Education des enfants et société :
relations complémentaires ou conflictuelles ?
Interroger la conscience de l'éducateur face à
la société
SOMMAIRE
1 INTRODUCTION
2
2 LA
SOCIÉTÉ ET L'ÉDUCATION
4
2.1 LES GRANDS
CHANGEMENTS DE LA SOCIÉTÉ
4
2.1.1 L'AUTORITÉ
4
2.1.1.1 L'autorité au temps de la
pédagogie noire
5
2.1.1.2 L'autorité aujourd'hui
6
2.1.2 LA FAMILLE ET L'ÉCOLE
9
2.1.3 LA PRÉCARITÉ ET
L'EXCLUSION
11
2.1.4 LA RECHERCHE DE LA
NORMALITÉ
13
2.2
L'ASSISTANCE
15
2.2.1 LES MESURES JUDICIAIRES
15
2.2.2 LES RISQUES DE L'ASSISTANCE
16
2.2.3 LA PLACE DES SENTIMENTS QUAND ON
SÉPARE ENFANT ET PARENTS
18
2.3 LE
MODERNISME
20
2.3.1 LE MATÉRIALISME
21
2.3.2 L'EFFET DE LA
TÉLÉVISION
22
2.3.3 L'EFFET DE L'INFORMATIQUE
24
3 LA
SOCIÉTÉ ET LES ENFANTS
26
3.1 LA RECHERCHE DE
L'AUTONOMIE
26
3.2 LE VÉCU
DES ENFANTS
29
3.2.1 LA SOUFFRANCE DE L'ENFANT
30
3.2.1.1 La démotivation
32
3.2.1.2 Les enfants tyrans
33
3.2.1.3 L'hyperactivité
35
3.2.2 LA VIOLENCE
36
3.2.3 LA MALTRAITANCE
37
3.2.3.1 Quand la société
veille
37
3.2.4 L'AUTODESTRUCTION
39
3.2.4.1 Les tentatives de suicide
39
3.2.4.2 L'alcool
40
3.2.4.3 La drogue et Les médicaments
psychotropes
41
3.2.4.4 Les troubles des comportements
alimentaires
42
3.2.4.5 Les jeux dangereux, sources de
sensations intenses
43
3.3 LA
MÉDICALISATION
44
4 LA
SOCIÉTÉ ET LES ÉDUCATEURS :
46
4.1 LE RAPPORT
À LA LOI
46
4.2 LE TRAVAIL DE
L'ÉDUCATEUR
48
4.3
L'ACCOMPAGNEMENT
50
4.3.1 LA PLACE DU LANGAGE
51
4.3.2 LES DÉRIVES DU
MÉTIER
52
4.4 LEUR PLACE PAR
RAPPORT AUX AUTRES INTERVENANTS
54
5 CONCLUSION
56
6 BIBLIOGRAPHIE
59
6.1 COURS
59
6.2 LIVRES
59
6.3 INTERNET
60
1 INTRODUCTION
De nos jours, il semble qu'il y ait un problème dans
l'éducation des enfants. De nombreuses personnes se plaignent que les
enfants sont mal élevés, qu'ils sont impolis, fainéants,
la liste est longue. Ceci n'est pas uniquement un phénomène subit
par un seul pays, mais bien généralisé dans les pays
civilisés, où le développement de la qualité de vie
est important. Ce phénomène de société porte
évidement en son nom la principale raison de son développement,
c'est-à-dire que c'est la socialisation des peuples qui est la
génératrice de ce processus.
Je souhaiterais baser mon travail de fin d'études sur
ce phénomène de société qui accablent la
population. Ce sujet est également un point central de mon futur
métier d'éducatrice. En effet, dans une époque où
l'éducation est montrée du doigt, où de nombreux
éducateurs sont sollicités pour accompagner des personnes en
souffrance, il me semble nécessaire d'interroger notre objectif
éducatif. Pouvons-nous affirmer que toutes ses mesures que nous prenons
sont réellement efficaces, nécessaires, et surtout nous
mènent-elles à l'objectif désiré ? Ne
risque-t-on pas, en tant que futur éducateur, de tomber dans des
excès dus à la société et à la
normalisation ? Pourrions-nous affirmer faire notre métier avec
notre coeur, dans la même volonté d'aider son prochain à
franchir les difficultés de la vie ?
Nous avons vu au cours des trois années d'études
les différents systèmes éducatifs, les différentes
théories psychologiques, les différentes lois qui se sont
établis au fur et à mesure des générations
successives, avec à chaque fois une volonté de changement de la
vie en général, pour l'amélioration de celle-ci.
L'étude des différents systèmes
éducatifs m'a d'autant plus intéressé par le fait que,
malgré tous les efforts fournis pour améliorer les
« défauts » de l'éducation, la population est
de plus de plus désorientée dans le choix de l'éducation
des enfants. Certains se réfèrent à l'éducation
qu'ils ont reçus, d'autres préfèrent complètement
nier l'influence de leur propre éducation en éduquant leurs
enfants différemment de ce qu'ils ont vécu.
Différentes théories d'éducation
traversent le monde également. Celles-ci se sont basées sur la
connaissance de l'enfant qui a été acquise au fur et à
mesure des années. Nous avons vu, ces dernières années,
certaines théories et modes de pensée : Piaget, avec la
psychologie de l'enfant, Winnicott, avec le processus de maturation de l'enfant
et la préoccupation maternelle primaire, Sigmund Freud, et ses
théories sur l'inconscient et des pulsions, Mélanie Klein avec
les stades de la libido de l'enfant à l'adulte, pour ne citer que
ceux-là, la liste étant très longue et non exhaustive. Ces
différentes théories font que l'on a porté, à
mesure que les générations passent, de plus en plus d'attention
au développement de nos enfants, tant physique que psychique. L'enfant
est devenu le centre des préoccupations dans la
société.
La société, pour protéger l'enfant, a
établi de plus en plus de lois pour son bien, sa protection. Nous avons,
comme exemple, les droits des enfants (1989), les droits des jeunes (dans le
décret de l'aide à la jeunesse 1991) et le code de
déontologie (1997) qui touche plus spécialement les intervenants
auprès d'enfants. Ces lois, qui pourtant ont été
créée pour la protection de l'enfant, se trouvent malgré
elles en décalage avec la société moderne. Elles peuvent
être, d'un côté très sécurisantes et
rassurantes, mais de l'autre, elles peuvent être enfermantes,
catégorisantes.
Nous sommes actuellement à la recherche de la recette
miracle pour une éducation réussie. Beaucoup de gens se
documentent, de nos jours, afin de réussir à élever leur
propre enfant. C'est comme dans un livre de cuisine : dans certains
livres, on y trouve « ce qu'il faut absolument faire » et
« ce qu'il ne faut surtout pas faire » pour avoir un
« enfant parfaitement éduqué », étapes
par étapes, comme on aurait toutes les explications pour avoir une dinde
cuite parfaitement.
Mais nous sommes en position de se demander si cette recette
miracle existe réellement. Est-ce que toutes nos actions mises en place
pour accompagner les personnes en souffrance véhiculent vraiment un
côté positif ? N'essayons-nous pas de faire changer la nature
des choses en vain face au destin ? Et surtout, ne risque-t-on pas
d'aggraver certaines choses en voulant les arranger ?
En tant que future éducatrice
spécialisée, je m'interroge sur le bien fondé de certaines
actions que nous mettons en oeuvre dans l'accompagnement professionnel.
Pourrais-je vivre ma carrière en gardant une bonne conscience ?
Pourrais-je rentrer chez moi après une journée de travail en me
disant que je n'ai en aucun cas nuis à la personne
accompagnée ? Que je ne l'ai pas emmené sur une voie
prédéfinie par la société qui ne correspondait pas
à la sienne ?
2 LA SOCIÉTÉ ET L'ÉDUCATION
Dans cette partie, je souhaiterais développer la
rupture que l'on semble ressentir entre les générations de nos
grands-parents et parents avec celle dont nous faisons partie. Ces ruptures se
situent, essentiellement, dans la manière de faire autorité, et
dans la représentation de la famille et de l'école.
Ces changements dans l'humanité sont une des raisons
qui a amené un renforcement de l'assistance sociale, de la justice. Ces
mesures ont été prises afin de protéger la population de
ses propres défauts et de l'augmentation de la précarité
et de l'exclusion. Pour satisfaire aux nouvelles exigences d'une
société de plus en plus consciencieuse, des normes de
« bien » ont été établies afin de
pouvoir différencier le bon du mauvais plus facilement, et surtout, par
la suite, de pouvoir prévenir les erreurs et délits. Tout cela
grâce au modernisme, qui a permis de simplifier les procédures, la
vie des individus et qui a également donné une place majeure au
confort et à la sécurité.
2.1 LES GRANDS
CHANGEMENTS DE LA SOCIÉTÉ
Si nous comparons la génération actuelle et
celle de nos parents, et en tenant également compte de celle de nos
grands-parents, on peut constater que de nombreuses choses ont
évoluées. Certaines valeurs, certains principes
prédominants autrefois ont parfois même disparus, ou sont en voie
de disparition, de l'éducation moderne.
Je ne prendrais dans mon travail que deux exemples de
modifications des valeurs, la dégradation de l'autorité et la
famille se liant avec l'école. Ils sont évidement plus
nombreux.
2.1.1 L'AUTORITÉ
Nous sommes face à la problématique de la perte
de l'autorité. Elle se retrouve non seulement dans les rapports
parents/enfants mais également dans les rapports
société/sociétaire. Ce déclin de l'autorité
s'est marqué dans le courant du XXème siècle, on peut
ainsi penser qu'il s'agit là de l'effet de la modernisation et de la
mondialisation. Les symptômes les plus visibles sont le déclin de
l'éducation et de l'instruction. Ceci peut également être
mis en lien avec la cessation des différents rites (dans nos
sociétés civilisées) qui faisaient passer un adolescent
dans le monde des adultes. Ces rites permettaient de marquer la
différence entre les générations et donnaient les bases
des valeurs dominantes de la société.
Pourtant, quand on examine le nombre de lois qui
régissent notre vie en communauté, on peut avoir l'impression
d'être continuellement sous le contrôle des autorités.
Un constat est fait par la société actuelle. Une
grande partie des enfants n'obéissent plus à leurs parents. Nous
en sommes au point de chercher à inventer de nouveaux rapports entre les
enfants et les parents car ce n'est plus l'autorité qui compte. Mais
quelles en sont les causes ? Est-ce parce que les enfants sont plus
résistants aux ordres qu'autrefois ou est-ce que les parents sont moins
enclin à se faire respecter pour ne pas rendre malheureux leurs
enfants ?
L'enfant ne perçoit pas forcément l'ordre comme
l'adulte. Quand il est petit, les quatre ou cinq premières années
de sa vie, l'enfant est susceptible de demander certaines choses au moment
où il y pense. Les parents, souvent attendris par la demande,
exécute celle-ci en pensant faire plaisir à leur enfant. Mais
nous pouvons constater que nombreux sont les enfants qui demandent quelque
chose alors qu'ils sont déjà occupé avec une autre
activité. Or si le parent le renvoi à sa première
occupation, l'enfant oublie souvent sa demande.
Pendant le déroulement des années, les demandes
circulent et ne nuisent en rien. Sauf que, quand l'enfant fera une vraie
demande, réfléchie, mais inaccessible, il ne comprendra pas
pourquoi on lui refuse. Alors que généralement il pouvait
disposer de ce qu'il souhaitait, il se retrouve face à la
difficulté de ses parents de le satisfaire, ses besoins matériels
ayant grandi en même temps que lui. Il se retrouve confronté
à un refus incompréhensible pour lui, ce qui est susceptible de
le mener à une perte de son identité qu'il s'était
construite dans la jouissance d'être écouté et de la
satisfaction de ses désirs. En son for intérieur, l'amour
donné par ses parents était lié à sa satisfaction
inconditionnelle. Ce refus lui donnera le sentiment de ne pas connaître
sa famille, de s'être trompé par rapport aux sentiments qu'il
imaginait que ses parents ressentaient pour lui.
Alors que faire ? Faire tout ce qui est dans le domaine
du possible pour satisfaire notre enfant, sachant que sa construction psychique
est en jeu, et lui donner un maximum ? Ou le réprimer très
jeune, en ne donnant pas aisément accès à la satisfaction,
pour qu'il ne soit pas berné par une idéalisation de son
environnement ?
À notre époque, on fait rimer l'autorité
avec l'absence de liberté. Quelle est la nécessité de
l'autorité dans le rapport parents/enfants ? Sommes-nous dans une
société de « laisser-aller » ?
N'y-a-t-il pas une crainte de sombrer dans la pédagogie noire ?
2.1.1.1
L'AUTORITÉ AU TEMPS DE LA PÉDAGOGIE NOIRE
La pédagogie noire a vu le jour aux
18ème et 19ème siècles, même
si elle était lancinante auparavant. Elle fut dévoilée et
dénoncée dans le courant du 20ème
siècle, en particulier par Katharina Rutschky et Alice Miller, qui ont
recueilli des textes sur ce mode d'éducation qui prévalait en
Europe au début du 20ème siècle. Cette
manière d'éduquer fut, en partie, portée responsable du
comportement des allemands durant la 2nde guerre mondiale, mais
également du comportement de nombreux citoyens durant cette destruction
de la civilisation.
L'obéissance de l'enfant est la clé de
voûte du système. De cette obéissance va dépendre
l'ensemble des dispositions que les parents pourront prendre pour modeler la
personnalité de l'enfant en fonction de leurs convenances personnelles.
C'est pourquoi une soumission totale doit être obtenue très
tôt par des moyens violents, si besoin, afin que la terreur
intériorisée par l'enfant puisse être
réactivée facilement chaque fois que le parent le désire.
L'enfant vit continuellement dans la peur et sert de bouc émissaire
à ses parents.
Les pédagogues de la pédagogie noire soulignent
qu'il faut tuer le mal dès le plus jeune âge et c'est
l'idéal de la société qui, par l'intermédiaire de
l'éducation parentale, va s'en charger. L'adulte est le maître
suprême qui use et abuse de son statut pour arriver à ses fins, il
a toujours raison. L'enfant devra étouffer toute forme de
créativité pour être conforme à ce qu'on attend de
lui. L'enfant est conditionné dès sa naissance et toute son
enfance. L'enfant n'a pas le droit à la parole, il ne doit exprimer
aucun sentiment, aucune joie qui lui est propre. Il y a une distance physique
de l'adulte dès la naissance. La tendresse est considérée
comme inutile, mais peut être donnée à l'enfant quand il
est « gentil » c'est-à-dire conforme à ce que les
parents attendent de lui. Il faut également ôter toute
volonté à l'enfant le plus tôt possible, celui-ci
étant alors dans l'incapacité de s'apercevoir de la manipulation
et ainsi incapable de réaliser la trahison de l'adulte, de se
plaindre.
Le Dr Schreber, dont le cas du fils paranoïaque fut
relaté par Freud, avait écrit plusieurs manuels
d'éducation très populaires en Allemagne, au XIXème
siècle, dans lesquels il répétait inlassablement qu'il
fallait très tôt « libérer l'enfant des germes du
Mal ».
Dans ses Pensées pour l'éducation des enfants
(1752), J. G. Krüger écrit par exemple : « Si votre fils
ne veut rien apprendre pour ne pas céder à ce que vous voudriez,
s'il pleure intentionnellement pour vous braver, s'il fait du mal pour vous
irriter, bref s'il fait sa petite tête : Battez-le, faites le crier: Non,
non, papa, non, non! Car une telle désobéissance équivaut
à une déclaration de guerre contre votre personne. »
1(*)
Cette éducation avait le mérite de
« montrer » aux autres comment on avait bien
élevé son enfant. Effectivement, quelle gloire pour un
père de s'entendre dire : « qu'il est sage, comme une
image ». Elle mettait l'éducateur en valeur, et
démontrait l'importance d'une génération soumise,
dévouée à sa famille. Le père était le
maître incontesté, même par la mère ; tout le
monde dans le foyer se pliait aux exigences paternelles. Lorsque le
maître se fâchait, battait, c'était la punition
idéale, normale, et personne n'aurait pu imaginer se mettre au travers
de son chemin pour l'empêcher de nuire à l'enfant : ce
dernier étant fautif de toute façon puisqu'il avait
contrarié le représentant de l'autorité.
Ces méthodes sont apparues au grand jour, et
étrangement, la société semble avoir été
choquée par cette découverte. Pourtant de nombreuses personnes
l'ont vécue cette pédagogie, et certains la vivent encore
à l'heure actuelle. Le courant d'idée a changé, on prend
maintenant en compte la psychologie de l'enfant, des lois ont été
crées pour les protéger. On a souhaité faire
disparaître la violence, tant physique que psychique. La
société a réalisé qu'un enfant était un
être humain à part entière, même s'il est de petite
taille.
Et justement parce qu'il est de petite taille, innocent
à la naissance, tellement mignon et charmant, on a souhaité
l'inclure dans la société comme une personne identique à
l'adulte. Aurions-nous pu simplement imaginer quels étaient les risques
? Aurions-nous pu penser que l'autorité risquait d'en perdre son
pouvoir ?
