INTRODUCTION
Le droit à la liberté et à la
sûreté est un droit fondamental inhérent à la
personne, inscrit dans les instruments internationaux de la protection des
droits de l'homme et dans la Constitution1(*). Il prévoit la protection de l'individu contre
les arrestations arbitraires et contre la détention illégale.
Cependant, il est des privations de liberté qui
émanent du pouvoir exécutif. Elles prennent la forme de
l'internement administratif, de l'arrestation préventive ou de la
rétention provisoire : par le biais de l'internement administratif,
le gouvernement peut, sur le fondement d'un texte législatif ou
réglementaire, priver une ou plusieurs personnes (sans intervention
judiciaire) de leur liberté, pour une durée dont il est seul juge
(ce procédé fut utilisé entre 1939 et 1946). L'arrestation
préventive est utilisée par la police lors des mouvements
d'agitation sociale et politique. Elle consiste à appréhender par
anticipation, les meneurs présumés afin de se prémunir
contre le développement des manifestations2(*). Enfin, la rétention provisoire est une mesure
de privation de liberté qui consiste au maintien de la personne, pour
une durée n'excédant pas, en principe 48 heures3(*), d'un étranger dans les
locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. C'est une
mesure qui est ordonnée par l'autorité administrative à
l'encontre de la personne faisant l'objet, notamment, du refus d'entrée,
la reconduite à la frontière, l'expulsion etc.
Contrairement à ces mesures, la détention
provisoire relève du pouvoir judiciaire. Selon Jean PRADEL
« la détention provisoire est l'incarcération d'un
inculpé en maison d'arrêt pendant tout ou partie de l'instruction
préparatoire jusqu'au jugement définitif sur le fond de
l'affaire »4(*).
Au-delà de la définition, l'essentiel est de percevoir que
la détention provisoire dépasse le cadre de l'instruction
préparatoire même si les principales difficultés se
rencontrent en son sein5(*).
Dans le même sens, selon Jocelyne Leblois-Happe, « la
détention provisoire constitue un moment clé de l'instruction,
durant lequel des principes contradictoires doivent être
conciliés : respect de la liberté et du principe de la
présomption d'innocence et en même temps nécessité
de préserver les besoins de l'instruction »6(*). Comme son nom l'indique,
la détention provisoire va entraîner l'incarcération de
l'intéressé pendant tout ou partie de l'information. Elle prend
fin soit par une décision de mise en liberté, prise d'office par
le juge d'instruction, soit parce qu'aucune ordonnance de prolongation n'est
intervenue en temps voulu ou parce que la loi a prévu une durée
maximum insusceptible de prolongation7(*). Ainsi, elle se distingue des autres
incarcérations ordonnées dans le cadre de la procédure
pénale. Elle ne doit pas être confondue avec la garde à
vue, mesure qui permet à un officier de police judiciaire de tenir
à sa disposition, pour les besoins de l'enquête, un suspect.
La détention provisoire soulève des
interrogations en raison des intérêts qui entrent en jeu. Il y a
de ce fait, opposition entre l'intérêt de la société
et celui de l'individu8(*).
Vu sous l'angle social, la détention provisoire est un instrument
répressif par anticipation, ce qui donne à la
collectivité, un sentiment de protection et de sécurité.
C'est une mesure donc nécessaire pour des raisons diverses :
1) garantir l'exécution du jugement en s'opposant
à la fuite du
prévenu ;
2) faciliter la recherche de la vérité, en ce
sens que le prévenu, gardé sous main de justice, se
présente à tous les actes de la procédure en cours
(interrogatoire, confrontation, reconstitution) ;
3) elle empêche le renouvellement de l'infraction et
rétablit l'ordre public troublé par l'agissement du
prévenu ;
4) la privation de liberté avant jugement aide, si
nécessaire, à l'application d'un traitement adapté au mis
en examen ;
5) enfin, elle protège le prévenu
d'éventuelles représailles.
Dans cette conception utilitariste de la détention
provisoire, il n'en demeure pas moins qu'elle engendre des
inconvénients, voire masque souvent les dangers de l'institution. Il
s'agit là d'une mesure grave pour la liberté individuelle, et qui
paraît contraire à la présomption d'innocence,
l'intéressé subissant l'équivalent d'une peine
sérieuse alors qu'il n'a pas encore été
jugé9(*). Cet
inconvénient s'aggrave du fait qu'en pratique le juge de jugement a
parfois tendance, pour ne pas désavouer le juge d'instruction, à
choisir une peine au moins égale à la durée de la
détention provisoire et à user moins facilement du sursis ou des
substituts à l'emprisonnement lorsque cette durée a
été longue10(*).
Elle fait ainsi peser sur la personne mise en examen la
présomption de culpabilité entraînant sans doute, une
augmentation des risques de condamnation et bafoue un principe inscrit dans la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en vertu duquel,
« Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce
qu'il soit déclaré coupable ». Et, c'est dans le
même esprit que Faustin Hélie a pu écrire à ce
propos que « la détention préalable inflige un mal
réel, une véritable souffrance, à un homme qui non
seulement n'est pas réputé coupable, mais qui peut être
innocent, et le frappe, sans qu'une réparation ultérieure soit
possible, dans sa réputation, dans ses moyens d'existence, dans sa
personne »11(*). Le placement du prévenu en maison
d'arrêt avant jugement est une négation pure et simple de cette
garantie fondamentale. L'incarcération jette le discrédit sur la
personne concernée, considérée désormais comme
coupable par la société.
La mesure de contrainte compromet l'avenir judiciaire du
prévenu. Se présentant devant les juges avec un
antécédent judiciaire aussi défavorable, ce dernier risque
d'être condamné à une sanction sévère. Cette
privation de liberté ne devrait être ordonnée
qu'après condamnation du mis en examen. Priver une personne seulement
soupçonnée d'avoir commis ou d'avoir tenté de commettre
une infraction, est une mesure qui se heurte à la liberté
individuelle dont chacun est détenteur. Ce qui implique que personne ne
doit donc être privée de cette liberté que dans les
conditions prévues par la loi. En effet, la constitution de 1958
affirme en ses termes que : « Nul ne peut être
détenu arbitrairement. L'autorité judiciaire, gardienne de la
liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les
conditions prévues par la loi »12(*). L'autorité
judiciaire, garante des libertés, peut-elle concilier les deux
concepts : la garantie des libertés et la privation de
liberté ? A cette problématique, on pourrait ajouter le
principe de la présomption d'innocence.
Aussi, d'un point de vu socioprofessionnel, la
détention provisoire engendre l'exclusion : le prévenu
placé en maison d'arrêt perd dans la plupart des cas, son emploi,
donc ses moyens matériels d'existence, ce qui peut entraîner des
conséquences désastreuses pour sa famille.
C'est une mesure essentiellement utilisée comme moyen
de pression pour arracher l'aveu au mis en examen d'où une atteinte
à la liberté psychique de celui-ci.
Or, s'il est de principe par les textes (article 137 à
145-1, code de procédure pénale) que la détention
provisoire est une mesure exceptionnelle, l'extrême fréquence des
atteintes aux libertés individuelles n'est plus à
démontrer. La personne détenue est parfois sans moyen de
défense adéquat même si elle dispose d'un avocat compte
tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés.
Quoiqu'il en soit, malgré son caractère
attentatoire à la liberté des personnes, la détention
provisoire est entrée dans les moeurs judiciaires. C'est un mal
nécessaire13(*) et
son principe n'est guère discuté. L'importance est cependant de
veiller à ce que la fonction sécuritaire de la mesure ne prenne
le pas sur la liberté individuelle. Le législateur, tout au moins
depuis les années 1970, insiste sur le fait que ce type de privation de
liberté ne doit être que bien précisée par les
textes. C'est la matière qui détient la palme des modifications
procédurales et a valu au juge d'instruction d'être la cible de
virulentes critiques.
Anciennement, sous l'empire de l'ordonnance de 1670, la
personne poursuivie en matière criminelle pouvait faire l'objet d'un
décret de prise à corps (article X, ord. 1670)14(*). Dans le droit
révolutionnaire, la détention préventive était
ordonnée à l'occasion de délits encourant soit une peine
afflictive ou infâmante, soit un emprisonnement de plus de trois jours
(C. du 3 brun an IX, article 70).
Le code d'instruction criminelle de 1808 permettait au juge
d'instruction de recourir à la détention préventive
à la suite d'un crime ou d'un délit (article 91 et 94). A cette
époque, la détention était illimitée dans le temps
et s'étendait jusqu'au jugement définitif. En matière
correctionnelle, la mise en liberté pouvait être accordée
à l'inculpé qui en formait la demande (article 114,
réd . 1808). Avec la loi du 14 juillet 1865, un système
libéral fut mis en place. En effet, les personnes poursuivies pour des
agissements criminels pouvaient, elles aussi, aspirer à la mise en
liberté provisoire (article 114 CIC, loi du 14 juillet 1865).
Par la loi du 7 février 1933, une étape
importante est franchie, le législateur étendit le champ
d'application de la liberté provisoire. Désormais, la
liberté est la règle et la détention l'exception.
La liberté était prononcée à la
fin du premier interrogatoire au profit des inculpés ayant un domicile
fixe non récidivistes, encourant une peine inférieure à
deux ans d'emprisonnement. Dans les autres cas, c'est-à-dire, en
matière criminelle et pour certains délits correctionnels, la
mise en liberté était de droit et intervenait cinq jours
après l'interrogatoire de la première comparution.
Toutefois, le juge d'instruction pouvait, en cas de besoin,
maintenir la détention de l'inculpé pour une durée de cinq
jours. A l'issue de ce délai, la prolongation de la détention
n'appartenait plus au juge d'instruction mais à la chambre du conseil,
qui fut restaurée à l'occasion15(*). Dans ce cas, le maintien en détention
était prescrit pour une durée d'un mois renouvelable. Ce texte
particulièrement favorable aux inculpés, a eu pour effet de
rapidement paralyser le cours des informations.
Ainsi, la loi du 25 mars 1935 supprima la chambre du conseil
mais l'incarcération périodique fut maintenue avec des
délais rallongés. Le juge d'instruction eût le soin de
décider de toutes les prolongations. Cependant, lorsque l'instruction
durait plus de deux mois, le pouvoir de maintenir en détention
préventive relevait de la chambre des mises en accusation16(*). Malgré cette tentative
de simplification qui s'est avérée insuffisante, le décret
du 18 novembre 1939 restaura pratiquement les dispositions issues de la loi 14
juillet 1864. Le législateur supprima dès lors la
détention périodique et renforça la mise en liberté
sur demande de l'inculpé17(*).
Ultérieurement, une loi du 19 décembre 1952
imposa au juge d'instruction de statuer sur les demandes de mise en
liberté dans un délai de cinq jours, et le législateur du
26 juillet 1953 retira à la partie civile le droit d'appel visant les
ordonnances relatives à l'élargissement de
l'inculpé18(*). La
pratique démontra cependant que ces innovations étaient
insuffisantes. Le besoin d'une nouvelle réglementation se faisait
sentir. C'est ainsi que la loi du 17 juillet 197019(*) vint modifier, au fond, les
dispositions en cours. Cela s'est traduit par la création d'un substitut
à la détention provisoire : le contrôle judiciaire. De
grands espoirs furent fondés sur cette nouveauté qui, il est
vrai, ne manquait pas d'attrait. L'existence même de cet instrument
conférait à la détention avant jugement un
caractère subsidiaire : mesure exceptionnelle, la privation de
liberté ne peut être ordonnée que si les obligations du
contrôle judiciaire s'avèrent insuffisantes. De même, cette
loi s'est attachée à réduire la durée de la
détention. Ainsi, si la durée de la détention en
matière criminelle reste illimitée, tout au moins jusqu'à
l'arrêt de la chambre d'accusation, celle prescrite à la suite
d'un délit correctionnel ne peut excéder une durée de
quatre mois, échéance que le juge d'instruction peut renouveler
en cas de nécessité.
C'est dans le même esprit qu'avec la loi du 2
février 1981 dite « Loi Sécurité et
Liberté » qu'on assista à une série de
modifications. L'exposé des motifs était net :
« L'intérêt du prévenu coïncide avec
celui de la société : l'un comme l'autre ne peuvent que
gagner à un procès raisonnable ». Cette loi
prévoyait en substance, des délais stricts à tous niveaux
de la procédure, sanctionnés par une mise en liberté
immédiate de l'intéressé.
C'est pourquoi, dès le 21 février 1981, dans une
circulaire, le garde des sceaux d'alors, Robert Badinter, exposa que la loi de
février précitée est « la loi la plus
dangereuse pour les libertés », qu'elle
portait atteinte à des principes judiciaires traditionnels,
notamment, elle réduisait les droits de la défense, et
étendait les prérogatives de la police et du parquet etc.
La procédure pénale a subi entre-temps
d'importantes réformes introduites par la loi du 16 décembre
1992, des 4 janvier et 24 août 1993, notamment, en ce qui concerne la
garde à vue et l'instruction. Ensuite, la loi du 16 décembre 1996
a eu pour objet principal de limiter le recours à la détention
provisoire tant lors de son prononcé que dans sa durée.
Enfin, la loi du 15 juin 200020(*) est venue renforcer la protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes. Elle a
réformé les principes de la détention provisoire.
Désormais, la détention provisoire ne peut débuter et se
poursuivre que si deux magistrats du siège l'ont décidé,
seul le juge d'instruction ou le juge des enfants peut saisir le juge des
libertés et de la détention21(*). Cette loi entrée en vigueur le 1er
janvier 2001 a fait l'objet de retouches de détails par les lois du 4
mars et 9 septembre 2002 et du 9 mars 2004. Il doit avoir rang de
président, premier vice-président ou vice président du
tribunal de grande instance. Il intervient ou interviendra ainsi en
matière :
- de détention provisoire, au stade du placement, de la
prolongation et d'une demande de mise en liberté, lorsque cette
dernière a été refusée par le juge
d'instruction22(*) ;
- de garde à vue, pour autoriser leur prolongation
au-delà de la 48e heure en cas d'acte de terrorisme (art.
706-23 du code de procédure pénale) ou de trafic de
stupéfiants (article 706-29 du code de procédure
pénale) ;
- de perquisitions lors de l'enquête préliminaire
ou de nuit en cas d'acte de terrorisme (article 706-24 du CPP), hors les heures
légales en cas de trafic de stupéfiants (art. 706-28 du
CPP) ;
- de la privation de liberté de certains
étrangers (candidats à l'entrée sur le territoire
nationale), autorisation en zone d'attente (art. 35 quater de l'ordonnance du 2
novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France).
- de visites domiciliaires et de saisies effectuées par
la direction générale des impôts (art. L.16 B du livre des
procédures fiscales).
Derrière toutes ces réglementations
prévues en la matière, deux intérêts contradictoires
s'affrontent : la sauvegarde de la paix publique, d'une part, et le
respect des libertés individuelles d'autre part. Il ne saurait
être question de favoriser l'individu au détriment de la
société. Ce serait injuste. Il ne s'agit pas non plus d'avantager
la collectivité.
En étendant à outrance le domaine de la
détention provisoire et en réduisant le champ des
libertés, on vassalise l'individu par rapport à
l'incarcération. Le législateur doit faire face à cette
problématique malgré les efforts déjà consentis.
De l'évolution législative dont on vient d'avoir
un aperçu, on perçoit un léger changement. On peut dire
qu'à partir des années 1970, le progrès apparaît
nettement. Par conséquent, hormis l'incertitude qui marque le nombre
croissant des détenus en attente de jugement, le respect des
libertés tend à s'améliorer.
Au regard de tout ce qui précède, on se demande
s'il est possible de concilier le maintien de l'ordre public et les principes
de la liberté avec la détention provisoire. L'ordre public et les
principes de liberté étant deux notions constitutionnelles qui
doivent être respectées.
Le placement en détention et les formalités
exigées sont-ils respectés pour préserver la
liberté individuelle ?
Le rôle indispensable du nouvel homme fort de la
détention (juge des libertés et de la détention) est-il
indissociable de celui du juge d'instruction ?
La réalité pratique de la détention et la
réparation des préjudices subis répondent- elles aux
textes en vigueur ? La détention provisoire serait-elle un
préjugement ? Porte-t-elle atteinte à la présomption
d'innocence ?
Pour répondre à ces délicates
problématiques posées, notre démarche nous conduira
à étudier les conditions générales de la
détention provisoire (Partie I). Ce faisant, nous
aborderons les conditions de placement en détention (Chapitre I) puis de
la durée de la détention (Chapitre II). Il conviendra ensuite
d'envisager la détention dans la pratique et le système
réparateur en cas de préjudice subi (Partie II).
PREMIERE PARTIE
LES CONDITIONS GENERALES DE LA DETENTION PROVISOIRE
CHAPITRE I :
LES CONDITIONS DU PLACEMENT EN DETENTION PROVISOIRE
Seuls peuvent faire l'objet d'une détention provisoire
les mis en examen, soit les personnes à l'encontre desquelles il existe
des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu
participer à la commission des infractions dont le juge d'instruction
est saisi (article 80-1 du code de procédure pénale).
Depuis la loi du 15 juin 2000, renforçant le principe
de la présomption d'innocence, a été élevé
le seuil de peine des délits à raison desquels la
détention peut être décidée : la privation de
liberté n'est possible qu'autant que le mis en examen encourt une peine
d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans (article
143-1 du code de procédure pénale)23(*). Ces conditions se tiennent de
part et d'autre du principe de l'exception du placement en détention
provisoire (Section I) et des effets que le placement peut engendrer (Section
II).
SECTION I : Le principe d'exception du placement en
détention provisoire
Pour assurer le caractère exceptionnel de la
détention provisoire, hormis le recours à des termes tels que
« sauf » et « à titre
exceptionnel », le législateur a prévu un nombre
important de conditions d'application. Plus elles sont nombreuses, moins il est
aisé de mettre en oeuvre une disposition relative à la
détention provisoire.
Ainsi, le législateur s'assure que cette mesure ne
s'applique que dans certains cas précis et que le risque d'y recourir
dans les hypothèses injustifiées est moindre. Nous exposerons
d'une part, les conditions de fond (Paragraphe I) et d'autre
part, le formalisme exigé pour cette mesure (Paragraphe
II).
Paragraphe I : Les conditions de fond du placement
Pour mieux réaffirmer encore le principe de la
liberté, dans la continuité de toutes les législations
depuis 1970, la loi du 15 juin 2000 a, dans le nouvel article 137 du code de
procédure pénale, édicté que « la
personne mise en examen, présumée innocente, reste
libre...... », avant de prévoir la faculté de
placer la personne concernée sous contrôle judiciaire et, en cas
d'insuffisance de celui-ci, en détention provisoire,
« à titre exceptionnel».
A cet égard, il convient d'examiner les conditions du
placement en détention provisoire (A) et le caractère subsidiaire
du placement en détention (
A- Le placement en détention
provisoire
Poursuivant l'oeuvre de ses prédécesseurs, le
législateur du 15 juin 2000 a voulu astreindre l'autorité
judiciaire à n'ordonner le placement en détention provisoire que
s'il apparaît réellement nécessaire à la poursuite
de l'information ou à la représentation en justice de
l'intéressé, alors que le nombre des détentions
provisoires était considéré comme trop important en
France24(*). Ce qui
implique que les juges pratiquent la détention provisoire comme moyen de
contraindre les mis en examen à parler au mépris de leur droit de
se taire et que la recherche de l'aveu, conforme à la tradition
inquisitoriale paraissait bien présente dans la mise en détention
provisoire.
C'est pourquoi, le placement en détention doit
être justifié par deux ou trois sortes d'arguments selon les
circonstances :
1°) L'insuffisance du contrôle
judiciaire : le maintien en détention et
l'ordonnance de placement doit dans son affirmation,
énoncer en principe le caractère insuffisant des obligations du
contrôle judiciaire. Cette motivation ne s'impose pas, en principe, pour
les décisions qui refusent de mettre en liberté la personne mise
en cause25(*). Ce qui nous
parait logique puisqu'il ne s'agit pas de justifier le placement mais au
contraire de refuser sa cessation ce qui postule que les raisons du placement
continuent à exister. La chambre criminelle estime cependant que
l'arrêt de la chambre de l'instruction qui infirme une ordonnance de
mise en liberté doit se référer à l'insuffisance du
contrôle judiciaire26(*), solution moins justifiée que dans le cas
où l'arrêt se borne à restaurer le mandat de
dépôt initial entraînant logiquement que les raisons qui
l'ont justifié subsistent. A ce titre, la juridiction concernée
doit énoncer par rapport aux faits de la cause, les circonstances qui le
démontrent et non pas l'affirmation que le contrôle judiciaire est
insuffisant.
2°) La nécessité pratique eu
égard à la procédure. Sauf lorsque le
placement en détention provisoire se justifie par la
violation des obligations d'un contrôle judiciaire27(*), Le réquisitoire du
procureur de la République qui réclame un placement ou un
maintien en détention et les titres qui l'opèrent doivent
nécessairement en justifier la nécessité28(*). La motivation n'est pas
nécessaire dès lors que le point en discussion n'est pas
directement la détention provisoire, le maintien de celle-ci
n'étant que la conséquence d'une autre disposition. Pour
l'illustrer, la chambre de l'instruction qui refuse un non-lieu n'a pas
à justifier le maintien en détention qui résulte de ce
refus29(*). La
détention provisoire doit se justifier en tout état de cause par
l'un et/ou l'autre de trois motifs énumérés par l'article
144 du code de procédure pénale issu de la rédaction
de la loi du 15 juin 2000.
3°) L'existence des motifs précis
prévus par la loi. Il s'agit :
? de conserver les preuves ou les indices matériels,
ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes et
leurs familles30(*), soit
une concertation frauduleuse entre personne mise en examen et
complices ;
? de protéger la personne mise en examen, de garantir
son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à
l'infraction ou de prévenir son renouvellement31(*) (article 144-1° et
2° du code de procédure pénale). Quant au critère de
renouvellement, on voit à l'évidence que ce critère
présuppose que l'infraction poursuivie est avérée, ce qui
n'est pas le cas puisque l'affaire est en train d'être instruite. La
présomption d'innocence est-elle alors une fiction ?
? de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à
l'ordre public provoqué par l'infraction, en raison de sa
gravité, des circonstances de sa commission ou de l'importance du
préjudice causé. Pour cette dernière notion, le
législateur, face à sa grande utilisation, est venu
préciser son sens : « l'infraction doit avoir
provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public
auquel la détention est l'unique moyen de mettre
fin »32(*).
