Université Gaston Berger de Saint Louis UFR des
Lettres et Sciences Humaines Section de Géographie
L'impact local des revenus migratoires dans
le département de Louga : approche géographique
Présenté par : Sous la direction de
PAPA ISSA NDIAYE SIDY MOHAMED SECK
Chargé D'enseignement
Année académique 2006-2007
Ce travail s'inscrit dans le cadre d'une « collaboration
UGBGIRARDEL/ université de Turin-Unito » autour du thème
général de recherche : « Développement local,
développement durable, dynamiques territoriales et coopération
». Il constitue l'un des résultats des activités
menées par le groupe GIRARDEL et l'Université de Turin autour du
projet « Coopération décentralisée Turin-Louga
». Notre participation à cette recherche est à l'origine de
ce présent mémoire de Maîtrise.
Je remercie tout d'abord mon professeur encadreur
Sidy Mohamed SECK pour sa disponibilité et son implication dans ce
TER. Ses remarques et conseils ont guidé toute la clarté et
la rigueur de ce travail. Et je souhaite renouveler cette
expérience dans les TER à venir. Au corps professoral de la
section de géographie et de l'UFR LSH
Aux professeurs membres du GIRARDEL intervenant dans
le programme de coopération avec Tutin-Unito : Serigne Modou FALL,
Géraud MAGRIN, Mateugue DIACK, Balla TRAORE sans oublier Mlle Aminata
CAMARA, secrétaire du GIRARDEL
Mes très sincères remerciements à ma
famille, qui m'a tant soutenue, à la famille Diop (quartier
Artillerie, Louga) et à toutes les familles du département de
Louga qui m'ont ouvert leurs bras pour la réussite de ce travail.
Enfin grand merci à tous mes camarades de l'UGB Merci
a vous tous !
SIGLES ET ACRONYMES
AOF : Afrique Occidentale Française
BHS : Banque de l'Habitat du
Sénégal
BICIS : Banque Internationale pour le Commerce
et l'Industrie du Sénégal
BST : Banque Sénégalo-Tunisienne
(est aujourd'hui devenu Attijari Bank)
BTP : Bâtiment et Travaux Publics
CBAO : Compagnie Bancaire de l'Afrique de
l'Ouest CMS: Crédit Mutuel du Sénégal
CNCAS : Caisse Nationale de Crédit
Agricole du Sénégal CPS : Crédit
Populaire du Sénégal
CRD : Conseil Régional de
Développement
DRDR : Direction Régionale du
Développement Rural EMUS : Enquête Migration et
Urbanisation au Sénégal FMI : Fonds
Monétaire International
GIRADEL : Groupe Interdisciplinaire de Recherche
pour l'Appui à la planification Régionale et au
Développement Local
IFAN : Institut Fondamental d'Afrique Noire
IRD : Institut de Recherche
Développement
MG : Money Gram
ONU : Organisation des Nations Unis
PAS : Politique D'ajustement Structurel
PRDI : Plan Régional de
Développement Intégré
RGPH3 : Recensement Général de la
Population et de L'habitat (décembre 2002, 3ieme recensement)
SGBS: Société
Générale des Banques du Sénégal SOCOCIM :
Société de Commercialisation du Ciment
WU: Western Union
INTRODUCTION GENERALE 5
Introduction 5
Problématique 8
Objectifs 12
Méthodologie 13
PREMIERE PARTIE : Origines et
originalités de l'émigration lougatois .20
Chapitre 1 :
Présentation de la zone d'étude 21
Chapitre 2 : De la crise de l'arachide aux
effets des politiques d'ajustement structurel : l'émigration, comme
solution de sortie de crise 29
Chapitre 3 : Evolution du
mouvement migratoire 40
DEUXIEME PARTIE : L'argent des émigrés
.55
Chapitre 1 : Les revenus migratoires à
Louga 56
Chapitre 2 : les principaux secteurs
d'investissement des émigrés 69
TROISIEME PARTIE : Des impacts contrastés
79
Chapitre 1 : Evolution dans l'espace de
départ : le monde rural 81
Chapitre 2 : Les impacts en milieu urbain
89
Chapitre 3 : Rôles et place des
émigrés dans le développement
local.........100
CONCLUSION GENERALE 110
BIBLIOGRAPHIE 112
LISTE DES CARTES ET FIGURES 115
TABLE DES MATIERES 117
ANNEXES 121
INTRODUCTION
« De tout temps, les géographes ont
été fascinés par les emplacements des hommes et des
civilisations. Toute l'histoire du monde n'est qu'une suite de nomadismes, de
conquêtes, de migrations. Les hommes ne sont que mobilité. Etrange
paradoxe que de rêver à la fois aux racines et à la route.
Ces flux, objets géographiques ne sont que devenir. Dans leur ampleur,
l'audace de leur avancée, dans leurs échecs et leurs reculs, se
joue l'éternel équilibre entre le possible - héritage du
passé- et l'anticipation de l'avenir. Ces migrations toujours
renouvelées ont marqué l'espace au cours des siècles et
les géographes n'en ont pas toujours retenus la même image»
(Bonnamour, in Gonin P et Charef M, 2005).
.
Tout au long de l'histoire de l'humanité, les
mouvements migratoires n'ont cessé de se succéder et semblent
toucher tous les continents du monde. Ces migrations, lorsqu'elles ne sont pas
forcées, résultent directement de la répartition
inégale des richesses, qui pousse les personnes à aller là
où sont ces richesses.
Selon certains auteurs, la volonté et la
capacité d'émigrer à l'étranger résultent
à la fois, de la personnalité et de la situation
socio-économique du candidat migrant, des circuits d'informations
auxquels il a accès, des réseaux migratoires, des contextes
politiques et économiques des pays d'origine et d'accueil et de leurs
rapports historiques. En effet il est certain que la distribution des hommes
à la surface de la terre résulte pour une large part des grandes
migrations qui se sont déroulées le plus souvent sur de longues
périodes. Comme toute espèce animal, l'homme se déplace
continuellement dans l'espace. Ses déplacements ne sont pas
aléatoires, ils sont dictés par ses besoins et ses aspirations,
et par le jeu des contraires et des potentialités du milieu
géographique dans lequel il vit (Noin D, 2001).
Soit les hommes vont là où sont les richesses,
soit les richesses sont là où sont les hommes. Les migrations
sont donc une expression courageuse de la volonté qu'ont les individus
de surmonter l'adversité pour vivre mieux (Annan K, 2006).
A l'échelle mondiale les migrations sont devenues partie
intégrante des politiques et stratégies de
développement, aussi bien dans les pays d'origines que dans les
pays d'accueil. D'après les chiffres de l'ONU (2005), le nombre de
migrants a presque
doublé en 20 ans. En 2005, 191 000 000 de personnes
vivaient hors de leurs pays d'origine (OCDE, 2005).
L'Afrique a toujours été partie prenante de
l'histoire des hommes. Elle pourrait en un sens, en être à
l'origine puisque l'humanité y aurait vu le jour. Sans remonter aussi
loin dans le temps, plusieurs mouvements migratoires (volontaires ou
forcés) ont traversé l'Afrique : la traite
négrière, les conquêtes arabes, les migrations de travail,
etc. Après la deuxième guerre mondiale, les pays d'Afrique
subissent les conséquences de la division internationale du travail. La
majorité des pays a connu, pendant et après la colonisation,
« une spoliation de leurs richesses et une ponction financière des
plus stratégiques, adoucie par une thérapeutique humanitaire de
complaisance » (Charchira S, in Gonin P et Charef M, 2005 ).
Les nouveaux Etats indépendants n'ont pas réussi
à avoir une politique efficiente à l'égard des masses
populaires. Que ce soit par manque de moyens ou faute de volonté
politique, cet aspect est notable, même si on peut le moduler d'un pays
à un autre. Les Etats ont maintenu les infrastructures existantes dans
les capitales et se sont contentés au niveau des campagnes de
prélever les impôts sans pour autant apporter des contreparties
suffisantes. Cette situation sera aggravée par la
détérioration des conditions climatiques liée aux
sécheresses persistantes depuis les années 70. Plus de 135
millions de personnes en Afrique seraient menacées du fait de la
désertification caractérisée par la dégradation des
pâturages, la diminution de la fertilité des sols et
l'avancée du désert. Ces facteurs agissent ensemble sur les
systèmes de production traditionnels, qui du fait de leur
vulnérabilité, ne permettent guère de répondre aux
besoins d'une population croissante (OCDE, op. cit.).
A ces difficultés écologiques, sont venus se
greffer les effets de la conjoncture internationale qui ont frappé de
plein fouet le monde. Cela a eu pour conséquence en Afrique, la mise en
place de politiques d'ajustement structurel (P.A.S.). Ces mesures, loin
d'améliorer la situation des masses populaires sujettes à une
paupérisation progressive, en ont fait les principales victimes à
tous les niveaux.
La pauvreté et les réductions d'effectifs
liées à la mise en place des PAS ont fini d'obérer les
possibilités d'emploi dans nos pays. Au Sénégal, les
effets des sécheresses
vont se combiner à ceux des PAS pour favoriser le
développement de l'émigration qui va connaître de forts
changements dans ses modalités et dans sa géographie. En effet,
l'émigration est une pratique de longue date qui a fortement
marqué les évolutions des sociétés
sénégalaises (Bâ Ch. O, 1996). Amorcé par les
habitants de la vallée du fleuve Sénégal, le mouvement
migratoire était d'abord et durant longtemps saisonnier ou temporaire
(« navétane » et « noorane ») avant de gagner des
destinations lointaines (émigration sous-régionale et
internationale). Vers la fin des années 80, il en a
résulté un déplacement des centres de gravité de la
vallée du fleuve Sénégal vers le Bassin arachidier et une
participation plus importante des populations qui jusqu'alors s'expatriaient
peu, en l'occurrence les lougatois.
Aujourd'hui les processus de migrations sont
caractérisés par d'importantes dynamiques de reconfiguration et
de complexification. Les facteurs qui contribuent à cette logique de
transformation des flux migratoires se situent à plusieurs niveaux et
agissent selon des modalités et des temporalités variées.
En effet, la circulation des individus ne constitue qu'une dimension de la mise
en relation des lieux (par exemple Louga et l'Europe ou les USA) par le fait
migratoire. Les transferts de biens, de capitaux, d'idées ou de
pratiques accompagnent ou prolongent ces mobilités et fonctionnent comme
autant de facteurs d'échanges et d'interactions sociales et
économiques entre les groupes.
Dans le rapport OCDE, les transferts de fonds des
émigrés vers leurs pays d'origine ont atteint 126 milliards de
dollars US, soit plus que le volume de l'aide publique dans plusieurs pays
d'émigration. Au Sénégal, prés de 100 milliards de
FCFA sont transférés chaque année et ce chiffre ne
concerne que les canaux officiels de transfert. Au niveau de Louga, les
estimations tournent autour de 20 milliards par an, sans tenir compte des
envois informels1. L'utilisation de ces revenus et leurs impacts
dans les zones de départ prennent des formes variées induisant
des changements plus ou moins notables. Ainsi ces impacts sur le milieu doivent
être recherchés et analysés dans leurs dimensions tant
économiques et sociales, que géographiques.
1 Estimations du bureau Money Gram, CNCAS Louga
PROBLEMATIQUE
Depuis près de trois décennies, le
Sénégal a perdu son statut de pays d'immigration pour devenir un
pays d'émigration. Cette évolution dont les prémisses
remontent à l'accession à l'indépendance des
différents pays de l'AOF s'est accentuée au début des
années 80. Elle se traduit de nos jours par une expatriation plus
soutenue qui touche l'ensemble des régions du pays. L'émigration
vers les pays développés constitue, de nos jours, l'un des sujets
de conversation les plus courants dans les milieux populaires
sénégalais. La question ne laisse indifférent ni dans les
centres urbains où la quasi- totalité de la jeunesse est
obsédée par le phénomène « Modou-Modou »,
ni dans les campagnes où « 70% de l'exode rural est dirigé
vers l'étranger » (REMUAO-EMUS, 1993). Alors que la vallée
du fleuve Sénégal constituait à l'origine le principal
bassin d'émigration sénégalaise, les populations du centre
du pays (régions de Diourbel et de Louga) sont de plus en plus
représentées dans la migration de longue distance tournée
essentiellement vers l'espace Schengen.
La région de Louga dans son ensemble connaît un
important flux migratoire et le département de Louga obéit
à cette logique. La forte prédominance des ruraux et le recul des
activités agricoles du fait de la dégradation des conditions du
milieu induisent une forte mobilité de la frange la plus active de la
population. Les années de sécheresse ayant entraîné
une détérioration et un dépérissement de
l'économie de la ville de Louga, il s'en est suivi une migration de ses
populations vers les grands centres urbains du pays. Cependant, avec la mise en
place des PAS, les difficultés connues dans le monde rural sont
ressenties en milieu urbain à la fin des années 80. L'exode
massif des populations lougatoises vers les villes des régions plus
prospères (Dakar, Thiès et Diourbel) commença à
montrer ses limites. Dès lors, les villes dynamiques du pays devinrent
moins une destination finale, qu'une étape intermédiaire vers
l'extérieur du Sénégal en direction de l'Europe
occidentale et des USA. Désormais, aux migrations saisonnières ou
temporaires à l'intérieur du pays et de quelques Etats de la sous
région, va se substituer progressivement une émigration plus
lointaine2. De plus en plus cette
2 Les statistiques du Ministère de
l'Intérieur ainsi que les recensements de 1976 (RGP) ,1988 (RGPH)
et de2002 RGPH2 n'apportent pas de réelle connaissance sur la
migration internationale ; seules les enquêtes de 1970-70 (EDN) et de
1993 (EMUS) traitent des flux et stocks migratoires. On notera
migration tournée vers la France, l'Espagne, l'Italie
ou les Etats-Unis, s'organise selon une logique familiale ou confrérique
et est perçue comme une « ressource ». Il est quasi impossible
de voir une « vraie » famille lougatoise sans un parent
émigré en Europe ou au USA. Cette tendance
généralisée à l'aventure, en ce qu'elle peut
engendrer comme transformations dans les milieux de départ, grâce
aux revenus transférés, constitue pour ce travail une
préoccupation de premier plan.
Ce qui semble incontestable, c'est que les migrants gagnent de
l'argent. Et d'après le rapport OCDE de 2005, les transferts de fonds
réalisés par les émigrés au bénéfice
de leurs familles représentent près de 15 pour cent du produit
intérieur brut (PIB) du Sénégal.
Toutefois les flux de transferts des revenus migratoires
restent très difficiles à quantifier en raison des nombreux
canaux de transferts informels de ces remises. Néanmoins il demeure
qu'ils constituent une manne financière très importante. Selon
l'institut PANOS, dans la Vallée du fleuve Sénégal
beaucoup de villages dépendent exclusivement des revenus des
émigres. Depuis quelques années, Louga semble tenir sa survie du
fait des revenus engendrés par l'émigration de ses fils, plus de
20 milliards Fcfa par an. Aujourd'hui la ville et certains villages du
département tirent leur subsistance des fonds envoyés par les
émigrés. Tall souligne que « dans certains villages de la
région de Louga, les revenus migratoires représentent 90% des
revenus des ménages » (Tall S. M, 1994). Dans les zones urbaines
cette dépendance va crescendo. Elle est accentuée par le mythe de
l'Eldorado chez les jeunes, mythe entretenu par les sommes colossales
envoyées à leurs familles. Ces sommes ne sont pas toujours
utilisées dans des investissements productifs. Plusieurs
études3 portant sur les impacts des revenus migratoires au
Sénégal, montrent que la plupart des dépenses concernent
l'entretien de la famille et l'amélioration du cadre et des conditions
d'existence. On peut opposer cette situation à celle de certains pays
maghrébins où ces revenus ont contribué à la
redynamisation des terres agricoles et à la transformation des paysages
agraires
également que la plupart des étrangers originaires
des pays limitrophes se déclarent sénégalais au moment des
enquêtes pour échapper aux contrôles administratifs
3 On peut citer entre autre : Garson, J.-P. et
Tapinos, G. 2006 ; Barro, I. et al. 2003 ; Gubert F. et Giordano Th. 2006
permettant dans le même temps de limiter les flux humains
(Arab, Ch. in Gonin P et Charef M 2005).
A Louga, l'impact le plus visible de ces revenus en milieu
urbain se lit dans l'acquisition de biens matériels (véhicules,
matériels électroménagers...), l'ouverture de commerces,
et surtout, dans le développement de l'immobilier. Le secteur de
l'habitat et de la construction a connu, ces dernières années,
une mutation remarquable du point de vue de l'occupation de l'espace. Les
tendances récentes laissent entrevoir une présence marquée
des immigrés dans l'édification de belles demeures en contraste
avec les poches d'habitat précaire dans tous les quartiers de la commune
de Louga. Ces deux derniers aspects ont un effet important sur l'urbanisation
qui s'accroît. Ces villas à l'architecture remarquable qui
poussent comme des champignons, augmentent de fait, l'espace urbain qui tend
à conquérir l'espace rural, entraînant des mutations
profondes dans la morphologie urbaine.
En milieu rural, ces revenus concourent à
façonner un « nouveau mode de vie » et entraînent un
abandon progressif des terres. Plusieurs villages du département de
Louga ont trouvé un filon dans l'émigration dont les
sirènes ne cessent d'appeler les fils du terroir. Les départs
sont de plus en plus facilités par les réseaux et les sommes
envoyées par le parent émigré. Ainsi on constate une
diminution de la force de travail qui n'est pas compensée par l'achat de
matériel agricole pour se substituer à ces bras perdus pour les
activités rurales des terroirs. L'exode rural s'amplifie et crée
un dépeuplement de la campagne.
Ainsi donc, pour mieux cerner la dimension géographique
de l'impact de ces flux de devises, il s'agira d'apporter des
éléments de réponses à certaines questions. Qui
sont les émigrés ? D'où est-ce qu'ils viennent? Où
vont-ils ? Comment se font les départs ? Dans quels secteurs sont
orientés les revenus envoyés ? ...? Face au développement
du phénomène migratoire et à l'importance des revenus
transférés, quels sont les différentes
répercussions, les différents impacts de ces remises sur le
milieu à la fois physique et humaine? Quelles sont les relations entre
migration et territoire ? quels sont les effets sur répartition des
populations entre ville et campagne, sur l'urbanisation ? En d'autres termes,
comment ces départs en migration et les revenus
transférés
interviennent-ils, directement ou indirectement, sur les
transformations à diverses échelles, des milieux urbains et
ruraux de départ dans le département de Louga ? .
C'est a partir des ces différentes considérations
que nous nous proposons dans le cadre de ce travail d'étude et de
recherche de vérifier les hypothèses suivantes :
H1 : l'impact des revenus migratoires se traduit par
d'importantes incidences démographiques dans la distribution spatiale de
la population ;
.
H2 : les revenus migratoires, loin de participer au
développement des campagnes favorisent le départ de nouveaux
candidats et la régression des activités rurales ;
H3 : les revenus migratoires sont à la base des
transformations de la morphologie urbaine de la ville de Louga et de son
extension sur les terres rurales des contrées voisines.
OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
L'objectif principal de ce TER, au-delà d'une
initiation à la recherche, est d'analyser, à partir d'une
recherche de terrain et d'une démarche géographique, les
transformations engendrées par le phénomène de
l'émigration dans le département de Louga afin de :
- contribuer à une meilleure connaissance des
phénomènes de migration en général,
- contribuer à l'accroissement de la prise de conscience
des décideurs et des
chercheurs vis - à - vis de la nécessite d'une
approche multidisciplinaire des
problèmes de développement et
particulièrement ceux liés aux migrations, - analyser les causes
réelles qui soutendent les migrations internationales,
- appréhender et analyser les transformations
engendrées par l'émigration dans
des zones du département de Louga
.
METHODOLOGIE
L'élaboration d'un travail d'étude et de
recherche exige dès son entame la définition des méthodes,
procédures et techniques à suivre. L'analyse de l'impact des
revenus migratoires en tant que fait isolé étant à nos
yeux une démarche sans intérêt, il nous a paru
nécessaire d'appréhender le phénomène migratoire en
amont et en aval, c'est-àdire partir des facteurs causaux, de son
évolution afin d'arriver aux transformations qu'il engendre sur le
milieu. C'est cet aspect qui a guidé notre démarche
méthodologique qui s'organise en trois étapes.
1- La revue bibliographique
Cette première étape revêt une importance
capitale d'autant plus qu'elle permet une meilleure compréhension du
sujet.
Notre recherche documentaire s'est d'abord orientée sur
des ouvrages généraux ayant traits au phénomène
migratoire et à la région de Louga en générale. Ce
passage nous a semblé incontournable pour avoir une vision
éclairée du problème général de la recherche
mais également de mieux nous rapprocher de notre cible.
La revue de littérature qui s'en est suivie a
porté spécifiquement sur le problème qui nous
intéresse malgré la pauvreté de la documentation sur le
milieu d'étude. Les Travaux d'Etudes et de Recherche (mémoire de
maîtrise et thèse) furent d'un grand apport. Ici toutes les
informations obtenues présentent un caractère scientifique puisse
que découlant de démonstrations et d'analyses pour aboutir en
général à la vérification d'hypothèse. Les
mémoires de Awa Bâ et de Al Assane Samb, traitant respectivement
de « L'impact de l'environnement socioculturel et
politico-économique sur les stratégies d'accumulation et
d'utilisation du profit chez les acteurs de l'informel : l'exemple des «
Modou-Modou » du département de Louga » et d'« Emigration
et lutte contre la pauvreté : analyse socio anthropologique de l'impact
de l'émigration sur la lutte contre la pauvreté dans la commune
de Kebemer », ont apportés un certains nombre d'informations.
Ce travail nous a également conduit partout où
nous pensions trouver des informations relatives au thème des
migrations. Il s'agit principalement des Bibliothèques Universitaires de
l'Université Gaston Berger et de l'Université Cheikh Anta Diop de
Dakar et de leurs centres de documentations. Egalement les centres de
documentations de l' IRD, de l'IFAN, du GIRADEL et du CIERVAL ont
été sollicités. Notons que nous n'avons pas fixé de
délai pour la documentation. Elle s'est déroulée tout au
long de ce TER, à chaque fois que l'opportunité se
présente.
Quelques ouvrages de références apportent un
certains nombre d'éléments. « Louga et sa
région : essai d'intégration des rapports ville-campage dans la
problématique du développement», Moustapha SARR, IFAN
Dakar, 1973 permet de mieux cerner la zone d'étude. En effet cet
ouvrage décrit l'évolution de Louga depuis la période
coloniale en faisant l'historique des différentes étapes des
migrations. Dans ce même registre, « L'atlas des migrations
Ouest africaines vers l'Europe », Nelly ROBIN, éditions de
l'IRD, Paris, 1997 offre une base de données
détaillée sur les migrations ouest africaines. Beaucoup
d'analyses y sont présentées sur les statistiques de
l'émigration à partir de recensement démographique de la
population de ces pays, d'estimation du Bureau International du Travail,
d'enquêtes réalisées dans le cadre de programmes de
recherches. Dans ce document, le Sénégal apparaît comme le
troisième pays d'émigration en Afrique de l'Ouest après le
Ghana et le Nigeria.
« Géographie de la population »
Daniel NOIN, Armand Collin, 2001 reste également un ouvrage de
référence. Dans un des chapitres du livre, intitule «
Les effets des migrations internationales de travailleurs », l'auteur
analyse les impacts à la fois sur les pays d'accueils que les pays de
départ en tirant des exemples sur certaines localités du Mali et
du Sénégal. C'est également dans cette optique que se sont
inscrit Patrick GONIN et Mohamed CHAREF dans « Emigrés -
Immigrés dans le développement local » Agadir
(Maroc), ORMES, 2005. Ce livre reprend les actes du Colloque du même nom
organisé à Saint Louis en 2003. Tout en analysant les impacts
économiques de ces flux migratoires, certains articles
révèlent que les changements dans la morphologie de la ville sont
les éléments les plus visibles de l'impact des revenus
migratoires. En outre dans les campagnes les fonds transférés ne
participent pas toujours au financement des activités agricoles mais
plutôt, à pousser les ruraux vers les villes, augmentant de fait
la pression démographique qui génère des problèmes
environnementaux.
« Migration, transfert de fonds et
développement », OCDE 2005, fait le point sur l'importance
des revenus migratoires. Cet ouvrage étudie l'impact des transferts de
fonds sur le développement économique dans les pays d'origines
des migrants.
Enfin certains travaux de chercheurs sur les migrations au
Sénégal demeurent des références incontournables
pour ce qui est du phénomène migratoire au Sénégal.
A ce titre citons : Malick NDIAYE dans « Les « Modou-Modou
» ou ethos du développement au Sénégal, Presse
Universitaire de Dakar, 1998 ; et Babacar NDIONE dans « Tendances
récentes des migrations internationales dans le Sénégal
urbain. Existe-t-il une dynamique de quartier ? Les exemples de Dakar, Touba et
Kaolack ».
2- La phase de visite et d'enquête de
terrain
2-1 l'information préliminaire auprès des
services techniques et des diverses institutions
En dehors des données bibliographiques nous avons
recherché des informations au niveau des diverses institutions à
Louga. Cette phase s'est déroulée du 1ier au 16 mars
2007. Elle a été principalement axée sur la visite de
toutes les structures susceptibles de nous fournir des informations sur la
question étudiée. Cette étape a été
réalisée avec le concours des étudiantes de
l'Université de Turin inscrites dans le même
projet4.
