Sommaire
Introduction........................................................................1
PREMIERE PARTIE
I / - Le Niger : les facteurs aggravants en matière
de sécurité alimentaire...6
1/ - Présentation des facteurs
......................................................6
a/ la
pauvreté.........................................................................6
b/ le désert et la
sècheresse.........................................................7
c-le climat
............................................................................8
d-La croissance
démographique...................................................8
2/ -Les orientations politiques de la sécurité
alimentaire au Niger...........9
a/ Les principales cultures vivrières du
Niger..................................10
II/ -la place de l'aide alimentaire dans la politique de
sécurité alimentaire au
Niger..............................................................................10
1/ -L'aide alimentaire programmes (ou
continue).............................11
a/ Mise en oeuvre de l'aide programme (ou la
monétisation).................12
b/ Controverse au tour de la question de l'aide alimentaire
monétisée......15
2/ L'aide en situation d'urgence (cas de la crise de
2005)................... 16
a/ La mise en oeuvre de l'aide d'urgence au Niger en
2005..................20
DEUXIEME PARTIE
III/ -Les pays donateurs et les conditions d'octroie de l'aide
alimentaire..22
1/ Quels sont les pays donateurs et organisations internationales
intervenant
Niger ?........................................................................................................22
2/ -De quoi est constituée l'aide alimentaire
apportée au
Niger...........................................................................25
3/ -Dans quelles conditions l'aide alimentaire est elle
acheminée ?.........................................................................................26
TROISIEME PARTIE
IV/ -TENTATIVE DE REPONSE
AUX..................................28
HYPOTHESES...........................
..................................28
Hypothèse
1..................................................................28
Hypothèse 2
..................................................................30
Hypothèse 3
..................................................................31
DISCUSSION/CONCLUSION.............................................33
Annexe
Introduction
Le choix de ce sujet nous a été inspiré
à la fois par l'actualité alarmante des désastres que
cause la malnutrition dans le monde entier sous des formes diverses, mais aussi
et surtout, pour me conformer à nos objectifs de formation et nos
projets de fin de formation, c'est-à-dire, la conception, la
coordination et le suivi des projets de développement en milieu rural,
notamment en ce qui concerne l'autosuffisance alimentaire dans des
sociétés où la famine à des caractères
endémiques et épidémiques.
En effet, parti du principe qu'il n'y a et n'aura aucun
développement conséquent dans une société sans le
développement du secteur rural qui sert, dans la majorité des
pays, de moteur à combustion interne, permettant le ravitaillement en
vivres et de toutes sortes de produits de première
nécessité garantissant la sécurité alimentaire.
Ayant constaté les multiples crises de production que connaît ce
secteur d'activité dans certains pays du tiers monde, ayant aussi pris
en compte les difficultés d'ordre conflictuelles, stratégiques ou
naturelles qui, sans doute, si elles n'étaient pas
considérées fausseraient tout raisonnement. Nous sommes
arrivés à nous interroger sur les facteurs externes favorisant
l'équilibre de ce secteur sur lequel repose la sécurité
alimentaire ou contraignant celui-ci à marcher de façon bancale
en ayant pour seul repère l'aide alimentaire des pays dits
développés. Il nous à paru clairement que la notion d'aide
alimentaire était à la fois un enjeu important dans le
développement des pays souffrants de malnutrition et de famine -
puisqu'elle est très souvent présentée comme la solution
pour venir en aide aux populations en crise et aussi une façon de
favoriser le progrès économique de ces pays - ainsi qu'aux pays
donateurs, touchant ainsi un système d'organisation plus large
qu'est : le système d'aide humanitaire international.
L'encyclopédie Encarta donne la définition
suivante de l'aide internationale :
« C'est l'ensemble des ressources, publiques ou
privées, transférées à l'échelle
internationale à des conditions plus favorables que celles du
marché, dans le but de favoriser le progrès économique et
social des pays qui en sont les destinataires ».
Si l'aide alimentaire apportée aux populations des pays
qui sont dans le besoin peut se justifier, nous sommes cependant restés
perplexe face à la présence de cette aide sur les marchés
nationaux. Nous avons alors entrepris des recherches sur cette aide
monétisée sur les marchés locaux. Quelle est sa
pertinence, son impact, son efficacité sur les problèmes
d'insécurité alimentaire qui prévalent dans certains pays
du tiers monde ?
C'est de cette façon que nous avons été
amené à choisir de traiter du thème de l'« aide
alimentaire monétisé ».
Dans la question de l'aide alimentaire il y a la question
sous-jacente de l'insécurité alimentaire, car, considère
t-on à tord ou à raison qu'elle est le fondement même de
cette idée de l'aide alimentaire.
Ici la sécurité alimentaire devrait s'entendre
comme : « la possibilité pour tous de disposer en
permanence d'une alimentation suffisante pour être en bonne santé
et mener une vie active ». Nous nous pressons de préciser que
cette définition donnée par la Banque mondiale en 1986, est loin
d'être une définition univoque car, elle ne saurait
refléter la complexité de la notion d'insécurité
alimentaire dont les indices d'identification sont très discutables
selon les circonstances et selon le niveau économique de certains pays
du monde.
On peut distinguer deux formes d'insécurité
alimentaire : l'insécurité alimentaire permanente et
l'insécurité alimentaire temporaire. Le premier correspond
à l'incapacité permanente pour un pays, une population ou une
société à se nourrir de façon satisfaisante, et le
second étant la conséquence d'une conjoncture inattendue et
éventuellement passagère, causant l'incapacité d'une
population à accéder à une alimentation suffisante.
Cette définition à deux niveaux (chronique et
temporaire) nous à révélé une approche de l'aide
alimentaire sur deux dimensions différentes : l'aide
répondant à une situation d'insécurité alimentaire
permanente (ou aide continue) et l'aide répondant à une situation
d'insécurité alimentaire temporaire (ou l'aide d'urgence).
Devant la mutation de la notion de l'aide, il nous a
semblé crucial de repérer un cas d'étude qui
réunissait les deux facettes de l'aide. Un pays qui portait à la
fois les germes d'une insécurité alimentaire permanente et
temporaire, et, dont l'aide alimentaire monétisée serait pratique
courante.
Le Niger nous a semblé être le cas type à
la fois pour des raisons évoquées précédemment, et
pour des raisons d'actualité récente, notamment la
dernière crise alimentaire que le pays a connu en 2005.
Le Niger est un pays d'Afrique occidentale frontalier de la
Libye et de l'Algérie au nord, du Nigeria et du Bénin au sud, du
Burkina et du Mali à l'ouest et du Tchad à l'est. La partie nord
du pays qui constitue plus de sa moitié est située en plein
désert du Sahara1(*)
où habitent les nomades Touaregs dont l'ultime activité
économique reste l'élevage des moutons, chèvres et
chameaux.
Le Sahel2(*) traverse le centre-sud du pays où la
sècheresse est très intense, alors que le sud représente
la seul zone fertile du pays avec des savanes et des pluies suffisamment
abondantes pour des cultures vivrières diverses et variées.
C'est dans cette région que se trouve le fleuve Niger, l'une des plus
grandes étendues d'eau du continent.
Rappelons tout de même que le pays vit essentiellement
d'agriculture et d'élevage, les entreprises industrielles - très
petites - sont pour la plupart, implantées à Niamey la capitale
et à Zinder la ville économique. En 2001 le produit
intérieur brut était de 2 milliards de dollars, soit 170 dollars
par habitant.
Ainsi donc, nous traiterons dans la première partie de
notre étude des aspects de cette économie essentiellement
agricole et de la façon dont s'articulent politique alimentaire locale,
insécurité alimentaire et aide alimentaire dans ce pays qu'est le
Niger. Il s'agit en fait de présenter les facteurs aggravants des
problèmes agro pastoraux, les stratégies politiques et
sociétales en la matière, puis le lien plus ou moins
évident avec l'aide alimentaire.
La seconde partie consacré à l'aide alimentaire
apportée au Niger nous permettra d'apprécier la nature de l'aide,
les pays qui donnent, les conditions d'octroie dudit don, les conditions
d'acheminement, les partenaires qui interviennent dans ce secteur, le
rôles des ONG locales et internationales, puis le rôle des
subventions dans la pratique de l'aide.
