INTRODUCTION
Notre étude porte sur la théorisation de la
dynamique villageoise au Gabon à travers l'analyse particulière
de 150 ans de transformations observables au village Issala dans la province de
la Ngounié. Ces changements ont pu être analysés depuis
l'arrivée des Européens. Paul Belloni du Chaillu, qui a
cartographié les lieux en juillet 1865, sera pour nous un personnage
central ; en ce sens que l'appréhension des changements socioculturels
se fera à partir des zones d'habitation et des centres
d'intérêt qu'il a explorés, particulièrement dans le
département actuel de la Boumi-Louétsi.
La question de la transformation des villages a
été ouverte sur le plan théorique par Georges Balandier et
Jean Claude Pauvert en 1952 dans « Villages gabonais ».
Georges Dupré reprend la question dans « Un ordre et sa
destruction » (1982) en dressant la synthèse des rapports de
force entre la culture nzèbi précoloniale et la modernité.
Annie Merlet, dans Autour du Loango (XIV-XIXè
siècles) : histoire des peuples du Sud-ouest du Gabon au temps du
royaume du Loango et du « Congo français », montre que
Paul Belloni du Chaillu a pu découvrir la question des initiations et
autres pratiques rituelles. Pour notre part, nous ne voyons pas seulement cet
aspect du problème. Ce qui nous importe, c'est de comprendre les
dynamiques de ces sociétés traditionnelles à partir des
changements observables, et entre autres de nous demander si le
déplacement des populations et la durée ont fait oublier les
origines des différentes communautés regroupées à
Issala. Le but de ce travail est donc de saisir les invariants et les variants
de ces sociétés. Pour ce faire, nous avons mené une
enquête en décembre 2006 aux villages Issala, Marembo et dans une
moindre mesure à Idoumi auprès de treize informateurs tous du
genre masculin.
Au terme de notre recherche, nous avons pu appréhender
les conditions dans lesquelles les transformations se sont
opérées. Les données recueillies nous ont permis d'aboutir
à la conclusion que le village Issala actuel est composé
essentiellement des véritables « descendants » de Paul du
Chaillu. Un siècle et demi, après son passage, notre explorateur
est à peine restitué dans la mémoire des peuples du
sud-Gabon , en particulier son épisode tragique qualifié par les
villageois de « guerre de Moubana ». Les changements culturels
observés sont certes inhérents à toute
société humaine mais la culture occidentale a constitué un
catalyseur non moins important dans cette zone.
L'analyse du rapport entre le peuple et son milieu naturel
révèle que celui-ci reste pour lui une attache presque
fondamentale.
APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
Chapitre 1. Cadre théorique
Section 1. Objet et champ de l'étude
1.1. Objet d'étude
L'anthropologie a pour ambition de comprendre l'unité
de l'homme à travers la diversité des moyens qu'il se donne pour
objectiver un monde dont il n'est pas dissociable. Dans cette optique, notre
étude a pour objet de montrer l'évolution socioculturelle des
peuples d'Afrique Noire, en général, et du Gabon en particulier,
notamment du village Issala, depuis près d'un siècle et demi. La
préoccupation première qui guide notre réflexion est de
présenter la civilisation occidentale comme étant la base des
changements socioculturels ; de la « modernisation » des peuples
d'une part, mais aussi comme cause d'acculturation et de l'exode rural des
sociétés traditionnelles d'autre part. Tout ceci se
matérialise par des pratiques et des comportements que les hommes
expriment au quotidien dans ce petit village. D'où la
nécessité de comparer la situation actuelle à celle
vécue par Paul du Chaillu. Mais nous ne voulons pas simplement comparer
; nous voulons comparer pour savoir et comprendre ce qui se passe. À ce
titre, il nous importe de nous frotter aux autres, car le problème de
l'anthropologie est justement de savoir quelle est la situation ancienne et
celle d'aujourd'hui.
Rappelons que Issala est un regroupement de villages jadis
traversés par Paul du Chaillu lors de son second voyage entre 1863 et
1865. C'est un village bilingue où cohabitent les Masango et les
Banzebi. Il est situé à 45 km de Lébamba et est
régi par l'administration départementale de la
Boumi-Louétsi dont le chef lieu est Mbigou.
En menant cette étude, nous attendons retrouver
certains sites et villages explorés par du Chaillu sur les
itinéraires qu'il a empruntés dans la région de la
Ngounié au cours de ses deux voyages (1855-1859 et 1863-1866). Nous
aimerions procéder à l'interview systématique des
habitants des différents villages visités dans cette
région, afin de retracer l'histoire des lieux et de leurs populations
dans le but de faire ressortir la dynamique sociale villageoise près de
150 ans après. Les témoignages de nos informateurs pourront avoir
pour but de faire le point actuel sur les habitudes sociales, les rites encore
en cours, les modes alimentaires, les connaissances de la faune et de la flore.
À notre avis, c'est autant de thèmes d'une importance capitale en
anthropologie, qu'il était important de comparer avec les descriptions
effectuées par Paul du Chaillu.
La reconnaissance des villages de du Chaillu a
été grandement facilitée par la reconstitution
cartographique de Annie Merlet, la revue systématique que ce même
auteur a réalisé en rapport avec tous les
évènements vécus par notre explorateur sur les
différents sites qu'il a visités ; et également par
l'Afrique sauvage mis en forme par Raymond Mayer.
1.2. Champ d'étude
La démarche de notre travail va consister à
rendre d'abord le village dynamique, c'est-à-dire montrer que le village
est une dynamique du point de vue des hommes et des modes de vie (culture).
Puis voir le contact avec notre et la vision de l'administration coloniale
d'abord et contemporaine ensuite. Il nous importe également de voir le
brassage des populations, ainsi que les atouts des cultures internes et
externes. Notre étude s'inscrit donc dans la perspective d'une
spécialisation du domaine de « l'anthropologie culturelle ».
Si l'on considère les variations culturelles comme étant un
problème fondamental et inhérent à toute
société humaine, il est donc important de voir les
transformations imposées par la colonisation depuis la deuxième
moitié du XIXe siècle.
Toutefois, notons que notre étude s'inscrit dans le
domaine de l'anthropologie sociale et culturelle. En effet, l'anthropologie
sociale et culturelle est un pan de l'anthropologie générale,
laquelle se charge d'analyser les sociétés humaines. C'est dans
cette optique que Claude Lévi-Strauss affirme : «
l'anthropologie culturelle et l'anthropologie sociale couvrent exactement le
même programme, l'un partant des techniques et des objets pour aboutir
à l'activité sociale (...) rendant possible et conditionnant la
vie en société, l'autre partant de la vie sociale pour descendre
jusqu'aux choses sur quoi elle imprime sa marque et jusqu'aux activités
à travers lesquelles elles se manifestent » 1.
En effet, lorsque nous abordons le champ de changement
culturel, il y a, de facto, les écoles qui sont interpellées.
C'est le cas du structuro-fonctionnalisme de Alfred Reginald Radcliffe-Brown.
Pour lui, la culture est un élément de la structure sociale, un
aspect de la réalité sociale (A natural science of
society), car il ne peut y avoir de signification sans relation. De
même, Marcel Mauss pense que la culture est un phénomène de
société qu'il qualifie de « physiologique », en ce sens
qu'elle est la traduction de la façon dont cette société
s'exprime et, pour lui, le mot est une abstraction méthodologiquement
dangereuse, parce qu'on ne peut opposer « l'être social » et la
culture, l'homme n'étant pas concevable sans sa culture. Ainsi, le
structuro-fonctionalisme est l'étude des organisations des
1 Claude Lévi-Strauss, Introduction
à l'ethnologie, Paris, p.17.
structures sociales plus que les représentations, des
idéologies et de la culture. C'est donc en référence d'une
telle école de pensée que nous allons mener notre
étude.
1.3. Intérêt anthropologique
Il s'agit dans cette partie de montrer en quoi l'étude
que nous entamons intéresserait la science en général et
l'anthropologie en particulier. Si le Dictionnaire Universel définit
l'anthropologie comme étant l'étude des cultures des
différentes collectivités humaines (institutions, structures
familiales, croyances, technologie...), pour Lévi-Strauss, elle est
« la connaissance globale de l'homme, dans toute son extension
historique et géographique ; aspirant à une connaissance
applicable à l'ensemble du développement humain depuis les
hominidés jusqu'aux races modernes ; et tendant à des
conclusions, positives ou négatives, mais valables pour toutes les
sociétés humaines, depuis la grande ville moderne jusqu'à
la petite tribu mélanésienne. »2
Ainsi, notre étude dont le thème est La
dynamique villageoise : 150 ans de transformation de Issala dans la
Boumi-Louétsi, revêt un intérêt majeur en ce sens
qu'elle se propose de fournir des explications relatives aux variations
culturelles que connaissent nos sociétés traditionnelles. Il
s'agit ici de montrer comment se font les mutations socioculturelles des
peuples, comment sont perçus et gérés ces principaux
changements survenus pendant cette période d'une part. Cette
étude pourrait intéresser de nombreuses entités
administratives, des institutions et organisations non gouvernementales
préoccupées par la question des changements culturels.
D'autre part, l'autre intérêt que peut susciter
cette étude est son caractère globalisant. A travers cette
étude, nous serons obligatoirement amené à
présenter la population du village Issala, c'est-à-dire, les
véritables descendants de Paul du Chaillu et ceux qui ont
immigré. Enfin, étant donné que les cultures sont des
réalités mouvantes, notre étude pourrait contribuer
à fournir à l'anthropologie des connaissances nouvelles sur les
modifications, les logiques et les comportements des peuples de cultures
différentes au Gabon ; influencé par le type d'espace dans lequel
ils ont évolué.
Nous pensons objectivement que cette étude pourrait
offrir à l'anthropologie l'occasion d'explorer des nouvelles pistes de
réflexion qui pourraient mettre en lumière, à partir de la
discipline ethnologique, les formes de pensée, les modes de vie et les
pratiques culturelles de l'heure.
2 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie
structurale : les structures élémentaires de la
parenté, Paris, p.388.
Section 2. Problème et hypothèses
2.1. Le problème
La situation coloniale est un phénomène global
et de nature inégalitaire. En effet, les mutations sociales
observées avec l'arrivée du régime colonial s'accompagnent
d'une accélération du phénomène de mutations
culturelles. La prise en compte de cette situation par les sciences met en
cause la nature des rapports Europe-Afrique comme fait dominant/dominé
et de ce fait, entraîne en conséquence des nouvelles formes
d'analyse scientifique. A cet effet, deux faits sociaux apparemment primitifs
et irrationnels ont leurs raisons d'être face aux
phénomènes modernes. Aujourd'hui, il faut bien reconnaître
que la problématique de cette approche historique aboutit à
situer, comme une fatalité, les sociétés africaines dites
traditionnelles en face des sociétés modernes.
Cette problématique apparaît fondamental comme
« caractéristique commune aux pays qui sont le plus
avancés en matière de développement technologique,
politique, économique, social et culturel ». Par contre, la
notion de société traditionnelle apparaît dans la
littérature anthropologique et sociologique de façon ambiguë
et sans définir le type de modèle formalisé comme tel,
mais plutôt par opposition que par critères spécifiques
reconnus : société traditionnelle - société
industrielle ; société traditionnelle - société
urbaine. Face à cette dualité, notre étude qui porte sur
la dynamique villageoise nous oblige à axer notre réflexion sur
le milieu rural pour mieux faire ressortir les rapports dominants
dominés.
Dans la mesure où la société
traditionnelle nous apparaît comme le milieu par excellence où
cette dualité s'exprime le mieux. Pour coller à cette vision,
Henri Lefebvre disait que « le milieu rural peut se définir
comme étant le lieu de la reproduction des rapports sociaux
contradictoires, espace au départ homogène, se décomposant
et se désarticulant entre périphérie et contrée. Un
tel espace se peuple selon les décrets du pouvoir et permet soit
d'imposer sous une apparente cohérence, rationnelle et objective les
contradictions de la réalité »3. La question
qui nous « taraude » l'esprit est celle de savoir si les changements
socioculturels sont essentiellement caractéristiques des
sociétés paysannes. Comment pouvons-nous saisir les
transformations imposées par celles-ci ? Comment les changements
s'opèrent-ils et quelles en sont leurs origines ?
3 Henri Lefebvre, Le droit à la vie,
Paris, Anthropos, 1968, p. 173.
2.2. Les hypothèses
Pour mener une enquête de manière efficiente sur
un thème aux contours bien définis, le chercheur suit un
processus scientifique général où les hypothèses
jouent un rôle primordial. C'est avec elles que le chercheur se rend sur
le terrain pour collecter les données qui devront les affirmer ou
infirmer. En effet, l'histoire de la période coloniale non encore
dépassionnant s'est focalisée sur les événements
dramatiques ou glorieux, leur donnant tantôt une représentation
apologique, tantôt se faisant le processus de l'exploitation
impérialiste : conquête militaire, pillage des ressources,
domination politique.
De ce fait, les changements sociaux et culturels qui
alimentent l'analyse historique seraient dus à l'établissement de
l'espace issu des pratiques et de l'idéologie coloniale. L'occupation
autochtone de l'espace (terre) sinon fugace par les populations de
l'époque marquerait assurément de la fermeté qui eut pu
orienter l'action administrative en vue d'aboutir à l'instauration de ce
qu'on appelle Regroupement des villages dont Issala en est le
spécimen.
Les mutations sociales observées avec l'arrivée
du régime colonial se seraient accompagnées d'une
accélération du phénomène de mutations culturelles
; lesquelles ayant commencé avant même la période coloniale
avec les échanges de marchandises dès les premiers contacts avec
les Européens vers la fin du XVe siècle jusqu'à
la première moitié du XXe siècle.
De même, l'implantation des missionnaires protestants et
catholiques, puis de l'école semblent être les principales causes
de transformation des sociétés dites « primitives », et
partant occasionnant de nombreux maux : exode rural, perte d'identité
culturelle.
Section 3. Définition des concepts
3.1. La dynamique de changements
Cette expression renvoie aux forces et aux mouvements qu'elle
engendre. C'est-àdire qui manifeste une force, une puissance engendrant
un mouvement .Selon le dictionnaire universel, le mot dynamique revoit à
ce qui manifeste de l'énergie, de l'entrain, de la vitalité.
L'encyclopédie universaliste associe, pour sa part, la dynamique aux
groupes et la défini comme étant une étude
expérimentale des lois qui régissent le comportement des petits
groupes et des individus au sein de ces groupes. Disons que c'est l'ensemble
des techniques qui visent à améliorer, grâce à
l'influence du groupe, le
comportement d'un individu ou du groupe lui-même.
Autrement dit, nous entendons par dynamique de changements, une étude
expérimentale des lois qui régissent le comportement des petits
groupes et des individus au sein de ces groupes. Les sociétés
humaines sont soumises à une perpétuelle évolution. Or,
nous savons que tout système, dans l'explication de l'univers, admet
toujours l'existence de forces visibles et invisibles et aux mouvements qui
s'exercent dans la société. Cette puissance d'action,
d'activité entraîne nécessairement les changements.
3.2. Les changements culturels
Le changement est le fait d'innover, de passer d'un
état à un autre selon le dictionnaire universel. En d'autres
termes, ce sont les modifications, les mutations, les variations, les
transformations qui s'opèrent à un moment donné
précis. Par ailleurs, si nous pouvons admettre simplement la culture
comme étant l'ensemble des connaissances acquises par un individu ;
entendons par changement culturel, les transformations qu'a apporté la
culture de masse rependue par les techniques de diffusion massive (masses
médias : télévision, radio, presse, etc.) au sein de la
masse sociale et culturelle. C'est donc l'ensemble des activités
soumises à des normes socialement et historiquement
différenciées, et des modèles de comportements
transmissibles par l'éducation propre à un groupe social
donné, car chaque société à sa propre culture.
3.3. L'exode rural
Il se définit comme étant une émigration
de tout un peuple. C'est-à-dire le départ en masse d'une
population rurale vers un lieu jugé plus ou moins modernisé
(ville). Les habitants de campagnes vident leurs villages pour s'implanter en
ville. Du coup, ces derniers contribuent de façon inconsciente au
dépeuplement de leur localité au détriment d'une autre. Ce
qui entraîne le vieillissement de la population villageoise et la mort de
celle-ci.
3.4. Tradition
Pour le dictionnaire Universel, la tradition, elle est un
transfert de la possession d'une chose. Autrement dit, c'est une opinion, une
manière de faire transmise par les générations
antérieures (par la coutume, habitudes); c'est donc l'ensemble des
coutumes et croyances ancestrales; la manière de vivre et de penser
léguée par les ancêtres. Bonté Izard pour sa part
pense qu'elle se définie traditionnellement comme ce qui d'un
passé persiste dans le présent où elle est transmise et
demeure agissant et acceptée par ceux qui la reçoivent et
qui, à leur tour, au fil des générations,
la transmettent. La transmission du savoir traditionnelle s'opère
oralement dans la mesure où les hommes ont répété
leur passé avant d'avoir inventé l'écriture ; par exemple
aussi quant il s'agit de perpétuer des pratiques; par l'écriture
également puisqu'il permet de recueillir ce qu'on juge digne ou
nécessaire de conserver.
Mais que transmet-on ?ce qui convient de savoir et de faire au
sein d'un groupe qui ainsi se reconnaît ou s'imagine une identité
collective durable, l'important étant de justifier moins rationnellement
l'obligation que de (croire) s'y conformer correctement. Raconter des mythes
comme on les a entendus, revendiquer une histoire telle qu'on l'a apprise,
faire siennes des idées de toute sorte qui sont autant d'idées
reçues. Cet ensemble plus ou moins cohérent, c'est ce qu'on
appelle une culture. Car culture et tradition vont de paire, dans la mesure
où toute culture est traditionnelle.
3.5. Culture
Elle est l'ensemble des connaissances acquises par un
individu. Autrement dit c'est l'ensemble des activités soumises à
des normes socialement et historiquement différenciées,par
l'éducation propre à un groupe social donné car chaque
société a sa propre culture,entendons donc par culturel ce qui
à trait à la culture. Dans le langage anthropologique, le mot
« culture » a deux acceptions principielles, qui ne sont d'ailleurs
pas séparables l'un de l'autre, selon que l'on évoque « la
» culture en général ou les formes de cultures collectives
pensées et vécues dans l'histoire.
On parle alors des « cultures » de la culture en
général, E. B. Tylor (1871) a donné une définition
qui a conservé une valeur comique : « ensemble complexe incluant
les savoirs, les croyances, l'art, les moeurs, le droit, les coutumes ainsi que
toute disposition ou usage acquise par l'homme vivant en société
» la culture a ainsi quelque chose dont l'existence est inhérent
à la conduction humaine collective,elle en est un « attribut
distinctif » selon Lévi-Strauss, une caractéristique
universelle,la culture s'oppose à cet égard à la nature.
La tradition américaine d'une anthropologie précisément
dite « culturelle » s'est développée depuis F. Boas,
à partir une thématique privilégiant l'analyse des faits
de « culture », alors que l'anthropologie « sociale »,
britannique notamment, portait une attention exclusive aux faits de «
société », les « culturalistes »américains
ont régulièrement tenté de définir la culture,
quitte à faire le constat que l'entreprise est impossible ou triviale
:la recension des définitions de la culture
établie par Alfred Kroeber (1952) et C. Khuckhohn
(1952) laisse l'impression d'une stérile ressassement. En fait, le sens
généralement donné au mot « culture »
relève d'un savoir commun, qui tire la culture vers les choses de
l'esprit. L'anthropologie culturelle ne s'est cependant pas contentée de
commenter inlassablement la définition empirique de Tylor.
Elle a porté son attention sur de caractère
fondamental de la culture, qui est sa transmissibilité. Le mot culture a
ainsi acquis un sens proche de celui de « civilisation ».quant
à la notion de transmissibilité, elle est couramment
expliquée ou illustrée par l'emploi de mot ou expression tels que
« tradition », « culture », « tradition culturelle
», « héritage culturelle »,
etc. la culture selon une formule
familière aux sociétés africaines,c'est ce que l'on «
trouve en naissant».aller plus en avant dans la compréhension de la
notion de culture est affaire d'inventaire de contenu, de niveau
d'investigation, de mode de totalisation de traits et de détermination
d'écart ainsi, pour ce qui concerne le contenu de la culture, l'habitus
technique s'est généralement vu assigné une importance
moindre que les déterminations d'ordre intellectuel,la culture
apparaissant comme une sorte de capital spirituelle dont la
société est le dépositaire et- dans le monde moderne.
Cadre méthodologique
Approche méthodologique
Les raisons d'un choix
Les explorations du sud du Gabon par Paul du Chaillu depuis
près de 150 ans lui ont permis de découvrir et décrire les
modes de vie, des cultures et des traditions. Or, depuis lors, la
société a subi d'importantes mutations aussi bien sur les plans
politique, économique, social que culturel. La société
traditionnelle étant orale, il nous a donc paru fiable de discuter
directement avec les populations afin de saisir à juste titre les
typologies des pratiques culturelles de nos jours et ses variances. Nous avons
pensé que l'entretien semi-direct était le meilleur moyen.
C'est-à-dire que nous disposions d'une série des
questions à partir desquelles nos informateurs donnaient leurs avis.
Cette forme d'enquête nous a permis de « recueillir les informations
en relation avec le but fixé »4. Ce qui a pu canaliser
nos informateurs. En outre, cette technique d'entretien nous permet d'avoir des
corpus des textes aussi bien en français qu'en isangu que nous
transcrivons en français par la suite. Il nous a aussi permis de faire
parler librement des informateurs. Mais cette démarche a
été précédée d'une pré-
enquête.
Pré-enquête
Tout travail de recherche comme celui-ci doit toujours se
définir une méthode qui lui permet d'atteindre les objectifs
qu'il s'est fixés. Autrement dit, c'est s'accorder avec Madeleine
Grawitz qui pense qu'il faut user de « l'ensemble des
opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche
à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les
démontre, les vérifies »5. Pour ce qui nous
concerne, trois étapes ont constitué notre stratégie de
recherche, notamment : la recherche bibliographique, l'élaboration d'un
guide d'entretien et la collecte des données sur le terrain.
Notre étude menée en premier lieu sur une base
exploratoire du 25 mars 2006, année de licence, nous a conduit dans le
sud du Gabon, en particulier dans le village Issala du canton Wano-Ivindzi (40
km de Lébamba). Comme nous l'avons vu plus haut, Issala est un
regroupement de seize villages situé entre le chef-lieu du
département de la LouétsiWano (Lébamba) et celui de la
Boumi-Louétsi (Mbigou). Précisons que ce canton est une
4 Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences
sociales, Paris, Dalloz, 11 è éd., 2001, p. 351.
5 Idem.
composante administrative de Mbigou. Cette base exploratoire
nous a permis de préparer le terrain, d'identifier les informateurs,
d'établir les stratégies de collecte, mais également de
prévoir le matériel d'enquête. Osons dire que cette
pré-enquête s'est établie sur une longue période
dont le point de départ remonte à notre première
année universitaire, lors des missions effectuées au Gabon du 17
juillet au 9 août 2004 par Jean Marie Hombert et Raymond Mayer,
intitulées : Sur les traces de du Chaillu. Elle nous aura servi à
définir les items centraux et élaborer le guide d'entretien.
Bibliographie analytique et contextes sociaux de
production Bibliographie analytique
Comme toute recherche scientifique, la recherche
anthropologique fait appel à la recension de la documentation existante.
En effet, l'anthropologie, perçue comme une discipline pragmatique, ne
rejette pas pour autant l'efficacité de la référence
à un cadre théorique pour éclairer les faits et guider les
analyses ; car la fécondité de la collecte est
déterminée par la lecture d'ouvrages fondamentaux renseignant sur
la zone d'étude, les domaines et les disciplines que la recherche en
cours implique. De ce fait, l'anthropologie textuelle a constitué la
première étape de notre recherche. Nous avons
procédé à une analyse bibliographique et filmographique
des documents. Il s'agit de procéder, pour chaque document, à une
analyse bibliographique et biographique de l'auteur, résumé de
l'ouvrage et d'en préciser le contexte de production. Elle fait
essentiellement référence à un travail de
pré-enquête. Il est donc nécessaire de prendre connaissance
de quelques travaux.
Dans ce cadre, nous avons consulté quelques ouvrages
ayant trait aux changements culturels depuis plusieurs décennies, et au
fondement de l'anthropologie. Ces ouvrages composés entre autres des
rapports académiques ou non, des ouvrages scientifiques... nous ont
été fournis par des centres de documentation, notamment : le
Centre Culturel Français (CCF), la Bibliothèque Nationale (BN),
la Bibliothèque du Département d'Anthropologie (BDA), la
Bibliothèque Universitaire (BU), le Laboratoire d'Anthropologie (LABAN),
le Laboratoire Universitaire de la Tradition Orale (LUTO), le Centre
International de Civilisation Bantu (CICIBA), la Bibliothèque municipale
du 3è arrondissement, la Vidéothèque d'Okala, le
Musée National des Arts et Tradition, ainsi que l'Ambassade de France au
Gabon.