Les services techniques
régionaux visités comprennent les services
régionaux de l'Urbanisme, du Cadastre, des Impôts et Domaines, de
la direction de l'Agriculture. Ces structures nous ont fourni essentiellement
des documents administratifs et des rapports. Le dépouillement de ces
documents a permis de faire une présentation de la zone d'étude
à partir des données statistiques, des plans ainsi que des cartes
obtenues.
C'est au niveau des collectivités
locales que l'on a pu avoir les documents de stratégies
d'intervention des autorités pour mieux accompagner les transformations
qui s'opèrent. Nous avons eu des entretiens avec des responsables du
Conseil Régional et de la Mairie de Louga sur les politiques et les
mesures prises en faveur des émigrés. Il faut
4 Il s'agit de Agnése et de Esther,
étudiantes en Master de Science Politique à l'Université
de Turin-Unito.
également souligner que le Conseil Régional de
Louga a spécialement ouvert un bureau pour les émigrés.
Les associations
d'émigrés établies dans la commune, comme le
« Self Help » et le « FESPOP », ont été
également approchées. Elles ont facilité le contact avec
des émigrés en vacance qui ont bien voulu apporter leur
contribution à ce travail.
Les projets et ONG établis
à Louga (AQUADEV, projet SIG, CISV) ont mis à notre disposition
une cartographie de la région de Louga et des informations sur leurs
activités.
Les structures de transferts
d'argent établies à Louga nous ont tour à
tour accueilli. Malgré leur réticence dans la mise à
disposition de certaines informations (pour des raisons de
confidentialité), leurs contributions nous ont permis d'avoir une
idée sur les montants, les fréquences et les destinations des
sommes transférées, mais également il faut comprendre que
parallèlement à ces circuits officiels de transferts d'argent se
sont développés des canaux informels bien rodés.
2-2- Choix des sites d'études
Le choix du département de Louga pour notre
étude de l'impact des revenus migratoires se justifie par l'importance
numérique des émigrés dans la localité et surtout
l'accroissement considérable des revenus transférés par
ces derniers. D'autres part, il faut souligner que ce travail s'inscrit dans
une dynamique de recherche en équipe. Ainsi plusieurs aspects de
l'émigration lougatoise sont étudiés par d'autres membres
de l'équipe, selon une approche soit sociologique ou économique,
dans d'autres localités de la région de Louga.
Pour nous, les premiers éléments recueillis ont
permis de définir les zones d'étude en milieu urbain et en milieu
rural. Puisque cette étude porte sur l'espace départemental, il
fallait procéder à un échantillonnage de sites
représentatifs de l'impact des revenus migratoires. Ces choix ont
été essentiellement opérés à partir des
entretiens avec
certaines personnes ressources5 et des documents
obtenus lors de la phase précédente de recherche
d'informations.
En milieu urbain, la commune de Louga se compose de 12
quartiers.6 En raison de la forte spéculation foncière
et de la rareté des terrains, il reste à peine 5% de terres
communales situées vers l'est de la ville7. Les
émigrés ont tendance à occuper les quartiers
périphériques grignotant de fait les terres de la
communauté rurale de Nguidilé. Parallèlement, les vieux
quartiers centraux subissent des transformations sous l'influence des revenus
migratoires. Ainsi dans notre étude, les quartiers de Djang Bambodj, de
Voile d'or et de Keur Serigne Louga ont été retenus. Ces
quartiers présentent un fort pourcentage
d'émigrés8. Il s'agira par ailleurs, d'étudier
le centre- ville afin d'analyser les transformations de l'habitat et celles
liées à l'activité commerciale dues aux investissements
des émigrés.
Pour ce qui est du milieu rural, les associations
d'émigrés et les ONG nous ont beaucoup aidé dans le choix
des sites à étudier. Dans les campagnes lougatoises, certains
villages se distinguent nettement en raison de l'architecture remarquable de
leurs maisons. Ces villages qui donnent l'aspect de quartiers
résidentiels se singularisent par leur nombre élevé
d'émigrés (exemple : 800 émigrés à
Niomré). Deux (2) communautés rurales de l'arrondissement de
Mbédiéne ont été ciblées : Nguidilé
et Niomré où respectivement deux villages (Djélerlou Syll
et Maka Bra Gueye) et un village (Niomré) ont été
enquêtés.
2-3- L'enquête
Le premier séjour de terrain nous a également
servi de phase de pré-enquête et de test du
questionnaire9 établi. C'est ainsi, puisque nous habitons
dans la zone d'étude, les grandes vacances scolaires ont permis de
réaliser l'enquête aussi bien en milieu rural qu'urbain. Elle
s'est déroulée du 3 août au 29 août 2007. L'univers
de notre enquête concerne : les émigrés en vacances, les
anciens émigrés reconvertis dans des activités
5 Il s'agit du personnel des services administratifs,
des associations d'émigrés, des émigrés
rencontrés
6 Service du cadastre
7 Bamba Sylla, agent municipal, président de la
commission domaine et foncier
8 Il n'existe pas de chiffre exact sur le nombre
d'émigrés
9 Voir en annexe
économiques, les ménages
d'émigrés, les relais d'émigrés. Soulignons que les
relais d'émigrés sont des individus qui sont sur place et
constituent les hommes de confiance des émigrés, ils
gèrent leurs transferts et agissent à leur nom.
La délimitation des échantillons dans les
quartiers cibles ne fut guère facile. Mais en utilisant les
données sur le nombre de ménages dans chaque quartier, nous avons
enquêtés 10% de ces ménages en ce qui concerne la commune
de Louga. Le choix des ménages s'est basé sur une
déduction empirique, par rapport au standing de la maison. Dans chaque
ménage, une seule personne a été enquêtée.
Le total de l'effectif enquêté est de 162
personnes dont 99 femmes, reparti comme suit : Commune de Louga : 78 dont
35 à Djang Bambodj, 31 à Keur Serigne Louga et 12 à Voile
d'or.
Niomré : 48
Djélerlou Syll : 22
Maka Bra Gueye: 14
Il fait noter qu'en milieu rural, c'est grâce à
l'assistance des autorités locales que nous avons pu interroger les
populations.
3- Traitement des données
Après les phases de collecte des données
à la fois qualitatives et quantitatives, nous avons
procédé au dépouillement et au traitement des
données. En dehors de la transcription des entretiens10 les
données alphanumériques et cartographiques ont été
traitées à l'informatique grâce à des logiciels
adaptés.
3-1- Les données alphanumériques
(statistiques)
Le traitement des données recueillies durant
l'enquête a permis de faire des tableaux et graphiques pour étayer
l'analyse du phénomène migratoire dans le département des
Louga. Grâce aux logiciels EXCEL et WORD nous avons pu faire des
diagrammes et courbes de l'évolution des transferts, de la part des
émigrés dans les pays d'accueils entre autre.
10 Tous les entretiens ont été
enregistrés.
3-2- Les données cartographiques
Au départ, un stage au niveau de la cellule
cartographie de l'AQUADEV devait nous donner la possibilité de
réaliser entièrement la cartographie. Faute de ce stage, nous
nous sommes orientés vers la cellule SIG de l'Agence Régional de
Développement (ARD) de Louga et du Centre de Suivi Ecologique (CSE). Ces
deux structures nous ont particulièrement aidé dans la
réalisation de nos cartes. La plupart des cartes ont été
faites avec Arc View, moins nous avons également utilisé
les logiciels Autocad, MapInfo, Micro Station et Paint.
D'autres parts, grâce à Google Earth
nous avons pu récupérer quelques photos satellites des zones
étudiées dans le but de suivre l'évolution des
périmètres communaux et villageois. Les photos prises offrent une
résolution pas très nette mais les différents aspects
recherchés ont été mis en évidence. Ce travail a
été complété par des prises de photographie sur le
terrain pour mieux illustrer les transformations sur l'habitat.
PREMIERE PARTIE
Origines et originalités de
l'émigration lougatoise
Cette première partie se propose de situer d'abord
le sujet dans son cadre géographique. Ensuite les différents
facteurs explicatifs de l'émigration lougatoises seront traités.
Le troisième chapitre tentera de décrire l'évolution du
mouvement migratoire à partir de la vallée jusqu'à ses
débuts dans le paysage lougatois, mais aussi, de montrer les
caractéristiques démographiques de cette
émigration.
Chapitre 1: PRESENTATION DE LA ZONE D'ETUDE
A/ PRESENTATION SUCCINCTE DE LA REGION DE LOUGA
La région de Louga, anciennement province du Ndiambour,
a été mise en place par la réforme administrative de 1976.
Elle été alors la huitième région administrative du
Sénégal. Créée par la loi n° 76 61 du 26 Juin
1976 qui consacra la partition de l'ex - région de Diourbel en deux
entités administratives distinctes, la région de Louga couvre une
superficie de 24 847 km2, soit 12, 60 % du territoire national. Elle
occupe en terme de superficie la 3ème place au niveau national
après les régions de Tambacounda (59 602 k km2 : 30,30
% du territoire national) et de Matam (29 424 km2 : 15 % du
territoire national).
Comprise entre les latitudes 14° 70 et 16° 10 Nord
et les longitudes 14° 27 et 16° 50 Ouest, elle est limitée au
nord et à l'est par la région de Saint-Louis, au sud par les
régions de Thiès, Diourbel et Kaolack. L'océan Atlantique
constitue la limite occidentale de la région lui offre une façade
maritime qui s'étale sur près de 50 km. Louga occupe ainsi une
position de carrefour qui lui a valu d'être pendant longtemps une zone
d'échanges entres plusieurs régions.
La région compte présentement trois (3)
départements : Louga, Linguère et Kébèmer, onze
(11) arrondissements ; 46 communautés rurales et 2600
établissements humains, dont quatre communes (Louga,
Kébèmer, Linguère et Dahra). Ces trois départements
sont très inégalement étendus. C'est ainsi que le
département de Linguère11 constitue avec ses 15 375
km2 le plus vaste (61, 80 % du territoire régional). Viennent
ensuite les départements de Louga et de Kébèmer qui
couvrent respectivement 5 649 (22,70%) et 3 823 km2 (15, 50 % de la
superficie régionale).
11 Bien qu'amputé des communautés
rurales de Vélingara (2585 km2) et de Lougré Thioli
(1756 km2)
De par sa position géographique, la région de
Louga appartient au domaine sahélien caractérisé par
l'alternance de deux saisons : une courte saison pluvieuse s'étendant de
mi- juillet à mi-octobre et une saison sèche couvrant une
période de huit à neuf mois (mi-octobre à mi-juillet).
Elle englobe des températures élevées qui s'amplifient au
fur et à mesure qu'on s'éloigne de la côte. Les pluies
très peu importantes, dépassent très rarement, depuis une
décennie, 300 mm de hauteur d'eau par an. La période hivernale
dure 2 à 3 mois. La distribution des pluies varie de façon
très erratique d'une année à une autre ainsi que le montre
le tableau 1. Par ailleurs plusieurs séquences d'années
pluvieuses peuvent s'intercaler ou se juxtaposer avec des années peu
pluvieuses.
Tableau 1 : Evolution des moyennes pluviométriques
annuelles de la région
Années
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
Hauteur mm
|
334,2
|
274,8
|
270,1
|
348,3
|
296,8
|
330,2
|
462,1
|
426,1
|
383,3
|
249,3
|
352
|
Nbr de jours
|
21
|
21
|
24
|
23
|
22
|
24
|
30
|
31
|
28
|
20
|
27
|
Sources : DRDR Louga
Les températures restent élevées durant
la majeure partie de l'année sur l'essentiel du territoire
régional. Les zones proches de la côte, sous l'influence des
alizés maritimes, bénéficient de températures plus
clémentes se situant généralement entre 22,5°C et 31
°C avec des minima de 15,1°C et des maxima de 29,2°C à
39,7°C. Les périodes les plus chaudes coïncident
généralement avec les mois de Mai (38,1° c) et d'Octobre
(37,7°c). Ces températures élevées, occasionnent un
rapide assèchement des points d'eau, diminuant ainsi les
possibilités d'abreuvement du bétail. Elles constituent par
ailleurs des facteurs limitants pour le développement de l'agriculture
et du maraîchage.
Le territoire régional se compose principalement de trois
grandes unités pédologues : -les sols ferrugineux tropicaux peu
lessivés (Sols Dior)
-les affleurements latéritiques
-les sols bruns et brun rouges
Ces sols sont surexploités, particulièrement au
centre et au sud. Cette situation écologique alliée aux
aléas climatiques a modelé un déséquilibre au
niveau de la végétation.
Quant à la zone des Niayes située sur la
façade maritime, elle est constituée par une bande de terre
s'étendant sur 15 km de large, de la mer vers l'intérieur. Dans
la région de Louga elle est limitée au nord par la région
de St Louis (Taré) et au sud par la région de Thiès et
s'étend sur une longueur de 54 km environ. La végétation
des Niayes reste marquée par sa complexité due au recoupement des
domaines sahéliens et subguinéens (PRDI, 2004). Les
espèces rencontrées sont souvent localisées dans les
dépressions dunaires. Les sols sont riches et constituent un milieu
idéal pour les cultures maraîchères et fruitières
largement dominantes dans les systèmes de production.
Sur la base du dernier recensement de 2002, la population
régionale était de 677 750 habitants soit 6,9% de la population
totale du pays. Cette population est essentiellement composées de Wolof
(64,4%) et de Al Pulaar (29,5%). La configuration spatiale prédispose
à une occupation de l'espace très disparate. La
répartition de la population est assez hétérogène
avec une massification dans la zone Ouest (Louga et Kébèmer). La
densité moyenne (27 habitants/km2) cache des disparités : 12,7
habitants /km2 pour Linguère, et à 49,1
habitants/km2 à Louga. On note également un grand
écart entre les communautés rurales avec 5 habitants au km2
à Tasseré Forage contre 120 à Ndande. La population est en
majorité rurale. On compte 126 253 citadins dans les quatre communes
soit un taux d'urbanisation de 18,6%. Cependant la commune de Louga atteint un
taux de 26,5% (RGPH3, 2002).
B/ PRESENTATION DES ZONES D'ETUDES
Le département de Louga s'étend sur une
superficie de 5649 km2 soit 22% du territoire régional. Il comprend les
arrondissements de Coki, Keur Momar Sarr, Mbédiéne et Sakal et la
commune de Louga (Cf. carte 1).
Carte 1 : Département de Louga
Tableau 2: Découpage administratif du
département de Louga
Département
|
Arrondissements
|
Communautés Rurales
|
Superficies (km2)
|
|
|
1. Coki
|
323
|
|
|
2. Ndiagne
|
231
|
|
Coki
|
3. Pété Ourack
|
109
|
|
|
4. Thiamène Cayor
|
351
|
|
|
|
1. Gandé
|
704
|
|
|
2. Keur Momar Sarr
|
719
|
|
Keur Momar Sarr
|
3. Nguer Malal
|
519
|
MILIEU
|
|
4. Syer
|
785
|
|
RURAL
|
|
|
|
|
|
1. Kelle Gueye
|
95
|
|
|
2. Mbédiéne
|
233
|
|
Mbédiéne
|
3. Nguidilé
|
186
|
|
|
4. Niomré
|
224
|
|
|
|
1. Léona
|
416
|
|
Sakal
|
2. Ngueune Sarr
|
235
|
|
|
3. Sakal
|
519
|
|
MILIEU
|
|
|
|
URBAIN
|
Commune de
|
|
3035,25
|
|
Louga
|
|
|
Source : Direction de l'Aménagement du
Territoire
Notre étude porte sur la commune de Louga et les deux
communautés rurales de NGuidilé et Niomré dans
l'arrondissement de Mbédiéne.
En 2002 la population départementale était de 277
397 habitants repartie comme suit :
Tableau 3: Caractéristiques
démographiques de la population dans le département de
Louga
DENOMINATION
|
NBRE de concessio ns
|
NBRE
de ménages
|
Population de droit
|
Hommes
|
Femmes
|
Total
|
Rapp. Masc
|
Densité
|
ENSEMBLE RURAL
|
15154
|
18623
|
97632
|
106103
|
203735
|
92
|
|
% Ensemble urbain
|
32,1
|
29,9
|
26,3
|
26,8
|
26,5
|
90
|
|
Commune de LOUGA
|
7158
|
7934
|
34806
|
38856
|
73662
|
90
|
|
DEPARTEMENT DE LOUGA
|
22312
|
26557
|
132438
|
144959
|
277397
|
91
|
49,1
|
Source : DPS, Résultats provisoires RGPH3
-2002
La répartition de la population par sexe laisse
apparaître dans l'ensemble une majorité de femmes : on
dénombre 91 hommes pour 100 femmes. Cette inégalité est
très variable au cours des âges et parfois même très
marquée. Dans les tranches d'âges de 25 à 54 ans, la
supériorité numérique des femmes atteint des sommets.
Cette situation pourrait
s'expliquer par la migration largement plus fréquente
chez les hommes qu'au niveau des femmes. Au delà de 55 ans vers les 80
ans, on rencontre plus d'hommes, ce qui pourrait découler des retours de
migration12.
B-1/ La commune de Louga
La commune de Louga s'étend sur une superficie de 3
035,25 hectares. De par sa position géographique Louga commune joue un
rôle de carrefour. En effet la ville de Louga, se situe à 200 Km
au nord de Dakar, à 30 Km de la côte ouest, à 70 Km au sud
de Saint Louis et à la croisée des routes qui conduisent à
l'est vers Dahra, Linguère, Matam et Touba.
Le périmètre communal a subit plusieurs
élargissements. Actuellement la commune s'étend sur douze (12)
quartiers13.
Tableau 4: répartition des quartiers dans la
commune de Louga, 2004
8471
N° Ord.
|
Nom du quartier
|
Nombre de concessions
|
Nombre de ménages
|
1
|
Artillerie
|
584
|
652
|
2
|
Thiokhna
|
767
|
866
|
3
|
Montagne Sud
|
806
|
951
|
4
|
Montagne Nord
|
411
|
543
|
5
|
Santhiaba Nord
|
679
|
988
|
6
|
Santhiaba Centre
|
351
|
402
|
7
|
Santhiaba Sud
|
539
|
660
|
8
|
Keur Serigne Louga Est
|
745
|
813
|
9
|
Keur Serigne Louga Nord
|
773
|
885
|
10
|
Keur Serigne Louga Sud
|
726
|
763
|
11
|
Artillerie II
|
803
|
831
|
12
|
Grand Louga
|
112
|
117
|
TOTAL
|
7295
|
|
Source : Mairie Louga
12 Résultats du troisième recensement
général de la population et de l'habitat, (2002) Rapport de
présentation LOUGA, 2007
13 Commission domaine et foncière de la Mairie
de Louga
B-2/ Les communautés rurales de Ngidilé et de
Niomré
Dans les campagnes lougatoises, l'émigration est
omniprésente. Cependant elle se manifeste à des degrés
divers selon la localité. A l'échelle départementale, les
communautés rurales de Nguidilé et de Niomré ont de forts
taux d'émigration. Ces deux communautés rurales de
l'Arrondissement de Mbédiéne se situent respectivement au Nord et
à l'Est de la commune de Louga.
B-2-a/ La communauté rurale de
NGuidilé
La communauté rurale de NGuidilé encercle la
commune de Louga. Elle se situe au sud-ouest du département. Sa
population était évaluée en 2002 à 16 082 habitants
dont 8516 femmes et 7566 hommes. Cette prédominance de femmes est du au
fait que ce sont les hommes qui émigrent, ce qui est valable dans toutes
les localités à forte proportion d'émigrés. Dans la
communauté rurale de Nguidilé, deux villages, Maka Bra Gueye et
Djélerlou Syll, se singularisent par leur développement
lié au phénomène d'émigration. Dans ces villages,
les revenus migratoires constituent la principale source de revenus des
populations.
Le village de Maka Bra Gueye se
situe à 5 km de Louga sur la route nationale 2 vers Saint Louis. Sa
population tourne autour de 1500 habitants et vit essentiellement de
l'agriculture. Cependant les sécheresses des années 70 et 80, qui
ont sévèrement affecté l'agriculture, ont poussé
les populations vers de nouvelles stratégies d'adaptation au contexte
économique et social. L'émigration, d'abord interne (exode
rural), s'est développée avant de s'orienter vers une perspective
internationale à partir des années 80. Actuellement le village
compte une centaine d'émigrés dont la majorité se trouve
en Italie, le reste étant en France et en Espagne.
Le village de Djelerlou Syll. Il se
situe à 4 km au Nord/Est de Louga. Fondé depuis 1343 avec
seulement deux concessions appartenant à deux frères d'où
le nom de « Syll », le village compte aujourd'hui 58 concessions
où plusieurs générations cohabitent à
l'intérieur d'une même concession. Ce chiffre ne prend pas en
compte les
nouvelles constructions qui occupent les
périphéries du village et qui sont essentiellement l'oeuvre des
émigrés. Sa population tourne autour de 2000 habitants.
B-2-b/ La communauté rurale de
Niomré
La communauté rurale de Niomré rassemble 48
villages dont le chef lieu est le village de Niomré. Fondé en
1663, ce village du Ndiambour se situe à 10km à l'Est de Louga.
Il est rendu célèbre par son fort taux d'émigration.
Aujourd'hui ce village donne l'apparence d'une « ville » ou des
« fronts d'urbanisation » s'avancent de tous les cotés. Sa
population totale est de 13 850 habitants (RGPH 3, 2002) et comme partout
où l'émigration est développée, les hommes sont
bien moins nombreux avec un rapport de masculinité de 80 hommes pour 100
femmes. Avant le développement de l'émigration, l'activité
villageoise était principalement orientée vers l'agriculture et
l'élevage. La tendance à l'émigration ne s'est
accélérée que vers les années 1985. Aujourd'hui les
émigrés de Niomré vont majoritairement en Espagne, en
Italie et en France.
Chapitre 2 : DE LA CRISE DE L'ARACHIDE AUX EFFETS DES
POLITIQUES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL : L'EMIGRATION, UNE SOLUTION A LA
DEGRADATION DES CONDITIONS DE VIE.
La migration est sans doute un des phénomènes
les plus anciens de la civilisation humaine. Depuis la nuit des temps, l'homme
s'est toujours déplacé d'une contrée à une autre,
d'une région à une autre, par curiosité, par soucis de
s'enrichir des expériences des autres, pour améliorer ses
conditions d'existence, ou tout simplement, pour assurer sa survie dans un
environnement plus favorable.
La région de Louga fait partie des zones où la
propension à l'émigration internationale est devenue très
forte. Ce phénomène a un impact sur la population mais
également sur la vie économique de la région. Il est
parfois soumis à de très grandes variations conjoncturelles. La
région de Louga a connu ces dernières décennies des
sécheresses qui ont rendu les conditions de vie très
vulnérables et précaires. Toute la structure économique a
été bouleversée et l'environnement fortement
dégradé. Ceci a amené les populations à
développer des stratégies de survie dont le départ en
émigration.
Ce qui revient le plus souvent comme facteur explicatif de
l'émigration dans le département de Louga réside dans la
détérioration des conditions climatiques depuis 1973 qui a
sérieusement affecté la production agricole. Cependant comme le
souligne Laurence Marfaing (2003) dans son livre Les
sénégalais en Allemagne: « la
sécheresse qui sévit au sahel à cette époque est
certes catalyseur mais non pas, contrairement aux idées reçues,
la cause ». Les causes de la forte vague des migrations depuis les
années 70 sont en effet plus profondes ; elles sont liées
à l'évolution historique, économique et sociale du pays et
de la région. Un effet de « suivisme » joue également
un rôle important dans l'explication des facteurs de
l'émigration.
A/ CONTRAINTES CLIMATIQUES ET DIFFICULTES DE
L'AGRICULTURE
A-1/ Contraintes climatiques
Depuis la fin des années 70 les régions du sahel
subissent une sécheresse liée à une importante diminution
des précipitations. Les conséquences qui s'en sont suivies sont
dramatiques. L'analyse des données sur la pluviométrie laisse
apparaître que la baisse des précipitations s'est amorcée
depuis la fin des années 60, en phase avec ce qui a été
observé au sahel et s'est intensifié au cour des années
80. Cette diminution atteint en moyenne 20% par rapport à la
pluviométrie enregistrée auparavant et parfois des valeurs
supérieures à 25%.
Tableau 5: Evolution de la pluviométrique dans
le département de Louga par rapport aux 3 normales.
Normales/ Départements
|
Louga
|
1931-
|
1960
|
472,2 mm
|
1951-
|
1980
|
406, 5 mm
|
1961-
|
1990
|
323, 1 mm
|
Source : Ecographie du Sénégal
subsaharien
L'examen de ces chiffres permet de noter une diminution
tendancielle des normales qui participe à l'aggravation de la
dégradation de l'environnement régional. Cette péjoration
climatique fragilise les ressources naturelles et constitue ainsi un des
facteurs limitants.
Dans le département de Louga, la situation
pluviométrique de ces dernières décennies reste alarmante.
L'adaptation de certaines cultures au déficit hydrique est difficile, et
ce qui se répercute sur les rendements. Selon O. L.14, chef
de la division production végétale de la DR-DR de l'Inspection
Régionale de l'Agriculture de Louga, « la situation alimentaire
au
14 Entretien du 21 mai 2007
niveau de Louga est très difficile et serait encore plus
grave n'eut été l'apport significatif de l'argent envoyé
par les parents émigrés ».