2.1.1.2
L'AUTORITÉ AUJOURD'HUI
La loi protège énormément les enfants de
part la convention de droits de l'homme, celle des droits de l'enfant, et la
convention européenne. Nous en sommes actuellement arrivé au
moment où donner une fessée à son enfant
désobéissant est interdit. N'y-a-t-il pas d'amalgame entre
parents maltraitants et parents simplement ?
La hiérarchie est un élément majeur de
l'autorité. Comment pouvoir faire entendre quelque chose sans marquer de
différence ? Quand la différence n'est plus marquée,
c'est la porte ouverte à la perte de l'identité adulte et enfant.
Ce qui peut déclencher un risque pour la santé mentale et
personnelle chez certaines personnes.
Ne pas marquer la différence est quand
l'autorité est confondue avec l'idée de persuasion. Vouloir se
justifier, expliquer, descendre au niveau de l'enfant est synonyme d'être
son égal. Mais l'autorité n'est pas un ordre
d'égalité. Mais marquer la hiérarchie n'est pas non plus
un synonyme de pouvoir. Faire obéir un enfant est vu comme un acte
violent, de force, de prise de pouvoir exagérée.
L'autorité n'est pas non plus le pouvoir, la force. Quand la force est
employée, l'autorité échoue. Utiliser la force est
synonyme de tyrannie ; persécuter la personne pour qu'elle se plie
à vos volontés ! Le tyran décide seul du pouvoir, de
la loi, il impose sa loi.
On respecte l'autorité parce qu'on respecte la personne
qui fait autorité. On respecte le fait que cette personne ait de bonnes
raisons, même parfois inconsciemment, qu'elle agit ainsi parce qu'elle
sait quelque chose que nous ne savons pas, et qu'il en est pour notre bien.
L'autorité, c'est le respect de la différence.
Autant du côté de l'enfant, qui admet en son for intérieur,
l'autorité et la différence comme juste et
vérifiée ; que du côté de l'adulte qui n'a pas
le pouvoir, mais fait respecter les règles sans abuser de cette forme de
pouvoir total sur l'enfant.
La personne qui fait autorité ne décide pas des
lois, elles sont établies pour lui, de part l'Histoire, la
société. Son rôle est de transmettre ses lois aux autres et
de reconnaître l'Autre comme une personne totale. Dans l'autorité,
il ya quelque chose de l'ordre de la loi : une loi extérieure aux
deux personnes, à leur relation. L'autorité, c'est comprendre que
ce que l'un peut faire l'autre ne peut le faire. L'un a des droits que l'autre
n'a pas. L'autorité sépare et relie ; elle permet de mettre
chaque personne a sa place.
Dans la société traditionnelle, le
présent et l'avenir reposent sur le passé. Les hommes se savent
mortels, ce qui donne lieu à de l'angoisse. Les hommes ont besoin
d'autorité car ceci donne une certitude, par rapport à la mort
où ils ne peuvent savoir ce qu'est réellement la fin. Elle leur
donne un sentiment rassurant sur des choses claires et établies.
L'autorité est un moyen de régler le rapport à
l'angoisse.
Dans la société actuelle, on retrouve l'apologie
d'une certaine liberté. La société réglemente tout
mais ce n'est pas un frein à la liberté (qui est
protégée). La liberté n'est pourtant pas synonyme de
« laisser faire ». La perte de l'autorité fait que
nous devons porter sur nos épaules l'angoisse. Alors les gens
règlent leur rapport à l'angoisse en jouissant, en consommant.
Elle inclue également les pertes de la hiérarchie, des places de
chacun, de la reconnaissance et du désir.
Les adolescents ont besoin d'avoir des repères, des
limites établies par leurs parents. Mais si ces derniers ne sont pas
dans la possibilité de se retrouver eux-mêmes dans cette
société, ne retrouvent pas leur place de parents et de
responsables de l'enfant, l'adolescent ne disposera pas du cadre
nécessaire à sa construction personnelle. Les adolescents n'ont
plus de repères, ils ne sentent pas leur inscription dans l'histoire,
dans le passé. L'adolescent interroge le désir de ses parents,
confrontés eux aussi aux différents phénomènes de
société. Quand on est un être dans simplement la
jouissance, on ne peut faire autorité car on n'a pas de désir et
de place.
L'autorité, comme descendance des aînés,
est un moyen de stabilité, un point de construction. Une famille
transmet l'histoire, les choses ayant traits à l'histoire familiale et
sociale. De nos jours, pour palier à la délinquance des jeunes,
on organise des cours pour apprendre aux parents à être
suffisamment autoritaire avec leur enfant. Les parents ayant un enfant
« inadapté socialement » doivent acquérir des
compétences, être suivi par une équipe éducative.
Autrefois les compétences étaient acquises par l'âge, par
la maturité et l'expérience : l'autorité était
un lien. Actuellement elle est vue comme de la persécution.
La plupart des enfants, par le biais de l'école en
particulier, savent très bien ce qu'il est interdit de leur faire subir.
Certains s'amusent même à en profiter pour faire chanter leurs
parents. « Si tu ne me donnes pas ça, je vais porter plainte
et dire que tu me maltraites !!!! ». À l'heure actuelle,
les parents sont d'office soupçonnés d'être fautifs et
maltraitants ; l'enfant est cru sur parole, et s'imagine gagnant dans
l'affaire. Il oublie qu'il ne le sera pas longtemps, car si sa plainte est
reçue sérieusement, il sera retiré de ses parents pour
atterrir dans un foyer ou dans une autre facilité d'accueil. Mais
là son petit jeu ne pourra plus durer, car il ne pourra pas si
facilement jouer avec les sentiments de ses accueillants. Et la
séparation d'avec ses parents pourrait lui être insupportable.
Même s'il émet des regrets, faire reculer la machine,
c'est-à-dire faire annuler la procédure de placement due à
un mauvais traitement n'est pas aisée et elle est très longue. De
plus, il devra avouer clairement et devant les juges, ainsi que les membres de
sa famille, qu'il a menti pour faire du chantage. Certains jeunes
n'accepteraient jamais de perdre la face de cette manière !
Pour les parents, le choc serait terrible. Puni car ils ont
pris une décision éducative pour leur enfant ! Et de plus,
discriminés ! Car quoi de plus affreux que des parents maltraitants
aujourd'hui ? Même si ils peuvent prouver leur bonne foi, et que
l'enfant est débouté, rien ne redeviendra jamais comme avant, le
doute planera toujours au dessus de leurs têtes. Les services sociaux
garderont toujours un lien avec cette famille, pour continuer à
vérifier, voir à s'assurer qu'ils n'ont pas fait d'erreurs en
déboutant le jeune. Mais la surveillance continuelle des parents
peut-être pesante.
Qui peut dire qu'il est un parent parfait n'ayant jamais fait
d'erreur dans l'éducation de son enfant ? Chacun commet des
erreurs, elles font même partie de la nature humaine. Le parent parfait
n'existe pas et pourtant la société traque les moindres
défauts d'éducation !
On pourrait même se demander s'il n'existe pas encore un
guide pour apprendre à éduquer son enfant parfaitement. Dans les
librairies, nous pouvons trouver une multitude d'ouvrages expliquant
« comment éduquer son enfant », « comment
rendre votre enfant heureux », etc. Il existe également des
institutions où l'on forme les parents qui ont des enfants ayants commis
des délits, parallèlement à la rééducation
du jeune. On leur apprend comment ils doivent se comporter avec leur enfant
difficile, puisqu'ils n'ont pas su le faire avant qu'il ne fasse une
bêtise. Donc l'enfant non plus n'a plus le droit à l'erreur. Mais
ce n'est pas grave, puisque l'on va rééduquer ses parents ;
ce n'est pas de sa faute à lui, il est jeune, c'est celle de ses parents
qui lui ont mal appris la vie. Nous pourrions nous demander ce qu'un jeune peut
ressentir dans ce genre de situation. Prend-t-il lui-même conscience de
ses erreurs ou rejette-t-il la faute sur ses parents ? Se
considère-t-il fautif ou victime de ses parents, de la
société ?
Une nouvelle fois, nous pourrions nous interroger sur le
principe des erreurs. Ne sont-elles pas parfois bénéfiques ?
N'apprenons-nous pas de nos erreurs ? Nul ne peut prétendre avoir
conduit sa vie parfaitement, sans jamais se tromper. Un être humain se
construit en avançant, en commettant des erreurs parfois importantes.
Ceci lui procure une certaine expérience de la vie et lui permet de
pouvoir s'insérer dans la société qui l'entoure.
Ceci représente une des ruptures séparant les
générations actuelles. Une autre de ces ruptures se trouve dans
les rapports qu'entretiennent de nos jours les parents et l'école de
l'enfant.
2.1.2 LA FAMILLE ET L'ÉCOLE
À la suite de la pédagogie noire, nous avons pu
constater l'essor de l'éducation nouvelle. Montaigne disait :
« l'enfant n'est pas un vase qu'on remplit mais un feu qu'on allume
»2(*). Les
théories de Rousseau influencèrent ce courant de pensée et
furent mise en application par Pestalozzi, suivi par de nombreux
pédagogues et humanistes, tels que Célestin Freinet, Ovide
Decroly, Maria Montessori, entres autres, la liste étant très
longue et non exhaustive.
L'éducation nouvelle est un courant pédagogique
estimant que l'individu est acteur à part entière de sa propre
formation. L'apprentissage se base sur les centres d'intérêts de
l'enfant, ce qui le stimule dans son évolution scolaire.
L'éducation nouvelle tente également de susciter son esprit
d'exploration et de coopération. Ces principes sont la base des
méthodes actives utilisées par ce courant pédagogique.
L'éducation est globale, les domaines éducatifs sont égaux
dans leur importance lors de l'apprentissage, que ce soit du domaine
intellectuel, artistique, physique, manuel ou social.
Certaines pratiques de l'éducation nouvelle ont
néanmoins été généralisées, en
particulier celles visant à un apprentissage à partir du
réel. Classes vertes, travaux manuels comme éducation artistique
sont maintenant monnaie courante, surtout dans l'enseignement primaire.
De 1930 à 1950, l'école et la famille
représentent deux sphères éducatives cloisonnées et
indépendantes. A la famille revient l'éducation et la
transmission des valeurs, et l'école oeuvre à l'instruction et la
transmission du savoir. A partir des années 50, leurs missions
respectives s'élargissent mais les deux pôles éducatifs
restent relativement éloignés l'un de l'autre. Les parents ont un
rôle de soutien et de contrôle du travail, des
résultats ; ils signent les bulletins et contribuent à
l'éducation scolaire. C'est le début d'un partenariat
école/famille. Mais il faudra attendre les années 1970-1980 avant
que les parents franchissent les portes de l'école, que de vrais
échanges aient lieu et que chacun devienne acteur complémentaire
dans l'éducation tant à l'école qu'à la maison.
Nous pourrions envisager cela comme une côté
positif autant pour les enseignants, pour les élèves que pour les
parents. En effet, ceci peut permettre une meilleure corrélation entre
le savoir transmis en famille et celui appris à l'école.
Mais nous pouvons également constater que ces relations
ne se font pas toujours dans une logique de simplicité et
d'accompagnement de l'enfant. Certains parents sont susceptibles d'intervenir
inconsciemment de manière nocive autant pour l'enfant que pour
l'enseignant. Leur but premier est de protéger leur enfant contre toute
forme de discrimination, mais ceci interpelle le fait que leur enfant fait
partie d'une autre communauté que la leur, l'école. L'institution
doit travailler selon certaines règles, certains principes permettant
que chaque enfant ait droit à une place, au respect, mais
également établissant que celui-ci se doive de respecter les
autres et le fonctionnement de l'école.
Ces règles, nécessaires à la vie en
collectivité, peuvent parfois être dérangeantes ou/et
contraignantes pour certaines personnes. Ils se sentent en effet
lésé, contraint, parfois même écrasé par ces
règles. L'enfant rentre de l'école avec une sanction, un mot dans
son journal de classe, et déclare à ses parents qu'il n'est pas
responsable, que c'est le professeur qui exagère ou que ce n'est pas
juste par exemple. Pour de nombreux parents, la confiance en son enfant est
devenue quelque chose de très central, et ne dit-on pas :
« la vérité sort de la bouche des enfants ».
Ce qui les conduit à agir dans l'intérêt de leur
enfant : du moins de leur point de vue personnel. Les parents, ayant le
sentiment que leur enfant n'est pas épanoui à l'école, ou
qu'il est brimé par un instituteur, interviennent en allant voir
l'instituteur ou la direction.
Mais dans une telle intervention, les enseignants
eux-mêmes se sentent également contraints. Comment peuvent-ils
faire pour garder une certaine autorité sur leurs élèves
si les parents défendent continuellement l'enfant aveuglément, ne
voyant que le bon côté de leur progéniture, refusant
d'admettre qu'il peut ne pas avoir un comportement admissible dans la
communauté, que la parole de l'enfant n'est pas forcément la
vérité ou bien pire, que leur propre chair se permette de les
manipuler grâce à son regard d'ange.
Le rapprochement entre l'école et la famille pourrait
être positif si l'on se basait uniquement sur le vrai
intérêt de l'enfant sans se laisser leurrer par les charmes
naturels de l'enfance. Mais il faudrait pour cela que chacun respecte le
travail mené par l'autre, tout en acceptant qu'il peut toujours y avoir
des bévues, des erreurs autant de la part des enseignants, de
l'élève que des parents. Et plutôt que de sauter sur la
moindre occasion en se sentant persécuté, ou manipulé,
essayer d'analyser la situation en retenant toutes les possibilités et
en gardant à l'esprit que les erreurs permettent d'avancer, de
construire des relations et qu'elles donnent à l'enfant une
possibilité de découvrir la réalité de sa
sociabilisation.
En effet, la protection des parents (et de la
société) est telle que l'enfant se croit parfois
invulnérable, intouchable, et qu'il ne peut rien arriver de contraire
à son désir puisqu'il est au centre du désir de ses
parents, de la protection de la société et en parallèle,
l'enfant est parfaitement conscient de tout ce qui l'entoure, que ce soit
l'amour familial que les lois en sa faveur.
Du temps de nos grands parents et de nos parents (pour
certains), les enfants étaient considérés comme assez
grands pour travailler vers 12 ou 13 ans, même avant d'ailleurs. Pour
ceux qui avaient la chance de pouvoir continuer l'école, ils allaient en
général jusqu'au certificat d'études,
généralement obtenu à 13 ou 14 ans, puis ils entraient
dans la vie active. Beaucoup d'enfants dont les parents ne pouvaient assumer
ses études, partaient travailler dans les champs, ou à l'usine,
pour permettre une rentrée financière à la maison
familiale.
De nos jours, l'école est obligatoire jusque 18 ans.
Ceci est une bonne chose si on tient compte de l'importance de la culture
générale pour la sociabilisation des êtres humains. Les
enfants peuvent apprendre, par le biais de l'école, un métier,
une option qui leur sera utile en tant qu'adulte plus tard. Malheureusement,
tous les enfants ne peuvent pas se permettre d'aller si loin dans leurs
études. Certains n'en ont pas les capacités intellectuelles,
d'autres n'en ont pas les moyens financiers. Car, quoi qu'on en dise,
l'école coûte cher même si des aides existent.
Ce qui pose problème à l'heure actuelle, ce
n'est pas tellement cette obligation, mais surtout la catégorisation des
enfants selon leur voie scolaire. Il y a la voie générale, qui
est très importante, mais qui ne donne que des diplômes sans
expériences précises avant plusieurs années
d'études. Il y a ensuite la section technique, dans laquelle se situe un
mélange entre l'apprentissage manuel et la voie générale,
nécessitant de manière égale de la dextérité
intellectuelle et manuelle. Pour les jeunes ne pouvant accéder aux
études généralisées ou techniques, quel que soit le
déficit (intellectuel ou financier), nous avons dans nos écoles
la section professionnelle. Celle-ci leur permet d'apprendre directement un
métier manuel et ainsi ils peuvent sortir de l'école avec un
diplôme, une formation et une expérience acquise par les
différents stages effectués au cours des années
d'apprentissage.
Mais nous nous trouvons actuellement confronté
à un double sens de cette voie : quand nous sommes face à un
enfant difficile, turbulent, ne souhaitant pas apprendre à
l'école, même s'il en a les capacités, la direction
scolaire et la famille de ce jeune vont préférer l'orienter vers
le cursus professionnel. Ainsi nous pouvons retrouver dans cette section un
nombre important de jeunes désorientés, démotivés,
en rupture avec la société et l'autorité. Ces derniers
ayant été « placés » là sans en
être consentant ou sans y trouver leur intérêt, ne
s'appliqueront pas à leur tâche, mais ont de grande chance de
continuer à défier la société, l'école et
leur famille en se rebellant.
De ce fait, nous retrouvons dans le cursus professionnel une
plus grande partie de jeunes « casés » que de jeunes
ayant choisi une option professionnelle. Au fur et à mesure des
années, ce cursus est régulièrement associé
à un dépôt scolaire où l'on case les jeunes en
attendant qu'ils aient l'âge légal de quitter l'école. De
là s'écoule une catégorisation de cette voie, qui est de
plus en plus déqualifiée aux yeux de la société et
des futurs employeurs.
