt normale ou basse très rarement
augmentée, une hyperphosphorémie, calcitriol diminué, PTH
et phosphatases alcalines augmentés et insuffisance rénale.
Le traitement est principalement médical, il a pour but
de maintenir des concentrations de phosphate et de calcium entre des valeurs
normales pour supprimer la sécrétion de PTH et améliorer
la maladie osseuse préexistante. Ce traitement regroupe un régime
alimentaire pauvre en phosphate (recours au carbonate de calcium qui est
chélateur du phosphore), riche en calcium, et supplémenté
en vitamine D active. Pour 5 à 10 % des patients dialysés au long
cours, le traitement médical est un échec. Dans ces cas, la
parathyroïdectomie subtotale ou la parathyroïdectomie totale avec
auto-greffe d'un moignon parathyroïdien devient nécessaire car 80 %
de ces patients vont améliorer leur symptomatologie osseuse et
prurigineuse. (Drueke . 1998)
II.5.2. Hyperparathyroïdie tertiaire
hyperparathyroïdie secondaire. Cinq pour cent des
patients transplantés rénaux conservent une hypercalcémie
modérée qui est le résultat d'une
hypersécrétion autonome de PTH C'est dans ce cadre que l'on parle
d'HPT III. Beaucoup de ces troubles se normalisent dans les 12 mois
après la transplantation sinon une parathyroïdectomie subtotale ou
une parathyroïdectomie totale plus autotransplantation offrent
d'excellents résultats sur cette hypercalcémie chronique.
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