Tableau 6: Evolution de la pluviométrie annuelle
dans la commune de Louga et l'arrondissement de Mbédiéne
depuis 1992
ANNE ES
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
LOUG
|
202,4
|
361,4
|
361,4
|
275,7
|
317,6
|
164,1
|
238,5
|
407,6
|
423,6
|
285,1
|
215,2
|
156,4
|
373,2
|
350,9
|
A
|
20*
|
26
|
26
|
34
|
25
|
21
|
25
|
28
|
33
|
32
|
18
|
30
|
24
|
29
|
Arr. de
|
211,3
|
400,3
|
218,2
|
306,6
|
317,7
|
198,6
|
220,2
|
412,0
|
432,6
|
326,6
|
?
|
225,7
|
362,4
|
412,3
|
MBED
|
|
23
|
25
|
26
|
26
|
21
|
21
|
17
|
30
|
32
|
|
20
|
20
|
25
|
IENE
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
*En gras Nombre de jour de pluie Source DR-DR IRA
Louga
L'analyse des données du tableau 6 révèle
une pluviométrie très aléatoire dans la zone. Aux
années de bonne pluviométrie (1999, 2000) peuvent succéder
des années plus sèche où les moyennes tournent autour de
200mm/an (1992, 2003). Même si ce sont plusieurs facteurs combinés
qui permettent une bonne récolte, les années de forts
rendements/ha coïncident avec des années de bonne
pluviométrie
D'autre part la diminution notable de la pluviométrie a
sévèrement compromis les rendements agricoles très
tributaires des précipitations. Ainsi comme le dit le chef du village de
Djélerlou Syll15 :
« Nous sommes des paysans et des éleveurs. Nos
parents ne vivaient que de cela. Mais depuis quelques années
l'agriculture ne marche plus. Les pluies se font rares, la sécheresse
s'est installée. La terre ne produit plus assez pour assurer la survie
des populations du village. Quand les premiers émigrés sont
partis et qu'ils ont commencé à entretenir convenablement leurs
familles, on a vu que l'émigration constituait une solution. Depuis tous
les jeunes du village partent en Espagne, en Italie ou en France et ceux qui
sont encore là, ne pensent qu'au jour où ils partiront, au
détriment de la terre. Peut-être, si la terre produisait encore
suffisamment, ils seraient restés. Mais en tout
15 Entretien du 05 avril 2007 avec Baye Modou Syll,
chef du village de Djélerlou Syll
cas, l'émigration est une bonne chose, car elle permet
notre survie, il suffit juste de regarder autour de vous »16
Ces propos traduisent parfaitement la perception de
l'émigration par les populations lougatoises comme une
conséquence directe des difficultés écologiques et de
l'agriculture. L'exode rural qui était la première solution s'est
très vite orienté vers l'internationale, à la suite des
difficultés économiques qui touchèrent le monde urbain.
A-2/ Effondrement de l'agriculture
Les problèmes qui se posent aux agriculteurs lougatois
ne sont pas récents, et touchent à la fois les cultivateurs de
produits vivriers et les producteurs de cultures commerciales, en particulier
d'arachides. Depuis toujours, les méthodes de culture pratiquées
sont très simples. La plupart des agriculteurs se contentant de cultiver
leurs modestes lopins de terres au moyen de simples outils manuels, sans
pratiquement aucun engrais ou aide extérieure.
Bien que le secteur agricole fasse vivre plus de 60 % de la
population sénégalaise et représente 18 % du produit
intérieur brut, il ne bénéficie que de 10 % des
investissements de l'Etat17. Dans le département de Louga,
70% de la population évolue dans le secteur agricole. Pendant plusieurs
dizaines d'années, y compris du temps de la colonisation
française, le secteur des arachides s'est taillé la part du lion
du financement agricole public. En effet, depuis l'indépendance en 1960,
presque toute la formation technique, les subventions et les services de
vulgarisation agricole fournis par l'État ont été
axés sur la production arachidiére.
Cette mobilisation de moyens n'a toutefois pas permis
d'améliorer considérablement les conditions de vie dans les zones
rurales, même dans les principales régions productrices
d'arachides. La fin de la garantie des prix au producteur de l'arachide par la
France au début des années 1970, la dégradation des
terres, les aléas pluviométriques, la mise en oeuvre d'une
politique de prix défavorable aux producteurs ruraux et l'apparition
de
16 Tout autour on voit une Grande Mosquée et
des maisons à terrasse carrelées à l'architecture
espagnole, des boutiques...
17 DR-DR Louga
produits concurrents comme le soja sur le marché
international ont constitué autant d'entraves au développement de
l'économie arachidiére (Ly El H. mars 1999).
Vers le milieu des années 80, le Gouvernement
sénégalais a commencé à adopter de nouvelles
politiques économiques à la demande du Fonds Monétaire
International (FMI) et de la Banque mondiale. Ces politiques ont eu pour effets
de réduire les services de vulgarisation agricole et de supprimer
progressivement la subvention des intrants. Trop pauvres pour acheter comptant
les engrais dont ils avaient besoin, de nombreux paysans qui ont dû
emprunter de l'argent au début de la saison des semailles, se sont
retrouvés lourdement endettés lorsque les précipitations
étaient insuffisantes ou que le cours de leurs produits avaient
fortement baissé.
Dans la région de Louga, le sol s'est
érodé ou s'est acidifié. Les vagues de sécheresse
successives ont frappé très durement la région à la
fin des années 70 et au début des années 80, aggravant la
dégradation de l'environnement et la paupérisation des villages
de la région. Ces conditions climatiques défavorables,
entraînant par une production agricole déjà très
insuffisante, ont conduit à une situation de quasi-famine dans la
plupart des campagnes du pays.
Tableau 7: Evolution des superficies et de la
production agricoles dans le département de Louga
Année
|
Arachide
|
Mil
|
Niébé
|
Maïs
|
Manioc
|
Spfcie
|
Prdt
|
Spfcies
|
Prdt
|
Spfcies
|
Prdt
|
Spfcies
|
Prdt
|
Spfcies
|
Prdt
|
1994
|
52.665
|
27.544
|
24.865
|
3.183
|
13.921
|
4.872
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1995
|
32.276
|
32.563
|
25.694
|
6.521
|
12.761
|
5.104
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1996
|
44.412
|
28.786
|
35.075
|
66.029
|
16.739
|
2.745
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1997
|
35.146
|
6.889
|
19.162
|
24.091
|
22.249
|
2.915
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1998
|
21.296
|
9.583
|
38.732
|
77.049
|
23.444
|
4.789
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1999
|
27.012
|
13.236
|
36.090
|
10.827
|
42.390
|
10.755
|
-
|
-
|
-
|
-
|
2000
|
57.842
|
41.935
|
53.837
|
15.075
|
33.165
|
10.248
|
-
|
-
|
-
|
-
|
2001
|
77.148
|
52.461
|
30.123
|
4.067
|
27.090
|
12.516
|
96
|
58
|
-
|
-
|
2002
|
71.638
|
17.965
|
37592
|
1.466
|
43.664
|
5.851
|
-
|
-
|
-
|
-
|
2003
|
38.734
|
21.063
|
19096
|
859
|
33.136
|
10.284
|
42
|
-
|
47
|
235
|
2004
|
10.649
|
34.756
|
94.061
|
24.371
|
71.685
|
15.166
|
2.051
|
430
|
2.250
|
1.130
|
2005
|
-
|
10.341
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
Spfcie = superficie en hectares Prdt = production en
tonnes
Source : DR-DR Louga
L'examen du tableau 7 révèle les variations de
la production des différentes spéculations. Par exemple, pour
l'année 1997, la production arachidiére était que de
seulement 6 889 tonnes alors que l'année précédente elle
se chiffrait à 28.786 tonnes dans le département. Les autres
années de faible production ont été enregistrées
dans presque toutes les productions. Cela vient confirmer la faible
productivité du secteur agricole due en partie à
l'appauvrissement des sols et à la baisse et/ou
l'irrégularité de la pluviométrie. Par ailleurs, la
diminution de la main d'oeuvre agricole résultant de l'émigration
et de l'exode rural joue un rôle important dans l'explication de la
faiblesse des rendements en rapport avec les superficies mises en culture.
.
B/ LES EFFETS DU CONTEXTE ECONOMIQUE ET DES POLITIQUES
D'AJUSTEMENT STRUCTUREL
Les causes économiques sont celles qui font la plus
grande unanimité entre les spécialistes des migrations, quel que
soit le niveau explicatif retenu. Les chercheurs reconnaissent que la
rationalité économique explique en grande partie les
comportements des individus dans leur propension à émigrer.
Les systèmes précapitaliste et capitaliste
apparus après la révolution industrielle, la pauvreté et
la misère dans certains pays sont des raisons qui ont provoqué un
nombre assez conséquent de crises. Ces crises liées à une
augmentation du chômage, à la détérioration des
conditions de vie, à l'insécurité croissante, ont pour la
plupart provoqué l'émigration des peuples souffrants.
L'émigration répond souvent à un besoin
économique. En effet, en plaçant son voyage sous le signe de
l'épargne, le concerné ne peut pas manquer de s'intégrer
davantage dans la dynamique économique moderne. Les problèmes de
développement et la crise économique sont parmi les premiers
facteurs de l'ampleur des migrations internationales dans tout le
Sénégal et dans la région de Louga en particulier.
Au début des indépendances, le contexte
économique du Sénégal était largement
influencé par le modèle néo-colonial de croissance.
L'activité était administrée par l'Etat et surtout sur la
commercialisation et la transformation de l'arachide. La plus grande partie des
terres cultivées était consacrée à l'arachide.
Jusqu'à la fin des années 60, la croissance de
l'économie liée en grande partie à la croissance de
l'agriculture, s'est accélérée jusqu'à atteindre
3%. Mais le début des années 70 correspond au déclin de
l'agriculture. Le renversement des tendances de l'agriculture et de
l'économie sénégalaise marquée par une stagnation
des surfaces cultivées, une dégradation des terroirs, la fin des
prix de soutien français à l'arachide (les exportations
deviennent soumises aux cours mondiaux) sont à l'origine de
déséquilibres structurels importants. A cela s'ajoute, comme
l'évoque Gilles Duruflé (1988), dans L'ajustement structurel
en Afrique, le fait que « la logique de création et de
distribution des revenus déconnectés de la sphère de
production a pour effet d'entretenir
la croissance de la consommation de façon relativement
indépendante de l'évolution des ressources, qui, elles, stagnent
».
Cette stagnation et cette fluctuation de l'économie
arachidiére et du secteur primaire ont des conséquences directes
sur l'ensemble des activités : le pouvoir d'achat a été
durement touché en ville, et plus encore en milieu rural. En campagne,
l'agriculture suit les variations erratiques de la pluviométrie. Cette
période correspond au début de la péjoration climatique au
Sahel, se traduit également dans le bassin arachidier. Le monde rural
lougatois, dont la subsistance tenait aux cultures sous pluie culture, sera
fortement touché. C'est dans ce contexte de crise de l'économie
sénégalaise que les institutions financières
internationales vont mettre en place les PAS.
Face a la dégradation sévère des finances
publiques (baisse de recettes d'exportation), les autorités
sénégalaises ont adopte en novembre 1979 un Plan à moyen
terme de Redressement Economique et Financière (PREF) et font appel au
FMI et à la Banque Mondiale. Ces deux institutions, à travers les
objectifs visés, posent comme condition, la réduction à
court terme des déséquilibres de la balance des paiements et du
besoin de financement extérieur de l'Etat.
Les résultats, pour les moins obtenus par les PAS au
Sénégal depuis 1979 sont une concentration des revenus plus
accrue, au détriment de la justice distributive, et parfois
également, de l'efficacité économique. On assiste à
la marginalisation et à la paupérisation de certaines couches
importantes de la population, à la campagne et en ville.
Les populations lougatoises qui avait trouvé une
solution à la crise du monde rural à travers l'exode rural se
retrouvèrent à nouveau contraintes à de nouvelles
stratégies d'adaptation. En 1981, l'instauration du visa de sortie du
territoire nationale, n'a pas empêché les populations de
s'orienter vers l'émigration internationale. En effet « la
déclaration des droits de l'homme ratifiée par les Etats
européens, a permis à ces derniers de tenter d'harmoniser leurs
politiques avec la création de l'espace Schengen, derrière lequel
ils se cachent volontiers pour mettre en place une politique de immigration ou
une législation complexe permettant ou non aux étrangers de
s'installer dans le pays d'accueil » (Kébé Nd. M. 2006 -
2007). Les pays européens, malgré leurs
politiques de fermeture, vont constituer les nouveaux pôles
d'accueil de ces populations à la recherche d'opportunités.
C/ L'EFFET DU SUIVISME
Des raisons non économiques conduisent également
des populations à quitter provisoirement ou durablement leurs lieux
d'origine. L'histoire et la géographie des groupes ethniques peuvent
constituer d'importants motifs de mobilités. A force d'envoyer leurs
ressortissants en migration, certaines sociétés ont
transformé le phénomène de la migration en habitude. Les
raisons des migrations ne sont pas toujours seulement d'ordre économique
ou politique, elles sont également de nature éducative,
religieuse, sociale ou culturelle. Des recherches empiriques conduites en
Afrique de l'Ouest montrent que la migration ne peut être vue seulement
en tant que processus économique, mais doit être
considérée également comme un processus social (Petit in
AMMASSARI S, 1994).
En effet, «des causes anciennes ont créé un
contexte historique qui a transformé la migration en habitude et qui l'a
très fortement orientée vers l'extérieur; mais cela ne
suffit pas à expliquer la permanence du phénomène, son
accroissement sensible au fil des années » (Gaude J. 1982).
L'ampleur de la migration est d'un niveau tel à Louga que la presque
totalité des jeunes ne pensent plus qu'à émigrer,
d'où l'importance du phénomène mimétique. C'est
connu, la capitale du Ndiambour est devenue au fil des années une
importante zone d'émigration où le rêve des jeunes
garçons est avoir un visa, ce fameux sésame qui permet de quitter
le pays.
A Louga, il existe deux types d'émigrés : les
« gauchers » et les « goorgorlu ». Les premiers,
se livrent à des activités illicites, se caractérisent par
leur aisance financière et matérielle : voiture de luxe, villas
insolentes, dépenses incontrôlées dans les
cérémonies de tout genre, gaspillage au gré des
fantaisies. Les seconds sont par contre, des émigrés ordinaires,
leurs dépenses se font de façon modérée voire
économe. Ils mettent trois fois plus de temps que les premiers à
amasser de l'argent en Europe. Leurs maisons se construisent étape par
étape, après plusieurs séjours à l'étranger.
Si à Louga beaucoup de gens ne rêvent que de l'émigration,
c'est pour une bonne part à cause des émigrés «
gauchers » et de l'image qu'ils donnent de l'Europe une fois au bercail. A
les voir
évoluer au pays, on a l'impression qu'en Europe, la vie
est belle, trop belle, et que l'argent se ramasse à la pelle.
L'émigration affecte également
l'éducation nationale à Louga, à plusieurs niveaux. Dans
les établissements secondaires, les enseignants sont unanimes à
reconnaître le peu d'intérêt que les élèves,
particulièrement les garçons, portent aux études. Au
lycée Malick Sall de Louga, un professeur nous dit « avoir dans une
de ses classes 35 filles sur un total de 50 élèves environ.
Certes, il s'agit d'une classe, mais le fait est révélateur
» dit-il. Le professeur poursuit son analyse en affirmant que «
même le projet de la scolarisation des filles devrait être
relativisé à Louga à cause du phénomène de
l'émigration. Sinon on risque dans le long terme, de constater l'effet
inverse ».
Outre cette volonté des uns d'échapper au
contrôle social, et des autres de les maintenir, les zones
d'arrivée (Europe occidentale) exercent aussi une forte attraction sur
les jeunes. Les migrants qui, à leur retour, racontent avec magnificence
la vie qu'ils menaient en migration ont largement participé à
créer le mythe du migrant. Dès lors ils deviennent des
«modèles identificatoires », des personnes qui incarnent le
mieux la modernité.
Le silence sur les conditions résidentielles et
professionnelles réelles des migrants renforce le désir des
jeunes qui veulent découvrir la vie, souvent présentée
comme paradisiaque, dans les lieux d'immigration. Pour maintenir le
mystère qui entoure leur situation, les migrants revenus au village ne
se plaignent jamais. Au contraire, ils parlent des avantages de la migration en
évitant soigneusement de d'évoquer les difficultés
endurées. L'essentiel étant de bien paraître, même au
prix d'une grande prodigalité. « La réussite -réelle
ou simulée- du migrant n'engage pas que sa personne mais implique
également la notoriété de toute sa famille »
(Bâ Ch. O. 1995-1996).
Enfin, il existe encore des causes qui sont plutôt
liées à la complexité même du
phénomène migratoire. En effet, dans certains cas, les causes
peuvent devenir des conséquences et vice-versa. Pour exemple, une des
causes essentielles souvent avancées dans l'étude des migrations,
est que, c'est le déficit pluviométrique qui engendre le
déficit alimentaire et pousse les populations à s'exiler. Or, en
ce qu'elle ponctionne dans la population active, on s'aperçoit que la
migration diminue considérablement la
main-d'oeuvre agricole. Pour compenser leur absence, les
migrants envoient de l'argent destiné à payer des gens qui vont
travailler dans leurs champs. De plus, l'argent envoyé par les migrants
sert aussi à financer la migration de ceux qui, au village, attendent
leur tour. En permettant de recruter une main-d'oeuvre étrangère,
elle permet à d'autres actifs de prendre le chemin de la migration.
Cette imbrication des causes et des conséquences de la migration milite
en faveur de l'examen du processus migratoire dans une perspective dynamique
afin de mieux mettre en évidence le rapport entre les facteurs sociaux,
culturels, économiques, et psychologiques qui conduisent des populations
de Louga à émigrer (Anonyme, 2004).
Chapitre 3: EVOLUTION DU MOUVEMENT MIGRATOIRE
A/ L'EMIGRATION AU SENEGAL: l'émigration toucouleur
dans la vallée du fleuve Sénégal
A-1/ Les origines
Située dans la partie septentrionale du
Sénégal, la vallée du fleuve tient son originalité
de l'existence du fleuve. Elle englobe le département de Podor, la
région de Matam et le département de Bakel. Les origines de
l'émigration toucouleur de la vallée du fleuve
Sénégal sont semblables à ceux de l'émigration
lougatoise. Cependant cette première demeure plus ancienne et a pu
bénéficier d'un contexte politique plus favorable.
« Les prémisses des migrations actuelles doivent
être recherchées dans les bouleversements économiques qui
affecteront la région dans la moitié du XIXieme
siècle début XXiéme siécle »
(Minviélle J P, 1985). Par ailleurs, les sécheresses successives
depuis les années 1968 ont également rendu la situation
économique de la vallée du fleuve Sénégal assez
difficiles. L'espoir qu'avait suscité au milieu des années 1970
l'introduction de l'irrigation à grande échelle dans la
vallée s'est transformé, dans certains cas, en scepticisme. Les
difficultés des paysans pour faire face aux conditions
matérielles et financières requises afin de maximiser leurs
rendements en sont les principales raisons. De plus en plus l'économie
de la région connaît d'importants changements. La migration
internationale des populations de la vallée du fleuve
Sénégal prend de plus en plus d'envergure.
Les premiers motifs de déplacement des populations de
la vallée du fleuve Sénégal pourraient être
qualifiés d'anciennes. Traditionnellement, les migrations étaient
liées aux exigences du commerce transsaharien. Ensuite se sont
greffés les facteurs religieux, avec la vague d'islamisation, puis la
colonisation. Aujourd'hui les causes de l'émigration des ressortissants
de la vallée du fleuve Sénégal sont plutôt
économiques. De manière globale, la migration au niveau de la
vallée est présentée comme une
tentative de réponse face aux facteurs de répulsion
dans les zones de départ ou « push factors » et d'attraction
dans les zones d'arrivée ou « pull back factors » (Lee, 1996).
Dans la vallée les causes économiques se sont manifestées
par la dégradation des conditions climatiques. En effet la crise
écologique - sécheresse de 1968-73, 1980 - en entraînant un
dégradation notoire des ressources agricoles, a conduit les habitants de
la vallée du fleuve Sénégal à recourir, de
manière régulière, à la migration.
A-2/ Organisation
Actuellement cette migration s'organise selon des logiques
bien établies. Dans la vallée elle est l'expression de
stratégies familiales plutôt que le résultat d'initiatives
individuelles. La migration s'inscrivait, au départ, dans le cadre de la
colonisation. Elle a d'abord était africaine avant de s`orienter vers
l'Hexagone. Apres les indépendances, les migrations internationales
semblent avoir pris des orientations géographiques nouvelles. En ce qui
concerne les Soninkés les premiers déplacements se
caractérisèrent par un accroissement des flux en destination de
la France. Chez les Hal Pulaars, les premiers mouvements ont renforcé
l'exode rural vers les centres urbains du pays et de la sous régions
(Mauritanie). Les activités exercées dans les centres urbains
visaient à trouver du numéraire nécessaire pour
l'entretien de la famille restée dans la vallée et secondairement
à chercher des moyens pour financer l'émigration internationale
en Afrique puis vers la France.
Cette émigration est devenue aujourd'hui importante
numériquement, lointaine dans ces destinations, longue dans sa
durée et diversifiée dans sa forme. Les espaces migratoires
connaissent un élargissement. L'occident ne se limite plus exclusivement
à la France mais intègre également l'Espagne, l'Italie,
l'Allemagne, voire les Etats-Unis.
D'autre part les réseaux migratoires se diversifient.
De la préparation du candidat à son insertion dans le pays
d'accueil, une panoplie de mécanisme et d'étapes s'imbrique dans
un réseau hiérarchisé dans une logique soit familiale,
soit ethnique ou religieuse qui concourre à faciliter l'insertion du
migrant. C'est ce qu'affirme Cheikh Oumar BA dans sa thèse « les
réseaux (...) créent des conditions favorables à une vie
communautaire basée souvent sur l'entraide. Ils constituent un ensemble
de structures sociales qui
servent à l'accueil et à l'insertion
résidentielle et/ou socio-professionnelle des migrants ».
A-3/ Impacts
Les migrants originaires de la vallée sont
essentiellement des paysans. C'est pourquoi « les conséquences de
la migration se répercutent principalement sur l'organisation agricole
» (Bâ, op. cit.). En effet, la migration entraîne la
diminution de la main d'oeuvre agricole (agriculture, élevage), la
régression et la désorganisation des activités
productrices. D'autre part comme le souligne Lavigne-Deleville (1991) « la
diffusion des comportements acquis à la suite des contacts avec
l'extérieur, ou à la simple migration d'une frange importante de
la population sont de nature à modifier les rapports sociaux ».
Cependant l'argent que les émigrés envoient sert à acheter
les vivres de premières nécessités qui se substituent aux
productions traditionnelles. Il servira également à
améliorer l'habitat, à thésauriser, comme moyen de
promotion, à investir dans le commerce à acheter des
véhicules ou investir dans l'immobilier à Dakar. Enfin cet argent
permet aussi de financer la migration.
Cependant, comme évoqué plus haut, le contexte
économique lié à la dégradation des conditions
écologiques était la cause principale de
l'accélération du mouvement migratoire dans la vallée. Ces
mêmes difficultés vont se retrouver dans la zone du bassin
arachidier. les mêmes causes vont produire les même effets, et les
populations vont à leurs tours s'orienter vers cette nouvelle solution
de sortie de crise. C'est alors l'apparition dans le champ migratoire
sénégalais de groupes qui s'expatriaient peu en l'occurrence les
mourides. Cette confrérie va constituer dans le contexte lougatois les
pionniers de la migration internationale qui fait suite à la crise du
monde urbain.
Le bassin de recrutement des candidats à
l'émigration vers les pays occidentaux, longtemps limité à
la vallée du Fleuve Sénégal et mobilisant essentiellement
des flux organisés selon des bases ethniques et familiales, s'est
étendu au centre ouest du pays et à la plupart des grandes
villes. L'Enquête sur les Migrations et l'Urbanisation au
Sénégal (EMUS) de 1993 révèle que «
crédités de 20% des migrants internationaux vers l'Europe dans
les années 60, les wolofs représentent 60% des migrants vers le
nord
(Europe et Amériques) au milieu des années 80.
De même, la participation des mourides à la dynamique migratoire
n'est plus à démontrer. Dans les années 60, les mourides
représentaient seulement 10 à 12% des migrants vers le nord,
depuis les années 80, ils constituent environ 40% des migrants
internationaux ». Selon Ali Tandian « en 1992, les régions de
Louga et Diourbel alimentent largement les flux migratoires des
sénégalais vers l'Italie. Le Sénégal serait le
premier pays immigrant de l'Afrique Noire et occuperait la huitième
place des pays représentés en Italie. Les chiffres officieux
dépassent 40 000 sénégalais présents en Italie,
dont 65% de marchands ambulants et plus de 85% originaires des régions
de Louga et Diourbel, domaine traditionnel des Wolofs » (Tandian A in
Gonin P et Charef M, 2005).