Il en est ainsi des infractions qui causent dans l'opinion une
émotion extraordinaire et pour lesquelles seule l'incarcération
du délinquant peut provoquer un certain apaisement. Le bon sens
populaire ne comprendrait pas que l'auteur d'un assassinat ou d'un viol
crapuleux rentre directement chez lui après son arrestation pour y
attendre des mois ou des années son châtiment. Le risque, c'est
qu'en admettant ce cas de détention, les juges apparaissent comme des
justiciers plutôt que des instructeurs. Si les juges doivent apaiser
l'opinion, ils ne doivent pas en revanche céder aux instincts de la
foule, à l'esprit vengeur33(*). La détention dans l'intérêt de
l'ordre public est en vérité un cas d'état de
nécessité, les juges devant choisir entre la liberté
individuelle et la paix publique.
Avant 1970, le législateur s'en tenait au
système de l'opportunité de la détention : si la
détention n'était jamais obligatoire, elle était en
principe toujours possible dès que le juge l'estimait nécessaire.
Le nouvel article 144 du code de procédure pénale consacre ainsi
le système de la légalité, la loi décidant
elle-même des motifs autorisant l'incarcération34(*) ce qui nous laisse supposer
que seul l'état de nécessité justifie le
sacrifice de la liberté personnelle à un intérêt
supérieur.
En somme, la détention provisoire ne peut intervenir
que si elle présente de l'utilité aux yeux de la justice, de la
personne mise en examen, des témoins ou plus généralement
de l'opinion publique.
Sous réserve de répondre aux conditions
précédemment citées, la détention provisoire doit
constituer l'ultima ratio des mesures nécessaires à la
poursuite de l'information et doit en outre, constituer l'unique moyen
d'atteindre les conditions ci-dessus énumérées.
Aujourd'hui, le juge des libertés et de la
détention et les chambres de l'instruction ne doivent pas omettre,
à peine de censure, d'expliquer dans leur motivation en quoi le
contrôle judiciaire ne suffit pas aux objectifs recherchés. Parce
que ces mesures sont graves, y compris celle du contrôle judiciaire,
elles sont soumises au contrôle d'une juridiction collégiale, la
chambre de l'instruction. L'article 137 du code de procédure
pénale énonce en substance le principe que la
« personne mise en examen reste libre », en
soumettant le contrôle judiciaire aux
« nécessités de l'instruction » ou
au besoin d'une « mesure de sûreté » et
de la détention provisoire, qu'il veut
« exceptionnelle », à l'insuffisance du
contrôle judiciaire. La détention est ainsi ouverte soit qu'il
s'agisse d'un crime, soit qu'il s'agisse d'un délit punissable de plus
de 3 ans de prison.
En revanche, la personne mise en cause bénéficie
d'un régime plus favorable que pendant la phase d'enquête, qui lui
donne notamment la possibilité d'être assistée d'un avocat
et de ne faire aucune déclaration qu'en présence de ce dernier.
La mise en examen peut également résulter de la délivrance
d'un mandat d'arrêt lorsque la personne soupçonnée est en
fuite ou d'un mandat de dépôt à l'audience par le tribunal
correctionnel, sauf décision motivée contraire de ce dernier en
cas de récidive de délits d'agressions sexuelles ou de
délits de violences volontaires aux personnes35(*).
En principe, toute personne mise en examen et celle faisant
l'objet d'une procédure de comparution immédiate peuvent faire
l'objet d'un placement en détention provisoire.
Cependant, il est aisé de remarquer que des
règles particulières protègent les mineurs. Lorsque le
parent d'un mineur de 16 ans36(*) est placé en détention provisoire ou si
cette mesure est prolongée, la loi sur la présomption d'innocence
prévoit que le juge des libertés et de la détention devra
se rapprocher du service pénitentiaire d'insertion et de probation ou de
l'éducation surveillée afin de rechercher et de proposer une
mesure autre que le placement en détention (article 145-5 et 81
alinéa 7 nouveau du code de procédure pénale). Pour les
mineurs âgés de 16 ans révolus, la détention
provisoire est possible en matière criminelle, correctionnelle si la
peine encourue est égale ou supérieure à 3 ans et en cas
d'inexécution du contrôle judiciaire (article 11 de l'ordonnance
du 2 février 1945). Pour les mineurs de 13 ans révolus et moins
de 16 ans, la détention est possible en cas de peine criminelle
encourue, inexécution du contrôle judiciaire prononcé. Ce
qui suppose ici que le mineur a déjà fait l'objet de mesures
éducatives ou d'une condamnation et encourt une peine d'emprisonnement
égal ou supérieur à 5 ans37(*).
Pour les majeurs de moins de 21 ans au moment de
l'infraction, le juge doit ordonner une enquête sociale, lorsque la peine
encourue n'excède pas 5 ans d'emprisonnement ; dans les autres cas,
une telle initiative est toujours possible.
4°) Conditions de fond du placement en
détention provisoire et
la Convention européenne des
droits de l'homme.
La Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)
ne connaît pas la « la détention
provisoire » à proprement parler. Pour elle, la
détention provisoire est une forme de « privation de
liberté » mentionnée dans son article 5, lequel
envisage cinq cas légitimes de privation de liberté (article 5-1
à 5-1-f)38(*). Les
cas de placement en détention provisoire prévus par le code de
procédure pénale ne sont pas en contradiction avec les textes de
la convention.
En effet, le placement en détention provisoire suppose
que la personne soit mise en examen. Or, la mise en examen nécessite des
indices graves et/ou concordants de culpabilité. Ces indices constituent
des « raisons plausibles » au sens de l'article
5-1c de la CEDH. Par ailleurs, deux motifs de placement en détention
provisoire visés par l'article 144 du code de procédure
pénale se rapprochent des cas prévus par l'article 5-1c de la
Convention susvisée : « mettre fin à
l'infraction ou (...) prévenir son renouvellement »
(article 144 du CPP), ce qui constitue un motif « raisonnable de
croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une
infraction » (article 5-1c de la Convention) ;
« garantir le maintien de la personne mise en examen à la
disposition de la justice » (article 144 du CPP) qui est un
motif « raisonnable de croire à la nécessité
de l'empêcher ...de s'enfuir après l'accomplissement de
celle-ci » (article 5-1c de la Convention)39(*).
La loi prévoit que toute personne arrêtée
soit informée dans le plus bref délai des raisons de son
arrestation et de ses droits, ce qui est conforme aux dispositions de la Cour
européenne de sauvegarde des droits de l'homme (article 5-3) que nous
analyserons dans la section II du chapitre II de cette première
partie.
Le placement en détention étant
considéré comme une mesure exceptionnelle de la mise en
liberté, se caractérisant par des conditions qu'exigent les
textes, elle est aussi marquée par son caractère subsidiaire.
B- Le caractère subsidiaire du placement en
détention provisoire
Certes la détention provisoire présente des
avantages, lesquels correspondent aux causes juridiques de la mesure que nous
avons exposé ci-dessus. Mais ses inconvénients sociaux sont
considérables (perte d'emploi, désocialisation du détenu
et sa famille, coût etc.). Nous pouvons citer à ce titre,
l'exemple le plus marquant du procès d'Outreau, où des
pères, mères de familles ont été détenus
pendant des années leur causant un énorme préjudice
physique et psychique.
Quant à la mise en oeuvre du caractère
subsidiaire, au plan des principes, la loi sur la présomption
d'innocence rappelle le principe selon lequel la personne mise en examen
demeure libre. Cependant, l'article 137 du code de procédure
pénale modifié, prévoit que si les
nécessités de l'instruction ou les raisons de sûreté
le commandent, le mis en cause peut faire l'objet, non pas d'une
détention provisoire, mais d'un contrôle judiciaire. Cette mesure
permet le maintien de la personne en liberté mais l'astreint à se
soumettre à des obligations fixées par le juge d'instruction ou
le juge des libertés et de la détention. Il s'agira par exemple
pour la personne de ne pas se rendre en certains lieux, de ne pas conduire
certains véhicules etc.
Avec la loi du 15 juin 2000, le juge d'instruction demeure
compétent pour décider du contrôle judiciaire, mais
lorsqu'il sera saisi, le juge des libertés et de la détention
pourrait aussi le prononcer selon l'esprit de l'article
137-2 du code de procédure pénale.
En réalité c'est tout le régime de la
détention provisoire qui est conçu et doit l'être dans
l'avenir de manière à la limiter ou de manière à
atténuer ses conséquences.
Cependant, s'il s'agissait depuis lors de mettre en exergue le
caractère exceptionnel de la détention provisoire, l'usage est
précisément conditionné afin de le limiter. C'est à
ce titre qu'un rigoureux formalisme s'impose et ne peut que modérer cet
usage.
Paragraphe II : Les conditions de forme
La détention provisoire illustre, si l'on peut le dire,
l'extrême rigidité entraînée par le formalisme
qu'elle exige. Le renforcement des droits des citoyens implique que le
contentieux relatif à la détention provisoire soit
réservé à un juge du siège, en position d'arbitre
impartial et « paraissant tel aux yeux de
tous » selon les termes de la Convention européenne des
droits de l'homme.
Pour que les mesures de détention fassent l'objet d'un
examen rigoureux, plus sérieux et soient réduites au strict
nécessaire, leur prononcé doit être confié à
un juge distinct du juge d'instruction. Tel sera le rôle du juge des
libertés et de la détention que le juge d'instruction doit
saisir, s'il entend placer le mis en examen en détention provisoire. Le
juge des libertés et de la détention est donc désormais
compétent et examine les conditions préalables pour le placement
en détention (A) et ce placement n'est ordonné, qu'à la
suite d'un débat contradictoire (B).
A- La compétence du juge des libertés
et de la détention et conditions préalables au placement en
détention
Le nouveau contentieux de la détention provisoire
(placement, prolongation et décision sur les demandes de mise en
liberté)40(*) est
désormais de la compétence de ce magistrat du siège qui ne
peut statuer que s'il a été saisi par une ordonnance
motivée du juge d'instruction compétent, lequel aura
été préalablement saisi ou non du réquisitoire de
placement en détention de la part du ministère public (article
137 alinéa1 du code de procédure pénale). L'objectif est
la recherche d'une meilleure protection de la liberté du mis en examen
se traduisant par la création d'un juge des libertés et de la
détention qui hérite de tout le contentieux de la
détention provisoire, jusque-là géré par le juge
d'instruction, considéré comme suspect d'user de cette mesure
pour faciliter l'obtention de l'aveu.41(*)
Cependant, le juge des libertés et de la
détention doit avoir rang de président, premier
vice-président ou de vice-président. Il est désigné
par le président du tribunal de grande instance et ne peut, à
peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales
dont il a connu42(*).
Le juge des libertés et de la détention (JLD)
est saisi par une ordonnance du juge d'instruction ou du juge des enfants selon
les cas, qui lui communique le dossier de la procédure
accompagnée des réquisitions du procureur de la
République (réquisitions doivent être écrites et
motivées)43(*).
L'ordonnance du juge d'instruction doit elle-même être
motivée : le juge chargé des investigations est tenu
d'expliquer en quoi, selon lui, les conditions légales du recours
à la détention sont remplies. Aucune mise en détention ne
peut intervenir si le magistrat instructeur ne l'estime pas nécessaire
car il est le seul à pouvoir saisir le juge des libertés et de la
détention44(*).
S'il décide de ne pas transmettre le dossier au JLD en dépit des
réquisitions de placement du procureur de la République, le juge
d'instruction (juge des enfants) doit rendre sans délai une
« ordonnance motivée, qui est immédiatement
portée à la connaissance du parquet ». Le parquet
peut alors interjeter appel de cette ordonnance devant la chambre de
l'instruction45(*).
Dans le même esprit, l'article 137-4 du CPP tel que
modifié par l'article 121 de la loi du 9 mars 2004, permet au procureur
de la République de saisir le JLD. Pour ce faire, il faudrait tenir
compte de la nature de l'infraction concernée. Cette saisine n'est
possible que pour les crimes ou les délits punis de dix d'emprisonnement
et que le procureur de la République a requis, en tout ou partie, la
détention provisoire à titre de mesure de
sûreté46(*).
Le juge des libertés et de la détention
intervient dans les quatre hypothèses suivantes :
? Il ordonnera le placement en détention, à
l'issue d'un débat contradictoire, en rendant une ordonnance
motivée et en délivrant mandat de dépôt. Le
débat contradictoire pourra, le cas échéant, intervenir de
façon différée, après une incarcération
provisoire ordonnée par le juge de la détention provisoire. Ce
débat pourra être public si l'intéressé en fait la
demande.
? Il ordonnera la prolongation de la détention
provisoire à l'expiration des délais prévus par la loi,
à l'issue, le cas échéant, d'un débat
contradictoire.
? Il statuera sur les demandes de mise en liberté
déposées par les personnes détenues.
? Enfin, en cas de violation des obligations du contrôle
judiciaire prescrit par le juge d'instruction, il pourra ordonner la
révocation de ce contrôle et le placement en
détention47(*).
Dans toutes ces hypothèses, le juge de la
détention sera saisi par ordonnance motivée du juge d'instruction
chargé de l'information. Ce n'est en effet que dans le cas où le
magistrat instructeur estimera la détention nécessaire que le
juge de la détention provisoire devra se prononcer. Ce dernier ne peut
pas être directement saisi par le ministère public, de même
que les demandes de mise en liberté sont adressées au juge
d'instruction, et ce n'est que si celui-ci refuse d'y faire droit qu'elles
seront soumises au juge de la détention provisoire.
Quant au délai pour préparer sa défense,
c'est une innovation de la loi du 9 juillet 1984. Il vise à renforcer
les garanties de la personne mise en examen au moment où une
décision essentielle va être prise à son
égard48(*). Lorsque
cette disposition est mise en oeuvre, le moment du placement en
détention provisoire se trouve repoussé de fait. Mais, face
à cette situation, le juge d'instruction n'est pas désarmé
pour autant. En effet, il peut ordonner l'incarcération provisoire de la
personne concernée : il s'agit d'une mesure privative de
liberté qui résulte comme nous l'avons dit
précédemment, d'une ordonnance motivée par
référence aux exigences de la défense. La durée de
cette incarcération ne saurait excéder quatre jours ouvrables
(article 145 du code de procédure pénale).
Mais au regard de tout ce qui précède, beaucoup
de question se posent quant au rôle et l'efficacité du juge des
libertés et de la détention après Outreau. De prime bord,
on peut dire que c'est un juge amputé de par la loi de pouvoir prendre
une décision pleinement éclairée puisqu'il ne peut pas
poser de questions sur les faits. La création de ce juge en 2000 a
été une excellente idée du législateur mais il ne
lui pas donné les moyens procéduraux pour qu'il exerce ses
fonctions, donc une oeuvre inachevée.
Seulement voilà : le juges des libertés et
de la détention a déçu après Outreau pour des
raisons liés à son statut, il n'a pas suffisamment connaissance
de la personnalité du mis en examen mais également ne dispose que
d'un délai court pour prendre connaissance du dossier.
Bien souvent, il statue tard dans la nuit après une
journée de travail effectuée dans des conditions peu
satisfaisantes. Ce magistrat à tendance à faire droit à la
requête de son collègue juge d'instruction, ce que
déplorent les avocats des acquittés d'Outreau49(*). Il y a donc autant de raisons
pour revoir totalement le rôle du juges des libertés, lui
permettant d'avoir accès au dossier du mis en examen, de l'interroger et
de pouvoir parler avec son avocat. Philippe Houillon estime que la question du
maintien du juge des libertés dans l'institution judiciaire pour statuer
à la place du juge d'instruction se posera
inévitablement50(*).
Au regard de tout ce qui précède, la
décision de placement n'interviendra qu'à l'issue d'un
débat contradictoire.
B- Le débat contradictoire
Le juge d'instruction qui estime utile de placer le mis en
examen en détention provisoire ne peut le faire lui-même. Il doit
saisir le juge des libertés et de la détention. Ce dernier est
saisi par voie d'ordonnance avec transmission du dossier de la
procédure.
Le juge des libertés et de la détention organise
ensuite une audience dite de cabinet, à moins d'une demande de
publicité, avec tenue d'un débat contradictoire entre
l'intéressé et son avocat et le représentant du
ministère public. Ce débat doit impérativement
précéder la mise en détention provisoire. A travers cette
formalité, inspirée partiellement du British Habeas Corpus,
le législateur de 1984 voulait que le juge d'instruction, qui a en
l'occurrence la responsabilité du placement en détention
provisoire (actuellement le juge des libertés et de la
détention), soit informé des données de la
situation51(*). A ce
propos, M. BADINTER avait déclaré devant les
députés qu'il s'agissait « d'une audience simple au
cours de laquelle les observations nécessaires seront
échangées. Le ministère public et la défense
pourront tour à tour faire valoir devant le magistrat les arguments
à l'appui de leurs positions réciproques »52(*). Sur un plan de politique
criminelle, le débat contradictoire avait pour but de diminuer les mises
en détention provisoire. En effet, selon les promoteurs de la nouvelle
institution, la loi du 6 août 1975 qui s'était fixée cet
objectif n'avait pas réussi.
D'un point de vue chronologique, la mise en oeuvre de ce
débat peut être immédiate ou différée.
Quant au débat immédiat, il s'agit en principe
d'une audience de cabinet mais celle-ci peut se tenir à
l'établissement pénitentiaire où l'intéressé
se trouve d'ores et déjà détenu, par exemple, par mandat
d'amener ou mandat d'arrêt53(*) ou dans le lieu où est hospitalisée la
personne mise en examen54(*).
L'avocat choisi ou désigné est informé
sans délai et ce, par tout moyen, ce qui doit être
mentionné au procès-verbal. Il peut consulter le dossier sur le
champ et communiquer librement avec l'intéressé. Un débat
contradictoire a lieu alors, au cours duquel le ministère public donnera
ses réquisitions, l'intéressé ou éventuellement son
avocat présentera leurs observations55(*).
Si le mis en examen demande au contraire un délai pour
préparer sa défense, le juge renvoie le débat
contradictoire à une audience ultérieure dite
différée qui devra se tenir dans un délai maximal de
quatre jours ouvrables. En pareil cas, le juge des libertés peut alors
faire incarcérer l'intéressé pour la période
ci-dessus par une ordonnance motivée, insusceptible d'appel56(*). Bien que la loi ne le dise
pas, il parait certain que la non-comparution de l'intéressé dans
le délai de quatre jours entraînerait sa remise en liberté
de plein droit à moins que des circonstances imprévisibles et
insurmontables empêchent de statuer régulièrement dans le
délai, ce qui autorise le juge à statuer sans débat
contradictoire57(*).
Par exception à tout ce qui précède, aux
termes de la réforme opérée par la loi du 4 mars
200258(*), le juge des
libertés et de la détention ne peut ordonner le placement en
détention provisoire d'une personne qui a déclaré
exercer, à titre exclusif, l'autorité parentale sur un enfant
âgé de 16 ans au plus qu'elle héberge chez elle (article
145-5 du code de procédure pénale), sans avoir recherché
et proposé toutes mesures propres à éviter que la
santé, la sécurité et la moralité du mineur ne
soient gravement compromises59(*). Ce qui suppose que la personne qui prétend
une telle faveur, doit en faire la demande et justifier cette situation qui
fonde sa demande. La personne concernée doit faire connaître sa
situation au juge d'instruction lors de son interrogatoire de première
comparution.
En tout état de cause, si la personne majeure peut
renoncer à solliciter la présence d'un avocat pour le
débat contradictoire, tel n'est pas le cas de la personne mineure qui ne
peut jamais y renoncer61(*).
En faisant une lecture intelligente de l'article 137-3 du
code de procédure pénale, il apparaît que lorsque le juge
des libertés entend faire droit à la demande du juge
d'instruction, il doit rendre une ordonnance spécialement motivée
faisant état des considérations de droit et de fait qui lui
paraissent justifier sa décision. Elle doit comporter d'une part, sur le
caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire, et
d'autre part, sur le motif de la détention par référence
aux seules dispositions des articles 143-1 et 144 du code de procédure
pénale62(*).Cette
décision est notifiée verbalement à
l'intéressé, l'ordonnance étant susceptible d'appel devant
la chambre d'instruction et d'un référé liberté. Le
référé liberté permet un examen rapide de
l'ordonnance de placement en détention provisoire par le
président de la chambre de l'instruction. Pour pouvoir l'exercer, la
personne détenue doit avoir adressé sa demande en même
temps que l'appel, lui-même intervenu immédiatement après
le débat contradictoire devant le juge des libertés, au plus tard
le lendemain de la décision de placement en détention. Le
président doit statuer dans le troisième jour ouvrable suivant la
demande, par une ordonnance du juge des libertés.
Le président peut décider seul d'infirmer
l'ordonnance de placement et remettre l'intéressé en
liberté totale ou sous contrôle judiciaire. S'il estime que la
détention provisoire est justifiée, il doit saisir la chambre qui
statuera dans les conditions normales d'appel d'une décision relative
à la décision provisoire63(*).
De ce qui précède, la chambre criminelle se
montre exigeante sur le caractère contradictoire du débat,
c'est-à-dire équilibré, puisqu'elle a annulé une
procédure dans laquelle, après le débat lui-même,
mais avant que la décision ait été rendue, le
ministère public était resté quelques instants seul avec
le juge et le greffier, dans le cabinet du juge d'instruction et la porte
fermée64(*). De
même, en cas d'irrégularité relative à la
convocation de l'avocat de la personne mise en examen au débat
contradictoire, la chambre de l'instruction ne peut évoquer et statuer
sur la détention, mais, après avoir constaté la
nullité de la décision du juge des libertés et de la
détention, doit prononcer d'office la mise en liberté de
l'intéressé65(*).
L'ordonnance de placement en détention provisoire est
susceptible d'appel de la part du ministère public comme du mis en
examen. Mais cet appel n'est pas suspensif de l'exécution et le mis en
examen est incarcéré pendant la durée de la
procédure d'appel.
En effet, pour lutter contre des placements en
détention provisoire abusifs, la loi du 24 août
1993 a créé sous le nom de
« référé-liberté » une
modalité particulière d'appel ayant pour effet de suspendre
l'efficacité du mandat de dépôt pendant la durée de
la procédure d'appel dont nous venons d'avoir un aperçu.
Cependant, malgré toutes les reformes entreprises en la
matière pour adapter les textes à la réalité
sociale, la décision de placement en détention provisoire doit
être faite dans le délai imparti par la loi et la jurisprudence
(section II).