Ainsi, nous présentons ici les contextes sociaux de
production des auteurs qui ont abordé le même objet que nous :
Georges Balandier, Georges Dupré, Annie Merlet, Philippe Descola,
Bernardin Minko Mvé.
Contexte social de production de Georges Balandier
Georges Balandier. Sens et puissance, Paris, PUF, 1971.
Georges Balandier est professeur à la Sorbonne. Il a
été directeur d'études à l'école des hautes
études en sciences sociales, directeur du laboratoire de sociologie et
de géographie africaine (CNRS), membre de plusieurs académies et
sociétés savantes.
Son activité de recherche reste principalement
localisée en Afrique occidentale et en Afrique centrale. Ses
études ont porté sur les problèmes de changement social et
culturel, du développement et de ces crises.
Dans cet ouvrage, l'auteur aborde la question de changement
interne des sociétés. Il démontre, en effet, que toutes
les sociétés sont changeantes ; et défend également
la problématique contraire à l'assertion selon laquelle les
sociétés dites primitives sont profondément statiques.
Tout au long de l'ouvrage, nous voyons bien que tout processus de
développement entraîne nécessairement un conflit qui
aboutit à la modification de la structure.
Contexte social de production de George
Dupré
Georges Dupré. Un ordre et sa
destinée, Paris, ORSTOM, 1982.
Dans cet ouvrage, l'auteur présente la vie et
l'organisation sociale de la société Nzèbi dans le monde
rural du Congo au cours de son histoire. L'ouvrage fait une synthèse de
rapport de force entre la culture Nzèbi (en ordre) et la
modernité représentée par la culture occidentale
(destruction). Le chapitre qui nous a intéressé le plus se situe
dans la deuxième partie qui fait l'analyse de la société
Nzèbi précoloniale. Il présente les diverses structures
sociales, socio-économiques à travers la pratique de la chasse,
la pêche, la cueillette, l'agriculture, l'élevage... La vision du
monde, les habitudes alimentaires et les rapports société et
environnement. Cet ouvrage nous est d'un intérêt de choix par la
qualité de ses informations sur un ensemble de savoirs et savoirs faire
des peuples Nzèbi avant et pendant la colonisation. Son apport
théorique nous a aussi permis d'avoir les premières impressions
sur l'objet de notre recherche.
Contexte social de production d'Annie Merlet
Annie Merlet. Loango (XIV-XIX
siècle) : histoire des peuples du Sud-ouest du Gabon au temps du royaume
du Loango et du « Congo français », Libreville, Paris,
CCF Saint Exupéry-Sépia, 549 p.
Annie Merlet est auteur de plusieurs ouvrages qui retracent la
vie des peuples du Gabon à une époque donnée. Dans
l'ouvrage que nous présentons, l'auteur raconte les voyages de du
Chaillu autour du Loango. Au cours de son voyage, du Chaillu a pu
découvrir les peuples du Gabon profond, leur mode de vie, leur culture
et leur tradition. Il notifie que le Ndèmbè par exemple a ce
qu'il paraît est l'esprit spécialement adoré par leur sexe.
Les femmes Bakèlais et également celle de toutes les autres
tribus qu'il a rencontrées dans ses voyages, rendent hommage à un
esprit qui porte partout le même nom. Près du littoral, on
prononce Njembey mais, c'est évidemment la même chose. Chez les
Nkomi, cas décrit dans cette partie de l'oeuvre, les hommes
étaient sévèrement punis s'ils étaient curieux de
connaître les mystères de ce culte. Or aujourd'hui, nous
constatons des hommes dans la confrérie féminine. Comme quoi, la
culture a perdu un peu de ses valeurs cardinales.
Contexte social de production de Philippe
Descola
Philippe Descola. La nature domestique.
Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achuar, Paris, Maison des
sciences de l'homme, 1986, 450 p.
L'auteur est un anthropologue français. Il est
directeur d'étude à l'école des hautes études en
sciences sociales et membre du laboratoire d'anthropologie au collège de
France (Paris).
En 1976, par l'entremise du Laboratoire d'anthropologie
sociale (sous la direction de Claude Lévi-Strauss), il va
bénéficier d'une mission du Centre National de la Recherche
Scientifique (CNRS). Ainsi, il prendra attache avec les indiens Achuar de
l'Amazonie équatoriale. De retour en France en 1974, il rédigea
une thèse dont le livre fait l'objet principal.
Dans cet ouvrage, l'auteur fait une analyse de la question
relative aux rapports de la société Achuar à leur
environnement immédiat. Ainsi, il examine le processus de socialisation
de la nature sous la forme technique, symbolique, matérielle et
conceptuelle. A travers ses écrits, l'auteur montre comment les
pratiques sociales de la nature sont en étroite relation avec la
conception qu'une société se fait d'elle même ; la
conception
qu'elle se fait de son environnement physique et aussi, de son
action sur cet environnement. Les Achuar ont un savoir pratique et
théorique de leur environnement. Ce savoir est matérialisé
dans leur mode d'usage de la nature.
Dans le cas de notre recherche, cet ouvrage nous permet de
comprendre la relation existante entre les réalités culturelles
et les réalités naturelles ; c'est-à-dire, entre l'homme
et son milieu d'origine, comme c'est le cas entre les populations du village
Issala actuel. De fait, cette analyse nous édifie par rapport à
la place qu'occupe l'homme dans le milieu naturel d'une part, et les rapports
qui régissent les deux, d'autre part. A partir de cela, nous comprenons
que la production symbolique et la perfection des techniques concourent
à l'élaboration d'un modèle identitaire.
Contexte social de production de Bernardin Minko
Mvé
Bernardin Minko Mvé. Gabon entre
tradition et post-modernité. Dynamique des structures d'accueil
fang, Paris, L'Harmattan, 2003, 250 p.
Bernardin Minko Mvé est originaire du Nord du Gabon
(Woumou par Bitam). Il est titulaire d'un Doctorat Nouveau régime en
socio-ethnologie (UNSA) à Nile en France. Ancien responsable des
publications à l'académie des sciences d'Outre-Mer (Paris), il
est actuellement enseignant à l'université Omar Bongo de
Libreville. Depuis le début de l'année académique 2006, il
est chef du département d'anthropologie. L'auteur,
préoccupé par la disparition du patrimoine culturel traditionnel
africain, il travail sur un projet de rédaction des « Récits
de vie » de personne du troisième âge.
L'oeuvre de Minko Mvé porte sur les transformations qui
affectent les sociétés contemporaines en général et
la société gabonaise en particulier. De ce fait, il s'appuie en
l'occurrence sur la dynamique des cultures d'accueil fang. Cette oeuvre
s'inscrit dans le champ de l'anthropologie sociale et culturelle.
Ainsi, la préoccupation de l'auteur se base sur les
transformations qui affectent les formations contemporaines en
général, et la société gabonaise en particulier ;
car depuis quelques décennies, on assiste à une remise en cause
des facteurs dominants de la modernité, du moins, de cette tendance
centrale et plus précisément de l'assise que constituaient le
progrès, le développement et les dynamiques sociales, sous leurs
divers aspects.
Cette oeuvre nous propose une diversité de solutions
qui peuvent lutter contre la perte de l'identité culturelle. En effet,
à l'heure de la mondialisation, le Gabon doit pouvoir compter sur la
force de la culture par :
- la récupération, la réappropriation et
la valorisation des savoirs, savoir-faire ancestraux susceptibles de promouvoir
la culture gabonaise.
- L'adaptation des techniques modernes au contexte local,
c'est-à-dire qui tiennent compte de nos réalités
sociales.
- Savoir que la diversité culturelle n'est pas
l'uniformisation du monde, car chaque culture a ses réalités, ses
richesses et ses défauts. Donc, elle est un instrument de progrès
et de développement à base duquel un accent doit être mis
sur les facteurs historiques et culturels.
L'intérêt porté à cette oeuvre va
du fait qu'elle met en relief les changements sociaux qui résultent du
phénomène moderne. Autrement dit, cette oeuvre mène un
combat pour la sauvegarde de nos valeurs culturelles traditionnelles dans un
monde en évolution est plus que nécessaire. Gabon entre tradition
et post-modernité, propose, à travers la dynamique d'accueil
fang, une réflexion d'ensemble sur les transformations sociales et
culturelles rapides qui affectent la réalité gabonaise. A travers
ces trois grandes parties, il est question de l'analyse de la coexistence de
deux matrices, tradition et post-modernité, qui n'engendre pas toujours
une complémentarité harmonieuse.
En somme, tous ces ouvrages apportent un éclairage
à notre objet de recherche. Mais ils ne répondent pas
nécessairement à notre objet d'étude et ne font pas un
bilan des changements culturels survenus depuis près d'un siècle
et demi. De même qu'ils n'abordent pas la question des regroupements des
villages instaurés au lendemain des indépendances par les
nouvelles autorités administratives, en vue de mieux administrer les
populations villageoises.
Méthodologie de corpus de terrain
Nous abordons maintenant la phase pratique de notre
étude car nous y fonderons nos analyses. Ainsi, faire du terrain revient
à rendre raison des pratiques ignorées, mal comprises ou
méprisées dont les données recueillies ne sont pas
analysées en dehors de leur contexte de production. En effet, il s'agit
de collecter des données brutes, en déduire les contextes de
collecte et redonner les récits. L'objet d'étude induit donc la
méthode à appliquer ; le terrain dicte sa loi à
l'enquêteur. Pour cette approche du terrain, il s'agira de
dégager la grille de collecte des données et les
récits des informateurs dont nous aurons le plaisir d'en
présenter une huitaine. En pratique, nous avons fait
précéder notre enquête d'une pré-enquête qui
permet de tâter le terrain.
Présentation des informateurs
Le premier informateur rencontré est Georges
Mbembo (né vers 1952, village d'origine Mughiba, clan :
Sima-Maduma ; clan du père Mbaghu), Chef du regroupement, chez qui nous
nous sommes rendus pour annoncer notre arrivée dans le village. A la
descente du véhicule, le drapeau national a été notre
repère pour la localisation du domicile du chef. Les jeunes
trouvés au corps de garde nous ayant annoncé, le chef donna
l'ordre de nous introduire. Après les salutations d'usage, nous avons
décliné notre identité (nom, prénom, ethnie, clan,
lignage et la provenance), puis le mobile de notre visite. Puis le chef nous a
rendu la politesse. Il s'est réjouit de notre appartenance au même
clan que lui. Ce qui faisait de nous son « fils », donnant raison
à Lévi-Strauss pour qui, la parenté est d'abord sociale
puis biologique.
Il s'est souvenu du passage de deux équipes de «
chercheurs blancs » dont l'une était conduite par un prêtre
et l'autre composée de trois blancs dont une femme qu'accompagnait un
jeune gabonais. Nous nous retrouvions dans cette dernière et lui avons
fait savoir que ce jeune gabonais était son hôte présent. A
ce rappel, il s'est fortement réjoui de ce que les blancs aient choisi
leur « propre fils » pour étudier leur société.
Immédiatement, nous avons, en sa compagnie, fait le tour du village en
nous conduisant chez les personnes ressource dont la notoriété
leur est reconnue.
Le deuxième informateur est Patrice
Ikia, agriculteur, (né vers 1920, village d'origine Mughiba,
clan : Sima ; clan du père : Dzobu ;). En ce qui concerne notre
entretien, il s'est déroulé dans de très bonnes
conditions. Notre informateur nous a donné les raisons de leur
regroupement dans ce village, leur origine et la position de ce village par
rapport au fleuve Wano.
Le troisième informateur est Sébastien
Nzenguet Loundou, menuisier-charpentier, (ignore sa date de naissance
; village d'origine : Mughiba ; clan : Mutuka ; clan du père : Bugundu).
Notre rencontre a lieu dans le corps de garde qui fait face au domicile du chef
du village situé avant l'école protestante. C'est
également dans le corps de garde que nous avons fait la connaissance des
informateurs 6 et 7. Avec lui, nous nous sommes entretenu
sur les différents clans des habitants de ce village,
les raisons de leur regroupement puis la séparation des villages masango
dont une partie est dans le regroupement de Mayani.
Le quatrième informateur s'appelle nomme
Massala-ma-Mukambela, infirmier à la retraite et ancien
député, (né vers 1923 ; village d'origine : non
précisé ; clan : Mululu ; clan du père : Sima). Notre
première rencontre s'est déroulée à son domicile
situé au bout de la bretelle gauche du village. Bien que l'ayant
trouvé à table, l'enquêté s'est
félicité de ce que nous soyons arrivé dans son village et
surtout d'avoir choisi ce thème de recherche dans la mesure où
lui-même faisait déjà partie de l'équipe que
conduisait le prêtre décrite plus haut. Donc spontanément,
il a accepté volontiers de nous entretenir. L'entretien a porté
sur les causes qui ont conduit les populations masango à s'installer
ici, de la politique coloniale en passant par la loi cadre de 1956 qui abroge
la ségrégation jusqu'à la sortie des villages vers les
routes.
Le cinquième informateur est Marcel
Divaku, agriculteur, (ignore sa date de naissance ; village d'origine
: Mughiba ; clan : Ndzobo ; clan du père : Bukombo). Notre premier
contact a lieu devant son domicile faisant légèrement face
à la première pompe publique du village. Avec lui, nous avons
recueilli les informations sur les différents noms des villages
regroupés à Issala, ainsi que de la praticabilité ou non
de ses zones et de l'existence du mont Birughu.
Le sixième informateur s'appelle Félix
Ibala, chef du village, agriculteur (ignore sa date de naissance ;
village d'origine : Mubana ; clan : Sima-Maduma ; clan du père :
Sima-Mbaghu). Rencontré dans le corps comme annoncé au niveau de
l'informateur 3, cet entretien qui s'est fait dans une ambiance bon enfant a
porté sur la guerre des clans qui eut lieu avant 1856,
c'est-à-dire, avant le coup de feu malheureux de l'un des compagnons de
du Chaillu qui avait abattu un villageois (Dit la guerre de du Chaillu). Puis,
sur les différentes activités des populations de son village.
Le septième informateur rencontré
simultanément avec les informateurs 3 et 6 est Joseph
Maduma, agriculteur (il ignore sa date de naissance ; village
d'origine : Impungu ; clan : Sima-Mupigha ; clan du père : Sima-Maduma).
Un peu réticent au départ, papa Maduma s'est ouvert à nous
après avoir su que nous étions du clan sima d'une part, et de
nous entendre mal prononcer certains mots en isango. Ce qui a été
source d'hilarité d'autre part. notre entretien a porté sur les
anciens villages, ainsi que les raisons qui les poussent à les
fréquenter jusqu'à présent.
Le huitième informateur se nomme Samuel
Nzengui, cultivateur, (né vers 1958 ; village d'origine :
Mughiba ; clan : Sima-Irungui ; clan du père : Mutuka). C'est devant
l'église en construction qui juxtapose son domicile que nous l'avons
rencontré, car il admirait le travail des peintres et menuisiers de
cette nouvelle bâtisse que construit un fils du village. Il a
montré sa disponibilité et son total dévouement de nous
entretenir dès que possible après que le chef nous eûmes
présenté. Notre entretien a porté sur les rites et les
interdits qui caractérisent leur culture.
Précisons qu'après avoir pris connaissance de
tous nos futurs informateurs, le chef de regroupement a tenu à nous
conduire chez un fils du village, l'un des intellectuels du coin à qui
est reconnue une notoriété sociale, venu en week-end pour des
activités personnelles. Au cours de notre entrevue, ce dernier nous a
soumis à un interrogatoire portant sur les mobiles du choix de leur
village, alors que Memba et Mouyamba d'où nous sommes originaire sont
autant que Issala des regroupements. Quel est le but visé par cette
étude et qu'est ce que les populations dudit village gagnent ? Avait-il
poursuivi.
C'est seulement après avoir pris connaissance de notre
recommandation officielle et nos réponses c'est-à-dire que du
chaillu n'étant pas passé par ces villages, qu'il se
résolu à donner quitus au chef de nous entretenir auprès
des personnes dignes de cultures et d'un savoir historique. A condition qu'un
exemplaire de notre recherche leur soit rapporté, pour attester de la
reproduction fidèle des informations recueillies. Avant de prendre
congé de nous, il a tenu à se présenter :
Le neuvième informateur se nomme Moulengui
Mabende, orinaire du village Mughiba. Après ses études
supérieures à Libreville et en France. Il est Directeur
Général à la Banque Internationale pour le Commerce et
l'Industrie (BICIG) de Mouila. Il est un Musangu du clan Mutuka et de
père Sima-Mupiga. Nous l'avons rencontré à son domicile
où m'avait conduit le chef de regroupement. Il s'est
félicité de l'initiative que nous avons prise quant à la
revalorisation de nos cultures et traditions, C'est devant l'église en
construction qui juxtapose son domicile que nous l'avons rencontré, car
il admirait le travail des peintres et menuisiers de cette nouvelle
bâtisse que construit un fils du village. Il a montré sa
disponibilité et son total dévouement de nous entretenir
dès que possible après que le chef nous eûmes
présenté. Notre entretien a porté sur les rites et les
interdits qui caractérisent leur culture
« Je suis Moulengui Mabende. Comme venait de le dire
le chef, je suis fils de ce village. Après mes études
supérieures à Libreville et en France, j 'ai fait quelques
travaux relatifs à ton domaine (voir travaux
de Pierre Ambrouche en France et madame Well au
ministère de la culture à Libreville). Je suis actuellement
Directeur Général à la Banque Internationale pour le
Commerce et l'Industrie (BICIG) de Mouila. Je suis musangu du clan Mutuka et de
père Sima-Mupiga. Je te félicite d'avoir pris le courage de
travailler sur nos propres sociétés. A cet effet, je te souhaite
une bonne chance ».
Le dixième informateur6 rencontré
à nouveau au cours de notre second passage est Georges
Mbémbo (né vers 1952, village d'origine Mughiba, clan :
Sima-Maduma ; clan du père Mbaghu), Chef du regroupement. Ce
récit porte sur la guerre ethnique entre les Massango et les
Nzèbi. C'est également avec lui que nous nous sommes entretenu en
qualité de onzième informateur. Cette fois, l'entretien à
porté toujours sur la le phénomène de guerre
enregistré dans cette région dite : la guerre de Moubana.
Le onzième informateur est
Massala-ma-Mukambela, infirmier à la retraite et ancien
député, (né vers 1923 ; village d'origine : non
précisé ; clan : Mululu ; clan du père : Sima).
L'entretien a porté sur les causes qui ont conduit les populations
masango à s'installer ici, de la politique coloniale en passant par la
loi cadre de 1956 qui abroge la ségrégation jusqu'à la
sortie des villages vers les routes.
Notre douzième informateur se nomme papa
Bousiengui : chef de quartier PK 12 à Libreville.
Récit collecté le 10 Mai 2007 Par Simple Ockoy Elingou. Il
à porté sur l'origine du village dont il est issu : Issala ; son
implantation sur le site actuel et la praticabilité des anciens
villages.
Le treizième informateur est Lévoga Jean
Gabriel. Il est le chef de regroupement du village Marémbo.
Notre entretien a porté à Lébamba, Issala et à
Marémbo.
Le quatorzième informateur rencontré est
Boussiengui. Il est âgé de 56 ans ; village
d'origine : Ipungu ; clan : Sima Mupigha ; clan du père : Sima Maduma.
Récit collecté à Libreville le 10 mai 2007. Avec lui, nous
nous sommes entretenus sur l'implantation du village Issala ainsi que de la
praticabilité des anciens villages.
Enquête et résultats
La recherche anthropologique obéit à une
méthode un peu particulière souvent adaptée à la
situation de l'enquête, aux types de matériaux en présence.
Nous avons aussi la méthode d'entretien, et particulièrement
celle de l'entretien semi direct pour avoir le plus d'information possible.
L'entretien suppose une communication, une interaction entre
l'enquêté et l'enquêteur. Les méthodes de l'entretien
se caractérisent par un contact direct
6 ( ) Voir localisation de chaque informateur sur le
croquis.
entre le chercheur et ses interlocuteurs. Dans cette optique,
Madeleine Grawitz définit l'entretien comme « un
procédé d'investigation scientifique, utilisant un processus de
communication verbale pour recueillir les informations en relation avec le but
fixé ».7
Ainsi, pour notre enquête, cinq principaux instruments
ont été utilisés, à savoir : un bloc note, un
crayon à papier, une gomme, un dictaphone, un appareil photo de type
reflex. Cette enquête a lieu les samedi 1er et dimanche 2
avril 2006. Notre échantillon est de dix huit informateurs dont
l'âge est compris entre 75 et 88 ans.
En ce qui concerne la méthode utilisée, nous
nous accordons avec Jean Copans qui affirme : « Le métier
d'anthropologie se définit non seulement comme la recherche
théorique (...) mais aussi comme une pratique d'enquête où
la préoccupation de la méthode devient primordiale.
»8 Ainsi, nous avons eu recours à l'entretien semi
direct, c'est-à-dire que nous disposions d'une série de questions
pour lesquelles les informateurs donnaient leur avis. Cette forme
d'enquête que nous pensions la mieux adaptée à notre cas
nous a permis de recueillir les informations en relation avec le but
fixé ; de vérifier les informations préalablement admises
par, non seulement nos lectures de L'Afrique sauvage de Paul du Chaillu, mais
aussi de vérifier les données collectées en 2004 lors de
notre toute première participation à une phase de collecte des
données9. Cette enquête nous a permis de
vérifier les informations auprès des populations autochtones
d'Issala. Notons que nos informateurs ont été choisis
principalement par le chef de regroupement dudit village.
Animé par le souci de faire ressortir la
vérité historique en vue de revaloriser leurs anciens villages,
son choix portait donc sur la sagesse et le poids de la culture que ces
derniers détiennent. Cet entretien initialement prévu dans le
corps de garde du chef du village, a finalement eu lieu au domicile de monsieur
Patrice Ikia en raison de son infirmité et de son âge
avancé (plus âgé de tous).
En réunissant tous les informateurs dans une maison, le
but visé par le chef de regroupement consistait non seulement à
vérifier pour chacun la véracité des propos
qu'énonçait chacun d'eux, car le poids de l'âge fait
parfois perdre les facultés mentales. Cette occasion a permis à
certains d'entre eux de réajuster quelques petits détails qui
échappaient à celui qui avait la parole. Notons que cette
enquête s'est déroulée en deux
7 Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences
sociales, Paris, Dalloz, 10e éd., 1996, p. 586.
8 Jean Copans, Introduction à l'Ethnologie
et l'Anthropologie, Paris, éd. Nathan, 1996,128 p.
9 Pendant que nous étions en première
année, nous avons eu l'opportunité d'accompagner les Professeurs
Raymond MAYER : Antropologue (UOB/LABAN/ Libreville Gabon), J. M. Hombert :
Linguiste - (CNRS - Paris France), et de Mme R.Vercauteren
Drubbel-Medecin-(ULB-Bruxelles) dans le cadre de cet même objet
d'étude.
phases, la première en groupe et la seconde uniquement
avec le chef du regroupement. Ce dernier, en tant qu'administrateur, a pris la
charge de notre hébergement, dans l'hospitalité la plus
conviviale.
Les difficultés rencontrées
Au niveau de la pré-enquête, le travail
documentaire a posé un peu de problèmes eu égard au manque
de documents abondant relatifs aux changements culturels des peuples d'Afrique
centrale en général et du Gabon en particulier. Quant à la
documentation existante, elle n'a pas pu satisfaire totalement notre
appétit. De plus, la localisation des informateurs originaires du
village Issala vivant à Libreville n'a pas été facile. Des
rares personnes rencontrées qui auraient bien pu être nos
informateurs, les entretiens n'ont pas eut lieu en raison de leurs
activités professionnelles très complexes (travailleurs du
privé). Le petit temps qu'ils ont bien voulu nous accorder a
malheureusement coïncidé avec notre déplacement pour le
village Issala.
Par contre, les difficultés ont été
d'abord d'ordre financier, dans la mesure où le simple
déplacement de Libreville pour Issala (aller et retour) nécessite
déjà toute la bourse mensuelle d'un étudiant. L'autre
difficulté résidait dans le fait que les populations autochtones
ne perçoivent pas la nécessité d'une telle recherche.
Certains voyaient en nous des espions des « Blancs ». Nous avons
surtout fait face au problème de moyen de locomotion. L'unique
véhicule régulier (Lébamba-Mbigou) ne trouvant pas la
nécessité d'embarquer ceux qui descendent à mi-chemin,
alors qu'il y avait assez de passager de Mbigou. Nous avions donc dû
avoir recours à la supplication d'un chauffeur habitant de Makongonio (8
km avant Issala). Le retour nous a donc soumis à un exercice de marche
solitaire. Dans l'espoir de retrouver notre chauffeur de départ. Les
conditions météorologiques n'étaient pas en reste : une
grande pluie s'est abattue sur nous 15mn à peine après notre
départ du village. Issala étant une zone montagneuse de
forêt dense, la pluviométrie est en effet abondante et
récurrente.