Depuis l'instauration de politique de fermeture des
frontières, les flux se sont inversés vers de nouvelles
destinations : Italie, Espagne, Etats-Unis. De nouveaux entrepreneurs sociaux
se sont professionnalisés dans l'organisation de la migration
internationale. On passe d'une émigration de travail à une
émigration d'installation, avec tous les problèmes d'insertion
professionnelle et d'intégration dans les pays d'accueil.
B / CARACTERISTIQUES DE L'EMIGRATION LOUGATOISE
Le département de Louga fait partie d'une des plus
grandes zones de départ de l'émigration
sénégalaise. Cependant les données statistiques des
derniers recensements généraux de la population renseignent peu
sur l'ampleur du phénomène. Beaucoup d'estimations font
état de 10% de la population lougatoise répartie un peu partout
dans le monde (Europe occidentale, Etats-Unis et même l'Afrique). Ces
chiffres restent loin en dessous de la réalité puisque
l'émigration lougatoise est de plus en plus soumise à la
clandestinité.
De plus, l'organisation et la structure de l'émigration
lougatoise prennent l'allure de celles de la vallée du fleuve
Sénégal: en procédant plus d'une initiative familiale que
d'un défi individuel.
B-1/ Aspects démographiques
Les données de ce chapitre seront tirées des
résultats de nos enquêtes18 auprès des
populations des différentes zones d'études du département
de Louga.
B-1-a/ Age et sexe
Dans le département, ce sont en majorité les
hommes qui émigrent : 94,4% contre 5,6% de femmes dans l'effectif total
enquêté. Le poids des femmes reste encore faible encore quand il
s'agit de l'émigration internationale. Les facteurs explicatifs sont
liés à la tradition qui veut que les femmes gardent le foyer.
Tableau 8: Répartition par sexe de la population
émigrée
SEXE
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE
|
Masculin
|
153
|
94
|
Féminin
|
9
|
6
|
Total
|
162
|
100%
|
Source : données enquêtes personnelles,
2007
Dans le détail la part des femmes varie selon la
localité. En milieu rural, Niomré, Maka et Djélerlou, on
note une absence des femmes. C'est en milieu urbain que l'on voit
l'émigration féminine du département. En outre, lors de
nos enquêtes, les maisons étaient essentiellement peuplées
de femmes, d'enfants et de personnes âgées. Cet état de
fait peut être corrélé à la forte propension des
jeunes hommes à émigrer. Si globalement la migration des femmes
reste numériquement moins importante dans le département, on note
ces dernières années une nette augmentation dans leur nombre.
Khady, une dame qui habite Djang Bambodj donne son point de vue « vous
savez, devant la conjoncture, les mariages se raréfient. Il faut alors
chercher des issues de prise en charge personnelle ; l'émigration
constitue une voie assez fructueuse »19. C'est ce que montre le
tableau de la répartition par age de la population migrante.
Par ailleurs, l'analyse de la répartition par age des
émigrés montre que l'émigration affecte les tranches
d'ages les plus actives. Le pourcentage des moins de 41 ans
18 Voire page 17
19 Entretien du 24 juillet 2007
représente 66% du total, dont 23% pour la tranche 20 - 30
ans et 43% pour celle entre 30 - 40 ans.
Tableau 9: Répartition par age de la population
émigrée
AGE
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE
|
15 - 20
|
4
|
2
|
20 - 30
|
37
|
23
|
30 - 40
|
69
|
43
|
40 - 50
|
41
|
25
|
Plus de 50
|
11
|
7
|
TOTAL
|
162
|
100%
|
Source : données enquêtes personnelles,
2007
Les émigrés de plus de 50 ans constituent la
première génération des migrants partis vers la fin des
années 70. Ils sont les pionniers de l'émigration lougatoise.
Leur nombre s'est considérablement réduit du fait que beaucoup
d'entre eux ne partent plus ou se sont reconvertis dans une activité
commerciale. Cette même situation se retrouve pour les moins de 20 ans
qui sont trop jeunes pour tenter l'aventure. Cette migration à la
recherche d'emploi est l'expression du manque de confiance et de la vision
pessimiste que la jeunesse lougatoise a de la situation et des perspectives
d'avenir sans horizon du pays qui les pousse vers « l'eldorado
européen ». la plupart de ces émigrés sont
mariés, avec une famille restée le plus souvent sur place.
B-1-b/ Situation matrimoniale, appartenance ethnique et
religieuse
La situation matrimoniale de l'émigré tient un
grand rôle dans la fréquence des envois. En effet 59% des
émigrés sont mariés, ce qui constitue une obligation
d`envoyer régulièrement de l'argent pour l'entretien de la
famille. Ces émigrés ont fait une durée assez important en
émigration - plus de 5 ans - pour suffisamment amasser de l'argent.
Tableau 10: Situation matrimoniale des
émigrés
SITUATION MATRIMONIALE
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE
|
Marié
|
96
|
59,25
|
Célibataire
|
63
|
38,83
|
Divorcé
|
3
|
1,85
|
Veuf
|
-
|
0
|
TOTAL
|
162
|
100%
|
Source : données enquêtes personnelles,
2007
Les « nouveaux » émigrés sont quant
à eux majoritairement des célibataires. Ils n'ont pas encore fait
suffisamment de temps en migration pour pouvoir construire une maison et fonder
une famille. En effet, dans les sociétés lougatoises,
l'émigré doit d'abord avoir un toit avant de fonder une famille.
Cependant, le pourcentage de célibataire cache encore - dans une
certaine mesure- la réalité en milieu rural. Les traditions
rurales veulent que les hommes se marient très jeunes surtout s'ils ont
de l'argent. Enfin les facteurs religieux et ethniques sont également
des éléments déterminants dans la caractérisation
de l'émigration lougatoise.
Tableau 11: Répartition des
émigrés selon l'appartenance religieuse
RELIGION
|
CONFRERIE
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE
|
Musulmans
|
Tidjane
|
62
|
38
|
Mouride
|
84
|
52
|
Autres
|
14
|
9
|
Chrétiens
|
|
2
|
1
|
Total
|
|
162
|
100%
|
Source : données enquêtes personnelles,
2007
La part très faible des chrétiens (1,23%)
s'explique par le contexte local où la population chrétienne
lougatoise représente moins de 2%. Ce sont les Mourides qui ont ouvert
les voies de l'émigration lougatoise. Aujourd'hui leur part reste encore
dominante ; 51,85% contre 38,27% chez les Tidjanes qui n'ont commencé
à émigrer que vers les années 80.
La forte présence des Mourides explique les forts liens
de solidarité qui se sont tissés un peu partout en Europe et au
Etats-Unis entre les émigrés qui sont regroupées en «
dahira20 » ou associations de « talibé21
» de tel ou tel marabout. Ces organisations ont facilité la
formation de réseaux migratoires qui, en plus de l'appartenance
confrérique, se fondent parfois sur l'appartenance ethnique.
20 Regroupement ou association de personnes
(talibés) issues d'une même confrérie musulmane, sous
l'égide d'un guide spirituel
21 Disciple
La prédominance chez les émigrés de
l'ethnie Wolof (61%) s'explique par la forte prédominance des wolofs au
sein de la population lougatoise (tableau 12). Ensuite viennent les Hal Pulaar
30% et de loin derrière, les Serérers avec 5%.
Tableau 12: Appartenance ethnique des
émigrés
ETHNIE
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE
|
Wolof
|
98
|
61
|
Hal Pulaar
|
49
|
30
|
Serére
|
5
|
3
|
Autres
|
10
|
6
|
TOTAL
|
162
|
100%
|
Source : données enquêtes personnelles,
2007
Les informations collectées révèlent, au
sein des ethnies, que les différentes castes représentées
ont des destinations préférentielles, selon que le groupe est
plus ou moins bien représenté dans le pays d'accueil. Les «
Guéwéls22 » et les «
Laobé23 » s'orientent plus vers l'Espagne alors que les
autres castes se partagent les autres destinations comme l'Italie, la France,
les Etats-Unis...
B-2/ Destination et organisation de l'émigration
internationale lougatoise
22 Griots
23 Boucherons, boisseliers
Carte 2: Destinations des émigrés à
partir des principaux foyers de départ dans le département de
Louga
B-2-a/ Destination des émigrés
lougatois
Le « Ndiamour-Ndiambour » ou habitant de la
région de Louga a une tradition de mobilité. La Guinée, la
Coté d'Ivoire et le Gabon ont été les premières
destinations ; ensuite vers la fin des années 70 ils ont investi
l'Europe et plus particulièrement la France. Cette période
correspondait à la politique française d'ouverture à
l'immigration internationale de travail. Ce n'est que plus tard, quand la
législation française a commencé à se durcir, que
les pays de l'Europe du sud comme l'Espagne et l'Italie ont commencé
à accueillir les émigrés lougatois.
Certaines études empiriques montrent que les migrants
ne sont généralement pas issus des couches les plus pauvres de la
population. La raison est simple : la migration, surtout lorsqu'elle se fait
à destination de l'étranger, engendre des coûts (frais de
transport, coûts d'obtention des documents nécessaires à la
migration,...) que ne peuvent supporter les ménages les plus
défavorisés. Cette contrainte est d'autant plus forte, que les
pauvres n'ont souvent ni la possibilité de fournir des garanties
suffisantes pour pouvoir emprunter, et une épargne propre pour financer
le départ en émigration.
Malgré toutes ces difficultés, le nombre
d'émigrés ne cesse d'augmenter. Cet élan, presque
généralisé au départ, qui touche à la fois
les hommes et les femmes, s'organise dans une dynamique bien structurée
qui permet au candidat, futur émigré, de réussir son
voyage.
L'Europe reste la destination favorite des
émigrés lougatois. En effet 96% des flux migratoires est
orienté vers le vieux continent. L'Afrique et les Etats-Unis
représentent des pourcentages très faibles respectivement, 2,49%
et 1,23%.
Figure 1 : Diagramme pays de destinations des
émigrés lougatois
destination des émigrés
lougatois
6,79
11,11 2,491,23
30,24
48,14
France
Italie
Espagne
Autres pays européens Pays africains
Etats unis
Source : données enquêtes personnelles,
2007
Dans les détails l'Italie domine : 48,14% des
émigrés originaires du département y sont
installés. L'Espagne suit avec 30%, soit un peu moins de 10 000
émigrés. La France constitue un grand paradoxe, puisque au
départ du Sénégal, la quasi totalité des candidats
ont comme destination ce pays. Cependant, en raison du durcissement de la
réglementation française en matière d'immigration et des
difficultés liées à l'obtention d'un travail, les
émigrés en ont fait une plaque tournante. Ils ne restent que
quelques jours avant des traverser la frontière pour l'Italie ou
l'Espagne. Après 1994, la France semble être pour les migrants
sénégalais une porte d'entrée vers l'Italie grâce
à l'intermédiation des "passeurs" entre Nice et San Remo autour
du poste frontalier de Vintimille. La plupart des migrants
Sénégalais bénéficiaires des régularisations
de la loi Dini24, déclarent être entrés en
Italie en passant par la France après avoir obtenu un visa de
très court séjour (Fall, A. S., 2003 ).
Le rythme élevé des départs, est ainsi
facilité par des réseaux officieux. Cette amplification des
départs est soutenue par des réseaux complexes à la
quête d'un élargissement de l'espace migratoire lougatois par
l'exploration sans cesse de nouvelles
24 Loi du 21 février 1998 portant
réglementation de l'immigration. L'article 19 affirme explicitement :
« L'entrée sur le territoire de l'État pour des motifs
de travail dépendant, même saisonnier, et de travail autonome,
s'effectue dans le cadre des quotas d'entrée fixes » chaque
année par des décrets signés par le président du
Conseil « sur la base des critères et autres indications
» (art. 3, alinéa 4).
destinations. Les investissements rapides et colossaux de ceux
qui sont partis il n'y a pas longtemps sont des facteurs attractifs pour les
candidats potentiels.
B-2-b/ Organisation de l'émigration internationale
lougatoise
La migration internationale s'organise selon des
référents nouveaux où la question de l'identité est
fondamentale (Fall A. S, op. cit.). Cette migration relativement récente
est dirigée principalement vers l'Europe du Sud. A ses débuts,
elle était plutôt organisée selon des logiques familiales.
Mais de plus en plus aujourd'hui elle est organisée selon une
identité émergente qui est la confrérie religieuse. Les
réseaux confrériques, contrairement aux réseaux familiaux,
sont plus ouverts, dynamiques, modulables.
L'organisation de l'émigration lougatoise en
réseau trouve son origine dans l'organisation de la
société sénégalaise. La vie communautaire
traditionnelle et les pratiques anciennes de l'islam dans la région ont
constitué les deux principaux motifs qui ont favorisé la
constitution de « réseaux de solidarité »
c'est-à-dire des « regroupement des personnes qui partageant des
objectifs communs, crée les conditions favorables à une vie
communautaire basée sur l'entraide mutuelle » (Bâ, op. cit.
). Ces réseaux sont pour les émigrés des structures
sociales qui servent à l'accueil et à l'insertion
résidentielle et/ou socio-professionnelle du migrant.
Au niveau du département de Louga, les réseaux
sont moins représentés contrairement en Europe où ils sont
biens structurés. En effet, les us et coutumes locaux veulent que celui
qui aspire à la migration doit garder son projet secret. C'est dans
l'ombre que se prépare le départ du candidat. Il existe des
personnes - des passeurs - qui facilitent le voyage des candidats. Ce service
rendu s'échange contre trois à quatre millions de FCFA. Ce qui
signifie que la migration n'est pas à la portée de toutes les
bourses.
Dans les familles lougatoises, seul le départ du
premier migrant est financé par la famille. Ce dernier, une fois bien
installé, s'occupe de la venue des autres membres (frères,
cousins...) En migration, les derniers venus sont accueillis par leurs
aînés de la même famille. Ainsi les charges
financières qui lui étaient assignées vont se
réduire considérablement avec les envois des frères ou
cousins émigrés. De ce fait, il aura la latitude de construire
une maison, de fonder une famille et si possible, d'investir.
Cependant, il semble important de nuancer de telles
généralités. En effet outre les fortes
inégalités sociales, il existe des familles au sein d'un
même village, d'un même quartier qui n'ont jamais pu vivre en
communauté. Ces derniers dans le cadre de la migration font appel aux
réseaux confrériques. Un autre bémol réside dans le
fait que, comme l'explique Barry (1971), « les guerres entre les
différentes tendances qui minent souvent l'entente villageoise - voire
du quartier- constituent une autre raison militant contre l'existence d'une
« solidarité mécanique » entre tous les lougatois, et
qui serait transposable en situation migratoire ». Néanmoins la
solidarité islamique reste d'actualité et de rigueur.
La religion, ou plus exactement, la confrérie est une
identité fortement présente dans les modes de sociabilité
parmi les migrants de la nouvelle génération, contrairement aux
migrants de l'ancienne génération qui mettaient en avant des
valeurs relatives à la famille, à l'honneur et à l'ethnie.
Daum C. (1994) remarque que les associations religieuses mourides constituent
des cadres d'impulsion des investissements collectifs suppléants dans ce
domaine les carences de l'Etat ». La constitution de réseaux n'est
pas l'apanage des seuls mourides. Les autres confréries participent
à cette logique et poursuive les mêmes objectifs pour faciliter
l'intégration de leurs compatriotes.
C/ EMIGRATION ET EVOLUTION DEMONGRAPHIQUE DANS LES ZONES DE
DEPART
Les incidences de la migration lougatoise sur
l'évolution démographique se lisent dans la structure par
sexé de la population lougatoise. En effet la comparaison des
données entre les effectifs et la répartition par sexe de la
population en 1976 et 1988 montre une évolution plus rapide chez les
femmes que chez les hommes.
Tableau 13: Effectif et répartition par sexe de
la population en 1976 et 1988 à Louga
|
Population départementale
|
Population régionale
|
Hommes
|
Femmes
|
TOTAL
|
Hommes
|
Femmes
|
TOTAL
|
1976
|
82 774
|
87 698
|
170 472
|
206 607
|
212 992
|
419 599
|
1988
|
94 965
|
105 397
|
200 362
|
245 273
|
262 299
|
507 572
|
2002
|
135949
|
146101
|
282051
|
330279
|
347471
|
677750
|
Sources : RGPH1, 2 et 3
Les caractéristiques de l'émigration lougatoise
essentiellement masculine se reflètent sur la répartition de la
population résidente. Depuis les débuts de cette
émigration, les différents recensements ont montré une
prédominance de femmes sur les hommes : 87 698 femmes contre 82 774
hommes en 1976 et 105 397 contre 94 965 en 1988. Dans les différents
classes d'ages observées dans les pyramides de 1988 et 2002, il y'a
moins d'effectifs entre 30 et 50 ans, comparé à la pyramide des
ages au niveau national.
Figure 2: Pyramide des ages du département de
Louga en 2002
Hommes Femmes
Sources : DPS Louga, 2007
Ainsi dans les classes d'ages représentant l'age de
travailler, ou plutôt de la migration, les femmes sont dominantes. Si
à la naissance le rapport de masculinité semble être
équilibré, il commence à pencher en faveur de femmes
dés l'age de 20 ans. Cette situation a été
confirmée dans nos enquêtes puisque la plupart des personnes
enquêtées étaient de sexe féminin à cause de
l'absence des hommes. L'équilibre n'est retrouvé que vers 60 ans,
alors que beaucoup sont rentrés de migration.
Somme toute, la structure de la population lougatoise reste
fortement marquée par la présence de l'émigration. Dans
ces débuts, cette émigration, qui était
résolument orientée vers l'hexagone, a fini par s'ouvrir
à de nouvelles destinations particulièrement
en Europe du sud. D'autres part, elle a gagné en
importance d'abord sur le plan numérique mais, aussi et surtout,
à travers les transferts de fonds qui les accompagnent. Les
transformations qu'elle engendre sur le milieu lougatois requièrent une
autre approche de l'impact de ces revenus.
DEUXIEME PARTIE
L'argent des émigrés
|
Les revenus migratoires constituent une manne
financière très importante pour le département de Louga.
Grâce aux structures de transfert d'argent, les émigrés
assurent l'entretien de leur famille contribue au développement de
l'économie local. Les deux chapitres qui suivent traiteront
respectivement des revenus migratoires (circuits de transferts,
modalités, montants...) et des domaines d'investissement des
émigrés.
Chapitre 1: LES REVENUS MIGRATOIRES A LOUGA
Les transferts migratoires constituent un enjeu de taille pour
les pays en développement. Les montants des fonds sont aujourd'hui deux
fois plus élevés que le volume total de l'aide au
développement et représentent l'une des principales sources de
devises dans certains pays (OCDE, op. cit.). En 2005, les envois de fonds vers
les pays en développement ont atteins 100 milliards de Dollars. Si les
transferts qui s'effectuent par les canaux informels étaient pris en
compte, ce chiffre serait nettement plus élevé. Nous analysons
ici uniquement la part officielle des transferts mesures dans la balance des
paiements, étant donné les difficultés dans la mesure de
leur composante informelle. Le Sénégal reçoit entre 80
à 100 milliards de FCFA en moyenne par an depuis 2001. Au niveau de
Louga, les estimations tournent autour de 20 milliards par an, sans tenir
compte des envois informels25.
Evaluer le volume réel des transferts monétaires
des migrants reste une tâche très difficile. Une grande partie de
ceux-ci ne se font pas par les canaux officiels et échappent ainsi aux
statistiques. Aux transferts monétaires, s'ajoutent des transferts en
nature, consistant principalement en biens de consommation, qui ne sont
généralement pas comptabilisés. Autre problème pour
estimer l'importance des transferts opérés par les migrants vers
leurs pays d'origine, les définitions différentes qui sont
adoptées pour les transferts monétaires migratoires et le manque
d'harmonisation des nomenclatures des balances de paiements utilisées
par les différents pays (Garson et Tapinos (1981) (Blion, 2001).
Les données qui vont être traités ont
été recueillies au niveau du bureau Western Union de la Poste
centrale de Louga et du bureau Money Gram logé à la CNCAS de
Louga. Cependant on note une grande frilosité dans la publication des
informations concernant les transferts de la part de ces institutions.
Néanmoins les résultats recueillis permettent d'avoir un
aperçu sur l'importance des remises transférées et leurs
principales utilisations.
25 Estimations du bureau Money Gram, Louga
A/ INSTITUTIONS ET MODES DE TRANSFERTS
Les transferts financiers sont devnus plus significatifs avec
la dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994. Avec la
diversification des modes de transfert, on assiste à l'amorce d'un
processus de formalisation. Les banques s'adaptent pour capter les transferts
des émigrés par une intermédiation financière avec
les institutions financières américaines comme Money Gram et
Western Union. Le système bancaire jadis rigide, s'adapte aux besoins
des transferts des émigrés en terme de simplicité et de
rapidité. Certaines banques au Sénégal comme la SGBS, la
BICIS ont initié des comptes extérieurs pour la mobilisation de
l'épargne des émigrés.
A-1/ Structures de transferts
Au niveau du département de Louga, les principales
structures officielles de transfert d'argent présentes au
Sénégal sont représentées. En fonction de la
provenance où de la destination des envois, telle ou telle structure est
utilisée. L'ancienneté de l'implantation au niveau local est
également un critère déterminant.
Tableau 14: Structures officielles de transferts
d'argent
|
Money gram
|
Western Union
|
Money Express
|
Mutuelle
|
Nombre de points
|
3
|
9
|
2
|
1
|
Localisation
|
Louga ville
|
Louga ville
|
Louga ville
|
Niomré
|
Source : enquêtes personnelles.
On a dans le détaille:
- 9 point Western Union implantés au
niveau de la Poste, de la CBAO, de la SGBS, de la BICIS et du CMS.
Western Union (WU) est un opérateur
nord-américain créé en 1871 qui a évolué
dans le transfert monétaire à travers un système
télématique basé sur un serveur central. Au
Sénégal, Western Union a démarré en 1995 avec la
Compagnie Bancaire de l'Afrique de l'Ouest. La CBAO, à son tour, a
contracté avec la Poste comme sous agent de WU
en 1997. WU dans sa politique d'extension collabore
également avec d'autres banques de la place, notamment la SGBS, la BICIS
et Ecobank. Aujourd'hui, le réseau de Western Union s'est
concentré dans les zones de forte émigration. WU et
contrôle 90% du marché de transferts formels extérieurs au
Sénégal.
Le premier point Western Union implanté à Louga
est celui de la Poste Centrale en 1997. Avec l'augmentation importante des
émigrés et des besoins de services qui se manifestent, cette
structure va ouvrir un deuxième point au niveau de la deuxième
Poste de la commune en 1999. Mais depuis 2000, les points Western Union sont de
plus en plus logés au niveau des succursales de banques à travers
des accords de partenariat. Western Union SGBS est ouvert en 2001 et sera suivi
par les points au niveau de la BICIS et de la CBAO. Entre mai 2007 et juillet
2007, quatre nouveaux bureaux de Western Union ont été ouverts
dans la commune. Ce qui témoigne du dynamisme de ce secteur.
- 3 points Money Gram qui sont logés au
niveau de la CNCAS, de la BST et du PAMECAS.
Money Gram est un système de transfert rapide d'argent
crée en 1988 basé à Denver (Etats Unis), avec un bureau
à Londres qui gère les transferts. Au Sénégal, la
Banque Sénégalo Tunisienne (BST) est l'agent principal de Money
Gram. Une convention existe avec la Caisse Nationale de Crédit Agricole
du Sénégal (CNCAS), mais celle-ci est sous un agent de la BST et
n'effectue que la réception des transferts. Les envois de fonds via le
système Money Gram proviennent essentiellement des pays suivants :
l'Italie (le plus gros marché), l'Espagne, le Portugal, les Pays-Bas,
les Etats Unis. Le système de transfert de Money Gram est similaire en
apparence à celui de WU. Malgré cela, sa part de marché
reste de loin inférieure à celle de WU qui dispose quand
même d'un réseau beaucoup plus étendu (9 points WU de
service contre 3 seulement pour MG).
Le premier point Money Gram est celui de la CNCAS ouvert en
2002. Pour les deux autres points leurs dates d'implantation sont
respectivement 2004 et 2005 au niveau de la BST et du PAMECAS.
-2 point Money Express qui sont logés
au Crédit Populaire du Sénégal et à la BHS. Le
produit Money Express a été créé, non pas par une
banque, mais par une société informatique
sénégalaise : Chaka Computer. Le produit Money Express, dans
ses débuts n'était utilisable que pour les
envois à partir des Etats Unis, mais depuis quelques temps, des
transferts proviennent de l'Italie et de l'Espagne où il existe une
forte communauté d'émigrés sénégalais. Le
transfert se fait en temps réel et Money Express offre une gamme
complète de services de transfert : cash à cash, compte à
cash (suite à une demande pressante de la clientèle), compte
à compte, cash à compte. Pour prendre possession du montant
transféré, le bénéficiaire est tenu de montrer une
pièce d'identification mais une certaine souplesse existe pour des cas
de bénéficiaires ne disposant pas de cette pièce. Cette
flexibilité n'existe pas au niveau des autres opérateurs tels que
Western Union, Money Gram qui sont très stricts sur l'identification
correcte des bénéficiaires pour éviter de devoir supporter
des pertes en cas de paiements indus. Le produit Money Express est
réputé moins cher sur le plan national et international que celui
de WU (quelque fois 25 à 30 % moins cher). Malheureusement nous ne
disposons pas des statistiques sur les montants des transactions via cette
compagnie.