En effet, pour des raisons de moyens très
limités et des circonstances très particulières de la
recherche - recherche effectuée en même temps que le
déroulement des cours à l'IUT, - étant dans
l'incapacité de faire un travail de recherche sur le terrain (au Niger),
nous nous sommes contenté des lectures diverses sur la question de
l'aide alimentaire monétisée. Comme nous l'avons montré
plus haut, vu la façon dont ce sujet s'enchevêtre, s'articule avec
d'autres notions (l'insécurité alimentaire, développement
rural...), nous avons eu recours à plusieurs manuels scientifiques
différents : ceux traitant de l'insécurité
alimentaire pour étayer nos propos, ceux traitant du cas exclusif du
Niger en matière de stratégie politiques et agricoles et ceux
traitant du système d'aide alimentaire. Nos recherches nous ont conduit
aussi à consulter sur Internet des oeuvres de recherches doctorales ou
des rapports commandités par des institutions internationales ou
locales. Les critères de sélection de ces documents étant
la provenance des sources d'information utilisées par les auteurs,
c'est-à-dire, la scientificité des informations recueillies (si
elles proviennent bien des études faites sur le terrain ou pas ; si
les chiffres indiqués ont fait l'objet d'une étude
préalable ou pas...).
De ce fait, nous avons essayé de faire parlé nos
manuels en se posant un nombre de question dont les réponses devraient
sortir de nos lectures, comme si on avait devant nous nos interlocuteurs
chercheurs ayant écrit sur la question. Ces questions se traduisent
par :
- quel est l'impacte commercial de l'aide sur les populations
aidées ?
- quels sont les pays donateurs et pourquoi
donnent-ils ?
- y a-t-il un réel lien entre l'aide apportée
aux pays sous développés et les exportations des aliments venant
des pays développés ?
- quel rapport y a-t-il entre l'aide et le prix des aliments
sur les marchés locaux des pays
bénéficières ?
Autant de questions qui se sont résumées par une
seule, que nous avons pris pour question de départ :
- L'aide alimentaire monétisée un atout
ou une régression dans le système international d'aide
Humanitaire?
Dans la mesure où ce qui nous intéresse dans
cette recherche c'est la façon dont cette aide se pratique et son
impacte sur les populations bénéficiaires, nous avons posé
comme problématique la question suivante :
L'aide alimentaire monétisée quel impact
sur le développement social et économique : Le cas du
Niger.
Ainsi, nous avons émis des trois hypothèses que
voici :
Hypothèse 1
L'aide alimentaire monétisée quel impact sur le
développement social et économique :
Le cas du Niger.
Hypothèse 2
Les décisions politiques en matière de
production agricole au Niger sont étroitement liées à
l'aide alimentaire internationale.
Hypothèse 3
Le soutien aux exportations de l'aide alimentaire dans les
pays donateurs profiterait plus à ces derniers qu'aux potentiels
bénéficières.
I / - Le Niger : les facteurs aggravants en
matière de sécurité alimentaire
Selon la définition que donnait la FAO au sommet
mondiale de l'alimentation en 19963(*), « la sécurité alimentaire est
assurée quand toute la population, à tout moment,
bénéficie d'un accès physique et économique
à une quantité suffisante de nourriture saine pour une vie
active, en bonne santé. Quatre conditions sont donc requises :
disponibilité suffisante en produits alimentaires ; stabilité de
l'offre, sans fluctuations ou pénuries d'une saison ou d'une
année à l'autre ; la nourriture doit être accessible sur le
marché et à un prix raisonnable ; la qualité et la
sécurité des aliments doit être assurée ».
Toutes ces conditions énoncées par la FAO ne
semblent véritablement pas réunies dans le cas du Niger
où, nous le verrons plus loin, les périodes de soudure semblent
rester difficilement surmontable avec des signes de famines et de mal nutrition
très prononcés au sein de la population touchant
particulièrement les enfants, les femmes et les vieux.
Pour savoir s'il y a oui ou non une sécurité
alimentaire dans un pays, il existe des indicateurs permettant
d'apprécier les facteurs de disponibilité des produits
alimentaires, leur accessibilité par les populations, l'utilisation de
certains produits dits de première nécessité, la
vulnérabilité des ménages et du pays.
Dans le cas du Niger, nous partons, en effet, du principe
qu'il est clairement établi que les indicateurs ci-dessus cités
sont accablants vu les multiples crises alimentaires connues par le pays ces
dernières années. Ces indicateurs nous les présenterons
dans la seconde partie de ce chapitre. Cependant, si la situation alimentaire
du Niger est particulièrement déplorable, nous nous sommes
posés la question de savoir s'il n'existait pas préalablement des
facteurs favorisant ce qui peut se désigner désormais comme un
déséquilibre du secteur rural.
1/ - Présentation des facteurs
a/ la pauvreté
Avant même de s'attarder sur la question des
difficultés à se nourrir, il y a la question de la
dégradation des conditions de vie au Niger. La pauvreté des
familles, une situation économique globalement négative et une
précarité grandissante. Cette situation implique une santé
fragile des populations (Enfants, Jeunes et Vieux), et à son tour,
l'état sanitaire révèle l'incapacité à
atteindre la sécurité alimentaire, se crée ainsi un cercle
vicieux.
La pauvreté au Niger se manifeste par :
- un accès difficile aux services de santé pour une
bonne partie de la population (soit 49,53% de la population).
- Un accès difficile à une eau potable pour une
bonne partie de la population (soit 27% de la population en 1997).
- Un faible taux du nombre d'enfants scolarisés (soit 20%
en 1997).
- Un nombre important d'adultes analphabètes (soit 23,8%
en 1997).
Ces manifestations de la pauvreté ne sont pas uniquement
les conséquences d'une politique de développement national
très faible, mais aussi, la suite logique d'une hiérarchisation
sociale et juridique qui privilégie l'homme à la femme. Elle est
en même temps celle qui accomplit la majorité des taches de la vie
familiale (y compris l'éducation des enfants), mais elle est
paradoxalement mise à l'écart des décisions importantes
pour la simple raison que très peu d'entre elles sont
éduquées. Le taux d'alphabétisation des femmes est de 5,8%
contre 19,3% pour les hommes.
Cela nous permet de réaffirmer le fait que le cercle
vicieux qui se créé en partant des questions
élémentaires de l'accès à l'éducation,
à l'eau, à la santé puis, subséquemment à la
nourriture, est un facteur aggravant de l'insécurité alimentaire
au Niger.
b/ le désert et la sècheresse
La partie du pays implantée dans le désert du
Sahara au nord et du Sahel au centre est complètement dépourvue
de végétation, même si on rencontre quelques rares
oliviers, des petites graminées et des acacias qui assurent
difficilement la subsistance des bovins et des chèvres. Avec des
températures qui s'élèvent en moyenne à 29°C,
le peu de savane qui existe est souvent sèche. La difficulté
à abreuver ou à faire paître les troupeaux décime
des familles d'animaux en peu de temps, amplifiant ainsi les difficultés
que les populations rencontrent à se nourrir.
Le comité Permanent Inter-Etats de lutte contre la
sècheresse dans le Sahel (CILSS) crée en 1973, regroupant 10
Etats4(*) sahéliens
dont le Niger, a pour vocation d'anticiper sur les conséquences de la
sècheresse que sont les famines, la dégradation des terres
cultivables et promulgue une politique de développement durable.
Cette institution joue un rôle d'autant plus important
qu'elle est au centre des politiques agricoles mises en place au Niger et dans
le reste des pays, en soumettant des méthodes et techniques locales
améliorées, peu coûteuses, simples et efficaces
auprès des producteurs. Elle est aussi chargée de la mise en
oeuvre de l'aide dans ces pays.
Ceci nous permet de mettre en relief l'importance du
problème que cause le désert et, subséquemment, la
sécheresse, mais aussi le dispositif qui est mis en place depuis 35 ans
pour faire face aux nombreux problèmes climatiques que connaît le
pays.
c-le climat
La rigueur du climat est particulièrement significative
dans la situation agricole peu enviable du Niger, les pluies quasi inexistantes
expliquent en partie la pauvreté des sols. En saison de pluie (de
juillet à septembre), au nord du pays, la pluviométrie est
à peine de 160 mm alors qu'au sud elle atteint les 600 mm, parfois
même plus de 800mm. Sachant que le nord constitue plus des 2/3 du pays on
évalue très bien les effets que cela peut avoir sur la production
agricole locale.
L'année 2004 a été la plus pauvre en pluie
des dix dernières années au Niger, les récoltes sont de
plus en plus faibles.
d-La croissance démographique
La production agricole dans un pays est tout d'abord fonction des
besoins et des habitudes alimentaires des populations vivant dans le pays. Elle
vise dans un premier temps à répondre aux besoins alimentaire de
base. La disparité des ressources humaines, financières et
matérielles qui caractérise l'économie des états
expliquerait (selon qu'ils soient industrialisés ou pas), une production
au-delà des besoins immédiats ou de base d'une population. Dans
le cas du Niger, le pays est en voie de développement et les industries
agro alimentaires sont quasi inexistantes. Il s'agit donc de produire, dans un
premier temps pour une suffisance alimentaire des populations. Or, le Niger est
un pays où la vitesse de croissance de la population est très
impressionnante. Aux désavantages du climat s'ajoute donc la croissance
vertigineuse d'une population avec des besoins en nourriture de plus en plus
importants.