Dans tous les cas nous avons été satisfait de
par la qualité de l'accueil qui nous a été
réservé. De par les données recueillies qui cadrent
parfaitement avec nos hypothèses, mais aussi par le comportement de nos
informateurs qui ont bien voulu nous aider dans l'élaboration de ce
modeste travail.
Les corpus qui suivent ont été transcrits en
isango puis traduit en français de façon littéraire. Tous
nos informateurs du village Issala sont tous Masango, mais de clans
différents.
Première partie :
Localisation des villages anciens
Chapitre 3. Déplacement des populations
Section 1 : Les villages anciens et Paul du Chaillu
En parlant des villages anciens et Paul du Chaillu,
l'idée essentielle qui guide notre réflexion ici est surtout de
faire ressortir les rapports étroits qui existent entre l'Europe et
l'Afrique, c'est-à-dire la civilisation occidentale et la notre par
l'entremise de notre explorateur dont nous allons présenter
brièvement.
En effet, Paul Bellonni du Chaillu (1831-1903) fut le premier
explorateur de l'intérieur du Gabon, qu'il parcouru huit années
durant, aussi bien en pirogue qu'à pied, au cours de deux voyages,
à la découverte des populations et de la faune. Il observa en
premier les populations pygmées et en donna les mensurations. Il
découvrit également nombreux sites et villages dont certains font
l'objet de notre étude, sur les itinéraires qu'il emprunta lors
des dits voyages.10
En effet, en prenant part aux travaux de recherche
menés sur les traces de du Chaillu, du 30 juillet au 6 août 2004,
dans l'équipe de Mouila, aux côtés de nos
maîtres11, alors que nous faisions encore nos premiers pas
dans la recherche, nous avions particulièrement été
flatté par la beauté des paysages et par la sauvegarde de nos
patrimoines culturels dont du Chaillu en faisait déjà état
dans cette région. Si pour cette première expérience - la
mission consistait à explorer l'avant dernière et dernière
partie du second voyage de du Chaillu en pays punu, tsogho et masango -,
l'itinéraire comprenait successivement la traversée des villages
Nièmbu ouest, Mongo, Nièmbu Oluba situé au pied du mont
Biroughou, Moubana, la traversée de la rivière Mbémbo
jusqu'au village Mouawou Komb' qui et la terre finale du voyage de du
Chaillu.
Pour notre part, il nous convient juste de vérifier
à notre manière et à notre niveau l'existence des village
près de 150 ans plus tard après le passage de notre explorateur,
ainsi que bien d'autres sites dont il en fait état dans L'Afrique
sauvage. Les explorations que nous avons menées dans notre zone
d'étude nous ont permis de reconnaître les paysages et villages
déjà existant du temps de du Chaillu (cf. photos 9, 10 et 11),
ainsi que de nouvelles implantations humaines. Les sites principaux que nous
souhaitions visiter était le mont Biroughou Bouangue (photo 10 du
présent travail et dessin de la page 276 de L'Afrique sauvage),
puis la rivière Wano. Il importe pour nous de restituer aux lecteurs
10 1855-1859 pour le premier voyage et 1863-1866 pour
le second voyage.
11 Les Professeurs Jean Marie Hombert et Raymond
Mayer.
l'appellation originelle du mont. Aussi de «
Birogou-Bouanga » de du Chaillu, entendons plutôt
Biroughu-Bouangu'. Nous avons atteint la rivière Wano dont le
cours baignait la plus part des villages délocalisés. Notre
exploration s'est focalisée sur l'axe routier Mbigou-Lébamba,
particulièrement à partir des villages Makongonio (Nzebi), Issala
et Marembo (Massango) (photos 7 et 8). Si la Wano elle-même a
conservé le même caractère, les modifications essentielles
sont liées aux implantations des populations loin des zones jadis
très fréquentées. De nos jours, le fleuve connaît
une fréquentation plus ou moins irrégulière des
populations, pour des activités essentiellement de pêche. Tous les
villages de du Chaillu ont complètement disparu. Ils avaient
été désertés par leurs occupants sous la pression
de l'administration coloniale, au profit du regroupement qui a acquis un
développement important.
Malgré la beauté des paysages et sites de cette
région décrite par du Chaillu, nous constatons qu'ils ont
conservé le même aspect que du temps de l'explorateur. Au regard
des informations et de données collectées, notre étude
nous a permis de réaliser un état des lieux instructifs. À
travers ces villages anciens, il n'existe aucun souvenir du passage de du
Chaillu.
Toutefois, dans le mont Biroughou, rares sont ceux qui ont
entendu parler de la «guerre de du Chaillu». Cela est dû
probablement à notre bref séjour au village même qui ne
nous a certainement pas permis d'approfondir les informations
collectées. Mais il est plausible que d'autres raisons soient en cause.
La principale serait liée à l'abandon des anciens villages
dû à un éloignement des populations, c'est-à-dire,
le regroupement a provoqué de grands mouvements au sein des mêmes
populations comme le pensait déjà Simon Barout qui affirme que
les migrations d'un peuple peuvent bouleverser le système des relations
sociales entre le membres d'un même espace, ainsi que celui qui les lie
à son espace. Si donc la tradition orale n'a pas gardé le
souvenir de du Chaillu, force est cependant de constater que les noms des sites
: villages et monts sont précieusement conservés et toujours
fréquentés. Dans la mesure où les témoignages
recueillis montrent clairement le maintien des croyances ancestrales.
Section 2. Issala actuel et son peuplement
Si dans sa forme, Issala n'a plus le même respect que
par le passé, il a tout de même gardé sa structure
ancienne. En effet, « en forêt, le village a une forme typique
à peu près immuable. Il se compose de deux rangées de
cases accolées, laissant entre elles une
rue de longueur variable. Au milieu de cette rue, de
distance en distance, sont échelonnées des cases
».12 L'implantation d'un village révèle les
critères traditionnels pertinents pour le choix d'un site. Ceux-ci sont
parfois associés au potentiel du gibier et des récoltes notamment
la position du soleil, les points d'eau, la morphologie et le degré de
fertilité des terres environnantes, et/ou l'orientation des vents. En
effet, Issala est un petit village issu d'un processus de déplacement
que la mémoire collective fait remonter à la nuit des temps.
Village de forêt construit le long d'une piste devenue route
administrative, il connaît son emplacement actuel depuis le début
des années 1950 (cf. carte 2). Mais d'où vient ce village et
comment est il arrivé à l'emplacement actuel.
Carte n°2 - Une partie de la carte
explicative de l'itinéraire suivi par du Chaillu
(1865, Annie Merlet)
Jadis, tous les villages traversés par du Chaillu se
situaient à la rive gauche de la Wano, à savoir : Niembou,
Mongon, Nembu Olomba, mont Biroughou, Mubana, rivière Mbembo, la
région de Mouaou, jusqu'au Mouaou Komb'. Mais près de cent
cinquante après notre explorateur, tous les villages se trouvent
déplacés et regroupés aussi bien à Issale, Marembo,
que à Mayani, c'est-à-dire à la rive droite de la Wano. Ce
« cours d'eau est parallèle à une dizaine de
kilomètres au nord-nord-est de la route
Mbigou-Lébamba)13. C'est donc à partir de cette
route empruntée que nous avons pu mener nos recherches. Même si
Issala qui étant notre village cible, nous devrions préciser
qu'il nous importait de
12 Maiguan 1912, cité par Poutier, 1989..
13 Jean-Pierre Gautier (1) Raymond Mayer (2) «
Sur les traces de Du Chaillu », Rapport Général des missions
effectuées au Gabon en 2004 :(1) 17 juillet au 9 août au sud (2)
15 au 19 octobre au Nord.
recueillir les informations depuis Makongonio (village
nzèbi), avant d'atteindre Issala et Marembo (villages massango).
En fait, à la suite de la politique de regroupement des
villages initiés vers les années 1957 par les pouvoirs publics,
les populations des anciens villages masango cités ci haut,
établies à la rive gauche de la Wano, ont été
drainés sur la route nouvellement crée de Lébamba-Mbigou
(1950). D'où leur implantation à la rive droite, notamment
à Issala actuel. Par ailleurs, la connaissance des clans orientés
à plusieurs générations nous permet de vérifier la
généalogie du peuple d'une part, et sur les échanges
matrimoniaux d'autre part. Il nous importe, à cet effet, de relever les
villages d'origine des peuples enquêtés, afin de voir la
mobilité et le mode d'emplacement de ces mêmes populations au
village actuel. Les différents villages implantés ici seraient
assurément des quartiers de ce regroupement. (Voir croquis page XXX)
Photo 1 - Le village Issala (sens
Lébamba-Mbingou)
Cliché Ockoy Elingou Simplice, samedi 01/04/2006
Cette photo nous présente l'entré du village
lorsque nous sommes en provenance de Lébamba. En dépit de la
petite bretelle de gauche qui compte quelques maisons dont nous ne voyons
malheureusement pas sur cette vue. Le village est disproportionné. De
part et d'autre de l'axe principal, tout le coté droit du village est
quasiment inhabitée au 3/4. Cette situation justifie les propos de notre
informateur1 notamment dans la séquence 8. Selon notre photo, c'est
essentiellement la partie de gauche qui fait le village. C'est à dire le
côté droit si l'on revient de Mbigou. La bouteille de vin que nous
apercevons sur notre photo est le vin de palme d'en haut : très
prisé par les consommateurs en raison de son goût
délicieux « du nectar » récolté
sur les géants palmiers que nous apercevons derrière les cases et
de part et d'autre de la route. « La grande quantité de
palmiers qui se trouvent dans le village et aux alentours fournit en abondance
des provisions de leur breuvage favori ».14 La maison en
terre battue qui porte la cloche est une ancienne église catholique.
Beaucoup plus loin à gauche on y perçoit notre informateur 5
débout devant son habitation.
Au regard des informations collectées, ce village
serait le premier village d'une grande famille du clan sima. En effet, comme la
plus part des villages regroupés, Issala est dans sa majorité
mono-clanique, même si sa constitution pratique et homogène
obéit à un structuration en fonction de clan et lignage existant
de nos jours. Les informateurs expliquent la manière dont le
rapprochement s'est effectué dans le temps : voir récit 5 de
Divaku Marcel.
Il se compose de quatre séquences. « Ici il y
a plusieurs villages regroupés; ne suis pas le fait qu'il soit petit. Ce
sont les maladies et la mort qui le dépeuple. Normalement il y a :
Ghiamb', Nyamb', Siamb' (jadis situé le route ancienne), Mughibe,
Ipungu, Ibémbu, Ditadi, Massike (originaire de Moughiama), Utavu,
Mubana, Nyembu, Idembe, Dighamba, Divungu, Ighiaki, Mbayi, Ndènga.
Certains qui se situaient en amont de la Wano sont allés du
côté de Mimongo, et d'autre par contre, ont rejoint Mayani. C'est
le cas de Dighamba et Mouaou ».
En plus des autochtones, le village connaît actuellement
un métissage ethnique, notamment avec l'arrivée des Banzebi. Ce
village ne connaît plus de conflits interethniques comme par le
passé. Les entretiens réalisés à Libreville et au
village Idoumi, près de Mouila, nous ont fournis très peu
d'information en rapport avec le village. On peut noter la ressemblance entre
les deux populations. Notamment, au niveau des bribes d'information concernant
l'explorateur, ainsi que les pratiques sociales qui ont subi l'influence
occidentale.
14 Paul du Chaillu, Afrique sauvage,
Libreville, LUTO, 2002, 411 p.
Récit 1 - Patrice Ikia, agriculteur,
(né vers 1920, village d'origine Mughiba, clan : Sima ; clan du
père : Dzobu ;). Notre informateur nous a donné les raisons de
leur regroupement dans ce village, leur origine et la position de ce village
par rapport au fleuve Wano.
1. ghu koke bilime bibeyi, bibambu bi rughe ghughe, n'
tombe yawu ma ndughe ma mimbu ma kale ; ne mikogu birughe n' mubane. Ne mugni
ma yambile-yu ke gha ma yambil '-me mupere n' batu
bandi. va bilgue va kale,
mimbe metu ma bilgue ghu maghietu ma wonu.
2. di kiessi di bavighe, bibambe bi bok'gue n' salis 'gue
manetu k' time na rond 'le yawu. batu ba yende ke
dimubu. ba babilgue n'
megua, ba sale nawu mu papegue yawu mu ipoyu motsu mu gnale bibambe. time balab
'gue k 'di ve !
1. Il y a deux ans que les Blancs sont venus ici pour
chercher les noms des villages et du mont Birughu. Je vais te
répéter la même chose que j'aie eue à dire au
prêtre Luc et ses amis. A cette époque, nos villages
étaient situés sur la rive gauche de la Wano.
2. Pendant la Traite négrière, les Noirs
étaient toujours maltraités, déportés à
jamais. Ceux qui avaient la chance de rester étaient soumis aux travaux
forcés. Certains hommes braves et robustes étaient des compagnons
des Blancs. Ils portaient les Blancs en ?tipoye?.
3. wussi mossi, n' va bibambe r' ghu sado di bavighe.
dine do dimavù, ba sake do papu batu mu bipoyu. bibambu baghu boguegue
kok' malotù. di ghu vioghegue mu mibambùo! siss mwan mayambile-yu
k' tim ' paghe; badzile bane ba buke ke n 'mioghu.
4. bighe, di labu koke ibambe issuss n rughe ghu
dimbu. ba tsitse r' messier
cinq heure (5h). yandi n 'va re di tse buss di bipoyu ; kaghu palanu n' mimbu
rugunu mimbu mu mimbambe mu ghu ke viogh 'gue lotu tsufu yotsu mu sumbiss
bivave.
3. À l'abolition de la Traite des Noirs, les Blancs ne
devraient plus être portés, mais transportés en voiture sur
les routes creusées par les mains de nos aïeux. On ne peut mesurer
l'ampleur de cette souffrance aujourd'hui. Mais c'était dur, mon
fils.
4. Quelques années plus tard, nous avons reçu
un nouveau Blanc appelé, Monsieur Cinq heures. Comme il devrait toujours
faire le tour des villages pour ses activités, et que la route ne
passant pas par tous les villages, Monsieur 5 heures ordonna aux populations de
venir s'installer aux abords de la route où existaient
déjà certains villages.
5. mimbu motso, ibandu ghu mokogugnu, kuangue n' mbighu,
yetu n ' pasne. bane bayende ghu mayani, bamussi ba sale ghughe ghu issale.
kant 'etu nde ivindzi : ghu fuale nde «remplasse ». nde ndughe mambe.
kaghu saghe batu ba pass yetu mimbu ; nde yetu bene, saghe mutuo.
5. De Makongonio à Mbigou, les villages se sont donc
divisés. Certains sont allés vers Mayani, et d'autres comme les
notre sont restés ici. Notre canton s'appelle Ivindzi, ce qui veut dire
Remplacé ; c'est également le nom d'une rivière. Donc la
division de nos villages ne s'est pas faite sous l'influence de qui que se
soit, mais sur la base de la proximité des villages anciens.
Ce récit comporte cinq séquences ; la toute
première n'est qu'un rappel sur l'objet de notre mission afin de nous
fixer les idées. Il a tenu à le souligner pour montrer qu'il n'a
pas oublié notre visite avec le professeur Mayer en 2004. Le
récit proprement dit commence avec la seconde séquence ; dans
laquelle notre informateur se plait à nous donner quelques
évènements ayant marqué l'histoire des peuples noirs
.c'est-à-dire la traite négrière C'est dans la
troisième séquence qu'il souligne la fin de la pratique du tipoye
et l'arrivée de la voiture. Dans les séquences quatre et cinq, il
aborde la façon claire les raisons de leur implantation à
Issala
Par ce récit, nous nous rendons finalement compte qu'en
dépit des raison avancées dans le premier corpus, il y a
également des faits non moins négligeables ayant fortement
contribué à la délocalisation des populations : la
délocalisation.
Récit 2 - Marcel Divaku, agriculteur,
(ignore sa date de naissance ; village d'origine : Mughiba ; clan : Ndzobo ;
clan du père : Bukombo). Avec lui, nous avons recueilli les informations
sur les différents noms des villages regroupés à Issala,
ainsi que de la praticabilité ou non de ses zones et de l'existence du
mont Birughu.
1. mwanami mas yabe di bène yémù
bibandu. kaghù ma sake yambile yu ma mambili. inde mwanami, itse relme
mussingui ghu pungù ke mu diabu dide, kaghu ma sake do ghabus yu nane.
issale yiye nde dimbu di massangù n' vi. matass bassuss betsi ba ma
yambile yu.
|
1. Mon petit, je ne sais pas pourquoi vous les blancs vous
cherchez toutes ces choses là. De ce fait je ne peux donc pas te dire
grand-chose. Mais comme tu es parti depuis Libreville pour ça alors
parlons-en. Issala que tu voix là est un village essentiellement des
Massango, les autres te l'on peut-être déjà dit.
|
2 ghughe ghu nde mal mambili ma putghe n'; ya lande na
dimbu di kiéki. batu do ma maghude n' mabéliss. ghu ghare mimbu
ma itse ghu issale, ghuyi : ghiambe, nyambe, siamba, mughibe, ipungu,
ibémbu, ditadi, massike, utavu, mubana, idembe, dighamba n' mwayu ban de
tsélu mayani.
|
2. Ici, il y a plusieurs villages regroupés ; Ne suis
pas le fait qu'il soit petit. Ce sont les maladies et la mort qui le
dépeuple. Normalement il y a : Ghiambe, Nyambe, Siamba, Mughibe, Ipungu,
Ibémbu, Ditadi, Massike, Utavu, Mubana, Idembe, Dighamba et Mwayu sont
du côté de Mayani.
|
3 ghotsu ghuyi mimbe masuss ma sa ghedo yabe va bilgue
mo.; ba ndughe mas tsimbù, mumbar' di na yènde ghune mu ba nugui
: niémbu ghu na lobe yétu ; divungu, ighiaki, mbayi,
ndènga. tombe batu basuss ghotsu ba ghu yambile yu gha matse
tsimbu.
|
3. Il y a d'autres mais je ne sais plus
l'emplacement, je sais seulement que nous les
fréquentons pour nos travaux champêtres comme à
Niémbu où nous faisons la pêche il y a aussi Divungu,
Ighiaki, Mbayi, Ndènga. Demande aussi aux autres peut-être que j
'ai oublié quelques-uns.
|
4 mikongu mi na tombe yu mi k' vane. mbé yi n'
lotù mbè di ma yènde ghu marémbu ghu ba na labile
mukongu dichingù n' puèlelè. ghuyi mu moss umù
nènè ; nde mukongu birughe ghu mabaghele ma miadzù ve
mbar' utavù. matse duke.
|
4. Les monts que tu demandes existent encore, d'ailleurs si tu
avais la voiture, on se serait rendu au village Marémbo où le
mont Dichingù est nettement visible. Je connais également un
autre grand mont : Birughu qui se situe à la rive droite de Miadzu non
loin de ùtavu. C'est tout ce que je peux te dire.
|
Le récit Divaku comporte quatre séquences. Dans
les deux premières, notre informateur fait l'énumération
des villages jadis traversés par Paul du Chaillu en 1865 ; aujourd'hui
regroupés à Issala. La troisième séquence nous
apporte une information capitale selon que les villages sont encore
pratiqués, même si c'est sous d'autres formes. Par contre, dans la
quatrième séquence c'est l'existence des monts qui nous est
précisée
En analysant ce récit, nous nous rendons compte
qu'après près d'un siècle et demi, certaines pratiques
culturelles non pas changés ; et le temps na pas suffit pour faire
oublier à ces peuple leurs origines.
Au regard de ce plan cadastral de notre village
d'étude, qui nous oriente également vers les personnes
enquêtés, nous pouvons conclure à chaud que la population
de Issala est principalement issue de trois grand villages anciens sont par
ordre d'importance: Mughiba, Moubana, et Ipoungou. Ces trois anciens
villages seraient des principaux quartier de Issala actuel. Quand bien
même les originaires des autres anciens villages y résident, mais
leur représentativité semble infime.
Par ailleurs, si notre informateur 4 n'a pas
précisé son village d'origine, notons aussi que la bretelle de
droite (entrée du village sens Lébamba-Mbigou) n'a pas
été enquêtée en raison du manque d'informateurs
capables de nous fournir des informations adéquates sur l'histoire de ce
village. Nous pensons l'avoir souligné en page 23 lorsque nous
présentions nos informateurs.
Récit 3 - Sébastien Nzenguet
Loundou, menuisier charpentier, (ignore sa date de naissance ; village
d'origine : Mughiba ; clan : Mutuka ; clan du père : Bugundu). Avec lui,
nous nous sommes entretenus sur les différents clans des habitants de ce
village, les raisons de leur regroupement puis la séparation des
villages masango dont une partie est dans le regroupement de Mayani.
1. va kale batu ba s' tsaghle masus. dimbu di bunde ke n'
mutu (kumu dimbu). nane mimbu ma bass ke n' kinde, miongue n' bibamdu ; saghe
batu basuss. mute gha ronde yonga a yongue ghu dimbu di suss ; batu ba putghne
ghu ghare mimbu.
|
1. À l'ancienne époque, l'implantation des
populations ne se faisait pas de façon anarchique. La
création d'un village était généralement l'oeuvre
d'une personne qui s'installait avec sa famille. Le village se remplissait au
moyen des relations matrimoniales.
|
2. n' mugni n' dipande dienu di na pandne k pandne. di
sagho do wabe bibandu n' mimbu menu. di na yongue koke ghiéghu
ghiéghu. ilab' mughiétu n' mapape yère do ma madile, n'
yanguegue minu; .nési ma ghossu di sa bo
rine. ke time tsoni
laverté.
|
2. Avec votre indépendance aujourd'hui, vous ne savez
plus rien; continuez à nager aveuglement. Vous êtes sans
repères puis que vous ignorez mêmes vos origines, vos clans et
lignages. A peine vous rencontrez une femme, aussitôt vous vous
«mangez les bouches » : embrassez, sans même connaître
son clan. Ce qui était formellement interdit. Quelle honte !
|
3. itse tombe dimbu diame, nde mughame, dimbu di bakaghe
bami. ibandu ghiame nde mutuke, betsi ma mayambile-yu dio. mimbe metu ma s'
bil'gue gha vave di yendegue ghu mbughe bambetsi; yawu koke barughegue ghu
mbughe etu.
|
3. Revenons à ton affaire, tu m'as posé une
question. Mon village est Mughiama, c'est celui de mes ancêtres. Mon clan
est mutuka. Je croix te l'avoir déjà dit. Nos villages
n'étaient pas vraiment trop distants les uns des autres. Si bien que les
gens se fréquentaient.
|
|
4. va yambile bibanbu r' mimbe motso ma ke putghne koke
putghne, vane va rughe yetu ghughe. kaghu, nde mu dio y na labe r' vave v' k
bibandu bio n 'bio.
|
4. Quant les blancs nous ont demandé de venir ici
à proximité des routes, nous nous sommes vu obligés de
nous regrouper par affinité. Tu vas peut être le constater dans
tes papiers, à Issala ce sont presque les mêmes clans.
|
5. gha ina ronde ma gnighule-yu ghuyi: sime-irugui,
sime-madume, sime-mupighe, sime-mbaghu, mutuke, bukombe, bugundu, djobu. ghotsu
ma tse tsimbu. i mossi, beyi saghe mbili; ma yatsi r' ma koke inunu.
5. Si tu veux que j'énumère ; il y a ;
sime-irugui, sime-madume, sime-mupighe, Sime-Mbaghù, mutuke, bukombe,
bugundu, djobù. Si j'ai oublié certains en tout cas pas plus de
deux ; bien que la vieillesse aidant.
Ce corpus de cinq séquences nous a permis de comprendre
la prédominance de certains clans dans un village. La première
séquence retrace la façon dont le village a été
crée, son peuplement. Dans la seconde, notre informateur éprouve
un regret face à la perdition des valeurs traditionnelles par nos
enfants. Tandis que dans les séquences trois et quatre, il donne les
raisons de leur jumelage ainsi que les différents clans regroupés
dans ce village. C'est dans la dernière séquence qu'il en fait
une énumération.
Chapitre 4: Le regroupement de village
Section 1. Facteurs historiques et
géographiques
L'État indépendant dans lequel nous mouvons est
l'héritier direct de l'État colonial, lui-même construit
sur le modèle métropolitain. Les changements consécutifs
à l'indépendance ont été même perceptibles
dès l'implantation des colons français en Afrique. Ils ont
affecté les politiques, redistribué le pouvoir et
entraînant les mutations profondes. C'est ainsi qu'après
l'implantation de la domination coloniale, plusieurs facteurs vont
désormais agir plus activement pour favoriser les changements sociaux au
Gabon. Parmi les plus importants, nous pouvons citer la route.