SECTION II : LA DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE
Le législateur récent a été
animé du souci de réduire la durée des détentions
provisoires. Il l'a fait dans le cadre d'un système qui allie la
complexité et l'hypocrisie.
La complexité tient au fait que les prolongations
répondent à des critères multiples tenant non seulement
à la limitation dans le temps, de l'efficacité des instruments de
la détention mais aussi, d'une prise en considération de la
durée de la peine encourue, de la nature de l'infraction, du
passé de l'intéressé etc.
L'hypocrisie est formelle dans la mesure où le
législateur affirme à chaque fois catégoriquement que tel
délai ne peut être dépassé pour ajouter
aussitôt qu'il peut l'être, à titre exceptionnel66(*).
Mais quelle que soit la matière (criminelle ou
correctionnelle), la détention de la personne mise en examen doit se
limiter dans une certaine durée.
A ce titre, il convient d'examiner la durée
légale de la détention et de sa prolongation pour les
détenus majeurs (paragraphe I) d'une part, et d'autre
part, la durée légale et sa prolongation pour les détenus
mineurs (paragraphe II).
Paragraphe I : La durée légale et sa
prolongation pour les détenus majeurs
D'une manière générale, le point de
départ du délai est le jour de l'ordonnance de placement, ce qui
suppose que celle-ci ait une date. Pour le cas où la détention
provisoire succède à un mandat d'arrêt, le point de
départ du délai est celui de l'exécution du mandat.
Pour ce qui concerne cette catégorie de personnes la
durée de la détention porte la marque de la rigueur. Cela
apparaît tant sur le terrain de la durée de base (A) que sur celui
de la prolongation (B).
A- La durée de base et sa prolongation en
matière criminelle
En matière criminelle, la durée maximale normale
de la détention est d'un an. Mais il ne s'agit là que d'un
principe (article 145-2 CPP).
Toutefois, le juge des libertés et de la
détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la
détention pour une durée qui ne peut être supérieure
à 6 mois par une décision motivée conformément aux
dispositions de l'article 137-3 du code de procédure pénale.
Cette décision doit être rendue après un débat
contradictoire organisé conformément aux dispositions du
sixième alinéa de l'article 145. L'avocat est convoqué et
la décision peut être renouvelée selon la même
procédure.
Cependant, la loi du 15 juin 2000 a ajouté un
alinéa à l'article 145 précité selon lequel
« la personne mise en examen ne peut être maintenue en
détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine
encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de
détention criminelle et au-delà de trois ans dans les autres
cas »67(*).
Les délais sont portés respectivement à trois à
quatre ans lorsque l'un des faits constitutifs de l'infraction a
été commis hors du territoire national. Elle peut
également être de quatre ans lorsque le mis en examen est
poursuivi pour plusieurs crimes contre les personnes ou contre la nation,
l'Etat et la paix publique, ou pour trafic de stupéfiants, terrorisme,
proxénétisme, extorsion de fonds ou crime en bande
organisée. Si en cours d'instruction, la qualification correctionnelle
des faits objet de la saisine du juge d'instruction est abandonnée, ce
dernier doit saisir le juge des libertés et de la détention aux
fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen
pour les mêmes faits requalifiés de crime. C'est la durée
prévue en matière criminelle qui doit être
appliquée68(*).
Dans tous ces cas, et à titre exceptionnel, une
dernière prolongation de quatre mois peut être ajoutée
à ces deux ans par une décision de la chambre de l'instruction au
motif que les investigations du juge doivent encore être poursuivies
lorsque la mise en liberté causerait un risque d'une particulière
gravité à la sécurité des personnes et des
biens69(*). Cette
prolongation peut être renouvelée une fois.
Il faut le noter, ces délais concernent uniquement la
durée de l'information et n'entrent pas en ligne de compte après
la décision de clôture de l'instruction par le juge d'instruction
à partir de laquelle, courent de nouveaux délais pour que la
personne détenue soit jugée.
Lorsque la détention provisoire intervient en
conséquence de la révocation d'un contrôle judiciaire alors
que la personne mise en examen avait déjà été
placée en détention, pour les mêmes faits, la durée
cumulée de ces deux détentions ne peut excéder de plus de
quatre mois, les maxima ordinaires en matière criminelle70(*).
En revanche, la durée maximale d'un an peut être
prolongée pour une durée de six mois maximum, par une ordonnance
du juge rendue après débat, l'avocat ayant été
convoqué, et motivée par les considérations de droit et de
fait qui la fondent. A cet effet, l'ordonnance du juge des libertés et
de la détention doit contenir les éléments particuliers
qui justifient la poursuite de l'information et le délai
prévisible de son achèvement. Lorsque la peine encourue est
inférieure à vingt ans, la durée de la détention ne
peut excéder deux ans, elle est de trois ans dans les autres cas.
En définitive, depuis longtemps, le souci de la
chancellerie et du législateur était de faire baisser la
durée de la détention provisoire. Parmi les moyens
utilisés, l'un consistait à fixer des périodes qui ne
peuvent être dépassées que par la procédure de
renouvellement périodique et l'autre, des limites infranchissables
au-delà desquelles la personne mise en examen est automatiquement remise
en liberté.
Mais imposer une limite maximum à la détention
peut générer de grandes difficultés dans l'instruction de
certains dossiers, en particulier lorsqu'il s'agit de faits complexes commis
par une personne n'ayant jamais été condamnée. Cependant,
les limites imposées ne peuvent être qu'approuvées si l'on
considère la gravité de la mesure coercitive que constitue la
détention avant jugement et les multiples répercussions qu'elle
engendre. C'est également une manière d'inciter, voire de forcer,
les juges d'instruction à terminer les dossiers de détenus dans
un délai que le législateur a pensé raisonnable.
Dans le même esprit, de par le caractère
exceptionnel de la mesure, la prolongation de la détention implique la
réunion de certaines conditions. Cette durée de base est
différente en matière correctionnelle.
B- La durée de base et sa prolongation en
matière correctionnelle
En matière correctionnelle, l'article 145-1 du code de
procédure pénale prévoit deux hypothèses
principales :
- si la personne mise en examen n'a pas déjà
été condamnée pour crime ou pour délit de droit
commun à une peine criminelle ou à une peine d'emprisonnement
sans sursis d'une durée supérieure à un an et qu'elle
encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans, sa
détention provisoire ne peut excéder quatre mois et n'est pas
susceptible de prolongation ;
- dans les autres cas, en considération du passé
judiciaire de la personne et/ou de la peine qu'elle encourt, sa
détention provisoire ne peut excéder en principe quatre mois. A
titre exceptionnel, une prolongation d'une durée ne pouvant
excéder quatre mois peut être faite. Cette prolongation peut
être renouvelée pour la même durée qu'une seule
fois.
Cependant, ces prolongations sont bien sûr
accordées par le juge des libertés et de la détention par
ordonnance motivée prise après débat
contradictoire71(*).
La durée maximale de la détention provisoire est
donc d'un an (durée initiale de quatre mois à laquelle s'ajoute
une prolongation de quatre mois plus un renouvellement de prolongation de
quatre mois)72(*).
Quant à la durée de la procédure de
comparution immédiate, c'est une procédure qui permet au
procureur de la République de traduire sur le champ la personne mise en
examen devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut décider de
renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et ordonner le
placement en détention provisoire. Dans ce cas, le jugement sur le fond
doit être rendu dans un délai de deux mois à compter de la
première comparution. Ce délai est porté à quatre
mois, à la demande du mis en examen, lorsque la peine encourue est
supérieure à sept ans d'emprisonnement. En cas d'appel sur le
jugement de condamnation et si la personne reste détenue, la Cour
d'appel doit statuer dans les quatre mois.
La donne change tout de même si la détention
provisoire concerne les mineurs quant au délai et à la
prolongation.
Paragraphe II : La durée maximale de la
détention provisoire et sa
prolongation pour les
détenus mineurs
Ici, il nous convient d'analyser la durée de base en
matière criminelle ainsi que sa prolongation (A) et ensuite en
matière correctionnelle et sa prolongation (B).
A- La durée de base en matière
criminelle et sa prolongation
Selon la lettre de l'article 11 de l'ordonnance du 2
février 1945 relative à l'enfance délinquante, le juge des
libertés et de la détention est saisi par le juge des enfants ou
par le juge d'instruction. L'article 11 de l'ordonnance précitée
a été réécrit par la loi
« Perben » du 9 septembre 2002 (article 18).
En matière criminelle, la détention provisoire
des mineurs de moins de treize ans peut être décidée dans
les conditions de droit commun des majeurs, sans pouvoir dépasser une
durée de deux ans ou s'ils se sont volontairement soustraits des
obligations du contrôle judiciaire. Pour les mineurs de plus de 13 ans et
de plus de 16 ans ne peut excéder six mois, mais à titre
exceptionnel, une unique prolongation de six mois maximum est possible par une
ordonnance motivée d'après les considérations de droit et
de fait qui la fondent, rendue après débat contradictoire.
S'agissant des mineurs de 16 à 18 ans, la durée maximale de la
détention provisoire reste de deux ans (un an puis deux prolongations de
six mois) pour les crimes.
Ce cas particulier visant les mineurs, est abordé par
les textes de manière précise et restrictive. C'est à ce
titre que Jean Pradel évoquait à ce sujet d'un
« étranglement de la détention
provisoire ».
En effet, quelle que soit l'infraction reprochée au
mineur, ou dans l'hypothèse de non-respect des obligations du
contrôle judiciaire, la décision de placer en détention
provisoire est subordonnée à des conditions. C'est pour cette
raison que l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 qui en fixe
les règles est modifié en vue d'énoncer plus clairement
les cas dans lesquels, un mineur peut être placé en
détention provisoire. Il dispose désormais que le mineur
âgé de 13 à 18 ans mis en examen par le juge d'instruction
ou le juge des enfants ne peut être placé en détention par
le juge des libertés et de la détention qu'à deux
conditions particulières :
? S'il apparaît que cette mesure est
« indispensable » ou qu'il est
« impossible » de prendre toute autre
disposition ;
? Les obligations du contrôle judiciaire doivent
être insuffisantes.
Quant au lieu de la détention, quelque soit l'âge
du mineur, la détention provisoire doit être effectuée soit
dans un quartier spécial de la maison d'arrêt, soit
désormais dans un établissement pénitentiaire
spécialisé pour mineur73(*). Le mineur doit être, autant que possible,
être soumis à l'isolement de nuit. Par ailleurs, dans une
même affaire, en cas de révocation des obligations du
contrôle judiciaire pour un mineur précédemment
placé en détention provisoire, la loi du 15 juin 2000 a
prévu que la durée de la détention ne peut excéder
de plus d'un mois. Cette durée constitue une limitation par rapport
à l'interprétation qui prévalait74(*).
Pour les mineurs de 13 à 16 ans, la détention
provisoire n'est, en outre, autorisée que dans les établissements
garantissant l'isolement complet avec les détenus majeurs et
prévoyant la présence d'éducateurs.
Enfin, la loi met en place une procédure de suivi ayant
pour objet d'éviter la détention provisoire du mineur en cause.
Ce mineur doit faire l'objet dès sa libération, des mesures
éducatives ou de liberté surveillée adaptée
à sa situation. La situation est différente en matière
correctionnelle.
B- En matière correctionnelle et sa
prolongation
Pour le mineur de 13 ans révolus, il ne peut
être placé en détention provisoire que si la peine encourue
est supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement. Si
la peine encourue est inférieure ou égale à sept ans
d'emprisonnement, la durée de la détention provisoire est d'un
mois au maximum et à titre exceptionnel, elle peut être
prolongée une seule fois d'un mois. Si la peine est supérieure
à sept ans d'emprisonnement, la détention obéit au droit
commun des majeurs dans la limite de la durée d'un an. Le placement est
également possible quant le mineur se serait volontairement soustrait
aux obligations du contrôle judiciaire75(*).
Dans une décision du Conseil d'Etat, il a
été jugé que n'est pas contraire à la Constitution
le placement en détention provisoire d'un mineur réitérant
voire récidivant et ayant manqué aux obligations du
contrôle judiciaire en matière correctionnelle76(*).
C'est pour cette raison que Georges
Hages, député communiste du Nord,
déclarait dans le journal Humanité que le « mineur
de moins de seize ans ne devait jamais être placé en garde
à vue ni en détention provisoire en matière
correctionnelle »77(*).
Pour le mineur de 13 à 16 ans, en cas de
révocation du contrôle judiciaire, la durée de la
détention ne peut excéder 15 jours et renouvelable une fois
(article 11-2 de l'ordonnance de 1945). Si le délit est puni de 10 ans,
la durée est de un mois renouvelable une fois.
Pour le mineur de 16 ans au moins (art. 11 ord. 1945), la
durée est de 1 mois si la peine encourue ne dépasse pas 7 ans
avec une seule prolongation et à titre exceptionnel pour 1 mois maximum.
Dans les autres cas, 4 mois comme les majeurs avec possibilité de
prolongation après débat contradictoire, mais avec un maximum
d'un an en tout78(*).
Pour le mineur de 18 ans, la détention provisoire ne
peut excéder deux mois (un mois plus un mois avec débat
contradictoire) lorsque la peine encourue n'est pas supérieure à
7 ans d'emprisonnement. Dans les autres cas, les dispositions de
l'alinéa premier de l'article 145-1 du code de procédure
pénale s'applique (ord. 2 fév. 1945, art. 11, al. 2).
Mais il faut le rappeler, à titre exceptionnel, une
unique prolongation d'un mois maximum est possible, par une ordonnance
motivée d'après les considérations de droit et de fait qui
la fondent et rendue après débat contradictoire.
Lorsque la détention provisoire est ordonnée en
conséquence de la violation d'un contrôle judiciaire79(*) et que
l'intéressé a déjà été placé
en détention pour les mêmes faits, la durée cumulée
de ces deux détentions ne peut excéder plus d'un mois, les maxima
ordinairement prévus en matière criminelle ou correctionnelle.
Après cet aperçu sur la durée
légale de la détention provisoire, il convient en
conséquence d'examiner la question du délai raisonnable de la
détention provisoire conformément à la Convention
européenne des droits de l'homme et les effets de la détention
provisoire (Chapitre II)
CHAPITRE II :
La durée raisonnable et les effets de la
détention provisoire
Puisque la loi fixe la durée maximum de la
détention provisoire selon la peine encourue, de la matière ou
encore du passé du délinquant, quelle soit la situation, le
calcul se fait de quantième en quantième80(*). Cependant, malgré les
réformes entreprises pour adapter les textes à la
réalité sociale, la détention provisoire n'est pas sans
effets, plus ou moins remarquables. Notre nous conduira à étudier
ce délai dit raisonnable (section I) et ensuite nous nous pencherons sur
les effets de la détention (section II).
SECTION I : LA DUREE RAISONNABLE
L'article 144-1, al. 1, code de procédure pénale
dispose que la détention provisoire ne peut excéder une
durée « raisonnable », au regard de la
gravité des faits et de la complexité des investigations. Mais la
durée peut s'expliquer par les nombreux incidents procéduraux
dont l'intéressé est pour partie responsable. De cet
exposé bref, il convient d'analyser la durée raisonnable par
rapport à la Convention européenne des droits de l'homme
(Paragraphe I) et ensuite, la jurisprudence des juridictions de fond sur ce
délai (Paragraphe II).
Paragraphe I : Le délai raisonnable par
rapport à la Convention européenne des droits de l'homme
S'appuyant sur la CEDH (Convention européenne des
droits de l'homme), la cour a condamné la France plusieurs fois pour des
durées de détention trop longues.
En effet, la convention prévoit que
« toute personne arrêtée ou détenue a droit
d'être jugée dans un délai raisonnable ou
libérée pendant la procédure »81(*). Dans ses
décisions, la Cour de Strasbourg considère que les
« raisons plausibles de soupçonner la personne
arrêtée d'avoir commis une infraction constituent une condition
sine qua non du maintien en détention, mais au bout d'un certain temps,
cela ne suffit plus ». La Cour apprécie si les motifs
invoqués pour le maintien en détention continuent à
légitimer la privation de liberté. Ces motifs doivent être
« suffisants », « pertinents »
et justifiés par une « diligence
particulière » des autorités nationales
compétentes pour la poursuite de la procédure.
Dans chaque arrêt, la Cour européenne examine
l'ensemble des conditions de placement en détention provisoire (risque
de pression sur les témoins, le risque de fuite, l'insuffisance du
contrôle judiciaire etc .) et apprécie à partir de
quand le maintien en détention ne répond plus à ces
critères. C'est pourquoi, les modifications législatives
intervenues en 2000 ont eu pour objet de soumettre la procédure
française à ces exigences. Il n'en reste pas moins que toutes les
prolongations exceptionnelles risquent encore, dans bien des cas de poser
problème au regard de la jurisprudence de la Cour européenne. Son
texte qui consacre le mieux la matière est l'article 5-1c selon
lequel : « nul ne peut être privé de sa
liberté sauf dans les cas suivants et selon les voies
légales : c) lorsqu'il a été arrêté ou
détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire
compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner
qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire
à la nécessité de l'empêcher de commettre une
infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de
celle-ci ». Si l'on élimine les soupçons qui
pèsent sur la personne mise en examen, l'article 5-1c CEDH
énumère deux motifs de détention, le risque de
réitération de l'infraction et le risque de fuite82(*). La liste des privations de
liberté (l'article 5-1) énumérée revêt un
caractère exhaustif dont témoignent les mots « sauf
dans les cas suivants ». Ainsi, la Cour examine la
régularité et la légalité de la mesure privative de
liberté. Son adoption comme son exécution doivent être
conformes à la législation nationale et au but des restrictions
admises par l'article 5-1 CEDH, ce qui apporte une garantie du respect au droit
à la sûreté.
Bien entendu, ce texte énumère un certain nombre
de cas dans lesquels la détention peut être décidée
ou maintenue. De plus, l'article 5 § 3 de la convention affirme en
substance le droit pour le détenu « d'être
jugé dans un délai raisonnable ». Selon la Cour,
la durée de la détention provisoire ne doit pas dépasser
« les limites du raisonnable »83(*). L'applicabilité
de la convention a conduit la chambre criminelle de la Cour de cassation
à affirmer que les juridictions devaient veiller au respect de ce
délai. En effet, par la loi du 30 décembre 1996, le
législateur a introduit sur le modèle de la convention,
l'exigence d'une détention de durée raisonnable au
« regard de la gravité des faits reprochés à
la personne mise en examen et de la complexité des investigations
nécessaires à la manifestation de la
vérité »84(*).
Pour une meilleure application de la procédure, la Cour
de Strasbourg n'hésite pas à contrôler la durée de
la détention. C'est pourquoi, dans l'affaire Wemhoff85(*), la Cour
européenne justifie une détention de trois ans et demi
« en raison de la nature des infractions......., et de
l'extrême complexité de l'affaire ». Mais dans
l'affaire Neumeister, où la détention avait durée
deux ans et deux mois, la Cour a considéré que le maintien en
détention a violé l'article 5 § 3, en indiquant que le
danger de fuite invoqué doit s'apprécier au regard de divers
éléments (gravité des faits, caractère, ressources
et domicile de l'inculpé).86(*)
Cependant, au regard de la convention européenne, il
faut le rappeler, l'article 144-1 CPP a été inséré
par la loi du 30 décembre 1996. Cet article reprend le critère
européen tel la complexité de l'affaire. En pratique l'article
144-1 précité conduit les juges à adopter une motivation
plus précise que par le passé. Bien sûr, si le
détenu provisoire est responsable de l'allongement de la durée de
la détention, parce qu'il multiplie les incidences procéduraux,
l'article 144-1 CPP ne lui sera d'aucun secours87(*). La Cour de cassation n'entend pas contrôler si
la persistance de la détention provisoire est raisonnable au sens de
l'article 5-3 CEDH. Elle se contente de vérifier si les décisions
sont correctement motivées par référence aux dispositions
de l'article 144 du code de procédure pénale. La jurisprudence de
la Cour de cassation se borne, le plus souvent, à censurer les
décisions qui n'ont répondu aux conclusions en ce sens du mis en
examen sur le fond. Elle a tendance à dire que les moyens tirés
du caractère excessif soit de pur fait soit au mieux,
mélangés de fait et de droit88(*).
En revanche, la Cour européenne se montre très
soucieuse. Elle a ainsi jugé que la persistance de soupçons
plausibles à l'encontre du détenu ne suffit plus, à elle
seule, à justifier la détention « au bout d'un
certain temps » et qu'alors, le seul souci de préserver
l'ordre public et d'éviter le renouvellement de l'infraction ne peut y
suppléer89(*).
Quant à la procédure de saisine de la Cour
européenne, on recourt à l'article 5-4 CEDH selon lequel
« toute personne privée de sa liberté par
arrestation ou détenue a le droit d'introduire un recours devant le
tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la
légalité de sa détention ».
Le mis en examen n'a pas à patienter jusqu'à la
fin de la détention provisoire pour saisir la Cour européenne. Il
doit cependant avoir préalablement présenté des demandes
de mise en liberté aux juridictions compétentes. Il est
indispensable qu'il ait tenté tous les recours prévus par la loi
Française à l'encontre des refus de libération provisoire.
La Cour doit être saisie au plus tard dans les six mois de la cassation
de la détention provisoire, qu'elle résulte d'une remise en
liberté ou de la condamnation par la juridiction de jugement. Enfin, la
détention provisoire d'une personne condamnée qui a fait l'appel
de la sentence n'est pas prise en compte par la cour. Il convient de noter que
la procédure suivie devant la Cour européenne n'entraîne
pas la libération immédiate de celui qui subit une
détention excessive. La Cour ne fera que condamner l'Etat fautif
à des dommages intérêts. Il appartient aux autorités
nationales de prendre les mesures individuelles adéquates propres
à mettre un terme à la violation constatée et d'en effacer
les conséquences.
En définitive, on peut dire que la situation des
prévenus est anormale et inégale, en ce sens qu'une personne
exécute de fait une peine qui n'a pas été
prononcée.
La personne mise en détention est cependant incapable
d'assurer sa défense, car elle est mise en opposition frontale et
violente avec l'institution. Parce qu'elle est déjà
considérée comme coupable, mais surtout, parce qu'elle n'est pas
encore coupable, elle est victime.
