CONCLUSION GÉNÉRALE
Au vu des espoirs fondés sur l'IPPTE et des critiques
formulées à son encontre, nous nous sommes donné pour
objectif de montrer que cette initiative seule n`est pas suffisante pour
assurer à long terme la viabilité de la dette des pays de la Zone
Franc.
La revue de la littérature nous a permis de constater
qu'il y a deux principales écoles de pensée qui animent le
débat sur la dette publique. D'un côté les classiques qui
sont formellement contre le déficit budgétaire et par
conséquent contre la dette publique. Ils pensent qu'un emprunt public ne
peut avoir que des effets néfastes sur l'économie en
général. De l'autre côté, les keynésiens
admettent un déficit budgétaire justifié et
maîtrisé. Ils pensent que l'endettement public peut même
être un instrument de politique économique pour un pays. Cette
revue de littérature a révélé plusieurs
modèles d'analyse de la soutenabilité de la dette publique. Nous
en avons retenu deux (DSA et FEVE et HENIN (1998)) pour examiner la
viabilité de la dette publique des pays post PPTE de la Zone Franc.
L'examen des caractéristiques économiques des
pays post PPTE de la Zone Franc montre que les exportations de ces pays sont
portées par une poignée de produits (au plus cinq pour le
Bénin, le Burkina Faso, le Niger et le Sénégal et huit
pour le Cameroun) de base dont les prix fluctuent régulièrement
sur le marché mondial. Par ailleurs, le financement de la
réalisation des OMD risque d'aggraver cette situation.
L'analyse de la mise en oeuvre des initiatives
d'allègements (IPPTE et IADM) de la dette extérieure en Zone
Franc montre que les différents allègements de la dette
extérieure ont réduit les encours de leurs dettes
extérieures.
L'analyse du ratio dette extérieure/exportations montre
que malgré les efforts d'allégement de la dette des pays post
PPTE de la Zone Franc, la faible diversification des économies de ces
pays affecte négativement la viabilité de leur dette par le canal
de la relative croissance des exportations et de la vulnérabilité
de leurs économies. Ainsi, l'étroitesse des bases productives des
pays de la Zone Franc et la forte polarisation de l'activité
économique continuent d'amplifier les effets des chocs exogènes,
d'accentuer l'instabilité des performances économiques et
financières. Elles constituent d'ailleurs une source importante de
vulnérabilité de la dette au risque de surendettement d'autant
plus que ces pays doivent faire face à des besoins financiers importants
en vue de promouvoir leur croissance et atteindre les OMD.
L'étude montre que les allègements de la dette
des PPTE de la Zone Franc dépendent étroitement de la structure
du portefeuille de la dette.
L'analyse de la viabilité de la dette publique des pays
post PPTE de la Zone Franc montre que jusqu`en 2005, l'IPPTE a juste permis
de ramener les différents ratios définis dans le cadre de cette
initiative à certains seuils. L'IADM est un complément de cet
effort, c'est l'allègement de la dette multilatérale qui rend la
dette publique extérieure de certains de ces pays soutenable en fin
2006. Cependant, l'analyse de la soutenabilité de la dette publique des
pays post PPTE de la Zone Franc avec le modèle de FEVE et HENIN (1998)
présente la non soutenabilité de leur dette publique.
En outre, avec la mise en oeuvre de l'IPPTE et de l'IADM et
avec le cadrage macroéconomique (scénario de base), les
projections jusqu'en 2025 présentent des périodes pendant
lesquelles la dette publique de certains pays post PPTE de la Zone franc sera
insoutenable. Le problème se généralisera et s`accentuera
si ces pays post PPTE de la Zone Franc connaissent une baisse du taux de
croissance économique ou des exportations ou encore accusent des
arriérés ou augmentent leur taux d`endettement (avec un faible
pourcentage de dons) par rapport au cadrage macroéconomique
utilisé pour faire les projections. En conséquence, l'IPPTE n'est
pas suffisante pour assurer la viabilité à moyen et long terme de
tous les pays post PPTE de la Zone Franc.
L'examen de la dynamique d'endettement public des pays post
PPTE de la Zone Franc montre que la dynamique endogène a joué un
très grand rôle dans le désendettement de la plupart de ces
pays et que la contribution de la maîtrise de la politique
budgétaire (en générant les surplus budgétaires par
la maîtrise des recettes et des dépenses de l'État) a
été faible dans plusieurs pays. Mais ces pays pour poursuivre les
efforts de désendettement, doivent plus compter sur la dynamique
autonome en renforçant la qualité de leurs politiques et de leurs
institutions et en trouvant les moyens de mieux protéger leurs
économies vis-à-vis des chocs exogènes.
En outre, certains pays post PPTE présentent des
risques de surendettement plus ou moins élevés surtout si on
prend en compte la dette intérieure de chaque pays dans l'analyse du
risque de surendettement.
Une gestion dynamique et prudente des emprunts et de la dette
publique est alors indispensable à la réalisation des objectifs
ambitieux de développement sans compromettre de nouveau la
viabilité de la dette. Nous formulons alors les recommandations
suivantes :
· les pays post PPTE de la Zone Franc doivent renforcer
la contribution des politiques budgétaires à la réduction
ou à la stabilisation de la dette;
· ils doivent diversifier la base productive et des
exportations;
· ils doivent promouvoir la croissance;
· ils doivent élaborer des stratégies
d'emprunt en privilégiant les prêts concessionnels et les dons.
Pour cela, il faut créer de véritables structures de gestion de
la dette (avec une centralisation de la gestion de la dette publique) et faire
en sorte que la dette soit définie dans les lois de finance;
· ils doivent promouvoir la bonne gouvernance et bien
utiliser les ressources disponibles;
· ils doivent développer les marchés de
titres publics à souscription libre dans la Zone Franc;
· il faut prendre en compte la dette intérieure
dans l'analyse de la viabilité de la dette et du risque d'endettement
des pays post PPTE de la Zone Franc;
· la communauté financière internationale
doit redéfinir sa stratégie de prêts en ouvrant les
guichets concessionnels pour les projets non productifs et d'autres guichets
(peut-être même aux taux du marché) pour les projets
productifs. Un pays ne peut pas se développer seulement avec des
prêts concessionnels.
En somme, tous les pays post PPTE de la Zone Franc ont
bénéficié des allègements de leur dette publique
extérieure en particulier et de leur dette publique en
général au titre de l'IPPTE et de l'IADM. Ces allègements
contribueront significativement à améliorer la
soutenabilité (viabilité) de la dette extérieure de ces
pays. Il paraît cependant incontestable que l'IPPTE ne pourra pas
résoudre tous les problèmes relatifs à l'endettement de
ces pays. Tout d'abord parce que cette initiative ne traite pas de la
viabilité de la dette intérieure de manière
institutionnelle (même dans le nouveau cadre d`analyse de la
viabilité de la dette publique), et ensuite parce que le maintien de la
viabilité à moyen et long terme de la dette extérieure
dépendra principalement des performances des pays concernés en
matière de croissance économique, de lutte contre la
pauvreté et de maîtrise des déséquilibres financiers
ainsi que de leur capacité à mobiliser de nouvelles ressources
concessionnelles ou des ressources non génératrices de dette
(investissement productif).
Pour compléter cette étude, il conviendrait
d'approfondir la détermination du risque de surendettement pour un pays.
Par exemple, on peut explorer le mécanisme de fixation des seuils
au-delà desquels un pays présente un risque de surendettement.
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