Photo 1: Concentration des points de transferts en
centre ville
Money Gram de la BST
Western Union de la BICIS
Photo : Papa Issa Ndiaye, octobre 2007
En ce qui concerne la commune de Louga, il est frappant de
constater que à l'exception de point Western Union de la Grande Poste,
tous les autres points des transferts sont localisés au centre-ville
(voir carte 3).
Cette distribution spatiale est du au fait que ces structures
de transferts sont logés dans des services qui leurs sont
antérieurs. Cela n'empêche que le volume des transferts demeure
important dans tous ces points.
Carte réalisée par Papa Issa Ndiaye avec
l'appui du CSE Dakar
Carte 3 : Localisation des structures de transfert
d'argent dans la commune de Louga
A-2/ Modes de transferts
Quatre types de transferts regroupés en deux modes sont
utilisés, parfois conjointement, par les migrants pour rapatrier une
partie de leur argent :
*Les modes officiels sont le mandat postal et le virement
bancaire;
*Les modes informels sont le transport en espèces par
le migrant lui-même et/ou par une tierce personne, également
appelés transferts « à la valise » ou « circuit
mallette ».
Les diverses enquêtes suggèrent que le
convoiement en espèces est le mode le plus souvent utilisé. Le
réseau bancaire est peu utilisé car la situation de
clandestinité du travailleur migrant dissuade d'ouvrir un compte
bancaire. Le mandat postal, rarement payé dans les délais, a
perdu de sa crédibilité. Par contre, une utilisation de plus en
plus grande est faite des services internationaux de transfert d'argent tels
que Western Union ou Money Gram qui disposent d'un système plus fiable
et de procédures plus rapides.
A coté des structures officielles, se sont
développés des réseaux informels de transferts d'argent.
Ces réseaux, dirigés par d'anciens émigrés
reconvertis dans le commerce, facilitent les envois de revenus à des
coûts plus faibles que ceux des structures officielles. De nouveaux modes
de transferts informels ont depuis quelque temps fait leur apparition. Le
«dépôt téléphonique » est une des
méthodes les plus utilisées. Quelqu'un souhaitant opérer
un transfert se rend chez un commerçant, une société ou un
particulier et dépose le montant qu'il veut transférer. Un
numéro lui est donné qu'il communique au
bénéficiaire et en échange duquel l'argent sera
décaissé par un correspondant local. Ce circuit permet aux
entreprises de part et d'autre de faire des affaires plus rapidement et plus
efficacement qu'en passant par des circuits officiels qui sont
considérés trop chers.
Figure 3:Circuits de transferts le plus utilisés
par les émigrés du département de Louga
moyens de transferts
12%
2%
47%
17%
3%
19%
Poste
Structure de transferts Banques
Passeurs
Amis
Lui-même
Source : données enquêtes personnelles,
2007
Les structures de transferts jouent un rôle très
important dans les envois monétaires. Dans l'enquête
réalisée, 47% des familles utilisent ce moyen qu'ils considerent
plus rapide et plus fiable. Les mandats internationaux via la Poste sont
progressivement délaissés en raison de la lenteur des
paiements.
Les transferts informels (passeurs, amis, lui-même...)
représentent prés de 50% des envois des émigrés.
Ces circuits échappent à toute possibilité de
contrôle. Selon certains enquêtés, les sommes
envoyées à travers ce circuit sont beaucoup plus importants que
les envois par voie « formels ». (Haj Ali Oulta in Gonin P et Charef
M, 2005) qui a étudié les transferts migratoires au Maghreb pense
que l'importance des transferts effectués par les canaux informels
confirmerait l'hypothèse d'une propension à l'émigration
clandestine.
B/ MONTANTS DES TRANSFERTS
L'essentiel des revenus collectés par le migrant est
transféré dans le pays d'origine. Le montant moyen annuel
transféré par personne vers le pays d'origine est de 5 à
10 millions de FCFA chez les émigrés lougatois26.
Les 3/4 de ces sommes sont destinées
aux familles, le reste va à des activités
économiques ou à des investissements dans l'immobilier en
général. La manne financière des émigrés
représente dans certains villages de la région de Louga 90% des
revenus des ménages. Les fonds des émigrés constituent
dans beaucoup de zones le principal apport financier de beaucoup de familles.
L'argent des émigrés a le mérite, grâce aux
structures de transferts, d'arriver à bon port, ce qui n'est pas le cas
souvent de l'aide publique au développement.
Le tableau suivant indique les montants moyens des transferts
des émigrés lougatois. Ces montants dépassent souvent le
salaire moyen d'un sénégalais. Cependant, ces moyennes cachent
certaines réalités car il peut arriver que ces envois atteignent
des montants faramineux lorsqu'il s'agit de fêtes ou
d'événements religieux, ou plus simplement, pour la construction
d'une maison.
Tableau 15: Montant moyen des transferts
réguliers
Montants en
milliers
|
50 - 100
|
100 - 200
|
200 - 300
|
Plus de 300
|
Pourcentage
|
2
|
60
|
33
|
5
|
Source : enquêtes personnelles
B-1/ Montants des transferts selon l'institution
B- 1-1/ Western Union
Cette structure est la plus utilisée au niveau du
département de Louga. Elle est entrée dans le quotidien des
lougatois et s'est insérée dans le langage wolof. Il est
fréquent d'entendre dire « western ma » qui signifie
littéralement « fait moi western union » autrement
dit, « envoie moi de l'argent par Western Union ».
Cette structure est implantée à Louga depuis
1997, en premier d'abod de la Poste centrale. Les envois proviennent
essentiellement de la France, de l'Espagne, de l'Italie
26 Estimations faites à partir de nos
enquêtes. Cependant ces chiffres restent des fois bien en dessous de la
réalité. Certaines études empiriques montres que les
émigrés peuvent transférés des dizaines de
millions
et des Etats-Unis. Selon M N, agent à la poste centrale
de Louga, c'est à l'occasion des fêtes musulmanes qu'ils
reçoivent les plus gros transferts. A titre illustratif, dans la
matinée du 05 mars 2007, 26 568 437 FCFA ont été
transférés27. La raison en était la
célébration du « Grand Magal de Touba ».
Les montants transférés à travers cette
structure sont variables d'une année à une autre comme le montre
le tableau 16.
Tableau 16 : Montants transférés au
niveau de Western union de la Poste centrale
Année
|
Montant million de franc CFA
|
1997
|
|
16,46*
|
1998
|
1
|
496,09
|
1999
|
2
|
538,92
|
2000
|
3
|
419,69
|
2001
|
2
|
368,21
|
2002
|
1
|
509,96
|
2003
|
1
|
777,77
|
2004
|
1
|
921,19
|
2005
|
1
|
253,13*
|
2006
|
2
|
611,46
|
2007 jusqu'au 03 mars
|
901
|
110 251*
|
*Données incomplets Source : Poste centrale de
Louga
Les données de 2005 restent incomplètes et ne
concernent qu'une partie de l'année. La diminution des montants
constatée depuis 2001 résulterait de l'ouverture des autres
points Western Union qui captent une part non négligeable des
transferts. Dans les autres agences Western Union, les montants
transférés, bien qu'on ne dispose pas des chiffres exacts,
représenteraient au total, selon le directeur de la CBAO Louga, entre 3
à
4 milliards par an.
27 Poste centrale de Louga
B-1-2/ Money Gram
Les agences Money Gram sont implantées à Louga
depuis 2002. C'est au niveau de la CNCAS que Money Gram s'est implanté
en premier, la moyenne des transferts annuels est de 3,6 milliards par an. Si
dans les premières années, 75 a 80% des envois provenant de
l'Italie, depuis 2005, il y a un glissement vers l'Espagne28.
Actuellement, même si les sommes en provenance d'Italie dominent toujours
(46%), l'Espagne gagne de l'importance et représente 42% des envois.
Cette situation s'explique par un glissement de l'effectif des
émigrés vers l'Espagne où les conditions d'entrée
sont moins ardues et les contrôles de papiers moins rigoureux.
Tableau 17 : Montants transférés au
niveau de Money Gram, CNCAS
Année
|
Nombre d'opérations
|
Montants en millions de FCFA
|
2002
|
12
|
500
|
3
|
055
|
2003
|
18
|
400
|
3
|
925
|
2004
|
18
|
800
|
3
|
756
|
2005
|
19
|
871
|
3
|
692
|
2006
|
18
|
700
|
3
|
575
|
Source: Money Gram, CNCAS Louga
A l'analyse de ces données, il reste incontestable que
les revenus migratoires transférés atteignent des montants
très importants et on note une constance dans les montants annuels des
envois, même si le nombre d'opérations fluctue.
Figure 5: Histogramme Evolution des transferts au Money
Gram (CNCAS) de 2002 à 2006
28Entretien avec le directeur de la CNCAS
En dehors du milieu urbain, nous trouvons dans la
communauté rurale de Niomré une Mutuelle de
Crédit29, qui sert également de structure de transfert
d'argent. Les populations de Niomré et des villages environnants peuvent
y recevoir directement les mandats de leurs parents émigrés.
C/ FREQUENCE DES TRANSFERTS ET UTILISATION DES REVENUS
Le débat sur la fréquence des envois des
émigrés lougatois demeure encore entier. Les institutions
financières de transfert d'argent ne parviennent pas à cerner
cette question en raison des nombreux canaux de transfert utilisés.
Cependant, l'enquête menée au niveau des ménages dans
certaines localités du département, permettent d'avoir un
aperçu sur l'étendue du phénomène. La
fréquence des envois n'est pas uniforme que se soit entre le milieu
rural et le milieu urbain ou selon la situation matrimoniale de
l'émigré lui-même. Dans une étude
réalisée par l'institut PANOS et qui a été
réactualisée par Tall (1994) au niveau de Louga, il ressort que
dans certains villages à fort taux d'émigrés, plus de 90%
des revenus des ménages proviennent des envois monétaires des
émigrés.
Figure 6: Diagramme de fréquence des
envois
FREQUENCE DES ENVOIS
4%
7%
66%
23%
2fois/ mois 1fois/ mois 1fois/ 2mois 1fois/ +3mois
Source : enquêtes personnelles, 2007
29 Nous ne disposons pas des montants des transferts
dans cette structure.
Les réponses collectées révèlent
que les envois sont plus réguliers chez les émigrés
mariés. Ces envois sont plutôt mensuels contrairement aux
célibataires, qui avec moins de charges sociales, qui peuvent rester de
fois jusqu'à trois mois. Les envois sont également soumis aux
possibilités de l'émigré. Cependant il peut arriver qu'il
effectue plus de deux envois dans le mois.
Pour les émigrés mariés les envois sont
mensuels et atteignent généralement 150 000 à 200 000
FCFA. Ils servent à assurer l'entretien de la progéniture.
Chez les célibataires, leurs charges sociales sont
moins étendues. Leurs envois sont beaucoup plus soumis à des
variations temporelles. Ils sont très irréguliers mais cependant
se distinguent dans les montants envoyés. Ils dépassent
généralement 200 000FCFA à chaque fois.
En dehors de ces envois plus ou moins réguliers qui
sont destinés à l'entretien de la famille, on distingue les
envois ponctuels qui servent à régler des besoins précis.
C'est le cas par exemple lors de cérémonies et fêtes comme
les baptêmes, mariages, tabaski, Magal de Touba etc. Ils peuvent
atteindre entre 500 000 à 1 000 000 FCFA. Les statistiques du bureau
Western Union de la Poste centrale montrent que la moyenne des transferts
tourne autour de 15 000 000 FCFA par jour durant les fins de mois, contre 30
000 000 FCFA lors des veilles de fêtes.
Chapitre 2: LES PRINCIPAUX SECTEURS D'INVESTISSEMENT
DES EMIGRES
Dans ce chapitre il ne nous est pas possible de fournir des
statistiques sur les investissements des émigrés. Le
caractère informel de se secteur a rendu infructueuse nos tentatives
dans ce domaine. L'objectif sera de déceler les mécanismes et les
motivations qui poussent les émigrés à investir dans tel
ou tel secteur.
Les rapatriements de fonds effectués par les
émigrés et les effets multiplicateurs sur les revenus constituent
une ressource essentielle pour les foyers qui les reçoivent. Les
suppléments de ressources mises à leur disposition font des
émigrés des agents de développement local et international
(Fall A. S. op. cit.) Agissant en liaison avec des associations fondées
sur la communauté d'origine, les émigrés lougatois
participent à des activités économiques qui aident
à intégrer leur localité dans l'économie nationale
voire mondiale.
Plusieurs études ont montré que de nombreux
migrants originaires de l'Afrique de l'Ouest contribuent à la mise en
place d'infrastructures économiques, sociales, religieuses et
culturelles dans leur pays d'origine (OCDE, op. cit. ). Ces initiatives, sont
prises par le biais d'associations, de familles ou individuellement. Les
émigrés ont investi dans l'amélioration et la
diversification du patrimoine immobilier, dans le secteur tertiaire, et dans
une moindre mesure dans l'agriculture au niveau local.
A- DOMAINE D'INVESTISSEMENT DES EMIGRES LOUGATOIS
Le principal souci de l'émigré lougatois est de
fournir une source de revenus à sa famille restée au pays. En
plaçant son voyage sous le signe de l'épargne,
l'émigré doit cependant satisfaire à des obligations
liées, entre autre, à l'entretien de sa famille. Certaines
études30 révèlent que plus de 80% des envois
des émigrés sont destinés à la consommation
(dépenses quotidienne, factures, cérémonies...).
Malgré cela l'émigré cherche également à
assurer une stabilité et un bien être des siens en
réalisant des investissements. Ces investissements, bien que difficiles
à cerner, sont principalement
30 Voire Tall S M, Ndiaye M
orientés vers l'immobilier et le secteur tertiaire des
services. La prolifération des activités commerciales dans le
département de Louga témoigne du dynamisme de ces
investissements. L'agriculture quant à elle, ne bénéficie
que très peu de ces ressources financière. A travers nos
enquêtes on sent nettement la volonté d'investir de certains
émigrés. Cependant, de nombreuses contraintes se dressent devant
eux pour l'accomplissement de leurs projets. En illustration, l'Association des
émigrés de Niomré détiendrait plus de 800 000 000
FCFA de capital31. Mais le faible niveau d'instruction et le manque
de confiance32 empêchent la valorisation de cet argent.
Tableau 18: Domaines d'investissements des
émigrés
SECTEUR
|
DOMAINE
|
POURCENTAGE
|
POURCENTAGE CUMULE
|
IMMOBILIER
|
Achat de terrain
|
38,13
|
66,52
|
Construction
|
28,39
|
TERTIAIRE
|
Import export
|
5,55
|
24,69
|
Boutique magasin
|
6,79
|
Cyber, télécentre
Salon de coiffure
|
3,70
|
Matériaux de
construction
|
8,65
|
AGRICULTURE
|
Maraîchage
|
3,70
|
5,55
|
Elevage
|
1,85
|
AUTRES
|
|
3,23
|
3,23
|
|
100%
|
100%
|
Source : enquêtes personnelles, 2007
Le tableau 18 montre qu'une bonne partie des investissements
des émigrés lougatois est dirigée vers l'immobilier. La
sécurité de l'investissement que procure le secteur de
l'immobilier est un atout considérable pour l'émigré. Le
secteur tertiaire commence également à se développer. A
ses débuts l'investissement était plutôt orienté
dans l'import export de pièces détachés et de
matériels électroménagers. Aujourd'hui ce sont
31 Chiffres communiqués par le président
de l'association Ousmane Kanté. Entretien du 06 avril 2007
32 Il est très difficile pour ces
émigrés, après avoir travailler dur sans aucune aide, de
confier leur argent à un inconnu.
plus les boutiques d'habillement, les
télécentres et les salons de coiffure qui attirent
l'investissement avec l'apparition des femmes comme gérantes. La vente
de matériaux de construction connait également un
développement fulgurant. L'agriculture est le parent pauvre de
l'investissement des revenus migratoires. Le secteur n'attire que 5% des
investissements dans une zone composée de plus de 70% de ruraux. D'une
manière plus détaillée, nous avons :
B/ LES INVESTISSEMENTS DANS L'IMMOBILIER
Certes, l'émigration des lougatois vers l'Europe et les
Etats-Unis a entraîné différentes transformations sociales,
économiques, spatiales. L'immobilier demeure le secteur de
prédilection des investissements des émigrés. Ce choix des
émigrés pour leur investissement est lié à des
enjeux divers :
*le rôle symbolique et pratique d'être
propriétaire d'une maison, de se loger, de loger sa famille ;
* la sécurité de l'investissement et les
possibilités de rentabilisation locative ;
* les démarches administratives sont limitées pour
les émigrés ayant un niveau d'instruction assez bas ;
* la facilité de gestion des investissements immobiliers :
le montant du loyer est connu d'avance.
A Louga, la valeur foncière du sol s'est
considérablement accrue au fil des années. La forte demande de la
part des émigrés en constitue la raison principale. Dans les
quartiers de la commune, les terrains se vendent à des prix pouvant
atteindre plusieurs millions. Cette situation se retrouve même en milieu
rural où à Niomré les terrains de 300 à
400m2 qui longent la route principale coûtent jusqu'à
10 000 000 FCFA33. La demande étant supérieure
à l'offre, cela favorise la spéculation foncière qui
atteint des niveaux jamais égalés. Dans les quartiers centraux de
la commune de Louga, nous dit Monsieur Wade, agent au service des impôts
et domaines34, une parcelle de 300m2 peut coûter
jusqu'à 25 000 000 FCFA. Pour les émigrés, la terre n'est
que le support d'une future mise en valeur immobilière qui sera
destinée soit à l'habitation de l'émigré
lui-même ou de sa famille, soit à la location. La valeur locative
reste plus ou moins élevée selon le
33 Enquêtes personnelles, 2007
34 Entretien du 17 avril 2007
standing de l'immeuble. Elle varie entre 50 000 et 200 000
FCFA par mois dans la commune. Cette possibilité de rentabilisation sans
beaucoup de difficultés pousse donc les émigrés à
privilégier se secteur.
Les investissements dans l'immobilier ne sont pas toujours
localisés dans le département. En effet une étude de
l'impact de l'émigration lougatoise a montré que beaucoup
d'investissements dans l'immobilier sont réalisés à Dakar
où les possibilités de gains sont plus importantes. A Dakar, le
quartier de Fadhia au Parcelles Assainies, ressemble à une enclave
lougatoise. La majorité de construction appartiennent à des
émigrés lougatois.
Somme toute l'orientation quasi exclusive des investissements
des émigrés lougatois vers le secteur de l'immobilier ne saurait
remettre en cause les retombées économiques. On ne peut
négliger les retombées directes de l'immobilier, son rôle
moteur dans la relance des autres secteurs est réel. Les emplois induits
par le bâtiment se renouvellent d'un chantier à l'autre. Une
kyrielle de nouveaux métiers dans les bâtiments
bénéficie des retombées de la manne financière
émigrée investie dans le secteur. L'investissement immobilier est
un investissement à forte intensité de main-d'oeuvre. Les
artisans et commerçants engagés dans la production de
matériaux entrant dans la construction de maisons ont vu leurs affaires
se développer. Le commerce de matériaux de constructions
importés d'Italie, de France ou d'Espagne assure la
prospérité de beaucoup de commerçants
L'accumulation financière issue des investissements
immobiliers permet de s'ouvrir vers d'autres secteurs d'investissement. En
effet l'orientation de l'investissement migrant vers le secteur de l'immobilier
n'est remise en cause que par quelques velléités d'investissement
de quelques uns d'entre eux dans le commerce import-export de véhicule,
de pièces détachées, de matériaux de construction,
de services. La part de l'agriculture demeure encore très faible.
C/ LE TERTIAIRE ET LES SERVICES EN EXPANSION
Le secteur tertiaire constitue le domaine de
prédilection des investissements des
émigrés après l'immobilier. Ce secteur est largement
dominé par le commerce informel. En effet
le faible niveau d'instruction des émigrés
lougatois ne permet pas à ces derniers d'entreprendre des
investissements dans des secteurs qui nécessite des démarches
administratives et la constitution de dossiers souvent complexes. A l'image des
« baolbaol », l'émigré lougatois est un fin
commerçant qui a acquis une certaine expérience du métier
pendant sa migration. En investissant dans le commerce, certains
émigrés créent un prolongement de leur activité en
migration.
Dans le département de Louga, le commerce constitue le
principal domaine d'intervention dans le secteur tertiaire et le principal
pourvoyeur d'emplois en milieu urbain, en particulier pour les femmes et les
néo-citadins. Plus de la moitié de la population active (58,10%)
sont des travailleurs du secteur tertiaire35. Ce secteur est
très dynamique dans le département. La faible performance de
l'agriculture pousse une frange importante de la population à investir,
grâce aux revenus migratoires, ce secteur. Détenu jadis par les
Libanos-Syriens, le commerce est devenu aujourd'hui l'activité
privilégiée des lougatois.
Le secteur a une capacité constante d'adaptation aux
conditions changeantes de l'environnement économique local. Il fait
vivre un grand nombre de personnes et contribue à la création de
centaines d'emplois.
Tableau 19: Répartition des activités du
secteur tertiaire dans le département de
Louga
|
LOUGA
|
|
LOUGA
|
Catégories
|
Total
|
Urbain
|
Catégories
|
Total
|
Urbain
|
Boulangerie
|
17
|
14
|
Gros
|
6
|
6
|
Bars
|
2
|
2
|
1/2 Gros
|
18
|
13
|
Restaurant
|
42
|
17
|
Détail
|
333
|
236
|
Hôtel
|
2
|
2
|
Quincaillerie
|
20
|
14
|
Taxi clando
|
53
|
38
|
Station Svce
|
7
|
6
|
Textiles
|
63
|
36
|
Librairie
|
4
|
4
|
Menuiserie
|
25
|
17
|
Dépôt Ciment
|
31
|
27
|
Ent. Transp.
|
10
|
6
|
Dépôt Gaz
|
6
|
5
|
Ent. Bâtiment
|
25
|
17
|
Foirals
|
9
|
3
|
Charbonnerie
|
15
|
12
|
Epicerie
|
4
|
4
|
Télé centres
|
89
|
62
|
Cyber café
|
18
|
17
|
Source : Chambre de commerce et de métiers de
Louga
35 RGPH3, rapport régional Louga
Pour l'émigré, en investissant dans ce secteur,
cela permet d'alléger les charges familiales et sociales qu'il assume.
En effet, les bénéfices tirés de cette activité
peuvent contribuer à réduire les envois monétaires qu'il
effectue ou leur fréquence. Cependant, ce ne sont pas dans toutes les
activités commerciales que l'émigré lougatois investit. Il
existe des secteurs plus porteurs comme le commerce import-export de
véhicules d'occasion, de pièces détachées, la vente
de matériaux de construction, les boutiques d'habillement, les
télécentre, les cyber café...
L'import-export représente un secteur
très dynamique dans les investissements émigrés. C'est
l'une des premières opportunités d'investissement à
être exploité par les émigrés lougatois. Ce secteur,
dans ses débuts ne nécessite pas un investissement colossal de la
part de l'émigré. En effet, dans l'importation de
véhicules d'occasions et de pièces détachées, la
facilité d'obtention de la marchandise en Europe a permis à ce
secteur de se développer très vite. Il suffit alors pour
l'émigré d'assurer le convoi qui se fait
généralement par voie maritime. Ce secteur présente un
double avantage la disponibilité de la marchandise et des
bénéfices considérables qu'ils procurent. M. T L, ancien
émigré reconverti dans l'import-export de pièces
détachées, explique que ce commerce procure entre 50 et 100% de
bénéfices, raison pour laquelle il est très prisé
dans leurs investissements. Au niveau de la commune de Louga, on
dénombre plus d'une vingtaine de magasins de pièces
détachées qui appartiennent dans leur quasi-totalité
à des émigrés. L'import-export de matériel
électroménager commence également à prendre son
essor. Des magasins de bazars se sont spécialisés dans ce
commerce.
Cependant un coup d'arrêt est venu frapper de plein
fouet ce secteur depuis l'avènement de la loi sur les voitures
importées au Sénégal36. Cela loin de
décourager l'investissement émigré l'a réoriente
dans la vente des matériaux de construction.
La vente de matériaux de construction
: À Louga le désir de tout émigré est d'avoir un
toit, de construire une villa splendide avec tous les éléments de
confort. Pour une localité qui vit au rythme de l'émigration, il
n'est pas étonnant que le secteur de la construction soit en pleine
expansion. Les nouvelles constructions sortent de terre comme des champignons.
Cet état de fait implique une forte demande en matériaux de
36 Cette loi interdit l'importation de
véhicules de plus de cinq ans.
construction. Les émigrés lougatois
désireux d'investir ont saisi l'occasion pour faire fructifier leurs
capitaux. Actuellement, la vente de matériaux de construction à
travers les quincailleries enregistre de nombreux investissements de la part
des émigrés. Le secteur de l'aluminium et du marbre connaît
également un développement fulgurant. Inconnu il y'a seulement
quelques années, l'utilisation des ces matériaux est devenue
incontournable dans les nouvelles constructions. L'évolution des
matériaux utilisés (cf. chapitre 8) renouvelle
constamment les opportunités d'investissement. Depuis quelques
années le commerce de matériaux importés d'Europe du sud
s'est taillé une place non moins importante dans les investissements des
émigrés. En outre pour l'émigré, en investissant
dans ce secteur, il se crée une clientèle dominée en
majorité par les émigrés. Les emplois créés
profitent plus aux hommes. Les femmes, quant à elles, évoluent
dans la gérance des boutiques d'habillement, des
télécentres et cyber café.