Croissance de la population du
Niger de 2001 à 2006
|
sexe
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
Femmes
|
5 531 534
|
5 714 075
|
5 902 639
|
6 097 426
|
6 298 641
|
6 506 496
|
Hommes
|
5 558 722
|
5 742 160
|
5 931 651
|
6 127 396
|
6 329 600
|
6 538 477
|
Total
|
11 090 256
|
11 456 235
|
11 834 290
|
12 224 822
|
12 628 241
|
13 044 973
|
2- Les orientations politiques de la
sécurité alimentaire au Niger
Au lendemain de l'indépendance du Niger (en Août
1960), le premier pouvoir qui accède à la tête du pays met
en place une politique de contrôle des marchés
céréaliers dans le but de garantir une suffisance alimentaire
dans le pays. L'institution qui est créée pour opérer ces
contrôles autoritaires des marchés c'est l'O.P.V.N, l'Office des
Produits Vivriers du Niger. Entre 1960 et 1970 le bilan de cette
stratégie semble porter ses fruits : « de 1960
à 1965 l'OPVN enregistre un excédent céréalier de
49kg par personne et par ans »5(*) . Cet élan va se poursuivre jusqu'à la
première chute de la production vivrière en 1969, chute due aux
dures conditions de production que rencontraient de plus en plus les
cultivateurs. Les années qui suivront seront particulièrement
éprouvantes pour l'état nigérien et sa population,
notamment pendant la compagne dite de rupture de 1972 à 1973, où
le déficit avait atteint un taux élevé de 400. 000 tonnes
environ.
En 1984 le Niger connaît sa deuxième crise
alimentaire avec des famines devenues endémiques, l'OPVN est
pointé du doigt par les observateurs internationaux, ce qui remet en
cause le contrôle qu'exerce l'état sur les marchés, leurs
empêchant de se développer. Cette même année l'aide
va constituer la bouée de sauvetage de la crise avec une compensation
estimée à 535.000 tonnes de besoins, y compris les importations
commerciales. L'idée de l'aide n'était plus que jamais
entrée dans la politique alimentaire du Niger. D'ailleurs, à
partir de cette année, pour les raisons du déséquilibre
alimentaire que connaissait le pays, les gouvernements qui se sont
succédé à la tête du pays ont tous eu pour
priorité la mise en oeuvre des stratégies visant à
résoudre le problème de l'insécurité alimentaire
par des mécanismes de compensation que sont :
- la gestion des importations
- le recours à l'aide alimentaire
L'aide alimentaire, la production vivrière et les
importations commerciales constituent les grandes lignes de la politique
nationale de sécurité alimentaire au Niger.
Avec le soutien des experts internationaux, en 2000, le Niger
s'est doté d'un instrument stratégique de sécurité
alimentaire : la SOSA6(*). Il définit le cadre d'orientation des
politiques de sécurité alimentaire au Niger à travers deux
principaux objectifs :
-l'amélioration durable de la sécurité
alimentaire supervisée par une forte prévention ;
-l'atténuation des crises alimentaires conjoncturelles.
a/ Les principales cultures vivrières du
Niger
Au Niger, "dans les zones agricoles, la saison des pluies ou
hivernage s'étend essentiellement de mai à septembre. Les
cultures pluviales vivrières sont semées de mai à juillet
et les récoltes se font de septembre à novembre".
-Le poivron, le niébé, la tomate et l'oignon
constitue les principales cultures maraîchères.
-L'arachide constitue la principale culture d'exportation
-Le mil, le sorgho, le manioc, les haricots et le riz, sont
cultivés dans les zones de décrue du fleuve Niger et sont
destinés à la consommation locale.
II-la place de l'aide alimentaire dans la politique de
sécurité alimentaire au Niger
Dans la notion de l'aide il y a deux parties en
présence, le donateur et le bénéficiaire, ce qui permet
d'identifier et de nommer les parties c'est leurs statuts, car, la façon
dont l'aide est octroyée et utilisée en dépend. Il y a
donc l'aide alimentaire octroyée de gouvernement à gouvernement
(l'aide bilatérale) ; et, l'aide alimentaire dont la charge revient
aux organes subsidiaires de l'ONU que sont : la FAO, le PAM, UNICEF,
etc ...
L'aide alimentaire est définie par la FAO comme
« un transfert de produits d'un pays donateur à un pays
bénéficiaire à titre de don pur et simple ou à des
conditions de faveur exceptionnelle ».
Au Niger les regains d'excédents enregistrés en
1992, soit « un total de 183. 747 tonnes »7(*) ombrageaient une
réalité plutôt difficile pour des villages totalisant
1.800.000 habitants dont le degré de déficit
céréalier restait figé à 50% et ayant un besoin
complémentaire de 200.000 tonnes. Autrement dit, il y avait
malgré tout, des zones du pays où l'insécurité
alimentaire restait irrésolue. Cela explique en partie la raison pour
laquelle le pays demande de l'aide alimentaire tous les ans depuis les deux
grandes crises alimentaires de 1973 et 1984 jusqu'aujourd'hui, puis certaines
région du pays reste constamment en situation déficitaire.
Comme nous l'avant évoqué plus haut, les
conditions d'une agriculture prospère s'étant
détériorées avec les problèmes de climat, du
désert, de la démographie, de la pauvreté, ect..., avec
pour conséquences les difficultés à
rééquilibrer une production agricole de plus en plus
régressive, la dernière crise alimentaire de 2005 a fait du Niger
le terrain d'expérimentation de l'efficacité de l'aide dans une
situation d'urgence et/ou la capacité des pays donateurs à
réagir dans les conditions d'extrême urgence.
En somme, nous avons retenu qu'il y a au Niger deux
principales formes d'aide alimentaire : des programmes d'aide alimentaire
octroyés au pays par des états donateurs tout au long de
l'année ; puis, il y a l'aide apportée au pays en situation
d'urgence causée par la crise alimentaire dont les manifestations sont
souvent désastreuses au sein de la population (famines ;
malnutrition...).
1-l'aide alimentaire programmes (ou continue)
Il faut tout d'abord remarquer que l'aide alimentaire
apportée au Niger n'est pas automatique, elle n'est pas
préétablie quantitativement ni octroyée de façon
systématique, même si l'expérience nous montre que les
besoins des populations au fil des années dépassent souvent la
production locale attendue pour satisfaire lesdits besoins.
L'aide alimentaire internationale est de ce fait
l'aboutissement d'un processus préalable d'identification et
d'estimation des besoins alimentaires locaux.
En effet, chaque année le Ministère de
l'agriculture dresse un bilan qui permet l'évaluation de la compagne
alimentaire de l'année en cours afin de parer à tout
éventualité lors de la période de soudure. Ce bilan prend
en compte les « stocks et réserves des paysans, les stocks de
l'Office des Produits Vivriers du Niger (l'OPVN), les importations commerciales
programmées, mais aussi des rendements supposés de la compagne de
culture contre saison »8(*).
L'estimation des besoins compte à elle se fait selon
les bases suivantes (bases propres au Niger) :
Base :
Mil et Sorgo
|
Population
|
Nomade/ Urbaine
|
200 kg/ habitant
|
Sédentaire
|
250 kg/ habitant
|
C'est donc après ce processus de bilan et d'estimation
de besoins que l'appel à l'aide peut ou ne pas être lancé.
Notons cependant qu'il est souvent arrivé que le pays
sollicite l'aide en période d'abondance pour des raisons de
sécurité à long terme et de stabilité des prix.
Ainsi de façon plus constante, il y est établi un programme
d'aide sur l'année dont le but serait de soutenir la balance des
paiements de l'Etat.
a/ Mise en oeuvre de l'aide programme (ou la
monétisation)
L'aide programme est une aide qui transite
par le marché international dans des conditions dites exceptionnelles.
Cette pratique trouve un grand soutien juridique dans la convention relative
à l'aide alimentaire de 1999, notamment dans son article 9 qui
précise que :
« L'aide alimentaire en vertu de la présente
Convention peut être fournie de l'une des façons : ...ventes
de produits alimentaires contre monnaie du pays bénéficiaire, qui
n'est ni transférable ni convertible en devises ou en marchandises et
services susceptibles d'être utilisés par le membre donateur...
ventes de produits alimentaires à crédit, le paiement devant
être effectué par annuités raisonnables
échelonnées sur vingt ans ou plus, moyennant un taux
d'intérêt inférieur aux taux commerciaux en vigueur sur les
marchés mondiaux... ».
Au niveau local, l'aide est commercialisée aux
populations, souvent dans les conditions autres de celles du marché,
conditions dont les autorités politiques ont un contrôle relatif.