En effet, pendant la période coloniale, les Africains
ont constitué une maind'oeuvre bon marché pour des travaux lourds
et des activités à caractère commercial. À ce
niveau, les souvenirs sont encore beaucoup plus vivaces et parfois plus
douloureux. Selon les informations recueillies, il ressort que les villageois
en garde encore le souvenir et leurs récits très proches de ceux
rapportés par du Chaillu. Ils étaient enrôlés de
force pour la construction des routes, des tracés de boussole dans les
forêts pour l'ouverture des chantiers et la création des pistes
afin de faciliter l'écoulement des marchandises. D'autres sont
envoyés dans les grands chantiers où ils n'étaient pas
rémunérés. Par exemple, le travail du caoutchouc et de
l'ébène dont du Chaillu fait légèrement
état, étaient de plus en plus importants et permettaient aux
villageois d'échanger leurs produits à Yombi, près de
Fougamou, qui paraissait être le centre de transaction commerciale. Bien
que du Chaillu soit relativement discret sur ses activités,
précisons, tout de même que c'est grâce à ces
ressources qu'il a pu financer ses expéditions.
Dans l'optique de mieux contrôler les populations, un
rapprochement des villages semblait inéluctable. Ce regroupement se
faisait sur la base de la proximité intervillageoise, de la langue et
des régions. La plupart des villages rassemblés se sont donc
concentrés à proximité des routes nouvellement
créées. De là découle les mouvements de
distribution des populations.
Section 2. Facteurs politiques
Pour tenter de comprendre la réorganisation administrative
du territoire Gabonais à l'orée des indépendances, nous
avons voulu remonter plus haut afin de saisir les facteurs
politico-administratifs de l'époque. En effet, la
France avait pris possession du Gabon par le traité signé avec
les chefs et rois du pays en 1886. Date à laquelle il se sépare
de ses dépendances (Cotonou et Porto-Novo qui furent rattachées
au Sénégal). Dès lors le Gabon fonda une administration
autonome rattachée directement au ministère de la marine et des
colonies.
Le souci manifeste de s'autonomiser obligea les dirigeants de
l'époque de développer le secteur commercial. Or à cette
époque, la monnaie n'existait pas. Les échanges se faisaient par
le troc. « Avant l'introduction au Gabon des concepts
économiques occidentaux, l'économie Gabonaise était
orientée vers le troc ».15 En effet,
l'entrée du pays dans le système capitaliste devrait moderniser
et faciliter l'échange. Car le commerce était à la base
des préoccupations coloniales des années 19O6. Le gouverneur
Général Marlin soumit au ministère des colonies trouva
mieux d'augmenter les territoires dans lesquels le commerce libre pouvait
exercer son activité. Dans la mesure où ma réorganisation
administrative et juridique devrait permettre d'utiliser, d'une manière
plus parfaite les moyens de pressions dont disposaient les colonisateurs.
Mais sur le terrain, les réajustements et le
perfectionnement de l'appareil répressif et administratif se traduisait
par une désagrégation et l'anéantissement des
révoltes populaires à l'exemple de la révolte Awendji
(1928), de l'Ivindo (1908-1912), Powe (1912), ou la guerre de Wongo (1928).
C'est vers 1957 que le regroupement de village fut constitué au niveau
de Issala actuel. Cette création faisant suite à celle des routes
insufflées par les pouvoirs publics en 1950. Les populations de nombreux
et anciens villages massango établis au nord de la route
(Lébamba-Mbigou), situées sur la rivière Wano ont
été drainées au nord de celle-ci. En effet, c'est à
la suite des mouvements de décolonisation que le Gabon, à
l'instar des autres pays africains, a acquis son indépendance (1960).
Cette nouvelle orientation politique favorise une réorganisation
administrative et territoriale. Les lois et règlements qui
régissent le pays sont fixés et promulgués par
l'organisation politique et administrative centrales.
Mais la nécessité de l'efficacité
administrative, ainsi que l'éloignement de certaines régions du
pouvoir central, exige de ce fait les relais, sorte de courroie de transmission
entre le gouverneur et les populations. C'est ainsi que le territoire gabonais
dont les limites internationales ont été établies
arbitrairement comme partout en Afrique à l'époque
15 El Hadj Omar Bongo, Un homme, un pays (Le
Gabon), collection Etat Africain d'Hier à Demain, nouvelle
édition Africaine, Dakar, 1984, 28O p.
coloniale, est actuellement divisé en provinces,
elles-mêmes subdivisées en départements, ceux-ci en
districts, cantons, et regroupement des villages. Pour ce qui est de notre
part, le village constitue la cellule administrative de base. Il est donc
placé sous l'autorité d'un chef de village. Regroupés, le
chef de village passe donc pour un chef administratif. « La
création et l'organisation des villages sont fixées par
Arrêté du ministère de l'administration du territoire et
des collectivités locales (anciennement dénommé)
».16
Malgré tout, force est de reconnaître que la
politique de regroupement des villages a favorisé une réelle et
évidente intégration des populations des forêts.
Récit 4 - Georges Mbembo (né
vers 1952, village d'origine Mughiba, clan : SimaMaduma ; clan du père
Mbaghu), Chef de regroupement. Il porte sur la guerre ethnique
Massango-Nzèbi dite mbalmakuta collectée à Issala au cours
de notre second passage. Récit collecté en français :
Pour commencer, retiens d'abord que les fondateurs de ce
village : Ibour-kas, Ibour-kiengu', Ibourkoidi, tous de la tribu boukombe et
originaire de mubana. C'est également un homme de cette tribu notamment
Bukile bu mouange né de sime mbaghu qui fonda Moughiama.
Mubana est un village massango et le capitaine de
l'équipe s'appelait Mbal 'makoute (nom qui fut donné à la
guerre que nous faisons état). Il avait donc la mission d'empêcher
l'arrivée et l'invasion d'une autre ethnie sur leur territoire notamment
les nzèbi. La nourriture des masango c'est le tarrot, la banane,
l'igname alors que celle des nzèbi c'est principalement le manioc. Ah !
Mon fils tu sais, ces choses là, on ne les raconte plus parce qu'on
déjà ensemble partout donc c'est pas bon, mais comme c'est
l'école je te le dis.
Les Nzèbi habitant de Ndènguè
voulaient s'installer à Mubanu. L'armée nzèbi en route
pour l'annexion de Mubana, marqua une pose au niveau de la rivière afin
de s'alimenter en nourriture avant de faire la traversée. Sur les lieux,
ils détachèrent le paquet de concombre et le manioc pour en
manger. C'est alors que le moukouyi massango ramassa le paquet de concombre et
le manioc et les emmena au village avertir le capitaine Mbalmacouta qu'il y
à une armée postée au niveau de la rivière, ce sont
les nzèbi, ils arrivent nous annexer. En voici les preuves.
Les arrivistes étaient très nombreux : une
armée redoutée et donc difficile à combattre physiquement.
Cette troupe s'appelait Dibadi. Le capitaine Mbalmacouta se voulant
réaliste, estima que le seul moyen de les combattre c'est par la ruse,
en employant les fétiches. Dès lors, il immobilisa tous les
villageois pour en fabriquer, ainsi tout le monde ouvrit la porte des
fétiches. Une fois terminé, tout le village s'éparpilla en
forêt. Un seul vieux resta au corps de garde pour contrôler les
fétiches. Au bout du village, Mbalmacouta déposa un «
Moukanda » et un poteau (moughoughou) qui est en fait un « Moukouyi
» qui devait combattre contre les arrivistes. Les premier fusils
étaient des « Ikiape, Dibéboudjou » et les «
Foulou » ; poudre qui rend tous les villageois invisibles, mais ces
derniers voient les ennemis. Les plombs étaient les « Milourgue
».
Quand l'armée nzèbi arriva à
l'entrée du village Moubana, le chef d'équipe ordonna à
ses troupes d'attendre là et se présenta le premier au niveau du
corps de garde. Immédiatement, le vieux resté au corps de garde
poussa un grand cri par lequel il ordonna l'attaque. Le fusil des Massango
déclencha et fendu la tête du chef de « dibadi ». Son
crâne fut récupéré et déposé à
la maison des fétiches.
L'armée « Dibabi », voyant leur chef mort,
se retourna pour prendre la fuite. Mais hélas, les « Mikanda
» placés à l'entrée du village barrèrent la
route aux soldats de « dibadi ». Le poteau planté dans la
cours criait « bébé », ce dernier n'était qu'un
« Moukouyi » entendons Moukoukwè
16 Ministère de l'Education Nationale de la
République Gabonaise, Géographie et cartographie du Gabon,
atlas illustré, Libreville, IPN/LNC/Edicef, 1983.
pour dissuader la troupe. A cet instant, les masango
déclancha le «Mouyèni»: le fusil sur les envahisseurs.
Se sentant vaincu, « dibadi » demanda l'arrêt du
combat.
Une fois le combat arrêté, les nzèbi
sollicitèrent l'aide des Massango pour le remède contre le «
Munèyi » afin d'anéantir le poison. Les Massango
répondirent que c'est la rivière (nzèli en nzèbi).
Or, c'était à nouveau un piège. Ces derniers
allèrent dans la précipitation se jeter dans la rivière et
en mourus tous. Voilà l'origine du nom nzèli.
Récit 4bis - Georges Mbembo (né
vers 1952, village d'origine Mughiba, clan : SimaMaduma ; clan du père
Mbaghu), Chef du regroupement. Il porte sur la guerre des clans dite de
Moubana, autant de du Chaillu, collecté à Issala au cours de
notre second passage. Récit collecté en français :
À l'époque de nos grands parents, nous avons
connu plusieurs guerres entre les clans, entre les villages ou alors entre
ethnies. Celle de Moubana opposait deux clans massango des différents
villages. Mon village, Moughiba, n'était pas en reste. Enfin, je
n'étais pas à cette époque, mais c'est ce qui nous a
été rapporté.
Moubana que tu entends-là, c'est le nom de la
montagne qui, par la suite, donna son nom à la région. Mais le
nom du village c'est Ndèng'. Cette guerre de Moubana s'appelait Mbouda.
Tu entends bien mon fils ? Parce que, lorsque vous faites vos
papiers-là, vous confondez les choses. Mbouda a débuté
à Moubana, puis s'est poursuivie dans d'autres villages. Les clans
à l'origine de la guerre sont ceux de Boukomb et Baghondji.
Les villages environnant, une fois au courant de la
guerre, prenaient chacun position aux côtés du clans qui est le
leur, sans hésiter. Nos grands parents à l'époque avaient
l'esprit de solidarité et d'entraide, surtout lorsqu'il est question
d'un clan ou d'un lignage qui est le sien. Mais vous aujourd'hui, on attaque le
voisin à côté, vous regardez sans rien dire, ni
séparer. Ha ! Le blanc vous a déjà gaspillé. C'est
pourquoi je n'aime pas aller à Libreville. C'est tout, tu veux encore
que j'ajoute quoi ? On se battait avec des flèches et des
poudres.
Les récits de Mbembo Joseph portant sur la guerre, en
général, traitent respectivement la question des guerres
ethniques, claniques ou régionales. Dans les premières
séquences du premier récit, l'auteur nous livre les informations
en rapport avec le clan fondateur du village étudié, ainsi que
les conflits inhérents à l'implantation de certaines
communautés. De même, il fait état des techniques
employées par les Massango.
Avant d'en faire dans le second récit une comparaison
distincte entre la société traditionnelle et la
société moderne lorsqu'il aborde la question de solidarité
et d'entraide. Il met en exergue les mots qui minent la société
de l'heure (l'individualisme), ainsi que tout ce qui gravite autour et qui sont
une émanation de l'Occident. Ainsi, nous rendons compte que la guerre de
Moubana, telle que raconté par notre informateur n'a rien à voir
avec notre explorateur. On peut être amené à penser que
l'événement malheureux de du Chaillu à Moubana n'est pas
un élément fondamental dans l'histoire.
Deuxième partie :
Les mutations culturelles
Chapitre 5: Ce qui a changé et ce qui n'a pas
changé
Section 1. Parenté et religion
A l'origine, un village n'était occupé que par
un seul lignage. La cellule initiale du village y est la même partout
chez les Masango car fondée sur l'unité et l'unicité
familiale comme le dit un adage bien connu de chez nous : "Un seul coq pour
une seule cour". En effet, c'est presque indispensable en anthropologie de
terrain que de faire une recherche synchronique par l'analyse de l'unité
résidentielle : le village. Dans cette optique, Malinowski s'est
chargé, en quelque sorte, d'être le modèle de
l'anthropologie qui comprend, par une patiente symbiose, la vie du village.
C'est pourquoi, il nous paraît intéressant d'adopter pour base le
village pour tenter de comprendre le système parental des habitants de
Issala. Ainsi, en prenant en compte les origines claniques et villageoises de
nos informateurs, nous nous rendons compte que notre village d'étude est
composé pour l'essentiel d'une même famille clanique dont le
village d'origine est Mughiba. Les autres appartenances claniques ou
villageoises existantes peuvent être la résultante des rapports
sociaux entretenus avec des autochtones.
La structure parentale dans un village comme celui-ci se base
toujours sur la formation de groupe, lesquelles sont fondées sur la
descendance nucléaire et les mécanismes externes et les que la
formation des réseaux d'alliance issue des échanges matrimoniaux.
Tous ces éléments comportent des relations politiques, car
parenté et politique sont indissociables. Dans nos
sociétés traditionnelles, le critère de mode de
descendance matrilinéaire, comme c'est le cas, est toujours le principe
qui détermine l'appartenance à une communauté
donnée (politique soit-elle). Autrement dit, le pouvoir politique se
tisse en réalité sur les réseaux de parenté et
s'exprime fréquemment en des termes de filiation et d'alliance. C'est
pourquoi à Issala, les deux chefs sont des frères issus du
même clan (Sime Madume et les pères sont Sime Mbaghu).
Dans le passé, la présence d'un seul corps de
garde (tsaple) témoignait de l'entente familiale. Ce qui ne semble plus
être le cas de nos jours. Car cet endroit jadis « sacré
» semble avoir perdu sa valeur. La fonction initiale d'un tsaple
reste toujours le corps de garde du village ou de la famille. C'est un temple
où se pratiquaient les cérémonies rituelles. Le
tsaple, sur le plan spirituel, est par essence l'existence
suprême même de l'être humain dont la connaissance et la
compréhension de cette philosophie n'est que l'apanage
des initiés. Autrement dit, dans sa nature le
tsaple n'est rien d'autre que l'homme du troisième
âge.
Au-delà de son caractère sacré, le
tsaple joue plusieurs rôles dans un village. Il permet d'abriter
les séances publiques de réjouissance. Pendant les
décès, le corps de garde est également un lieu
d'exposition des corps lorsqu'un chef ou un notable mourrait. Il sert à
la fois de salle à manger pour les hommes et de salle de danse pour les
adeptes. Il est parfois utilisé comme lieu de réunion, d'atelier
de travail, palais de justice, chapelle ardente ou comme temple. Notons
également que le corps de garde dans son ensemble est parfois le refuge
des pèlerins, la protection des voyageurs faisant halte sur le chemin de
la vie.
Photo 2 - Un corps de garde/cuisine au village
Idoumi près de Mouila
Cliché Ockoy Elingou Simplice, le Mercredi 27
décembre-2006
Ce corps de garde du chef de regroupement au village Idoumi
joue, pour la plus part de temps le rôle de cuisine, car c'est
éventuellement à cet endroit que madame le chef fait
quotidiennement sa cuisine. Surtout en soirée au retour des travaux
champêtres. Pendant la journée, le chef y passe la plus part de
son temps. Il y préside des réunions avec ses
administrés.
La structure du corps de garde est complètement
modifiée. Ainsi, cette photo nous présente un corps de garde
fabriqué avec des matériaux disparates tels : le bois, les
planches, les tôles et pointes. Son toit est couvert de bâches. Or,
autrefois, le corps de
garde était construit avec des matériaux
puisés dans la forêt et transformés par les villageois
eux-mêmes (paille et feuilles tissées servaient de tôle pour
couvrir les toits. Aux alentours de ce corps de garde, palmiers, bananiers,
papayers, y sont plantés. Ce qui traduit la pratique de l'agriculture
artisanale des populations villageoises. Devant ce corps de garde, quatre
habitants du village ont posé en photo avec nous. Ainsi de la gauche
vers la droite nous avons : Mouckala Alexis, Boussiengui Jean Mari,
Nzikoué Jean Félix, Boussoughou Franck et Ockoy Elingou
Simplice.
L'installation dans le village par affinité a
amené une nouvelle organisation sociale. Dans un village comme Issala,
il existe deux chefs : un chef de village et un chef de regroupement. Ce
dernier est le chef hiérarchique dudit village tandis que le chef du
village s'occupe de son village natal, initialement clanique. On y retrouve
également deux corps de gardes implantés chez chacun des chefs.
Ainsi, le chef administratif d'Issala, de tribu sima, s'occupe des
ressortissants et étrangers vivant sa circonscription. Cette
organisation administrative a contribué à fragiliser le
système de chefferie traditionnel. En effet, jadis, la chefferie
était réservée au comité territorial à base
régional. Ce ne sont plus les liens de parenté qui priment ; le
clan n'est plus au centre de la vie politique.
La chefferie est soumise à l'autorité d'un
représentant spécialisé dans la direction des affaires
collectives et la régulation des affaires sociales. Ce dernier se
caractérise par le type de rapports étroits qu'il a au sein d'un
groupe restreint, surtout à population hétérogène,
disposant d'un seul territoire et uni par les liens avec le surnaturel (le lien
avec le religieux est important). Il est au centre des échanges
contractuels ou déterminés par des rapports de force. Autrement
dit, il doit faire preuve d'une combinaison de facteurs, de l'autorité
qui repose à la fois sur la parenté, le prestige, le
sacré, et dune certaine coercition limitée. Il fait la
différence entre l'appareil politique et la hiérarchie
sociale.
Or, de nos jours, la chefferie en Afrique, en
général, est affectée par la colonisation. Les chefs
traditionnels ont été dépossédés de leurs
prérogatives, à l'exception des droits coutumiers. Leur pouvoir
étant très important, l'administration coloniale décide
donc de le casser. Ainsi, dans les années 1920, les colons
désignent les chefs dans les villages. Dès lors, la chefferie est
divisée en deux dans un regroupement des villages qu'ils ont
instauré (chef de regroupement, chef de village).
Les changements concernant le recrutement des chefs font
perdre du prestige à la chefferie villageoise ou traditionnelle. Les
cadres traditionnels de pouvoirs sont brisés par
la colonisation et arriveront bien affaiblis au moment des
indépendances. Alors qu'à
l'époque ancienne, « on était pas chef
parce qu'on aurait remporté des succès dans une palabre difficile
ou parce qu'on aurait eu raison sur tel ou tel problème.
L'autorité est un mode de régulation normative
(l'institutionnalisation des droits, selon Talcott Parsons, les dirigeants
politiques à contrôler les actions des membres de la
société pour ce qui touche à la réalisation des
fins collectives) qui peut entraîner l'obéissance d'un groupe
donné de personnes. Elle était admise, soit parce que la
divinité était descendue à la personne, soit par charisme.
Ce n'était pas parce qu'on était senior qu'on devenait
automatiquement chef. »17
Le chef était un véritable modérateur de
conflits. Il représentait l'unité du groupe. Il était le
garant de l'harmonie avec le cosmos, ce qui lui conférait un
caractère sacré, généralement confirmé par
le rattachement des chefs aux premiers ancêtres. Le chef disposait d'un
système de contre pouvoir qui parfois était
généralement constitué par la création des chefs
particuliers (chef de terre). Ce dernier possédait à la fois un
rôle religieux et économique. Mais aujourd'hui tout ceci a
disparu.
A l'époque du parti unique, une représentation
locale de ce pouvoir était assurée par un président de
comité et une animatrice. Aujourd'hui, il existe dans beaucoup de
villages, autant de grands partis que de représentations partisanes. La
cohabitation est très difficile et se répercute dans les rapports
extrapolitiques. Alors, les chefs administratifs font parfois l'amalgame et
cumulent les deux pouvoirs. A Issala, ces chefs sont tous du camp du pouvoir
drainant par leur « force » tout le village comme c'est le cas dans
l'image si dessous. Situation insupportable pour certains, en l'occurrence les
jeunes qui préfèrent rester neutres ou s'éloigner de leurs
villages pour échapper aux « histoires » qui peuvent prendre
des proportions tournant à la superstition. Pour celui qui se sent
menacé, la fuite est une précaution efficace puisqu'il peut se
perdre dans l'anonymat de la ville où il espère se faire
oublier.
17 Bernardin MINKO MVE. Gabon entre Tradition et
Post-modernité. (Dynamique des structures d 'Acceuil fang),
éd. L'Harmattan, Paris 2003, p. 62.
Photo 3 - Vue panoramique d'un meeting politique
immobilisant tout le village
Cliché Simplice Ockoy Elingou le vendredi 15
Décembre 2OO6
Meeting politique ou immobilisation totale de la population du
village, c'est du moins le spectacle que nous présente cette image. En
effet, une des périodes de nos enquêtes de terrain a
coïncidé avec celles des campagnes politiques en vue du
renouvellement du parlement gabonais. Partout dans le pays, meeting et
causeries politiques battaient le plein et Issala, à l'instar des autres
localités, n'était pas en reste. Portes et fenêtres des
maisons étaient fermées du fait de l'ambiance qui
prévalait dans le village en cette période électorale.
Cette photo prise à partir du domicile de notre informateur 4
présente tout simplement les retrouvailles de la population du village
Issala au cours d'un meeting animé par un fils du dit village : candidat
à sa propre succession à l'Assemblée Nationale.
Au-delà de cette réunion festive, nous pouvons constater la forte
domination d'une plante qu'est le palmier à huile. On y voit
également des bananiers devant les cases ; ce qui traduit
assurément l'importance que la population attache à
l'activité agricole.
Photo 4 - La nouvelle église
protestante du village Issala
Cliché de Miguiba Akamba Linda, le vendredi 15
Decenbre-2006
Route principale, encore appelée la national 1 au
Gabon, est présentée par cette image prise dans le sens
Mbigou-Lébamba. En fait, la photo met surtout en relief la nouvelle
église protestante du village. Un petit bijou offert par un fils de la
place à la population. Ce dernier visiblement se déploie à
rendre son village plus ou moins moderne, car c'est encore lui, semble t il,
qui serait à l'origine de l'électrification dudit village.
Selon certaines indiscrétions, ces nouvelles
infrastructures sont la réalisation des promesses faites à la
population par le député au moment où ce dernier briguait
son premier mandat à l'Assemblée Nationale ; à
l'entrée de l'église on y voit deux jeunes avec lesquels nous
nous sommes entretenus de façon lapidaire, ce sont des fils du village
vivant à Libreville, mais présents sur les lieux en cette
période électorale. Ce qui explique la présence des
affiches à l'effigie des candidats sur notre véhicule, comme
l'atteste cette photo.
Les chefs en exercice sont les seuls détenteurs du
pouvoir administratif. Le pasteur protestant ou le prêtre catholique :
dépositaires du pouvoir religieux sont absents du village et ne s'y
rendent que de façon périodique. Toutefois, leurs
représentants, exercent ce pouvoir non seulement à
l'église mais également dans le quotidien des villageois. Car les
problèmes de leurs fidèles que les autorités
administratives n'arrivent pas à trancher leurs sont soumis. Du coup,
nous sommes amenés à nous demander si ces derniers ne seraient
pas les véritables détenteurs du pouvoir en
général.
Au fond, le crédit accordé au
représentant de l'église ne peut se comprendre que dans
l'histoire de ce peuple. Un peuple qui était très attaché
aux divinités « matérielles » et imaginaires, aux rites
ancestraux (mwiri, nièmbè, bwiti,
etc.), est obligé de compenser ce vide par la pratique de la religion
importée. Il est donc question de syncrétisme religieux. Autant
les prêtres traditionnels s'entouraient d'anciens autant les
prêtres chrétiens le font aujourd'hui; on est tenté de dire
que l'image de Issala rime avec la religion chrétienne, notamment le
protestantisme. Dans la mesure où la nouvelle école
implantée au bout du village est protestante. De même,
l'église, nouvellement construite, don d'un homme politique aux
populations et implantée au milieu du village, elle vient remplacer
l'ancienne devenue vétuste. Cette tendance a beaucoup influencé
la scolarité des enfants dudit village dans la mesure où
l'établissement scolaire qui s'y trouve est du ressort de l'enseignement
protestant au niveau secondaire, nombre d'entre eux sont passés par un
collège évangélique, notamment celui de Bongolo
(Lébamba).
Il convient donc de dire que les diverses structures sociales
: habitations, écoles, église sont tributaires de la politique
coloniale insufflée par l'exploration de du chaillu au Gabon. En fait,
le changement de mentalité a changé la donne dans cet ancien
village ; de ce fait, le pouvoir du chef s'en trouve perturbé et le
droit coutumier laissé de côté. En effet, les
données de l'histoire occidentale sont relativement bien connues et
peuvent donc être considérées comme acquises, car la
connaissance historique en ce qui concerne l'Afrique est limitée
à quelques spécialistes de cette discipline.