La famille de notre génération n'a plus
grand-chose en commun avec celle de nos parents et encore moins avec celle de
nos grands-parents. Les gens ont dorénavant le choix dans la
construction d'une famille : une grossesse désirée ou non,
l'union libre qui remplace le mariage, les divorces et les séparations
qui sont devenus monnaie courante et de nombreuses familles monoparentales. La
place des femmes dans la société a également
évoluée : la femme n'est plus la bonne mère de
famille et la tenancière du bon ordre dans la maison, elle travaille
à l'extérieur autant qu'un homme et participe aux rentrées
financières du couple et de la famille.
Ces changements ont contribué à l'augmentation
de la différence des classes sociales, et en particulier à
l'avancée de la précarité et de l'exclusion.
2.1.3 LA PRÉCARITÉ ET L'EXCLUSION
Pierre Bourdieu, sociologue français, dans son ouvrage
« La distinction », nous parle des différentes
classes sociales. Il différencie deux grands types de classe : la
classe dominante, qui inclue les personnes dotée d'un important capital
économique et culturel ; et la classe dominé qui regroupe
les personnes ayant un faible capital économique et culturel.
Selon son étude, les enfants ne se trouvent pas
à égalité face aux apprentissages scolaires,
l'école légitimant et valorisant la culture dominante. Pour les
enfants issus de la classe dominante, l'école leur fournit la
continuité rassurante de leurs valeurs et de leur culture. Pour la
classe dominée, il y a une rupture entre le langage et la culture
pratiqués dans leur environnement et ceux pratiqués à
l'école. Ce qui influence l'accès aux titres scolaires, qui ne
représentent pas le même degré de difficulté d'une
classe à l'autre.
Nous pourrions donc insinuer qu'un enfant venant d'une
cité HLM a moins de chance, voir aucune chance, de réussir des
études supérieures qu'un jeune venant d'un milieu favorisé
avec des parents bien intégrés dans la société.
Cette étude a démontré ce que beaucoup de personnes
pensent quant aux chances de réussir quand vous êtes
déjà précarisés.
« Le passage d'une société
industrielle à une société de services, la mondialisation
de l'économie, l'apparition de grandes mégapoles, le
chômage et la ghettoïsation de certaines catégories de
populations dans les quartiers, l'échec de l'intégration ont vu
progresser côte à côte la montée de la
précarité et l'isolement : verticalisation de l'habitat,
éloignement géographique des familles, solitude,
précarisation de l'emploi.
L'exclusion est ce sentiment de solitude, unique dans
l'histoire de l'humanité, qui se surajoute à la
dévalorisation des personnes induite par la précarité et
qui se transmet des parents aux enfants. Certains adolescents voient plusieurs
générations au chômage, leurs parents et leurs
grands-parents. Du fond de leur quartier ils se sentent exclus de la
société active, perdent confiance en eux et savent qu'il y a peu
d'espoir de réaliser leurs rêves. À l'adolescence,
l'environnement socioéconomique, les éventuels dysfonctionnements
familiaux aggravent la précarité et renforcent le mal-être
et la mauvaise estime de soi.
Les métamorphoses de la famille et
l'instabilité des liens affectifs dans les nouvelles constellations
familiales. Les rôles de chacun ont connu des évolutions
radicales. Les parcours de vie de beaucoup d'enfants et d'adolescents sont
rythmés par des ruptures. Augmentation des divorces, des
séparations, recompositions familiales plus ou moins stables et
fréquentes conduisent l'enfant, certes à nouer avec des tiers des
liens de qualité qu'il convient de préserver mais, à
l'inverse, peuvent aussi le conduire à subir péniblement les
choix de vie des adultes.
La société n'a pas été
préparée à penser ces bouleversements, elle les supporte
plus qu'elle ne les accompagne. Certaines recompositions familiales
s'avèrent fragiles, l'enfant peut avoir des difficultés à
se situer dans ces nouvelles configurations. De tels changements bouleversent
naturellement les repères des enfants mais ils sont mieux
supportés lorsqu'ils sont bien accompagnés ». 3(*)
Quand on consulte l'histoire de la civilisation, nous
constatons qu'il y a toujours eu un décalage entre les classes
dominantes et dominées. Autrefois, nous avions les nobles et les paysans
qui représentaient les différentes classes sociales. De nos
jours, nous avons d'un côté une haute société avec
une place dominante, une classe moyenne qui recherche un certain
équilibre de vie et une classe dominée qui survit en fonction des
aléas de la vie.
Comment espérer que les jeunes issus de milieu
défavorisé puissent avoir l'envie et le goût de se battre
pour s'en sortir quand on constate qu'ils possèdent peu de chance de
pouvoir prendre une trajectoire individuelle par rapport à leur
trajectoire modale prédéfinie ? Bien entendu, il existe de
nombreuses aides pour ces jeunes, mais celles-ci ont des difficultés
à s'établir et surtout à être accepter par une
population déjà désoeuvrée. Les
bénéficiaires de ces aides considèrent
régulièrement que le combat est inégal car rien ne pourra
changer leurs conditions de vie et leur catégorisation.
Catégorisation venant du fait qu'ils habitent dans des cités
défavorisées, qu'ils sont susceptibles de porter des noms
étrangers, et qui les classe d'office dans une perception
négative. Il suffit, pour en avoir une preuve, de demander à un
jeune diplômé issu d'une cité HLM, ainsi qu'à un
autre jeune avec le même diplôme mais issu d'un milieu
favorisé, de postuler pour le même emploi, dans la même
entreprise, d'une certaine importance sociale. Dans une grande majorité
des cas, la candidature du jeune favorisé sera la première
retenue, sans même avoir prêté une grande attention à
celle de l'autre jeune. L'adresse, le nom d'une personne cherchant un emploi,
ou même un logement, peuvent être de grands obstacles pour elle
dans notre société pourtant dite libre et égale pour
tous.
Le jeune issu de sa cité n'était apparemment pas
conforme aux exigences de l'employeur, malgré son diplôme et ses
capacités intellectuelles et sociales identique à son concurrent.
Ces différences nous montrent que nous sommes actuellement à la
recherche de normes, qui s'établissent de plus en plus dans nos vies.
2.1.4 LA RECHERCHE DE LA
NORMALITÉ
La société actuelle pousse vers un certain
conformisme. Les citoyens se retrouvent confrontés au problème de
la perte de leur propre identité. Nous pouvons constater, à
l'heure actuelle, que les progrès de l'humanité ont conduit
l'être humain vers une conception inconsciente (pour la plupart des gens)
de la personne parfaite.
« La connaissance des capacités du
bébé in utero, non seulement à entendre mais à
reconnaître les voix et à mémoriser les phrases, dès
le cinquième mois de grossesse, a conduit aux Etats-Unis, à la
création « d'universités prénatales »
dans lesquelles on favorise l'éveil à la musique ou à une
langue étrangère. »4(*)
Edwige Antier nous parle, dans son livre, surtout des risques
pour les neurones de cette diffusion des informations et des connections
biologiques qui serait susceptible de perturber la construction du cerveau du
bébé à naître.
Que dire de cette incroyable découverte ?
C'est une grande chance pour les parents, ils peuvent favoriser leur enfant
avant même sa naissance. L'enfant aura la chance, d'une manière
innée (puisque su avant de naître), d'avoir déjà les
notions nécessaire à l'apprentissage d'une langue, par exemple.
Il sera donc en avance par rapport à ses futurs petits camarades, et la
fierté des parents n'en sera que décuplée.
Mais le choix de lui inculquer, presque de lui
« perfuser », une langue étrangère est choisi
délibérément par les parents. On conditionne l'enfant
à parler telle langue, en plus de sa langue maternelle naturelle (pour
ainsi dire).
Pourquoi ne pas imaginer qu'on lui
« perfuse » aussi la connaissance du monde, ou des
idées personnelles du « programmateur » pour en
faire un « autre ». Car inculquer quelque connaissance que
ce soit à l'enfant, n'est-ce pas troubler sa conception
personnelle ? Le bébé construit son psychisme de part son
environnement et son ressenti. Mais qu'adviendra-t-il si tout est
conditionné à l'avance pour lui ? Comment pourrait-il
construire sa propre personnalité si les bases de sa construction
foetale ont été perturbées, voire inculquées, par
une autre personne ? Sera-t-il lui-même ou alors sera-t-il une sorte
de clone de la personne ayant transmis ses connaissances, ses
goûts ? N'y-a-t-il pas une crainte que dans le futur (si ce n'est
déjà fait) des spécialistes tentent de créer
l'enfant parfait ?
Il y a une relativité entre le
« normal » et le « pathologique » par
rapport à la nosographie. Avoir un comportement pathologique, c'est
avoir un comportement inadapté à la société. Nous
sommes actuellement dans une société où l'on traque
« l'anormalité ». Dès la naissance de
l'enfant, celui-ci doit passer toute une série de test afin de
vérifier qu'il est effectivement bien constitué, tant
physiquement que mentalement. On recherche l'erreur, une éventuelle
défectuosité qui pourrait lui nuire. Mais doit-on se demander
à qui pourrait nuire cette
« défectuosité » ? En effet, un enfant
pourrait tout à fait se construire individuellement même s'il
rencontre divers problèmes. Il possède naturellement une grande
faculté d'adaptation, il apprend seul, par exemple, face à ses
angoisses lors des premiers mois de sa vie, sa mère ne pouvant que lui
apporter le réconfort et le soutien qu'il nécessite lors de cette
période. Son psychisme lui permet de créer son propre Moi, sa
propre perception des choses qui l'entourent.
Si l'on prend en compte que l'on traque le moindre
défaut de l'enfant, ceci peut nous mener à penser que l'enfant
sera étiqueté dans l'éventualité où les
professionnels décèlent quelque chose de dérangeant (par
rapport à la norme). En effet, cette prévention de
l'anormalité amène à mettre l'enfant dans une case, de lui
donner le statut d'enfant déficient par exemple. Nous cherchons à
le comprendre, à savoir pourquoi et comment il est devenu comme il est,
mais nous ne cherchons pas forcément à savoir ce que lui
désire ou ressent de sa propre situation.
La seule chose qui semble retenir l'attention, tant des
parents que des professionnels l'entourant, c'est qu'il faut que l'enfant soit
le plus possible proche des normes décrétées par une
société tout entière afin d'être reconnu comme un
être à part entière. Ces normes, je le reconnais, permettre
de pouvoir déceler une éventuelle maladie et si possible de la
soigner, mais elles peuvent enfermer l'enfant dans une catégorie dont il
se peut qu'il ne sortira jamais.
L'enfant risque d'être considéré toute sa
vie comme un handicapé, un autiste, un déficient mental et aura
beaucoup de difficultés à s'identifier autrement que ce qui lui a
été donné comme statut. Il pourrait ne pas réussir
à s'épanouir totalement, même si son
« problème » pourrait quand même lui permettre
d'exister tel qu'il est, comme une personne à part entière, sans
empêcher son développement personnel, la construction de sa propre
identité.
A travers l'histoire, la société nous a toujours
montré une peur de l'étranger, de la différence. La
construction et la prolifération d'institutions
spécialisées nous en donne un bel exemple. Il est plus simple, et
ce depuis la nuit des temps, de cataloguer et de « ranger »
les personnes « anormales » dans divers instituts que de
les regarder en face, d'accepter les différences entre les personnes, et
de s'adapter non pas à elles, mais avec elles à une
communauté.
Ceci se retrouve également, et pas seulement dans la
prévention du nouveau-né, dans l'éducation des enfants au
fur et à mesure de leur développement. Cette recherche de la
normalité est également effective quand on éduque un
enfant. Cette éducation est basée sur les règles de la
société, dont nous dépendons, et sur les valeurs que les
parents souhaitent transmettre à leur enfant. Il est nécessaire
aux yeux des valeurs fondamentales qui nous entourent de faire le maximum pour
que l'enfant puisse s'intégrer dans la société, en
accepter les règles et, en quelque sorte, se fondre dans la foule.
Dès que l'enfant déroge à ces règles, il est
également visé par une
« rééducation »
Nous vivons dans une société relativement
critique. Comme si la nouvelle tendance était de toujours
vérifier que son voisin est bien dans les
« normes » !
Un enfant est continuellement sous le regard d'autrui. Que ce
soit à la maison, à l'école, dans la rue, etc. Il doit se
conduire « comme il faut » sinon il sera jugé, voir
classifié comme « sale gosse ». Non seulement lui,
mais également sa famille, ses parents en particulier, qui seront
classifiés de « mauvais parents, mauvais
éducateurs ».
L'être humain ne peut être tel qu'il est, il ne
peut plus se ressembler à lui-même puisqu'il doit se conformer aux
exigences sociales qui l'entourent.
Nous sommes également évalués par notre
entourage par rapport aux vêtements que nous portons, à notre
voiture, à l'aspect de notre maison, etc. Comme si le fait d'avoir une
belle voiture ou une belle maison pouvait réellement dire qui est la
personne, quelles sont ses valeurs morales et ainsi lui attribuer
l'étiquette de bon ou mauvais citoyen.
Les exigences de réussite placées sur les
épaules d'un adolescent par sa famille, l'école, la
société créent de lourdes obligations. Certains parents
veulent que leur enfant obtienne le « meilleur » niveau de
réussite scolaire, ce qui à leur yeux constitue une assurance
pour l'avenir et les soumettent à des pressions intenses. Parmi les
professionnels rencontrés, beaucoup d'entre eux soulignent le rôle
non négligeable de la pression mise conjointement, dans certains lieux,
par la famille et le monde scolaire sur des jeunes fragiles. La crainte de ne
pas réussir entraîne chez certains jeunes de la frustration et de
la honte qui peuvent exploser dans des comportements violents.
Ces bouleversements familiaux et sociaux ont conduit la
société a évolué avec eux, notamment en mettant en
oeuvre des aides typiques selon les besoins qui se sont modifiés
simultanément.
2.2 L'ASSISTANCE
Afin d'épauler au mieux les parents dans leurs
rôles d'éducateurs, la société a mis en place
différentes aides éducatives. Ces aides ont pour objectifs la
protection de l'enfant, de son mieux-vivre, de sa santé physique et
mentale. À l'origine, l'aide était pour aider les orphelins, les
enfants abandonnés, et également pour éviter la
multiplication des enfants errants dans les rues, surtout après les
drames sociaux qu'ont connus certains pays. Puis, l'aide fut élargie
pour les enfants dont les parents étaient déficients dans leur
manière d'éduquer ceux-ci. La société est devenue
de plus en plus protectrice et, actuellement, elle est également
préventionniste.
En effet, face à la multiplication des problèmes
d'éducation, la société a mis en place une multitude de
services afin d'éviter le plus possible les carences familiales,
permettant de protéger les enfants et ainsi réduire le coût
des différentes aides apportées. Nous avons aujourd'hui,
majoritairement, deux types de demande d'assistance : les familles en
difficultés qui la sollicite, et celles à qui elle est
imposée.
Les difficultés éducationnelles sont telles que
de plus en plus de parents font appel aux services sociaux pour
bénéficier d'une aide dans l'éducation de leur enfant,
mais également dans leur vie privée, ayant des problèmes
sociaux et/ou financiers dû à la conjoncture économique et
sociale actuelle. Ces derniers ayant une incidence sur leurs facultés
à éduquer leurs enfants.
D'un autre côté, de plus en plus de personnes
font appel aux services sociaux pour dénoncer des parents
potentiellement maltraitants, ayants été témoins de faits
inquiétants, étranges et/ou suspects. Ceci étant, en
partie, le résultat des campagnes de prévention pour la
protection de l'enfance.
Lorsqu'une assistance éducative est demandée,
celle-ci se doit d'être notifiée par un acte officiel
effectué par un juge.
2.2.1 LES MESURES JUDICIAIRES
Lors de la convention des droits de l'enfant, plusieurs pays
ont été accusés de trop facilement séparer les
enfants des parents dès la survenue de problèmes. Afin de pouvoir
ratifier cette convention, chacun s'est engagé à restreindre les
placements d'enfants, et de faire le maximum pour préserver le lien
parents/enfants.
C'était effectivement une nécessité. La
séparation des enfants de leurs parents était très
facilement effectuée, on estimait à cette époque que la
séparation était un fait inévitable lors de
problèmes éducatifs et ce, pour le bien de l'enfant. La
société se trouvait alors dans la période où les
horreurs de la pédagogie noire avaient été
dénoncées et diabolisées. On a, de ce fait, sacraliser le
lien parents/enfants envers et contre tout. Tout ce qui était possible
de faire pour éviter un déchirement de la famille était
mis en place. Ces mesures sont les temps d'observations, les périodes
d'essais, donner une seconde chance aux parents déficients dans
l'éducation de leur enfant, le suivi éducatif, etc.
Mais toutes ces initiatives très agréables
à première vue ont un revers lorsque la situation est susceptible
de mettre l'enfant en danger. Peut-on encore penser, dans ces cas-là,
que le maintien du lien familial est inexorable ?
Dans son livre, Maurice Berger nous présente plusieurs
situations. Celles-ci sont basées sur différentes
procédures, des signalements par des professionnels, pour des enfants en
danger. Il démontre, suivant les études de cas décrites,
que certains juges préfèrent tenter de garder le lien entre
l'enfant et les parents, en particulier si ils ne possèdent pas de
preuves probantes, malgré des rapports affligeants de professionnels,
qu'ils soient psychologues, assistants sociaux ou éducateurs.