Là encore, cette pratique est tout à fait légale
lorsqu'elle s'effectue selon les conditions posées par la convention
CEE/ ACP 9(*) (les accords
de Lomé) dont l'article 35 du Titre I définit les conditions
d'octroie de cette aide :
« Le produit doit être vendu à un prix
qui ne doit pas concurrencer la production locale, les fonds doivent servir
à financer des projets de développement, l'aide distribuée
gratuitement doit aller aux groupes vulnérables, l'aide doit
s'insérer dans un programme de développement national, les
produits doivent être adaptés aux besoins des pays
bénéficiaires... ».
C'est ainsi que l'aide accordée au Niger est vendue sur
les marchés locaux, les dividendes obtenues sont, en principe,
utilisées pour le financement des projets de développement. Pour
se faire un compte commun est crée aux noms des deux parties (donateur
et bénéficiaire, souvent dans un cadre de relation
bilatérale) pour constituer le fond de contrepartie. C'est ce que nous
appellerons ici la monétisation de l'aide alimentaire.
Là encore le principal acteur de la mise en oeuvre de
l'aide alimentaire programme au Niger c'est l'OPVN qui officie à
coté de l'UNCC (l'Union Nationale de Crédits et de
Coopération). Une partie des fonds obtenus par la monétisation
est utilisée par l'OPVN pour constituer des stocks d'aliments
susceptibles de servir en période de vache maigre. L'UNCC en
collaboration avec les chefs traditionnels des villages achètent le mil
et le sorgho aux producteurs locaux et aux villageois pour le compte de l'OPVN
qui ramasse ensuite la production dans les centres de collecte, de
Décembre à Mars.
Les coopératives elles, achètent aux paysans
leurs productions au nom de l'Etat, elles sont officiellement investies de ce
rôle par les autorités.
Entre tous ces intermédiaires, il est tout à
fais prévisible que des dérives puissent échappent
à l'ordre établi : « il n'est un secret pour
personne que les autorités traditionnelles et les dirigeants des
coopératives contraignent les paysans à commercialiser leurs
produits par le biais des circuits officiels »10(*). Aussi faut-il craindre des
détournements ?
Dans les périodes de soudure, lorsque la famine
commence à se faire ressentir et que les prix de céréales
sur les marchés sont élevés, l'OPVN organise des centres
de distributions gratuites pour les populations les plus démunies et les
ventes pour ceux qui peuvent, sans jamais dépasser les 10 kg par jours.
De ce qui ressort des enquêtes rapportées par Olivier Meunier dans
son ouvrage « Education, diversité culturelles et
stratégies politiques en Afrique subsaharienne », il y
auraient des limites considérables en ce qui concerne la distribution
des vivres en période de soudure : « D'un coté, il
y a le tapage médiatique sur l'importance du volume d'aide alimentaire
octroyé par les ONG, Institutions internationales et pays amis, de
l'autre, les quantités dérisoires, voire ridicules, qui
parviennent effectivement sur le terrain ».
Les limites de ce système stockage-vente-distribution
révèlent aussi les limites du système d'aide alimentaire
monétisée. Le constat qu'en fait Olivier meunier est encore plus
poignant lorsqu'il dit : « La vente des produits aux populations
nécessiteuses dans les centres ruraux s'effectue exclusivement pendant
la période de soudure entre Avril et Août. Mais dans les gros
centres urbains comme Niamey, la vente s'effectue toute l'année afin
d'assurer l'approvisionnement permanent des services administratifs, les
services privés, les établissements publics de l'Etat, de
l'armée et des corps paramilitaires...l'essentiel des activités
et des interventions de l'OPVN s'effectue au bénéfice des centres
urbains...la ville de Niamey absorbe à elle seule les 9/10eme
des stocks régionaux...le ravitaillement des centres urbains au
détriment des populations rurales est l'un des effets pervers de l'aide
alimentaire... ».
A cela s'ajoute la dilapidation des fonds, la disparition des
stocks et une mauvaise gestion de ceux-ci, selon ce dernier.
L'aide alimentaire programme du Niger, c'est aussi tous les
objectifs sanitaires poursuivis par les organisations internationales comme
l'UNICEF dans le cadre des programmes de lutte contre la malnutrition
infantile, le PNUD dans le cadre des programmes de développement rural,
la FAO dans le cadre des programmes d'aide alimentaire dans les cantines
d'école, l'OMS à travers ses programmes de soutien à la
santé et aux populations vulnérables. Dans la majorité des
cas cette aide alimentaire (multilatérale) est distribuée de
façon gratuite.
Tout au long de nos recherches, il nous ait apparu clairement
que l'aide alimentaire monétisée faisait l'objet de controverses
à la fois d'ordre idéologique et pratique.
b/ Controverse au tour de la question de l'aide alimentaire
monétisée
Après un constat clair de la façon dont l'aide
est mise en oeuvre au Niger, nous pouvons dire que l'aide alimentaire programme
est principalement caractérisée par la monétisation de
l'aide alimentaire sur les marchés locaux.
C'est ainsi que la FAO dans sont Rapport de Janvier 2007
pointait du doigt sur cette aide alimentaire de gouvernement à
gouvernement qui, selon elle, ne cible pas toujours les
bénéficiaires potentiels, ceux qui ont le plus besoin. Le Rapport
met en avant le fait que une tonne sur quatre est revendue sur les
marchés locaux des pays bénéficiaires pour constituer des
fonds pour le développement.
Certaines ONG, à l'image de CARE (une ONG
Américaine, spécialisée dans le domaine de l'aide
alimentaire), pensent que " la monétisation risque de
déséquilibrer les marchés des pays en voie de
développement et a globalement un effet négatif. Elle engendre
non seulement des coûts d'approvisionnement, d'expédition et de
manutention des denrées alimentaires, mais aussi les coûts de
marketing et de vente de ces denrées dans les pays
bénéficiaires".
Tandis que d'autres soutiennent l'idée de la vente des
produits alimentaires venant de l'aide, dans le but de constituer un fond
permettant de régler d'autres aspects du problème de
l'insécurité alimentaire, ce passage édifiant de l'une des
conférences de Rony Brauman (l'un des fondateurs de MSF, médecin
sans frontière) sur la situation alimentaire au Niger
révèle une double position face à la question d'aide
monétisée :
« ...le Niger dépend, en grande partie de
l'aide internationale...cette aide n'est pas destinée à
être donnée mais à être vendu...on trouve sur les
marchés des sacs de grains...la présence de ces sacs sur les
marchés est interprétée comme le signe du
détournement de l'aide...non, cette interprétation est
fausse : ces dons sont effectivement gratuits, dans la mesure où le
pays ne les achète pas. Leur objectif n'est pas d'être
distribués gratuitement mais d'être commercialisées pour
faire baisser les prix et servir à ce que l'on appelle le stock de
régulation : plus on met les céréales sur le
marché et plus les prix baissent...le problème est que cette
aide, cette nourriture qui était accessible aux familles n'est pas
appropriée aux enfants. Les enfants de moins de trois ans ont besoin
d'aliments un peu spécialisés...le problème vient donc de
ce système d'aide, qui restait commerciale... ».
Même si ce point de vu reste discutable, il est
néanmoins vrai que les aliments en nature octroyés aux pays
demandeurs ne sont pas toujours adaptés pour toute sorte de population,
notamment celles des femmes et des enfants à bas âges, et, la
monétisation de l'aide, dans le cas du Niger aurait permis de couvrir
des frais de transformation ou ravitaillement en produits adaptés.
Nous pouvons donc dire que l'aide alimentaire programme est
principalement caractérisée par la monétisation, et
l'impact de cette monétisation est considérable sur la
sécurité alimentaire des populations, puis sur la vie socio
économique et sanitaire du pays.
Cependant, la question saurait-elle se poser de la même
façon concernant l'aide alimentaire dans une situation
d'urgence ?
2/ L'aide en situation d'urgence (cas de la crise de
2005)
La difficulté que rencontre les acteurs de
l'humanitaire à définir la notion d'urgence ou plutôt
d'évaluer sa pertinence, - dans quel cas une intervention serait
nécessaire ou pas - la récente crise alimentaire (en 2005) au
Niger en a fait les frais. C'est en occurrence ce qui a rendu plus
"meurtrière"11(*)
cette famine, bien plus qu'elle ne devait l'être : Une politique de
sécurité alimentaire qui se veut préventive à
travers un dispositif mettant en avant un diagnostique basé sur
l'évaluation de la production agricole et de sa disponibilité,
occultant le nombre des populations vulnérables touchées par la
malnutrition et la famine dont les sources ne sont pas uniquement celles
visées par ledit dispositif (se référer au schéma
I, p. suivant).
En effet, le système d'alerte précoce (SAP) et
la cellule de concertation (CC), deux entités du dispositif dont le
rôle est de veiller à ce que les crises comme celles de 1973 et
1984 ne se reproduisent pas avaient faussé leur diagnostique uniquement
centré sur la production céréalière et la dynamique
des prix, tandis que le taux de malnutris augmentait au sein de la population
des femmes, vieux et enfants. Le danger était d'autant plus imminent que
le dispositif à aussi la responsabilité de lancer l'appel
à l'aide d'urgence en fonction des informations dont il dispose.