Avec les prévenus, il est impossible de gérer la
peine ni rien entreprendre, d'autant que les inscriptions scolaires, les
formations professionnelles ou le travail ne sont pas possibles, puisque les
détenus sont en situation d'attente et se rendent
régulièrement à l'instruction.
Tout ce que la prison génère comme rupture est
pour eux injuste et rien, par conséquent, ne peut se construire90(*).
La Cour européenne nous réaffirme et nous
rassure que « l'existence d'indices graves de culpabilité
à l'égard de l'inculpé ne justifie, à elle seule,
le maintien en détention provisoire »91(*).
Si la pratique de la détention provisoire en France
suscite régulièrement des critiques notamment dans ces
dernières années, il est permis de penser que sa
réglementation au regard du droit positif interne n'est pas moins
favorable au respect de la présomption d'innocence, à la
prévention de la détention et à la limitation de sa
durée. Il conviendrait d'analyser la jurisprudence des juridictions de
fond sur le délai raisonnable.
Paragraphe II : Aperçu de la jurisprudence des
juridictions de fond
sur le délai raisonnable
La notion de délai raisonnable dans lequel l'article
5-3 de la Convention européenne donne à une personne le droit
d'être jugée est nécessairement indissociable du contexte
d'ensemble de l'affaire soumise à la justice et fait essentiellement
référence à un examen objectif des faits de la
cause92(*). En
conséquence ce sont des décisions des juridictions de fond qui
peuvent nous permettre d'illustrer ce que la jurisprudence française
entend par délai raisonnable.
En effet, selon l'article 5-3 de la Convention
européenne, n'est pas raisonnable un délai de 16 mois entre le
moment où l'accusé est renvoyé devant la Cour d'assises et
la date prévue pour sa comparution93(*). Dans le droit fil, un prévenu
soupçonné de recels de vols aggravés et de malfaiteur,
incarcéré depuis 4 ans en entendant son jugement depuis 1 an et
demi et dont la comparution devant la Cour d'assises ne doit intervenir avant
de nombreux mois ne bénéficie pas d'un délai raisonnable
de jugement au sens de la Convention européenne94(*).
Pour la Cour d'appel de Monpellier, la détention
provisoire d'une personne soupçonnée d'assassinat de plus de 3
ans et 4 mois apparaît comme excessive au sens de la Convention
européenne95(*). De
même, dans une affaire criminelle peu complexe dans laquelle le
détenu est incarcéré depuis plus de 2 ans alors que le
magistrat instructeur a entendu d'août à décembre pour
notifier le rapport d'examen mental et que le dossier est communiqué
depuis près de 6 mois au règlement, l'article 5-3 est
violé96(*).
Un arrêt de la cour d'appel de Douai est ainsi
rédigé « Attendu qu'il apparaît ainsi que
pendant près d'un an, entre novembre 1997 et octobre 1998, l'instruction
de cette affaire a marqué un temps au fond, sans cette
« stagnation » puisse s'expliquer, étant
observé que les diligences du juge d'instruction concernant la
personnalité des mis en examen sont antérieures à
décembre 1997 »97(*). De cette constatation, la cour a relevé
que la détention de la personne mise en cause excédait une
durée raisonnable au sens de l'article 144-1 du code de procédure
pénale et de l'article 5-3 de la convention européenne. On peut
donc prétendre sur ces constatations que le délai raisonnable est
bien pénétré dans la jurisprudence. Ainsi, dans
l'arrêt précité de Douai, c'est le procureur
Général qui avait requis la mise en liberté sur la base de
l'application des articles 5-3 de la convention et 144-1 du code de
procédure pénale.
Dans le respect de la Convention et de la procédure
pénale, un intéressant arrêt de la chambre d'accusation de
Versailles98(*) a tenu
compte de l'état de santé du détenu, en l'espèce
malade de sida, pour évaluer les chances de l'intéressé de
comparaître devant une juridiction de jugement.
On peut dire néanmoins que le problème principal
tient moins à la durée intrinsèque de la procédure
qu'aux moments prolongés d'inactivité. Une procédure
très longue mais où on a l'impression que les magistrats ont tout
fait ce qui était de leur pouvoir pour que la procédure soit plus
courte au regard des difficultés de chaque espèce.
Au regard de tout ce qui précède, la
détention provisoire n'est pas sans effets considérables sur la
personne des mis en examen.
SECTION II : Les effets de la détention
provisoire
La détention provisoire a pour principal effet, la
privation temporaire de liberté (paragraphe I) et le
caractère éventuellement préjudiciable de cette privation
de liberté (paragraphe II).
Paragraphe I : La privation temporaire de
liberté
La privation de liberté du détenu
s'exécute au sein d'une maison d'arrêt ou dans un quartier
spécial selon un régime distinct de celui applicable au
condamné. Le juge d'instruction peut donner des ordres relatifs à
la détention mais c'est l'administration pénitentiaire qui
définit les conditions de la détention.
Aux termes des articles 715 et D 55 du code de
procédure pénale, tant que dure l'instruction, le procureur de la
République dans les cas où la détention provisoire a
été décidée en dehors d'une instruction, et les
présidents des juridictions saisies, après l'instruction, peuvent
donner des ordres relatifs au régime de détention de
l'intéressé, auxquels la direction de la maison d'arrêt est
tenu d'obéir99(*).
Mais il est aisé de constater que, dans la
réalité, les magistrats ne jouissent pas d'une grande marge de
manoeuvre quant aux ordres donnés au détenu dans
l'établissement pénitentiaire. Ils ne peuvent pas modifier le
régime tel que défini par l'administration pénitentiaire
conformément au code de procédure pénale. Par exemple, il
leur serait impossible de modifier les horaires des activités du
prévenu, lui accorder ou retirer la permission de faire du sport, etc.
On constate qu'ils ne peuvent intervenir que sur certains points
édictés par le code de procédure pénale
soient :
? décider de l'interdiction de communiquer
prévue à l'article 145-4 du code de procédure
pénale. Ainsi, la détention provisoire ne suffit pas toujours
à se prémunir contre les pressions, voire les menaces
extérieures ou vers l'extérieur100(*). C'est pourquoi le juge peut ajouter une interdiction
de communiquer. Il s'agit d'interdire toute visite et tout courrier avec qui
que ce soit, femme, enfants, employeur, etc. Elle ne s'applique toutefois pas
à l'avocat.
La durée d'une telle interdiction ne peut
excéder dix jours, renouvelable, pour une même durée, une
seule fois, soit un total de vingt jours.
? accorder ou non les permis de visite.
Passé un délai d'un mois à compter du
placement en détention provisoire, le juge d'instruction pourrait encore
refuser d'accorder un permis de visite à certaines conditions s'agissant
des membres de la famille (son refus persistant après un mois à
compter du placement en détention devrait être motivé
spécialement au regard des nécessités de l'instruction.
Cette décision pourrait être déférée au
président de la chambre d'accusation)101(*). Par contre, il ne pourrait plus s'opposer à
la correspondance.
En revanche, il lit tous les courriers qu'envoie et
reçoit le prévenu selon les termes de l'article D 416 du code de
procédure pénale, courrier qui est par ailleurs lu par
l'établissement pénitentiaire.
Enfin, le juge de l'application des peines peut décider
que la peine s'exécute sous le régime du placement sous
surveillance électronique tel que prévus à l'articles
723-7 et suivant du code de procédure pénale102(*). Pour prendre sa
décision, le juge devra tenir compte de la situation de
l'intéressé, notamment, sa situation matérielle, familiale
et sociale et doit comporter des propositions propres à favoriser son
insertion sociale103(*).
Certes, le code de procédure pénale
aménage des conditions meilleures pour les prévenus et les
condamnés, il n'est pas surprenant que, bien que présumés
innocents, leur sort s'avère peu enviable.
S'il est de principe que les prévenus sont seuls en
cellule, cela n'est pas toutefois respecté car les maisons d'arrêt
qui les reçoivent, sont surpeuplées.
Un progrès a été fait. L'idée que
le détenu peut bénéficier de droits s'est
développée. Ainsi, l'article 1er de la loi du 22 juin
1987 sur le service public pénitentiaire rappelle que ce service
« favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui
sont confiées par l'autorité judiciaire ». La
privation de liberté vise désormais à appliquer au
condamné un traitement tendant à sa réadaptation sociale.
Et pour le garde des sceaux, en novembre 1988, le «détenu
demeure un citoyen, tout spécialement lorsqu'il bénéficie
de la présomption d'innocence ».104(*)
Si une lecture saine de l'article D 59 du code de
procédure pénale laisse supposé en théorie que les
prévenus sont affectés à un quartier réservé
qui leur est propre, la règle est difficile à observer en raison
de la surpopulation. Les prévenus bénéficient de trois
visites par jour et non une seule. Toutefois, il apparaît que cela n'est
qu'en théorie car, en maison d'arrêt, les visites ne durent que
trente minutes, contre plusieurs heures dans les autres établissements.
Il faut en outre signaler que dans les maisons d'arrêts, les
détenus n'ont pas accès au téléphone, sauf
instruction de la part des juges. Ces mesures parfois injustifiées
peuvent porter préjudice aux personnes mises en cause, souvent sans
fondement légitime.
Paragraphe II : La privation parfois
injustifiée et préjudiciable
Toute décision de placement en détention
provisoire n'est pas en soi préjudiciable à la personne qui en
fait l'objet. Si le détenu provisoire vient par la suite à
être condamné à une peine privative de liberté, la
période passée en détention est en effet imputée
sur la peine d'emprisonnement ou la réclusion ultérieurement
prononcée, tel est l'esprit de l'article 716-4 du code de
procédure pénale. Pour qu'il n'en soit pas ainsi, il faudrait que
le mis en examen soit, pendant l'instruction, détenu à titre
définitif pour une autre infraction déjà jugée et
non en concours réel avec celle poursuivie puisque le délinquant
exécuterait alors une condamnation définitive et non une
détention provisoire105(*).
Toutefois, même dans ce cas, l'amnistie de la
première condamnation restitue à la détention avant
jugement de la seconde sa nature de détention provisoire et donc une
déductibilité de la peine106(*).
La déduction ne peut se faire qu'à propos d'une
même condamnation ou d'infractions en concours réel mais non
d'infractions distinctes même imputables à la même personne
et même dans le cas où l'une d'elles donnerait lieu à un
non-lieu, un acquittement, une relaxe ou une peine autre que l'emprisonnement
après la détention provisoire107(*).
La détention étant perçue comme une forme
de pré-jugement, les juridictions de jugement peuvent être
tentées d'en couvrir la durée au moment d'entrer en voie de
condamnation. A notre avis, cette pratique ne peut être que regrettable
mais elle est malheureusement assez courante.
Le dommage qui résulte cependant de la détention
provisoire, est sensiblement plus important dans l'hypothèse où
le mis en examen est par la suite reconnu innocent comme indiqué
ci-dessus.
Si la poursuite pénale se termine par une sanction
autre que la privation de liberté, la détention provisoire ne
pourra donner lieu à aucune compensation. Là encore, cela ne peut
être qu'une injustice voire une inégalité des citoyens
devant la loi pénale même si l'argument avancé se
résume à la « nécessité de
l'instruction ». Dans ce cas, pourquoi ne pas placer le
détenu sous contrôle judiciaire sachant qu'il n'y a pas de raisons
plausibles pour douter du renouvellement de l'infraction, de la fuite de
l'intéressé ?
En somme, nous rejoignons la déclaration de Patrick
Devedjan, dans le journal Libération du 7 décembre 2005 selon
lequel « la liberté est un bien si précieux qu'il
doit être confié à l'ensemble de la société,
de manière transparente, sous le regard de l'opinion publique. En
public, il n'est pas possible de se contenter des petits secrets qui ont cours
dans le cabinet d'un juge d'instruction ». Dès lors,
cette liberté doit être respectée puisque consacrée
par les textes.
Si la détention provisoire en France suscite
régulièrement des critiques notamment dans ces dernières
années, il est permis de penser que sa réglementation au regard
du droit positif interne n'est pas moins favorable au respect de la
présomption d'innocence, à la prévention de la
détention et à la limitation de sa durée. Ce qui nous
amène à analyser cette mesure dans la pratique et le
système réparateur en cas d'abus (Partie II).
PARTIE II
LA DETENTION PROVISOIRE DANS LA PRATIQUE ; LA
REPARATION DU PREJUDICE EN RAISON D'UNE DETENTION INJUSTIFIEE
CHAPITRE I
LA DETENTION PROVISOIRE DANS LA PRATIQUE
Dans la pratique, les garde-fous édictés par le
législateur se révèlent-ils suffisants ? L'usage
effectif de la détention provisoire demeure-t-il réellement
modéré malgré son caractère efficace ?
A ces diverses problématiques, il est à noter
que malgré les efforts consentis par le législateur, notamment
depuis 1970, le nombre des détenus provisoires n'a pratiquement
cessé d'augmenter. De plus, il est aisé de remarquer que dans la
plupart des cas, les détentions sont prononcées, voire
exécutées au détriment des libertés individuelles
(Section I) même si, au cours de la procédure, une demande de
réduction de la durée de la détention peut être
sollicitée (Section II).
SECTION I : Conciliation brisée au
détriment des libertés
Individuelles
La conciliation textuelle entre protection des libertés
individuelles et les nécessités de la justice apparaît donc
dans la pratique comme brisée. Les moyens mis en place par le
législateur pour limiter le recours à la détention
provisoire se révèlent insuffisants. On peut déduire de
cela que le système juridique mis en place qui a subi autant de
réformes, est à présent lacunaire et flou. Ce qui implique
qu'il est donné au juge, un large pouvoir d'appréciation
(Paragraphe I), qui aboutit à un usage parfois excessif
de la détention (Paragraphe II).
Paragraphe I : Un pouvoir large d'appréciation
des juges
Ce pouvoir est voulu restreint par le législateur. Mais
au vu de l'imprécision des textes, même si les conditions
d'application sont déterminées, les notions qu'elles recouvrent
sont floues (A), ce qui donne au juge, un pouvoir d'interprétation
(B).
A- Le flou des textes
Le flou caractérise le système dès lors
que les normes ne sont pas déterminables, leurs règles
supérieures étant elles mêmes affectées
d'ambiguïté et d'imprécision. Le flou se constate dans les
textes relatifs à la détention provisoire.
Ainsi, Pierre CHAMBON met en exergue la lacune suivante :
celle concernant la gravité des indices nécessaires au placement
en détention. Si cette condition n'est pas prévue par les textes,
il n'en demeure pas moins qu'elle est nécessaire à la mise en
oeuvre de la détention provisoire, condition prétorienne mais
également floue. Qu'entend-t-on précisément par seuil de
gravité ?
Le juge d'instruction se contente en pratique d'indiquer
« attendu que les faits sont graves ; attendu que le
prévenu est de mauvaise moralité et a déjà
été condamné ». Ces éléments
isolés sont pourtant insuffisants pour motiver un placement en
détention provisoire. Que le fait poursuivi soit grave n'implique pas
que la personne mise en examen l'ait commis ; il en est de même si
le juge d'instruction se contente d'indiquer que la personne mise en examen a
mauvaise réputation. Il faut des indices suffisamment graves pour la
désigner comme auteur de l'infraction. Il est donc à
révéler que la lacune et le flou propres à cette condition
sont d'autant plus critiquables que dans les autres cas (article 63 et 105 du
code de procédure pénale) le degré de gravité des
indices est précisé.
Un autre exemple illustre parfaitement le flou des
textes : la notion d'ordre public causé par l'infraction (article
144 du code précité). Ce motif est le plus discuté. On
pourrait même songer à sa suppression en matière
correctionnelle. La raison en est de ce qu'il n'a pas de consistance claire et
que ses limites sont particulièrement floues. Ce qui permet au magistrat
instructeur ou au juge des libertés et de la détention une
utilisation abusive. Il est en effet possible de considérer que toute
infraction trouble plus ou moins l'ordre public du fait même de sa
réalisation et qu'il convient de préserver cet ordre par une
mesure de détention. Mais, la détention provisoire étant
considérée comme une mesure d'exception, elle doit être
décidée en considération d'un juste équilibre entre
deux impératifs :
? le respect de la liberté individuelle,
? la nécessité de la recherche de la
vérité judiciaire.
En faisant référence à l'ordre public,
selon la loi du 9 septembre 2002 la détention ou la prolongation d'une
détention ne doit pas être motivée par le critère de
l'ordre public sauf en matière criminelle et pour les délits
punis de moins de dix ans d'emprisonnement. Le critère de trouble
à l'ordre public ne peut justifier la détention que s'il s'agit
d'un trouble exceptionnel et persistant, résultant de la gravité
de l'infraction, des circonstances de sa commission ou de l'importance du
préjudice qu'elle a causé108(*).
Or, il est de règle par la jurisprudence de la chambre
criminelle de la Cour de cassation, qui exige par application stricte du texte,
que le juge expose en quoi l'ordre public est troublé par les faits
objectifs du dossier.
Autre lacune de la législation : celle de la
réforme de 1970 : si elle institue le contrôle judiciaire,
elle n'impose pas au juge qui use de la privation de liberté à
montrer dans son ordonnance en quoi cette mesure est insuffisante.
Ayant ainsi constaté que le législateur recourt
assez facilement à la technique du placement en détention
provisoire, sa mise en application par les interprètes du droit est
inquiètante.
B- Pouvoir d'interprétation des
juges
Le juge est nécessairement amené à faire
subir à la norme large une certaine interprétation qui la
rapproche de la norme la plus concrète. Le rapprochement de la norme
générale et du fait concret se réalise
nécessairement par la perception subjective du juge. A ce propos, on
peut évoquer un risque d'arbitraire.
En tout état de cause, le juge ne peut que prendre le
soin d'adapter l'interprétation des règles au résultat
social recherché. En cherchant à éviter des solutions
manifestement déraisonnables ou iniques, le juge apprécie selon
la justice et l'intérêt général. Pour éviter
ce risque d'arbitraire, de nombreuses théories ont été
élaborées sur le pouvoir d'interprétation des juges.
Ce pouvoir d'interprétation des juges a fait l'objet de
nombreuses controverses, les théories de l'interprétation
oscillant entre la primauté donnée au souci de
fidélité à l'égard du législateur et celui
d'adaptation aux besoins sociaux du moment.
A l'origine, selon l'idéologie de la décision
« déterminée », les mesures prises
par le juge sont le résultat d'opérations à
caractère logique ou mécanique. C'est la position du formalisme
juridique. Les estimations du juge n'existent pas ou ne jouent pas de
rôle dans la prise de décision ; les règles
appliquées forment un système complet et suffisent pour prendre
des décisions et le juge n'est que, selon Montesquieu, «la
bouche qui prononce les paroles de la loi ».
La liberté des justiciables est ainsi garantie par le
principe de la séparation des pouvoirs. « Les tribunaux ne
peuvent s'immiscer dans l'exercice du pouvoir
législatif »109(*). Ou encore « il est
défendu au juge de se prononcer par voie de dispositions
générales et réglementaires sur les causes qui leur sont
soumises »110(*).
Diverses écoles ont prôné cette
idéologie : l'école de l'exégèse, le
positivisme juridique ou l'analytique jurisprudence du 19e sicle
avec J. Austin, Landgell.
Ensuite, l'idéologie de la libre décision
judiciaire naît comme une critique radicale à l'idéologie
précédente et exprime les tendances anti-formalistes.
L'application du droit est basée sur les estimations des juges et les
textes ne peuvent pas la déterminer : le juge doit faire une libre
recherche des sources de sa décision par delà le droit positif et
peut décider non seulement praeter legem mais aussi contra
legem.
L'idéologie de la décision légale et
rationnelle est basée sur l'analyse des caractères du
raisonnement judiciaire, de la législation et du système de
droit. C'est l'esprit actuel du code de procédure pénale :
ni décision mécanique, ni liberté non
contrôlée.
En effet, compte tenu du flou de certains textes, les juges
ont un large pouvoir d'appréciation, ce qui signifie surtout que
même l'usage des exceptions est voulu comme restreint dans les textes.
Mais dans la pratique, ces organes peuvent en abuser. Il faut préciser
tout de même que les abus relatifs à la détention
provisoire ne sont pas seulement dus à la souplesse des textes mais
aussi aux échecs législatifs. Depuis la réforme de 1970
jusqu'à la nouvelle loi du 15 juin 2000, la volonté du
législateur était de réduire le nombre des placements en
détention. Mais à présent, le nombre des détentions
provisoires est encore considérable en France car, « la
détention provisoire concerne en réalité plus du tiers de
ceux qui sont sous les verrous »111(*).
Cependant, il est logique de penser et d'espérer que
l'impact de la nouvelle loi se fera tout de même sur le nombre actuel des
détentions, puisque désormais la mesure nécessite deux
juges ; il y a de fortes chances que la procédure, se trouvant
ainsi quelque peu alourdie et ralentie, dissuade la mise en
détention112(*).
Depuis le 12 juillet 1996, « la réforme Badinter, qui a
obligé le juge d'instruction à réorganiser un débat
contradictoire avant tout placement en détention, semble avoir
été bénéfique : depuis son adoption, la part
des prévenus est tombée de 52% à 40% »113(*) à nos jours.
Malgré les réformes et les tentatives
d'assouplissement de la détention, il n'en demeure pas moins, que son
usage est parfois excessif.
Paragraphe II : L'usage excessif de la
détention provisoire
Malgré des conditions d'application nombreuses, le flou
de certaines notions et l'insuffisance des réformes permettent un usage
excessif de la détention provisoire en raison de son apport efficace
à la justice. Le recours excessif de cette mesure est pernicieux car
attentatoire aux libertés individuelles. S'il est compréhensible
que le juge y recourt dans un souci d'efficacité de la justice, ceci ne
doit pas entraîner le mépris systématique des droits
individuels : la conciliation entre ces deux impératifs
constitutionnels devrait être, malgré tout, respectée. On
peut se poser la question, comment et pourquoi la mise en détention
provisoire, mesure exceptionnelle, est dans la pratique abusivement
usitée (A) et que cet abus manque de sanctions (B).
A- La mise en détention
provisoire
La population carcérale est en augmentation croissante
en France. Ces dernières années, elle a doublé en France.
Elle atteignait 59 197 personnes le 1er mars 2006, dont
19 368 prévenus (détenus en attente d'un jugement
définitif)114(*).
