SECTION 2 - LES FORCES DE LA LEGISLATION
FONCIERE COUTUMIERE
I - LE RESPECT DES PRINCIPES FONCIERS COUTUMIERS
La législation foncière coutumière a
bravé toutes les tentatives de la supprimer, de la période
coloniale à nos jours. La dualité des systèmes de gestion
des terres s'est imposée à tous les régimes politiques.
Même après la suppression légale des droits fonciers
coutumiers, l'ensemble de la population burkinabè, décideurs
politiques et citoyens ordinaires continuent de faire recours aux
autorités coutumières dès qu'ils envisagent
acquérir une terre aussi bien pour l'usage communautaire (pour les
autorités communales par exemple) que pour l'usage individuel. Cette
situation constitue une force de la législation foncière
coutumière. En effet, si personne ne permettait aux responsables
coutumiers d'exercer leur autorité dans la gestion des terres
burkinabè, la législation foncière coutumière
s'éteindrait d'elle-même. Mais tout le monde a recours à
l'autorité coutumière pour obtenir la terre. «...en effet,
dans la pratique, tout le monde y compris ceux-là même, qui sont
chargés de concevoir et de faire appliquer la loi se
réfèrent aux règles traditionnelles lorsqu'il s'agit pour
eux d'accéder à la terre en milieu rural. Le schéma est le
même et il consiste à s'adresser, directement ou par
l'intermédiaire d'une tierce personne, aux `'propriétaires
terriens `'. Ainsi, tous ceux qui s'intéressent au foncier, y compris
les intellectuels, accèdent aux conditions à remplir, notamment
les offrandes aux ancêtres pour implorer leur pardon et leur protection
dans l'utilisation des terres concédées. »1
II - L'OCCUPATION OBLIGATOIRE DE L'ESPACE, UN
PREALABLE A L'ACQUISITION DES DROITS FONCIERS COUTUMIERS
Les conditions d'obtention et d'exercice de tout droit sur la
terre constituent de notre point de vue une seconde force de la
législation foncière coutumière. En effet,
1
moussaouedraogo@hotmail.com `' Le foncier dans les politiques de
développement au Burkina Faso : enjeux et stratégies»
OUEDRAOGO Moussa, page 13.
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
ni le droit de propriété, ni celui d'usage ne se
conçoit dans le régime foncier coutumier sans une occupation
effective de l'espace.
A l'heure des spéculations foncières, effets
induits de l'approche règlementaire de la question foncière qui
ne considère la terre que selon sa valeur économique,
l'occupation effective de l'espace comme condition obligatoire de
détention de tout droit sur la terre apparaît comme une
véritable force de la législation foncière
coutumière. Surtout pour un pays comme le Burkina qui tire l'essentiel
de ses ressources de la terre exploitée. « L'appropriation,
à l'origine ne se conçoit pas sans une mise en valeur,
c'est-à-dire sans que les deux conditions suivantes soient remplies :
vivre sur la terre et vivre de la terre occupée. Les terres
cultivées et les parcours de chasse étaient donc
considérés comme occupés par une collectivité et
donc appropriés par elle (...) Il faut donc considérer que le
`'premier coup de hache» qui confère le droit de
propriété, n'était qu'un symbole à travers lequel
se manifestaient toutes les formes d'activités qu'exerçait une
communauté sur un territoire, et qui lui procuraient ses moyens de
subsistances... »1
III - L'EXCEPTION AU PRINCIPE D'INALIENABILITE DU
DROIT DE PROPRIETE
L'évolution de certains principes coutumiers tels que
celui de l'inaliénabilité du droit d'usage est une force de la
législation foncière coutumière. La pratique qui
était peu courante à l'époque coloniale a pris de
l'ampleur au fil de l'évolution des sociétés africaines.
« Les donations vraies se conçoivent comme une forme de
contournement de la règle de l'inaliénabilité de la terre
en coutume traditionnelle. Elles se faisaient contre des paiements en nature,
et plus tard en nature et en espèce. Elles ont conféré les
droits de propriété aux bénéficiaires et ces droits
n'étaient pas révocables, mais se transmettaient de
génération en génération. »2
Cette évolution fait la preuve contraire des
appréhensions du colonisateur français, en montrant que le
système foncier coutumier africain, comme toute structure sociale
évolue et se modèle au gré des exigences sociales et
économiques du moment. La `'donation» est un mode de transmission
des droits fonciers coutumiers, qui ressemble à s'y méprendre,
à la vente.
1 `'Espaces disputés en Afrique noire»,
éditions Karthala, Paris, 1986, page 42.
2 `'Espace disputé en Afrique noire»,
éditions Karthala, Paris 1986, page 45.
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