Il nous semble important de remarquer que dans les cas des
crises majeures, les médias, bien plus que les politiques jouent un
rôle important sur la crédibilité des infos et sur la
dimension d'urgence ou pas de la crise. Et dans le cas du Niger les
débats suscités par eux ont été déterminants
pour la prise de conscience de la situation par les gouvernants, les ONG et les
organisations internationales.
La même année une enquête
réalisée par le PAM (le programme alimentaire mondial)
révélait une réalité moins optimiste que celle du
DNPGCA12(*), estimant la
prévalence de l'insécurité alimentaire des ménages
à :
- 45% les ménages en sécurité
alimentaire
- 13% les ménages en insécurité
alimentaire sévère
- 22% les ménages en insécurité
alimentaire modérée
- 20% les ménages à risque pour leurs moyens de
subsistance.
Commission Mixte de concertation
Etat-Donateur
Coordonne le
dispositif
Programme Alimentaire Mondial
Allemagne, France, Etats-Unis,
Suisse, Union européenne
REPUBLIQUE DU NIGER
Fonds de contrepartie des aides
Alimentaires bilatérales
Gestion bilatérale
Fonds commun des fondateurs
Géré par le CMC
Fonds
D'intervention
Atténuer les crises alimentaire localisées
OPVN
Contrat plan
Cellule crises alimentaires
(CCA)
Secrétariat exécutif du dispositif
CABINET DU PREMIER MINISTRE
OUTILS
SAP
Système d'information
Fonds de sécurité alimentaire
Valeur équivalente à 40 000 tonnes de
céréales
Stock national de sécurité
40 000 tonnes de céréales
Opérateurs de suivi et
d'évaluation
Réseau SPA
ONG
Consultants
Opérateurs d'exécution des
mesures
Services techniques ONG
Stock National de
Réserve
Répondre à une crise majeure d'ampleur nationale
Ces enquêtes vont permettre d'estimer les besoins
réels des populations, la vulnérabilité des familles en
prenant comme indicateurs la disponibilité alimentaire, l'accès
aux aliments, les moyens de subsistance, les stratégies de
résilience, fréquence de consommation de certains aliments,
etc...
Etant donné que le pays est constamment dans une
situation d'« insécurité alimentaire », il
n'a pas été facile à la fois pour les autorités
locales (suite aux limites du dispositif DNPGCA), pour les organisations
internationales et pour les ONG implantées dans le pays de pouvoir faire
la différence entre la situation « habituelle » de
l'insécurité alimentaire et le caractère urgentiste de la
crise qui se profilait.
Là encore l'enquête s'est basée sur la vie
des ménages pour évaluer les différences de consommation
de ceux-ci entre 2004 et 2005, pour mettre en évidence la
particularité de la crise que traversait le pays. Pour se faire 7
indicateurs ont été mis au point :
1- durée de stocks de mil et de sorgho (par rapport
à l'année 2004)
2- mode de migration de membres des ménages
3- sources principales de revenus des ménages
4- endettement
5- possession de biens productifs
6- possession de petits ruminants
7- difficulté pour l'alimentation
Ces indicateurs ont permis de révéler :
- les ménages en situation d'insécurité
alimentaire sévère : 70% chroniques (ou habituel) et 30%
transitoires (ou d'urgence).
- les ménages en situation d'insécurité
alimentaire modérée : 42% chroniques et 58%
transitoires (ou d'urgence).
Ces résultats ont permis de mettre en évidence
une situation de transition entre un état décrit par le PAM comme
étant chronique - état habituel de l'insécurité
alimentaire au Niger dont la réponse apportée est l'aide
alimentaire programme - et, un état transitoire qui nécessitait
des réponses d'aide urgentes aux ménages meurtris par une
insécurité alimentaire sévère.
a/ La mise en oeuvre de l'aide d'urgence au Niger en
2005
Selon l'enquête sur la
sécurité alimentaire en situation d'urgence au Niger
réalisé par le PAM en octobre 2005 (P. 15, Chapitre 7.1), l'aide
alimentaire déployée au Niger à cette période,
pendant cette crise, répondait à des besoins spécifiques
des ménages en matière d'alimentation comme le montre cette
extrait :
« · Environ 68% des villages visités
ont bénéficié d'un programme d'aide alimentaire
au cours des 6 mois précédant l'enquête
(distributions générales ou ciblées, ou
ventes de céréales à prix
modéré, ou cantines scolaires, ou vivres-contre-travail) ;
· La proportion de villages n'ayant reçu
aucune assistance alimentaire est plus forte
dans la région d'Agadez (43% des villages) ;
· 60% des ménages ont
bénéficié d'une aide alimentaire quelconque au cours
des
6 mois précédant l'enquête (40% à
Agadez, 50% à Maradi contre presque 80% à
Tillabéri) ;
· Dans les villages où des distributions
générales gratuites ont été effectuées, 20%
des
ménages n'en ont pas bénéficié
;
· Lors de la dernière assistance alimentaire
précédant l'enquête, les quantités
moyennes reçues par les ménages étaient :
94 kg de céréales, 2 kg de légumineuses
et 1 litre d'huile ;
· Toutes les catégories de ménages ont
reçu de l'aide alimentaire, quelle que soit leur
situation de sécurité alimentaire ; mais en
termes de quantités, les ménages en
situation d'insécurité alimentaire ont
reçu légèrement moins que les
autres ménages ;
· Pour 70% des ménages en situation
d'insécurité alimentaire sévère et pour la
moitié
de ceux en insécurité alimentaire
modérée, la part de l'aide alimentaire représentait
plus de 20% de tous les aliments consommés au cours de
la semaine précédant
l'enquête;
· Il n'y a pas de relations claires entre
l'insécurité alimentaire et la consommation
d'aide alimentaire; par contre, la proportion de
ménages ayant une très pauvre
consommation alimentaire est plus faible parmi ceux qui ont
consommé l'aide. »
Ce passage qui nous permet de se faire une idée sur
l'impact de l'aide alimentaire en situation d'urgence met aussi en exergue ses
limites.
La situation au Niger en 2005 avait fait réagir
plusieurs institutions et acteurs du développement, de la
sécurité alimentaire et de la santé publique
internationale. Dans la mesure où notre travail ne saurait rendre fait
par fait le processus de mise en oeuvre de l'aide par ces acteurs et
institutions, nous avons jugé plausible de présenter le
déploiement de l'aide en situation d'urgence d'après une seule
institution dont les actions et prise de décisions pendant la crise nous
a semblé capitales et illustratives : Médecins sans
frontière (MSF).
C'est en effet à partir du mois d'avril que la crise
Nigérienne de 2005 prend une dimension internationale, avec
l'intervention de plusieurs organisations dont MSF. Elle est l'une des
premières organisations à contredire le système d'alerte
précoce du pays, en dénonçant le nombre trop important des
enfants dénutris qui se présentaient dans les centres mis en
place par l'ONG au sud Niger (plus précisément à Maradi)
et au Nord dans la région de Tahoua. MSF avait développé
dans l'urgence un système de réhabilitation nutritionnelle
ambulatoire dans l'objectif d'atteindre efficacement le plus grand nombre de
malnutris.
On peut lire à travers ces quelques lignes écrit
par Xavier Crombé, l'un des responsables de MSF pendant la crise au
Niger, les motivations et différentes étapes qui ont conduit
à cette mise en oeuvre :
« Dès le mois d'avril...la
spéculation pratiquée sur le mil présent en
quantité sur le territoire et l'inefficacité du système
mis en place par le gouvernement pour répondre à la crise (vente
de mil à prix modérés, peu accessibles à la
population et de quantité réduite) sont identifiés comme
des facteurs vraisemblables de la crise de 2005. En juin...de nouveaux
éléments explicatifs, tels la création d'une
pénurie artificielle, la paupérisation des familles paysannes
ainsi que les choix politiques qui ont conduit à refuser jusqu'en
dernière extrémité les distributions de nourriture...alors
que nous critiquons vivement la forte réticence des bailleurs de fonds,
des agences des Nations unies et du gouvernement du Niger à mettre en
place des distributions de nourritures gratuites, ce qui est, selon nous, la
seule mesure capable d'éviter une aggravation de la situation et de
très nombreux décès...des distributions ciblées de
nourriture (25 kg de farine enrichie et 5 litres d'huile sont distribués
pour une période d'un mois aux enfants âgés de six à
cinquante-neuf mois ayant un périmètre brachial inférieur
à 125 mm ainsi qu'aux enfants de moins de six mois)...le mois de juillet
...le Niger adopte un protocole reposant sur une prise en charge ambulatoire et
l'utilisation des aliments prêt à l'emploi. De plus, à ce
moment, les autorités décident de distribuer gratuitement l'aide
alimentaire... »13(*).