Le nombre de mineurs détenus est de 658, ce qui représente 1,1%
des détenus. Les raisons de cet accroissement sont entre autre :
1) l'allongement des peines prononcées : entre
2002 et 2005, la durée moyenne de la détention a
doublé ;
2) le nombre de libérations conditionnelles a seulement
augmenté et passe de 5013 au 1er avril 2002 à
5866 au 1er avril 2005;
3) un recours trop important de la détention
provisoire : 35% des détenus sont des prévenus, donc
présumés innocents, le placement en détention semble
souvent utilisé comme un moyen de pression, dans le seul objectif de
conduire le prévenu à passer aux aveux, selon l'Observatoire
Internationale des Prisons et l'administration pénitentiaire;
4) la détention de personnes qui ne devraient pas
être en prison : des étrangers détenus pour motifs
administratifs (des sans-papiers), les toxicomanes, parfois de simples
consommateurs ou de personnes ayant dealé pour acheter leur dose
personnelle etc. Des mesures appropriées peuvent être prises
à chacun de ces cas pour éviter des procédures inutiles et
souvent onéreuses.
Si la détention doit être théoriquement
subie dans des conditions moins difficiles que l'emprisonnement prononcé
à titre de peine115(*), cette théorie est cependant inexacte en
pratique. On constate avec aisance le surpeuplement pénitentiaire qui
frappe tout particulièrement les maisons d'arrêt, ce qui interdit
en pratique le respect les règles prévues par la loi.
Au 1er octobre 2005, la proportion de
prévenus dans l'ensemble de la population pénitentiaire
était de 36,1%. Au 1er janvier 2002, cette proportion
était de 33,2%.116(*)
Malgré cette diminution du taux et la volonté du
législateur de restreindre le recours à la détention, il
est à remarquer que chez certains de nos voisins européens, leur
population carcérale est exclusivement composée de
condamnés (Islande, Irlande, Chypre). Par comparaison, les Etats membres
du Conseil de l'Europe, on peut classer comme suit :
- En France, au 1er septembre 2005, la
densité carcérale, indice de la surpopulation,
s'établissait à 110,7%.
- En 2003, le taux de densité carcérale
atteignait 95,5% dans le Royaume Uni, 95% aux Pays-Bas et descendait
jusqu'à 80,9% en Suisse117(*).
- La surpopulation était atteinte en Allemagne avec un
indice de 101,9%, 107,4% en Belgique selon le Conseil de l'Europe.
Au regard de ces constatations, on observe que les textes qui
régissent la détention provisoire sont vagues, entraînant
un usage parfois illimité du placement en détention. La loi du 17
juillet 1970 n'a pas pu indiquer le degré de gravité des indices
nécessaires au placement en détention, alors qu'un tel niveau de
précision est déterminé dans d'autres hypothèses.
L'appréciation de la gravité et de la concordance des indices
recueillis implique alors une attention particulière118(*), puisqu'une erreur ou une
faute du juge qui ne procéderait pas à une mise en examen qui
s'imposait entraînant une annulation pour tardiveté de la mise en
examen. Par exemple, la loi prévoit avec précision que tel ou tel
fait est constitutif de telle infraction.
Cependant, il est unanimement déploré que la
détention provisoire demeure encore fréquente et aussi longue en
raison de l'atteinte à la liberté d'aller et venir et à la
présomption d'innocence.
Pour pallier cet usage, les mesures alternatives doivent
être prises, applicables aux détenus non dangereux et non
récidivistes en fonction de l'infraction commise. Ainsi, l'article
1er de la loi du 22 juin 1987 sur le service public
pénitentiaire rappelle que ce service « favorise la
réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par
l'autorité judiciaire ». La détention ne doit pas
entraver la réinsertion et la réadaptation sociale du mis en
examen. Un détenu en attente de jugement doit se sentir et doit demeurer
un citoyen pour respecter la présomption d'innocence. En outre, des
mesures adéquates doivent être envisagées pour les
détenus mineurs, les jeunes de moins de 21 ans. L'insertion sociale et
professionnelle doit être une priorité, à défaut, la
prison peut rendre plus dangereux qu'on ne peut l'imaginer. La détention
doit correspondre à une nécessité réelle et non une
simple utilité. Tous les abus et les excès doivent être
sanctionnés.
B- L'insuffisance des sanctions des
abus
Le juge des libertés et de la détention n'agit
pas sans contrôle, mais malgré les recours qui peuvent paralyser
sa décision, les abus relatifs à la détention provisoire
demeurent. Ainsi, la détention apparaît comme une mesure grave
puisqu'elle entraîne l'incarcération d'une personne dont la
culpabilité n'est pas certaine, et fait peser sur lui un
discrédit parfois injustifié. Mais il convient qu'une mesure
aussi grave ne soit jamais décidée à la
légère, ou par routine119(*). Cependant, la loi du 15 juin 2000, voulant mieux
encadrer le pouvoir conféré au juge d'instruction pour
procéder à une mise en examen et mieux garantir la
présomption d'innocence, les parlementaires ont tout mis en oeuvre pour
que le juge d'instruction ne recourt à la mise en examen que lorsque
celle-ci est justifiée120(*). A cette fin, ils ont, à l'instigation des
sénateurs, réformé la mise en examen en
réaménageant les conditions et la procédure de sa mise en
oeuvre que nous avons abordée dans la première partie.
En revanche, malgré un contrôle insuffisant des
acteurs de la détention provisoire, il n'en demeure pas moins que des
sanctions peuvent être prises à l'encontre des décisions
édictées par ces acteurs en la matière.
Ainsi, la sanction la plus radicale et la plus essentielle est
la censure de la décision et même de la procédure obtenue
par voie d'appel. Une ordonnance du juge des libertés et de la
détention n'acquiert le caractère définitif que si elle
n'a pas fait l'objet d'une voie de recours.
Les ordonnances de placement en détention, de
prolongation, de refus de mise en liberté, de mise en liberté
sous contrôle judiciaire peuvent être frappées d'appel, par
la personne mise en examen ou son avocat, dans un délai de 10 jours
dès notification de la décision. De même, le
ministère public qui est partie au procès a un droit d'appel sur
toutes les ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés en
la matière (article 185, al. 1er du code de procédure
pénale). Mais l'emploi des termes « toutes les
ordonnances....... » par l'article précité est
trompeuse, car il faut entendre par là, les ordonnances
juridictionnelles, celles par lesquelles le juge dit le droit et ne se contente
pas d'accomplir une formalité administrative121(*). Le procureur de la
République dispose de 5 jours pour exercer cette voie de recours. Le
délai d'appel est d'ordre public et l'appel porté tardivement est
irrecevable, sauf si l'appelant apporte la preuve d'une impossibilité
absolue, survenue au cours du délai d'appel, de remplir les
formalités exigées. Mais malgré l'appel interjeté,
la décision du juge en matière de détention est
immédiatement exécutoire, ce qui implique que l'appel n'a pas
d'effet suspensif. Pour remédier à ces inconvénients, la
loi du 24 août 1993 a instauré la procédure dite du
référé liberté (voir partie I, chapitre I).
Quant à la chambre de l'instruction, elle examine le
bien-fondé de la décision frappée d'appel et
vérifie la régularité de la procédure de placement
ou du maintien en détention provisoire, autrement dit la
régularité du titre de détention. Elle confirme ou infirme
l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
Faute pour la chambre de l'instruction de statuer sur les
moyens régulièrement soulevés dans le mémoire
déposé par le mis en examen ou son avocat et les
réquisitions formulées par le ministère public, sa
décision peut se voir sanctionnée par la Cour de cassation. Les
décisions de la chambre de l'instruction sont donc susceptibles de
pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Pour pouvoir
exercer ce recours, il est nécessaire que les parties aient connaissance
de la décision de la chambre de l'instruction, celle-ci étant
notifiée par lettre recommandée dans les trois jours aux avocats
du mis en examen et des parties civiles et, dans le même délai, au
procureur Général. Le délai pour former un pourvoi est de
cinq jours francs à compter de la notification ou de la signification de
l'arrêt pour le mis en examen et du jour où l'arrêt a
été rendu pour le procureur Général compte tenu de
sa présence lors du prononcé de la décision.
En règle générale, le délai du
pourvoi et le pourvoi lui-même sont suspensifs jusqu'à la
décision de la Cour de cassation. Le contentieux de la détention
provisoire échappe à cette règle. Ainsi, la chambre de
l'instruction qui décide de maintenir le mis en examen en
détention est immédiatement exécutoire nonobstant pourvoi
en cassation. On se demande jusqu'ici, pourquoi une telle mesure à
l'encontre du mis en examen ? Cela ne peut être qu'une violation de
la présomption d'innocence.
La Cour de cassation dispose de trois mois à compter de
la réception du dossier pour statuer, faute de quoi le mis en examen est
mis d'office en liberté. La Cour peut soit rejeter le pourvoi, ce qui
implique que la chambre de l'instruction avait respecté les conditions
prescrites par la loi, soit dans le cas contraire casser la décision et
renvoyer le dossier à une autre chambre de l'instruction qui aura
à statuer à nouveau.
Au regard de tout ce qui précède, le mis en
examen peut demander à tout moment de la procédure une
réduction de la durée de la détention provisoire.
SECTION II : La fin de la détention provisoire
La décision de placement en détention ayant dans
tous les cas un caractère provisoire, une mise en liberté peut
à tout moment être demandée par la personne qui n'est pas
définitivement condamnée. Dès lors, la fin de la
détention peut résulter d'une mise en liberté provisoire
(Paragraphe I), ou être sollicitée à la clôture de
l'instruction (Paragraphe II).
Paragraphe I : La décision de mise en
liberté
La Convention européenne des Droits de l'Homme et des
libertés fondamentales précise que toute personne
arrêtée ou détenue a le droit d'être
libérée pendant la procédure122(*). Notre droit positif va
totalement dans ce sens lorsqu'il prévoit que, en toute matière
(délictuelle ou criminelle), la mise en liberté peut être
ordonnée par le magistrat instructeur ou le juge des libertés et
de la détention. Cette libération peut être faite d'office
ou sur réquisitions du ministère public (A), soit sur demande
formulée par le mis en examen ou son conseil (B).
A- La mise en liberté d'office ou sur
réquisitions du ministère public
Le juge peut prendre lui-même l'initiative, en dehors de
toute demande, de remettre le mis en examen en liberté. Il prend cette
décision lorsqu'il estime que la détention n'est plus
nécessaire dans le dossier dont il a la charge. Ce qui implique
qu'à tout moment de la procédure, le juge d'instruction
peut123(*), après
avoir pris les réquisitions du procureur de la République, mettre
en liberté le détenu provisoire, avec ou sans contrôle
judiciaire. Selon la lettre de l'article 147, alinéa 1er du
code de procédure pénale, la personne doit prendre l'engagement
de se présenter à tous les actes de la procédure
aussitôt qu'elle sera requise et de tenir informé le magistrat
instructeur de tous ses déplacements. L'avis du parquet n'est pas
nécessairement donné par écrit, et un avis verbal
n'entache pas de nullité l'ordonnance de mise en
liberté124(*) ou
il n'est nullement nécessaire de procéder à un
débat contradictoire équivalent à celui qui est
exigé pour le placement en détention125(*). De tout ce qui
précède, le juge est libre de prendre une décision
indépendamment des termes de l'avis du ministère public. Dans ce
cas, lorsqu'il décide de la mise en liberté de
l'intéressé, il doit succinctement motiver son ordonnance,
l'intéressé n'ayant bien entendu aucun intérêt
à faire appel.
Au contraire, si le juge ne suit pas les réquisitions
du procureur de la République, il doit dans les cinq jours suivant les
réquisitions, transmettre le dossier de la procédure,
accompagné de son avis motivé, au juge des libertés et de
la détention qui doit statuer dans les trois jours ouvrables (article
147, alinéa 2, du code de procédure pénale). Faute par le
juge des libertés et de la détention de statuer dans le
délai légal, le procureur de la République peut
directement saisir la chambre de l'instruction, laquelle doit statuer dans les
vingt jours de sa saisine, à peine de mise en liberté d'office de
l'intéressé, à moins que des vérifications ne
soient nécessaires (article 148, dernier alinéa code de
procédure pénale).
Il faut noter ici que la chambre de l'instruction, quel que
soit le mode de sa saisine, a la possibilité de décider d'office
une mise en liberté126(*). Elle doit seulement entendre le ministère
public. Elle peut aussi être saisie spécialement à cette
fin par son président investi du rôle personnel de veiller
à ce que la détention provisoire ne dépasse pas les cas
où elle est nécessaire ni les durées raisonnables (article
223 du code de procédure pénale). En tout cas, la liberté
doit survenir dans les délais qui sont imposés soit par le droit
interne, soit par la Convention européenne des droits de l'homme. Mais
la détention provisoire française a quelquefois été
contestée au regard de la Convention européenne
précitée notamment, dans ses articles 5 § 3 selon
lequel « toute personne arrêtée ou
détenue...a le droit d'être jugée dans un délai
raisonnable ou libérée pendant la procédure »
qui met en cause la durée globale de la détention provisoire
et 5 § 4 selon lequel « toute personne privée de sa
liberté......a le droit d'introduire un recours.......afin qu'il soit
statué à bref délai....... », qui met en
cause le délai du jugement des voies de recours formées contre la
mise en détention ou le refus de mise en liberté.
La France a été condamnée plusieurs fois
par la Cour européenne pour violation de l'article 5 § 3127(*). Ces délais
n'impliquent pas cependant que soit nécessairement prise une
décision sur le fond128(*).
La demande de mise en liberté peut également
être effectuée par l'avocat de la personne détenue ou par
la personne elle-même.
B- La demande de mise en liberté par la
personne détenue ou son conseil
La demande de mise en liberté doit être
adressée en règle générale au juge d'instruction
qui, dès réception, doit en aviser le procureur de la
République dans les plus brefs délais129(*). Le magistrat instructeur
peut accueillir favorablement la requête et décider de remettre en
liberté la personne, au besoin sous contrôle judiciaire. Dans le
cas contraire, il doit remettre la demande au juge des libertés et de la
détention, accompagnée de son avis motivé et ce, dans les
cinq jours qui suivent la communication du dossier au procureur (article 148
al. 2 du code de procédure pénale). Le juge des libertés
statue ensuite dans les trois jours de la transmission. Une telle
possibilité ouverte au mis en examen peut être source de
contentieux qualitativement et quantitativement très importante.
1°) En la forme, la personne étant, par
hypothèse, détenue, la demande est faite :
- soit par déclaration au greffe de la juridiction
d'instruction saisie du dossier, déclaration constatée et
datée par le greffier et signée par le demandeur ou son avocat
(article 148-6, al. 1°-2° du code de procédure pénale).
Ce qui suppose que l'avocat accomplisse cette formalité ;
- soit par une déclaration, signée par le
demandeur, auprès du chef de l'établissement
pénitentiaire, que celui-ci constate, date et signe et adresse sans
délai, en original ou en copie, au greffier de la juridiction saisie du
dossier (article 148-7 du code de procédure pénale).
Ces formalités sont considérées par la
Cour de cassation comme essentielles même si le greffier signe un acte
constatant la réception de la lettre130(*).
Lors de sa demande, le mis en examen doit prendre l'engagement
de se présenter à tous les actes de la procédure
aussitôt qu'il en sera requis et de tenir informé le magistrat de
ses déplacements.
2°) Le délai pour statuer. Une fois les
formalités ci-dessus accomplies, le juge d'instruction communique
immédiatement le dossier au procureur de la République pour que
celui-ci prenne ses réquisitions. L'ordonnance de soit-communiqué
utilisée à cette fin n'a aucun caractère juridictionnel et
la loi ne fixe pas de délai pour cette communication, ce qui parait
regrettable dans une telle matière. Mais la chambre criminelle
considère que la loi a confié à la conscience du juge
d'instruction le soin d'ordonner la communication dans le plus bref
délai de la demande de mise en liberté131(*). Le juge d'instruction peut
y faire droit et remettre en liberté le requérant. Cette
disposition est aussi importante car, le juge doit transmettre dans les cinq
jours de la communication du dossier au ministère public,
accompagné de son avis motivé, au juge des libertés et de
la détention qui doit statuer dans les trois jours ouvrables132(*).
Faute par le juge des libertés de statuer dans le
délai légal de trois jours, le requérant peut saisir
directement de sa demande la chambre de l'instruction133(*), laquelle doit statuer dans
les vingt jours de sa saisine, à peine de mise en liberté
d'office de l'intéressé.
En revanche, en cas de rejet de demande de mise en
liberté, quant à l'ordonnance du juge des libertés et de
la détention rejetant la demande, nous retiendrons que :
- elle doit être motivée et en fait en droit
(article 148, al. 3 du code de procédure pénale). Seul le rejet
de la demande doit être motivé, cette formalité
étant substantielle134(*) ;
- elle doit comporter une
« surmotivation » lorsque la détention
accomplie dépasse la durée de huit mois en matière
correctionnelle et d'un an en matière criminelle135(*).
Cependant, la personne détenue peut faire appel de
l'ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant sa
mise en liberté dans un délai de dix jours à compter de la
notification de la décision. Mais en pratique, la plupart des
ordonnances de placement en détention et de prolongation sont
confirmées par la chambre de l'instruction. Au même titre que
l'intéressé, le procureur de la République peut faire
appel de la décision du juge d'instruction ou du juge des
libertés et de la détention dans un délai de cinq
jours.
En dépit de ces procédures classiques, lorsque
la personne détenue n'a pas comparu depuis au moins quatre mois devant
le juge d'instruction et que l'instruction n'est pas terminée, elle peut
adresser une demande de mise en liberté directement à la chambre
de l'instruction. Celle-ci doit statuer dans les vingt jours de sa saisine
(article 148-4 du code de procédure pénale).
Après cet aperçu général sur la
demande de mise en liberté du mis en examen, il convient d'examiner
cette procédure à la clôture de l'instruction ou le
règlement.
Paragraphe II : Le règlement de l'instruction
à la clôture
A la clôture de l'instruction, la mise en liberté
peut être demandée en matière criminelle (A) ainsi qu'en
matière correctionnelle (B).
A- En matière criminelle
L'ordonnance de prise de corps mise à exécution
selon l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction en matière criminelle
demeure valable jusqu'au jugement définitif des faits et cela même
s'il y a renvoi à une session de la Cour d'assises plus tardive que
celle qui était prévisible136(*). Cependant, l'accusé est remis en
liberté s'il n'a pas comparu dans un délai d'un an même si
la chambre de l'instruction a la faculté de proroger ce délai de
deux fois six mois par une audience à laquelle, la comparution de
l'accusé est de droit s'il le demande. Par ailleurs, il n'y a plus de
délai spécifique pour la comparution devant la cour d'assises
d'appel après condamnation par la cour d'assises de première
instance. Il faut savoir que dans la pratique, les juges ont très
largement recours aux dispositions exceptionnelles. La personne détenue
peut faire appel de l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises
qui, par elle-même, prolonge la détention provisoire en cette
matière.
Dans le même ordre d'idée, l'accusé peut
être libéré par le juge d'instruction ou la chambre de
l'instruction au moment de la clôture de l'instruction car, depuis la
réforme opérée par la loi du 15 juin 2000, l'accusé
n'est plus tenu de comparaître détenu à l'audience. En ce
qui concerne les personnes renvoyées pour délits connexes
à des crimes le régime du maintien en détention provisoire
est le même qu'en matière correctionnelle sous réserve d'un
délai de prolongation plus long (six mois au lieu de deux, article 181,
al. 6 du code de procédure pénale).
B- En matière
correctionnelle
En principe, la détention provisoire cesse avec
l'instruction dans cette matière. Donc, l'ordonnance de règlement
met fin à la détention (article 179, al. 2 du code de
procédure pénale), qu'elle soit de non-lieu ou de renvoi devant
la juridiction de jugement. Mais, dans ce dernier cas, le juge d'instruction
peut souhaiter maintenir le mis en examen, devenu prévenu, en
détention jusqu'à sa comparution devant le tribunal. Dans ce cas,
il doit rendre une ordonnance distincte et spécialement motivée
par les « éléments de l'espèce
expressément énoncés dans l'ordonnance qui doivent
justifier cette mesure particulière par la nécessité
d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes,
de prévenir le renouvellement de l'infraction, de protéger le
prévenu ou de garantir son maintien à la disposition de la
justice » ou encore, « lorsque l'infraction, en
raison de sa gravité, des circonstances de sa commission ou de
l'importance du préjudice qu'elle a causé, a provoqué un
trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public auquel le maintien
en détention provisoire demeure l'unique moyen de mettre
fin »137(*).
Si l'ordonnance de clôture du juge d'instruction avait
été frappée d'appel, le même droit appartient
à la chambre de l'instruction aux termes de l'article 213, al. 2 du code
de procédure pénale. La remise en liberté intervient
d'office si le tribunal correctionnel n'a pas statué dans les deux
mois.
Au regard de tout ce que nous venons d'exposer, lorsqu'une
affaire se termine par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, la personne
poursuivie qui a fait l'objet d'une détention provisoire peut avoir
à coeur obtenir réparation de cette détention injustice
(Chapitre II). L'indemnité est due au titre de la réparation du
préjudice moral et matériel subi.
CHAPITRE II
Réparation et indemnisation des victimes d'une
détention provisoire injustifiée
Il apparaît aujourd'hui normal qu'une personne puisse,
à certaines conditions, obtenir réparation pour le temps qu'elle
a passé en détention provisoire dans le cas où son dossier
ne débouche pas sur une condamnation. Cette détention a pu
entraîner de lourdes conséquences sur la vie familiale du
détenu, lui faire perdre son emploi et le déconsidérer
socialement, surtout si la presse s'est fait l'écho de son dossier.
L'exemple le plus remarquable est les acquittés d'Outreau où, ces
gens ont été considérés parfois par la
société comme des monstres. Une indemnisation juste doit
compenser ces différents préjudices même si, elle n'efface
pas l'affront qu'ils ont eu. Toutes ces personnes auront du mal à
regagner la confiance de la société et d'avoir un travail
digne.
En effet, cette indemnisation est-elle soumise à des
règles où tous les détenus relaxés ou
acquittés peuvent prétendre ? Si la réponse est
affirmative, quel est le régime juridique de cette indemnisation
(Section I).
Si le régime juridique de l'indemnisation obéit
à des conditions édictées par la loi, les détenus
lésés peuvent-ils exercer des recours pour faire valoir leurs
droits ? (Section II).
SECTION I : Le régime juridique de
l'indemnisation
Les dispositions relatives à la réparation des
détentions provisoires injustifiées ont été
sensiblement modifiées par la loi n°2000-516 du 15 juin 2000,
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes, et la loi n°2000-1354 du 30 décembre 2000
tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus
innocents.