Il appelle ceci « l'idéologie du lien
familial », qu'il définit de cette phrase :
« position de principe selon laquelle le maintien du lien
physique réel entre l'enfant et ses parents a une valeur absolue et
intouchable. »5(*)
Il faut parfois plusieurs années avant que la situation
ne soit réellement acceptée comme dangereuse pour l'enfant. Par
manque de preuve, ou par empathie pour les parents, ces juges
préfèrent laisser l'enfant dans sa famille. Il semblerait que
ces juges estiment que l'intérêt de l'enfant est d'être avec
ses parents, ce qui peut être réel, malgré les alertes et
les rapports des professionnels sur les conditions de vie de l'enfant.
Effectivement, l'intérêt de l'enfant est d'être
auprès de sa famille, mais peut-on estimer, dans certaines situations,
que ce lien est inéluctable. Quand l'enfant est victime de manque de
soins, de carences effectives, de violences, et que ces faits provoquent chez
lui des carences de développement physique et intellectuel, peut-on
encore estimer que sa relation avec ses parents est primordiale ?
2.2.2 LES RISQUES DE L'ASSISTANCE
De part les différentes théories sur le
développement de l'enfant, nous savons actuellement que la construction
psychique de celui-ci se déroule notamment les deux premières
années. Or, quand un risque pour le jeune enfant est
décelé par des professionnels, si les preuves physiquement
visibles sont manquantes, ce risque est parfois mal estimé par la
justice. L'enfant ne sait pas encore s'exprimer clairement, ni expliquer ce
qu'il subit autant psychiquement que physiquement. Dans la plupart des cas, ces
risques sont des carences affectives, nuisibles au développement de
l'enfant. Mais celles-ci ne sont évidement pas observables ni
mesurables, mis à part le fait que l'enfant pourrait vraisemblablement
montrer un déficit moteur ou intellectuel par rapport aux autres enfants
de son âge. Mais, sachant qu'un enfant n'est pas comme un autre et que
chacun se développe à un rythme personnalisé, ces signes
ne sont pas forcément révélateurs de carences graves.
Quand un enfant subit de telles difficultés, les
conséquences ne se révèlent que quelques années
plus tard, notamment au travers de son comportement. Celui-ci peut être
devenu violent, présenter une déficience intellectuelle, des
troubles psychiatriques graves, et peut surtout présenter une
inaptitude à établir une relation stable avec les autres.
« Les adolescents pris en charge dans les
différentes structures de la protection de l'enfance présentent
une souffrance psychique supérieure aux autres. Ils font l'objet soit
d'une mesure de placement hors du milieu familial, soit de mesure d'action
éducative tout en continuant à vivre dans leur famille.
Les observations faites par la DASES de Paris, en 2003,
sur des adolescents de 14-15 ans placés en établissements ou en
familles d'accueil mettent douloureusement en lumière la souffrance
psychique de ces adolescents qui éprouvent un mal-être et des
troubles psychologiques « avec une fréquence supérieure
à celle observée dans les populations standards de leur âge
: instabilité constatée par les adultes les ayant en charge pour
31 % d'entre eux et agressivité pour 40 %. Plus de 30 % sont en
difficulté scolaire dont 10 % en très grande difficulté.
Presque la moitié bénéficie d'un suivi psychologique
».6(*)
Quand un jeune est placé dans une institution, il est
mis dans une situation de dépendance totale. Les décisions sont
prises, on le pousse vers un bonheur et un avenir prédéfinis et
il est pris en charge à chacun de ses pas. Ce qui risque de lui faire
perdre toute autonomie. Lorsqu'il sera majeur et réellement dans le
monde des adultes, il devra confronter sa vie à son passé sans
personne pour diriger sa vie, et il devra trouver en lui l'envie de vivre,
d'avancer dans ce monde qui n'a pas été tendre avec lui.
L'institution peut représenter un ensemble
(éducateurs, psychologues, administration, etc.) qui, aux yeux d'un
enfant, peut prendre la place d'un couple parental, ce qui peut donner au
bénéficiaire l'occasion de faire se reproduire certains
événements. Soit l'enfant demande à ses
« parents de remplacements » de l'aider, soit il peut
chercher à leur lancer des défis. Les intervenants de l'aide
deviennent alors des jouets de l'enfant, celui-ci faisant un transfert sur son
éducateur, son psychologue ou sur une autre personne de son univers
proche dans l'institution. Un enfant mal dans sa peau, peut, par exemple,
chercher à énerver son éducateur jusqu'à ce que
celui-ci le maltraite, afin que l'intervenant prenne la place du bourreau.
Nous pouvons également nous demander si toutes ces
aides sont réellement appropriées. En effet, serions-nous en
mesure d'affirmer qu'une personne accompagnée, suivie depuis son plus
jeune âge, sera un jour capable de se prendre en charge seule ?
Lors de mes différents stages pendant mes trois
années d'études, j'ai pu constater que les aides apportées
semblaient toujours passer de génération en
génération. Par exemple, dans l'institution
spécialisée, les enfants scolarisés avaient
régulièrement un lien avec l'école avant même leur
naissance. Leurs parents (ou l'un d'eux) avaient effectués eux-aussi
leur scolarité dans l'institution. Une éducatrice travaillant
là depuis de nombreuses années m'avait confirmé qu'elle
retrouvait régulièrement en rendez-vous (pour le suivi scolaire
des enfants), des personnes devenues adultes mais ayant
fréquentées l'institut plusieurs années auparavant.
Nous pouvons constater régulièrement que les
personnes assistées gardaient ce statut pendant plusieurs années.
Ce qui me pousse à me poser certaines questions. Y-a-t-il
réellement une fin à une procédure d'assistance ?
Est-ce que les aides apportées, de part leur effet
bénéfique pour la personne, ne poussent-elles pas
« l'assisté » à ne pas se battre pour s'en
sortir ?
Ces personnes, en difficultés (même temporaires),
font une demande d'aide aux services approprié. De part cette
démarche, elles vont pouvoir recevoir un accompagnement
nécessaire à leur quotidien, et celui-ci va influencer leur
rythme de vie. Elles ne seront enfin plus seules pour faire face aux
différentes difficultés de la vie, quel soulagement. Si un
nouveau problème les contraints, elles seront de toute façon
protégées (en théorie) par les aides sociales.
Mais, dans ce genre de situation, la personne ne cherche plus
forcément à se battre pour s'en sortir. Ces démarches
passées étant souvent resté vaines, d'où sa demande
d'aide, notre personne assistée se retrouve découragée. Or
lorsque les aides lui parviennent, tout est simplifié. De plus en plus
de personnes se retrouvent dans ce genre de situation, qui apparait comme un
sauvetage. Malheureusement ces personnes se retrouvent
régulièrement dans l'engrenage de l'assistance, même si
ceci n'en est pas le but. D'un côté, elles se retrouvent
cataloguées comme « personne assistée » et de
l'autre, elles se renferment dans l'aide reçue, ce qui leur permet de ne
pas devoir elles-mêmes combattre les difficultés de la vie.
En tant que « personne assistée »,
la société vous a catalogué. J'entends par là que
si vous recherchez un travail, un logement pour vous permettre de vous en
sortir, vous serez confrontés au stéréotype de ce statut.
Peu de propriétaires de logement vous feront confiance lors de votre
demande. Pourquoi ? Simplement parce que vous êtes
« assistés », qu'il n'est pas réellement
possible d'avoir des garanties locatives, parce que votre situation
financière est considérée comme décadente
(même si elle ne l'est pas), et que la société tout
entière semble penser que vous ne pouvez pas être une personne
contentieuse, honnête. Dans le domaine du travail, nous pouvons retrouver
le même type de préjugés. Si vous êtes
assisté, c'est « évidement » parce que vous
n'êtes pas capable de vous débrouiller par vous-même !
« Merci les idées reçues « semble la
dernière chose à dire dans ce cas-là.
Face à ces difficultés, certaines personnes ont
la faculté de se demander pourquoi une personne assistée n'a plus
la force et la volonté de se battre pour vivre ou simplement pour s'en
sortir. Évidement que dans de telles situations, vous devriez avoir une
grande force de caractère pour surmonter ces épreuves. Mais la
vie vous a déjà tellement humiliée, perdue. Peut-on
estimer de manière inéluctable que cette personne, ayant subi
tellement d'échecs, aura la force de retrouver sa voie, sa vie, et sa
destinée ? Est-ce que le fait d'être continuellement
assisté permettra de s'en sortir ? Malheureusement, tout n'est pas
rose et la société nous le prouve tous les jours, malgré
toutes les mesures qu'elle peut mettre en place pour nous aider.
Cet engrenage, qui s'abat sur une personne ou un couple, a
également des répercussions sur la vie de famille. Parfois, les
difficultés étant si importantes et déstabilisantes, il
est nécessaire de s'occuper également des enfants, en prenant le
risque de la séparation des parents et des enfants. Ce qui, bien
sûr, ne va pas améliorer l'estime de soi et ses ressentis pour la
vie moderne.
2.2.3 LA PLACE DES SENTIMENTS QUAND ON SÉPARE ENFANT ET
PARENTS
Que fait-on des sentiments quand on sépare les enfants
des parents ? N'ont-ils pas le droit de souffrir de cette
séparation, ou du moins de ne pouvoir faire que de
l'éprouver !
Peut-on penser que la séparation est suffisante pour
mettre une « barrière » entre leurs sentiments,
faire comme si ceux-ci n'existaient plus ou étaient momentanément
« indisponible » tel un site web.
Dans notre société actuelle, tout autour de nous
est réglementé, trié, inspecté. On peut se demander
jusqu'où peut aller cette surveillance ; peut-elle affecter nos
sentiments par la même occasion ?
Dans certaines conditions, les êtres humains doivent
ravaler leurs sentiments car ils ne sont pas autorisés ou sont
« déplacés ». Quand on retire un enfant de
ses parents, pour quelle que raison que ce soit, peut-on penser qu'on leur
retire également leur ressenti vis-à-vis de leur
désarroi.
Lu et entendu dans certains cas où la maman pleure du
départ de son enfant : « elle fait sa
comédie ! ». De part le fait que la mère est
considérée comme « mauvaise » , elle n'a plus
le droit de ressentir de la tristesse de voir son enfant enlevé, car une
« mauvaise mère » ne peut avoir de sentiments
affectueux vis-à-vis de son enfant et ne peut que feindre d'être
touchée, de jouer la comédie pour qu'on s'occupe d'elle et qu'on
la plaigne ! La victime, ce n'est pas elle mais l'enfant ; elle n'a
pas le droit d'être malheureuse !
La loi ne nous interdit pas d'avoir des sentiments, de les
exprimer mais certaines personnes peuvent vous juger par rapports à
ceux-ci. La séparation est d'une manière ou d'une autre, toujours
douloureuse pour tous les concernés, qu'ils le montrent ou non. Mais
prenons le cas d'une maman « courageuse » qui devant son
enfant et l'assistante sociale qui lui enlève, garde ses larmes
enfouies, ne montre pas sa détresse et attend d'être seule pour
s'effondrer. D'elle, on dira qu'elle s'en moque, que pour elle l'enfant n'est
pas important et qu'elle n'a pas de coeur !
Montrer votre douleur et on vous accusera de faire du
cinéma. Cacher votre douleur et on dira de vous que vous êtes un
être sans coeur, inhumain ! Quelle alternative reste-t-il pour
« se faire bien voir » de l'assistante sociale, quelle
attitude faut-il adopter pour ne pas passer pour une comédienne ou pour
une personne barbare ?
Lorsque les problèmes surgissent, il semble y avoir un
raz-de-marée sur les sentiments que les gens éprouvent.
« On a pu faire plusieurs fois
l'expérience de filmer le petit enfant qui venait d'arriver à
l'hôpital et en pouponnière et de projeter ce film au personnel de
l'établissement : beaucoup ont été bouleversés
de voir l'expression à peine supportable d'intense détresse de
l'enfant, qui avait échappée à leur attention.
Cette surdité et cette cécité
à la demande d'autrui peuvent aller jusqu'à la négation
active : c'est ainsi que je m'enquis un jour auprès du
médecin- chef d'une pouponnière de la manière dont
l'établissement pouvait répondre à l'angoisse de l'enfant
nouvel arrivé qui réclame sa mère (je venais d'amener un
enfant de dix-huit mois que sa mère avait expressément
abandonné). Il me dit simplement : « Les premiers
jours, je leur donne des somnifères » ; lorsqu'on ne peut
répondre à la demande, on peut, en effet, toujours la nier en
empêchant son expression... »7(*)
Cette réponse du médecin-chef est ahurissante
mais tellement plausible ; en effet, pour faire oublier la souffrance de
l'enfant dans la perte subie, la majorité pensant qu'il ne s'agit que
d'attendre que l'enfant s'habitue, et ne regardant pas la vérité
en face (plus facile de nier une souffrance que de la ressentir par
procuration), il est plus aisé de « droguer »
l'enfant qui sera de ce fait calme et par ailleurs, ne sera pas une surcharge
de travail pour les intervenants.
Ironiquement, quelle perte de temps que de consoler un enfant
séparé de ses parents, rien ne pourra l'empêcher de se
reconstruire et de s'insérer dans la société maintenant
qu'il est hors de danger puisque séparé de leur mauvaise
influence sur lui !
Peut-on dire qu'un enfant séparé de ses parents
sera d'accord avec la décision du juge ? L'enfant reste malheureux
qu'il soit maltraité ou placé, ce qui rend son
épanouissement difficile.
Les décisions prises par les hautes instances le sont
généralement dans l'objectif du bien de l'enfant. Mais ne
pourrait-on pas se demander si celles-ci pourraient également avoir un
lien avec une certaine tendance à normaliser l'être humain selon
certains critères ? Peut-on prétendre que le modernisme de
la société facilite l'intégration et la liberté des
sentiments ?
2.3 LE MODERNISME
L'augmentation de la qualité de vie n'a pas
arrangée les choses. Maintenant, les gens ont la
télévision, les consoles de jeux, tout le confort moderne qu'il
est possible d'avoir sur le marché de la consommation. Et ceci, au
détriment de l'éducation des enfants.
L'écart entre les deux dernières
générations est un élément important à
prendre en compte dans l'éducation actuelle.
D'un côté, nous avons la génération
de l'après-guerre, les parents. Même si ils n'ont pas directement
connus la 2nde guerre mondiale (trop jeunes ou nés dans la 1ère
décennie de l'après-guerre), ils en ont subi les
conséquences.
Les conséquences sur leur propre éducation, par
exemple. La tendance pédagogique était la pédagogie noire,
où il était fortement recommandé de « briser
l'enfant en son for intérieur ». La plupart d'entre eux ont
subi la crainte, l'autoritarisme, les coups parfois. Ils ont été
formés à vivre, à travailler pour le bien de la famille et
de la société.
Comme conséquence, il y avait également peu ou
pas de confort. Les pays touchés par la guerre étaient à
reconstruire, dévastés par les ravages de cette guerre. Chacun
faisait avec le peu de moyen dont il disposait pour vivre, se
déplacer ; mais tous le faisait. Il ne s'agissait pas uniquement
que d'une question de courage, mais également de
nécessité. Il fallait reconstruire leurs vies, leurs villes,
leurs pays ; non seulement pour eux, mais également pour leurs
enfants, et les générations à suivre. Quelque part au fond
d'eux, ils avaient un lien avec leur nation. Ils se sentaient également
redevables d'une certaine manière à leur nation.
L'économie sociale actuelle ne donne pas envie aux
jeunes de se battre pour s'en sortir. Ils comprennent que leur avantage n'est
pas là. Ils voient autour d'eux des couples travaillant tous les deux et
n'arrivant pas à s'en sortir, ou difficilement, si ils se permettaient
une brèche aux comptes.
Là où nos parents ont eu des difficultés,
la technologie actuelle a tout fait pour que celles-ci soient résolues.
Une grande chance diront certains, un malheur pour d'autres.
Une grande chance pour la facilité de vie actuelle. Le
maximum de choses est simplifié afin de ne plus être un fardeau.
Tout semble plus facile, et l'investissement personnel est moins important.
Rien ne semble impossible.
Un grand malheur car nous avons pris l'habitude de tout avoir
facilement. Nous n'éprouvons plus de désir profond quand on
souhaite obtenir quelque chose. Le sentiment prédominant est que c'est
la société qui est redevable au peuple.
La modernisation permet à l'individu d'apaiser son
angoisse en consommant à gogo ; c'est une manière de jouir
de la vie, en la prenant du bon côté. Cette consommation se
retrouve notamment dans le matérialisme, élément devenu
essentiel dans notre société moderne.
2.3.1 LE MATÉRIALISME
La société actuelle est fondée sur le
matérialisme. Beaucoup de personnes se retrouvent avec des
problèmes financiers suite à des crédits à la
consommation. Les gens ne souhaitent plus attendre d'avoir l'argent pour se
permettre un gros achat ou un beau voyage, la facilité de faire un
crédit étant là, pourquoi se priver ?
Nous pouvons observer que, dans la majorité des
familles dites défavorisées, les familles assistées pour
se nourrir disposent de tout le confort moderne. Par exemple à
l'école spécialisée où j'ai effectué mon
stage de 2ème année ; une enfant dont les parents n'avaient
pas les moyens de lui payer la cantine à un prix démocratique
(2,50€), portait des vêtements à la dernière mode,
avait un GSM de dernière génération et le tout dernier mp3
disponible en magasin. L'enfant et ses parents privilégiaient l'aspect
matériel visible au détriment du quotidien. Ceci témoigne
directement de l'importance du matériel dans notre société
actuelle.