DEUXIEME PARTIE
III-les pays donateurs et les conditions d'octroie de
l'aide alimentaire
L'aide alimentaire en provenance des pays
développés vers le Niger a commencé depuis les
années 50 et s'est poursuivie durant l'époque post
indépendance au moment où l'autorité coloniale faisait
place aux autochtones pour une autogestion des affaires de l'Etat. Cette aide
était principalement organisée entre Etats amis dans le but
d'augmenter la disponibilité de nourriture dans le pays
bénéficiaire tout en écoulant des excédents
alimentaires du pays donateur.
Les changements observés au cours des années ont
laissé naître plusieurs autres formes d'aide que nous avons
déjà évoqué dans la première partie de notre
travail. Cependant, les enjeux actuels du commerce des produits vivriers au
niveau international fait peser une responsabilité non
négligeable sur les pays donateurs dans la façon dont l'aide est
octroyée, transportée, et dans la qualité et la
quantité des produits susceptibles de constituer une aide alimentaire.
Bref, aujourd'hui l'opinion internationale est beaucoup plus soucieuse de
veiller à ce que l'aide alimentaire fasse progresser la
sécurité alimentaire que d'augmenter la disponibilité de
l'aide, même si ça y contribue bien.
1/ Quels sont les pays donateurs et organisations
internationales intervenant au Niger ?
Pendant longtemps les États-Unis ont été le
seul pays donateur d'aide alimentaire dans le monde (jusqu'en 1960). La
constitution de l'Europe et de ces pays membres vont donner un grand coup de
pousse supplémentaire à l'aide alimentaire au Niveau des pays en
voie de développement et, au Niger en occurrence. En 2003 plus de 80% de
l'aide alimentaire totale accordée au Monde proviennent de l'Union
européenne et des Etats-Unis.
La convention internationale relative à l'aide de 1999
consacre dans sont article 3 les quantités et la qualité de
l'aide en désignant les pays membres, - donc donateurs ayant
signé la convention - nous citons :
« Les membres sont convenus de fournir aux pays en
développement une aide alimentaire ou l'équivalent en
espèces à hauteur du montant annuel minimal
spécifié au paragraphe e) ci-dessous (ci-après
dénommé «l'engagement»).
b) L'engagement de chaque membre est exprimé soit en
tonnes d'équivalent blé ou en valeur, ou une combinaison de
tonnage et de valeur. Les membres qui expriment leur engagement en valeur sont
également tenus de spécifier un tonnage annuel garanti.
c) Dans le cas des membres exprimant leur engagement en valeur ou
en une combinaison de tonnage et de valeur, la valeur pourra comprendre les
coûts de transport et autres coûts opérationnels
associés aux opérations d'aide alimentaire.
d) Que leur engagement soit exprimé en tonnage, en valeur
ou en une combinaison de
tonnage et de valeur, les membres peuvent également
inclure une valeur indicative qui représente son coût estimatif
total, y compris les coûts de transport et autres coûts
opérationnels associés aux opérations d'aide
alimentaire.
e) Sous réserve des dispositions de l'article VI,
l'engagement de chaque membre sera
le suivant :
Membres Tonnage (équivalent blé)
Argentine
35.000
Australie
250.000
Canada
420.000
Communauté européenne
et ses Etats membres 1.320.000
Etats-Unis d'Amérique
2.500.000
Japon
300.000
Norvège
30.000
Suisse
40.000 ... »
En somme, l'aide alimentaire à trois catégories de
donateurs, les Etats membres signataires de la convention relative à
l'aide cité ci-dessus, les organisations internationales (organes
subsidiaires de l'ONU ; FAO, PAM, UNICEF,...), les Organisations non
gouvernementales (ONG ; CARE, OXFAM,...) et les organisations
interétatiques ( Union européenne, Union africaine,...).
L'aide fournie par les organisations internationales est
très souvent gérée par les ONG et associations locales ou
internationales, à défaut elle est donnée au gouvernement
du pays bénéficière. Dans les situations de crise les pays
et institutions donateurs passent soit directement par le gouvernement soit
par des ONG locales et internationales. Les pays peuvent aussi fournir leurs
aides alimentaires auprès des organisations internationales comme le PAM
ou la FAO.
En 2004, 51% de l'aide alimentaire mondiale a été
acheminée via les relations multilatérales. La
quasi-totalité de ces livraisons a transité par le PAM, soit
98%.
La même année la part de l'aide alimentaire
transitant par les organisations non
gouvernementales a représenté 28% des livraisons
globales d'aide alimentaire.
Par contre, l'aide alimentaire bilatérale
(généralement fournie directement de
gouvernement à gouvernement) a représenté
21%.
Dans le cas bien précis du Niger, les donateurs habituels
qui interviennent dans ce pays sont communs à l'ensemble des pays du
CILSS (Comité Permanent Inter-Etats de lutte contre la Sècheresse
dans le Sahel). Ainsi pendant la compagne 2004/2005, selon le relevé de
conclusions du DNPGCA du Niger, les pays donateurs étaient
constitués :
-des Etats-Unis, ils ont livré une aide alimentaire
constituant les 35% de l'ensemble de l'aide alimentaire reçu dans les
pays du CILSS dont les principaux bénéficiaires de l'aide
alimentaire d'urgence ont été le Niger ;
-le Japon qui a livré les 11%
-la Communauté européenne a livré 6%
-le Canada a livré 5%
-l'Italie 5%
-la France 1%
-la Belgique 0,7%
Ces donateurs peuvent être considérés comme
étant des partenaires habituels de l'aide alimentaire dans les pays du
CILSS. D'autres donateurs non habituels ont fourni leur aide alimentaire
directement auprès du PAM, c'est le cas du Luxembourg qui a donné
2% de l'aide apportée aux pays du CILSS, la Chine et l'Inde 1,5% chacun
et le Nigeria 1%.
Notons cependant que le Niger est toutefois le principal
bénéficiaire de l'aide alimentaire livrée aux pays du
CILSS pendant la campagne 2004/2005, avec 25% du total livré à la
sous région.
2/ De quoi est constituée l'aide alimentaire
apportée au Niger
L'article 3 de la convention relative à l'aide alimentaire
cité précédemment fixe les quantités et les
qualités de l'aide apportée aux pays nécessiteux. Dans son
article 4 la convention présente aussi les produits susceptibles de
constituer une aide alimentaire (se référer à l'annexe
1).
En effet, l'aide alimentaire au niveau mondiale est
normalisée en quantité et en nature des produits qui la
constitue. C'est ainsi qu'en 2004, l'aide apportée aux pays du CILSS,
dont le Niger fait parti, était essentiellement constituée de
céréales à hauteur de 88%, ainsi que d'autres produits non
céréaliers.
Les céréales secondaires (mil, sorgho, maïs)
et le riz constituaient près de 60% de l'ensemble de
céréale reçu dans la sous région, tandis que le
blé et la farine de blé ont couvert les 22%.
Les produits non céréaliers étaient
essentiellement constitués de légumineuses, d'huile
végétale, de graisse et de lait. Le schéma suivant nous
montre ce que constitue cette aide non céréalier en
quantité :
3-Dans quelles conditions l'aide alimentaire est elle
acheminée ?
La question de transport des produits alimentaires est
essentielle dans l'efficacité de la réponse à
apportée aux pays bénéficiaires surtout lorsqu'il s'agit
d'une crise alimentaire aigue, avec des taux de morbidité et de
mortalité soudainement élevés. La question de transport et
des conditions de transport est aussi liée au rapport
coût-priorité-temporalité. C'est-à-dire que les
moyens de transport choisis sont en rapport avec la priorité que
constitue l'expédition des produits (si elle répond à une
urgence ou pas) et le temps où l'aide arrive doit coïncider avec le
moment où les besoins se font ressentir (surtout en cas d'urgence).
Conformément à la convention relative à
l'aide alimentaire, "le coût de transport et de livraison doivent
être assumé, dans la mesure du possible, par les donateurs,
notamment dans les situations d'urgence". « Les coûts de
transport et autres coûts opérationnels doivent être
encourus dans le cadre d'une opération d'aide alimentaire
elle-même autorisée à être prise en compte dans la
contribution d'un membre ».
L'aide alimentaire apportée aux pays
bénéficières provient, dans la majorité des cas,
des excédents alimentaires venant des pays donateurs ou, des produits
achetés sur les marchés intérieurs des pays donateurs ou
sur les marchés internationaux et expédiés gratuitement
aux pays bénéficiaires. L'aide alimentaire peut également
provenir du pays bénéficiaire lui-même, lorsque le donateur
achète les produits directement aux cultivateurs du pays
bénéficiaire. Dans ce dernier cas de figure, les coûts de
transports éventuels sont directement convertis en produits constitutifs
du don et le temps de livraison est minime.