Les boutiques d'habillement : Au même
titre que la vente de matériaux de construction, le secteur de
l'habillement attire les investissements des émigrés lougatois.
L'enquête que nous avons menée au niveau du marché central
de Louga montre que plus des 3/4 de ces boutiques sont la
propriété d'émigrés.
Les boulangeries : ce secteur est investi par
les émigrés, principalement dans la communauté rurale de
Niomré. En effet dans la localité, en dehors de l'association des
émigrés qui évolue plus dans le social, certains
émigrés ont préféré investir dans les
boulangeries. Les deux qui alimentent le village et ces environs sont des
fruits de l'investissement émigré. Ceci est bien vu par la
population locale car elles emploient une quarantaine de personnes.
Les télécentres et cyber
cafés : la situation des télécommunications dans
le département de Louga a connu une évolution considérable
ces dernières années. Avec l'avènement des
télécentres, le téléphone est devenu un outil
accessible à tous. Les statistiques de la SONATEL révèlent
une augmentation de plus de 300% dans le marché des
télécentres entre 1997 et 2005. L'introduction des TIC avec
l'avènement des cyber cafés, a créé de nouveaux
métiers. Les facteurs explicatifs de cette rapide croissance peuvent
être liés à l'intérêt que les
émigrés portent à ce secteur et à ses
opportunités d'investissement. Dans la plupart des cas,
l'émigré investi dans la création d'un
télécentre pour se femme ou ses soeurs. En ^lus des emplois
créés, les télécentres
financés par les émigrés permettent de
procurer une autre source de revenus à sa famille.
D'autres domaines d'investissement existent et qui retiennent
l'attention des émigrés. Certains émigrés
relativement bien instruits s'attaquent à des secteurs jusque là
inconnus des émigrés lougatois. Des projets dans le transport,
l'hôtellerie, la transformation et la conservation des produits
maraîchers... commencent à voir jour.
Cependant l'investissement dans le secteur agricole reste encore
très timide.
D/ L'INVESTISSEMENT AGRICOLE TIMIDE
Le secteur primaire bénéficie de peu d'attention
de la part des émigrés. Cette situation contraste avec le
contexte local où plus de 70% de la population est rurale sans oublier
que l'essentiel de la population migrante lougatoise provient du monde
rural.
D-1/ les potentialités
Malgré sa localisation dans le domaine sahélien,
l'agriculture lougatoise présente quelques potentialités
d'exploitation. Le déficit pluviométrique en plus des
aléas climatiques peut être contournés en raison
d'investissements efficaces de la part des pouvoirs publics. La région
de Louga dans sa totalité est prédisposée à une
vocation agropastorale. Elle joue un rôle non moins négligeable
dans l'économie nationale. Elle occupe le quatrième rang dans la
production maraîchère.
Les ressources pédologiques, qui ont subi de profondes
dégradations avec l'intensification de la culture arachidière de
rente, peuvent être remobilisées grâce à l'apport de
fertilisants et l'utilisation de moyens et/ou techniques agricoles
adéquats. Dans la partie ouest du département, les Niayes
présentent de grandes potentialités agricoles. Les
étendues d'eaux formées au niveau des dépressions et la
présence d'une nappe peu profonde favorisent le dynamisme agricole des
Niayes. La libéralisation du secteur agricole, le désengagement
de l'État vis-à-vis des producteurs commencent à engendrer
des changements. De nouvelles cultures peuvent être tentées dans
la zone.
Le complexe hydrographique que constitue le Lac de Guiers
offre un potentiel en eau important pour l'agriculture irriguée. La
micro irrigation inspirée des modèles de la ferme pilote de Keur
Momar SARR ouvre des perspectives à exploiter. En outre
l'amélioration du système traditionnel d'irrigation gravitaire
qui domine encore, devrait assurer une meilleure productivité.
L'élevage offre également quelques
potentialités puisque celui des bovins occupe la troisième place
au niveau national derrière les régions de Tambacounda et de
Saint Louis (Matam y compris), le deuxième rang pour les petits
ruminants. L'élevage est la seconde activité de la région.
La grande zone sylvo-pastorale constitue un parcours pour les troupeaux. La
production laitière et de viande peut être améliorée
grâce à des investissements consistants dans l'amélioration
des races et le modernisation des élevages.
D-2/ Des investissements très faibles
Malgré les atouts que présente le secteur
primaire (agriculture et élevage) l'investissement des
émigrés demeure encore très faible dans ce secteur. Rares
sont les émigrés qui après avoir amassé un capital
suffisant s'orientent vers ce secteur qui peut être porteur de
l'économie locale. A l'échelle départementale, les
investissements agricoles engagés par les émigrés sont
minimes comparés au volume des remises consacrées à
l'investissement dans le secteur tertiaire. Peu d'études ont
été faites sur la question, ce qui ne permet pas d'avoir des
données fiables sur ces investissements.
Toutefois; les investissements qui existent, sont surtout
orientés vers la zone des Niayes dans la culture
maraîchère. Depuis quelques années nous dit O
Nd37 un ancien émigré, « le secteur enregistre
des apports financiers de la part des émigrés et ce sont les
cultures spéculatives qui attirent de plus en plus les investisseurs
».
L'élevage bénéficie également,
à un rythme encore plus lent, des investissements
des émigrés. Ceux ci sont surtout orientés vers la
transformation des produits dérivés
37 Entretien du 29 juillet 2007
comme la transformation des produits laitiers. Cet
intérêt qui commence à s'affirmer pour le secteur primaire
est peut être du à la saturation du secteur tertiaire.
En définitive « on est passé d'une
migration de subsistance à une migration d'accumulation. L'accumulation
financière des émigrés peut-elle être le terreau sur
lequel vont se développer les germes d'une économie de
production? Il ne s'agit pas seulement d'injecter de l'argent dans un secteur
ou un pays, pour contribuer à son développement. La
multiplication d'investissements dits productifs est liée à un
environnement institutionnel et économique favorable, des structures
d'encadrement performantes, conformes aux perspectives de développement
des émigrés, un esprit d'entreprise » (Fall A. S. op
cit.)
Les émigrés ont été les
éléments amortisseurs des effets de la dévaluation du
franc CFA en 1994. Ils ont relancé la production immobilière en
important des matériaux de construction. Cependant, l'orientation
exclusive des investissements des émigrés vers la ville contribue
au dépeuplement des campagnes, au vieillissement et à la
féminisation des actifs ruraux, et à des changements dans les
habitudes de consommation qui sont défavorables à la
redynamisation de l'économie agricole régionale.
TROISIEME PARTIE :
Des impacts contrastés
Les transformations engendrées par les revenus
migratoires sont nombreuses dans le département de Louga. Elles ont
profondément modifié le paysage des villages et conduit à
la régression du secteur agricole (chapitre 6). En milieu urbain, le
développement de l'urbanisme et de l'habitat constitue les symboles de
la réussite économique des émigrés (chapitre 7).
Enfin le dernier chapitre traitera du rôle des émigrés dans
le développement local.
L'émigration participe à une mise en relation de
deux milieux différents. Entre pays du Nord et pays du Sud, le fait
migratoire ne se limite pas seulement à l'aspect de la mobilité.
Elle engendre de profondes mutations, aussi bien dans les espaces de
départ, que dans les pays d'accueil. Les envois de fonds, les transferts
de technologie, les changements sociaux sont autant de facteurs qui contribuent
à rappeler la présence de l'émigration dans un lieu
donné.
Dans le département de Louga, il n'est pas très
difficile de cerner les effets des transferts migratoires. La dépendance
de l'émigration est un fait très ancré dans les
sociétés lougatoises. L'émigration vers l'Europe qui est
relativement récente a contribué à modifier fortement la
configuration spatiale aussi bien en ville qu'en campagne. Partis à la
recherche d'un travail lucratif, les émigrés lougatois ont pour
principal but le retour au pays, si possible en étant très riches
afin d'investir l'économie locale. L'émigration par ses diverses
retombées - monétaires et en nature sous forme
d'équipements - a contribué pour une large part à modeler
la structure socio-spatiale dans le département.
Cette émigration, d'une manière
générale, répond à un besoin économique. En
effet, l'objectif de l'émigré est de parvenir à entretenir
sa famille. Les 3/4 des envois sont destinés à la satisfaction de
besoins primaires liés à l'entretien de sa famille. Cependant, si
l'émigré parvient à amasser suffisamment d'argent, alors
il entreprend des investissements. En général les investissements
des émigrés lougatois sont peu productifs et sont destinés
à procurer une aisance sociale à la famille de
l'émigré. Le secteur de l'immobilier et de la construction
constitue leur domaine de prédilection. Ce qui crée un impact
considérable dans la morphologie spatiale aussi bien dans la ville que
dans les villages lougatois à fort taux d'émigrés.
Les transformations liées à l'émigration
s'opèrent à un rythme soutenu. Le développement de
l'immobilier et l'extension des espaces communaux et villageois sont autant
d'impacts partagés entre le milieu urbain et le milieu rural. De
même, les modèles architecturaux et les matériaux
utilisés dans la construction ont considérablement
évolués avec le mouvement migratoire. Cependant en zone rurale,
on remarque l'apparition de « nouveaux modes de vie » liées
surtout à la régression du
secteur agricole. Des comportements jusque là urbains
pénètrent dans les campagnes lougatoises et commencent à
les modifier.
Chapitre 1 LES EVOLUTIONS DANS L'ESPACE DE DEPART :
LE MONDE RURAL
Au Sénégal, rares sont les études qui se
sont intéressées aux conséquences de l'émigration
en milieu rural. Au départ, les études sur les migrations
internationales ont mis l'accent sur les conditions d'émergence du
phénomène et timidement sur les effets induits par ces mouvements
de populations dans la vallée du fleuve Sénégal.
Cependant, comme l'évoque Sylvie CHADEMAIL, (1998) « la migration
n'est pas seulement vécue par celui qui la réalise mais aussi par
tous ceux qui en connaissent l'existence ». Dans sa logique, elle affirme
qu' «elle joue un rôle important pour de nombreux espaces.
L'aménagement et l'avenir de nombreux villages ne dépendent pas
seulement du nombre d'émigrés mais aussi des sommes
envoyées».
Les difficultés écologiques et
économiques de ces dernières décennies sont
considérées comme l'un des premiers facteurs explicatifs de
l'émigration au niveau des campagnes lougatoises. Ce mouvement, qui
était d'abord dirigé vers les centres urbains comme Diourbel,
Thiès, Touba et Dakar et dans une moindre mesure vers quelques pays de
la sous région, est désormais exclusivement orienté vers
l'Europe et les Etats-Unis. Cette migration qui semble se
généraliser, constitue pour ces populations une solution de
sortie de crise face au contexte économique national difficile surtout
en milieu rural. Ainsi, ces émigrés deviennent de nouveaux
espoirs pour leurs familles laissées au village, et qui dans bien des
cas, dépendent exclusivement des revenus envoyés par ces
derniers.
A/ LA TRANSFORMATION DU BATI ET L'EXTENSION DES
VILLAGES
Les revenus croissants de l'émigration ont des impacts
sur la morphologie spatiale des villages lougatois. Les villages ne sont plus
les même ; les premiers apports de la migration ont modifié leur
physionomie. Dans les villages de Maka Bra Gueye, Djélerlou Syll ou
Niomré qui ont servi de cas à notre étude, le fait
migratoire est
fortement ancré dans les mentalités. Les
discussions sur les réalisations de tel ou tel émigré
constituent les principaux sujets de conversation de ceux qui ne sont pas
encore partis.
Les revenus envoyés, en plus de l'entretien de la
famille, servent à l'acquisition de biens immobiliers. Cela qui se
traduit par un développement rapide des constructions avec des
nouveautés dans les modèles architecturaux.
A-1/ La transformation du bâti
C'est en milieu rural que l'impact de l'émigration est
plus visible dans le département de Louga. Il se lit aisément
dans la morphologie et l'habitat villageois. L'immobilier est un important
secteur d'investissement personnel pour les migrants qui, en attendant leur
retour, offrent déjà à leurs familles de meilleures
conditions de vie. Maintenant, des villas luxueuses avec tous les
éléments de confort ont remplacé les cases en paille. Dans
le village de Djélerlou Syll, ce qui frappe d'emblée le visiteur,
c'est l'architecture des maisons qui n'ont rien de rural (photo 2). A
l'intérieur des maisons, la présence de différents objets
de la vie courante témoigne de l'implication financière des
migrants dans le quotidien des familles. L'image traditionnelle des campagnes
sénégalaises est dépassée dans cette
localité. Les populations sont unanimes quant aux bienfaits de
l'émigration.
Photo 2 : Une villa d'émigré à
Djélerlou Syll
Photo : Papa Issa Ndiaye, octobre 2007
Le développement de l'habitat dans ces milieux n'a rien
à envier à l'habitat des villes sénégalaises.
D'ailleurs, c'est ce qu'explique un maçon que nous avons
rencontré dans le village de Maka Bra Gueye. Pour lui, depuis quelques
temps, les émigrés des villages proposent des modèles
architecturaux en avance sur ceux de la ville. La tendance depuis quelques
temps est aux constructions à étages. En plus les ruraux sont
plus fantaisistes quant à l'image qu'ils veulent donner à leurs
villas. L'originalité est très recherchée pour leurs
modèles. En effet Mme Lö38 du service régional de
l'urbanisme de Louga explique que pour les constructions en milieu rural, les
émigrés se rapprochent très peu de leurs services pour les
formalités administratives. Ils préfèrent copier sur le
modèle du voisin tout en apportant quelques modifications.
L'image des villages lougatois s'en trouve profondément
modifiée. Cela constitue une caractéristique essentielle de
l'émigration en ces lieux. Le dynamisme du secteur immobilier ne
s'arrête pas seulement aux maisons. L'émigré lougatois est
très sensible aux besoins de sa communauté. Les forts liens
d'appartenance à la communauté villageoise font que ces derniers
sont très concernés par la mise en place d'infrastructures dans
leurs villages. Les réalisations de mosquées ou de cases de
santé constituent des opportunités pour l'émigré
d'apporter sa contribution à l'équipement de leur village. Ces
infrastructures tiennent un rôle symbolique dans les impacts des revenus
migratoires. C'est ce qu'affirme Stéphanie LIMA « dans ce contexte,
participer à la construction d'une mosquée marque un
renouvellement d'allégeance au terroir et aux valeurs de la
société » (Lima S. in Gonin P et Charef M, 2005)
Cependant, si la majorité des migrants se lance dans la
construction d'édifices religieux, certains se lancent dans des projets
de développement économique et social. Les écoles et les
postes de santé introduisent peu à peu des ruptures dans l'image
des villages. Dans certains villages, les réalisations issues de
l'argent des émigrés vont plus loin. La route Louga - Djelerlou
constitue un bel exemple d'ouvrage réalisé grâce à
l'émigration et qui a un impact considérable sur la
géographie locale et la mobilité des populations.
38 Mme Lô, technicienne au service
régional de l'urbanisme de Louga. Entretien du 02/8/07
Photos 3 : Deux mosquée construites par les
émigrés de Djélerlou Syll
Mosquée construite grâce au financement d'un
émigré du village en Italie
Grande Mosquée où se tiennent également les
cérémonies religieuses (Gamou, Magal)
Photos Papa Issa Ndiaye, octobre 2007
A-2/ L'extension des villages
Dans le même registre, cette propension des
émigrés à la construction est le principal moteur du
développement des villages. Certains villages, il y'a quelques temps peu
étendus, atteignent, sous l'impulsion de l'émigration, des
tailles remarquables. L'évolution accélérée dans
certains villages a commencé avec le développement de
l'émigration à Louga. Les limites des villages sont constamment
repoussées par les nouvelles constructions qui sortent de terre à
un rythme soutenu. La taille de certains d'entre eux, comme Niomré,
mérite de reconsidérer les critères de définitions
de la ville au Sénégal. Ce village, situé à 12 km
de Louga, se singularise par sa taille qui lui donne l'allure d'une cité
urbaine. Selon Ousmane Kanté39 « avant
l'avènement de l'émigration, le village n'était pas aussi
grand et on ne trouvait que des maisons en pailles ou en zinc. Depuis, cette
architecture a presque disparu, laissant la place à de belles villas en
dur. En plus, la valeur foncière a beaucoup évolué et le
prix des terrains, situés sur la route avoisinent les 10 millions de
franc FCA.»
39 Entretien le 06 avril 2007 avec Ousmane
Kanté, président association des émigrés de
Niomré
On retrouve la même situation dans le village de
Djélerlou Syll. De deux concessions à la création du
village il y'a V siècle, on en comptent actuellement 5840.
Photo 4 : Photographie aérienne du village de
Djélerlou Syll
Source : image Google Earth
Les limites du village sont constamment repoussées par
de nouvelles constructions des émigrés comme le montre la
photo 4. Les périphéries du village ressemblent à
un grand chantier et les villas sortent de terre à un rythme soutenu.
B/ LES NOUVEAUX « MODES DE VIE »
Les transferts migratoires ne se résument pas seulement
aux envois monétaires. Les transferts de biens d'équipements, de
technologies et parfois de certains comportements sociaux accompagnent les
transferts migratoires jusque dans les villages les plus reculés du
département. Certains comportements, caractéristiques de la
civilisation urbaine, sont en train de faire leur apparition dans les campagnes
lougatoises. En effet, certains
40 Chiffre obtenu à partir du recensement des
services des impôts et domaines (avril 2007). Les concessions sont
généralement très large et peuvent occuper tout le lot.
sociologues de l'ecole de Chicago41 soutiennent
l'idée qu'il peut y avoir diffusion de la culture urbaine dans les
campagnes, sans pour autant estomper les différences de lieux. Dans les
pays développés, grâce aux migrations pendulaires de
certaines populations qui habitent en campagne et travaillent en ville, on note
une transposition des « modes de vie citadine» dans les campagnes
notamment dans l'utilisation des éléments de confort. Dans les
campagnes lougatoises, le contact de leurs fils avec d'autres
réalités engendre également des variations dans leur mode
de vie.
Grâce à l'argent des émigrés, le
pouvoir d'achat de ces ruraux a sensiblement augmenté. Ce qui procure
une plus grande liberté dans le quotidien des populations. En plus, avec
l'électrification des villages et la télé-satellite les
femmes passent désormais plus de temps devant le petit écran nous
dit Baye Modou Syll.
D'autre part, l'émigré accorde beaucoup
d'importance à l'éducation de ses enfants. Presque tous vont au
primaire. Ce n'est qu'au secondaire que les abandons sont nombreux, quand le
garçon atteint l'age d'aller en migration.
Avant l'avènement de l'émigration les
activités tournaient autour de l'agriculture et de l'élevage. La
survie de chacun dépendait de son travail agricole. Depuis que les fils
des villages lougatois ont commencé à émigrer, il existe
un apport substantiel de devise qui annule cette dépendance au travail
agricole. Aujourd'hui les jeunes ont de moins en moins le goût du travail
agricole. Dans l'attente d'un éventuel voyage, ils essaient de passer
tant bien que mal leur journée. Ce sont des séances interminables
de thé, des discussions qui n'en finissent pas... Ce que
déplorent les anciens des villages qui dans leur jeunesse n'avaient pas
tous ce temps puisque acculés par les travaux agropastoraux.
C/ UNE AGRICULTURE EN REGRESSION
Comme évoqué plus haut (chapitre 5), le
secteur agricole bénéficie de peu d'investissements de la part
des émigrés lougatois. La faiblesse de la productivité
agricole, liée à la dégradation des conditions
écologiques, n'encourage guère la relance du secteur.
41 On peut citer entre autre Simmel, Lee, Park
Au départ, les candidats à l'émigration
du monde rural lougatois étaient essentiellement des actifs du secteur
agricole. Cependant les difficultés qu'a connues le secteur furent
à l'origine de leur départ en migration. Beaucoup de parents de
ces émigrés ont pensé qu'après avoir amassé
suffisamment d'argent, ces émigrés allaient donner un coup de
pouce au secteur en proie à de grandes difficultés. Ce fut
rarement le cas. Pire, dans certaines localités du département,
l'apport substantiel de revenus de la part des émigrés a conduit
à un délaissement progressif du travail de la terre par les
jeunes au profit d'un futur espoir d'émigrer.
C'est un constat amer qui se dégage de la bouche de
nombreux agriculteurs des villages lougatois qui éprouvent une grande
déception - malgré leur total soutien au mouvement migratoire-
par rapport à leurs attentes.
« La relance du secteur agricole pouvait se faire
grâce à l'argent envoyé par nos fils. Mais cela n'est
guère le cas. Dans le village, ce sont les mêmes moyens que l'on
utilise depuis des décennies. De plus, avec la perte de bras, surtout
les meilleurs en faveur de l'émigration, il n'y a pas une compensation
avec l'utilisation de moyens plus efficaces pour la culture. Aujourd'hui
même, les jeunes qui ne sont pas encore partis sont de moins en moins
intéressés par le travail agricole. Il n'y a que nous les
vieillards et les femmes qui nous occupons encore des champs. Les rendements
sont faibles. Le travail fourni ne nous permet pas d'avoir de bons rendements.
En période hivernale, c'est comme si dans le village on ne cultivait
plus, tellement il y'a peu de gens qui vont encore aux champs.
L'émigration est très différente de la période des
« noranes » ou on pouvait passer toute la saison sèche en
migration à travers les villes du pays, mais pendant la saison des
pluies, tout le monde rentrait pour cultiver. »42
Ce témoignage est assez révélateur de la
situation qui prévaut dans la plupart des villages qui connaissent un
fort taux d'émigration. Certains jeunes que nous
avons interrogés nous affirment qu'ils dépendent
entièrement des revenus que leur envoient
42 Entretien avec Baye Badara Lo du village de
Niomré, le 6 avril 2007
leurs parents en émigration. Ainsi, ils ne « se tuent
» guère aux travaux champêtres pour des rendements
médiocres.
Certes, la terre ne produit plus assez. Mais, ce qui contribue
le plus à la décadence du secteur agricole dans le milieu rural
lougatois, c'est la quasi dépendance de ces populations aux revenus
migratoires. Dans certains villages, les potentialités de relance du
secteur, grâce au lac de Guiers, sont peu exploitées. Le
financement de l'agriculture de la part des émigrés pourrait
rendre la situation meilleure. A l'image de ce qui se passe dans les pays
maghrébins, les investissements agricoles ont permis de combler la perte
de main d'oeuvre du fait de l'émigration. (Haj Ali Oulfa, op. cit.). De
même au niveau de la vallée du fleuve Sénégal
l'implication des émigrés à la culture irriguée a
permis de fixer une part de la population et du coup d'assurer un dynamisme de
ce secteur.
Dans le département de Louga, une intervention des
émigrés dans le secteur agricole ne devrait pas être
impossible. Certes, les interventions de l'Etat demeurent encore faibles voire
inexistantes mais, une plus grande participation des émigrés
à travers leurs fonds, serait bénéfique à la
relance du secteur agricole. Les revenus migratoires, plutôt que de
détourner la jeunesse avec le mythe du gain facile à
l'étranger - et aussi leur force de travail- doivent plutôt les
inciter au travail. D'autre part en milieu urbain -moins qu'en milieu rural-
les impacts de ces revenus ont profondément marqué la physionomie
du paysage. C`est ce qui ressort de l'analyse que nous proposons d'exposer dans
le chapitre suivant.
Chapitre 2: LES IMPACTS EN MILIEU URBAIN
Les impacts des revenus migratoires sur le milieu urbain
lougatois sont nombreux, mais moins diversifiés qu'en milieu rural. Ils
se résument généralement au développement de
l'immobilier et à la création de quelques activités
économiques. Les émigrés sont des vecteurs de changements
aussi bien dans le système social que dans la morphologie du paysage
urbain.
Dans ce chapitre, l'analyse sera accès sur les mutations
spatiales depuis l'avènement du mouvement migratoire.
.
A / LES TRANSFORMATION DANS LA MORPHOLOGIE URBAINE
Pour étudier les transformations dans la morphologie
urbaine, il faut répondre à la question suivante : Louga a t-elle
connu un changement véritable ces deux dernières
décennies? Tout le monde accepte le fait que l'émigration a
profondément modifié la structure et la morphologie spatiale de
la commune. Dans les années 70, on avait tendance à comparer la
commune de Louga à «un gros village» qui avait de la peine
à intégrer son arrière pays et dont l'économie
reposait essentiellement sur l'agriculture. A l'image des autres villes
secondaires du pays, Louga a bénéficié de peu
d'investissement de la part des autorités étatiques. Ce qui a
longtemps laissé dans l'impasse la ville et qui ne pouvait compter que
sur elle-même et sur dynamisme de ses fils.
Depuis la fin des années 80, qui correspond à
l'essor de l'émigration lougatoise, la commune a commencé
à enregistrer un apport substantif de devises grâce aux revenus
migratoires. Cela s'est traduit par un accroissement des investissements, aussi
bien sur le foncier que sur l'économie du secteur tertiaire. On assiste
à une prolifération de petites activités commerciales qui
viennent en apport à l'économie arachidiére. Les magasins
de vente de pièces détachées, d'import-export font leur
apparition dans le paysage urbain. La ville qui était
réputée calme, commence à enregistrer un dynamisme.
