DEUXIEME PARTIE :
PROPOSITION DE REFORME
Depuis l'accession du Burkina Faso à
l'indépendance, les régimes politiques qui ont
présidé aux destinées du pays ont eu à coeur de
disposer d'un outil juridique efficace pour mener à bien leur politique
de développement. La loi étant le support de la politique, elles
ont estimé que le préalable à tout dispositif juridique
était la mise en place d'une politique globale et cohérente du
secteur concerné afin que la loi accompagne la réalisation des
objectifs de l'action politique.
Pour ce faire, et au regard des insuffisances de la RAF, le
gouvernement du Burkina a entrepris, à travers le Ministère de
l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH), de
mettre en place une Politique Nationale de Sécurisation Foncière
en Milieu Rural (PNSFMR).
Dans le but de proposer une reforme actuelle et
réalisable (chapitre 2 et 3), nous examinerons la PNSFMR afin d'en tenir
compte si ses dispositions satisfont aux impératifs de cohésion
socio - culturelle et de développement social et économique
(chapitre 1).
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
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widap7@yahoo.fr
CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX DES PROJETS DE REFORME
EN COURS : LA POLITIQUE NATIONALE DE SECURISATION FONCIERE EN MILIEU
RURAL
La politique de sécurisation foncière est
l'ensemble des processus, actions, et mesures de toute nature, visant à
permettre à l'utilisateur et au détenteur de terres rurales de
mener effectivement ses activités productives, en le protégeant
contre toute contestation ou trouble de jouissance de ses
droits1.
Selon le Ministre Salif DIALLO, Ministre d'Etat, Ministre de
l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources Halieutiques, la question
foncière ne se pose pas au Burkina (9 millions d'hectares dont 3,5
millions d'hectares emblavés actuellement) en terme de redistribution
des terres mais essentiellement en terme de sécurité juridique
sur les propriétés actuelles et à venir, aussi bien des
particuliers que des collectivités territoriales constituées que
sont l'Etat et les communes.
Pour sécuriser davantage les droits fonciers des
acteurs ruraux, les autorités politiques du Burkina Faso ont entrepris
l'élaboration d'une PNSFMR. Nous la présenterons (section 1)
avant de relever ses forces (section 2) et ses insuffisances (section 3).
SECTION 1 : PRESENTATION DE LA POLITIQUE NATIONALE DE
SECURISATION FONCIERE EN MILIEU RURAL
La mise en oeuvre de la politique de sécurisation
foncière en milieu rural se fera à travers un document portant
PNSFMR qui contient l'ensemble des actions et des dispositions à mettre
en oeuvre et une loi de mise en application de ces directives.
Ces documents (celui de PNSFMR et l'avant-projet de loi) ont
été soumis à l'analyse des différents acteurs du
milieu rural sur l'ensemble du territoire national.
1 Définition contenue dans le document de PNSFMR
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Nous présenterons le document portant PNSFMR (I), les
conclusions des ateliers de concertations des acteurs du milieu rural (II)
ainsi que l'avant-projet de loi relatif à la sécurisation
foncière en milieu rural (III).
I - PRESENTATION DU DOCUMENT DE
PNSFMR
La PNSFMR vise à « assurer à l'ensemble des
acteurs ruraux, l'accès équitable au foncier, la garantie de
leurs investissements, la gestion efficace des différends fonciers afin
de contribuer à la réduction de la pauvreté, à la
consolidation de la paix sociale et à la réalisation d'un
développement durable. 1»
Pour atteindre cet objectif global, la PNSFMR s'articule
autour de six orientations principales qui comportent chacune des objectifs
spécifiques qui constituent des axes à réaliser.
I-1- PREMIERE ORIENTATION : RECONNNAITRE ET PROTEGER LES
DROITS LEGITIMES DE L'ENSEMBLE DES ACTEURS RURAUX SUR LA TERRE ET
LES RESSOURCES NATURELLES
Il s'agira de reconnaître les droits fonciers des
productrices et producteurs ruraux, de l'Etat, des collectivités
territoriales et des particuliers ; ainsi que la maîtrise locale des
communautés villageoises et inter - villageoises sur les ressources
communes de leur terroir.