S'agissant des aides alimentaires provenant des excédents
alimentaires des pays développés, certaines associations, les ONG
et même des entreprises privées reçoivent de leurs Etats
des subventions à l'exportation des produits alimentaires constituant
l'aide alimentaire apportée aux pays nécessiteux. Le fait que ces
subventions soient accordées aux entreprises et ONG qui font
transférer l'aide alimentaire liée à d'autres produits
alimentaires voués à l'exportation a un effet de concurrence
déloyale au Niveaux du commerce international.
En effet, l'article neuf de la convention relative à
l'aide est claire à ce sujet, il dit : « ...les
membres feront en sorte que : L'octroi de l'aide alimentaire ne soit pas
lié directement ou indirectement, officiellement ou officieusement, de
manière expresse ou tacite, à des exportations commerciales de
produits agricoles ou autres marchandises et services à destination des
pays bénéficiaires... ».
A partir des sources de l'OCDE en 2001, nous avons conçu
une courbe permettant de voir la différence des subventions qu'apportent
les pays donateurs.
TROISIEME PARTIE
IV-TENTATIVE DE REPONSE AUX HYPOTHESES
Hypothèse 1
L'insécurité alimentaire permanente ou
temporaire justifie la monétisation de l'aide alimentaire
apportée au Niger.
L'insécurité alimentaire au Niger, nous l'avons vu,
n'est que la résultante de plusieurs facteurs naturels et
organisationnels qui jusqu'aujourd'hui n'a trouvé de solution qu'a
travers l'aide alimentaire internationale distribuée de façon
gratuite dans les situations d'urgence et vendue sur les marchés locaux
dans les situations moins urgentes mais qui nécessite souvent une
assistante dans la durée.
Ceci nous amène à dire que notre hypothèse
n'est pas validée, car, elle comporte deux types de réponses qui
semblent se permuter tout en étant complémentaire : l'aide
d'urgence pour répondre à l'insécurité alimentaire
temporaire avec des distributions gratuites et l'aide alimentaire programme (ou
continue) pour répondre à l'insécurité alimentaire
chronique qui gangrène le pays.
Cas d'urgence :
En effet, l'exemple du Niger nous montre que le caractère
urgent de la crise nécessitait de distribuer l'aide, et non de la vendre
sur les marchés. La pauvreté des ménages ajoutée au
contexte de la pénurie alimentaire favoriserait la croissance des taux
de morbidité et de mortalité. A ce sujet le consensus est
quasi-total entre les différents acteurs de l'humanitaire sur la
gratuité des denrées en situation de grise aigue. La position de
la FAO par exemple sur la question est sans appel :
« L'aide alimentaire fournie pendant les
périodes d'urgence...la majeure partie des produits alimentaires
livrés aboutit à une consommation additionnelle et il n'y a
guère de fuites de produits vers les marchés. Ces livraisons
d'aide alimentaire n'ont guère d'effet sur les prix marchands, la
production nationale ou les importations commerciales mais servent un important
objectif humanitaire... »14(*)
Il nous apparaît clairement que, en situation de crise
alimentaire aigue, comme celle connue par le Niger en 2005,
l'insécurité alimentaire temporaire ne saurait justifier la
monétisation de l'aide alimentaire apportée au Niger.
Cas chronique :
L'insécurité alimentaire
chronique au Niger, nous l'avons vu, date des années 70, cette situation
provenant de causes naturelles et humaines déstabilise l'organisation
paysanne et touche le poumon de l'économie Nigérienne :
l'agriculture. Avec une population qui croît à une vitesse
exponentielle, les moyens de base de production alimentaire ne suffisent plus
à nourrir les ménages. L'aide alimentaire programme est la
solution principale pour remédier à cette situation.
Comme nous l'avons évoqué plus haut, au Niger,
l'aide alimentaire programme est une aide qui transite à la fois sur le
marché international - fusse t-elle dans les condition autres que
celles du marché - et, cette aide est revendue dans les marchés
locaux dans le but de stabiliser les prix des céréales et les
rendre accessible aux ménages dans le besoin. Ici l'aide n'est pas
distribuée gratuitement pour ne pas créer de dépendance
au sein de la population, car, distribuer gratuitement l'aide pour
répondre à une situation chronique c'est distribuer gratuitement
la nourriture aux populations tous les mois de l'année et tous les ans.
Non seulement les moyens ne s'y prêtent, mais aussi, cela ne favoriserait
pas le développement du pays et serait un frein à
l'épanouissement des zones rurales.
D'un autre point de vue, l'argument qui consiste à
créer un fond de contrepartie susceptible d'être utilisé
dans les projets de développement - même s'il est discutable -
peut être un élément important pour justifier la
monétisation de l'aide alimentaire. Vu sous cet angle, en effet, nous
pouvons confirmer que l'insécurité alimentaire permanente
justifie la monétisation de l'aide alimentaire apportée au
Niger.
Hypothèse 2
Les décisions d'orientation politiques en
matière de production agricole au Niger sont étroitement
liées à l'aide alimentaire internationale.
Cette hypothèse est validée pour la simple raison
que la place de l'aide alimentaire dans la politique alimentaire du Niger est
considérable.
En effet, le pays étant dans une situation quasi constante
de déficit alimentaire, le rôle que joue l'aide pour
dénouer la situation pèse sur les décisions politiques de
production agricole de façon directe et indirecte.
Pendant les crises alimentaires, certains fermiers
nigériens dans le tourment de la faim vendent leurs terres et leurs
semences puis se dirigent vers les grands centres urbains comme Niamey pour
espérer y trouver du travail. Dans la majorité des cas les terres
revendues ne sont pas utilisées exclusivement pour l'agriculture mais
bien pour des constructions habitables par manque de moyens pour acheter des
semences. Les orientations politiques du pays en faveur de l'aide permettent de
fournir aux cultivateurs des nouvelles semences afin de garantir leurs
productions au cours de l'année. C'est en cela que les décisions
d'orientation politique de production agricole du Niger sont
étroitement liées à l'aide alimentaire internationale.
Hypothèse 3
Le soutien aux exportations de l'aide alimentaire dans
les pays donateurs profite plus à ces derniers qu'aux potentiels
bénéficiaires.
A cette hypothèse nous tenteront de donner deux
réponses, car, il nous a semblé qu'elle pouvait être
perçu de différente manière, donc, ce serait impertinent
de répondre de façon absolue. Même si les solutions
apportées par l'aide alimentaire internationale sont importantes pour
les populations souffrantes d'une crise alimentaire quelle qu'elle soit, les
soutiens aux exportations pourrait cependant être sujet à
controverse. Il s'agit de savoir si l'aide apportée est liée ou
pas.
Aide alimentaire liée :
Dans les cas où les sociétés d'Etat ou des
ONG qui reçoivent de leurs pays des subventions pour le transport de
l'aide alimentaire, lient à cette aide d'autres produits destinés
à être vendu sur les marchés locaux des pays
bénéficiaires, de tout évidence cette activité
semble aller en leur faveur. D'abord le fait de se débarrasser des
excédents qui, autrement auront un coût s'il fallait le
détruire sur place, ensuite le fait d'écouler une partie de ces
excédents vers des marchés locaux des pays
bénéficiaires à des prix défiants toutes
concurrence avec le risque de déséquilibrer lesdits
marchés. Autrement dit on résout un problème en apportant
d'autres problèmes : on apporte l'aide d'une main et on marchande
avec l'autre. Dans ce cas bien précis, nous ne voyons de
bénéfices pour les populations que de façon
aléatoire. Celui qui est l'heureux gagnant c'est en fait le donateur.
C'est en cela que nous pouvons soutenir l'idée selon
laquelle le soutien aux exportations de l'aide alimentaire dans les pays
donateurs profite plus à ces derniers qu'aux bénéficiaires
potentiels.
Aide non liée :
Lorsque l'aide n'est liée à aucun
autre produit, les effets des subventions apportées aux
sociétés d'Etat pour le transport des produits peut être
considérés comme étant positifs et
bénéfiques, d'abord pour les bénéficiaires et
ensuite pour le pays donateur. De ce fait, nous ne pouvons pas valider cette
hypothèse qui s'oppose à cette réalité.
DISCUSSION/CONCLUSION
Les points de vue sur la nature, la
quantité, les effets pervers de l'aide alimentaire ou plutôt son
efficacité à combattre l'insécurité alimentaire
sont autant de question que soulève de façon sous jacente le
contenu de notre recherche.
Ainsi sur l'ensemble des hypothèses auxquelles nous avons
essayé de répondre, une seule a été validée.