D'autre part, l'augmentation du pouvoir d'achat des populations lougatoises qui
bénéficient désormais des revenus migratoires, impose une
offre en services importante.
Pour des investissements destinés principalement au
foncier et à l'immobilier, les incidences sur l'image de la ville seront
sans contestes. Les constructions des émigrés restent
particulières dans leurs aspects, leurs physionomies, leurs
architectures et parfois même dans les matériaux utilisés.
De ce fait, face à leur croissance extraordinaire, elles modifient
carrément l'image, jadis, peu reluisante de la ville. Aux maisons
traditionnelles ont succédé des villas qui font rêver plus
d'un.
Enfin, on ne saurait taire l'impact considérable qu'a
eu Feu El Hadji Djily MBaye sur le développement de la ville. Il fut un
des premiers à encourager l'émigration lougatoise et à
inciter les émigrés au retour et à investir dans
l'économie de la ville, voire du pays. Son empreinte sur le paysage de
la ville reste considérable. Beaucoup de ses réalisations ont
contribué à faire de Louga ce quelle est aujourd'hui.
B/ ARCHITECTURE ET MATERIAUX
Le secteur de l'habitat et de la construction a connu, ces
dernières années, une mutation remarquable du point de vue de
l'occupation de l'espace. Les tendances récentes laissent entrevoir une
présence marquée des émigrés dans
l'édification de belles demeures en contradiction avec les poches
d'habitats précaires dans tous les quartiers de la commune de Louga.
Le bâtiment exprime dans cette localité, «un
élément de réussite et d'ascension sociale et entretient
une fierté auprès des familles qui ont leur progéniture
à l'extérieur» souligne un ancien conseiller municipal
reconverti dans le secteur des BTP.
Dans la commune de Louga l'impact le plus visible des revenus
migratoires se lit dans les transformations qui s'opèrent dans l'habitat
à travers les modèles architecturaux. Partout, s
élèvent des villas en terrasse et à étage
(photos 5 et 6). Elles sont ensuite le plus souvent carrelées
et le marbre couvre le plafond. Sur les balcons, dominent des vitres
teintées, bien accrochées à des cadrans en aluminium.
L'amélioration de l'habitat est incontestablement l'aspect le plus
visible des mutations liées à l'émigration. Cet aspect est
considérable. Nos entretiens et enquêtes nous permettent
d'affirmer que presque tous les émigrés ont soit construit ou le
projettent.
Photos 5 : Exemples maisons d'émigré
à Louga
|
Le toit en tuile verte est une des caractéristiques de ces
maisons
Cadrant en aluminium qui retient les vitres tintés
Carrelage qui se généralise sur les murs
extérieurs
|
Photo : Exemple de maison d'émigré
lougatois
le marbre est devenu incontournable dans les nouvelles
constructions des émigrés
Photo : Chantier en construction d'une maison
d'émigré
Photos : Papa Issa Ndiaye, octobre 2007
Cependant, l'évolution de l'architecture des villas et
des matériaux utilisés, est indissociable de l'évolution
du mouvement migratoire lougatois. En effet, chaque période a produit un
modèle architectural dominant avec l'utilisation de certains types de
matériaux dans la construction. Trois périodes ont pu être
décelées dans l'évolution de l'habitat au niveau de la
commune depuis l'avènement de l'émigration. Cependant quelle que
soit la période, une chose demeure, l'émigré lougatois
aspire au grand standing.
*Les pionniers : les premières maisons
des émigrés étaient très simples. Elles
étaient calquées sur le modèle d'une maison de famille
traditionnelle sénégalaise avec plusieurs chambres. Le
séjour (salon) n'était pas pris en compte, de même que la
cuisine et les toilettes. Ces dernières étaient construites
à l'extérieur, à l'écart du bâtiment. Ce
modèle assez simple était couvert d'un toit en pente, le plus
souvent en zinc ou tuile. Leurs particularités résidaient dans
leurs couleurs souvent ocres, jaunes, orangées ou rosées. Ce
modèle architectural qui a prévalu durant la fin des
années 80, a été détrôné par les
villas en terrasse.
Figure 6 : Façade principale des
premières maisons d'émigré
Terrasse en pente
Source : Direction de l'urbanisme de Louga, 2007
*L'arrivée de la deuxième
génération d'émigrés dans les années 90
a marqué un changement véritable dans l'évolution du
mouvement migratoire lougatois. De
nouvelles destinations ont commencé à
émerger. L'Italie devient un pays de plus en plus visé par les
émigrés. Cela a eu un impact sur le paysage immobilier lougatois.
Des modèles importés de l'architecture occidentale font leur
apparition dans le secteur immobilier. C'est la génération des
villas en terrasse avec la cage d'escalier où dominent des tuiles
vertes. Les maisons en pente sont progressivement abandonnées ou
transformées en terrasses. Egalement, la cuisine et les toilettes
commencent à être intégrées dans le bâtiment.
Un émigré du quartier de Ndiang Bambodj explique sa
mésaventure avec sa mère qui ne pouvait pas concevoir que la
cuisine soit à l'intérieur du bâtiment. En effet, dans les
sociétés sénégalaises, la cuisine et les toilettes
ont longtemps étaient à l'écart des habitations, dans un
coin de la maison.
Cette deuxième génération
d'émigrés a donné une nouvelle impulsion à
l'architecture des maisons. La dimension esthétique est de plus en plus
prise en compte dans les nouvelles constructions. D'autre part, malgré
la taille assez grande du bâtiment, le nombre de chambre diminue - 4
à 6 chambres- au profit d'un séjour et d'un garage pour la
voiture. Les matériaux aussi évoluent. C'est le carrelage qui se
généralise. L'importexport de matériaux de construction
connaît un essor considérable. A l'intérieur des villas,
presque tous les équipements sont importés.
L'émigré se crée un style de vie particulier.
Photo 6 : Façade principale maison de la
deuxième génération d'émigré
Carrelage sur tous les murs
Garage pour la voiture de l'émigré
Photo : Pape Issa Ndiaye, octobre 2007
*Actuellement les villas des émigrés prennent de
plus en plus compte de la rentabilisation du terrain. Face à la forte
spéculation foncière qui atteint des records, se
développent les constructions en hauteur. Ils sont
généralement l'oeuvre des émigrés « gauchers
» car seuls eux peuvent supporter leurs coûts très
élevés. Dans ces villas à étages, le
rez-de-chaussée est souvent destiné à une activité
commerciale (magasins) et les étages à usage d'habitation. Ce qui
frappe au premier regard de ces villas est leur splendeur. Elles font
rêver tous les jeunes et contribuent à entretenir le mythe de
l'émigré très riche qui gangrène la
société lougatoise. Les matériaux sont aussi nouveaux avec
l'utilisation du marbre importé d'Italie et de l'aluminium
Photo 7: Façade principale d'une maison
d'émigré avec magasin
Photo Papa Issa Ndiaye, octobre 2007
Ce développement de l'immobilier est sans répit.
Les nouvelles constructions poussent comme des champignons aussi bien dans les
poches vides des anciens quartiers, que dans les nouveaux lotissements des
quartiers périphériques. Que se soit à Ndiang, Voile d'Or
ou dans les autres quartiers de la commune, le secteur de la construction
connaît un dynamisme remarquable. Louga reste le troisième client
de la SOCOCIM pour la
fourniture en ciment derrière Dakar et Touba. Ces
villas qui symbolisent la réussite de l'émigré ont
joué un rôle déterminant dans le développement de la
ville. Selon les autorités municipales, l'émigration est le
moteur de l'urbanisation de la ville et constitue le principal facteur
explicatif de l'extension rapide du périmètre communal.
C/ L'EXTENSION DU PERIMETRE COMMUNAL DE LOUGA
L'émigration joue un rôle
d'accélérateur de l'urbanisation de la ville de Louga. Dans les
quartiers plus le taux d'émigres est élevé, plus les
constructions dans la localité sont nombreuses. Malgré son taux
d'urbanisation assez faible (18,4% pour le département), le
développement de la ville se fait suivant un rythme très rapide.
Une évolution rapide sur le paysage et l'espace de la commune peut
être observée depuis la fin des années 70 (voir carte
4). En effet, on constate une extension tout azimut des limites de la
commune. De nouveaux lotissements sont mis en place. De nombreux quartiers ont
vu le jour sous l'impulsion de la forte demande des émigrés.
En 1982, un CRD a été organisé pour
attirer l'attention des autorités sur l'action de l'émigration
qui est résolument orientée vers le secteur de l'immobilier. Les
impacts de la demande de plus en plus forte en terrain implications sur le
périmètre communal qui est très limité par la
communauté rurale de Nguidilé. Ce constat a été
pris en compte dans le PRDI, mais actuellement la situation a largement
dépassé les projections des autorités.
Le périmètre communal a été
considérablement élargi suite aux lotissements consécutifs
et aux installations massives des populations. L'arrêté du 2
novembre 1954 fixait la superficie du périmètre communal à
1800 hectares. Actuellement la commune couvre 12 quartiers et s'étend
sur 3035,25 hectares, soit une extension de 75%43 . Cet
accroissement en moins de trois décennies est révélateur
de l'impact de l'émigration dans le développement communal. En
effet, avant 1975, l'évolution de la commune se faisait à un
rythme lent. Les principaux quartiers étaient Thiokhna, Artillerie et
Montagne. Ce n'est qu'après 1975 que des quartiers comme Keur Serigne
Louga, Djang Bambodj, Voile d'Or ont commencé à se
développer et à augmenter l'espace communal. Ces nouveaux
quartiers ont la particularité d'avoir des taux d'émigration
très élevés.
43 Commission domaine et foncière de la Mairie
de Louga
Carte 4 : extension du périmètre communal
de Louga Source : AQUADEV Louga, 2007
De nouveaux quartiers ou plutôt des « cités
» apparaissent. Ces « cités », construites par les
émigrés, ont la caractéristique de regrouper les membres
d'une même descendance. C'est le cas de la « cité
Mboubéne » à Ndiang Bambodj.
Un autre aspect de l'extension de la ville peut se lire
à travers la croissance des demandes d'autorisation de construire.
Même si ces dernières ont connu une décroissance
(figure 7) durant les années 90, les facteurs explicatifs
peuvent être corrélés à la situation
économique locale avec la dévaluation du franc CFA. Le secteur de
la construction a subi un coup d'arrêt. Cependant, depuis 1997, on note
un regain dans les constructions qui se manifeste par des demandes de plus en
plus nombreuses.
Figure 7 : Evolution des demandes d'autorisation de
construire
Source : Service régional de l'urbanisme de Louga,
2007
Figure 8 : Les transformations socio-spatiales
liées à l'émigration lougatoises. Schéma de
synthèse
Impacts socio-spatiaux des revenus migratoires dans
le département de Louga
Transformations en milieu rural
-Au niveau de l'habitat
* Architecture des maisons * Matériaux utilisés
* Extension villageoise
-Au niveau agricole
* Faiblesse des rendements
* Réduction de la main d'oeuvre
*Abandon des champs
-Au niveau social
* De nouveaux modes de vie * Comportements urbains
|
Transformations en milieu urbain
-Urbanisation
* Morphologie urbaine * Architecture
* Matériaux
-Spéculation foncière
* Rôle de l'émigration dans le foncier
-Extension du périmètre
communal
-Emergence économique *Emigration et
investissement
|
Que se soit en milieu urbain ou en milieu rural, les impacts
de ces revenus sont sensibles. Ils ont permis un développement sans
précèdent du secteur immobilier ainsi que la construction
d'infrastructures dans certaines localités. Cependant, les efforts
devraient être orientés, voire canalisés pour un plus grand
impact de ces revenus. Les différents efforts des collectivités
locales et des associations d'émigrés vont dans ce sens.
Malgré les multiples facteurs de blocages que se dressent devant eux,
beaucoup de projets peuvent être réalisés. A l'heure
actuelle, les émigrés ont une part à jouer dans le
développement de leurs terroirs. L'émigré ne doit pas
être seulement une source de devises pour sa famille, il doit participer
dans un sens plus large au développement communautaire.
Chapitre 3 ROLES ET PLACE DES EMIGRES DANS LE
DEVELOPPEMENT LOCAL
Depuis quelques années, l'émigration prend de
plus en plus de place dans les politiques des pouvoirs publiques. Aussi bien
dans les pays d'accueil que dans les zones de départ, la question ne
laisse personne indifférente. Le rôle que l'émigré
doit jouer comme acteur du développement reste certes partagé
entre différents chercheurs, mais les actions des associations
d'émigrés ont de plus en plus tendance à renforcer cette
participation des émigrés dans la construction de leur
terroir.
A- L'EMIGRE : ACTEUR DU DEVELOPPEMENT LOCAL ?
Cette partie s'inspire essentiellement des idées de la
communication de Gonin P. et Charef M.44 lors du colloque «
Emigrés - Immigrés dans le développement local »,
tenu à Saint Louis en 2003.
A-1/ Définition des concepts
Les deux notions « migration » et «
développement » sont en elles-mêmes complexes et les mettre
en relation contribue à amplifier cette complexité. En effet
chacun y va pour définir ces deux termes. La migration désigne un
changement de résidence habituelle avec franchissement d'une
frontière selon une durée déterminée et des
objectifs précis. Cette définition prend en compte les
critères d'espace, de résidence, la dimension temporelle et dans
une moindre mesure, l'activité. L'émigré est alors
perçu comme une personne qui quitte son pays vers un autre à la
recherche d'opportunités. Au delà de cette définition
générique l'émigré lougatois est
généralement appelé dans le vocable local «
Modou-Modou », ce que Malick Ndiaye45 définit comme
« un produit de la ville ou de la campagne qui vient d'une classe moyenne.
C'est un être doté d'un esprit d'entreprise et d'initiative et qui
fait montre d'un pragmatisme remarquable.
44 « Place et rôle des
émigrés/immigrés dans le développement local »
in émigrés/immigrés dans le développement local
45 Sociologue à l'IRD
Déformation du prénom wolof « Mouhamadou
», actuellement le terme a un sens nouveau qui renvoie à des
référents économiques ».
Quant au développement, on est dans le registre des
concepts « valises ». Notion polysémique par excellence,
« il peut être rural ou urbain, endogène ou exogène,
local ou global, durable ou soutenable » (Gonin P op. cit.). Accolé
au terme local « le concept interpelle tous les projets qui s'adressent
à des actions situées dans un espace local ». Il a beaucoup
évolué et devient de plus en plus d'actualité avec les
implications pratiques des politiques de participation et de
décentralisation que les programmes contribuent à promouvoir. A
GIRARDEL, on entend par développement local une «mobilisation
endogène d'acteurs locaux en vue de la réalisation d'un projet
inscrit dans un territoire, permettant d'y vivre mieux (Magrin G. in Les
Cahiers de GIRARDEL no5, 2007).
La mise en oeuvre du développement local est un «
processus multidimensionnel d'élaboration de programmes d'actions
indépendantes, et par ailleurs une convergence des résultats dont
la cohérence ne peut se vérifier qu'après les
réalisations » (Kébé, op. cit.)
Ainsi, cette relation entre migration et développement
n'en demeure pas moins ambiguë. Elle traduit des réalités
divergentes. Dans biens des situations, le départ est lié
à la non-satisfaction des besoins élémentaires, une des
caractéristiques des régions en difficulté. Ceux qui
partent sont généralement les populations les plus jeunes. En
associant ces deux termes, on doit aussi imaginer ce qui les oppose : rester ou
partir dans son pays pour contribuer à son développement ? Partir
pour mieux revenir ou durer en migration pour permettre aux autres - ceux qui
sont restés- de vivre ?
A-2/ L'émigré : acteur du
développement local ?
Dans toutes les zones à forts taux d'émigration de
ses fils le débat reste le même : les revenus
transférés par ces derniers font-ils de ceux-là des
acteurs du développement ? Les points de vue divergent et le
débat s'enrichit. Pour les pays d'émigration, les transferts
monétaires des émigrés demeurent l'un des principaux
facteurs avancés pour expliquer leur politique migratoire, en plus de la
réduction du chômage et la possibilité de permettre aux
familles d'émigrés d'avoir une vie économique
décente. Dans le contexte de la décentralisation, le
développement local prend beaucoup plus de relief et
devient l'affaire de tous. L'importance numérique des
migrants dans le département de Louga explique pourquoi cette
association entre migration et développement est devenue une
réalité sociale, économique et politique. L'existence dans
les pays d'installation d'associations de solidarité et d'entre aide
entre migrants originaires d'un même terroir a été un
puissant facteur incitatif aux projets de développement. A l'origine ces
projets étaient focalisés sur des investissements sociaux
(construction de mosquée, de poste de santé, d'école,
etc.) mais ils intègrent de plus en plus les autorités dans la
définition des projets pour un développement homogène.
Dans l'autre camp, dont les discours sont relayés par
les pays d'accueil de ces émigrés, la perte des bras les plus
valides constitue une entrave forte au développement des pays de
départ. Malgré les remises transférées, il existe
de moins en moins sur place des ressources humaines nécessaires pour
créer les conditions idoines au développement. Le
développement ne se résume pas à une affaire de «
financement » mais il faut des ressources humaines capables de bâtir
leur terroir et de permettre son essor. Actuellement personne ne remet en cause
le fait que les émigrés lougatois engagent un certain nombre
d'actions individuelles, avec pour objectifs l'amélioration de leur
situation familiale. De même, les associations d'émigrés
comme le Self Help, l'association des émigrés de Niomré,
sont autant d'acteurs qui participent à la réalisation de projets
à l'échelon local. La construction de centre de santé, de
salles de classes, d'édifices religieux contribue au
développement de ses localités.
Cependant, l'apport monétaire des
émigrés, qui est systématiquement mis en avant, peut jouer
un rôle incontestable en matière de développement local ;
mais il ne peut avoir une portée véritable que s'il est
intégré dans le cadre d'une planification homogène visant
un aménagement réfléchi, qui intègre ces
émigrés en tant que vrais acteurs du développement. Les
collectivités locales doivent jouer ce rôle.
B- LES POLITIQUES DES AUTORITES LOCALES LOUGATOISES
Pendant très longtemps, l'émigration lougatoise
s'est heurtée à la sourde oreille de la part des autorités
locales. Ce mouvement qui, depuis près de trois décennies, gagne
en importance grâce aux revenus transférés et à ces
incidences démographiques était, peu ou pas pris en compte dans
les actions de développement local. Au moment où les
revenus migratoires dans le département de Louga
atteignent 20 milliards par an et constituent l'une des principales sources de
revenus de nombreuses familles, l'émigration n'est que très peu
prise en compte dans le PRDI de Louga. Si le développement fulgurant de
l'urbanisation de la ville de Louga, dont la cause principale semble être
liée aux impacts de l'émigration, a attiré l'attention des
autorités administratives vers les années 80, la réaction
des autorités locales elle s'est faite désirée. Ce n'est
que vers la deuxième moitié des années 90 que quelques
velléités de politiques en faveur des émigrés ont
été initiées par la mairie de Louga.
Quant au Conseil Régional, des premiers efforts en faveur
des émigrés ont été menés par
l'équipe mise en place depuis l'alternance intervenue en 2000.
B-1/ La Mairie
Pendant très longtemps, il y a eu peu d'actions en
faveur des émigrés. Ce n'est qu'après la création
d'un Conseil Supérieur pour les Sénégalais de
l'Extérieur que les émigrés ont commencé à
être impliqués dans les plans de développement.
Le Président Abdou Diouf évoquait « les
multiples facteurs qui concourent à ce que les émigrés
soient des acteurs privilégiés du développement de notre
pays. L'attachement qu'ils gardent à leur patrie, leur sens de la
solidarité, leur générosité, l'expérience et
la formation dont ils bénéficient au cours de leur séjour
en dehors de nos frontières et, aussi, l'épargne que beaucoup
d'entre eux réunissent, les désignent tout
particulièrement pour remplir ce rôle éminent »
(Kébé, op. cit.). L'Etat, de même que les
collectivités locales, ont le devoir de les encourager. C'est ce qui a
inspiré Madame A. Mb. Ndiaye, alors maire de la commune, d'initier un
programme de logement en faveur des émigrés de la
localité. Ainsi, face à la forte demande des
émigrés en terrains de construction, la mairie avait
initié un programme de distribution de parcelles dans la zone de Keur
Serigne Bara. Ce fut le seul programme destiné spécifiquement aux
émigrés et qui n'a malheureusement pas eu de suite.
Depuis lors, certaines actions sont entreprises, mais sans
implication majeure des émigrés. En effet, l'émigré
lougatois étant fortement ancré dans les mentalités
villageoises qui accordent peu de confiance aux autorités - politiques-
ce qui rend presque caduque toute action entre eux. Cependant la mairie attend
beaucoup de ces émigrés, surtout dans la facilitation des accords
de coopération entre les collectivités
locales des pays d'accueil de ces émigrés et la
ville de Louga. C'est d'ailleurs sous l'intermédiation des
émigrés que s'est tissé un accord de coopération
entre la Commune de Louga et la ville de Turin en 2007. Le Conseil
Régional, quant à lui reste plus sensible au rôle que les
émigrés doivent jouer dans le développement local.
B-2/ Le Conseil Régional
Depuis la mise en place de l'équipe actuelle du Conseil
Régional, le rôle des émigrés semble être de
plus en plus pris en compte dans les efforts de développement
régional. Ainsi, face à la problématique de
l'émigration dans la région et aux nombreuses sollicitations des
émigrés pour des projets de développement local, les
autorités régionales ont organisé en janvier 2006 la
première édition du « Forum des émigrés
». Cette manifestation avait pour but de donner la parole aux
émigrés et de définir ensemble des programmes
spécifiques pour que les « Modou-Modou » joue leurs partitions
dans le développement de la région. Au sortir de ce forum
intitulé « l'émigration : enjeux, problèmes et
perspectives » le Conseil Régional a senti la
nécessité d'ouvrir un Bureau des émigrés dans ses
services.
Ce bureau a la charge de suivre les travaux du forum mais
également d'initier les projets et programmes à mettre en oeuvre
pour une participation plus accrue des émigrés dans le
développement régional. Depuis peu d'actions ont
été menées nous dit M Khoulé, responsable de ce
bureau. Mais le manque d'action des autorités est pallié tant
bien que mal par les associations d'émigrés dans chaque
localité.
C- LE ROLE DES ASSOCIATIONS D'EMIGRES DANS LE DEVELOPPEMENT
LOCAL
Dans le département de Louga, l'une des
particularités de chaque localité est d'avoir une association
regroupant tous ses émigrés repartis en Europe ou aux USA. Cette
forme de regroupement s'inscrit dans une dynamique d'impulsion et de
participation au développement du terroir. Ces associations
interviennent pour la plupart dans le domaine de l'entre aide sociale à
travers des actions de financement de projets à caractères
sociaux. Deux de ces associations font l'objet de cette étude, choix qui
est guidé par leurs différences de démarches et
d'actions.
C-1- L'action de «Self Help»
C-1-a/ L'association
Njambour Self Help est une Association apolitique à but
non lucratif créée en décembre 2001 par des ressortissants
de la Région de Louga résidant en Europe. Soucieux de participer
au développement de la région de Louga, ces émigrés
ont senti la nécessité de se regrouper pour unifier leur force et
contribuer à la construction de leur terroir. C'est ainsi qu'est
née cette association dont le siège se trouve au niveau de la
commune de Louga. L'objectif au départ, était de favoriser
l'entre aide entre les émigrés, mais et surtout, fournir une
assistance aux parents restés à Louga. Beaucoup d'actions de
solidarité sont entreprises par les membres de l'association qui
assurent son fonctionnement grâce aux cotisations versées.
Au fil du temps, le champ d'action de Self Help s'est
élargi. L'association joue de plus en plus un rôle de facilitateur
entre les collectivités locales du nord et les autorités locales
de la région de Louga46. En effet, beaucoup d'accords de
partenariat sont scellés entre l'Italie -qui est le premier partenaire
de Self Help- et la région de Louga grâce à
l'intermédiation des membres de l'association. On peut noter les
partenariats avec :
|
la région italienne Emilio Romagna
l'hôpital de Bergamo (Italie) la Commune de Faenza (Italie)
la COOPI. (Italie)
Province de Mantova (Italie)
|
A travers ces partenariats, les actions
exécutées s'inscrivent dans une dynamique d'appui au
développement local. Seulement, il faut noter que ces initiatives
s'articulaient jusque là autour du secteur sanitaire. Désormais,
avec l'appui du projet Initiatives de Co-développement, l'association
recadre son secteur d'intervention qui va inclure l'éducation, la
formation, l'hydraulique villageoise et les activités
génératrice de revenus
46 Voire mémoire de maîtrise Moustapha
Tine, section sociologie UGB, en cours.
C-1-b/ Les réalisations
Les activités déjà
réalisées sont pour l'essentiel centrées sur des actions
d'appui au secteur de la santé. D'autres projets sont en cours de
réalisation et participent tous à l'épanouissement et au
bien être des populations de la région. Dans l'entretien que nous
avons réalisé avec le secrétaire permanent de Self
Help47, ce dernier affirme que «le voeu de chaque
émigré est de contribuer au développement de Louga.