1-2 - DEUXIEME ORIENTATION : PROMOUVOIR ET ACCOMPAGNER
LE DEVELOPPEMENT D'INSTITUTIONS LEGITIMES A LA BASE
Cette orientation se fera à travers les axes suivants :
- le renforcement de la participation des institutions locales
à la gestion foncière ;
- l'implication des autorités coutumières dans la
gestion foncière locale ; - la clarification des règles locales
de gestion foncière rurale ;
1 Salif DIALLO, note introductive du document de
PNSFMR.
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- la promotion de nouvelles approches d'appui et d'accompagnement
de la constitution d'institutions villageoises et inter - villageoises
légitimes.
1-3 TROISIEME ORIENTATION : CLARIFIER LE CADRE
INSTITUTIONNEL DE GESTION DES CONFLITS AU NIVEAU LOCAL ET AMELIORER
L'EFFICACITE DES INSTANCES LOCALES DE RESOLUTION DES CONFLITS
Pour y arriver la PNSFMR prévoit de reconnaître
les prérogatives locales des institutions villageoises et inter-
villageoises dans le règlement alternatif des conflits et renforcer
leurs capacités.
1-4 - QUATRIEME ORIENTATION : AMELIORER LA GESTION DE
L'ESPACE RURAL
- Clarifier et définir les types de domaine foncier ;
- Délimiter les terres relevant du Domaine Foncier de
l'Etat (D.F.E) et élaborer de manière participative des plans et
schémas d'aménagements locaux ;
-Mettre en oeuvre des mesures spécifiques relatives
à l'amélioration de la gestion des périmètres
aménagés.
- améliorer la gestion des aires de préservation
des ressources naturelles.
- mettre en oeuvre les mesures spécifiques suivantes
relatives aux espaces ruraux : clarifier le statut des espaces ruraux : les
immatriculer, leur attribuer des titres de jouissance, entreprendre des actions
d'aménagement avec les acteurs concernés...
I-5- CINQUIEME ORIENTATION : METTRE EN PLACE UN CADRE
INSTITUTIONNEL COHERENT DE GESTION DU FONCIER RURAL
La gestion du foncier rural se fera par la mise en place
d'institutions de gestion foncière :
- au niveau de la base ;
- au niveau intermédiaire ;
- et au niveau central.
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I-6- SIXIEME ORIENTATION : RENFORCER LES CAPACITES DES
SERVICES DE L'ETAT, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE LA SOCIETE CIVILE
EN MATIERE FONCIERE
- Par le renforcement de l'efficacité des services
techniques de l'Etat, des collectivités territoriales et de la
société civile ;
- Et par la promotion et le renforcement des fonctions de suivi
et d'évaluation de la sécurisation foncière.
II - CONCLUSIONS DES ATELIERS DE CONCERTATION SUR LA
PNSFMR
Le document de PNSFMR a été soumis à
l'appréciation des différents acteurs du milieu rural au cours de
quatre ateliers organisés à cet effet à Kaya, Tenkodogo,
Koudougou et Bobo-Dioulasso. Deux autres ateliers ont été
organisés à Kaya et à Bobo-Dioulasso pour les élus
locaux.
Les acteurs qui ont participé à ces ateliers ont eu
entre autre à se prononcer sur l'implication ou non des autorités
coutumières dans la gestion du foncier et sur la détention par
l'Etat seul, de la propriété des terres. La majorité des
participants a estimé qu'il était impératif d'impliquer
les autorités coutumières dans la gestion des terres. Beaucoup
d'entre eux ont trouvé que l'Etat ne devait pas être l'unique
propriétaire des terres. Certains acteurs ont néanmoins
émis des réserves ou fait des observations :
- Kaya : Les services techniques ont émis des
réserves quant au désengagement de l'Etat qui selon eux, doit
contrôler la régularité des aménagements.
-Tenkodogo : La question de l'implication des
autorités coutumières a été diversement
appréciée. Certaines personnes estiment que la PNSFMR les
écartent tandis que d'autres pensent qu'elle les implique.