Cela montre combien le sujet de l'aide alimentaire est loin de faire consensus
à la fois sur des approches idéologiques et pratiques, et sur des
approches purement économiques liées aux commerces des produits
alimentaires à l'échelon mondial. Il y a de façon
générale, d'un coté ceux qui soutiennent l'idée de
l'aide en tant que réponse à apporter aux problèmes
d'insécurité alimentaire et ceux qui défendent le
contraire.
En ce qui concerne le cas du Niger, de façon
générale, l'aide alimentaire a été - et est - un
moyen très efficace de redonner un souffle nouveau aux populations qui
souffraient de famine et de malnutrition et grâce à cette aide des
milliers d'enfants ont été sauvés. Ce qui corrobore la
pertinence de l'intervention des organisations humanitaires qui agissent au
Niger comme dans le reste des pays sous développés. Cependant, il
nous ait apparu que, même si le caractère chronique de
l'insécurité alimentaire justifierait une prise en charge dans le
temps avec des programmes d'aide continu, dans le cas du Niger, nous l'avons
vu, la passivité des gouvernants peut faire place à une
léthargie complaisante qui aboutirait à une dépendance
totale de l'aide alimentaire. Ce qui fragiliserait davantage l'économie
du pays qui est basée à plus de 80% sur l'agriculture.
Puisque la question que nous nous sommes posées au
départ était de comprendre et de peser l'impact de la
monétisation de l'aide alimentaire sur l'économie du Niger et la
population du pays, là encore il nous a semble très simpliste d'y
répondre de façon brute tellement les enjeux sociaux et
économiques sont importants, aussi bien sur le plan national
qu'international.
- Au niveau nation, l'hypothèses
posées sur la justification de la monétisation comme
réponse à apportée en situation d'insécurité
alimentaire temporaire ou permanente, nous a permis de confirmer la pertinence
de la monétisation en situation d'insécurité alimentaire
chronique et à infirmer sa pertinence en situation d'urgence.
De façon plus globale, la monétisation de l'aide
alimentaire est un danger économique pour le Niger dans la mesure
où les produits alimentaires qui transitent sur les marchés
locaux peuvent avoir pour effet la déstabilisation de ceux-ci. Les
agriculteurs locaux qui ont déjà du mal à écouler
leurs produits à prix raisonnables se trouvent en concurrence
(déloyale) avec des produits venant d'ailleurs transférés
dans les conditions exceptionnelles du marché. Cette pratique influence
d'autant plus l'économie du pays que le cultivateur qui
représente, symboliquement, le "premier agent" de l'économie
Nigérienne est mis en difficulté de produire. Les
conséquences de cette pratique ne sont pas seulement économiques
mais sociales ; nous citerons sans être exhaustif :
- l'exode rural, étant donné que l'activité
champêtre ne permet plus de survivre les habitants des villages se
délocalisent
- paupérisation des ménages vivant à la
compagne, lorsque les récoltes ne sont pas vendues à bon prix,
les cultivateurs n'ont plus de moyens de produire l'année qui suit,
- Changement des habitudes alimentaires, cela peut sources de
plusieurs mots, mais surtout crée une dépendance alimentaire
tacite...
Même s'il apparaît quelques points objectifs sur la
monétisation, notamment le fait de constituer des fonds de contrepartie
permettant de financer d'autres projets visant le même but, le danger
reste imminent dans le cas du Niger, puisque cela constitue une forte pression
pour l'épanouissement sociale et économique du pays.
C'est n'est donc pas si curieux d'entendre certaines ONG,
à l'image de CARE, prendre leurs responsabilités face à
une pratique qui devient monnaie courante au sein des pays
bénéficiaire de l'aide alimentaire, en refusant l'aide
accordée par le gouvernement des Etats-Unis en vue de vendre des
produits alimentaires américains dans les pays en voie de
développement.
Dans son rapport 2006 intitulé « situation
mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 2006 », la FAO pointe
du doigt sur la question de la monétisation en étant critique sur
la cette pratique, je cite :
« ...Si elle n'est pas gérée
correctement, l'aide alimentaire peut déstabiliser les marchés
locaux et mettre en danger les moyens d'existence des producteurs et des
commerçants locaux dont dépend la sécurité
alimentaire durable... ».
-Au niveau international, la
responsabilité des effets de la monétisation au niveau local doit
être partagé entre les gouvernements des pays
bénéficiaires et les gouvernements des pays donateurs qui
subventionnent le transport de l'aide alimentaire dans les pays en voie de
développement.
En fait le problème n'est pas tant le fait de
subventionner le transport de l'aide - même si cela ne répond pas
aux normes du marché mondial - mais bien le fait d'utiliser les
subventions obtenues pour transférer une aide alimentaire qui est
revendue sur les marchés locaux à vil prix. Là encore, le
fait pervers c'est la vente des produits d'aide alimentaire sur le
marché. S'il y a subvention à la base, les produits d'aide
devraient être gratuits.
Comme nous l'avons dit en réponse à
l'hypothèse 3, il y a une dimension plus perverse de la subvention au
transport de l'aide c'est le fait de lier l'aide à d'autres produits
revendus sur place dans le pays bénéficiaire. Cela à pour
conséquence d'annihiler l'aide qui est apportée au même
moment, puisque, entre la vente des produits destinés à l'aide et
ceux destinés à être commercialisés, les
commerçant locaux ne peuvent plus vivre de leurs activités
d'autant plus que les produits venant de l'extérieur sont vendus dix
fois moins chers.
Nos recherches sur la monétisation de l'aide alimentaire
nous ont conduit à nous positionner sur ce mode de fonctionnement et, il
nous a semblé que cette aide alimentaire monétisée ne
devrait être utilisée que, dans les cas que nous qualifieront pour
la circonstance de « crise alimentaire disparate ».
En effet, dans les situations de crise alimentaire d'urgence
dans un pays, il peut y avoir en même temps une urgence à deux
niveaux, lorsqu'une ou plusieurs régions du pays sont touchées de
façon inégalitaire. C'est-à-dire qu'il y aurait des
régions qui nécessiteraient une intervention d'urgence avec la
gratuité de l'aide alimentaire selon les critères d'insuffisance
sur les marchés de produits alimentaires ou leur inaccessibilité
du fait des moyens de survis limités, et du nombres d'enfants ou
d'adultes malnutris dans la même région. Et, il y aurait dans le
même pays et au même moment des région où l'urgence
se confond avec le caractère chronique de l'insécurité
alimentaire ne justifiant aucune distribution gratuite mais bien la vente de
l'aide sur les marché pour atténuer l'impact des prix très
élevés dans une telle situation.
A notre avis, cette description correspondrait le mieux à
l'utilisation de l'aide alimentaire monétisée, si bien sûr,
elle ne s'étant pas dans le temps au risque créer d'autres
problèmes.
BIBLIOGRAPHIE
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par Barry Mason, paru le 14/09/2006
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* Evaluation de la réponse du PAM à la crise
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Volume 1: Rapport principal.
*enquête sur la sécurité alimentaire en
situation d'urgence (EFSA) au
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*Rapport spécial, mission FAO/PAM d'évaluation des
récoltes et disponibilités alimentaires au Niger : 21
décembre 2004.
* 1 Grand désert du nord
de l'Afrique, qui s'étend de l'océan Atlantique à la mer
Rouge, le plus grand désert du monde. D'une largeur de 1 500 km et d'une
longueur de 5 200 km d'est en ouest, le Sahara couvre près de 9 millions
de km2 (soit plus de quinze fois la superficie de la France), dont
200 000 km2 sont occupés par des oasis plus ou moins
fertiles.
* 2 Zone de transition entre la
partie aride du Sahara au nord et les régions tropicales plus humides au
sud. La ceinture du Sahel s'étend de l'Atlantique à
l'océan Indien, en passant par la Mauritanie, le Mali, le Niger, le
Tchad et le Soudan.
* 3 Plan d'action, paragraphe
1
* 4 Cap vert, Gambie,
Guinée Bissau, Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso,
Tchad et Niger.
* 5 Niger, définition
d'une politique nationale en sécurité alimentaire et
nutritionnelle, p. 7.
* 6 Stratégie
Opérationnelle de Sécurité Alimentaire
* 7 Niger évaluation de
la compagne agropastorale 1992, p.12
* 8 Bulletin de SAP du 26
février 1996
* 9 CEE : Communauté
Economique Européenne
ACP: Afrique Caraïbe Pacifique
* 10 Educations,
diversité culturelles et stratégies politiques en Afrique
subsaharienne, p. 234
* 11 100.000 enfant, selon les
nations unies (OCHA, 2007 : 8), Niger 2005 : une catastrophe si
naturelle, p.32
* 12 Dispositif National de
Prévention et de Gestion des Crises Alimentaires
* 13 Niger 2005 une catastrophe
si naturelle, de Xavier Crombé, p.241 et p.242
* 14 Dossier politique
commerciale de la FAO, N°8 L'aide alimentaire dans le contexte des
marchés internationaux et nationaux et du cycle de Doha
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