Sur le fond, alors que le système instauré par
la loi n°70-643 du 17 juillet 1970 prévoyait la faculté pour
le juge d'indemniser un « préjudice anormal et d'une
particulière gravité », condition qui devait
être supprimée par la loi n°96-1235 du 30 décembre
1996, les dispositions nouvelles modifiant les articles 149 et suivants du code
de procédure pénale ont établi un régime de
réparation obligatoire du préjudice tant matériel que
moral subi par une personne ayant bénéficié d'un non-lieu,
d'une relaxe ou d'un acquittement devenus définitifs, après avoir
été détenue provisoirement.
Cependant, quelles sont les conditions d'indemnisation
instaurées par la loi du 15 juin 2000 et les dispositions
subséquentes ? Les dispositions nouvelles relatives à la
réparation des détentions injustifiées posent le principe
de la réparation intégrale du préjudice subi à
raison d'une détention provisoire injustifiée (Paragraphe I), et
il conviendrait, pour l'avenir, d'une amélioration du système de
cette indemnisation (Paragraphe II).
Paragraphe I : La réparation intégrale
du préjudice subi à raison
d'une détention provisoire
injustifiée
La loi du 30 décembre 2000 modifie l'article 149 issu
de la loi du 15 juin 2000 en prévoyant que « sans
préjudice de l'application des dispositions des deuxième et
troisième alinéas de l'article L. 781-1 du code de l'Organisation
judicaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au
cours d'une procédure terminée à son égard par une
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive a droit, à sa demande, à réparation
intégrale du préjudice moral et matériel que lui a
causé cette détention »138(*). Le recours aux
dispositions des articles 149 et suivants précités n'exclut pas
la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats à raison de
leur faute personnelle dans le cadre d'une détention provisoire
injustifiée (tel est le cas actuellement du juge d'instruction Fabrice
Burgaud qui fait la Une des médias et mis en cause par l'opinion
publique dans l'affaire d'Outreau).
Par ailleurs, sans que ce point soit nouveau par rapport au
droit antérieur, la réparation d'une détention
injustifiée peut également être sollicitée par la
mise en responsabilité de l'Etat du fonctionnement défectueux du
service de la justice en application de l'alinéa premier de l'article L.
781-1 du code de l'organisation judiciaire. Ce qui implique que le recours
à cette disposition nécessite la démonstration d'une faute
lourde ou d'un déni de justice. Mais les articles 149 et suivants, il
faut le noter, ne trouvent pas à s'appliquer dans l'hypothèse
où la personne a été condamnée à une peine
de prison avec sursis et qui aurait subi une détention provisoire dont
la durée était excessive.
Cette indemnisation obéit-elle à des conditions
notamment par rapport au requérant ? Si des conditions doivent
être remplies pour prétendre à la réparation du
préjudice subi (A), quelles sont les conséquences de cette
réparation (B).
A- Les conditions de fond de la
réparation
Le demandeur doit avoir subi une mesure de détention
provisoire qui s'est soldée, à son égard, par une
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive.
Outre cette mesure de détention, il peut
également s'agir d'une mesure d'incarcération provisoire. Ces
deux mesures ayant pu au demeurant se cumuler. De même, la
détention peut également avoir été subie dans le
cadre d'une procédure d'information judiciaire ou d'une procédure
de comparution immédiate.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu de distinguer selon que la
mesure de détention provisoire ait été ordonnée
à titre principal ou qu'elle résulte de la révocation d'un
contrôle judiciaire. La commission nationale de réparation des
détentions139(*)
a jugé en ce sens le 28 juin 2002 (n°02RDP012) en
considérant que l'article 149 du code de procédure pénale
n'opère aucune distinction entre la mesure de détention
provisoire ordonnée en application de l'article 144 du même code
et celle prononcée sur le fondement de l'article 141-1 dudit code,
à raison de la soustraction volontaire, par l'intéressé,
des obligations de son contrôle judiciaire.
En revanche, l'internement d'un détenu reconnu en
état de démence au temps de l'action et bénéficiant
à ce titre d'un non-lieu ne peut être assimilé à une
détention provisoire140(*).
Cependant, dans l'hypothèse d'une condamnation
partielle, une distinction doit être faite entre la déclaration
partielle de culpabilité fondée sur des faits punis d'une peine
d'emprisonnement autorisant la détention provisoire, cas dans lequel la
demande doit être déclarée irrecevable et la
déclaration fondée sur des faits punis d'emprisonnement mais
n'autorisant pas la détention provisoire, entraînant de ce fait,
la recevabilité de la demande. Cette distinction est notamment une
décision rendue par la commission nationale d'indemnisation de la
détention provisoire141(*). De même, pour pouvoir prétendre
à l'indemnisation, la loi du 17 juillet 1970 avait posé comme
condition que le demandeur apporte la preuve que la détention provisoire
lui ait causé un « préjudice manifestement anormal
et d'une particulière gravité ». Ainsi, pour
appréhender le caractère « manifestement
anormal » du préjudice, la commission vérifiait les
conditions dans lesquelles la décision de placement en détention
provisoire avait été prise par le juge. Elle recherchait si la
mesure n'était pas due par un laxisme du juge ou encore à un
fonctionnement défectueux du service de la justice. On peut citer par
exemple de l'absence ou le remplacement tardif du magistrat ayant en charge
l'affaire142(*). En ce
qui concerne la seconde condition, celle d'un préjudice
« d'une particulière gravité », celle-ci se
déduisait d'elle-même à partir du moment où le
préjudice manifestement anormal était démontré.
Depuis le 31 Mars 1997, l'article 149 modifié par
l'article 9 de la loi du 30 décembre 2000 ne soumet plus l'indemnisation
à la preuve d'un préjudice manifestement anormal et d'une
particulière gravité. Les conditions sont assouplies puisque
désormais, l'indemnité est octroyée au requérant
lorsque cette détention lui a causé un préjudice.
En revanche, le corollaire du droit à la
réparation intégrale du préjudice subi à la suite
d'une détention provisoire injustifiée prévoit trois cas
d'exclusion de toute réparation, prévus à l'article 149-1
du code de procédure pénale :
1°)- L'irresponsabilité du demandeur.
Est exclue en premier lieu la réparation du
préjudice dans le cas où la décision de non-lieu, de
relaxe ou d'acquittement aurait pour seul fondement la reconnaissance de
l'irresponsabilité du demandeur au sens de l'article 122-1143(*) du code pénal. Ce qui
impose de rechercher dans les motifs de la décision si la preuve de
culpabilité de la personne a été apportée et si ce
n'est qu'en raison de son seul état mental que la décision a
été prononcée144(*).
2°)- L'amnistie.
Est exclue en deuxième lieu la réparation en cas
d'amnistie lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement
se fonde sur ce seul motif. L'amnistie doit être par ailleurs
postérieure à la mise en détention provisoire. Toutefois,
dans le cas où l'amnistie intervient postérieurement à la
mise en détention provisoire de l'intéressé et qu'elle
s'applique à l'évidence à la procédure en cours, si
la remise en liberté de l'intéressé n'est pas
décidée dans un délai raisonnable, une réparation
pourrait être envisagée pour la partie de la détention
postérieure à l'amnistie sur le fondement de l'article 781-1 du
code de l'organisation judiciaire145(*).
3°)- Le fait de s'être volontairement et
librement accusé ou laissé accuser à tort en vue de faire
échapper l'auteur des faits aux poursuites
Il s'agit de conditions cumulatives. La personne doit avoir
recherché à faire échapper le véritable auteur des
faits aux poursuites et de cette manière libre et volontaire. Dans
l'hypothèse où une personne se serait accusée à
tort en vue de faire échapper le véritable auteur des faits aux
poursuites, mais, à la suite des pressions ou de menaces sur sa personne
l'ayant contraint à agir de la sorte, il semble qu'elle puisse avoir
droit à réparation. Il en est de même si la personne a
été accusée à tort, par exemple par faiblesse
mentale, sans avoir eu l'intention de faire échapper l'auteur des faits
aux poursuites146(*).
En somme les conditions d'indemnisation ci-dessus
évoquées et les éventuelles exclusions du droit à
réparation. En tout état de cause, la commission conserve
toujours un pouvoir d'appréciation tant sur le principe de la
réparation que sur celui concernant le quantum du préjudice
subi147(*).
Force est de constater avec regret que ce pouvoir
d'appréciation a été exercé de façon assez
restrictive puisque la hausse des indemnités allouées par la
commission nationale d'indemnisation a, a priori, régressé par la
suite.
En effet, la somme totale des indemnités
allouées en 1998 a été de 3.734.000 Francs contre
4.094.000 en 1997, soit une baisse de plus de 8,79%148(*).
Mais toutes ces mesures prises par la commission
d'indemnisation et à l'égard des requérants ne vont pas
sans conséquences sur le principe de la réparation.
B- Les conséquences du principe de la
réparation intégrale du préjudice
Il résulte des principes nouveaux qu'une
détention provisoire injustifiée cause un préjudice qui
doit être intégralement réparé si le demandeur en
fait la demande et il appartient au juge selon le droit commun de la
responsabilité d'évaluer ce préjudice.
Sur ce point, la loi du 30 décembre 2000 a
précisé que la réparation devait être
intégrale, le législateur ayant souhaité accorder aux
personnes concernées davantage que « des indemnités
le plus souvent forfaitaires et souvent très
faibles »149(*).
Bien entendu, la commission nationale de réparation des
détentions rappelle ainsi de manière constante dans ses
décisions qu' « une indemnité est
accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet
d'une détention provisoire terminée à son égard par
une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive » et que « cette
indemnité est allouée en vue de réparer
intégralement le préjudice personnel, moral et matériel
directement lié à la privation de
liberté »150(*). Mais il est vrai, la réparation du
préjudice subi ne peut être que matériel. Une
réparation d'ordre moral ne peut être qu'une fiction car, rien au
bon sens, ne peut réparer une atteinte à l'honneur, à la
dignité d'une personne tant à l'égard de sa famille
qu'à l'égard de la communauté dans laquelle elle vit.
Par ailleurs, pour une éventuelle indemnisation du
requérant, le comportement de celui-ci ne doit pas être pris en
considération dans la détermination du préjudice. C'est
ainsi que, dans une décision du 27 mai 2002 (n°01 RDP 017), la
commission nationale de réparation des détentions a
considéré que les dénégations du requérant
au cours de l'enquête préliminaire et de l'instruction
préparatoire étaient sans portée sur le principe et le
montant de la réparation. De même, elle a jugé le 28 juin
2002 (n°01 RDP 025) que les éventuels aveux du requérant ne
sauraient être tenus comme faute ayant contribué à la
réalisation du dommage, précisant le 19 septembre 2002 (n°01
RDP 016) et le 11 octobre 2002 (n°02 RDP 015) que le fait d'avoir reconnu
les faits au cours de l'enquête préliminaire ne saurait être
une cause de diminution de la réparation à raison de la
détention provisoire.
En somme un aperçu des conséquences
immédiates de l'indemnisation en raison d'une détention
provisoire. A cet effet, comment peut-on évaluer le préjudice
subi ? Si le préjudice doit être évalué, quel
est le/les critère d'évaluation du préjudice
matériel et moral ?
Il résulte donc des décisions de la commission
nationale d'indemnisation que, seuls les préjudices personnels
directement liés à la privation de liberté sont
susceptibles d'être réparés151(*).
En ce sens, la réparation des préjudices
personnels exclut la réparation des préjudices subis par les
proches du requérant d'une part.
La commission a ainsi jugé le 28 juin 2002 (n°02
RDP 012) que « seul le préjudice moral découlant
directement de la mesure de détention doit donner lieu à
réparation ; que tel n'est pas le cas du préjudice
allégué, en ce qui concerne l'épouse du requérant
et son fils ». Statuant dans le même sens, le 8 novembre
2002 (n°02 RDP 034) s'agissant du préjudice moral de
l'épouse du requérant ou le 21 novembre 2002 (n°02 RDP 035)
s'agissant du préjudice résultant du traumatisme causé aux
proches du demandeur.
D'autre part, seuls les préjudices causés par la
privation de liberté peuvent être réparés en
application de l'article 149 du code de procédure pénale et non
ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales
elles-mêmes, des mesures de sûreté autres que la
détention ou du retentissement médiatique de l'affaire152(*).
De ce qui précède, comment évaluer le
préjudice matériel subi par le demandeur ?
1°) - Le préjudice
matériel
Il résulte des décisions rendues par la
commission que les différentes demandes doivent être
justifiées et être en lien direct avec la privation de
liberté. Ainsi, dans les décisions précitées du 13
octobre 2000 et du 15 décembre 2000, la commission relève que le
requérant ne verse aucune pièce de nature à justifier le
montant du préjudice matériel dont il demande réparation
rejetant la demande au titre du préjudice matériel. Dans le
même sens, la commission rendue des décisions infirmant celles des
premiers présidents ayant alloué des dommages et
intérêts au titre de réparation du dommage matériel
alors qu'aucune pièce de nature à justifier le montant du
préjudice n'avait été versée153(*).
Elle a enfin rejeté le préjudice lié au
dépôt de bilan de la société dirigée par le
requérant, jugeant qu'il s'est écoulé vingt mois entre
l'incarcération et le dépôt de bilan de ladite
société, dans laquelle l'épouse du requérant a
continué à travailler pendant la durée de la
détention154(*).
Nonobstant les chefs de préjudice
précédemment évoqués, le préjudice
matériel peut consister en la perte d'un emploi suite à un
licenciement consécutif à une incarcération,
résultant de la perte de salaire durant l'incarcération, la perte
de revenus après licenciement ou du préjudice économique
découlant de la difficulté pour retrouver un emploi155(*).
En tout état de cause, le demandeur doit
démontrer le lien de causalité entre sa détention et le
préjudice qu'il a subi. Cette indemnisation au titre du préjudice
matériel a-t-elle le même critère que le préjudice
moral ?
2°) - Le préjudice
moral
Le demandeur doit démontrer le lien de causalité
entre sa détention et le préjudice subi.
Le préjudice moral peut être lié à
l'apparition d'une maladie. Ainsi, dans une décision de la commission en
date du 15 décembre 2000, elle a jugé qu'au vu du rapport
d'expertise, que la maladie dont souffre la requérante est apparue en
1998 au cours de la détention provisoire et qu'il n'existe pas de lien
de causalité entre l'incarcération et une prise en charge tardive
(25 jours sans soin).
D'une manière générale et dans plusieurs
décisions du 21 novembre 2002 (n°02 RDP 027, 02 RDP 041, 02 RDP
036, 02 RDP 035), la commission a jugé que l'article 149 du code de
procédure pénale ne répare que le préjudice moral
et matériel causé par la détention et que n'entrent pas
dans le champ de ces dispositions spéciales les dommages
résultant de la publication d'articles de presse mettant en cause le
demandeur même s'ils relatent son arrestation, sa mise en examen, son
incarcération et s'ils portent atteinte à la présomption
d'innocence dont il bénéficie.
Il faut noter dans le même sens que, l'impact
psychologique consécutif à une détention provisoire subie
est pris en considération par la commission de réparation des
détentions. Ainsi, elle a relevé que le fait que le demandeur a
souffert d'un état d'anxiété directement lié
à son incarcération, établi par expertise psychologique et
l'état dépressif dans lequel la longueur de la détention a
progressivement plongé le requérant, est constitutif d'un
préjudice moral156(*).
En ce qui concerne ce préjudice moral, la commission
prend en compte bon nombre de critères pour apprécier
l'évaluation de la réparation. On peut citer entre autre ;
l'âge du requérant au moment de son incarcération, sa
personnalité et sa situation familiale157(*), le fait que l'intéressé a
été séparé de sa famille pendant onze mois,
celle-ci ayant éprouvé des difficultés pour lui rendre
visite158(*), etc.
De tout ce qui précède, on ne peut que songer
à une amélioration du système d'indemnisation pour
faciliter et accélérer la réparation des préjudices
qui ouvrent droit à réparation.
Paragraphe II : Pour une amélioration du
système d'indemnisation
Le système d'indemnisation et de réparation de
la détention provisoire injustifiée devait être
réformé à plusieurs niveaux :
A- Pour une indemnisation
systématique
Nous avons vu que les termes de l'article 149 du code de
procédure pénale tels que votés en 1970 étaient
manifestement trop restrictifs puisqu'ils exigeaient pour toute indemnisation
que le préjudice soit « manifestement anormal et d'une
particulière gravité ». Un tel système
était inacceptable.
D'une part, il était choquant de demander à une
détention provisoire de justifier un préjudice manifestement
anormal et d'une particulière gravité. Cette condition ne peut
être qu'une pure absurdité car, le seul fait pour un innocent
d'être en prison constitue en lui-même un préjudice. Elle
portait atteinte à la présomption d'innocence et celle de la
culpabilité.
Ce qui a d'ailleurs amené le législateur
à bien comprendre à travers l'article 9 de la loi n°96-1235
du 30 décembre 1996 qui a supprimé l'exigence de la
démonstration d'un préjudice manifestement anormal et d'une
particulière gravité.
Toutefois, on peut même penser que l'exigence actuelle
de la preuve d'un préjudice causé par la détention
provisoire demeure une condition limitée. Or, le principe de
réparation trouve son fondement dans le principe selon lequel,
même en l'absence de faute imputable à ses agents, la puissance
publique doit supporter les conséquences du risque social
créé par le fonctionnement du service de la justice. En ce qui
concerne la procédure, l'article 71 de la loi du 15 juin 2000 a
transféré, à compter du 16 décembre 2000, les
contentieux en la matière aux premiers présidents des Cours
d'appel, devant statuer sur la demande de réparation par une
décision motivée à l'issue d'une procédure
contradictoire et d'un débat public. De même, ces nouvelles
dispositions ont en outre donné lieu à la modification de
l'article R.26 et suivants du code de procédure pénale159(*), afin pour l'essentiel de
transposer les premiers présidents la procédure d'instruction des
demandes auparavant applicables devant la commission nationale d'indemnisation
des détentions provisoires. L'article 72 de la loi du 15 juin 2000 a par
ailleurs, institué une commission de suivi de la détention
provisoire. Elle est placée auprès du ministre de la justice et
composée de deux représentants du parlement, d'un magistrat de la
Cour de cassation, d'un membre du conseil d'Etat, d'un professeur de droit,
d'un avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche
judiciaire.
Toute la réforme a pour objet de faciliter la
procédure afin de mieux élucider ceux ou celles qui ont souffert
d'une détention injustifiée.
D'autre part, l'article 5-5 de la convention européenne
des Droits de l'homme prévoit que toute personne victime d'une
arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux
dispositions de cet article a droit à réparation. Ainsi, la
convention ne semble pas exiger la preuve d'un préjudice : celui-ci
étant démontré ipso facto par la mesure de la
détention elle-même intervenue à tort.
C'est pourquoi, nous pensons qu'une indemnisation
systématique devrait être instituée afin de ne pas pousser
à l'extrême la douleur et l'affront des victimes. C'est le cas par
exemple de l'Allemagne dont l'indemnisation est automatique à la suite
d'une détention provisoire d'une personne innocentée
judiciairement.
A défaut de ce système, doit être
modifiée l'organisation de la commission affectée à cet
effet.
B - Pour une modification de l'organisation de la
commission
nationale
L'organisation de la commission posait problème au
regard des règles posées par la convention européenne des
droits de l'homme.
En premier lieu, la commission statue en chambre du conseil.
Or, l'article 6 § 1 de la convention européenne précise
le principe selon lequel la décision adoptée par un tribunal doit
être rendue publiquement. La finalité de ce principe
général de publicité a été posée par
la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Pretto
du 8 décembre 1983160(*). Ces dispositions ont été
reprises par l'article 71 de la loi du 15 juin 2000 qui a confié le
contentieux en la matière aux premiers présidents des Cours
d'appel dont la décision est prise à l'issue d'un débat
contradictoire et public. On ne cesserait de le dire, l'innocence d'une
personne victime à tort d'une détention provisoire doit
être proclamée avec force, d'autant plus que si cette personne a
fait l'objet d'une publicité médiatique.
A cette obligation de publicité imposée par la
loi, nous serions favorables à ce que le législateur impose la
publication aux frais de l'Etat dans les journaux la décision de
non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Cela facilitera la
réintégration et leur réinsertion de la personne
innocentée dans son statut social.
En deuxième lieu, les décisions rendues par la
commission ne sont pas motivées.
En effet, l'obligation formelle faite aux juges de motiver
leurs jugements a été instituée par la loi des 16-24
Août 1790. C'est un principe primordial qui s'applique en principe
à toutes les décisions rendues par toutes les juridictions,
quelles qu'elles soient161(*). Ainsi, l'article 71 de la loi du 15 juin 2000
précitée exige une décision motivée. Quant à
l'article 72 de même loi, la commission de suivi des détentions
provisoires est chargée de réunir les données juridiques,
statistiques et pénitentiaires concernant la détention
provisoire. La commission fait ensuite communiquer tout document utile à
sa mission et peut procéder à des visites ou à des
auditions. En somme, le contentieux de l'indemnisation est confié aux
premiers présidents des Cours d'appel et un recours peut être
exercé devant la commission nationale des détentions.
SECTION II : Un contentieux confié aux
présidents des Cours
d'appel et le recours devant la commission
nationale de réparation des
détentions
L'article 149-1 du code de procédure pénale
prévoit que la réparation prévue à l'article 149 du
même code est allouée par décision du premier
président de la Cour d'appel dans le ressort de laquelle a
été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement. Dans le même sens, l'article 149-3 du code de
procédure pénale prévoit que la décision du premier
président de la Cour d'appel peut faire l'objet d'un recours devant la
commission nationale de réparation des détentions. De cet
aperçu, comment peut-on saisir le premier président ?
Comment se déroule la procédure en question et quel
rôle joue la commission nationale de réparation des
détentions ? Pour répondre à ces interrogations, il
appert nécessaire d'exposer le contentieux confié au premier
président (Paragraphe I) et ensuite, il conviendrait d'analyser le
recours devant la commission susvisée (Paragraphe II).
Paragraphe I : Le contentieux confié au premier
président de la Cour d'appel
Le premier président examine la demande sur sa saisine
(A) et la procédure se déroule devant lui en tant que juridiction
civile (B).
A- La saisine du premier président de la
Cour d'appel
Aux termes de l'article 149-2 du code de procédure
pénale, le premier président est saisi par voie de requête
dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe
ou d'acquittement devenue définitive.