Les jeunes filles les moins favorisées
matériellement par leurs parents étaient chahutées dans
les classes et la cour, elles n'étaient pas à la hauteur du point
de vue des favorisées matériellement. Quand elles avouaient
qu'elles ne savaient pas se servir d'un GSM, ou que leurs vêtements
n'étaient pas en bon état ou à la dernière mode,
elles devenaient la risée de l'école.
Les loisirs, qui à la base étaient secondaires,
sont devenus proéminents. Mais les médias sont également
inclus dans ce processus. De part leurs publicités, entre autres, ils
insinuent sournoisement que la vie est plus simple, plus agréable, en se
faisant plaisir. Tout ceci est en lien avec la société de
consommation.
La société pousse les gens à ne plus
vouloir se passer des bonnes choses de la vie. Les publicités font
l'apologie de la merveilleuse image que vous offre telle
télévision (par exemple), et même si les moyens financiers
ne sont pas là à ce moment précis, on vous offre de
l'acheter via un crédit à la consommation. Comme ça, plus
aucune raison de ne pas se faire du bien ( ?). Ainsi tout est possible,
tout est disponible ; mais gare au retour, n'oublions pas les
intérêts et les huissiers quand les crédits sont devenus
plus élevés que le salaire ou qu'un problème
inattendue survient !
Il ya de nos jours deux choses matérielles dont la
plupart des gens, pour ne pas dire la quasi-totalité, disposent :
il s'agit d'une télévision et d'un ordinateur. Rares sont les
foyers ne disposant pas d'au moins un de ces deux outils. Que nous
amènent-ils dans notre quotidien ?
2.3.2 L'EFFET DE LA
TÉLÉVISION
Quand la télévision fut inventée, elle
créa une énorme vague. D'abord réservée à la
population très aisée, en noir et blanc, elle était
considérée comme un objet de luxe. Puis la
télévision se banalisa, son prix devint de plus en plus
démocratique et elle finit par s'installer dans la plupart des
chaumières. Dans certaines familles, la télévision est
même devenue un objet indispensable, qui serait susceptible de provoquer
un grand désarroi si elle venait à tomber en panne.
Non seulement les postes de télévision ont
évolués, mais avec eux, les chaines de diffusion ont
remarqué le potentiel du marché qui se développait. Ces
diffuseurs d'émissions ont également remarqué que le
public cible comprenait également les enfants de plus en plus jeunes.
Ils en ont profité pour créer des chaînes de plus en plus
spécialisées en fonction du public cible. Ainsi nous retrouvons
actuellement dans le panel d'offre, des chaînes pour les tout-petits (de
0 à 3 ans), des chaînes pour les plus jeunes (de 3 à 6
ans), et ainsi de suite, suivant les tranches d'âges. Ce qui permet que
tout à chacun puisse trouver le programme qui lui convient, à
toute heure du jour comme de la nuit. Même les chaînes pour les
bébés fonctionnent la nuit, ce qui permet de brancher la
télévision en cas d'insomnie de l'enfant, ou lors de l'heure du
repas nocturne et de le bercer.
Il y a de plus en plus de foyers où l'éducation
de l'enfant est faite par la télévision et les jeux vidéo.
La facilité pour les parents est que, pendant que l'enfant regarde la
télé ou joue, ils ne doivent pas s'en occuper. « Il est
sage comme un ange quand il regarde ses émissions ».
« L'absence de sensations réelles et le
manque d'échange avec l'adulte, ajoutés au matraquage par les
images violentes, empêchent l'enfant de réagir en sujet autonome
et ne favorisent pas son évolution affective ».8(*)
L'écran magique, tel que le voit la plupart des gens,
n'est pourtant pas une sorte de « nounou ». Certes,
l'enfant qui regarde une émission qui l'intéresse ne sera pas
dérangeant, du fait qu'il sera vraisemblablement occupé. Mais
est-ce la télévision qui lui permettra de se mettre en relation
avec son entourage, avec sa famille, et même avec lui-même. Le
simple de fait de regarder la télévision bloque les contacts,
autant verbaux que non-verbaux, les conversations sont altérées
par les images, l'attention de l'enfant n'est pas sur cette conversation mais
sur ce qu'il se passe à la télévision.
On peut également supposer que ses opinions sur
certains sujets soient aussi influencées par la
télévision. En effet, l'écran véhicule des
informations, des sujets de toutes sortes, et dans certains cas, fait passer
des messages. Mais ceci ne serait-il pas à l'origine de certaines
idées reçues, comme inculquées à l'enfant
dès son plus jeune âge ? Ne serait-ce pas un conditionnement
de l'enfant ? Comment pourrait-il se faire sa propre opinion des choses si
on lui donne directement une solution, qui semble bonne bien sûr, mais
qui ressort de la pensée de certains adultes. L'enfant ne cherche plus
à faire ses propres expériences, puisque la
télévision lui apporte les sensations, les réflexions et
la réponse à différents soucis qu'il rencontre. Elle
l'empêche de réfléchir par lui-même, ne serait-ce que
par le défilement des images, qui ne laisse aucune possibilité de
recul sur ce qu'il vient de voir. Et n'oublions pas la place
prédominante de la télévision, pas uniquement chez les
enfants mais qui concerne également une très grande partie de la
population, qui persuade que ce qui est vu et entendu est « la
vérité vraie », que la télévision est une
source de savoir.
La télévision captive les enfants, par le
matraquage des images, des histoires, etc. Elle les emmène dans un monde
différent du réel ; on pourrait caricaturer cela comme dans
l'histoire de Peter Pan, où les enfants sont dans un monde imaginaire.
Mais ce monde a un revers. Dans Peter Pan, tout est magique, même les
extravagances et les conflits avec le capitaine Crochet. Dans les
séries, dessins animés, feuilletons que les enfants regardent,
nous retrouvons le même côté imaginaire, mais parsemé
de violence, d'images choquantes ; certaines sont adaptées à
ce jeune public, mais, nous pouvons constater que même les dessins
animés pour enfants font l'apologie d'une certaine violence. L'exemple
des Mangas illustre parfaitement ce fait, ils sont actuellement en position
prédominante sur les chaines de télévision et ce, depuis
quelques années maintenant. Pourtant, ne fait-on pas appel à des
spécialistes pour les séries, les films, afin de tenter de
protéger nos enfants de certaines images qui seraient susceptibles de
leur faire violence ? On pourrait se demander si les dessins animés
subissent le même contrôle.
« La télé ne crée ni ne
suscite la violence. Elle la « retrouve » au fond de
l'individu où elle s'est établie depuis l'origine de l'enfant (du
temps où, au cours de ses terribles caprices de l'âge de 2 ans, il
aurait assassiné tout le monde s'il avait pu) et où elle est
restée active dans ses fantasmes, fantasmes qui sont remis à
l'ordre du jour par les images cruelles qu'enregistre le cerveau du
téléspectateur. »9(*)
Sans automatiquement renier la télévision,
malgré certaines scènes violentes diffusées, nous pouvons
penser que cet instrument moderne a également des côtés
positifs. La télévision permet aux personnes la regardant de
s'ouvrir au monde sans bouger de chez eux. En effet, la diffusion des images
mondiales, des autres pays, ou même des autres régions inconnues
car non visitées donne un accès à la connaissance
générale. Les téléspectateurs peuvent s'identifier
à travers le reste du monde, trouver une certaine place sur cette
planète continuellement en mouvement.
De même pour les jeunes enfants. La
télévision leur permet de prendre conscience qu'il existe des
bons et des mauvais partout. Ils peuvent même parfois s'identifier au
« méchant » de leur série lorsqu'ils sont
fâchés, et ceci est susceptible de leur amener une certaine
ouverture d'esprit sur la société dont ils font partie et
où ils devront s'insérer en tant que personne.
La télévision permet également aux
citoyens de créer des liens entre eux. De nombreuses personnes se
servent des dernières informations vues à la
télévision, du feuilleton en vogue pour pouvoir communiquer avec
les autres.
L'influence des médias n'est pas négligeable.
Ceux-ci ne sont pas avares en publicités, qui sont elles-mêmes
adaptées en fonction de l'heure (stéréotype du
téléspectateur), de la chaîne, etc. Nous sommes
actuellement en mesure de constater que les médias ont une part
importante dans le développement de ses effets. Tout est mis en place
pour que l'enfant soit, si ce n'est pas encore le cas, un futur consommateur de
ces programmes. De nombreuses chaînes proposent, par le biais d'internet,
de retrouver ses séries préférées et même de
pouvoir jouer en ligne, avec les personnages tant aimés des enfants. Ce
qui inclut la nécessité de posséder un ordinateur.
2.3.3 L'EFFET DE L'INFORMATIQUE
L'arrivée de l'informatique dans toutes les couches de
la population a crée un véritable raz-de-marée.
Actuellement, tout est mis en oeuvre pour que chacun puisse accéder
à cette technologie. Pour preuve, il y a peu de temps, l'état, en
partenariat avec une grande société de
télécommunications, lançait l'action
« informatique et internet pour tous ». Le principe
était d'acheter un ordinateur en combinant un accès d'un an
à internet à un prix démocratique.
Cette action est venue du fait que la connexion à
internet et à l'informatique était devenue un
élément majeur d'intégration dans la
société. Une grande partie du quotidien est devenue
gérable en quelques clics.
Le premier côté positif d'une telle action est
qu'elle permettait à tout à chacun de pouvoir faire des
recherches, augmenter son capital culturel à son rythme, et
évidement d'être au niveau technologique préconisé
par la société tout entière.
Nous pourrions voir également, comme 2nd
point positif, le fait qu'une connexion internet permet de réduire
l'isolement de certaines personnes, de simplifier la vie au quotidien quand
vous êtes isolés. Ceci leur permet de pouvoir lier des liens avec
d'autres personnes (via les sites de rencontres ou de chat), de faire ses
courses sans devoir sortir (ce qui est très intéressant pour les
personnes à mobilité réduite ou sans moyens de transport)
simplifie la recherche d'emploi (connaître les dernières offres et
envoyer ses candidatures plus rapidement), les démarches administratives
(demande de certificats, de renseignements, réglementations) etc.
À partir du moment où les micro-processeurs ont
pu accéder au public, une foule de chose a changée. Autrefois,
quand il fallait écrire un texte, tout se faisait à la main, et
la propreté du travail était autant considérée que
le contenu. De nos jours, il suffit de taper son texte (ou de le lire à
voie haute si on dispose d'un logiciel à reconnaissance vocale), de
« demander » à l'ordinateur de corriger les fautes
et de faire la mise en page, puis hop, on imprime.
Et que dire de l'arrivée d'internet dans les
chaumières ? Plus besoin de se déplacer dans une
bibliothèque pour faire une recherche sur un dossier, tout est en
ligne ! Avec internet, les gens ne doivent plus aller chez un
spécialiste. Pour énormément de renseignements concernant
une réparation, un entretien, une construction, il suffit de faire une
recherche internet pour en bénéficier. De part ce fait, les gens
effectuent leur réparation, entretien, construction eux-mêmes sans
avoir recours aux spécialistes.
Mais, cette facilité de ressources, vue tout d'abord
comme un grand avantage, montre vite son revers. Les gens ne consultant plus
les spécialistes, ces derniers n'étant plus vraiment utiles
subissent directement la perte financière, qui induit, pour une partie,
la décadence de l'économie sociale.
De plus, en prenant pour exemple la prolifération des
jeux en ligne, nous pouvons constater une augmentation de la dépendance
informatique. De nombreuses personnes, prenant du plaisir à jouer
virtuellement un rôle, ne semblent plus faire la différence entre
le réel et l'imaginaire. Phénomène que nous retrouvons
également dans les jeux vidéo sur consoles qui sont de plus en
plus réalistes. Ces personnes deviennent « accros »
au jeu en très peu de temps.
Le principe de jouer et de se détendre n'est
évidement pas nocif. Sauf quand le jeu commence à prendre la plus
grande partie de votre temps. Quand les jeunes passent une grande partie de
leur nuit à jouer, en ligne ou seul, au lieu de dormir car ils ont cours
le lendemain, nous pouvons facilement imaginer les conséquences.
L'état de fatigue avancée qu'ils subissent pendant leur
journée est en frein à leur apprentissage, à leur
développement physique et intellectuel. Parfois nous pouvons même
être confrontés à des personnes ne trouvant un
intérêt de vivre que dans leurs jeux vidéo.
Dans le même style de dépendance, mais pourtant
différente, nous pouvons constater que des personnes utilisant les sites
de rencontres ou de chat ont une tendance à s'enfermer sur
elle-même, en négligeant les rapports humains réels. Ces
personnes préfèrent vivre des relations virtuelles, où
elles sont même susceptibles de s'identifier à un personnage
imaginaire qu'elles ont crées pour ne pas se faire face directement, et
ainsi se montrer telles qu'elles auraient souhaité être,
plutôt que d'affronter le regard des autres. Cette dépendance peut
être telle que ces internautes ne sentent plus le besoin de sortir de
chez eux pour voir des amis, se fondre dans la société, vivre
réellement des relations. Ceci pourrait être déclencheur
d'une certaine agoraphobie.
Quand on imagine l'impact que peut avoir l'informatique, le
matérialisme sur des adultes (découvrant ces technologies), nous
pourrions nous demander quels en seront les effets sur les enfants qui
grandissent dans ce modernisme et qui n'auront quasiment pas connus la vie sans
toutes ces facilités. En tant qu'adulte de ce monde, nous pouvons encore
nous retourner et regarder en arrière pour pouvoir évaluer les
bienfaits, mais aussi les méfaits, de nos avancées
technologiques, en prenant un peu de recul sur notre savoir.
La génération actuelle baigne dans le
modernisme, elle ne peut que s'imaginer ce qu'était la vie avant. Mais
peut-on affirmer que nos enfants ne subiront pas les conséquences de
tous ses changements culturels, sociaux et économiques dont nous avons
été les précurseurs ?
3 LA SOCIÉTÉ ET LES ENFANTS
Des tas de recherches, de théories ont
été développé au fil du temps. On a cherché
à savoir le pourquoi du comment du fonctionnement de l'être
humain, et particulièrement en ce qui concerne ce travail, savoir
comment « fonctionnent » les enfants.
Apres une déstructuration de la famille traditionnelle,
après que la révolution ait brisé le lien symbolique liant
les pères à l'église, l'état renforce son attention
sur les enfants. Petit à petit se construit une reconnaissance savante
de la petite enfance ce qui est en quelque sorte le germe de la future
psychologie de l'enfance et du développement.
Nous avons, volontairement ou involontairement, suivi le
mouvement qui conduisait à prendre plus en compte ces données.
Oui, bien sûr, ceci a permis de comprendre, de savoir pourquoi certaines
n'allaient pas dans le bon sens (aussi relatif soit-il). L'enfant devait
être reconnu comme un être à part entière et ce,
dès sa naissance.
Nous savons également que savoir trop de choses sur
quelqu'un peut être nocif pour cette personne en se
référant aux cours où nous avons étudié des
textes de Bernard Seynhave, de Dominique Holvoet et de Caroline Eliacheff,
ainsi que d'autres dont la liste est longue.
Mais n'a-t-on pas voulu justement trop en savoir ? Le
mystère, le secret, ne font-ils pas partie de l'être humain ?
Ceux-ci ne sont-ils pas nécessaire au développement de la
personne, de l'enfant, de l'adolescent ? Ne serait-il pas envisageable de
penser que, de part la curiosité et sous le couvert de la science, de la
technologie, de la connaissance, les êtres humains aient contribué
à la perte de repères des enfants ? Tout en sachant que ceci
était une fois de plus dans un objectif précis : pour le
bien de l'enfant. À force de trop vouloir en faire, ne fait-on pas tout
de travers ? À force de chercher le bonheur de chacun, ne
conduirait-on pas l'humanité à sa propre
déchéance ?
Nous avons donné une place importante à
l'enfant, en lui donnant autant de pouvoir et de droits qu'un adulte. Mais ne
serait-il pas envisageable de croire que cette place n'est pas la sienne ?
En lui donnant une place, et en cherchant le bonheur de l'enfant, nous avons
également pensé qu'un enfant devait avoir une certaine autonomie
pour son développement.
3.1 LA RECHERCHE DE
L'AUTONOMIE
L'autonomie, un bien grand mot ! Les lois, les projets
éducatifs, les projets individuels concernant les enfants ont tous ce
but : l'autonomie de l'enfant. Mais qu'est-ce que l'autonomie
exactement ? Que cherche-t-on avec l'autonomie de l'enfant ? Est-ce
compatible avec ce que nous savons sur le développement de l'enfant.
Selon le Grand Robert, l'autonomie se définit par
le droit pour un individu de se gouverner par ses propres lois.
Pour Marie Agnès Hoffmans-Gosset10(*), elle « consiste
à faire soi-même sa loi et à disposer de soi dans les
diverses situations pour une conduite en harmonie avec sa propre échelle
de valeurs ». La figure ci-dessous modélise son concept
d'autonomie (suite à des recherches auprès d'enseignants) :
Représentée selon 3 axes par rapport auxquels il
est nécessaire de se situer, nous pouvons identifier l'autonomie comme
relevant du lien à autrui, du territoire à gérer et de la
répartition des pouvoirs de chacun.