Cependant, dans l'individualité les résultats seront presque
caducs. Ainsi, en regroupant les moyens, à travers l'association, il
sera possible de s'attaquer à des secteurs comme la santé,
l'éducation, etc., en apportant des équipements par
exemple».
Le tableau suivant récapitule les actions
déjà réalisées par l'association au niveau de la
région.
Tableau 20: Réalisation Self Help
Actions
|
Bénéficiaires
|
Valeurs / Quantités
|
Prévention du choléra
|
08 familles religieuses le jour du Gamou.
|
153 Litres d'eau de Javel
|
Région médicale
|
180 litres d'eau de Javel 84 litres de grésil
|
150 000 F
|
Dotation en équipement et matériel sanitaires
|
Postes de santé
|
21 lits = 630 000 F
|
Poste de santé de Linguère
|
1 Ambulance = 1 220 000 F
|
Commune de Louga et Kébémer
|
2 Corbillards = 4 640 000 F
|
Hôpital régional de Louga
|
1 appareil échographique =
1 417 000 F
|
Hôpital régional de Louga
|
Une développeuse automatique = 5 070 000 F
|
Hôpital régional de Louga
|
152 Blouses = 1 320 000 F
|
|
Matériel de Nettoiement =
2 936 518 F
|
Hôpital régional de Louga
|
Rétinographe = 97 500 000 F
|
Hôpital régional de Louga
|
Lit d'accouchement = 325 000 F
|
115 058 518 F
|
Dotation en médicaments
|
Conseil régional de Louga Hôpital
régional de Louga
|
Anti rétroviraux = 2 500 000 F
|
Association Suxali
Maïmouna et Action pour le développement du
Niambour
|
Lots de médicaments = 5 000 000 F
|
Région Médical
|
Lots de médicaments =
|
47 Entretien le 3 septembre 2007
|
|
15 000 000 F
|
|
Centre de Santé de Louga, Linguère,
kébémer, Communes et Communautés rurales, Maison
d'arrêt, école coranique de Koki
|
Lots de médicaments = 3 F
|
937 000
|
26 437 000 F
|
|
TOTAL
|
141 645 518 F
|
|
D'autres activités en cours
Projet de SAMU avec la région italienne Emilio Romagna
;
Projet de coopération entre l'hôpital de Bergamo
(Italie) et le Centre ; hospitalier Régional Amadou Sakhir Mbaye de
Louga ; Financement d'un projet de goutte à goutte d'une valeur de
35.000.000 F CFA à Gankette par la Commune de Faenza sous la supervision
de Self Help ;
Projet de construction d'un service sanitaire
Médico-social ; Construction d'un poste de santé à
Ndièye Satouré CR Sakal en coopération avec la COOPI.
Aujourd'hui le Self Help travaille en étroite
collaboration avec les collectivités locales de la région de
Louga. La Mairie de Louga, de même que le Conseil Régional, joue
pour l'association, un rôle de répondant officiel dans les
partenariats avec les collectivités locales étrangères.
Certes, l'engouement que suscite l'association depuis sa création n'est
plus le même mais, les diverses actions menées, grâce au
financement des revenus migratoires et des partenaires, participent au
développement de la région et par là donne à ces
émigrés un sentiment d'utilité.
C-2/ L'association des émigrés de
Niomré
C-2-a- L'association
L'association des émigrés de Niomré fait
partie de l'une des premières associations d'émigrés
fondées dans la région de Louga. Sa création date de 1978.
Elle est ouverte à l'ensemble des fils du village de Niomré
émigrés en Europe. L'objectif est l'entre aide entre les
émigrés de la localité, mais aussi, l'appui à la
mise en place d'infrastructures
dans le village. A la différence du Self Help,
l'association des émigrés de Niomré ne
bénéficie pas de partenariat avec les collectivités
locales étrangères. Les différents projets
réalisés par l'association ont été financés
par les cotisations de ses membres. Cotisations :
Cotisation annuelle = 110 Euros
Caisse d'entre aide = 100 Euros/ an
L'association compte 800 membres qui cotisent
régulièrement. A travers l'association, les émigrés
s'impliquent activement dans les résolutions des problèmes
socioéconomiques de la localité.
C-2-b- Les réalisations
L'association a toujours oeuvré pour le
développement de Niomré. En s'attaquant aux domaines sanitaire et
religieux différentes réalisations ont pu être
menées à terme grâce au dynamisme de ses membres. A son
actif l'association compte :
La réhabilitation, l'élargissement et
l'équipement du centre de santé mis sur place par l'Etat ;
Achats d'ambulances et de médicaments ;
La prise en charge complète du fonctionnement du centre et
du personnel de santé (infirmier, sage femme, chauffeur, ambulance) ;
Achat de moto pompe à 13 millions et entretien du forage.
Chaque année l'association participe à hauteur de 3 millions pour
rendre l'eau buvable ;
La mise sur place d'une radio communautaire fonctionnelle ;
La construction de la grande mosquée du village ;
La participation au financement des activités religieuses
du village grâce au fond de la caisse d'entre aide ;
Enfin, une des particularités de cette association
réside dans le fait qu'elle assure l'entretien des familles en
difficultés, surtout lorsque l'émigré de la famille se
trouve en difficultés en Europe.
Conclusion générale
Composante essentielle de la mondialisation, la migration
internationale en est, à plus d'un titre, le parent pauvre. En effet, la
flagrante contradiction entre le protectionnisme migratoire des pays nantis et
le souhait de plus en plus répandu des populations démunies de
tenter leur chance au-delà de leurs frontières a pour
conséquence la multiplication des réseaux clandestins et la
précarisation de la situation des migrants. Cette situation
résulte certes de la déréglementation consécutive
à la crise économique, mais aussi du mythe de l'eldorado
européen entretenu par les sommes envoyées.
Pendant très longtemps l'hexagone fut la destination
favorite des émigrés lougatois. Depuis les années 90, il y
a un glissement vers les pays de l'Europe du sud, particulièrement
l'Italie et l'Espagne.
Les transferts de fonds qui les accompagnent, s'accroissent
également de manière considérable depuis prés de
deux décennies. Ils sont une composante essentielle de l'économie
du département. Les différentes structures officielles de
transferts d'argent sont aujourd'hui de plus en plus concurrencées par
les réseaux de transferts informels. Cela n'empêche que les sommes
envoyées génèrent d'importantes mutations dans la
configuration socio-spatiale, aussi bien en ville, qu'en campagne.
Dans l'analyse que nous avons effectuée, il ressort que
l'accélération de l'urbanisation et le développement de
l'habitat dans la commune sont indissociables du phénomène
migratoire. Cependant, c'est en milieu rural que les impacts de
l'émigration sont plus visibles. Ayant participé au déclin
du secteur agricole, ces revenus ont introduit de nouveaux styles dans la
manière de vivre de ces populations. La dépendance
vis-à-vis de ces transferts devient d'autant en plus forte que le taux
d'émigration est élevé dans la localité. Enfin, et
ce qui est une caractéristique essentielle de l'émigration dans
ces villages, l'architecture des maisons, qui n'est rien d'autre qu'une
transposition des modèles architecturaux des pays d'accueil, modifient
le paysage des campagnes.
Du côté des autorités gouvernementales et
locales, les efforts pour mieux encadrer les migrants, et du coup, les revenus
transférés, restent souvent sans effets. A l'heure actuelle, il
demeure difficile de parler de développement local sans tenir compte des
actions des émigrés. Ainsi, à travers des associations
fondées sur les liens d'origine,
beaucoup d'actions sont réalisées et qui entrent
dans le cadre du développement de leur localité. Certes, si
beaucoup acceptent l'émigré comme acteur du développement,
il ressort que des actions isolées, qui ne sont pas
intégrées dans une planification cohérente et harmonieuse,
demeurent peu pertinentes. L'investissement dans des domaines productifs des
envois de fonds est un préalable pour une meilleure participation des
émigrés au développement.
La problématique des revenus migratoires dans les
espaces de départ reste inachevée. Même si plusieurs
auteurs en ont consacré leurs recherches, dans la région de
Louga, beaucoup de perspectives de recherche s'offrent. Il serait
intéressant, dans un milieu à vocation sylvo-pastorale,
d'approfondir les interactions entre émigration et agriculture. De
même, en milieu urbain, la problématique de l'urbanisation et de
l'émigration mérite d'être réactualisée.
Les impacts de l'émigration ne se limitent pas à
ces aspects évoqués. Il incombe, aux chercheurs, d'ouvrir encore
des perspectives plus intéressantes sur ce thème
d'actualité.
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24- NOIN Daniel, 2001 « Géographie de la
population »Paris, Armand Collin
25- OCDE, 2005 « Migration, transfert de fonds et
développement », OCDE, 386p
26- PARROT Laurent, 1993, « Le rôle des transferts
migratoires dans l'économie des ménages de la vallée du
fleuve Sénégal » Dakar, ORSTOM
27- Rapport forum des émigrés (4 - 5 janvier
2006), « l'émigration : enjeux, problèmes et
perspectives » Conseil Régional de Louga
28- Résultats du troisième recensement
général de la population et de l'habitat - (2002) rapport de
présentation, mars 2007, Sénégal
29- ROBIN Nelly, 1997 « L'atlas des migrations Ouest
africaines vers l'Europe de 1985 à 1993» Paris, éditions
de l'IRD,
30- SAMB Al Assane, 2003-2004 « Emigration et lutte
contre la pauvreté : analyse socio anthropologique de l'impact de
l'émigration sur la lutte contre la pauvreté dans la commune de
Kebemer » mémoire de maîtrise, Saint Louis, UGB.
31- SARR Moustapha « Louga et sa région : essai
d'intégration des rapports villecampage dans la problématique du
développement » Dakar, IFAN
32- SAVINA Ammassari « Gestion des migrations et
politiques de développement: optimiser les bénéfices de la
migration internationale en Afrique de l'Ouest » cahiers de migrations
internationales, 72F, Genève, BIT, 99p
33- SIMON G, 1990, « Les effets des migrations sur les
pays d'origines : le cas du Maghreb» Paris, éditions SEDES,
34- TALL S. M, 1994 « Les investissements immobiliers
à Dakar des émigrants sénégalais», Revue
Européenne des Migrations Internationales. Vol. 10, n03 :
pp. 13- l5
35- TOURE Moriba et FADAYOMI T.O. « Migration et
Urbanisation au Sud du Sahara : Quels impacts sur les politiques de populations
et de développement ? », Dakar, CODESRIA
LISTE DES FIGURES ET CARTES
CARTES
Carte 1 : Département de Louga 24
Carte 2 : Destinations des émigrés à partir
des principaux foyers de départ dans le
département de Louga 48
Carte 3: Localisation des structures de transfert d'argent dans
la commune de Louga. 61
Carte 4 : extension du périmètre communal de Louga
..96
FIGURES
Figure 1 : Diagramme pays de destinations des
émigrés lougatois 50
Figure 2: Pyramide des ages du département de Louga en
2002 53
Figure 3: Circuits de transferts le plus utilisés par les
émigrés du département de Louga 63 Figure 5:
Histogramme Evolution des transferts au Money Gram (CNCAS) de 2002 à
2006 ..66
Figure 6: Diagramme de fréquence des envois 67
Figure 7 : Façade principale des premières maisons
des émigrés ..92
Figure 8 : Evolution des demandes d'autorisation de construire
97
Figure 9 : Les transformations socio-spatiales liées
à l'émigration lougatoises. Schéma
de synthèse
|
..98
|
PHOTOS
|
|
Photo 1: Concentration des points de transferts en centre ville
|
59
|
Photo 2 : Une villa d'émigré à
Djélerlou Syll
|
82
|
Photos 3 : Deux mosquées construites par les
émigrés de Djélerlou Syll
|
..84
|
Photo 4 : Photographie aérienne du village de
Djélerlou Syll
|
85
|
Photos 5 : Maisons d'émigrés à Louga
|
91
|
Photo 6 : Façade principale maison de la deuxième
génération d'émigré
|
.93
|
Photo 7: Façade principale d'une maison
d'émigré avec magasin
|
94
|
|
116
|
TABLEAUX
Tableau 1: Evolution des moyennes pluviométriques
annuelles de la région 22
Tableau 2: Découpage administrative de la zone
d'étude ..25
Tableau 3: Caractéristiques démographiques et
distribution spatiale de la population . .25 Tableau 4: répartition
des quartiers dans la commune de Louga, 2004 .26
Tableau 5: Situation pluviométrique dans le
département de Louga par rapport aux 3 Normales 30
Tableau 6: Pluviométrie annuelle dans la commune de Louga
et l'arrondissement de Mbédiéne 31
Tableau 7: Evolution des superficies et de la production agricole
dans le département de
Louga
|
..34
|
Tableau 8: Répartition par sexe de la population
émigrée
|
.44
|
Tableau 9: Répartition par age de la population
émigrée
|
45
|
Tableau 10: Situation matrimoniale des émigrés
|
45
|
Tableau 11: Répartition des émigrés selon
l'appartenance religieuse
|
46
|
Tableau 12: Appartenance ethnique des émigrés
|
47
|
Tableau 13: Effectif et répartition par sexe de la
population en 1976 et 1988 à Louga..52
Tableau 14: Structures officielles de transferts d'argent
|
57
|
Tableau 15: montant moyen des transferts réguliers
|
.64
|
Tableau 16 : Montants transférés au niveau de
Western union de la Poste centrale......
|
65
|
Tableau 17 : Montants transférés au niveau de Money
Gram, CNCAS
|
..66
|
Tableau 18: Domaines investissements des émigrés
|
70
|
Tableau 19: Répartition des activités du secteur
tertiaire dans le département de
|
|
Louga
|
.73
|
Tableau 20: Réalisation Self Help
|
106
|
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS
|
...2
|
SIGLES ET ACRONYMES
|
3
|
SOMMAIRE ..
|
.4
|
INTRODUCTION
|
5
|
PROBLEMATIQUE
|
8
|
CADRE ET OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
|
..12
|
METHODOLOGIE
|
13
|
1- La revue bibliographique
|
13
|
2- La phase de visite et d'enquête de terrain
|
..15
|
|
2-1 l'information préliminaire auprès des services
techniques et des diverses institutions
..15
2-2- Choix des sites d'études 16
2-3- L'enquête 17
3- Traitement des données ..17
3-1 - Les données alphanumériques (statistiques)
18
3-2- Les données cartographiques 19
PREMIERE PARTIE : Origines et originalités
de
|
|
l'émigration lougatoise
|
...20
|
Chapitre 1: PRESENTATION DE LA ZONE D'ETUDE
|
.21
|
A/ PRESENTATION SUCCINCTE DE LA REGION DE LOUGA
|
21
|
B/ PRESENTATION DES ZONES D'ETUDES
|
23
|
B-1/ La commune de Louga
|
26
|
B-2/ Les communautés rurales de Ngidilé et de
Niomré
|
27
|
B-2-a/ La communauté rurale de NGuidilé
|
27
|
B-2-b/ La communauté rurale de Niomré
|
28
|
Chapitre 2 : DE LA CRISE DE L'ARACHIDE AUX EFFETS
DES POLITIQUES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL : L'EMIGRATION, UNE
SOLUTION A LA DEGRADATION DES CONDITIONS DE VIE ...29 A/ CONTRAINTES
CLIMATIQUES ET DIFFICULTES DE
L'AGRICULTURE 30
A-1/ Contraintes climatiques ..30
A-2/ Difficultés de l'agriculture .31
B/ LES EFFETS DU CONTEXTE ECONOMIQUE ET DES
POLITIQUES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL 35
C/ L'EFFET DU SUIVISME .37
Chapitre 3 : EVOLUTION DU MOUVEMENT
|
40
|
MIGRATOIRE
A/ L'EMIGRATION AU SENEGAL: l'émigration toucouleur dans
la
|
vallée du fleuve Sénégal
|
40
|
A-1/ Les origines
|
40
|
A-2/ Organisation
|
41
|
A-3/ Impacts
|
42
|
B / CARACTERISTIQUES DE L'EMIGRATION LOUGATOISE
|
43
|
B-1/ Aspects démographiques
|
44
|
B-1-a/ Age et sexe
|
..44
|
B-1-b/ Situation matrimoniale, appartenance ethnique et
religieuse
|
.45
|
B-2/ Destination et organisation de l'émigration
internationale
lougatoise 47
B-2-a/ Destination des émigrés lougatois 49
B-2-b/ Organisation de l'émigration internationale
lougatoise 51
C/ EMIGRATION ET EVOLUTION DEMONGRAPHIQUE DANS LES
ZONES DE DEPART 52
DEUXIEME PARTIE : L'argent des émigrés
56
Chapitre 1: LES REVENUS MIGRATOIRES A LOUGA 56
A/ INSTITUTIONS ET MODES DE TRANSFERTS 57
A-1/ Structures de transferts 57
A-2/ Modes de transferts 62
B/ MONTANTS DES TRANSFERTS ..63
B-1/ Montants des transferts selon l'institution ..64
B- 1-1/ Western Union 64
B-1-2/ Money Gram 66
C/ FREQUENCE DES TRANSFERTS ET UTILISATION DES REVENUS ..67
Chapitre 2 : LES PRINCIPAUX SECTEURS
D'INVESTISSEMENT DES EMIGRES 69
A- DOMAINE D'INVESTISSEMENT DES EMIGRES LOUGATOIS 69
B/ LES INVESTISSEMENTS DANS L'IMMOBILIER ..71
C/ LE TERTIAIRE ET LES SERVICES EN EXPANSION .72
D/ L'INVESTISSEMENT AGRICOLE TIMIDE .76
D-1/ les potentialités 76
D-2/ Des investissements très faibles .77
TROISIEME PARTIE : Des impacts contrastés
79
Chapitre 1 LES EVOLUTIONS DANS L'ESPACE DE
DEPART : LE MONDE RURAL 81
A/ LA TRANSFORMATION DU BATI ET L'EXTENSION DES
VILLAGES 81
A-1/ La transformation du bâti 82
A-2/ L'extension des villages .84
B/ LES NOUVEAUX « MODES DE VIE » .85
C/ UNE AGRICULTURE EN REGRESSION ..86
Chapitre 2 : LES IMPACTS EN MILIEU URBAIN 86
A / LES TRANSFORMATION DANS LA MORPHOLOGIE
URBAINE 89
B/ ARCHITECTURE ET MATERIAUX 90
C/ L'EXTENSION DU PERIMETRE COMMUNAL DE LOUGA .95
Chapitre 3 ROLES ET PLACE DES EMIGRES DANS LE
DEVELOPPEMENT LOCAL ..100
A- L'EMIGRE : ACTEUR DU DEVELOPPEMENT LOCAL ? 100
A-1/ Définition des concepts 100
A-2/ L'émigré : acteur du développement
local ? 101
B- LES POLITIQUES DES AUTORITES LOCALES
LOUGATOISES 102
B-1/ La Mairie ..103
B-2/ Le Conseil Régional .104
C- LE ROLE DES ASSOCIATIONS D'EMIGRES DANS LE DEVELOPPEMENT
LOCAL ..104
C-1- L'action de «Self Help» 105
C-1-a/ L'association 105
C-1-b/ Les réalisations 106
C-2/ L'association des émigrés de Niomré
..107
C-2-a- L'association 107
C-2-b- Les réalisations 108
110
BIBLIOGRAPHIE 112
LISTE DES FIGURES ET CARTES 115
TABLE DES MATIERES 117
ANNEXES 121
Conclusion générale
Annexes
Annexe 1
QUESTIONNAIRE POPULATION VILLE / VILLAGE
SECTION 1 : IDENTIFICATION
..
101- Numéro dossier
|
|
|
102- Sexe
|
Masculin
|
|
1
|
Féminin
|
|
2
|
103- Age
|
|
|
104- Ou êtes vous né ?
|
|
|
Dans la ville / village
|
|
1
|
Dans une autre localité du pays
|
|
2
|
à l'étranger
|
|
3
|
105- Quelle est votre ethnie ?
|
|
1
|
wolof
|
hapuular
|
|
2
|
autres
|
|
3
|
106- Quelle est votre caste ?
|
|
1
|
guér
|
guéwel
|
|
2
|
teugue
|
|
3
|
laobé
|
|
4
|
autres
|
|
5
|
107- Quelle est votre religion ?
|
|
|
Musulmane
tidjane
|
|
1
|
mouride
|
|
2
|
khadrya
|
|
3
|
autres
|
|
4
|
Chrétienne
|
|
|
Catholique
|
|
5
|
protestant
|
|
6
|
autres
|
|
7
|
108- Avez-vous été à l'école ?
|
|
|
École française
|
|
1
|
École arabe
|
|
2
|
École coranique
|
.3
|
|
109- Exercez vous une activité professionnelle ?
oui .1
non .2
110- Dans quel domaine
Fonction publique 1
informel .2
activité agricole 3
Autres (précisez) 4
SECTION 2: MIGRATIONS
201- Combien de parents émigres avez-vous ? 1
202- Que représentent-ils dans votre famille
Fils .1
Mari 2
Frère/soeur 3
Cousin ....4
Autre 5
203- Age ..1
204- Ou est-il né ?
Dans le village / ville 1
Ailleurs 2
205- Où vivait-il avant de partir ?
Dans le village/ ville 1
Dans une autre ville, precicer 2
206- Que faisait-il avant de partir ?
Chômeur 1
Travailleur informel 2
Travailleur agricole 3
Autres (préciser) 4
207- Quel est le motif de la migration ?
Amélioration des conditions de vie 1
Manque de travail 2
Possibilité de gain plus importantes 3
Autre, preciser .4
208- Où est-il ?
France 1
Italie 2
Espagne 3
Etats-Unis 4
Autres (préciser) .5
209- Comment est-il parti. (Si 2 expliquer) ?
Trajet direct .1
Trajet avec escale 2
210- Qu'est qui a guide le choix de leur destination ?
Existence de réseau de parente .1
Facilité d'accès au pays d'accueil 2
autres 3
211- Combien d'années passées en migration ?
Moins de 1 ans 1
1 a 3 2
3 a 6 3
6 a 10 4
Plus de 10 5
212- Combien de fois est-il revenu au pays ?
0
|
.1
|
1
|
2
|
2
|
.3
|
3
|
4
|
4
|
.5
|
Plus de 5
|
6
|
213- Est-il marié ?
|
|
Oui
|
1
|
Non
|
2
|
214- Si oui combien d'enfants
|
|
215- où est sa famille ?
Ici au Sénégal 1
Avec lui en émigration .2
216- Quel est le nombre de personne en charge
SECTION 3 REVENUS
|
?
|
MIGRATOIRES
.1
2
|
301- Envoie-il de l'argent ?
|
Oui
Non
302- Quelle est la fréquence des envois
|
1 fois/ mois
|
|
1
|
1 fois/2 mois
|
|
2
|
1 fois/ 3 mois
|
|
.3
|
Autre (préciser)
|
|
4
|
303- Quel est le montant de ces envois
|
?
|
|
50 000 a 100 000
|
|
.1
|
100 000 a 200 000
|
|
2
|
200 000 a 300 000
|
|
3
|
Plus de 300 000
304- Quel moyen de transfert utilise t-il ?
|
|
4
|
Mandats postaux
|
|
....1
|
Virements bancaires
|
|
2
|
A l'aide d'un tiers,
préciser
|
|
3
|
Autre
|
|
4
|
305- Envois t-il autre chose que de l'argent ?
|
|
|
Oui
|
|
1
|
Non
|
|
2
|
306- Si oui, quoi ?
|
|
|
Matériel électroménager
|
|
.1
|
Automobile
|
|
2
|
Matériel agricole
|
|
.3
|
Autre (préciser)
|
|
4
|
307- Disposez-vous d'une autre source de revenus
|
?
|
|
Oui
|
|
1
|
Non
|
|
2
|
308- Si oui laquelle ?
Agriculture/élevage 1
Commerce 2
Immobilier 3
Autre (préciser) .4
309- Quel utilisation faite vous de ces revenus migratoires ?
Dépense quotidienne .1
Investissement 2
Autre, preciser 3
310- Quelles sont les réalisations faites grâce
à ces revenus ?
Acquisition de terrain/ maison 1
Achat de fond de commerce/ création d'activité
2
Mariage/ dot 3
Achat de matériel agricole ..4
Départ d'un autre membre de la famille 5
Autre (préciser) .6
311- Quels sont vos projets avec ces revenus ?
Immobilier .....1
Agricole 2
Préparation d'un autre candidat ..3
Autre 4
312- Quelle vision avez-vous de l'émigration ?
313-
Que pensez-vous des revenus migratoires ?
Annexe 2
GUIDES D'ENTRETIEN
Guide d'entretien (mairie, conseil régional,
institutions financières) Rapports émigrés et
l'institution
Les politiques et programmes en faveur des
émigrés
Les réalisations accomplies par les institutions
Les transferts monétaires effectués par les
émigrés (statistiques)
Guide d'entretien (associations
d'émigrés) Dénomination et fonctionnement
Objectifs poursuivis
Les principales réalisations
Rapports avec les institutions locales
Les difficultés rencontrées
Guide d'entretien (adressés aux
émigrés)
Les motifs de la migration
Les modalités de la migration (trajectoire, accueil,
insertion) Les transferts monétaires
La régularité de ces transferts
Les objectifs visés à travers ces transferts
Les domaines d'investissement
Pourquoi le choix de ces domaines
Les difficultés rencontrée dans les
réalisations
|