Il faut distinguer deux époques : l'ère des
contacts avec l'occident et l'ère des indépendances. Nous devons,
ainsi, distinguer deux temps dans les contacts entre l'Afrique et l'Occident
qui correspondent à des phénomènes juridiques toute
à fait particuliers, c'està-dire l'ère des comptoirs et
celle de l'implantation coloniale.
A l'époque des comptoirs, quelques commerçants
sont installés sur les côtes et achètent aux autochtones
les produits divers qu'ils peuvent fournir et leur en revendre d'autres. Ce
nouveau circuit commercial qui s'installe et qui vient remplacer le trafic
organisé par les arabes. Les relations sont ici d'égal à
égal et les structures ne s'en trouvent pas radicalement
bouleversées. A cette époque, il n'y a en aucune sorte de
pénétration du système juridique européen sur le
sol africain.
Par ailleurs, il en va tout à fait différemment
avec le deuxième stade de la pénétration européenne
sur le continent africain. A ce nouveau stade correspond ainsi tout
une vague de peuplement étranger et il ne peut plus
s'agir de traiter à égalité avec les populations
autochtones. Ce peuplement étranger et la nouvelle activité qui
en résulte, suscitèrent un autre phénomène
juridique. En ce sens que les personnes et les biens fussent régis par
des dispositions juridiques. Dès lors, le droit métropolitain fut
étendu à la possession coloniale.
On peut relever une double conception du droit coutumier.
D'une part, elle est sentie comme un droit d'une nature inférieure,
sous-développée. D'autre part, la règle coutumière
est souvent considérée comme une norme figée, apanage d'un
passé que l'on peut parfois dater plus précisément et
censé représenter la véritable société
étudiée. Le droit coutumier est victime d'une dévaluation.
Elle se remarque d'abord au niveau du langage.
En effet, on distingue habituellement, le droit coutumier, dit
droit traditionnel, du droit moderne. Par exemple, M. Van Rouveroy Van Nieuwaal
intitule une de ses publications au recueil penant : « Droit moderne
et droit coutumier au Togo ». Il en est de même avec M. Nguini,
éminent juriste, puisque président de la cour suprême de la
République unie du Cameroun, qui emploie une formule similaire comme
titre d'un de ses articles : « Droit moderne et droit traditionnel
» la juxtaposition de ses deux termes, moderne d'une part, coutumier
ou traditionnel de l'autre marque, à notre sens une volonté
très manifeste d'opposition. Car si l'on oppose un système de
droit à un autre système de droit que l'on qualifie de moderne,
cela signifie nécessairement que le premier système n'est pas,
lui, moderne.
Cette opposition traduit donc l'idée de l'existence
d'un rapport d'antériorité entre le système dit
traditionnel et celui qualifié de moderne. Or, il apparaît
à l'évidence que les deux droits en question ont la même
modernité puisqu'ils existent au même moment. A cet effet, la
dévalorisation du droit coutumier apparaît comme un droit
figé dans le passé. Le droit coutumier est conçu comme un
droit qui n'a pas encore réussi à s'élever au niveau du
droit moderne. Il s'agit d'un droit sous développé,
inférieur, primitif.
La norme coutumière présente est, en effet,
considérée comme ayant été dénaturée
par les contacts que la société qui la supporte a pu avoir avec
des éléments étrangers. La pénétration
occidentale en Afrique est évidemment, pour la plupart des auteurs le
point de départ de cette dégradation de la coutume. « Le
régime colonial a contribué à la dénaturation de la
coutume ». Cette vision des choses présente une double
conséquence
aussi sur le plan théorique que pratique. Elle tend
à faire admettre l'idée de l'existence d'une coutume originelle
et pure qui, au fil de l'histoire, se serait abâtardie sous la pression
d'influence diverses et multiples.
D'autre part, sur le plan pratique, la coutume perçue
comme pure le plus souvent dans les périodes précoloniales, parce
que censée dégagée de toute influence extérieure,
est ainsi étudiée par référence à cette
époque centralisée. Il résulte de tout cela que le droit
coutumier est ainsi implicitement mais nécessairement
présenté comme un droit figé dans le passé
idéalisé.
Récit 7 - Samuel Nzengui, cultivateur,
(né vers 1958 ; village d'origine : Mughiba ; clan : Sima-Irungui ; clan
du père : Mutuka). Notre entretien a porté sur les rites et les
interdits qui caractérisent leur culture.
1. n'fule, dimbu dike n' timbda, ba guiébi
basèndi, ba mbile ban de mu cole ghu bongule, ndéndi, muile n'
pungù. ghu dimbu ghu bilgue ke yétù binunu. n' maguele di
la ke mughagu ; dimbu di bile ke kèlé. nési mwuire n'
nièmbe de niguess baguièbr ke maguele.
|
1. En période scolaire, le village est presque vide
parce que les enfants sont ailleurs, à Bongolo, à
Ndéndé, à Mouila et à même Libreville, pour
les études. Mais en période de grandes vacances le village est
animé du fait de la présence de ces enfants. Mêmes les
initiations des jeunes nous les faisons surtout à cette
période.
|
2. na bilgue va kale, nigusu bane nièbe n' mwuiri
bilgue diambu di dinènè. dibaghe di sa n' mwuiri nde
mughiétù ; as rugule tsaghele va tsaple n' babaghele. nesi ghu
duke tsaple as pule, mbar' tsaple nde diambu di susù.
mughiétù u sa n' niémbe sa gha mughiétu. n' mughi
mambu ma massadze. mandaghu ma gnambi ma koke mbili. batu bots ba koke
bakériti, ak' mwuir di vaghanu konde tséni ?
|
2. Au temps anciens l'initiation des jeunes était
quelque chose de fondamentale et indispensable. Dans la mesure où chez
nous les Massango un homme non initié est pris pour une femme. Il n'a
donc pas droit de prendre part aux grandes réunions des hommes au corps
de garde ; car c'est une autre histoire. De même pour une femme.
Aujourd'hui, tout le monde est devenu chrétien avec la
prolifération des églises. Que devons nous faire de notre Mwuiri
?
|
3 yetu ghandi di yatsi, gha v' yèss di sa ke
tsimbu mwuir n' nièmbe. di lodze bane ke lodze ma siss bivunde mu kudze
dimbu, n' bitsaghili. mwane uke va time narondili yèndi n' dikagni mu
mambu ma siss bivundu, yabène ; maghossu n' bundù bak'
vane.
|
3. De notre part nous n'allons pas oublier nos rites
initiatiques. Nous continuons à les pratiquer. Par leurs interdits, ils
participent à la bonne marche de notre société ; à
l'éducation des jeunes et à la préservation de nos moeurs.
Tout le monde connaît ces interdits. Alors, celui qui s'entête
à faire de n'importe quoi sera lui même victime de affres du
Bundu.
|
4. labe, va bilgue m' ma bile guèbe, ma sake
tsimbu ! mutu a dèghiss gname mognù mu murambe mbètsi, n
'tukle yènde. nane, n' gnidze yèndi gname, n' yènde n' yo.
tsufe n' vioghe as yèmbile. yine nde yiba. ake as ghague n' bundua ! va
tsigue yènde : mure koke umunène, mioghu n' milu n' sèle,
difume diotse koke dime di gha
bure. ne mane va do yambile
yèndi, dikièss bille diotso di ma vioghe, an ' fù.
mbèr' n' mugni bè ba var' do konde chidu.
|
4. D'ailleurs, pour la petite histoire, quand j'étais
jeune, je me souviens qu'il y avait un monsieur qui avait trouvé un
animal vivant dans le piège d'un autre habitant du village. Après
avoir achevé l'animal, il l'emporta sans signaler au propriétaire
du piège. Ça c'est du vol. Il fut donc ?attrapé? par le
Bundu du village, dont les manifestations se traduisent par un enflement de la
tête, du ventre, des jambes maigres. Son aveu donné la veille de
sa mort n'eut plus d'effet il était trop tard. A l'heure actuelle ont
aurait pensé au sida.
|
|
Ce récit de papa Samuel est composé de quatre
séquences. La toute première met en cause la situation actuelle
de dépeuplement que connaît le village en période scolaire,
du coût constituant un frein aux activités sociaux culturelles.
Les deuxième et troisième séquences portent sur la
praticabilité des rites traditionnels, par l'entremise des
initiations.
Puis situent la place des rites dans la société.
Elles esquissent quelques éléments facteurs de la perte de
l'identité culturelle, à savoir la religion. La dernière
séquence de ce récit est une histoire vécue par notre
informateur d'un homme victime du bundu18 pour avoir volé le
gibier pris au piège d'un autre villageois.
A coté de la forte persistance du système
clanique dans l'organisation sociale, des différentes ethnies, bien
d'autres phénomènes se perpétuent, à l'exemple des
contes et légendes déjà rapportés par du Chaillu et
toujours d'actualité dans ce village. Bien d'autres traditions sont
tenaces comme les croyances en l'existence des forces surnaturelles, à
la médecine traditionnelle malgré les progrès
spectaculaire de la médecine moderne.
Enfin, nous constatons que les croyances dans le culte des
ancêtres, et l'activité des pratiques culturelles avec leur rites
initiatiques n'ont pas totalement disparu. Bien au contraire même si
leurs adeptes pratiquent parallèlement le culte monothéiste
importé de l'occident. On pourrait être tenté de croire que
rien apparemment n'a changé depuis du Chaillu, si l'on se
réfère aux descriptions qu'il nous a livrées dans ses
ouvrages. Cela malgré le poids de la colonisation avec son
cortège contradictoire entre le développement économique,
celui de l'éducation, de la morale occidentale insufflée par les
missionnaires protestants et catholiques. Mais aussi de la paupérisation
des populations des villages.
Section 2. Habitat et environnement
Le village Issala chez les Massango est l'endroit où
résident plusieurs familles dont la majorité se réclame
d'un même clan. La construction d'habitation dans nos
sociétés traditionnelles se faisait essentiellement avec des
matériaux issus de la forêt. Des espèces d'arbres et de
plantes sont utilisées selon leur solidité et leur
résistance aux termites, selon d'autres attributs recherchés pour
construire des murs, des lames de toit. De nombreuses espèces ligneuses
(bois) et non ligneuses (fruits, feuilles, lianes) sont exploités pour
la réfection des cases. Les écorces des grands arbres faisaient
office des murs, la paille et les feuilles pour les toits.
Le lieutenant Maignan19 disant à son temps
que, le village avait une forme type à peu près immuable. Il se
composait de deux rangés, des cases accolées, laissant entre les
allées une rue de longueur variable. Au milieu de cette rue, de distance
en distance, sont
18 Poison d'épreuve faite à la base de
l'arbre monaï
19 Lieutenant Maignan, « Le pays Pahouin
», in Revue des Troupes coloniales,1912, extrait reproduit de
Histoire militaire de l'A.E.F. (Afrique Equatoriale Française),
imprimerie nationale 1931, et repris par Minko Mvé dans Gabon entre
Tradition et Post-modernité. (Dynamique des structures d'Acceuil
fang), éd. L'Harmattan, paris 2003, p. 107.
échelonnées des cases isolés au corps de
garde. Par contre, les latrines sont toujours à une distance plus ou
moins éloignée derrière la cuisine. Les déchets
ménagers sont jetés dans un trou creusé à cet
effet. Le village, en réalité porte toujours un nom simple ou
composé. Un grand nombre dérive de plantes d'un cours d'eau ou
d'arbres caractéristiques du voisinage. On trouve aussi des noms
provenant d'animaux, d'objets, de situations, de traits de caractères
des habitants, etc. Pour notre part, notre village, Issala renvoie au choix
(sal') ou (ùsal '), c'est selon en Massango. Ce qui
veut dire choisir. Autrement dit, ce nom est révélateur du choix
porté sur lui pour y regrouper plusieurs autres. Ainsi, un nom est donc
toujours évocateur. Il n'est pas neutre, il fait toujours
référence à quelque chose de plus ou moins mystique.
Fig. 2 - Type de village ancien
traversé par du Chaillu en 1865 (village Moukabou, Ngounié)
Source : L'Afrique sauvage
Cette image d'un village ancien illustré par du Chaillu
ne diffère pas, en général, de la configuration actuelle.
Car, de nos jours, les cases ont des portes, des fenêtres, murs, toit,
mobilier et vaisselle... de type moderne ; les lits sont tous garnis de
matelas. On ne couche plus sur les nattes ou le compos, comme au
XIXe siècle.
Photo 5 - Le village Idoumi traversé par
du Chaillu (Douya Onoye près de Mouila)
Cliché de Okoy Elingou 27/12/2006
La photo du village Idoumi met en relief la typologie des
villages du Gabon. Il est vrai que ce village ne fait pas parti de notre zone
d'étude, mais nous avons voulu étendre nos recherches au nord de
la province. Ce village s'est donc révélé notre point de
chute au regard des orientations collectées à Mouila. En fait,
notre ambition était de vérifier si la structure des villages,
ainsi que les réalités sociales que connaissent les populations
de Issala sont de mises ailleurs, c'est-à-dire dans les zones
explorées par du Chaillu. Idoumi est donc le village à notre
avis, le mieux adapté à cet effet dans la mesure où ce
dernier fait partie des villages traversés par du Chaillu lors de son
voyage en pays punu, vugu et tsogho. Dans cette parti de la province, il
découvrit : Idoumi (regroupement actuel), Mouendi, Dilolo, Mokaba,
Igombi, Yengué et Mokenga avant d'atteindre Niembou à l'ouest.
Ce village a donc gardé la structure des anciens
villages dont du Chaillu en fait la description. Par contre la cours commune
dans le village ancien s'est considérablement rétrécie
pour faire place aux routes qui traversent le village et le divisant en deux.
C'est un regroupement de villages comme c'est le cas de Issala. Sur cette photo
nous observons les cases alignées le long de la rue conduisant à
Mouila. En arrière plan, nous percevons deux femmes qui se dirigent vers
nous. Elles se rendaient au domicile du chef où nous nous trouvions. Ce
dernier en avait convoqué une réunion dont l'objet portait sur le
débrois sage du village.
Photo 6 - Le village Issala sens
(Mbingou-Lébamba)
Cliché Simplice Ockoy Elingou, samedi 0 1/04/2006
Cette photo nous présente l'axe routier
Mbigou-Lébamba créé dans les années 1950 en vue du
désenclavement des populations de l'arrière pays. D'autre part,
elle montre de façon plus explicite le côté abritant la
majorité des maisons dudit village. Au premier plan, nous avons la
maison de notre informateur n°2. C'est dans cette maison que nous nous
sommes retrouvé avec tous nos informateurs pour un entretien collectif
comme l'avait souhaité le chef de regroupement. La maison que nous
apercevons en troisième position est celle du chef dans laquelle nous
avons passé la nuit. Un corps de garde est contigu à cette case
dont la toiture est visible. En face, nous avons le mat du drapeau qui nous a
servi de repère dès notre arrivée dans le village.
Précisons que le drapeau avait déjà été
descendu au moment où nous avons pris la photo. Au milieu de la route
nous voyons un villageois qui tient une bouteille de vin de palme dans sa main
gauche. Accompagnée de son ami que nous apercevons plus loin, il venait
de le récolter sur ce palmier en face du corps de garde.
Par ailleurs, le premier phénomène qui s'impose
à la vue dans cette région est la végétation. Sous
ce mot très général, on désigne l'ensemble des
plantes qui croissent en un lieu donné. Par extension spatiale, on parle
de la végétation d'une région comme c'est le cas ici.
Cette forêt des montagnes décrite par du Chaillu est restée
à écart des grandes exploitations à cause des
difficultés de pénétration (très peu de pistes
praticables et relief
montagneux). « Le pays continuait d'être
montagneux, et nous eûmes à faire des détours pour
éviter des pentes trop roides »20.
Photo 7 - Relief décrit par du Chaillu
en 1885 (le Biroughou-Bouangue, Marémbo)
Cliché de pris par Clotaire Moukegni Sika le vendredi 15
decenbre-2006
Photo 8 - Un palmier à huile Village
Marémbo
Cliché de Simplice Ockoy Elingou le vendredi 15
décenbre 2006
Le palmier à huile est très cultivé et
exploité par les populations pour la fabrication du vin de palme. En
arrière plan le relief juxtaposant le mont Biroghou dont du Chaillu
en
20 Paul du Chaillu, L'Afrique Sauvage,
Libreville, Luto, 2002, p. 270.
avait fait la description. Le palmier est un arbre
cultivé au village Issala en raison de son caractère
multi-fonctionnel. Si les femmes attachent du prix à cette plante pour
la production de l'huile de palme servant à la cuisson des aliments ou
parfois utilisée comme crème de beauté en milieu rural.
Avec les noix, on peut aussi faire une sauce appelée
nyèmbuè. Les hommes par contre l'utilisent pour la fabrication du
vin de palme. Cette boisson est très prisée par les populations
aussi bien villageoises qu'urbaines. Il se cultive de deux façons. Soit
en abattant complètement le palmier ou en extrayant le vin depuis le
haut dont la récolte se fait deux fois par jour. Cette dernière
semble être la meilleure boisson selon les témoignages des
consommateurs du vin de palme. « Je les ais souvent monter aux arbres
dès le matin, et puiser à long trait dans les calebasses qui y
étaient accrochées »21. En arrière
plan, nous avons la végétation décrite par du chaillu en
son temps. Ce relief très accidenté est situé dans la
région de Niémbou. Nous pouvons apercevoir le mont Biroughou en
dépit du brouillard qui affecte sans cesse cette région.
Un autre fait que nous pouvons souligner c'est le
caractère sédentaire des Massango. Si dans le passé, du
Chaillu en avait fait la description des peuples rencontrés dans la
région en l'ocrurrence les Massangou, il nous importe de souligner que
ce peuple est resté attaché à son environnement, disons
à leur région, bien qu'étant déplacés.
Récit 12 - Joseph Madouma, agriculteur
(ignore sa date de naissance ; village d'origine : Impungu ; clan :
Sima-Mupigha ; clan du père : Sima-Maduma). Notre entretien a
porté sur les anciens villages, ainsi que les raisons qui les poussent
à les fréquenter jusqu'à présent.
1. gha irughe nami ghu mussiru i ghu labe re ghuyi mbili
bambari, mimangue n' batsafu. gha dipule va inangu mossi iruguss va r' di nde
va dibughe : dimbu di kale.
|
1. Si tu viens avec moi lorsqu'on se rend souvent en brousse,
tu pourras constater qu'à certains endroit il y à la
présence des palmiers, manguiers, atangatiers et d'autres arbres
fruitiers ; Ces endroits marquent la présence des anciens villages.
|
2. va bibambe ba va r' ghukmanu dilabe yere
|
2. Lorsqu'on nous a demandé de venir ici, on s'est
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badumbe yetu mimbe metu. nde mu dio di na
|
senti comme privé de nos zones de prédilections.
Si
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gnale ghune va di na ronde. di va re di yende
|
bien que nous sommes obligés de repartir de temps en
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ghu mabughu.
|
temps dans ses zones pour multiples activités.
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3. mussangu utsimbu ma bughe mandi nde time
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3. Par ailleurs un musangu qui ignore ses origines est
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ivassi. di sake bendze tsimbu ussendi.
|
un idiot. Même si nous n'avons pas des papiers comme
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nes 'usaghe yetu n' bapepi gha yenu bibambu, di
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vous les blancs, nous faisons un effort de le dire à
nos
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na yembili bane betu mambu motso ma kale ma
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enfants. Et notre culture se transmet de
génération en
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siss bivunde. n' mugni bane botso ba ronde koke
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génération. C'est dommages que tous les enfants
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tsoghle ghu
pungu. va bele ma, usende
mutu u
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veulent maintenant vivres en ville. Si bien que lorsque
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vindze me ghu mussiru. batsafu bots ba buguene
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je tombe malade, il n'y a plus personne pour se rendre
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21 Paul du Chaillu, L'Afrique sauvage, p.
215.
k' buguene
|
en brousse d'où le gaspillage des fruits comme les
atangas.
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4. bibambe ba ma baghe biotse mu maghatsi, di
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4. Concernant le mode de vie à Issala , nous faisons
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na va koke gha batu botsu ; di sale badola, mu
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comme tous les autres c'est-à-dire que nous cherchons
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yende ghu bibambe ghu ye sumbe bighuyi mu
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de l'argent puis nous nous rendons à Lébamba
pour
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maghatsi. bemine-r' y bene na do mandaghu,
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toute sorte de provision. Constate toi même les toits
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motsu ma koke matolu ye. va bilegue va kale
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des maisons tout est en tôles. Est ce qu'au temps de nos
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diyabgue matolua ? ghu maghatsi ghu koke
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aïeux ont connaissait se que c'est la tôle ? Dans
les
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badendu n' bakoku n' sali, di s' yabe ghu boke
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boutiques ce sont les dindons et poulets dont la date de
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bo. matsule r' ghu koke ibelsu ghi baghodzu n'
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leur abattage nous est inconnu. Il parait qu'il y a
déjà
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bakoku. ak' di vaghanu nde tseni ? bine biotsu
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une maladie des poules, alors que faire ? tout ça c'est
|
k' yenu bibambu.
|
vous les blancs.
|
Le récit de papa joseph comporte quatre
séquences. Les deux premiers traitent du concept de vieux village dont
il en fait l'historique. La troisième séquence affirme la force
de la tradition orale dans le monde moderne ; en ce sens qu'elle continue
à se perpétuer de génération en
génération. Tandis que la quatrième séquence aborde
la question du mode de vie et les changements relatifs, à cet effet.
De ce récit, retenons que les changements culturels sont
de mise et sont très apparents dans les villages ce malgré
quelques résistances.
Photo 9 - La bretelle de gauche du village
(Lébamba-Mbingou)
Cliché de Simplice Ockoy Olinda Simplice, samedi
01/04/2006
Cette photo nous présente la bretelle gauche du village
Issala. Les maisons que nous voyons traduisent la dynamique des changements
dont nous parlons dans ce travail. Dans la mesure où elles sont
multiformes, c'est-à-dire qu'elles sont bâties aussi bien en terre
battue (1ère maison de gauche) comme nous l'avons
souligné dans le commentaire de
photo n°2 ; en briques de terre (1ère
maison à droite) ; mais aussi en briques de terre cuite (maison en face)
qu'en dure (voir maison jouxtant celle que nous venons de présenter).
Le couple qui se tient débout devant la maison et dont
la femme porte un bébé sont des habitants de celui-ci qui nous
observe en train de prendre l'image. Cette bretelle mène au domicile de
notre informateur n°4. Dans ce village les populations, à l'instar
des autres villages du Gabon, élèvent les animaux domestiques
constitués de poules et de moutons visibles sur cette photo. Au premier
plan, une branche de palme est attachée à un poteau, et cela sur
tout le long du village au moment de notre séjour. Elle est explicative
de la cérémonie de retrait de deuil qui à lieu le jour
même (samedi 1er mars 2006)
Récit 13 - Lévoga Jean Gabriel
: chef de regroupement du village Marembo. Avec lui, nous nous sommes entretenu
sur l'implantation des Nzèbi à Lébamba, Issala, et
Marembo.
1 - Selon les histoires que les grands parents nous ont
racontées, les nzèbi ont toujours été les plus
nombreux que les Massango et les Mitsogo. Je ne parle que de ces deux ethnies
parce que ce sont les principales ethnies qui étaient implantées
le long de la Wano, avant que l 'Etat ne nous oblige à nous
regrouper.
2 - Ici à Marembo, comme à Issala c'est un
regroupement des villages que du Chaillu a connu, puisque tu me parles de lui.
Mais les principaux villages sont tous à Issala. D'ailleurs, regarde
là-bas, c'est le mont Mouawou. Toute cette zone appartient aux Massango
et donc tous les villages regroupés ici à Marembo ou à
Issala sont des villages massango. Les nzèbi sont arrivés juste
après. À l'époque même, une guerre avait
éclaté entre les Massango du clan boukomb' et les nzèbi de
Ndènguè. Elle s'est poursuivie à Idèmbè,
puis à Dioukou. Toujours les Massango du clan boukomb' et les
nzèbi issus dipeyi, c'est-à-dire les arrivistes. Quand ils
arrivaient à prendre le dessus sur les Massango, ils annexaient le
village et s'installaient.
3 - Après Dioukou, l'armée continuait la
route vers Lébamba où étaient implantés les
Massango du clan Mululu. Ils traversaient la Wano à l'aide des radeaux
qu'ils fabriquaient et s'installaient à Lébamba en l'absence de
toute riposte ni opposition. Ils étaient redoutés. D'où le
terme dibamb' di bakègni (Lébamba des guerriers). Ce n'est que
par la suite que certains sont venus s'établir à Issala et
Marembu, par le biais des rapports matrimoniaux. Le tout premier
commerçant gabonais à s'installer à Lébamba c'est
Mathias. Ce sont les Myènè qui le ravitaillait en denrées
alimentaires. Ces derniers prenaient les villageois et les envoyaient à
Etéké pour l'extraction de l'or. Mais le premier
commerçant de Lébamba était un commerçant portugais
nommé Férao.