Etre autonome implique :
- une relation interdépendante à autrui: ni
dépendance ni indépendance totale (1er axe).
- la connaissance du territoire temporel et spatial
(2ème axe) permet à chacun d'établir les limites et les
règles d'interaction et de collaboration harmonieuse.
- enfin, il sera nécessaire de spécifier les
zones de pouvoir respectives et propres au statut et à la fonction de
chacun (3ème axe). Dans la relation formateur apprenant, comme dans
toute relation, chacun a intérêt à affirmer son
identité et à la faire reconnaître. Le pas initial consiste
donc à se connaître soi-même.
L'autonomie réclame la présence de lois et celle
des autres. Elle n'exclut pas la dépendance, c'est à travers
autrui et dans une relation de personne à personne que le sujet se
construit. De plus, être autonome, c'est être plus libre et non
être libre. C'est une liberté limitée de choix, de
décider, d'agir. Enfin, « l'autonomie ne s'enseigne pas, elle se
vit, se pratique » : C'est une façon d'être, de
décider, de penser et de s'exprimer. Elle est une condition favorable
pour que se mette en place la socialisation de l'enfant. Etre autonome ne prend
véritablement sens qu'en étant social, c'est-à-dire
construit de relation et ouvert aux relations.
Cette explication de l'autonomie est en corrélation
avec les buts recherchés pour le développement de l'enfant. Mais
nous pourrions nous demander si un tel accompagnement est réellement
nécessaire. En effet, un être humain apprend de ses
expériences et de son vécu. Son autonomie, il est susceptible de
se la créer lui-même en fonction des valeurs acquises, quelles
soient morales, sociales ou éconmiques.
Dans les institutions, nous avons pour charge de
développer l'autonomie de l'enfant. Mais en partant du principe
où nous le guidons sur un chemin que nous avons
prédéfinis, il me semble que ce changement de cap pourrait nuire
au développement de son autonomie. Il ne créera pas sa propre
voie en nous suivant selon nos règles et nos valeurs, sachant que son
histoire, ses racines familiales sont autres que les nôtres.
De part son accompagnement, nous gérons le quotidien de
l'enfant. Il ne se retrouve pas confronté aux mêmes
difficultés que s'il était resté en famille. Or,
l'environnement, la famille, le lien filaire dont dépend l'enfant est
perturbé par notre intervention. Ce qui serait susceptible de nuire
à sa capacité de devenir un être autonome.
Notre objectif de le rendre autonome a
généralement une date butoir, celle de ses 18 ans, date à
laquelle il ne sera plus considéré comme un enfant mais comme un
jeune adulte. Nous avons pour responsabilité qu'il soit capable,
à cette échéance, de se gérer seul au milieu de la
société.
Autrefois, l'enfant apprenait de son vécu en milieu
familial, forger son identité à travers les valeurs transmises
par sa famille au complet (les parents et les grands parents étaient
généralement très proches), et ceci lui permettait de
développer sa propre vision des choses et également lui
permettait de devenir libre et autonome dans sa vie tout en gardant les limites
imposées par la société.
Nous sommes devant un paradoxe : par le passé, les
enfants à 14 ans étaient assez grands pour travailler, maintenant
ils ne le sont plus. Ils étaient assez vieux pour se marier et fonder
une famille, maintenant c'est trop jeune. C'est à se demander qui a
raison. Était-il bon de les mettre dans la vie active jeune ou doit-on
les surprotéger ? Quelles sont les bases de nos
critères ? Le fait que l'espérance de vie est fortement
augmentée ? Ce qui justifierait que l'on puisse rester dans les
jupons de maman plus longtemps ?
La société influence également le
principe de rendre le plus tôt possible un jeune enfant autonome. La
tendance actuelle, dans l'éducation, est de dire aux parents qu'ils
doivent mettre leur enfant au plus tôt dans une crèche ou une
garderie afin de développer son autonomie.
Il est certain que cette action peut permettre à
l'enfant de se sociabiliser très tôt. Mais que penser lorsqu'un
enfant se met à pleurer fortement lors du départ de sa
mère, qui le laisse dans un environnement qu'il n'apprécie peut
être pas ? Lorsque l'enfant pleure, nous posons nous la question de
savoir s'il pleure parce que sa mère part ou parce qu'il
n'apprécie pas d'être là ? Ne pourrions-nous pas
imaginer que cet enfant n'est simplement pas prêt pour couper le lien
avec sa mère ? Après tout, chaque enfant est
différent, et malgré son âge, il se peut qu'il ne soit pas
encore apte à apprendre la sociabilisation sans la protection de sa
mère et par ce fait ne soit pas prêt pour l'apprentissage de
l'autonomie. Nous savons, via les différentes théories du
développement de l'enfant, que plus le petit se sentira rassuré
par la présence maternelle, donc en sécurité affective,
plus il sera capable d'accomplir son propre parcours après ses trois
ans. Il a encore besoin d'être épaulé maternellement dans
les périodes d'apprentissage menant à la maturité.
L'apprentissage de l'autonomie dans notre
société moderne est à mettre en lien avec le vécu
des enfants, et ce que leur environnement a à leur offrir.
3.2 LE VÉCU
DES ENFANTS
Dès son entrée à la crèche,
à la garderie, ou même à l'école, l'enfant se
retrouve dans un monde inconnu, qui est susceptible de lui faire peur. Autour
de lui, beaucoup d'enfants, des gentils, des méchants, beaucoup
d'adultes, sévères ou pas, et beaucoup de nouveaux objets
à découvrir. La première journée dans l'institution
scolaire ou maternelle doit être quelque chose de particulier à
vivre. Personnellement, je n'ai plus aucun souvenir de ma première fois
à l'école et je m'interroge sur le nombre de personnes qui se
souviennent de leurs ressentis ce jour fatidique.
D'un côté, la curiosité naturelle de
l'enfant doit être très convoitée. Mais de l'autre, la
séparation du monde sécurisant qu'il connait parfaitement pour ce
lieu et ses gens inconnus ou méconnus doit être assez rude
à vivre. Dès son plus jeune âge, l'enfant se retrouve
confronté à la dure réalité de la sociabilisation.
Il doit apprendre à faire la distinction entre le bon et le mauvais,
entre le permis et l'interdit dans ce lieu, à faire face aux autres
enfants avec qui il doit tout partager (à la maison, tout est pour lui)
et à un apprentissage de la violence (de la part des autres enfants).
Tout cela en même temps que la séparation initiale, celle
effectuée avec sa mère. Quelle journée !
Tout cela peut très bien se passer en fonction du
niveau de développement de la personnalité de l'enfant et de la
préparation reçue pour ce chamboulement de ses habitudes.
L'enfant est rentré dans le système. Maintenant,
nous allons découvrir quelque peu comment un enfant est susceptible de
se retrouver face à une violence à laquelle il n'était pas
préparé.
« Apprendre aux futurs citoyens à
communiquer par la parole et non par le corps. Cet enseignement doit se faire
dès l'école maternelle afin de prévenir les violences
ultérieures. » 11(*)
Un enfant, qui a un retard de langage, ne pourra communiquer
par la parole. Sa seule défense, par rapport aux autres, c'est
l'attaque. Il n'a peut-être pas la facilité de la communication,
mais il a un corps, dont il se sait maître. Ceci, il l'a appris depuis sa
naissance. Il a appris à gérer les démons qui le hantent
dans son plus jeune âge, alors qu'il ne savait rien de la parole.
Confronté aux autres enfants, il se servira de ce qu'il connait le
mieux : son corps.
Il en est de même, mais d'une façon plus
légère, pour les enfants sans retard de langage. Ils ne savent
pas intellectualiser les mots des autres, leurs agressions. Mais ils
connaissent également leurs corps, et savent s'en servir pour
réagir. Mais, ces réactions plus ou moins violentes,
dépendent de l'enfant en premier lieu. Il n'est pas forcément
certain que celui-ci réagisse violement. Tout dépend de sa
construction psychique, de sa perception du monde extérieur. Ainsi, il
peut soit se laisser faire, soit se battre ou soit être un meneur.
Faire des recherches dès la maternelle, établir
des « catégories d'enfants », chercher ceux qui ne
sont pas adaptés, est-ce pour remédier directement au
problème, pour normaliser le plus rapidement possible les enfants ?
Qu'en-est-il du développement de l'enfant, de sa construction, des
essais-erreurs ?
L'augmentation du climat de violence et des actes violents
chez les jeunes est le leitmotiv des professionnels et passe pour un
phénomène de société. Ces violences,
dirigées contre lui-même ou contre les autres, sont la
réponse que l'adolescent a trouvée face au vide intérieur,
à la dépression et à une mauvaise estime de soi. C'est un
mode d'expression face à un monde familial, social et scolaire qu'il
perçoit comme hostile et menaçant et dans lequel il a
l'impression de ne pouvoir faire sa propre place. Par la prise de risques, les
violences, le spectaculaire, il cherche la preuve de sa propre valeur. Il veut
montrer qu'il existe et trouve ainsi une reconnaissance à ses propres
yeux seulement. Bagarres, brimades, jeux violents font véritablement
partie de l'univers des adolescents.
Lorsque les adolescents effectuent un acte délictueux
ou violent, ils s'expriment par le moyen dont ils disposent, étant
démunis du point de vue de la communication sociale. Ils ont besoin
d'être reconnus et revalorisés car ils se sentent
infériorisés par des échecs subis par le passé et
par le regard dévalorisant de la société sur leur statut
d'adolescent.
La délinquance juvénile est un
phénomène de groupe qui ôte à l'adolescent son
sentiment d'abandon. Le groupe lui procure une nouvelle solidarité qui
remplace la famille déficiente. Etant donné qu'ils ne se sentent
pas maître de leurs existences, la délinquance et la violence
leurs permettent de créer une situation où ils sont
maîtres, parfois même dans le choix de vie ou de mort.
La société se focalise sur les faits
dérangeants que commettent les jeunes. Mais ne serait-il pas
compréhensible d'avoir une telle réaction quand la
société vous marginalise ? Que le jeune puisse
également être une victime de la société ? La
société, dans sa décadence, engendre des comportements
antisociaux et fabrique des délinquants.
Quand le jeune fugue, les parents entendent le message
« je pars » ; l'adolescent est persuadé du
fondé de l'indifférence de la famille ou du « fous le
camp » qu'il a entendu pendant une dispute. La souffrance est
exprimée, mais d'une manière telle que ni les parents ni le jeune
puissent réagir de la meilleure manière qui soit.
3.2.1 LA SOUFFRANCE
DE L'ENFANT
Nous sommes actuellement dans une société
où la souffrance prend des tonalités différentes. La perte
de l'autorité n'a pas simplement donné de la liberté mais
a aussi donné un rapport avec la souffrance.
En 2000, le Haut comité de la santé publique
(HCSP) a abordé pour la première fois la souffrance psychique des
jeunes « La notion de souffrance psychique est vague, on a trop
tendance à la confondre avec certains de ses effets montés en
épingle dans la catégorie également floue de «
violence des jeunes » tels que les consommations de produits
psycho actifs, les violences de toutes sortes, les tentatives de suicide et
divers troubles de conduites des jeunes... En cas d'augmentation de ces
conduites on conclut à l'augmentation de la souffrance psychique. Si la
souffrance psychologique peut s'exprimer à travers une diversité
de comportements et de troubles, ceux-ci ne peuvent en soi être
considérés comme des mesures fiables de cette souffrance. Le plus
souvent la souffrance est silencieuse, la révolte exprimant plus
fréquemment une sortie de souffrance. » Le HCSP concluait
« La prudence s'impose face à la mesure de la souffrance
psychologique et son évolution. » Nombre de psychiatres
s'accordent pour affirmer que ces troubles ne sont, heureusement, pas
prédictifs de l'avenir. « Le constat est
général : les ruptures affectives surtout lorsqu'elles sont mal
accompagnées retentissent sur la construction psychique des enfants ;
conjuguées aux difficultés économiques, à la
solitude et à l'isolement des parents, ces ruptures aggravent le mal
être inhérent à l'adolescence. » 12(*)
Parfois certains enfants souffrent d'hospitalisme,
c'est-à-dire qu'ils souffrent de psychoses précoces dues à
l'absence de stimulation. Ceci a surtout été
dénoncé lorsque la société a fait le lien entre
cette pathologie et plusieurs maisons maternantes. En effet, la
préoccupation principale était l'hygiène, le corps. Peu
d'attention était porté à l'épanouissement du
bébé, les nourrices n'avaient pas de temps pour jouer avec
l'enfant, pour l'amuser quelque peu. Tous les soins apportés
étaient en fonction des besoins corporels et alimentaires. Mais peu de
personne, à ce moment là, portait attention au
développement moteur de l'enfant. Celui-ci était en
général dans son lit à barreau entre les soins et les
repas.
Nous retrouvons régulièrement des
« cas » d'enfants dits abandonniques. Ce sont des enfants
qui à un moment de leur développement ont été
rejeté (pas d'amour, pas d'attention). Ceci se joue dans la petite
enfance, ce peut être un mauvais sevrage, des parents rejetants,
maltraitants. Ces enfants n'ont pas reçu d'amour (de la part des parents
majoritairement) ni de gratifications narcissiques (pas de compliments par
exemple). Ils n'ont pas d'amour de soi, ils sont vide d'un point de vue
affectif. Étant donné qu'ils n'ont jamais reçu d'amour,
ils ne savent pas en donner aux autres ni s'aimer eux-mêmes. Ils
recherchent alors une personne qui va combler ce vide et les gratifier
narcissiquement, par exemple un éducateur, à qui ils vont
s'attacher intensément. Le risque est que si l'éducateur est
amené à s'occuper de quelqu'un d'autre que l'enfant dit
abandonnique, ce dernier va, par jalousie, tout faire pour retrouver
l'attention de l'éducateur, même si le seul moyen est de faire une
bêtise, du moment qu'elle lui procure de nouveau toute l'attention.
Nous savons que la relation affective est importante, qu'un
enfant n'ayant pas reçu d'affection entre trois et huit mois courre un
risque irréversible de souffrir de troubles psychotiques.
Mais nous savons aussi que la souffrance est devenue un des
combats principaux de notre société. De nombreuses mesures sont
mises en place afin de palier à la souffrance des êtres humains.
Parfois, nous pourrions avoir l'impression de subir une véritable chasse
à la souffrance. La souffrance est montrée du doigt, et
mène parfois l'individu à une perte de ses capacités
morales et sociales.
Pourtant, nous avons vu, par le biais de nos cours, que
souffrir peut être bénéfique. La souffrance est
inhérente à l'être humain, de part le langage. Un
être humain a besoin de rencontrer la souffrance pour pouvoir se
construire. C'est en partant de cette expérience qu'il pourra se
constituer un Moi complet. Un être humain est amené à
bâtir sa personnalité à travers ses expériences.
Mais s'il ne connait pas la souffrance, il ne sera pas forcément en
mesure de pouvoir palier aux différentes difficultés de la vie,
en se retrouvant en pleine désillusion lors d'un problème.
La société cherche la souffrance pour la faire
disparaître. Mais alors, comment un être humain pourrait-il se
construire pleinement si on lui ôte cette expérience ?
Peut-on estimer que ce rejet de la souffrance permettrait aux enfants de ne pas
être démotivés face aux aléas de la vie ?
3.2.1.1 LA DÉMOTIVATION
Qu'est-ce que veux dire « être
motivé » ? Ce terme est également souvent
employé à notre époque. N'entendons-nous pas
régulièrement, autour de nous, des gens dire qu'ils ne sont pas
motivés ou que les jeunes de « maintenant » ne sont
plus motivés.
Quand on veut parler de motivation, je pense que les gens
identifient, inconsciemment, ce terme dans le domaine du désir.
Être motivé pour faire quelque chose, ne
serait-ce pas un moyen de dire que l'on désire faire cette chose ?
Être motivé dans la vie ne serait-ce pas une manière de
dire que l'on désire avancer, de vouloir évoluer dans sa
vie ? Que l'on désire faire quelque chose de son
existence ?
Mais, peut-on dire, quand on parle de démotivation, ou
de manque de motivation des jeunes, que cela signifie que ceux-ci n'ont plus de
désir pour leur existence, pour leur avenir ?
Peut-être, d'un certain point de vue. La jeunesse
actuelle n'a pas réellement confiance en l'avenir. Ils voient la
société en difficultés, que ce soit sociales,
économiques et politiques. Est-ce que ceci ne serait pas une raison
suffisante à leurs yeux de ne pas être motivé, de ne plus
voir l'intérêt d'avancer dans leurs existences ?
Mais peut-être pas, avec un autre point de vue. Le
désir fait partie de la nature humaine. Chaque être humain
éprouve au fond de lui du désir. Si l'on accepte le fait que les
jeunes ne sont plus motivés de s'insérer dans la
société, on ne devrait pas accepter l'idée qu'ils ne
désirent rien de la vie. Peut-être pourrions-nous envisager le
fait qu'ils soient découragés, qu'ils se rendent compte que leur
vie ne sera pas forcément un fleuve tranquille, et qu'ils se demandent
quelle est leur place dans la société.
Leur désir pourrait être ailleurs, ou être
différents des désirs de leurs parents. Ce qui, par
définition, est inhérent à la vie humaine : nul ne
peut avoir les mêmes désirs qu'un autre. Et si l'on tient compte
de l'évolution de la société, la jeunesse actuelle ne peut
pas ressentir les choses comme la génération
précédente. L'évolution, la modernisation, les motivations
sociales sont totalement différentes entre ces deux
générations.