La requête doit être signée du demandeur ou
du mandataire choisi ou désigné et doit être remise contre
récépissé par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception au greffe de la Cour d'appel.
En application de l'article R. 26 du code de procédure
pénale, la requête doit contenir l'exposé des faits, le
montant de la réparation demandée et toutes les indications
utiles, notamment en ce qui concerne la date et la nature de la décision
qui a ordonné la décision provisoire ainsi que
l'établissement pénitentiaire où cette détention a
été subie. La juridiction qui a prononcé la
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ainsi que la date de
cette décision et enfin l'adresse où doivent être faites
les notifications au demandeur doivent êtres précisées. De
même, la requête doit être accompagnée de toutes
pièces justificatives, notamment de la copie de la décision de
non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Afin de permettre au requérant
d'exercer effectivement son droit à réparation dans le
délai de six mois, l'article 149 du code de procédure
pénale prévoit qu'il est avisé de son droit de demander
une réparation, ainsi que des dispositions de l'article 149-1 à
149-3 dudit code, lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement est notifiée à la personne. Si cet avis n'est pas
effectué lors de la notification de la décision, l'article R. 26
du code de procédure pénale prévoit que le délai de
six mois prévu ne commencera pas à courir, ce qui en pratique
permettra au requérant de demander une réparation au-delà
du délai de six mois de la notification de la décision162(*). La commission a jugé
que, s'agissant d'un jugement ayant été rendu
antérieurement à l'entrée en vigueur du dernier
alinéa de l'article 149, la circonstance que sa notification n'ait pas
été assortie des informations imposées par ce texte n'a pu
différer le point de départ du délai de recours en
réparation163(*).
De même, la commission a jugé que les
dispositions qui prévoient que l'intéressé est
avisé de son droit à demander réparation à
l'occasion de la notification de la décision de relaxe ne s'appliquent
pas à une décision rendue antérieurement à leur
entrée en vigueur, le requérant ne pouvant donc se
prévaloir d'un défaut d'information de son droit à
indemnisation164(*).
Dès lors, la sanction du non-respect du délai de
six mois par le requérant dans le cas où l'avis aurait
été régulièrement effectué lors de la
notification de la décision est, sans que ce point soit nouveau par
rapport au droit antérieur, l'irrecevabilité de la
décision165(*).
Après la saisine du premier président de la Cour
d'appel, il examine la demande qui lui a été confiée par
une procédure soit de mise en état, de la fixation de la date
d'audience ou soit de l'instruction de la procédure.
B- La procédure devant le premier
président
Le premier président statue en tant que juridiction
civile selon l'article 149-4 du code de procédure pénale.
Dès lors, en l'absence de dispositions spécifiques prévues
par les articles R. 26 et suivants du code de procédure pénale,
devront trouver application les dispositions du nouveau code de
procédure civile. Ainsi, la commission d'indemnisation a jugé
dans des décisions qu'aucun texte n'interdisait à la commission
d'allouer une somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de
procédure civile166(*) ; elle a également confirmé que
les dispositions du même article s'appliquent à la
procédure tendant à la réparation à raison d'une
détention provisoire injustifiée167(*).
La procédure est fixée par les articles R. 26 et
suivants du code de procédure pénale. Il convient de souligner
que les dispositions réglementaires relatives à ces délais
de procédure ne prévoient aucune sanction en cas d'inobservation,
ce qui nous parait regrettable.
Par ailleurs, avant toute décision au fond, l'article
R. 39 donne la possibilité au premier président, à tout
moment de la procédure, d'accorder en référé une
provision au demandeur, cette décision n'étant susceptible
d'aucun recours. La procédure peut ainsi commencer par une mise en
état avant l'instruction.
1°) La mise en état de la
procédure
Dès la réception de la requête, l'article
R. 28 du code de procédure pénale prévoit que le greffe de
la cour d'appel se fait communiquer le dossier de la procédure
auprès du greffe de la juridiction qui a rendu la décision.
Dans un délai de quinze jours de la réception du
dossier, le greffe de la cour d'appel transmet une copie de la requête au
procureur général près la cour d'appel et, par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception, à l'agent
judiciaire du Trésor. A ce stade de la procédure, l'article R. 29
prévoit en substance que le demandeur peut se faire délivrer sans
frais copie des pièces de la procédure pénale. Seul son
avocat peut prendre communication du dossier au greffe de la cour d'appel, ce
qui est le cas pour l'agent judiciaire du Trésor en application de
l'article R.30 du même code. Dès lors, le premier président
peut soit fixer directement la date d'audience soit de procéder à
une instruction.
Cette audience est décidée par le premier
président, après en avoir avisé le demandeur, l'agent
judiciaire du Trésor et le procureur général, lorsqu'il
apparaît manifestement que le demandeur ne remplit pas la condition
d'avoir fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une
procédure terminée à son égard par une
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ou lorsque le
demandeur a formé sa requête après l'expiration du
délai de six mois. Hormis cette hypothèse, le premier
président peut procéder à une instruction.
2°) L'instruction de la procédure et
décision du premier président
Afin d'assurer le principe du contradictoire, les dispositions
réglementaires prévoient un premier échange de
conclusions.
Lorsqu'il a été avisé par le greffe de la
cour d'appel, l'agent judiciaire du Trésor dispose de deux mois pour
déposer ses conclusions qui seront dans un délai de quinze jours
notifiées au demandeur par lettre recommandée avec d'avis de
réception. Le dossier est transmis au procureur général
qui dispose d'un délai de deux mois pour déposer ses conclusions
notifiées aux parties et le demandeur peut faire des observations dans
un délai d'un mois.
Après échange de conclusions, le
président peut prendre sa décision qui doit être
motivée et rendue en audience publique. L'article R. 38 du code de
procédure pénale indique qu'elle est notifiée au demandeur
et à l'agent du Trésor soit par remise d'une copie contre
récépissé, soit par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception.
L'article R. 40 du code précité prévoit
que les décisions du premier président accordant une
réparation sont assorties de plein droit de l'exécution
provisoire. Les décisions du premier président peuvent faire
l'objet d'un recours devant la commission nationale de réparations des
détentions.
Paragraphe II : Le recours devant la commission
nationale de
réparation des détentions
Aux termes de l'article 149-3 du code de procédure
pénale, les décisions du premier président de la Cour
d'appel peuvent faire l'objet d'un recours devant la commission nationale de
réparation des détentions. Quelles peuvent être les
conditions de ce recours ? Si ce recours obéit à des
conditions, comment se déroule-t-il ? La procédure doit
ainsi faire l'objet d'une mise en état du dossier qui aboutit à
la décision de la commission.
En tout état de cause, les conditions devant être
remplies (A) doivent être examinées dans une procédure
devant ladite commission (B).
A- Les conditions du recours
En application de l'article 149-3 du code de procédure
pénale, les décisions prises par le premier président de
la cour d'appel peuvent, dans les dix jours de leur notification, faire l'objet
d'un recours devant la commission nationale de réparation des
détentions. La commission a jugé dans une décision que la
date de notification s'entend, lorsque celle-ci est faite par voie postale, de
la date de réception de la lettre168(*). Le recours peut être exercé par le
demandeur, l'agent judiciaire du Trésor ou le procureur
général de la Cour d'appel (article R. 40-4 du code de
procédure pénale). La déclaration de recours est remise au
greffe de la Cour d'appel en quatre exemplaires et la remise est
constatée par le greffe qui en mentionne la date.
La commission a, dans des décisions
déclaré irrecevable la déclaration de recours du demandeur
faite par lettre recommandée avec avis de réception et
adressée directement à la commission et non déposée
contre récépissé au greffe de la cour d'appel169(*). Cette formalité une
fois remplie, la procédure se poursuit devant la commission.
En effet, les formalités édictées par
l'article 149 et R.40-4 du code de procédure pénale en vue du
recours devant la commission nationale de réparation des
détention ne constituent pas une entrave au droit d'accès
à un tribunal, même pour une personne détenue qui a d'une
part, la faculté de s'adresser au greffe de l'établissement
pénitentiaire pour s'informer et y formaliser son recours, d'autre part
la faculté de solliciter l'assistance d'un avocat au titre de l'aide
juridictionnelle. Il s'ensuit qu'est irrecevable le recours formé par
une personne détenue par lettre simple adressée au greffe de la
Cour d'appel, alors que selon les textes précités le recours doit
être formé par déclaration remise par le requérant
ou son représentant au greffe de la Cour d'appel ou, si le
requérant est détenu, au greffe de l'établissement
pénitentiaire170(*).
B- La procédure devant la
commission
La commission peut procéder soit par la mise en
état de la procédure avant de rendre sa décision.
1°) La mise en état
En application de l'article R. 40-6 du code de
procédure pénale, le dossier de la procédure
réparation, assorti de la déclaration de recours et du dossier de
la procédure pénale, est transmis sans délai par le greffe
de la Cour d'appel au secrétariat de la commission nationale. Le
président de la commission peut fixer directement une date d'audience
dans certains cas :
- lorsqu'il apparaît manifestement que l'auteur du
recours a formé celui-ci après l'expiration du délai de
dix jours prévu à l'article 149-3 précité ;
- lorsque le recours a été formé contre
la décision du premier président de la Cour d'appel accordant en
référé une provision au demandeur.
Hormis ces cas, la procédure doit être instruite
par l'échange des conclusions entre les parties comme celle qui se passe
devant le premier président de la cour d'appel. Après
instruction, la commission rend sa décision.
2°) La décision de la
commission
La commission nationale statue souverainement et ses
décisions ne sont susceptibles d'aucun recours, de quelque nature que ce
soit. La décision rendue doit être motivée.
Si la commission accorde une provision ou une
réparation d'un montant supérieur à celui fixé par
la décision du premier président de la cour d'appel, l'article R.
40-20 du code de procédure pénale prévoit que le paiement
au demandeur est, par dérogation aux dispositions de l'article R. 233
dudit code, effectué par le comptable direct du Trésor de
Paris.
Il en résulte de l'article R. 40-20
précité que la commission peut, de manière analogue au
premier président, accorder une provision en
référé.
En revanche, si la requête est rejetée, sauf dans
le cas où le recours aurait été formé par le
procureur général près la cour d'appel, l'auteur du
recours est condamné aux dépens, à moins que la commission
ne l'en décharge en partie ou en totalité.
En définitive, une fois la décision rendue, le
dossier de la procédure pénale est renvoyé, avec une copie
de la décision, au premier président de la Cour d'appel pour
transmission à la juridiction qui a rendu la décision de
non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.
CONCLUSION
Pourquoi incarcérer un individu sur simple
soupçon ? La détention provisoire, considérée
comme une mesure exceptionnelle et un substitut du contrôle judiciaire
est-elle un préjument ? La détention provisoire est-elle
conciliable avec la présomption d'innocence ? Le pouvoir de
placement, de prolongation de la détention provisoire et de mise en
liberté dévolu au juge des libertés et de la
détention sur saisine du juge d'instruction est-il une simple
fiction ?
Voilà autant d'interrogations sur l'institution de la
détention provisoire que se posent les praticiens du droit et la
société pour l'harmoniser et l'adapter à la
réalité sociale.
Tout au long de l'étude que nous avons consacrée
à cette institution, nous avons tenté de répondre à
certaines de ces problématiques.
Sans doute, il ressort que la réglementation de la
mesure se heurte à deux principes fondamentaux consacrés par la
constitution de 1958 et certains textes internationaux : il s'agit de
concilier le maintien de l'ordre public et la protection des libertés
individuelles. Mais, comme dans tout Etat démocratique, le principe de
la légalité, véritable arme contre l'arbitraire, a connu
une lente évolution.
En effet, depuis le code d'instruction criminelle (1810)
jusqu'à la loi du 17 juillet 1970, le principe a fortement
progressé. C'est à partir de 1970 que la liberté n'est
plus provisoire mais la détention. Ainsi, les droits des détenus
ont été étendus et le pouvoir de mise en détention
limité. Le détenu peut à tout moment de la
procédure demander sa mise en liberté.
Pour renforcer le principe de la liberté individuelle,
la loi du 9 juillet 1984 a instauré le débat contradictoire,
contraignant le juge d'instruction avant tout placement ou prolongation de la
détention, de procéder à un débat contradictoire.
L'inculpé est ainsi assisté de son avocat. L'ordonnance de
placement et de prolongation que prend le juge d'instruction doit être
motivée. Dans le même d'esprit, la loi du 15 juin 2000 est venue
renforcer le principe de la présomption d'innocence et les droits des
victimes. Cette loi a, dans son essence, repris l'idée de
création d'un juge tiers différent du juge d'instruction pour les
nécessités de la détention provisoire qui avait
été instituée en 1993 ( juge
délégué). C'est pourquoi, le juge des libertés et
de la détention a vu le jour. Ce dernier doit avoir rang de
président, de premier vice-président ou de vice-président
pour répondre aux besoins de placement, de prolongation et des mises en
liberté.
Malgré toutes ces réformes, la situation est
encore inquiétante et déplorable. Nos maisons d'arrêts sont
encore gorgées de personnes en attente de leur jugement qui tarde
à venir. Pour désengorger ces maisons d'arrêt, la
détention considérée comme une mesure exceptionnelle, doit
correspondre à une réelle nécessité et non une
simple utilité. Or, on constate dans la pratique le recours
fréquent à la détention dont on peut contester. Ce qui est
utilisé par les juges comme principe de précaution pour
protéger les investigations, parer à une éventuelle fuite
ou à un risque de réitération tout en tenant compte du
trouble causé à l'ordre public. Aussi, dans la plupart des cas,
le juge des libertés et de la détention ne dispose pas
d'éléments suffisants sur la personnalité du mis en
examen, l'obligeant à suivre l'ordonnance motivée que lui adresse
le juge d'instruction. Ce qui nous parait regrettable.
Pourquoi n'est pas confié au juge des libertés
et de la détention le dossier du mis en examen depuis le début de
l'instruction préparatoire ? Dans le même sens, pourquoi
n'est-il pas privilégié le contrôle judiciaire par rapport
à la détention provisoire si des raisons plausibles ne laissent
pas présumer que l'intéressé a commis ou tenter de
commettre l'acte incriminé ?
Dans le but de redonner au contrôle judiciaire sa
véritable place dans cette institution, il serait nécessaire de
modifier l'article 145 du code de procédure pénale afin de
permettre au juge des libertés et de la détention d'ordonner
d'office un débat différé pour procéder à
des vérifications personnelles indépendamment de celles faites
par le juge d'instruction sur la situation personnelle du mis en examen.
Au regard de tout ce qui précède, la personne
qui a subi à tort la mesure de détention provisoire et qui s'est
soldée à son profit par un non-lieu, une relaxe ou un
acquittement, peut demander dans les six mois qui suivent, réparation
intégrale du préjudice matériel et moral dont a
été victime. En la matière, les nouvelles dispositions
depuis 2000 sont salutaires puisque le contentieux des réparations a
été confié aux premiers présidents des Cours
d'appel. Un recours peut être formé contre la décision du
premier président devant la commission nationale des réparations
des détentions, siégeant comme juridiction civile.
Si les personnes détenues se plaignent des conditions
de la détention dans nos structures carcérales, les
autorités compétentes doivent se pencher sur la question. Ainsi,
doit être une priorité, la rééducation, la
réinsertion sociale et professionnelle ainsi que le problème de
l'encellulement individuel de la personne détenue. Des conditions de
détention insoutenables dans les prisons peuvent aboutir ou provoquer la
dangerosité de certains sujets. Une fois des solutions adéquates
seront apportées à ces différentes interrogations,
l'institution de la détention provisoire pourrait répondre aux
conditions exigées par la loi, la convention européenne des
droits de l'homme ainsi que le respect de la liberté individuelle.
.
* 1 - Convention
européenne des droits de l'homme, Constitution de 1958.
* 2 - P. Bouzat et J.
PINATEL : Traité de droit pénal et de criminologie, T. II.
Par Bouzat, 2e éd., Dalloz 1970, P. 1216, n°1275 ;
R. MERLE et A. VITU : Traité de droit criminel, T. II.
4e éd., CUJAS, 1989, P.448, n°381 ; J.
PRADEL : Procédure pénale, 12e éd., CUJAS,
2004.
* 3 - 48 heures depuis la loi du
26 novembre 2003 et article L.552-1 du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile.
* 4 - Jean PRADEL, L'instruction
préparatoire, Cujas, 1990, P. 587.
* 5 -Christian GUERY : la
détention provisoire, dalloz référence droit pénal,
2001, P. 1.
* 6 - Jocelyne Leblois-Happe,
« Le placement en détention provisoire », AJ
Pénal, octobre 2003, P.9.
* 7 -Gaston Stefani, Georges
Levasseur, Bernard Bouloc : Précis de procédure
pénale, 19e éd. Dalloz 2004, P.675 et S., n°732
et S.
* 8 - Rachid Khaldi :
« La détention provisoire », Thèse du
21 décembre 1995, Faculté de Droit, de Sciences politiques et de
Gestion de Strasbourg, P.9.
* 9 -Badinter, « Un
préjugement : la détention provisoire », le Monde,
15 avril 1970 ; JUNOSZ-ZDROJEWSKI, « la présomption
d'innocence contre la présomption de culpabilité »,
Gaz-Pal. 27 juin 1989 ; « la durée prolongée de la
détention provisoire », Gaz-Pal. 12 juin 1993, voir aussi,
sur les raisons d'être et les excès de la détention
provisoire : CHAMBON, note D. 1984.404.
* 10 - Cf.R.M.,
« Incidence de la détention préventive sur la sentence
pénale », Rév. Sc. Crim., 1965, P.215.
* 11 - Faustin
Hélie : Tribunal d'instruction criminelle, 1846, IV,
n°1948 .
* 12 - Article 66, constitution
de 1958 ;
* 13 - CARBONNIER :
Instruction criminelle, Paris, 1937, P.72 ; CF. également rapport
M.I.P. DELMAS SAINT-HILAIRE, au VIIe congrès de la section
française de l'association internationale de droit pénal, in, les
cahiers du retour, BORDEAUX, 1984, P.28.
* 14 - F. SERPILLON : C.
criminel ou commentaire sur l'ordonnance de 1670, Lyon, chez les Frères
PERISSES, 1784, T.I., P. 551 et S.
* 15 -Rachid Khalid :
détention provisoire « thèse du 21 décembre
1995 » de la faculté de droit, sciences politiques et de
gestion de Strasbourg, P.12.
* 16 - Article 113 et 114, code
d'instruction criminelle, rédaction du 25 mars 1935.
* 17 - HUGUENEY :
décret-loi du 18 novembre 1939, rév. Sc. Crim. 1940, P.1 et
s. ; J. MAGNOL : une institution Belge qui n'a pas réussi
à s'implanter en France, la réglementation de la détention
provisoire, RDPC, 1940, P.129 et S.
* 18 - J.O. lois et
décrets, 20 décembre 1952, P.11699 et J.O. lois et
décrets, 27 juillet 1955, P.7501.
* 19 - Loi n°70-643, du 17
juill. 1970, R. Vouin, « La détention provisoire »,
D. 1970, chron. P. 191 et s.
* 20 - Loi n°2000-516, 15
juin 2000, JO 16 juin 2000, P.9038 et s., JCP éd. G 2000, III,
20301, Gaz-Pal. 2000.
* 21 - J.O. du 16 juin 2000, la
loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence et les droits des
victimes.
* 22 - François
Fourment, Manuel de procédure pénale, 6e éd.
2005-2006, P.227, n°498.
* 23 - Eric MATHIAS :
Procédure pénale, 2e éd., Breal, Lexi fac 2005,
P.162. L'alinéa 3 de l'article 143-1 du code de procédure
pénale a été abrogé par la loi du 9 septembre
2004.
* 24 Serge Guinchard et Jacques
Buisson : Procédure pénale, « ouvrage
couronné par l'Académie des Sciences morales et politiques Prix
Henri Texier 2000 pour la défense de la liberté
individuelle », 2e édiction LITEC, P.881,
n°1096.
* 25 - Crim, 22 juillet et 2
sept 1997, Procédures, 1998, n°18, 25 mars 1998
* 26 - Crim, 24 sept 1997, Dr.
Pén. 1998, n°13
* 27 - Crim., 13 octobre 1998,
B., 258.
* 28 Mais
l'irrégularité du réquisitoire n'entraîne pas la
nullité d'une ordonnance de placement correcte ( crim, 3 déc.
1997, DP. 1998, n°42 )
* 29 - Crim, 22 sept 1998, DP.
1999, chr. N°11
* 30 -Voir par exemple, crim. 4
juillet 1978, JCP.IV. 286, D. 1979, infr. Rap. P. 69 ; crim, 19
février 1980, Bull. n°61 ; crim., 26 juillet 1994, Bull.
n°25. Article 33 de la loi du 12 décembre 2005 ajoute à
l'alinéa 2-1° de l'article 144 du code de procédure
pénale les mots « et leur famille » .
* 31 -Le fait que
l'inculpé ait pris la fuite à l'occasion d'une
précédente poursuite et ait dû faire l'objet d'une
extradition, justifie parfaitement que l'on redoute qu'il ne se soustraie
à la justice lors de la poursuite en cours (crim. 21 mars 1978, D. 1979
Inf. rap. P.41, obs. PUECH). Les juges doivent tenir compte de la situation de
l'intéressé et des circonstances de la cause (crim, 20 octobre
1987, B. n°357).
* 32 - Article 144
alinéa 3 du code de procédure pénale issu de la loi du 30
décembre 1996.
* 33 -On a vu certains juges
d'instructions invoquer l'ordre public à l'appui d'une décision
d'incarcération prise contre des employeurs inculpés d'homicide
par imprudence et de violation des règles sur l'hygiène et la
sécurité des travailleurs. Une telle attitude paraît
excessive.
* 34 - Exercices
corrigés, droit pénal- procédure pénale, F. DEVOVE
et Rudolph H. éd. 2002
* 35 - Conseil constitutionnel,
8 décembre 2005, n°2005-527 DC, Gazette du Palais, 20
décembre 2005, n°354, P9.
* 36 - A la condition qu'il
exerce sur lui l'autorité parentale et que l'enfant ait chez lui sa
résidence principale
* 37 - Jean Larguier :
Procédure pénale, 19e éd. Dalloz 2003,
Mémento, P.167 et S.
* 38 - François
Fourment : Manuel de procédure pénale, 6e
éd. 2005-2006, P.224, n°492.