Récit 14 - Boussiengui, 56 ans ;
village d'origine : Ipungu ; clan : Sima Mupigha ; clan du père : Sima
Maduma. Récit collecté à Libreville le 10 mai 2007. Avec
lui, nous nous sommes entretenus sur l'implantation du village Issala ainsi que
de la praticabilité des anciens villages.
1 - Je suis originaire de Ipungu. Je vis à
Libreville depuis 12 ans pour des raisons professionnelles. Historiquement, il
est rapporté que nos villages étaient situés dans la zone
de Mubana où je suis allé à plusieurs reprises pour des
activités agricole, de pêche et même de chasse. C'est dans
ces villages que nous avons des campements non loin de la rivière Wano.
Ces implantations étaient stratégiquement établies
à cause des activités villageoises, essentiellement la chasse, la
pêche et la cueillette.
2 - Un Musangu qui a grandi aux abords de la Wano et qui ne
sait pas placer les filets n'est pas digne de lui. Pendant la saison
sèche, je me souviens que lorsque j'avais fin, il me suffisait
simplement de me rendre à la Wano pour pouvoir obtenir un bon
kilogramme de poisson. Aujourd'hui, je suis sûr
que ce n'est plus pareil au village, à cause de la
paresse et le manque de savoir faire qui animent les jeunes. À cela
s'ajoute l'éloignement des villages, car il faut parcourir 15 à
20 kilomètres pour atteindre la Wano. Tu vois, mon petit que cela est
difficile.
3 - Pour ce qui est des activités socioculturelles,
ici en ville cela n'existe presque pas. Mais au village, il se pratique
toujours, même si les modifications ne manquent pas. Du moins,
jusqu'à ce que je ne quitte le village, les initiations au
nyèmbè et au bwiti, deux rites traditionnels, se faisaient
toujours. Les périodes les plus propices c'est la saison sèche,
car c'est au cours de laquelle plusieurs enfants regagnent le village, au terme
de leur année scolaire. Nous profitions donc de cette période
pour inculquer aux enfants les notions de base et l'amour pour le
village.
Section 3. Les structures de production économiques
(agriculture, pêche, chasse, cueillette)
La forêt constitue le lieu par excellence où les
populations villageoises tirent l'essentiel de leurs ressources à la
fois dans le domaine alimentaire que dans celui de la production des biens et
des services. La chasse, la pêche, la cueillette et l'agriculture s'y
déroulent. Autrefois, le gibier occupait la place de choix dans
l'alimentation des populations, ce qui a naturellement poussé les
populations à faire preuve d'une grande ingéniosité dans
l'art de la chasse. La connaissance des animaux faciles à pister et donc
à piéger constitue le savoir indispensable dont l'acquisition et
la maîtrise assurent le succès des villageois. La pose des
pièges dans nos sociétés traditionnelles obéissait
à des techniques appropriées. Les matériaux
utilisés sont du bois, du bambou, de la liane. Le piège à
poser est fonction du type de gibier. D'une manière
générale, autrefois, la confection se faisait donc avec des
végétaux. Ce qui n'est pas le cas de nos jours. En effet, les
Occidentaux ont introduit le fil de fer et le fusil, avec toutes les
conséquences que l'on imaginer non seulement sur la symbolique mais
aussi sur la capture systématique des animaux.
L'approvisionnement en viande de brousse constitue
l'activité principale des hommes adultes. La chasse individuelle se
pratique d'avantage sur des espaces privés appartenant au segment de
lignage du chasseur. Aujourd'hui avec l'introduction du fusil qui a
occasionné nombre d'accident de chasse, les populations optent
préférentiellement pour la chasse individuelle. Par contre la
chasse collective, quant à elle, se fait surtout sur des espaces qui
sont connus par l'ensemble de la communauté villageoise et concerne en
priorité les petits gibiers. De nombreuses techniques permettent de
capturer une large gamme de gibier.
Elle peut être individuelle ou collective. Ces
techniques de chasse utilisées vont de la chasse au filet à la
pose de pièges. La chasse au filet est souvent l'occasion de rassembler
toute une partie du village ainsi que toute la parentale qui gravite autour.
Au
cours de celle-ci, les chasseurs entourent une partie de la
forêt de leurs filets tendus les uns à la suite des autres. Du
côté opposé du filet, sur une distance plus ou moins
longue, les chiens sont lâchés et dirigés vers les filets.
Les animaux ainsi piégés sortent de leur « cachette »
et dans leur fuite s'accrochent aux filets tendus à cet effet.
Si la chasse au filet et les techniques de pièges sont
toujours à l'oeuvre, force est de constater que l'introduction du fusil,
notamment le type calibre 12, a donné un nouveau visage à la
chasse. En effet, la chasse collective est le lieu de reproduction des rapports
sociaux, la socialisation des jeunes, le raffermissement des liens et de la
socialisation du lignage. Elle a aujourd'hui pris une autre envergure avec
l'arrivée du fusil. Elle s'individualise d'avantage, transforme les
rapports sociaux et bouleverse les espaces cynégétiques dans le
voisinage immédiat du village. Si l'économie des populations
forestière était communautaire il y a de cela plusieurs
décennies, celle-ci semble devenir individuelle à cause des
phénomènes relatifs au coût de la vie. Mais, les temps ont
changé, on sait depuis que l'homme du village s'est subitement
transformé dans ses comportements quotidiens, à cause des
relations qu'il a forgées avec l'homme de la ville.
La capacité destructive du fusil, le besoin de
rentabilité d'investissement (car l'achat d'un fusil en constitue un
pour un villageois) foule au pied les interdits relatifs à
l'exploitation des écosystèmes caractérisé par un
temps de « repos » encore appelé jachère.
« Le fusil par lequel le chasseur éprouve sa
maîtrise sur la nature, insouciant d'en détruire l'objet
même, a conduit à une dissolution des encadrements communautaires
» 22, car « pour ces villageois qui n'ont ni
économie, ni accès à l'épargne, le gibier reste une
activité des plus rentable »23.
L'activité de pêche, principalement
féminine, peut par occasion se pratiquer avec des hommes. Elle se
déroule souvent dans des marigots et des rivières. Les nasses et
corbeilles sont les principaux objets de pêche chez le peuple Massango.
La technique consiste à barrer un bout de rivière pour un temps
très limité ; à l'aide de terre ou claies
végétales et en vider l'eau. Une fois l'eau vidée survient
la capture du poisson tout en se gardant de capturer les tous petits pour
assurer la reproduction de l'espèce.
Les hommes pratiquaient la pêche avec hameçon
fabriquée avec des piquants de porc épique. La pêche peut
se dérouler dans le voisinage du village ou contraint les villageois
à aller camper aux abords de la Wano ou dans les anciens villages. Ce
campement associe l'ensemble des membres valides du lignage. Les
activités vont de la
22 Pourier 1989, 191, cité par Ludovic Mba
Nzeng, in Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme, p. 172.
23 Revue de l'IRSH, vol. 6, n° 6, juin
1999-janvier 2000.
pêche pratiquée par les deux sexes à la
chasse, en passant par une intense activité agricole qui à lieu
pendant la grande saison sèche. Le campement est le lieu où
s'organise une grande activité de collecte dans des lieux laissés
en jachère quelques années.
En matière de collecte, les habitants des villages
tirent une gamme de produit divers qui vont des lianes à eau (Cissus
dinklagei vitaceae) aux légumes et fruits. En effet, la forêt
des régions équatoriales est un milieu diversifié à
l'extrême où l'on trouve des milliers d'espèces. Les
habitants de notre village d'étude qui, au quotidien, vivent dans cet
environnement, ont développé des stratégies alimentaires
qui sont ainsi très variées en fonction de leur histoire. Car
chaque peuple à son alimentation, comme disait le professeur Donatien
Mavougou Bongo « ... les habitudes alimentaires ne sont pas les
même, elles varient d'un village à un autre ; quand bien
même les aliments peuvent être les mêmes. » 24 Si
les principaux arbres
fruitiers cultivés aux abords des villages sont
exotiques, à l'acception du palmier à huile : très
cultivé à Issala pour la fabrication du vin de palme. Les
populations pratiquent de l'agriculture de subsistance. Ainsi, les travaux
champêtres sont donc l'activité principale.
Toutefois, ces populations attachent du prix à la
préservation de l'écosystème forestier. Si bien que les
activités de débroussage, d'abattage et de brûlis se font
de façon rationnelle. Plusieurs essences sont conservées
jalousement car mettent à la disposition de ces même populations
une gamme non négligeable de fruits locaux lors de la cueillette tels :
le noisetier, (Coulas educis), le manguier sauvage (Irvingia
gabonensis), les raisins du Gabon (Trichoscypha abut). A cela
s'ajoute les avocatiers, atangatiers, manguiers etc.
D'autre part, le sous-bois de forêt fournit aux
populations des aliments issus des plantes spontanées. C'est le cas des
variétés d'ignames de champions. La cueillette dans les villages
concerne également les produits animaux, généralement les
invertébrés, mais aussi certains vertébrés que l'on
capture à main nue comme le pangolin, la tortue. Dans les villages, les
populations recherchent également les chenilles du palmier à
huile) : bien prisées par les Massango. Si la cueillette des aliments
végétaux est une activité féminine à
laquelle s'ajoute le ramassage saisonnier des chenilles, en revanche, la
récolte du miel sauvage des abeilles dans les troncs d'arbres creux, est
traditionnellement réservée aux hommes. Ces derniers grâce
à leur bravoure, doivent escalader un arbre à vingt ou trente
mètres de hauteur, pour atteindre la cavité du tronc dans
laquelle se trouve une ruche.
24 Professeur Donatien Mavougou Bongo :
émission Invité, TV+ du mardi 18 septembre 2007.
A Issala, les populations pratiquent l'élevage
domestique constitué de poules, cabris, moutons qui servent surtout
à construire un patrimoine dont une partie est souvent consommée
lors des cérémonies tels : mariage, retrait de deuil,
retrouvaille, visite parentale ou réception des hôtes. Ce
patrimoine intervient également comme cadeaux offerts à des
invités de marque ou comme « monnaie » pour corroborer du
Chaillu dans L'Afrique sauvage25.
Les différentes activités économiques
constituent ce que l'on appelle « richesse de surface ». Si elle vise
toute l'exploitation de la nature, ces activités ont pour
finalité commune l'alimentation des hommes. Car les populations rurales
ont toujours été cultivatrices. Précisons que les
activités agricoles villageoises n'ont qu'un faible impact sur
l'économie gabonaise. En effet, le secteur agricole n'est pas encore
développé dans notre pays. Aux difficultés
financières s'ajoutent les difficultés d'ordre physique (relief,
climat, sol, végétation). À ce titre, le pays souffre d'un
sous peuplement évident : la densité n'atteint pas 5 habitants au
kilomètre carré. En dehors des centres urbains, la population est
dissimulée le long des actes routiers facilité par la politique
du regroupement des villages.
Ainsi, la croissance urbaine n'a fait
qu'accélérer le processus de désertification des
campagnes. La population rurale a été aspirée par la
côte (Libreville, Port-Gentil), ainsi que le sud est (Moanda, Mounana),
à la recherche des meilleures conditions de vie. Nos villages sont donc
entièrement peuplés par les tous petits et les vieux qui n'ont
plus la force de travail. Cette situation, à notre avis, entraîne
un net déficit des classes actives et partant, d'une grande diminution
es surfaces cultivées. En conséquence, les populations, en raison
du poids de l'âge, fréquente de moins en moins des anciennes zones
d'exploitation où les récoltes sont abondantes. Ils font du
surplace. Dès lors, la durée de la jachère est
écourtée pour faciliter le travail de l'abattage. Ce qui
précipite l'appauvrissement des sols. On assiste à la
régression des cultures exigeantes telles que la banane Plantin, au
profit du manioc plus rustique, mais de qualité nutritive moindre.
Le problème des débouchés n'est pas en
reste. Il vient assombrir d'avantage ce bilan. En effet, les voies de
communication sont très déficientes, décevantes et
regrettables, dans la mesure où ce que l'on appelle routes nationales
sont en piteux états, et donc impraticables en saison de pluies
(bourbiers permanents, ponts coupés, cf. photo n°),
25 Paul du Chaillu. L'Afrique Sauvage, Libreville, Luto,
2002,411 p
ne permettent pas tout écoulement normal des produits
agricoles vers les centres de consommation. Ainsi, « le monde rural est
fixé dans une quasi autarcie », comme le pensait déjà
Monique Minko.
Photo 10 - L'état des routes nationales
prise entre Mbigou-Lébamba
Cliché de Sébastien Moungomo, 15 décembre
2006
Photo 10bis - L'état des routes
nationales prise entre Mbigou-Lébamba
Cliché de Clotaire Moukegni Sika, 15 décembre
2006
Toute fois, le système traditionnel de production,
basé sur le fonctionnement des exploitations familiales repose sur une
stricte division du travail. Les hommes ont traditionnellement en charge la
chasse, la pêche, le débroussage et l'abattage des
forêts.
Aux femmes, par contre, reviennent les taches
ménagères : défrichage, sarclage, planter, récolter
les villageois pratiquent la culture itinérante sur brûlis. La
grande saison sèche est généralement propice à
l'abattage des champs, au brûlis. Les cendres favorisent une culture sans
labour pratiquée par la culture villageoise. En général,
les campagnes gabonaises ne nourrissent pas suffisamment ces villes. C'est
pourquoi l'Etat gabonais dépense plusieurs milliards de francs cfa pour
l'importation alimentaire.
La nouvelle politique agricole qui se fixe des objectifs
constructifs ne se limite que sur le papier. Ainsi, l'autosuffisance
alimentaire tant clamée, susceptible de freiner l'exode rural et de
favoriser le développement n'est, à notre avis, que illusoire.
Ainsi, qu'il s'agisse de la chasse, de la pêche ou de
l'agriculture, la communauté villageoise organise ses activités
sur le model de la jachère. A ce sujet, Jean Emile Mbot
disait «... comme on le voit, il s'agit bien d'une
exploitation qui, obéissant aux saisons, s'explique à
l'environnement de façon cyclique. Les même développements
doivent s'appliquer évidement pour la forêt nourricière,
réservoir de fruit de toutes sortes, et réserve écologique
des produits animaux comestibles de façon saisonnière.
»26
En somme, les populations des villages entretenaient des
rapports d'interdépendances avec leur environnement, car la forêt
se présentait à leurs yeux non seulement comme source
inépuisable de protéines végétales naturelle, du
départ de tout procédé d'apprivoisement des
espèces, tant animales que végétales pour une agriculture
à vocation sédentaire.
Mais 150 ans plus tard, les comportements et pratiques
semblent avoir subi l'influence de la culture occidentale. En
réalité, il s'agit d'une véritable mutation dans les modes
culturaux pour ne parler que des cultures. Jean Emile Mbot en abordant la
question relative au projet de regroupement de village initié par Jean
Hilaire Aubame (parlementaire gabonais), fait une analyse diachronique de la
gestion par les villageois de leur environnement et montre les
dysfonctionnements que peut occasionner un tel projet lorsqu'il ne prend pas en
compte le savoir faire des populations. Il affirme en substance :
« Les anciens villages avants le regroupement,
pratiquaient la jachère et se soumettaient à un mode
d'exploitation parcimonieuse de l'environnement, où la notion de
recyclage était usée, c'est-à-dire qu'à
l'exploitation succédait le repos pour une nouvelle mise en exploitation
»27.
26 Jean Emil Mbot : « Les formes traditionnelles
de gestion de l'écosystème », in Cahier Gabonais
d'Anthropologie, n°1 Université Omar Bongo,
Libreville.
27 Jean Emil Mbot : « Les formes traditionnelles
de gestion de l'écosystème », in Cahier Gabonais
d'Anthropologie, n°1 Université Omar Bongo,
Libreville.
Or, à quoi assiste t-on aujourd'hui ? Les comportements
de gestion des écosystèmes qui étaient sous-tendus par des
corpus de prescriptions et des interdits étaient de véritables
expressions formalisées et codifiées où la
société traduisait ses rapports avec l'environnement. Ceux-ci ont
fait place à des comportements de prédation exacerbés par
l'appât du gain qui est devenu l'objectif principal poursuivit par
chacun.
Autrement dit, tout le monde est aujourd'hui en situation de
campeur permanant tant dans son propre village que partout ailleurs. On ne
tient plus désormais compte de la parcimonie qui était le
leitmotiv de la génération de nos arrières grand parents.
« Chacun se comporte comme si le temps avait suspendu son vol, comme
si les instants vécus étaient les derniers
».28 On passe du coup ainsi de l'exploitation
parcimonieuse dont le souci était la préservation des
espèces et du milieu garantissant de facto aux générations
future des ressources nécessaires pour leur épanouissement,
à une exploitation totale et sauvage qui n'a de règle que
l'appât du gain d'aujourd'hui et de maintenant.
Les interdits qui existaient en matière de gestion de
l'environnement ont été mis de coté, alors que dit Jean
Emile Mbot du temps de nos pères : « [...] domaine par domaine,
qu'il s'agissent de la gestion des eaux, des forêts, des sols de l'espace
habité comme de l'espace exploité, des
centaines d'interdits dictent à la
société les conduites à tenir dans ses rapports avec
l'environnement ».
28 Ludovic Mba Nzeng :(Les formes de gestion de
l'écosystème au village Mbenga (Weleu-Ntem).), in Revue Gabonais
des Sciences de l'Homme, Lutto, Université Omar Bongo, Libreville,
N°5, 2004,33 1pages.
Chapitre 6. Rupture ou continuité
Section 1. Typologie des changements
A ce niveau de notre réflexion, nous voulons aborder
dans un premier temps la question de la langue afin de mettre en relief la
perte de l'identité culturel ; car la langue est le véritable
véhicule culturel. En effet la pratique de la langue vernaculaire dans
nos villages en général et en particulier le Massango à
Issala tend à disparaître au profit du français (langue du
colonisateur).cette situation, loin d'être l'apanage du seul groupe
ethnique massango est plutôt inhérent à toute la
société gabonaise. Les explications relatives à cette
situation varient selon les sociétés.
Dans le cas présent cet état résulterait
d'une part des effets induits de la colonisation, à savoir,
l'école actuelle qui ne crée ni le savoir ni le savoir faire,
mais plutôt d'assumer uniquement les carrières, car,
organisé selon le modèle français. Dès lors, le
savoir traditionnel est relégué au second plan. Dans cette
optique, Franck Idiata pense que
« lorsqu'on esquisse une comparaison des modes de vie
traditionnelle et celui développé aujourd'hui dans les villes, on
se rend compte que l'école crée le savoir, c'et certain, mais pas
le savoir-faire ni le savoir-être. .En effet, alors que
l'éducation traditionnelle formait les individus à vivre en
harmonie avec leur espace socioculturel (...) L'école a formé des
êtres totalement étrangers à leur propre environnement
»29. De ce
fait, il est donc nécessaire de réorganiser
l'école gabonaise par l'introduction des langues
dans le système éducatif. « Le premier
intérêt de la prise en compte des langues vernaculaires dans
l'éducation scolaire est d'adapter l'école à
l'environnement socioculturel de l'enfant. »30
Par ailleurs, cet état résulterait des rapports
matrimoniaux qui existent entre deux groupes ethniques (Massango-Tsogho) ou
(Massango Nzèbi) c'est selon. A Issala, les Massango et les Nzèbi
cohabitent depuis des décennies, nonobstant le fait que les premiers
restent les autochtones du dit village. Si du chaillu à son temps
évoquait déjà le recul des Akélé et les
Evaïa, il y a 150 ans31, force est de constater que la langue
isango connaît sensiblement les même problèmes
.c'est-à-dire reculent considérablement par rapport au
Nzèbi (très parlé dans ce village. En effet, le
récit de l'informateur 10 mas sango donne les pistes de
réflexions sur l'une des causes de ce recule et sur l'expansion de la
langue nzèbi. En fait c'est la langue nzèbi qui connaît une
expansion favorisée par les mariages inter-
29 Daniel Franck Idiata, Francophonie et politique
linguistique en Afrique Noire : Essai sur le projet d'intégration des
langues nationales dans le système scolaire au Gabon, Libreville,
La Maison gabonaise du livre, 2005, p. 82.
30 Idem, p. 84.
31 Jean-Pierre Gautier (1) Raymond Mayer (2) «
Sur les traces de Du Chaillu », Rapport Général des missions
effectuées au Gabon en 2004 :(1) 17 juillet-9 août au sud (2)
15-19 octobre au Nord.
ethniques Il ressort selon les témoignages de notre
informateur que les autres ethnies aimaient prendre femme chez les Nzèbi
notamment les Mas sango, alors que l'inverse était peu fréquent.
Les zèbi aimaient toujours se lier entre eux d'où l'expansion. Il
est vrai que dans nos sociétés traditionnelles lorsqu'une femme
est donnée en mariage, elle ne fait plus parti de la famille
nucléaire mais d'adoption c'est-à-dire de son mari. Donc devrait
logiquement assimiler le Massango.
Le problème ne se situe pas à ce niveau mais
plutôt au niveau de la transmission de la langue et le parler. En effet
tout ce passe au niveau de la cellule familiale. Le récit de vit de
Mbaghou Adolphe et l'observation de la transmission des langues dans les
généalogies d'enfants nés d'un couple
massango-nzèbi montre que c'est généralement la langue de
la mère donc le Nzèbi qui est transmise aux enfants. Ces derniers
apprennent et parlent plus facilement la langue de la mère que celle du
père. Dans tous les cas, l'une et l'autre sont reléguées
au second plan de nos jours car les enfants s'expriment plus aisément en
français qu'en langue.
Récit XX - Mbaghou Adolphe, (ignore sa
date de naissance ; village d'origine : Mughiba ; clan : Mutuka ; clan du
père : Bougoundou). Le récit portait sur la question de la
transmission des langues et de leur parlé.
« Le problème que les enfants d'aujourd'hui ne
parlent plus nos langues est difficile à comprendre. Et pourtant, nous
faisons ce que nos grands parents faisaient. À l'époque ancienne,
le français n'existait pas. C'est toujours le Massango que l'on parlait
aux enfants. C'est ce que je fais aujourd'hui. Il est vrai que j'ai fais
l'école, j'ai fréquenté jusqu'au CE1 fort, mais je ne
parle jamais à mes enfants le français. Mon maître
c'était un blanc. Mais c'était d'abord un prêtre qui nous
parlait en français quand je rentrais faire la pénitence pour
être baptisé. Mais ça se récent
Les Massango n'ont jamais été nombreux.
Regardes, là où tu es là, tu es quoi ? Quelle est ton
ethnie ? Obamba, répondis-je. Alors, si tu épouse une femme punu
ou fang, tu quoi que les enfants vont parler quelle langue ? Les deux,
répondions-nous. Aou ! C'est faux ! Les femmes apprennent toujours aux
enfants leur langue. Ce sont les mauvaises, les hommes que tu vois-là
(entendons femmes).
Regarde, mon grand-père avait trois femmes dont
deux nzèbi et une mitsogho. Ils ont fait beaucoup d'enfants : quatre
pour la première, sept pour la deuxième et cinq pour la
troisième, dont deux décédés. Après sa mort,
chacune d'elle a été prise en mariage par d'autres hommes non
massango. Tu crois que ces enfants pouvaient parler quelle langue ? Ce n'est
pas le mitsogho et le nzèbi ? Si je parle Massango aujourd'hui, c'est
parce que ma mère a été épousée par un
massango. Donc, le fait que les massango ne sont pas nombreux au Gabon, c'est
peut-être dû au fait qu'ils aimaient
prendre femmes ailleurs. Le reste je ne sais pas, c'est
vous-mêmes qui faites l'école. Les enfants même au village
ne parlent que le français. Qu'est ce que tu veux que je te dise ?
»
A travers ce récit, papa Mbaghou s'interroge
également sur le phénomène observé de nos jours
dans nos sociétés. Autrement dit, les enfants ne parlent plus ou
ne savent plus parler leur langue. Cette situation est véritablement
révélatrice de la grande perte de notre identité
culturelle dans un monde en pleine mutation. Par la suite, il pointe du doigt
l'Occident avec l'arrivée de l'ère coloniale par l'entremise des
missionnaires catholiques et protestants qui, au travers de la religion,
imposaient leur culture. Il n'oublie pas de souligner le problème de la
transmission des langues dans la cellule familiale. Les tentatives
d'explication de cette situation se focalisent autour des types des rapports
matrimoniaux que les Massango entretenaient avec d'autres ethnies. Dans tous
les cas, il ressort que les Massango ont toujours été
minoritaires par rapport aux Nzèbi avec lesquels ils cohabitent depuis
des décennies à Issala.