Pendant longtemps, avant la massification, avant
l'école unique, celui qui faisait des études connaissait
déjà la réponse puisque, justement, il était
à l'école pour avoir un métier bien précis qu'il
avait choisi. Pierre Bourdieu parle « d'habitus » pour définir
les pratiques incorporées dans nos modes de pensée et d'action.
Chacun de ces élèves « ancienne mouture » était
conditionné pour travailler (et réussir), ils travaillaient parce
qu'ils y avaient été habitués, qu'ils avaient acquis les
mécanismes pour apprendre, en un mot : car ils avaient
intégré que de cet apprentissage dépendait leur avenir, et
ils savaient que rien ne serait ni facile, ni acquis d'avance.
Aujourd'hui, il n'en va plus de même. Par
conséquent, l'éducation doit être définie en partant
de l'intérêt de l'enfant ; sans cela, celui-ci ne fera pas
d'efforts pour apprendre, car il ne trouvera aucun lien avec son
développement et avec ses désirs. En comparaison avec le
passé, nous pouvons également souligné que les jeunes
savent que même avec un diplôme en poche, ils auront certaines
difficultés à s'insérer dans le milieu professionnel. Il y
a d'un côté le chômage qui accable la société
et de l'autre, des employeurs de plus en plus exigeants d'un point de vue
qualifications. Autrefois, il était beaucoup plus facile de trouver du
travail que maintenant.
La situation économique de nos civilisations ne sont
pas attractives pour motiver les jeunes.
A partir de là, le problème est cerné :
l'élève ne perçoit pas l'utilité de sa
présence, et ceci est encouragé par le fait que les médias
(au travers de la publicité, des émissions de télé
réalité...) encouragent la consommation, et lui font croire que
tout est facile, que tout est possible sans effort ni travail. Notre jeune ne
comprend donc plus ce monde qui l'entoure : à la maison tout n'est pas
rose, mais les parents essaient encore de donner le maximum à leurs
enfants ; à l'extérieur, tout paraît simple et facile,
alors pourquoi se donner la peine d'aller à l'école ? Pourquoi se
donner la peine de travailler lorsque l'on vous montre qu'avec un peu de
débrouillardise on y arrive fort bien !
Ces fausses facilités induisent une habitude acquise
dès le plus jeune âge et nous relie au problème
d'éducation des enfants dans un monde de consommation excessive.
Dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent à profiter
de la vie, ce qui pourrait bien être le point de départ de la
problématique nommée « les enfants
tyrans ».
3.2.1.2 LES ENFANTS TYRANS
Les différentes connaissances sur le
développement et le psychisme des enfants nous ont menés à
changer notre façon d'élever nos enfants. Nous prenons, à
l'heure actuelle, beaucoup plus de temps pour prêter attention aux
besoins de nos progénitures et à tenter d'éviter que
celles-ci ne subissent les conséquences de nos problèmes
sociétaires.
"Depuis cette fameuse phrase "l'enfant est une personne",
[les parents] se sont mis à traiter l'enfant comme un adulte en lui
demandant tout le temps ce qu'il veut, ce qu'il ne veut pas...oubliant que si
l'enfant est bien une personne, il est une "petite personne" qui ne doit pas
imposer son mode de vie à la famille !" Christiane Olivier,
psychanalyste.13(*)
L'enfant a pris une place importante dans la famille.
Dorénavant, nous pouvons choisir à quel moment et avec qui nous
décideront d'avoir un enfant. Ces facilités nous permettent
d'attendre que le bon moment soit venu (carrière professionnelle active,
logement, partenaire idéal, etc.). Quand est venu le moment d'avoir ce
bébé, nous mettons évidement tout en place pour que son
existence soit aussi bonne que possible. Même des changements de cap, de
carrière, ou de conjoint passeront après le bien-être de
notre enfant.
De plus, il faut bien avouer qu'avec tout le modernisme qui
nous entoure, de nombreuses tâches, auparavant difficiles et fatigantes,
sont simplifiées. L'exemple le plus simple est l'apparition du
micro-onde qui permet de préparer le biberon en moins de 30 secondes, et
ainsi éviter que l'enfant ne doive attendre et pleurer. Tout le monde
est gagnant.
Evidement, comme dans toute technologie, il y a un revers. Le
bébé apprend, dès son plus jeune âge, que son
biberon tant attendu est disponible dans un délai très court,
juste après qu'il est manifesté sa faim. Le jour où ce
merveilleux appareil tombe en panne, c'est la catastrophe, l'enfant ne sait pas
attendre (il ne l'a jamais appris) et sa faim le torture comme jamais. Alors il
hurle, et les parents ne savent pas que faire pour le soulager en attendant que
le biberon chauffe classiquement au bain-marie. Ceci est un exemple qui me
permet de démontrer que nous n'apprenons plus à nos enfants la
patience, le délai raisonnable pour obtenir ce que l'on souhaite.
Cet exemple peut être relié, quelques mois plus
tard, lorsque l'enfant demande un gâteau, que les parents lui donnent
volontiers peu après sa demande. Mais lorsque le paquet est vide, le
petit ne comprend pas pourquoi il ne reçoit pas immédiatement ce
qu'il a demandé. Alors pour palier aux pleurs et à la
détresse de leur enfant, qui semble si malheureux, les parents, de
nouveau, mettront tout en oeuvre pour satisfaire l'enfant et retrouver ce beau
sourire qui éclaire son visage lorsqu'il est comblé.
Pourtant, n'avons-nous pas eu connaissance du besoin de
frustration de l'enfant ? Si, bien entendu, mais nous ne sommes plus dans
une société de restriction, c'était à
l'époque de la pédagogie noire que l'on frustrait l'enfant. Et
puis, dans notre société actuelle, étant donné que
de nombreuses choses sont disponibles et dont, en tant que parents, nous
jouissons aisément, on pourrait se demander pourquoi frustrer cet enfant
qui le sera bien assez lors de sa vie plus tard ?
Les parents capitulent et deviennent des "collaborateurs"
croyant acheter ainsi une paix précaire au prix de renoncements
successifs. Ils mettent en place des stratégies d'évitement et ne
s'aventurent plus à demander quoique ce soit à leur enfant
à moins d'être certain de la réponse. De l'enfant
gâté à l'enfant roi, et de l'enfant roi à l'enfant
tyran les étapes se franchissent très rapidement et chaque
renonciation de la part des parents ne fait que préparer le terrain pour
un nouvel abandon.
Tout l'art du tyran en herbe consiste à se
présenter comme une victime, à provoquer les adultes et installer
une ambiance pesante et stressante. L'enfant se sent le centre, tout vient pour
lui et comme lui le désire. Les réprimandes verbales ne le
touchent plus, il s'est habitué à les entendre mais
également au fait qu'il obtient de toute façon ce qu'il
désire. Face aux personnes extérieures à la famille, les
parents cherchent à l'excuser en vantant la maturité de leur
enfant et son tempérament bien trempé, un atout dans un monde qui
ne fait pas de cadeau.
Le problème ne réside pas dans le comportement
de l'enfant, mais dans l'absence de réactions des parents et leur
tendance à "psychologiser". A trop vouloir trouver des explications
à tout, le bon sens suffirait parfois à remettre les pendules
à l'heure. Il s'agit de répondre de façon
circonstanciée et sans attendre l'exaspération qui pourrait
naître et s'exprimer dans la violence.
D'autres facteurs entrent en ligne de compte. L'enfant
lui-même n'est pas une page blanche : son tempérament peut
venir tempérer ou au contraire aggraver la tentation de la toute
puissance. La société, elle aussi, joue un rôle
néfaste, quand, au prétexte de lutter contre l'autoritarisme,
elle invalide toute hiérarchie ou souveraineté des adultes sur
les enfants. La tyrannie du pater familias ne doit pas être
supplantée par la tyrannie de l'enfant roi. Quant à la
psychologisation excessive du comportement de l'enfant, elle incite à
tout expliciter et tout excuser et n'est pas non plus étrangère
à cette dérive.
Face aux comportements de l'enfant de plus en plus
dérangeants, certains parents sont susceptibles de consulter des
spécialistes. Grâce au développement de l'information via
les médias et internet, ils peuvent immédiatement faire un lien
entre les faits et gestes de leur enfant et trouver une réponse
appropriée à leurs questions : notre enfant ne serait-il pas
victime de cette maladie que l'on appelle l'hyperactivité ? Quel
soulagement, ceci est la preuve que ce n'est pas de sa faute s'il est comme
ça !
3.2.1.3
L'HYPERACTIVITÉ
Personne n'a pu démontrer jusqu'ici qu'il s'agit d'une
affection d'ordre neurologique. Beaucoup de psychothérapeutes acceptent
que cela puisse être vrai pour peut-être 2 à 3% des
enfants.
Ces troubles hyperkinétistes sont des comportements
persistants, l'enfant a des activités excessives et
désorganisées qu'il ne termine pas par manque de
persévérance dans ses activités cognitives. Ces troubles
se relient avec de nombreux autres symptômes, dont le trouble de
l'attention, le trouble émotionnel, les comportements dyssociaux et
agressifs.
« Les études effectuées dans les
pays scandinaves ont démontré qu'un enfant qui reste plus de
vingt heures par semaine en collectivité risque de développer, au
moments des apprentissages, de l'anxiété et une certaine
hyperactivité. »14(*)
Il en ressort qu'il y a trop d'enfants dans le même
lieu, beaucoup de bruits, de la résonnance. Les puéricultrices ne
sont pas assez nombreuses pour s'occuper des enfants individuellement,
répondre à leurs besoins, etc.
« Dans une école, il y a toujours deux
groupes distincts :
D'un côté, les enfants dégourdis en
langage. Ils construisent entre eux des jeux cohérents et aiment rester
autour du maître.
De l'autre, les enfants en retard de langage. Ils courent,
se battent et n'écoutent pas les consignes. On parle alors
déjà de « manque de concentration », voire
aujourd'hui, « d'hyperactivité.
Lorsque l'énergie ne passe pas par les mots, elle
passe par les jambes. C'est l'éducation au langage et à la
communication verbale qui permet à l'enfant de canaliser son
énergie.» 15(*)
Dès la maternelle, on commence à
répertorier les enfants « anormaux ». On les traque
dès leur plus jeune âge ; ils doivent être sages,
attentifs, doués en langage, bref parfait. Sinon on leur colle une
première étiquette de « mauvais
garçon » ou « mauvaise fille ».
Mais si le retard de langage en est la cause, comment
éradier ce phénomène ? Les parents sont tellement
préoccupés, ou occupés, par leurs vies professionnelles
qu'ils ne peuvent plus être pleinement attentifs à leurs
enfants.
Pour qu'un enfant parle « correctement »,
ne faudrait-il pas commencer par éteindre la télévision
(qui tourne avec des dessins animés), que papa éteigne son
ordinateur (pour le travail) et que maman abandonne ses recherches (savoir
comment rendre son enfant heureux) ? Ensuite, peut-être serait-il
utile de partager un vrai moment de détente et d'échanges entre
ces trois personnes. Cela pourrait-il nuire à l'enfant ? Parler ou
jouer avec ses parents ne lui permettrait-il pas de mieux communiquer
également ?
Malheureusement, pour les enfants en retard de langage, il y a
peu de mesures concrètes à l'école à part la
précoce classification. Un travail de communication avec le personnel
approprié (formations et nombres d'intervenants suffisant) ne serait-il
pas bénéfique à ces enfants ?
Ce débordement d'énergie physique est
susceptible d'engendrer la violence, ils ne savent plus comment communiquer
alors ils agissent physiquement.
3.2.2 LA VIOLENCE
La violence a un aspect indéfinissable car elle est
subjective, propre à chacun. La violence est la suite des
événements tributaires de tout l'environnement du jeune. Un
simple facteur déclenchant est susceptible d'engendrer une
réaction violente de la part de ce jeune.
La violence trouve ses sources dans la manière dont les
jeunes voient leurs perspectives d'avenir. Il est clair, dans l'esprit de la
majorité de la population, que l'avenir ne sera probablement pas
« rose ». En effet, face aux changements climatiques en
cours et annoncés, aux différents problèmes
économiques de nos sociétés, aux difficultés
relationnelles entres autres, nous ne pouvons prétendre à un
futur sans obstacles et difficultés.
Nous la retrouvons également dans les absences de
repères. Les jeunes ne trouvent plus le lien avec leur histoire, leur
empreinte dans leur société. Le déclin de
l'autorité et le manque de transmission des valeurs morales ne leurs
permettent pas de s'insérer tels des citoyens à part
entière. Ils se retrouvent confrontés à des raisons
universelles qu'ils ne comprennent pas, n'ayant pas reçu une
transmission complète de leur passé, de leur appartenance
à cette société.
Cette violence s'inscrit tout autant par l'image que la
société semble leur renvoyer à leur sujet. À partir
du moment où vous êtes un jeune, un adolescent, vous êtes
automatiquement étiqueté comme potentiellement délinquant.
Tout cela parce que l'adolescence est reconnue comme un stade où
l'enfant recherche sa place, tout en tentant d'imposer sa vision des choses.
Mais la société a une tendance à rejeter directement
l'opinion des jeunes, sous prétexte qu'ils sont justement trop jeunes et
trop immatures pour être capable de donner une opinion juste et
intéressante. Nous pourrions presque considérer que ce rejet de
la société par rapport aux jeunes se rapproche de
l'allégorie de la lèpre et de celle de peste. En effet,
physiquement, un adolescent se distingue avec les différentes
transformations physiques, ce qui permet à la société de
le catégoriser directement en un regard. Nous voyons un jeune avec un
visage encore enfantin et le début de la pilosité (moustache,
barbe), nous savons immédiatement plus ou moins son âge et son
stade de développement. Ce qui justifierait que la
société, de part cette identification, se permette de surveiller
constamment les jeunes, afin d'éviter toute dérive
potentielle.
Le comportement violent du jeune trouve, en partie, une source
par le fait que certains parents deviennent démissionnaires. Face
à leurs propres difficultés (économiques, sociales et
psychologiques), les parents se retrouvent désarmés face à
leur enfant en pleine recherche de son identité. Ils se trouvent
confrontés eux-mêmes à leurs problèmes qu'ils ont
des difficultés à résoudre, ne trouvent pas
forcément les solutions dont ils ont besoin, et se retrouvent alors
dépassés par les problèmes de leur enfant.
Le milieu socioculturel joue un rôle dans l'apparition
de la violence. Selon le lieu, l'environnement social et culturel, un jeune
n'aura pas les mêmes façons d'appréhender ses ressentis.
S'il vient d'un milieu défavorisé, ou violent, où le
règne de la débrouille prime, il sera plus vite enclin à
réagir immédiatement, de la façon la plus efficace qu'il
ait appris, c'est-à-dire en passant par son corps, seule chose dont il
est conscient de maîtriser totalement. Il aura appris ce style de
réponse face à la violence rencontrée pendant son enfance
dans son milieu de vie.
Suite à une mauvaise journée, des
problèmes familiaux, un énervement quelconque, un jeune peut,
comme n'importe quelle personne, réagir de manière
inadaptée. Quand la pression est trop forte et lorsqu'un
événement dérangeant se produit, la réponse est
souvent violente, que ce soit par la parole ou par les gestes.
Nous pourrions également considérer que la
violence vienne du fait que la société donne parfois le sentiment
que les jeunes sont les boucs émissaires de nos civilisations. Tous les
peuples choisissent un groupe plus réduit pour en faire un bouc
émissaire, lui faire porter la haine qu'ils ressentent. En mettant le
mauvais à l'extérieur, ceci permet de rassurer les citoyens par
le fait qu'ils ont réussi à évacuer tout ce qui peut
être potentiellement dangereux pour leur propre équilibre.
Cette violence que le jeune utilise peut également
venir d'une certaine maltraitance dont il a été victime.
3.2.3 LA MALTRAITANCE
On entend de plus en plus souvent des cas de maltraitance,
comme si ils étaient plus nombreux aujourd'hui qu'autrefois. La violence
fait actuellement partie intégrante de notre société, de
notre culture, de notre histoire. Elle est devenue, au fil du temps, courante,
dénoncée, exploitée. Sans uniquement parler des enfants,
la violence est tout autour de nous au quotidien : il suffit de regarder
les journaux, l'actualité pour se rendre compte de cette
évidence.
Autrefois, le pater familias était tout puissant. Il
était normal qu'un chef de famille batte sa femme ou ses enfants si l'un
d'eux avait dérogé aux règles du domicile familial.
C'était plus facilement celui ou celle qui avait manqué de
respect au pater familias qui était montré du doigt tel un
démoniaque. Rappelons-nous qu'auparavant, la personne qui pêchait
était vue comme envahie par des démons ou par le diable, et
pouvait même être brulée.
On ne parlait pas de maltraitance, mais de correction, de
libération de la personne déviante. Les faits et gestes du chef
de famille n'étaient en aucun cas jugé, chacun s'occupant de sa
propre chaumière et faisant selon sa volonté. Evidement, dans un
monde où il en a toujours été ainsi, de part la nature
humaine, il y avait des familles où l'abus du père était
manifeste, voir disproportionné.