III - CARACTERISTIQUES DE L'AVANT-PROJET DE LOI DE
SECURISATION
FONCIERE EN MILIEU RURAL
L'avant-projet de loi de sécurisation foncière en
milieu rural prévoit une instance de gestion des terres et
précise la nature des droits fonciers ruraux.
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III-1- LE SERVICE CHARGE DE LA GESTION DE LA TERRE
RURALE
Au niveau de chaque commune rurale, l'article 39 de
l'avant-projet de loi crée un Service Foncier Rural (S.F.R)
chargé de la gestion du foncier. Il effectue cette tâche « en
collaboration étroite avec les services techniques compétents
déconcentrés de l'Etat 1».
Il est appuyé dans sa tâche par une Commission
Foncière Rurale (C.F.R) créée par l'article 41 au sein du
Comité Villageois de Développement (C.V.D) de chaque village
constitué.
III-2- LA NATURE DES DROITS SUR LA TERRE RURALE
L'avant-projet de loi stipule que les terres rurales
constituent un patrimoine commun à la nation mais que l'Etat ne dispose
pas d'une propriété de plein droit sur l'ensemble. Il institue
des droits de propriété et d'usage sur la terre rurale. Pour ce
faire il instaure deux domaines fonciers :
- le Domaine Foncier de l'Etat (D.F.E)
- le Domaine Foncier des Collectivités Territoriales
(D.F.C.T)
La propriété foncière des personnes de
droit privé est reconnue. L'avant-projet de loi classe la terre en deux
catégories : d'une part, les terres susceptibles de cession et d'autre
part, celles qui ne sont pas cessibles. Il confie l'élaboration de la
PNSFMR au Ministère chargé de l'Agriculture, en collaboration
avec les ministères concernés2.
III-2-1 Le droit de propriété
1) Les terres pouvant être
cédées. Les terres rurales appartiennent aux
personnes physiques ou morales suivantes qui disposent du droit de
propriété à la suite des procédures
d'immatriculation en leur nom :
- l'Etat, pour les terres rurales aménagées et
celles qu'il acquiert à la suite
de négociations amiables avec les possesseurs fonciers
ruraux. Ces terres entrent dans le DFE;
- les collectivités territoriales pour les portions du DFE
qui leur sont cédées
1 Avant projet de loi relatif à la
sécurisation foncière en milieu rural, article 40.
2 Avant projet de loi relatif à la
sécurisation foncière en milieu rural, articles 3, 4 et 5.
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à titre définitif par l'Etat et celles qu'elles
acquièrent à la suite de négociations amiables avec les
possesseurs fonciers ruraux. Ces terres font partie du DFCT.
- Les possesseurs fonciers ruraux qui possèdent les
terres rurales à titre individuel ou collectif (personne physique ou
morale de droit privé, famille ou groupement de familles). Ils peuvent
convertir leur possession foncière en droit de jouissance ou de
propriété définitive par la procédure de
l'immatriculation1.
2) Les terres ne pouvant pas être
cédées. Il s'agit des terres n'appartenant
pas en propre à des particuliers. Les communes rurales sont tenues de
les recenser, les délimiter et les immatriculer en leur nom.
Ces terres acquièrent dès lors, les
caractères de la domanialité publique et sont de ce fait
inaliénables, imprescriptibles et insaisissables2.
III-2-2- les droits d'usage
Il s'agit des droits d'exploitation accordés par les
possesseurs fonciers ruraux ou les maires à de tierces personnes
à titre personnel et temporaire.
Constituent des droits d'usage fonciers ruraux :
- les prêts de terres rurales à caractère
temporaire ou pour une durée indéterminée ;
- les locations de terres rurales, à l'exclusion des baux
emphytéotiques ; - les autorisations temporaires de cultures ;
Le cas du bail
emphytéotique. A la différence des autres
droits d'usage, l'emphytéose constitue un droit réel immobilier
que seul l'Etat peut accorder sur les terres qu'il a aménagé. Il
est susceptible d'hypothèque et est consenti pour une période de
35 ans renouvelable3.
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