Précisons néanmoins que le problème de
revendication de l'appartenance au clan de l'un ou de l'autre ne se pose pas
dans la mesure où les Massango tout comme les Nzèbi sont
matrilinéaires. Dès lors, il ne reste pour l'homme massango que
le système de filiation et éventuellement certaines pratiques
sociales comme l'initiation (mwiri, nièmbè ou
la circoncision).
Cette dernière est l'opération par laquelle le
prépuce, une partie de la peau qui couvre le pénis est
amputé. Chez les Massango, cette opération est emprunte d'un
symbolisme particulier : celui d'assurer socialement le passage de l'homme de
l'état d'enfance (ou de femme) à l'état d'adulte
(où d'homme). Le rite de la circoncision constitue une épreuve
importante chez les Massango. Jadis, on la subissait très tard. De nos
jours, la circoncision se pratique relativement tôt sans
nécessiter une quelque conque cérémonie.
Récit 6 - Sébastien Nzenguet
Loundou, menuisier charpentier, (ignore sa date de naissance ; village
d'origine : Mughiba ; clan : Mutuka ; clan du père : Bugundu). Avec lui,
nous nous sommes entretenus sur la perte des valeurs culturelles par les
enfants, les différents clans des habitants de ce village, les raisons
de leur regroupement puis la séparation des villages masango dont une
partie est dans le regroupement de Mayani.
1. va kale batu ba s' tsaghle masus. dimbu di bunde ke n'
mutu (kumu dimbu). nane mimbu ma bass ke n' kinde, miongue n' bibamdu ; saghe
batu basuss. mute gha ronde yonga a yongue ghu dimbu
1. À l'ancienne époque, l'implantation des
populations ne se faisait pas de façon anarchique. La création
d'un village était généralement l'oeuvre d'une personne
qui s'installait avec sa famille. Le
di suss ; batu ba putghne ghu ghare mimbu.
|
village se remplissait au moyen des relations
matrimoniales.
|
2. n' mugni n' dipande dienu di na pandne k pandne. di
sagho do wabe bibandu n' mimbu menu. di na yongue koke ghiéghu
ghiéghu. ilab' mughiétu n' mapape yère do ma madile, n'
yanguegue minu;. nési ma ghossu di sa bo
rine. ke time tsoni
laverté.
|
2. Avec votre indépendance aujourd'hui, vous ne savez
plus rien; continuez à nager aveuglément. Vous êtes sans
repère puisque vous ignorez mêmes vos origines, vos clans et
lignages. A peine vous rencontrez une femme, aussitôt vous vous «
mangez les bouches » : embrassez, sans même connaître son
clan. Ce qui était formellement interdit. Quelle honte !
|
3. itse tombe dimbu diame, nde mughame, dimbu di bakaghe
bami. ibandu ghiame nde mutuke, betsi ma mayambile-yu dio. mimbe metu ma s'
bil'gue gha vave di yendegue ghu mbughe bambetsi; yawu koke barughegue ghu
mbughe etu.
|
3. Revenons à ton affaire, tu m'as posé une
question. Mon village est Moughiama, c'est celui de mes ancêtres. Mon
clan est Mutuka. Je croix te l'avoir déjà dit. Nos
villages n'étaient pas vraiment trop distants les uns des autres. Si
bien que les gens se fréquentaient.
|
4. va yambile bibanbu r' mimbe motso ma ke putghne koke
putghne, vane va rughe yetu ghughe. kaghu, nde mu dio y na labe r' vave v' k
bibandu bio n 'bio.
|
4. Quand les Blancs nous ont demandé de venir ici
à proximité des routes, nous nous sommes vus obligés de
nous regrouper par affinité. Tu vas peut-être le constater dans
tes papiers, à Issala ce sont presque les mêmes clans.
|
|
5. gha ina ronde ma gnighule-yu ghuyi: sime- irugui,
sime-madume, sime-mupighe, sime-
mbaghu, mutuke, bukombe, bugundu, djobu. ghotsu ma tse
tsimbu. i mossi, beyi saghe mbili; ma yatsi r' ma koke inunu.
|
5. Si tu veux que j'énumère : il y a
Sime-Irugui, Sime-Madume, Sime-Mupighe, Sime-Mbaghù, Mutuke, Bukombe,
Bugundu, Djobù. Si j'ai oublié certains en tout cas pas plus de
deux, bien que je sois vieux.
|
Ce texte de cinq séquences nous permet de comprendre la
prédominance de certains clans dans un village. La première
séquence retrace la façon dont le village a été
crée, son peuplement. Dans la seconde, notre informateur éprouve
un regret face à la perte des valeurs traditionnelles par nos enfants.
Tandis que dans les séquences trois et quatre, il donne les raisons de
leur jumelage ainsi que les différents clans regroupés dans ce
village. C'est dans la dernière séquence qu'il en fait une
énumération.
Section 2. Rapport de force entre tradition et
modernité
Dans un second temps nous entendons montrer l'attachement du
peuple de ce village à leurs anciens villages en rapport avec les
changements qui s'en sont suivis. Toute communauté humaine vit et
transforme son milieu social. En d'autres termes, les sociétés
humaines se développent sans nécessairement s'en rendre compte.
Elles ont leur symbolisme, leur mode de vie, leur culture, leur tradition et
leurs croyances. En somme, elles ont leur conception sur la manière de
construire le monde. Elles ne sont cependant pas à l'abri des influences
extérieures. En dépit de tout changement les populations de notre
village d'étude sont restés attachées à leurs
anciens villages.
En s'interrogeant sur les principales raisons qui ont
déterminé ce maintien depuis près d'un siècle et
demi, malgré le regroupement imposé, il ressort que ce sont les
raisons d'ordre aussi bien matériel que psychologique (affectif) qui
imposent aux villageois ce contact quasi permanant avec leurs anciens villages.
Osons dire que les populations regroupées à Issala ne semblent
pas avoir trouvé dans cette nouvelle région les ressources
nécessaires à leur survie. C'est-à-dire que les avantages
matériels qu'elles découvraient dans la région de
regroupement devraient être insuffisantes ou alors se sont
considérablement dégradées avec le temps. Ceci peut en
fait expliquer le fait que les villageois soient retrouvés ou aient
maintenu les anciens villages qui constituaient l'essentiel de leurs ressources
alimentaires, telles que les plantations, les zones de chasse et les
rivières (Wano).
Pour les villageois eux-mêmes, les anciens villages sont
considérés comme leurs « résidences principales
», tandis que le village de regroupement n'est qu'une «
résidence secondaire ». D'autre part, le caractère permanant
de ces anciens villages sur une si longue période témoigne
assurément de la résistance des traditions sociales et/ou
culturelles. Ces anciens villages étant traditionnellement
appropriés par une famille, un clan ou lignage. Ce qui veut dire que la
puissance de l'organisation clanique constitue un élément
déterminant du partage spatial de l'époque.
Lorsque nous interrogeons nos informateurs sur notre
explorateur, ils ne se retrouvent pas de prime abord. Ce constat nous fait dire
que la tradition orale n'a pas gardé ses traces. Mais cependant au cours
de nos entretiens, un des informateurs, en aborde la question des
guerres enregistrées dans la région, celle notamment de Moubana,
du Chaillu est cité dont du Chaillu. La question mérite
une réflexion plus approfondie en allant fouiller dans
l'archéologie de la mémoire collective.
Divers raisons peuvent expliquer les limites de la tradition
orale. La tradition orale n'a pas célébré ces
événements, comme c'est le cas de De Gaulle. Il faut dire qu'il y
a des choses qui ne se disent que dans un cadre initiatique, nous pouvons
avancer l'hypothèse que ces événements sont
restitués pendant ces rites. L'autre raison peut être liée
au mouvement des populations. Les événements sont parfois
inscrits dans la toponymie à examinés plus avant. Ce qui peut
limiter leur connaissance sur l'histoire de leur région. Nous n'oublions
pas le fait que ces mouvements ont pu être accentué par la mise
exploitation du pays, notamment celle de l'exploitation de la forêt, et
du pétrole. Toutes ces de activités avides de main-d'oeuvre ont
sans doute drainé les populations hors de leurs
villages d'origine, et même de leur province d'origine,
les hommes à la recherche du travail. Par ailleurs, la colonisation de
ces activités a oeuvré en faveur de la distribution
traditionnelle des populations, en créant des villages de regroupements
sur les axes de communication dans le but de faciliter leur gestion.
Malgré ces bouleversements, de nombreux sites et
paysages, non soumis à l'exploitation tels les monts Biroughou et
Mouwaou, ont conservé le même aspect. Ainsi comme disait le
professeur Mayer, nous devons mettre à son actif la précision
avec laquelle il a décrit ces lieux, ce qui a permis à Annie
Merlet de reconstruire très précisément les
différents sites et villages traversés.
Photo 11 - Arrière-plan du Mont
Biroughou-Bouangue
Mont Biroughou escaladé par du Chaillu en 1865
Cliché de Simplice Ockoy Elingou, le vendredi 15
décembre 2006
Cette photo a été prise entre les villages Issala
et Marémbo. Vue du même mont caricaturé par du chaillu en
1865.
Fig. 3 - Le Mont Biroughou-Bouangue vu par du
Chaillu
Source : L'Afrique sauvage
A travers ces images du Mont Biroughou (1845 mètres)
que du Chaillu a escaladé « Du haut de Birogou-Bouanga, je
découvris le pays à plusieurs milles à la ronde. Les
montagnes semblaient être pour la plus part, d'une égale hauteur
»32. Nous voulons montrer le caractère culminant du
dit mont qui n'est que peut visible sur notre photo, en dépit du
brouillard très permanant dans cette région, mais aussi les
différents types de végétation que l'on rencontre dans la
grande forêt gabonaise.
C'est également dans cette région que notre
explorateur a rencontré des difficultés qui ont failli lui
coûter la vie, l'obligeant ainsi à mettre fin à sa
très longue et grande exploration de l'Afrique équatoriale (cf.
photo). Notre appareil photographique ne nous a pas permis de faire ressortir
ce mont. Il est situé à 15 kilomètres du village. A la
difficulté de la distance, s'ajoute cette du relief qui est très
escarpé. Cette zone du sud du Gabon étant couverte d'une
forêt dense, la végétation est abondante et le relief
très accidenté tel que le décrivait du Chaillu en son
temps. L'altitude varie de 182 m (673 à 491), selon les données
consignées dans le rapport général des missions de du
Chaillu effectuée au Gabon en 2004.
32 Paul du Chaillu, L'Afrique Sauvage,
déjà cité
Fig. 4 - Le retrait de du Chaillu de la
région de Nièmbou (Ngounié)
Source : L'Afrique sauvage
Par ailleurs, malgré les changements
évoqués plus haut, bon nombre de villages subsistent encore dans
la mémoire des populations. Les lieux anciennement habités en
portent encore les traces. Ils constituent des lieux de prédilection
pour l'érection des campements de chasse, de pêche et pour les
autres activités forestières.
Le maintien et surtout la résurgence de toutes ces
traditions peuvent être considérées comme un «
échec » de la modernité. Pourtant de nombreux habitants
s'accordent bien de leur double culture, usant de l'une ou de l'autre en
fonction des opportunités. Ceci peut tout de même s'expliquer
comme une réaction des populations face à l'occidentalisation,
leur permettant ainsi de conserver leur identité au travers de leur
propre culture, à la fois pour ceux qui ont réussi, comme pour
ceux que le développement a laissé en marge
Par ailleurs, notre préoccupation se base sur les
transformations qui affectent les sociétés contemporaines en
général, et la société gabonaise en particulier;
Par l'entremise des facteurs dominants de la modernité, du moins, de
cette tendance centrale et plus précisément de l'assise que
constituaient le progrès, le développement et les dynamiques
sociales, sous leurs divers aspects. Notre souci c'est de promouvoir nos acquis
culturels pour mieux s'arrimer à la mondialisation .Ce qui importe et
c'est là la difficulté c'est se développer sans ignorer
les facteurs socioanthropologiques. Minko Mvé s'interrogeait
déjà sur la question à savoir : comment la
société gabonaise peut-elle faire face à la
prolifération des cultures occidentales concurrentes,
c'est-à-dire, comment se moderniser sans se sacraliser ?
Par ailleurs Issala à l'instar des autres villages du
Gabon connaît un développement certain. En effet, contrairement
aux années antérieurs, ce villages a, au file des ans, acquis
certains infrastructures telles : les pompes publiques (l'hydraulique
villageoise), l'école, l'électrification du village et la
nouvelle église (dons d'un fils du village), puis plus récemment
la couverture en réseau téléphonique mobile (Celtel Gabon,
l'antenne est implantée à trois kilomètres du village
Marembo). Du coup, les populations sont obligées d'abandonner en partie
certaines habitudes traditionnelles pour épouser celles de la
société moderne. On peut citer par exemple, le cas des jeunes
filles ne savent plus porter un seau d'eau sur la tête encore, porter un
panier au dos. En réalité, une certaine accumulation de nuages
plombe l'horizon au regard des effets de la modernité. Ainsi, les
sociétés actuelles ne répondent plus à ces attentes
antérieures. Elles sont plutôt marquées par une
dualité croissante qui n'est plus seulement circonstancielle. Les
processus de socialisation jadis admis dans les structures traditionnelles se
construisent de plus en plus autour des pôles.
Le premier, celui de l'industrialisation, qui reste à
notre avis, marqué par la logique qui conduit de l'insertion dans la
production à la possibilité de capitaliser et de consommer. La
seconde, à l'inverse, conduit du fait d'une non insertion dans la
production, à des situations diverses, mais également
marquées par la précarité et la survie. Mais l'être
humain se voit confronté à de nouvelles pandémies
résultant de l'avancée de ces connaissances et de ces techniques.
Le progrès, de réalité effective, tend à être
relégué au statut de mythe. Pour faire face à cette
situation irréversible, nous nous accorderons avec Minko Mvé qui,
dans son cours de débat contemporain, disait : «A l'heure de
la
mondialisation, le Gabon doit pouvoir compter sur la force
de la culture par : la récupération, la réappropriation et
la valorisation des savoirs, savoir-faire ancestraux susceptible de promouvoir
la culture gabonaise ; l'adaptation des techniques modernes au contexte local,
c'est-à-dire qui tiennent compte de nos réalités sociales
; savoir que la diversité culturelle n'est pas l'uniformisation du
monde, car chaque culture a ses réalités, ses richesses et ses
défauts. Donc, elle est un instrument de progrès/de
développement à base duquel un accent doit être mis sur les
facteurs historiques et culturels. »
Le combat pour la sauvegarde de nos valeurs culturelles dans
un monde en évolution est plus que nécessaire. En effet, une
réflexion d'ensemble sur les transformations sociales et culturelles
rapides qui affectent la réalité gabonaise est plus que
nécessaire. Bien que les progrès scientifiques,
économiques et techniques soient réels, le Gabon ne saurait
résister aux mutations actuelles qui se manifestent par l'apparition
d'énergie nouvelle, de l'informatique, de l'Internet.
La société traditionnelle représentée par la
famille, le lignage, l'unité résidentielle, ou par l'alliance,
demeure finalement impuissante face à ces changements; mais aussi parce
que Minko Mvé a appelé en parlant de
l'hétéroculture, c'est-à-dire, situation duale qui se
caractérise par l'opposition des modèles culturels et la
dysculture qui elle est la conséquence des effets pervers des
avancés technologiques et les progrès aux rythmes trop
précipités et souvent mal assimilés. D'où
l'impérieuse nécessité de sauvegarder le système de
valeurs endogène représentées par les structures d'accueil
de co-descendance, de co-résidence et de co-transcendance. Loin de
constituer un enfermement dans le passé, il est plutôt une
idée d'un métissage culturel.
Photo 12 - Le village Issala sens
(Mbingou-Lébamba)
Cliché Ockoy Olingou Simplice, samedi 0 1/04/2006
A travers cette image, on y perçoit des cases
bâties aussi bien en terre battue comme c'est le cas avec celle de droite
au premier plan, qu'en écorce de bois :cas de la seconde case ainsi que
celle d'en face. Notons que toutes les maisons sont couvertes de tôles.
Les bois qu'on y aperçoit sur les toits de maisons sont des supports des
pointes rouillées par le temps : car ne pouvant plus résister aux
intempéries.
L'encadré en dure au premier plan de gauche de notre
photo est la seconde fontaine publique. La toute première est du
même côté à l'autre bout du village. Ces fontaines
datent d'une dizaine d'années installées par le Ministère
des mines dans le cadre de l'hydraulique villageoise. L'homme qui s tient au
milieu de la route est le voisin immédiat de notre informateur 7. Le
village vient de connaître son électrification, don d'un «
fils du
terroir ». La photo nous présente une vue de
l'éclairage publique. Le groupe électrogène est mis en
marche tous les jours à partir de 19 heures, ce jusqu'à 6 heures.
Toutefois notons que toutes les habitations ne sont pas encore
électrifiées. Cette tâche est confiée au
propriétaire de chaque case.
Récit 8 - Georges Mbembo (né
vers 1952, village d'origine Mughiba, clan : SimaMaduma ; clan du père
Mbaghu), Chef du regroupement. Il porte sur la signification du nom Issala et
de ses origines (les quatre gendres), de l'implantation des peuples, de la
signification de Mughiba et Birughu et de leur fondateurs.
1. mwuanami, ina ronde ma yambile-yu nde ghi ? issale nde
ndughe gha ma ndughe motsu. nuguièndze, ghune dibandu. ghu
mbughe-étù massangue, ba na va rè : ùssale.
yénu ghu fuale nde : choisir.
1. Mon fils, que veux-tu que je te dise ? Issala est un nom de
village comme tous les autres. Il a, naturellement, une signification. Chez
nous en Massango, on dit : ùssale ; ce qui veut dire en
français : choisir.
2. ghu dibandu, di mutù, ba bilgue ghu
ivèlè ghi dibère ghi duétsi (louétsi),ghu
bilgue batu bahbane : tsass n' methie ; niangui n ' mughule.
3 mwane ! (muè) rémbuss bane ba guye ba
babur' di fume di moss, ba ka sossi, conde n' ba bibamdua n' miongu 'a ?
mwanami ! ghu nde val mu gnighule-yu. yabe gue r' nde mitsigù mi kaghulu
yawu.
2. Nos descendants vivaient à Ivèlè ghi
dibère ghu duétsi (non d'une région située au bord
de la rivière Louétsi). Il y a quatre gendres qui y vivaient :
Tsass et Methie ; Niangui et Mughule.
3. Mon petit ! (sourire) Même chez les enfants issus de
même père et mère on peut avoir des disputes, en plus forte
raison les frères collatéraux ? Mon petit ! c'est complexe.
Retiens simplement que ce sont des problèmes et des disputes qui ont
conduit à la séparation des frères.
4. ma gnighulu-yu mwa péssù. ghu dibandu,
batu barughe ghu inangù ghi d 'ivèlè ghi dibère ;
dibandu
matsuak. mu mussossi
pésù, batu ba yèndegue ghu fuang ghu
mambe. va labe yawu ma
fù mam 'na, bivunde n' burughe n' batù bawu ghu dimbu
diène. n 'sabugh '-yawu fuémbu, n' rugue dimbu disuss di tsitse
r' : issale ghi madolugu.
4 Je vais néanmoins te dire quelques chose D'abord ils
ont quitté la région de ivèlè ghi di bère
parce qu'à chaque fois il y avait des problèmes entre couple les
femmes allaient de temps en temps se donner la mort en se jetant dans la
rivière Cette situation conduire les grands à quitter le village
; ils traversa la rivière Fuémbu pour s'installer à
issala.
5. va labe tsass r' missossi mi koke mimbili n' mwan
'-guyi, na yènde yèndi ghu rugue diand' dimbù di tsits-r'
: ubédji-makongù. r' salgue wune mwan guli ghu issale.
6. va rugh' ibambu ne mitrache, ba put mimbù ma
mambilli mu matzile ; n' va r' koke mukugheme nane bane baguyi ba b' kughe vave
va issale.
|
5. Mais par la suite, les problèmes entre frère
obligea l'un deux : tsass à quitter le village pour en
créer le sien : Ubédji Makongù ;le cadet opta à
rester sur place.
6. Cependant avec l'arrivée de la politique coloniale,
le regroupement des villages fût imposé par les blancs ; ce qui
obligea tous les villageois à non seulement, se regrouper mais
également à s'installer à proximité des routes.
Ainsi les frères se retrouvèrent à nouveau ensemble dans
se village Issala.
7. ibandu ghi rughe va issale marèghe nde : bukombe
; (ibur '-kass) ; (ibur '-kiègue) ; (ibur '- koundi). mimbù
motsù ma vave dibande bukombe.
mughiame u ina yulu nde inanguo (inangù).
|
7. Le clan fondateur du village issala est Bukombe
composé des lignages : (Ibur'-kass) ; (Ibur'-kiègue) ;
(Ibur'-koundi).donc mon petit tous les villages sont là grace à
ce clan.
mughiame n' birughe ba bure ba béyi, ba nde
mavasse. ba na comande mal
motsù ma na yulu- yu. va bilgue va kal, gha ibène dimbu di
mossi,
|
Pour ce qui est des monts Mubana et Birughu saches que se sont
des jumeaux. Ce sont eux qui commandent tous les villages qui composent
la
|
gha issa ma nè tsitse mughiame n' birughe,
islabu
|
region de Mughiba. A l'époque lorsqu'il arrivait
à
|
dimbu di bène yu.
|
quelqu'un de chercher un village parmi tant sans pour autant
citer les noms des jumeaux, il était impossible d'en trouver.
|
8. mwan ! yabgue-r' kumu mughiame nde bukile
|
8. Le fondateur de cette région de Mughiama
|
bu muang : bibaghe di bukombe di bur' n' sime-
|
s'appelle Bukile bu Muang né du clan sime-mbaghu.
|
mbaghu. mindilu bilgue nzile ; ghu maghiétu :
|
Les limites normalement c'est la route, c'est-à-dire
à
|
massangu ; ghu mabaghele : bandzabi ba barine
|
gauche les masango (autochtones) et à droite les
|
mutsigù : dighère di mbalmakute. matse
duke.
|
nzèbi qui revenaient des borts de la wano en fuite de
la guerre dite de Mbalmakute. Je m'arrete par là tu ne m'as riens
donné.
|
En réalité, cet entretien, plus dense que tous
les autres, contient plusieurs séquences dont huit seulement sont
présentés ici. Les autres thèmes, à l'exemple de la
guerre de Mbalmakuta, c'est-à-dire la guerre des clans, feront l'objet
d'un développement au cours de nos travaux ultérieurs. Pour ce
qui est du corpus actuel, il se compose de huit séquences. Les deux
premiers donnent la signification et l'origine du village, objet de notre
étude. Les séquences trois, quatre et cinq abordent les causes
qui ont conduit les populations à abandonner leurs villages pour
rejoindre le regroupement d'Issala. Tandis que les trois dernières
séquences traitent respectivement de l'influence de la politique
coloniale, des clans fondateurs du présent regroupement et, enfin, de la
région Mubana avec ses monts jumeaux : Mughiama et
Birughu33.
A partir de ce premier entretien, nous remarquons que les
changements culturels observés de nos jours ne sont donc pas seulement
l'apanage de l'influence occidentale. Ils sont d'abord dus aux diverses
problèmes que l'homme rencontre dans son vécu quotidien. Car, en
vivant au bord des eaux, on est facilement pêcheur, alors qu'en se
déplaçant loin de ce milieu on développe d'autres
activités. Ce qui montre que le milieu conditionne l'homme et que les
sociétés anciennes n'étaient pas statiques qu'on peut
l'imaginer.
Récit 9 - Félix Ibala, chef du
village, agriculteur (ignore sa date de naissance ; village d'origine : Mubana
; clan : Sima-Maduma ; clan du père : Sima-Mbaghu). Cet entretien a
porté sur la guerre des clans qui eut lieu avant 1856,
c'est-à-dire, avant le coup de feu malheureux de l'un des compagnons de
du Chaillu qui avait abattu un villageois (dit la guerre de du Chaillu), dont
nous n'avons pas porté dans ce travail en raison de sa
densité,
33 Nous verrons ultérieurement que d'autres
monts existent : c'est le cas des monts Mubana et Dichingù. Pour ce
dernier, Paul du CHAILLU écrivait, dans L'Afrique Sauvage,
L'chingua.
Puis, sur les différentes activités des populations
de son village ainsi que ses premiers occupants.
1. mimbe metu mass bilgue time vale ne' masuss. dimbu
diande diandi di bilgue ne wandi mussiru, ghu gnalgue yetu. nesi na putghene
yetu, d'sake tsimbe ghu rughe yetu. Usendi.
2. n' ghu bagulu yetu, di na vaghe ke bi salu biotsu bi
siss bivunde. gha di se sal di yangue koke ghi ? bu fegni nde tume tsogni ghu
dimbu dietu. batu bots ba sadze k ' yu. mu misiru di na sal banugui, di va
mirampu, di lobe n' yupe, di va batsetse n' banugui. mayatsi r' yenu baguiebi
di sa bo ronde gnale. musiru a na veghe yetu biotso bi ronde yetu.