* 39 - François
Fourment : Manuel de procédure pénale, 6e
éd. 2005-2006, P.224, n°492.
* 40 - Avant l'entrée en
vigueur de la loi du 15 juin 2000, c'était le juge d'instruction qui
était compétent pour prendre une décision de placement en
détention provisoire.
* 41 - Jean PRADEL :
« Encore une tornade sur notre procédure pénale avec la
loi du 15 juin 2000 », point de vue.
* 42 -Article 137
alinéa1 du code de procédure pénale. Le législateur
a été, sur ce point, plus rigoureux que la jurisprudence qui
considère comme ne violant pas les dispositions de l'article 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme le fait qu'un juge qui a
statué sur la liberté ou la détention d'une personne mise
en examen dans le cadre d'une affaire puisse faire partie de la juridiction de
jugement saisie de cette affaire (cass. Crim. 19 février 1998, Bassol et
a. : Juris-Data n°001044).
* 43 - Article 137-1 in fine,
82, alinéa 3, code de procédure pénale. L'absence de
telles réquisitions est sans incidence sur la validité de
l'ordonnance du magistrat instructeur : cass., crim., 3 décembre
1997, Bull. crim., n°411 ; Dr. Pén. 1998, comm. n°42,
obs. Maron.
* 44 - Loi n°2000-516 du
15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence. M. Lemonde,
le juge des libertés et de la détention : une réelle
avancée ? in une nouvelle procédure pénale ?
* 45 - Jocelyne
Leblois-Happe : le placement en détention provisoire, AJ
pénal, octobre 2003, P.11.
* 46 - François
Fourment : Manuel de procédure pénale, 6e
éd. Paradigme 2005-2006, P.225.
* 47 - Loi du 15 juin 2000
renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes
ou Loi Guigou
* 48 - J.O. Lois et
décrets, 10 juillet 1984, P.2178, (article 9) et J.O. débat
parlementaire Ass. nat. 15 mai 1984, P.234, déclaration de M. le
Rapporteur, Jean-Pierre MICHEL ; PRADEL : La loi du 9 juillet 1984
sur le recul de la détention provisoire : un pas en avant
utile ?
* 49 -www.lexpress.fr, les sept
plaies de la justice, 02 mars 2006.
* 50 -www.fr.news.yahoo.com,
les réformes de l'après Outreau se dessinent, 13 février
2006.
* 51 - D'une manière
générale, la garantie de l'Habeas Corpus (1679) consiste en la
présentation de toute personne arrêtée ou détenue
d'être présentée dans les trois jours devant un juge pour
qu'il soit statué sur son sort.
* 52 -J.O. débat
parlementaire, Ass. nat. du 15 mai 1984, P.2342 et s. Lors des travaux
préparatoires de la loi du 9 juillet 1984, il a été
soutenu que le débat contradictoire nouvellement crée incarnait
la technique de l'Habeas Corpus. La comparaison n'est pas exacte, car les
structures ne sont pas les mêmes : en Angleterre, la police
possède des pouvoirs d'investigation et de rassemblement des preuves.
Elle peut aussi arrêter sans mandat et mettre en examen. En France,
l'Organisation juridictionnelle est différente. Il y a la phase
d'instruction dont le pivot est le juge d'instruction et la phase de jugement.
Mais il y a aussi le ministère public et la police. Contrairement au
Habeas Corpus, la police judiciaire française ne peut pas mettre en
examen l'intéressé , quand bien même elle exécute
certaines opérations de recherche telle l'enquête
préliminaire ( article 75 à 78 CPP) ou de l'enquête de
flagrance (article 53 à 74 CPP).
* 53 -Gaston Stéfani,
Georges Levasseur, Bernard Bouloc : Procédure pénale,
16e édition Dalloz 1996, P.564.
* 54 - Crim. 14 mars 1988, B,
n°124, obs. BRAUNSCHWEIG, Rév. Sc. Crim. 1988, P.824 (dans le cas
de l'espèce l'hopital était situé hors du ressort du juge
d'instruction, mais de la cour de cassation s'est fondée sur l'article
93 du code de procédure pénale).
* 55 - La personne poursuivie
ne peut renoncer au débat (Paris, 9 octobre 1985, D. 1986. Inf. rap.
82). Mais si elle renonce expressément à l'assistance d'un
avocat, la prolongation de la détention peut intervenir en l'absence de
convocation ou de présence d'un avocat (crim. 11 juin 1992, B.
n°230).
* 56 - J. Borricard, A. M.
Simon, DP et PP, 4e éd. 2004, P.372.
* 57 - Crim, 31 janvier 1989,
B., 35, pour mouvement du personnel pénitentiaire interdisant les
extractions
* 58 -Loi complétant la
loi du 15 juin 2000 : J.O. 5 mars 2002, P.4169.
* 59 -60 -Serge
Guinchard et Jacques Buissson : Manuel de procédure pénale,
2e édition LITEC 2002, P.888, n°1101
* 61 - Crim. 29 janvier 1985 B.
47. ; Christian GUERY, « la détention
provisoire », documents pratiques AER, juillet 1997, P. 27.
* 62 - Le juge des
libertés et de la détention peut donc délivrer, au cours
d'une même instruction, à l'encontre d'une personne placée
sous contrôle judiciaire, une ordonnance de placement en détention
provisoire en raison des mêmes faits, lorsque des circonstances nouvelles
entrant dans les prévisions de l'article 144 justifient, eu égard
aux nécessités nouvellement appréciées de
l'instruction, une détention provisoire (Crim., 1er mars
2005, n°04-87.392 ; à par. au Bull. crim. ; D. 2005, IR,
P.1049 ; JCP 2005, IV, 1907).
* 63 -Michèle L. RASSAT,
traité de procédure pénale, P.624.
* 64 - Crim, 19 sept 1990, D.,
1991.J.91, note D. Mayer
* 65 - Crim., 5 sept 2001,
Bull. n°173, P.570
* 66 - Michele Laure
Rassat : Traité de procédure pénale, 1re
édition PUF, 2001, n°395, P.624.
* 67 - Christian
Guéry : « La détention provisoire »,
éd. Dalloz référence droit pénal, 2001, P.78
* 68 -Avant l'entrée en
vigueur de la loi du 6 juillet 1989, la détention provisoire
ordonnée à la suite d'un crime était illimitée.
L'abandon d'une qualification correctionnelle au profit d'une autre plus grave,
c'est-à-dire criminelle, obéissait donc au principe de la
détention indéfinie : Crim. 10 juin 1971 : D.1972.21,
note J. PRADEL, JCP 1972.II.17039, note A. VITU.
* 69 - Article 145
alinéa 3 depuis la loi du 9 septembre 2002, cette prolongation de quatre
mois doit être faite à titre exceptionnelle ( Cass. Crim., 21 juin
2005, n°05-82.010), voir Gazette du Palais, 14 janvier 2006, n°14,
P.14.
* 70 -PH. Conte, P. M. Chambon,
procédure pénale, 3e éd. 2001.
* 71 - Le juge des
libertés et de la détention peut mettre sa décision en
délibéré ; il suffit en effet que la prolongation, le
cas échéant, soit ordonnée avant expiration du
précédent titre de détention provisoire (Crim., 30 mars
2005, n°05-80.380 ; à par. au Bull. crim. ; D. 2005, IR,
P. 1249 ; JCP 2005, IV, 2138). Par ailleurs, ce débat
contradictoire peut se tenir à l'intérieur même d'une
maison d'arrêt (Crim., 15 mars 2005, n°05-80.014 ; à
par. au Bull. crim. ; JCP 2005, IV, 1984).
* 72 - François
Fourment : Manuel de procédure pénale, 6e
éd. Paradigme 2005-2006, P.229.
* 73 - Loi Perben du 9
septembre 2002.
* 74 - Cass. Crim., 20
décembre 1983, Bull. crim., n°349, prévoyant que la
durée de la détention s'apprécie à partir de la
réincarcération.
* 75 - François
Fourment : Manuel de procédure pénale, éd. Paradigme
2005-2006, P.231.
* 76 - Décision du
Conseil d'Etat n°2002-461 DC du 29 août 2002a.
* 77 -www.humanite.presse.fr
* 78 - Jean Larguier :
Mémento de procédure pénale, 19e éd.
Dalloz 2003, P.172.
* 79 - Crim, 18 juin 1997. B.
n°244
* 80 - Crim. 23 février
1961, B. n°119 ; crim., 30 mars 1989, B. n°154 ; crim., 8
juillet 1992, B. n°270. En cas de mandat d'amener, le point de
départ de la détention est fixé à la date de
l'ordonnance d'incarcération : Crim., 8 avril 1986, B. n°117,
en cas de mandat d'arrêt, c'est à la date de son exécution
(crim, 20 nov. 1990, B. n°393).
* 81 - Article 5-3 de la
Convention européenne des droits de l'homme.
* 82 -Pour la Cour de
Strasbourg, cette énumération est limitative de sorte que
l'article 5-1c ne saurait justifier l'arrestation et la détention
provisoire d'une personne uniquement « pour se procurer auprès
d'elle des renseignements sur des tiers », arrêt de Jong,
Babjet et Van der Brink, 22 mai 1984, série A, n°77, P.21-22,
§44 ; add. RSC. 1985, P.181 et note PETTITI.
* 83 - CEDH Letellier c/
France, 26 juin 1991, JCP 1992. 1931, note Jouve.
* 84 - Article 144-1 CPP, crim,
22 juillet 1997, 2 arrêts, B. n°277 ; 2 sept 1997, B.
n°291 ; 17 sept 1997, Dr. Pén. 1997.163.
* 85 }- Arrêt du 27 juin
1968
* 86 - Arrêt du 27 juin
1968, Neumeister c/ Autruche. Dans cette affaire, la Cour européenne
s'est livrée à une appréciation in concreto en mettant
à la charge des autorités nationales de « veiller
à ce que, dans un cas donné, la durée de la
détention ne dépasse pas la limite du
raisonnable ».
* 87 - Crim, 12 juin 1997,
Bull. crim, n°233.
* 88 - Crim, 18 février
1986, D.1986.IR.305, obs. Pradel
* 89 - CEDH, Debboud c/ France
du 9 nov. 1999, D. 2000. Somm. 180.
* 90 - Frize Nicolas :
Ligue des droits de l'Homme, audition du 23 mars 2000, commission
d'enquête de l'Assemblée nationale, juillet 2000.
* 91 - Arrêt Daugy c/
France du 23 mars 1999 et Richard c/ France du 12 Octobre 1999.
* 92 -Christian
Guéry : « La détention
provisoire », Dalloz référence Droit pénal 2001,
P.96.
* 93 - CA Versailles, ch.
Acc.., 13 juillet 1989, Gaz. Pal. 4/5 oct. 1989, P.8.
* 94 - CA Dijon, ch. acc.., 30
juin 1988, inédit.
* 95 - CA Montpellier, Ch.
acc., 22 oct. 1996, Bull. Inf. C. cass. 442, n°1333.
* 96 - CA Toulouse, ch. acc., 8
juillet 1993, inédit.
* 97 - CA Douai, ch. acc. 6
nov. 1998, n°2784, inédit.
* 98 - CA Versailles, ch. acc.
9 sept 1993, Dr. Pénal nov. 1993, P.14
* 99 -Martine HERZOG-Evans,
procédure pénale, Dyna-sup, l'essentiel du cours, oct. 2000,
P.79
* 100 - Mais si le
prévenu ne reçoit pas encore de visites, il pourrait rencontrer
d'autres détenus lors des promenades, à l'infirmerie, au sport,
etc., qui, à leur tour, pourraient faire passer des messages par
l'intermédiaire de leurs propres visiteurs.
* 101 - Article 145-4
alinéa 4 du code de procédure pénale.
* 102 - M. HERZOG-Evans, droit
pénal général, Vuibert, Dyna-sup, 1er
éd., 2000, n° 124., l'article 723-7 est issu de la loi
n°2004-204 du 9 mars 2004 sur le placement sous surveillance
électronique.
* 103 - Article 81
alinéa 7 du code de procédure pénale issu de la loi du 6
juillet 1989.
* 104 - Le monde, novembre
1988
* 105 - Paris, 15 janvier
1964, JCP, 1964. II. 13567, note Chambon.
* 106- TGI Paris, 15 Oct.
1969, JCP, 19709.II.16153, concl. Jégu, note Batigne.
* 107 - Bourges, 16
février 1950, JCP.II.5629 .
* 108 - Dispositions issues de
la loi n°96-1235 du 30 décembre 1996 (JO, 1er janvier
1997), cette loi a redéfini la notion d'ordre public, a rendu plus
stricts les motifs qui justifient le placement en détention et a
raccourci les délais de sa prolongation.
* 109 -Constitution 3
septembre 1791, chapitre 5 article 3.
* 110 - Code civil, article 5,
édition 2006.
* 111 -Alain Duhamel,
Libération, 19 juillet 1996.
* 112 - Melique David :
La détention provisoire, mémoire de DEA défense nationale
de l'université de Lille 2, 2000/2001, P.49.
* 113 - Anne Chemin, le Monde
du 12 juillet 1996.
* 114 -Chiffre de
l'administration pénitentiaire de 2005. Ministère de la
justice.
* 115 -Crim., 28 nov. 1996,
Dr. Pén. 1997, n°54.
* 116 -www.prison.org, sources
statistiques pénitentiaires.
* 117 - Ces données
datent de 2003 fournies par le Conseil de l'Europe.
* 118 -A propos du Chef de
l'Etat au sujet de financement politique à la Mairie de Paris ordonnance
publiée par le Monde, 19 avril 1999, P. 10.
* 119 -Jean-Claude
Soyer : Manuel droit pénal et procédure pénale,
11e édition, E.J.A. 1994., P.332.
* 120 -Rapport de M. Charles
JOLIBOIS au nom de la Commission des lois du Sénat, n°419
(1998-1999).
* 121 -Contra, M.-L. RASSAT,
rapporté par Serge Guinchard et Jacques Buisson : manuel de
procédure pénale, 2e édition, LITEC 2002,
n°1230, P.977.
* 122- Article 5-3 CEDH
* 123 - Cass. Crim., 30
octobre 1990 : Bull. 364 ; D. 1991, 292, note D. MAYER et somm. Comm.
211, obs. PRADEL ; 17 octobre 1991 : Bull. 355.
* 124 - Cass. Crim., 6 mai
1985 : Bull. 169.
* 125 - Bernard CALLE :
« Que sais-je ? » : la détention
provisoire, 1ere édition, 1992, P.85.
* 126 - Crim. 26 sept 1995,
Dr. Pén., 1995, n°269 (détention inopportune) ; 10 mai
1995, B., 168 (détention maintenue par une ordonnance de prolongation
rendue hors délai mais non frappée d'appel).
* 127 - Letellier, 26 juin
1991, JCP, 1992.II.21931, note Jouve, Dr. Pén., oct. 1991 (deux ans et
neuf mois) ; Kemmache, 27 nov. 1991, RSC, 1992.143, obs. Petitti (quatre
périodes de détention provisoire) ; Muller, 17 mars 1997
(quatre ans) ; Debboub, 9 nov. 1999, procédures, 2000, n°21
(cinq ans).
* 128 - Crim., 7 mars 1991,
B., 116, la décision est régulière dès qu'est
intervenu dans les délais l'ordre d'expertise médicale aux fins
de déterminer l'aptitude de l'intéressé à demeurer
en détention.
* 129 - Article 148 et 148 al.
1 issu de la loi du 15 juin 2000 (art. 56).
* 130 - Si la
déclaration a été faite par envoi d'une lettre ;
Cass., crim., 14 mars 1989 : Bull. 124.
* 131 - Cass., crim., 25 mars
1985 : Bull. 122.
* 132 - Le jour de
communication du dossier au juge des libertés et de la détention
n'entre pas en compte dans la computation du délai (cass. Crim. 19 mars
1985 : Bull. 114.). Le juge des libertés et de la détention
statue par une ordonnance qui n'implique nulle motivation s'il remet
l'intéressé en liberté.
* 133 - Par déclaration
au greffe ou envoi d'une lettre recommandée lorsque ce
procédé est autorisé ou déclaration au chef de
l'établissement pénitentiaire.
* 134 - Cass., crim., 22 juin
1971 : D. 1971, 546, note PRADEL ; 22 février 1983 : D.
1983.
* 135 - Pour une application
à la chambre de l'instruction, Cass. Crim. 10 février 1999 ;
Procédures, juill. 1999, n°184, obs. BUISSON.
* 136 - Crim., 22 nov. 1990,
B., 998.
* 137 - Article 179, al. 3 du
code de procédure pénale, rapp. Par Serge Guinchard et Jacques
Buisson : procédure pénale, 2e édition
LITEC 2002, P. 902 et S.
* 138 -Présentation des
dispositions relatives à la réparation des détentions
provisoires injustifiées, CRIM 2003-06 E8/030-05-2003, NOR :
JUSD0330079C, et pour attribution aux procureurs Généraux et
premiers présidents des Cours d'appel en date du 30 mai 2003.
* 139 - Cette commission a
été créée par la loi du 17 juillet 1970.
* 140 - Bernard CALLE :
« Que sais-je » ? la détention provisoire, 1ere
édition, mars 1992, P.101. Dans le cas de l'espèce, il ne s'agit
pas d'une décision judiciaire mais administrative.
* 141 - En date du 13 octobre
2000, n°99 IDP 148. Dans cette espèce, a été
déclarée recevable la demande du requérant relaxé
du chef d'infraction d'association de malfaiteurs ayant pour objet la
préparation d'un acte de terrorisme, mais condamné à la
peine de 4 mois de prison avec sursis au titre de l'infraction à la
législation sur les étrangers, la commission a relevé
qu'il n'était pas démontré que l'infraction constituait un
délit flagrant au moment de l'interpellation du requérant et
qu'elle n'était donc pas susceptible d'entraîner le placement en
détention en application de l'article 144 du code de procédure
pénale.
* 142 - Revue de
l'Actualité Juridique Française, note de Patrick LINGIBE, Avocat
au Barreau de la Guyane, chargé de cours à l'Institut d'Etudes
Supérieures de la Guyane.
* 143 - Cet article
prévoit que « N'est pas pénalement responsable la
personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique
ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses
actes ». Le nouveau code pénal n'a pas repris le terme de
« démence » en raison de son imprécision.
* 144- C CRIM 2003-06
E8/30-05-2003, NOR : JUSD0330079C : Détention provisoire,
réparation, 3 mai 2003
* 145- CRIM 2003-06
E8/30-05-2003, NOR : JUSD0330079C : Détention provisoire,
réparation, 3 mai 2003.
* 146 - Idem (bas de page
n° 121 et S.).
* 147 - Rapport de la Cour de
cassation 1997, la Documentation Française, page 394.
* 148 - Rapport de la Cour de
cassation 1998, la Documentation Française, p. 401.
* 149 - J.O., débats
Sénat, séance du 21 novembre 2000, page 6304.
* 150 - Ce principe est
affirmé dans la quasi-totalité des décisions de la
commission nationale de réparation des détentions provisoires et
notamment dans les premières décisions rendues en date du 24
janvier 2002 (n°01-92001 ; 01-92003 ; 01-92005).
* 151 - Décisions en
date du 13 octobre 2000 (n°99 IDP 148 et n°99 IDP 170) et du 15
décembre 2000 (n°98 IDP 156). Ces décisions ont
été rendues par la commission prévue à l'article
149-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction
antérieure à la loi du 15 juin 2000, la commission ayant fait
toutefois application des principes institués par la loi nouvelle.
* 152 - Décision du 21
novembre 2002, n°02 RDP 052.
* 153 - Décisions du 24
janvier 2002 (n°01-92005) et du 28 juin 2002 (n°02 RDP 003).
* 154 - Décision du 21
novembre 2002 (n°02 RDP 050).
* 155 - Décisions du 19
septembre 2002, n°02 RDP 019 et 02 RDP 020 et du 27 mai 2002, n°01
RDP 014.
* 156 - Décisions du 3
mai 2002, n°01 RDP 008 ; du 19 Septembre 2002, n°02 RDP 019).
* 157 - Décision du 19
septembre 2002, n°02 RDP 016.
* 158 - Décision du 3
mai 2002, n°01 RDP 011.
* 159 - Par décret
n°2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l'indemnisation
à raison d'une détention provisoire et du décret
n°2000-709 du 31 juillet 2001, relatif à la commission de suivi de
la détention provisoire.
* 160 - Arrêt du 8
décembre 1983, Pretto, série A, n°71, par. 21.
* 161 - Voir VINCENT et
GUICHARD, procédure civile, précis dalloz.
* 162 - sur ce point, la
circulaire JUSD0020215C du 11 décembre 2000 indique que le
président de la Cour d'assises doit informer l'accusé de sa
possibilité de demander l'indemnisation de son préjudice, cet
avis devant être mentionné dans le procès verbal
prévu à l'article 378 du code de procédure pénale.
De même, la circulaire JUSD003220C du 20 décembre 2000 rappelle en
matière de jugement de relaxe que, en pratique, l'information doit
être donnée oralement par le président du tribunal si le
jugement est rendu en présence de l'intéressé, le jugement
faisant alors état de cet avis ; l'information doit
expressément figurer dans le jugement si celui-ci doit être
signifié.
* 163 - Décision du 28
juin 2002, n°02 RDP 002 et le 11 octobre 2002, n°02 RDP 011.
* 164 - Décision du 28
juin 2002, n°01 RDP 022 et 01 RDP 021 et le 21 novembre 2002, n°02
RDP 039.
* 165 - La commission a pu
juger en ce sens (voir rapport d'activité de la Cour de cassation pour
l'année 2000, n° IDP 169 du 2 novembre 2000 et IDP 106 du
1er décembre 2000).
* 166 - Décision du 15
décembre 2000, n°98 IDP 156, cette décision a
été rendue par la commission prévue à l'article
149-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction
antérieure à la loi du 15 juin 2000, la commission ayant
toutefois fait application des principes institués par la loi
nouvelle.
* 167 - Décision du 24
janvier 2002, n°01-95005.
* 168 - Décision du 24
janvier 2002, n°01-92003.
* 169 - Décisions du 24
janvier 2002, n°01-92004, du 28 juin 2002, n°02 RDP 004, du 11
octobre 2002, n°02 RDP 017 et du 21 novembre 2002, n°02 RDP 040 et 02
RDP 042.
* 170 - Commission nationale
de réparation, décision n°03CRD022 du 6 février
2004.
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