1. Tout d'abord tu dois savoir que nos villages
étaient presque voisins. Chaque village avait sa zone de
prédilection où les activités de l'époque
étaient menées. Par la suite les blancs nous ont demandé
de venir ici. Mais cette délocalisation ne constitue pas un moyen pour
oublier nos origines, Jamais.
2. Depuis notre petitesse nous avons toujours pratiqué
les activités laissé par nos grands ancêtres comment
doit-on vivre si on ne travaille pas ? Etre paresseux dans un village comme
celui-ci est une honte. On devient l'arisé de tout le monde. Nos
activités non pas changés c'est toujours : l'agriculture, la
pêche, la chasse ; même si vous les jeunes vous n'aimez plus aller
en brousse. Cependant c'est de qu'on retrouve tout.
3 binagu biotse ghu bilgue mimbu metu ba tsitse r'
mughuame ; ba mossi ba va r' mukugheme. kaghu, batu botsu ba na gnale ke ghune.
ndughe kale nde
ilebla. va di ghuwende ghu
madeki, mwan mwan a ghwende ghu ghiandi inagu.
3. Toute la région dans laquelle nos vieux villages se
trouvent s'appelle Mughiama. D'autres l'appellent Mukuguama. Donc tout le monde
fait les plantations à Mughiama. Mais le nom précis c'est
Ilèbla ; à l'interieur existent des zones propres à chaque
villages où les campements y sont construits.
4. yetu di n' madeki mambili, ghu binangu bietu gha
birughu n'
diuku. ma n' madiki ghu
mubane. ma na yende mu
matsonu mabeyi mu boke bagnane n' doke batsafu.
5. itse tombe batu ba rughe mareghe va issale, nde biss
sime-irungui ; kaghu, dimbu dide di nde biss sime-irungui. kombu n' mugni ma ne
hi nu diguibe diami. isal ghi ibambe is na vu mu ussi mossi.
4. Nous avons beaucoup de campements ; ils sont
installés dans les zones qui portent encore les mêmes noms comme
Birughu et Diuku. Moi, je repars de temps en temps à Mubana. Où
je m'y rends pour deux semaines fumer la viande ou pour la cueillette des
atanga
5. Pour répondre à ta question, les tous
premiers occupants de ce village sont les Massango du clan sima-irungui.
Ça suffit pour aujourd'hui je vais d'abord boire mon vin de palme.
Demain c'est un jour car le travail du blanc ne fini pas en un jour.
Le récit d'Ibala est composé de cinq
séquences. La première fait état de la proximité
des villages de l'époque ancienne ; facteur de la cohésion et des
échanges inter village. La seconde séquence aborde les
différentes activités alimentaires menées par la
population du dit village d'étude. C'est dans la troisième
séquence que notre informateur fait une nette distinction entre la
région Mubana : commune de tous, et les zones spécifiques
à chaque village. Tandis que dans la dernière séquence, il
nous fait état des premiers occupants de village Issala.
Au regard de ce qui précède, il nous convient de
nous rendre compte que les villages traversés par du Chaillu sont encore
d'actualité, mais sous d'autres formes, c'està-dire sous forme de
campements.
Récit 11 - Massala-ma-Mukambela,
infirmier à la retraite et ancien député, (né vers
1923 ; village d'origine : non précisé ; clan : Mululu ; clan du
père : Sima). L'entretien a porté sur les causes qui ont conduit
les populations masango à s'installer ici, de la politique coloniale en
passant par la loi cadre de 1956 qui abroge la ségrégation
jusqu'à la sortie des villages vers les routes.
1. Je me réjouis de ce que tu ais pris
l'initiative de faire ce travail et je profite de l'occasion pour remercier le
professeur Mayer qui a pu te canaliser dans ce domaine. J'ai l'honneur de te
rappeler que je faisais déjà partie de l'équipe de Mayani
que conduisait le prêtre Luc en 2004
2. Bon nous sommes ici c'est parce que c'est d'abord une
affaire de la décolonisation. Au départ les population des
villages Ghiamba, nyémbu, Muhiama, Ipungu, Ibémbù, Ditadi
et que sais-je encore, vivaient loin d'ici mais près de la Wano. Ils ont
par la suite connu le phénomène de la traite d'esclave à
l'époque coloniale
3. Mais depuis 1948, il fallait libérer les gens
de l'esclavage ; si bien que le vent qui a soufflé après la
seconde guerre mondiale était celui de la décolonisation. Ainsi,
le représentant de l'administration coloniale française :
Monsieur BOURBON n'avait plus le droit de maltraiter les Noires. Car vers
1948-1950, la loi cadre abrogeait cette pratique.
4. Donc mon petit, selon moi, c'est normalement cette
situation qui a occasionné la sortie des villages pour se regrouper.
Elle s'est faite en 1956, mais pas de façon anarchique. Regarde ce
croquis ci-contre
5. Tu voix, les villages de part et d'autres de la Wano
se sont retrouvés à Issala. C'est donc en raison de leur
proximité. Les autres par contres se sont déversés du
coté de Mayani. C'est le cas du village Dighambu et Mwawu
Ce récit est composé de cinq séquences et
couronné d'un croquis explicatif de l'implantation des villages. La
première séquence rappelle son implication dans notre domaine
d'étude. Les séquences deux et trois abordent respectivement la
question sous un angle historique à travers la décolonisation.
Par contre les quatrième et cinquième séquences donnent
des explications concernant leur implantation dans des différents
regroupements.
Récit 15 - Boussagha Dominique,
gardien de l'antenne de compagnie d'une téléphonie mobile au
village Marembo. Clan et village d'origine non précisés. Notre
entretien a porté sur l'implantation des nouvelles infrastructures au
niveau des villages.
1- Je suis fils de Marembo, je travaille ici comme
gardien de l'antenne Celtel. On est tous cotent de l'évolution de nos
villages. Bientôt, on ne va plus vous envier, vous qui êtes
à Libreville. On a les pompes publiques, à Issala il y a le
courant, même si ce n'est pas encore le cas chez nous.
2- Aujourd'hui, on a déjà le
téléphone, tout le monde est content, les parents nous appellent
à tout moment. D'ailleurs, avant que tu n'arrives, pendant que je
coupais mon vin, je parlais avec mon frère depuis Libreville. Ce que
nous voulons maintenant ici c'est le courant et la route. Car, pour aller
à Lébamba faire nos courses, c'est pénible à cause
du manque des véhicules.
Photo 13 - La bretelle principale du village
allant chez notre informateur
Cliché de Simplice Ockoy Olingou, vendredi 13 Avril
2007
Cette photo présente l'unique bretelle du village en
entrant par la nouvelle église. Cette bretelle en fait n'est pas
véritablement visible si l'on n'est simplement de passage par la voie
principale. Longue environ d'un demi kilomètre, elle part de
l'église jusqu'au domicile de l'informateur N°4. A travers cette
image, une dualité (modernité -tradition) s'exprime dans ce petit
village, en juger par le type d'habitation.
Nous voyons aussi bien des cases en terre battue à
droite de la photo , en planche selon la toute première maison du
coté gauche sur cette image, qu'en demi dure et même
complètement en dure(respectivement la seconde case et la
troisième peint en rose. C'est dire que le type d'habitat
implanté dans ce village traduit la volonté manifeste de ses
populations à oeuvrer pour la modernisation de leur village. Certaines
battissent, se révèlent même plus luxueuses largement le
pion à celles existantes au niveau de la capital du pays.
Les planches et le tas de sable en bordure de route sont des
matériaux de construction destinés à la réalisation
des nouvelles constructions. Si pour la majorité des cases, les toits
sont en tôles ondulées, on peut également rencontrer des
toitures couvertes de tôles bacs et même parfois peint en vert ou
rouge comme c'est le cas des nouvelles battisses modernes visibles sur cette
photo. Le jeune garçon posté à la fenêtre (maison en
demi dure) n'est qu'un observateur curieux qui se plaisait à nous
admirer en train de réaliser des photos.
Entre les deux maisons en dure, une tante dont le toit
s'aperçoit à peine est installée pour abriter les
populations du village après le meeting politique animé par le
député. A travers cette image la présence des poules, coqs
et moutons que nous voyons traduise de plus belle manière
l'élevage des animaux domestiques qui est l'une des
spécificités de la société villageoise.
Photo 14 - Le village Marémbo (sens
Lébamba-Mbingou)
Cliché de Clotaire Moukegni Sika, vendredi 15
Décembre 2006
Cette photo a été prise à l'entrée
du village Marémbo. Ce village est situé à trente sept
kilomètres de Mbigou (chef administratif), soit à trois
kilomètres de notre village d'étude. Sa configuration est
identique à celle d'Issala : alignement des habitations le long de la
route, présence de divers types de cases aussi bien en écorce, en
terre battue en planche ou en dure. C'est ce que l'on rencontre dan tous le
villages du pays. Le véhicule visible sur la photo est le moyen roulant
avec lequel nous nous sommes transporté jusqu'à
Marémbo.
L'intérêt de ce village qui n'est pas notre zone
d'étude va du fait que c'est à ce village que le mont
Biroughou-Bouangue de du Chaillu est nettement visible. Et donc
véritablement approprié pour la prise des photos qui peuvent ce
révéler plus ou moins acceptable, vu le type d'appareil,
très peu adapté pour la cause, dont nous disposions.
Photo 15 - Quelques habitants du village
Idoumi chez le chef
Cliché de Simplice Ockoy Elingou, mercredi 27
décembre 2006
Au village Idoumi, proche de Mouila, notre compagnon :
Sébastien Mougomo (teeshirt marron) pose pour la postérité
avec le chef de regroupement (deuxième de la gauche vers la droite)
ainsi que les autres membres du village que nous avons rencontré lors de
notre passage. Ces habitants ont bien voulu nos accorder leur
hospitalité et leur disponibilité pour répondre à
nos interrogations. C'est donc avec certains d'entre eux que nous avons eu des
entretiens en rapport avec notre recherche.
CONCLUSION
Au terme de notre recherche, la construction de notre objet
d'étude nous a permis, non seulement d'explorer le champ de
l'étude, de poser le problème qui constituait le fondement
même de nos préoccupations, mais aussi d'identifier clairement les
différents aspects des changements culturels. Pour nous, l'articulation
principale est celle qui gère les rapports entre les populations de
Issala actuel avec les anciens villages jadis traversés par Du Chaillu
en 1885. Dans un second temps, nous avons recueilli les informations
pertinentes sur la base de notre guide d'entretien auprès des personnes
rencontrées aussi bien à Libreville, à Idoumi qu'à
Issala même.
La problématique que nous avons
développée dans ce mémoire s'est focalisée
principalement autour de la question de l'inventaire des sites et villages
exposés dans Afrique Sauvage en vu d'établir une
causalité entre les phénomènes. Nous avons pu
découvrir les populations desdits villages. L'intérêt
accordé à leur passé fournit les repères
variés. En effet, nous avons pu localiser et même retrouver la
majorité des sites et villages visités par du Chaillu. Nous avons
cerné les raisons qui ont déterminés le maintien des
anciens villages depuis près de 150 ans, bien que se présentant
sous d'autres formes. Et cela, malgré les regroupements imposés
aux populations le long des voies de communication construites par
l'administration coloniale. Au regard de l'information recueillie, il
apparaît clairement que la tradition orale a gardé un souvenir de
ce grand personnage historique. Souvenir relatif à
l'événement tragique ayant marqué la fin de sa longue
exploration de l'Afrique équatoriale Française.
Nos hypothèses de départ ont été
confirmées. En effet, il apparaît que les changements
constatés dans nos sociétés sont tributaires de la
politique coloniale. Loin donc de constituer une conclusion
qui clôt le débat, ce n'est nullement le but visé, nous
pensons que l'action coloniale a créé des disparités
nouvelles sur tous les plans. Elle a surtout créé des mutations
importantes au plan socioculturel. C'est à partir de cette
période qu'on peut situer le début des grands changements
socioculturels qu'on observe dans le Gabon d'aujourd'hui.
Mais bien que la colonisation contemporaine, à travers
ses activités (déplacement des populations, exploitation
forestière et pétrolière), ait oeuvré contre la
distribution traditionnelle des populations en créant des villages, de
regroupements sur les axes de
communication afin de faciliter leur gestion par
l'administration coloniale, il se trouve que de nombreux sites et paysages, non
soumis à l'exploitation ont conservé le même aspect que du
temps de notre explorateur, c'est le cas des villages : Mwawou, Niémbou,
Moubana, Mughiba, Ditadi pour ne citer que ceux-là, ou des monts
Biroughou, L'chingou. De même, nous notons la conservation du
système de chefferie, la persistance du système clanique dans
l'organisation sociale qui compose notre village d'étude. Les invariants
culturels restent centrés sur les principes de solidarité, de
sacralité, de continuité qui agissent et s'inscrivent dans une
logique culturelle qui redoute le changement.
Par ailleurs, d'autres phénomènes se
perpétuent avec moins de vivacité. C'est le cas des contes et
légendes au clair de lune, des danses, des jeux, quelques techniques et
savoirs-faire ainsi que les croyances aux mythes comme les animaux
totémiques (le perroquet) évoqués par Du Challu. Notons
aussi la pratique de la médecine traditionnelle qui vient relier la
médecine moderne. Au plan religieux, le Mwiri, le Bwiti, le Mimbouiri
etc. sont encore d'actualité quand bien même la majeure partie de
la population dudit village pratique parallèlement le culte
monothéiste imposé par le colon. Dans tous les cas, nos valeurs
traditionnelles subissent une pression extrême de la modernité.
Nous dirons, à la suite de Minko Mvé, que les manifestations de
la modernité (de la récurrence et du changement) étant
très évidentes, elles sont souvent complexes. « Elles
montrent que la société
gabonaise, en général, vit un tournant majeur
de son histoire et qu'elle est entrée dans une mutation qui concerne
tous les domaines et qui, par sa construction, se caractérise par une
allure exponentielle ».
Au regard de ce qui précède, nous n'avons pas la
prétention d'affirmer ou de conclure que le cas examiné chez les
Massango soit généralisable à l'ensemble du territoire
gabonais. Une autre étude menée dans une autre partie du
territoire peut nous amener à l'affirmer. Dans la mesure où notre
enquête s'est appesantie sur les témoignages de treize
informateurs. Face à l'ampleur des changements, il nous importe de
regarder autrement la modernité. Car, la réinvention des
traditions, comme le pensait déjà Gérard Buakasa, et la
résurgence de savoirs endogènes sont des réponses au
resserrement des contraintes sans entraves. Car comme le stipule une sagesse
africaine « lorsqu'on se trouve perdu en forêt, qu'on ne sait
plus où aller, il faut revenir sur le chemin laissé
derrière ».
Terminons par ce conseil de Léopold Sédar Senghor
à l'endroit de la jeunesse
africaine : « La civilisation de l'universel
aujourd'hui favorise de profonds changements, car les hommes se communiques
leur idée, leur sentiment, leur technique d'un bout à l'autre du
monde par les moyens qui ignorent les distances. Il est vrai que pour se
développer, les civilisations doivent se respecter et s'enrichir
à l'aube du troisième millénaire.
Cependant, nous devons reconnaître qu'actuellement,
pour une grande partie de l'humanité, l'échelle des valeurs a
perdu toute signification. Il appartient donc à vous les jeunes
d'élaborer cette civilisation de l'universel qui sera faite de valeurs
complémentaires de tous les continents et de tous les peuples. Il
convient de garder à l'esprit qu'il n 'y a pas de civilisation sans
culture, car l'effort culturel est lui-même la principale valeur de la
civilisation. Je souhaite que cet espace soit un lieu de rencontre,
d'échanges qui vous permette de trouver le bonheur culturel et vous
ouvrir aux civilisations. »34
34 Léopold Sédar Senghor, in
Réseau Afrique de janvier à avril 2006, p. 2.
REFERENCES DOCUMENTAIRES
A/ Sources Orales
DIVAKU Marcel, agriculteur, ignore sa date de
naissance ; village d'origine : Mughiba ; clan : Ndzobo ; clan du père :
Bukombo.
IBALA Félix, chef du village, agriculteur
ignore sa date de naissance ; village d'origine : Mubana ; clan : Sima-Maduma ;
clan du père : Sima-Mbaghu.
IKIA Patrice, agriculteur, né vers 1920,
village d'origine Mughiba, clan : Sima ; clan du père : Dzobu.
MADUMA Joseph, agriculteur ignore sa date de
naissance ; village d'origine : Impungu ; clan : Sima-Mupigha ; clan du
père : Sima-Maduma.
MAS SALA-ma-MUKAMBELA, infirmier à la
retraite et ancien député, né vers 1923 ; village
d'origine : non précisé ; clan : Mululu ; clan du père :
Sima.
MBEMBO Georges, Chef du regroupement, né
vers 1952, village d'origine Mughiba, clan : Sima-Maduma ; clan du père
Mbaghu.
NZENGUET LOUNDOU Sébastien,
menuisier-charpentier, ignore sa date de naissance ; village d'origine :
Mughiba ; clan : Mutuka ; clan du père : Bugundu.
NZENGUI Samuel, cultivateur, né vers 1958
; village d'origine : Mughiba ; clan : SimaIrungui ; clan du père :
Mutuka.
MOULENGUI MABENDE, orinaire du village mughiba.
Directeur Général à la Banque Internationale pour le
Commerce et l'Industrie (BICIG) de Mouila.
MBEMBO Georges, Chef du regroupement, né
vers 1952, village d'origine Mughiba, clan : Sima-Maduma ; clan du père
Mbaghu.
MBEMBO Georges, Chef du regroupement, né
vers 1952, village d'origine Mughiba, clan : Sima-Maduma ; clan du père
Mbaghu.
LEVOGA Jean Gabriel, chef de regroupement du
village Marémbo.
BOUS SIENGUI, 56 ans ; village d'origine :
Ipungu ; clan : Sima Mupigha ; clan du père : Sima
B/ Sources écrites
b. 1 Ouvrages Généraux
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Politiques Linguistique en Afrique Noire (Essai sur le projet
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b. 2. Ouvrages
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l'Universalité des cultures, Paris, Flammarion. BALANDIER
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et Post-modernité. (Dynamique des structures d'Accueil fang),
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Développement Tome 2, Paris, L'Harmattan, 1999, 344 p.
POURTIER, Roland. Le Gabon. Tome 1 Espace,
Histoire-Société, L'Harmattan, 1998, Paris, 254 p.
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territoriale du Gabon ; Frontière et Unité Administrative des
Origines à nos jours, Libreville, SGIT, 1995, 63 p
SARDAN Jean Pierre Olivier (de).
Anthropologie des changements sociaux, Paris, Karthala, 320 p.
C/ Sources Internet
D/ Sources Photographique
- Paul du chailu, L'Afrique Sauvage - Simplice Ockoy Elingou
- Clotaire Moukegni Sika - Linda Akamba Miguiba
Table des illustrations
Table des photos
Photo 1 - Le village Issala (sens
Lébamba-Mbingou), Cliché Ockoy Elingou Simplice, samedi
01/04/2006
Photo 2 - Un corps de garde/cuisine au village
Idoumi près de Mouila, Cliché Ockoy Elingou Simplice, le
27/12/006
Photo 3 - Vue panoramique d'un meeting politique
immobilisant tout le village, Cliché Simplice Ockoy Elingou le vendredi
15 Décembre 2OO6
Photo 4 - La nouvelle église protestante
du village Issala, Cliché de Miguiba Akamba Linda, le vendredi 15
Decenbre-2006
Photo 5 - Le village Idoumi traversé par
du Chaillu (Douya Onoye près de Mouila) Cliché de Okoy Elingou
27/12/2006
Photo 6 - Le village Issala sens
(Mbingou-Lébamba), Cliché Simplice Ockoy Elingou, samedi
01/04/2006
Photo 7 - Relief décrit par du Chaillu en
1885 (le Biroughou-Bouangue, Marémbo), Cliché de pris par
Clotaire Moukegni Sika le vendredi 15 decenbre-2006
Photo 8 - Un palmier à huile Village
Marémbo, Cliché de Simplice Ockoy Elingou le vendredi 15
décenbre 2006
Photo 9 - La bretelle de gauche du village
(Lébamba-Mbingou), Cliché de Simplice Ockoy Olinda Simplice,
samedi 01/04/2006
Photo 10 - L'état des routes nationales
prise entre Mbigou-Lébamba, Cliché de Sébastien Moungomo,
15/12/2006
Photo 10bis - L'état des routes
nationales prise entre Mbigou-Lébamba, Cliché de Clotaire
Moukegni Sika, 15 décembre 2006
Photo 11 - Arrière-plan du Mont
Biroughou-Bouangue, Cliché de Simplice Ockoy Elingou, 15/12/2006
Photo 12 - Le village Issala sens
(Mbingou-Lébamba), Cliché Ockoy Elingou Simplice, samedi
01/04/2006
Photo 13 - La bretelle principale du village
allant chez notre informateur, Cliché de Simplice Ockoy Elingou,
13/52007
Photo 14 - Le village Marémbo (sens
Lébamba-Mbingou), Cliché de Clotaire Moukegni Sika, vendredi
15/12/2006
Photo 15 - Quelques habitants du village Idoumi
chez le chef, Cliché de Simplice Ockoy Elingou, 27/12/2006
Table des figures
Figure 1 - Plan cadastral du village Issala et localisation des
informateurs
Fig. 2 - Type de village ancien traversé
par du Chaillu en 1865 (village Moukabou, Ngounié), Source :
L'Afrique sauvage
Fig. 3 - Le Mont Biroughou-Bouangue vu par du
Chaillu, Source : L'Afrique sauvage
Fig. 4 - Le retrait de du Chaillu de la
région de Nièmbou (Ngounié), Source : L'Afrique sauvage
Table des cartes
Carte 1 - Carte de localisation du village
d'enquête
Carte n°2 - Une partie de la carte
explicative de l'itinéraire suivi par du Chaillu (1865)
ANNEXE
Guide d'entretient ayant servi pour la collecte des
données
Date
Nom et Prénom de l'enquêteur
Lieu de l'enquête
I/ Identification de l'informateur.
Nom et
Prénom
Date et lieu de naissance
Profession/
Activité
Ethnie ... Clan Lignage .
Lieu de résidence Ancien village
II/ Questionnaire
Comment Issala s'est il crée ?
Comment les gens se sont il installés ici ?
Connaissez vous les noms des villages dont vous êtes
originaires ?
Où sont ils situés ?
Quels sont les premiers occupants de ce village ?
Ethnie Clan .Lignage
Les anciens villages des peuples installés ici existent
encore ?
Si oui, sous quelle forme ?
Si non que sont ils devenu ?
Est ce que ces villages sont encore fréquentés de
nos jours ?
Si oui, pourquoi les fréquente t-on ?
Quelles sont les activités majeures des habitants de ce
village ?
Où faites vous vos activités agricoles ?
Connaissez-vous les noms de tous les villages regroupés
ici à Issala ? Avez- vous entendu parler de Paul du Chaillu ?
Qu'est ce que la guerre de Mubana ?
TABLE DES MATIERES
Sommaire .i
Dédicaces .ii
Remerciements iii
Introduction
Première partie : Approche
théorique et méthodologique
Chapitre 1 : Cadre théorique
Section 1 : Objet et Champ d'étude
1.1 Objet d'étude .
1.2 Champ d'étude
1.3 Intérêt Anthropologique .
Section 2 : Problème et
hypothèses
1.1 Le problème
1.2 Les hypothèses
1.3 Définition des concepts
Chapitre 2 : Cadre méthodologique
Section1 : Approche méthodologique
1.1 Les raisons d'un choix
1.2 La pré-enquête .
1.3 Bibliographie analytique et contexte socio de production
...
Section2 Méthodologie de corpus de
terrain
1.1 Présentation des informateurs
1.2 Enquête et ses Résultats .
1.3 Les difficultés rencontrées .
Deuxième partie : Localisation
des villages anciens et nouveaux
Chapitre 3 : Déplacement des populations
Section 1 : Les villages anciens et Paul du
Chaillu
Section 2 : Issala actuel et son peuplement
Chapitre 4: Le regroupement de village
Section 1 : Facteurs historiques et
géographiques
Section 2 : Facteurs politiques
Troisième partie : Les mutations
culturelles
Chapitre 5 Ce qui a changé et ce qui n'a
pas changé
Section1 : Parenté et religion
Section 2 : Habitat et environnement
Section 3 : Les Structures de production
économique
Chapitre 6 :Rupture ou continuité .
Section 1 : Typologie des changements
Section 2 : Rapport de force entre tradition
modernité ....
Conclusion
Références documentaires .
A / Source orale
B/ Source écrite
b.1- Ouvrages généraux
b.2- Ouvrages spécialisés
C/ Source Internet
Annexe .
|