Avec les années et les connaissances, on a voulu
rétablir l'équilibre de ce pouvoir absolu. La
société n'a plus voulu assumer les dérives, la dictature
qui avait fait des ravages dans l'humanité. Alors toutes les mesures de
sécurité que nous connaissons à l'heure actuelle ont vu le
jour. On a voulu protéger l'enfant pour son développement
personnel. Petit à petit, il s'est installé un climat de
suspicion, de recherches sur toute personne usant d'un abus de pouvoir.
Nous en sommes arrivés, à l'heure actuelle, dans
la période où chaque geste peut être vu comme maltraitant.
3.2.3.1 QUAND LA SOCIÉTÉ VEILLE
Nous avons pu constater ces dernières années une
augmentation des systèmes de contrôle de la maltraitance. La
plupart des campagnes de prévention sont basées sur les droits
des enfants, mais elles oublient généralement que tous les
parents, même non maltraitants, sont concernés par ces campagnes.
A titre d'exemple, que dire de cette campagne de prévention qui montre
(ou démontre) qu'il faut jouer avec l'enfant, faire des jeux de
société, passer plus de temps avec lui. Il est vrai que c'est une
chose importante, même indispensable pour l'enfant de pouvoir
découvrir le monde avec ses parents. Mais que faire quand un travail,
une vie sociale et des responsabilités vous en empêchent du point
de vue emploi du temps ? Que faire si vous êtes occupé par
des problèmes financiers, sociaux ? Avez-vous l'esprit au jeu et
à la détente avec votre enfant ? La société
actuelle nous fait perdre une partie, ou l'intégralité pour
certains, de notre énergie à offrir à nos enfants, au
partage de différentes joies avec eux. Le résultat est que les
parents se sentent responsables et découragés dans leur quotidien
avec leurs enfants et se sentent parfois coupables de maltraitance
malgré le fait qu'ils n'ont jamais levé la main sur l'enfant.
D'un autre côté, quand on regarde du
côté de la prévention et des campagnes d'informations sur
les droits des enfants, on estime qu'il est absolument nécessaire que
les enfants soient avertis de ce qu'ils peuvent faire s'ils estiment être
maltraités. On leur explique ce qui est bien et ce qui n'est pas bien
dans le comportement des adultes. En effet, ainsi en cas de problème,
l'enfant aura une chance de savoir où trouver de l'aide, de s'en
sortir ; il aura appris que s'il parle à quelqu'un de ses
problèmes, on se doit de l'écouter et d'intervenir de la
meilleure façon possible en fonction de la situation.
Il existe également une sorte de code dans la
société qui dit que tout le monde surveille tout le monde :
c'est ce que l'on peut apparenter à l'allégorie de la peste. Il
est vrai que la loi stipule qu'une personne ayant connaissance d'un danger pour
autrui est tenue d'en informer une personne ayant les compétences pour
aider la personne en danger s'il ne peut l'aider lui-même. La
société recherche actuellement à combattre toutes formes
de souffrances, et la population est ainsi invitée, influencée
à dénoncer tout fait lui semblant mettre un enfant en danger. Les
campagnes de prévention justifient ces dénonciations par le fait
que les parents ayants des difficultés et les enfants qui doivent
être aidé doivent nécessairement être connus afin
d'apporter l'aide adapté à leurs besoins.
« Sont-ils véritablement plus nombreux?
Je ne sais pas. On parle en revanche beaucoup plus ouvertement des abus dont
sont victimes les enfants et on les traque plus sévèrement.
Heureusement.
Il arrive aussi que des parents qui avaient donné
trop de pouvoir à l'enfant perdent complètement le contrôle
de la situation et passent alors dans le registre de la violence. C'est une
dérive que l'on rencontre. Un trop grand coeur peut aussi faire le lit
de la violence. »16(*)
Une partie de la maltraitance peut être attribuée
aux conditions sociales. En effet, les conditions de vie actuelles sont souvent
difficiles pour de nombreuses personnes. On parle alors de violence sociale, de
sentiments d'insécurité, ce qui est susceptible de mener les
individus à ne plus avoir la force de se battre, à se sentir
démunis face à la société et à leur faire
perdre une partie de leur identité.
« À l'époque des
« Misérables », Victor Hugo dénonçait
la bêtise fondamentale de ceux qui ne savent pas voir l'injustice et qui
ne reconnaissent que la punition. C'est sur cette pensée que la
démocratie s'est développée. Or, aujourd'hui, par un
incroyable retournement de l'histoire, notre époque assiste au
corollaire obligé de l'ordre de la violence économique et de
l'idéologie sécuritaire : le retour de la fatalité
sociale. »17(*)
Toutes ses souffrances, ses difficultés poussent,
à un moment ou à un autre, le jeune a utilisé la seule
chose dont il est le seul maître : son corps. Mais, malheureusement,
il a plis une tendance à le détruire plutôt qu'à
« le muscler ».
3.2.4 L'AUTODESTRUCTION
Nous pouvons retrouver cette autodestruction dans le suicide,
dans la consommation d'alcool, de drogues et de médicaments
psychotropes, dans l'anorexie et la boulimie et également dans la mise
en danger de leur propre corps lors de jeux.
3.2.4.1 LES TENTATIVES DE SUICIDE
« Les tentatives de suicide chez les adolescents
représentent un quart des tentatives effectuées dans l'ensemble
de la population. Un tel geste ne peut évidemment être
banalisé. « Un tiers des adolescents suicidants récidivent
». L'absence de prise en compte du premier geste par l'entourage du jeune
constitue un facteur évident de récidive. Ce « raté
» concerne en particulier les tentatives n'ayant pas mis en jeu le
pronostic vital et qualifiées à tort de a minima. La banalisation
du geste est donc un facteur de risque majeur de récidive souvent plus
grave (escalade dans la prise de risque). La gravité du geste n'est pas
en lien avec le degré de souffrance psychique ce qui signifie qu'une
tentative de suicide sans gravité sur le plan somatique n'est jamais
anodine. »18(*)
Deuxième cause de mortalité chez les jeunes
après les accidents de la route, le suicide est un acte qui traduit un
malaise ; c'est un geste souvent incompréhensible. Ce geste, bien
qu'individuel, bouleverse tout l'entourage du suicidé. Un acte
inexplicable, qui touche de près aux questions existentielles.
Difficile pour la société d'accepter que
quelqu'un quitte ce monde parce qu'il ne s'y sent pas bien : ce qui fait
d'autant plus peur que l'on vit actuellement dans une société
où l'on maîtrise tout, où l'on a des solutions à
tout. Ce n'est pas un désir de mort qui pousse une personne à
passer à l'acte, mais le besoin d'apaisement. Ce n'est pas par choix,
mais par absence de choix. Tout suicide traduit une souffrance, un
mal-être auquel le suicidant veut mettre fin. Le suicide intervient
rarement de façon brutale et irréfléchie. Mais il suffit
d'un évènement supplémentaire pour que la goutte d'eau
fasse déborder le vase, que l'angoisse devienne intenable.
Différents signes peuvent servir de signaux d'alerte
à l'entourage d'une personne suicidaire.
· Parler de se tuer, comme s'il n'y a aucun espoir.
· Des nouveaux amis ou plus de temps passé en
compagnie d'amis.
· Changements de comportements soudain.
· Changements notables de l'appétit.
· Insomnie ou excès de sommeil.
· Difficultés scolaires.
· Incapacité de se concentrer ou à tenir en
place.
· Pensées confuses, incapacité à
raisonner correctement.
· Pertes d'énergie sans raison apparente.
· Augmentation de la consommation de drogues ou
d'alcool.
· Sentiments constants d'inutilité ou de haine de
soi.
· Prise de risques excessifs (imprudence au volant,
alcool, relations sexuelles non protégées).
· Rapports physiques et sexuels mal vécus.
· Obsessions de la mort, de l'agonie, du suicide.
· Dons d'objets personnels ou précieux.
· Antécédents familiaux de
dépression ou de suicide.
Cette liste est assez vaste pour s'appliquer à tous les
adolescents à un moment ou un autre. Il est difficile
d'interpréter des termes comme « changement de comportement
soudain ».
Pour affronter les difficultés de la vie, les jeunes
ont peut être trouvé une alternative au suicide, plus douce et
plus amusante, mais qui les détruits également à petit
feu : l'alcool.
3.2.4.2 L'ALCOOL
L'alcool a été, pendant de nombreuses
années, en vente totalement libre dans les magasins, distributeurs. Il
était relativement aisé pour des jeunes de s'en procurer et,
légalement, ils ne faisaient rien de mal : l'alcool est un produit
licite.
Depuis quelques années, la société s'est
rendu compte de la prolifération de l'alcoolisme chez les adolescents.
Pour palier à cette problématique, des lois ont été
crées et interdisent dorénavant la vente d'alcool aux personnes
de moins de 18 ans. Mais évidement, dans la même pratique que la
drogue, les jeunes parviennent à se fournir selon leurs besoins.
Sans que les adultes en aient pleinement conscience, le
comportement des jeunes face à l'alcool a profondément
évolué. Le motif premier de l'alcoolisation est devenu la
recherche, par des adolescents de plus en plus jeunes, de la «
défonce » obtenue en se saoulant le plus rapidement possible.
L'arrivée aux urgences pédiatriques de filles ou de
garçons âgés de 12-13 ans en coma éthylique n'est
plus rare. Se saouler de plus en plus fort, de plus en plus vite pour se
procurer des sensations et se mettre « hors jeu », et donc «hors
je» est maintenant le but de la consommation d'alcool chez de nombreux
adolescents et jeunes de tous les milieux sociaux. C'est le « binge
drinking » bien connu dans les pays nordiques et anglo saxons. Si cette
consommation se fait généralement en groupe et dans un contexte
festif, l'alcool, à la différence des générations
précédentes, ne sert plus à donner du courage ou pour
faciliter la relation à l'autre ; désormais le héros est
celui qui s'écroule le premier.
Les parents prennent difficilement conscience de l'état
de leur enfant et sont loin d'imaginer la réalité de
l'alcoolisation. Le fait que l'alcool soit légalisé et en libre
vente est également une source de confusion dans l'esprit des personnes.
À partir du moment où c'est autorisé et tellement commun,
est-il possible de faire la transition entre apprécier et abuser ?
Pourquoi une boisson autorisée serait-elle nocive au jeune
consommateur ?
Malgré les nombreuses informations sur les
méfaits de l'alcool, il semblerait que certaines personnes ne prennent
pas sérieusement toutes ces recommandations diffusées
massivement. Après tout, à partir du moment où la personne
qui a bu ne conduit pas un véhicule ou ne trouble pas l'ordre public,
elle ne fait rien d'illégal. Cette manière de penser à la
consommation d'alcool est toujours d'actualité. Mais que penser si nous
la mettions en parallèle avec la marijuana, qui a beaucoup de choses en
commun avec l'alcool ?
3.2.4.3 LA DROGUE ET LES MÉDICAMENTS PSYCHOTROPES
Dans le langage adolescent « fumer » n'évoque
pas seulement une consommation de tabac mais également celle de cannabis
et ce qu'ils font « je fume des joints pour dormir ».
La consommation du cannabis s'est nettement accrue au cours
des années 1990, particulièrement chez les jeunes. En 2002, plus
d'un Français sur cinq a déjà expérimenté le
cannabis. Parmi les jeunes, c'est le cas pour une majorité d'entre eux
avant la fin de l'adolescence. Cette consommation est en général
occasionnelle mais elle devient avec l'âge de plus en plus
régulière et intense.
L'étude de Howard Saul Becker (1928-) sur les fumeurs
de marijuana servira en quelque sorte d'illustration pour présenter sa
théorie sur la déviance. Dans cette étude, Becker utilise
le terme de carrière déviante. Selon lui, une personne
déviante mène une carrière durant laquelle elle passe par
plusieurs étapes. On n'est pas le même déviant du
début à la fin ? On n'est pas déviant en soi, mais
par choix. Plusieurs éléments interviennent : le contexte,
le temps, etc.
Lorsqu'un individu s'engage la consommation de drogue, il
change de vie et modifie son identité. Le geste de fumer ou non ne signe
pas l'entrée dans la déviance mais plutôt le fait que
l'acteur fumeur donne un sens à sa pratique avec autrui. Il n'y a pas
forcément d'écart à la norme. Le fumeur ne se construit
pas forcément comme un déviant.
Le fumeur doit se reconstruire par rapport à un nouveau
statut de surcroît. L'étiquetage
« déviant » est surdéterminant par rapport
aux autres. Etre fumeur, c'est un désir de l'individu lui-même.
En effet, le fumeur est en quelque sorte empêcher d'agir dans le cadre
légal puisqu'il est étiqueté comme déviant. Petit
à petit, il s'apprécie lui-même comme déviant en
intériorisant l'image de soi que lui renvoie la société.
Il maintient donc son statut. Et plus encore, l'individu est poussé
à commettre de nouvelles transgressions, puisqu'il doit se tourner vers
des réseaux déviants pour pourvoir s'approvisionner. Il s'initie
peu à peu à son nouveau statut.
Selon les psychologues, l'usage de drogue est une
conséquence de prédispositions de l'individu, de souffrance
psychique. L'individu est faible, n'a pas une saine constitution morale. Il est
carencé. Pour Becker, ce ne sont pas les raisons psychologiques qui
poussent à consommer de la drogue (en tout cas pour la première
fois !), mais c'est le contexte qui provoque cette consommation. Becker
dénaturalise, désindividualise. Ce sont les institutions de
contrôle (psychologues, ...) qui produisent ce type de loi. Il s'agit
d'une vision de quelque chose qui est social.
Le "drogué" véhicule une image
stéréotypée : poids pour la société, image
négative. Il délégitime les producteurs de normes. Or, les
fumeurs ne correspondent pas tous aux stéréotypes.
Le cannabis est la première substance illicite
consommée. Sa banalisation est complète, nombre d'adultes
s'alarment à peine de voir leur enfant en consommer
régulièrement. Les psychiatres relèvent « une
véritable épidémie de bouffées délirantes
» consécutives à une consommation très
élevée de cannabis. Ces troubles régressent à la
suite de soins spécifiques. Cependant, les médecins se montrent
très inquiets au sujet d'adolescents qui connaissent ces
phénomènes mais ne se soignent pas. Sans aller jusqu'aux troubles
mentaux, un usage répété a des conséquences lourdes
dans la vie quotidienne et beaucoup se répercutent dans l'univers
scolaire : difficultés de concentration, difficultés scolaires,
risques d'isolement social.
« Les médicaments psychotropes sont
faciles à trouver. Le contact se fait tôt : à 14-15 ans, 20
% des adolescents déclarent en avoir consommé au moins une fois
dans leur vie. À titre de comparaison, en 2005, 9 millions de personnes
âgées de 12 à 75 ans disent avoir utilisé au moins
une fois ces produits dans l'année. »19(*)
Après ou au lieu d'avoir abusé de l'alcool
et /ou de la drogue, il est également possible de
s'autodétruire par les régimes alimentaires, manière
efficace de diminution de la capacité de vivre mais beaucoup plus
visuelle.
3.2.4.4 LES TROUBLES DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES
« Les perturbations dans le registre de
l'alimentation paraissent en nette augmentation dans la population des jeunes
filles. Les garçons sont touchés beaucoup plus
faiblement.
Encore faut-il distinguer nettement l'anorexie, en tant
que pathologie psychiatrique, des comportements alimentaires anorexiques. Au
sein du Pôle aquitain de l'adolescence, le pédopsychiatre Xavier
Pommereau dirige une unité spécialisée dans l'accueil et
le soin des adolescents souffrant de troubles alimentaires ; il chiffre
à 10 % ceux qui souffrent de tels troubles dans des formes
modérées et à 1 % les adolescents touchés par une
forme grave « d'anorexie boulimie » pouvant conduire
à la mort « L'anorexie, dit-il, est, à tort,
présentée comme un choix fait par l'adolescente
» ».20(*)
Le contexte culturel actuel hyper valorisant la minceur et les
modèles de silhouettes qu'il présente est un puissant
déclencheur de « régimes » et d'attention portée
au poids dans tous les milieux sociaux et chez des enfants de plus en plus
jeunes. De nombreuses jeunes filles (et sans doute aussi leurs mères)
supportent mal l'augmentation de poids normale qui accompagne la puberté
et commencent un régime pour se restreindre et rejoindre la norme de
« minceur ».
L'anorexie et la boulimie sont les formes les plus graves et
les plus répandues des Troubles du Comportement Alimentaire (TCA).
L'anorexie mentale est la perte ou la diminution
d'appétit se situant au niveau des troubles psychotique (psychotique:
trouble de l'esprit). L'anorexie mentale touche pour 11 personnes 10 filles et
1 garçon. L'anorexie est due à la peur constante de grossir ou
à la croyance d'être grosse.
La boulimie est un trouble du comportement alimentaire avec
des crises pendant lesquelles, le malade est soumis à une faim
excessive. La boulimie touche 10 femmes pour 2 hommes et le pic de survenue des
troubles se situe autour de 18-20 ans.
Comme pour la plupart des troubles mentaux, différents
facteurs peuvent intervenir dans l'apparition des TCA. Cependant, il ne faut
pas omettre l'appartenance culturelle qui permet l'émergence des
troubles alimentaires. En effet, l'anorexie et la boulimie (pour ne citer que
ces deux troubles), n'apparaissent pas dans les pays en voie de
développement où l'accès à la nourriture y est
insuffisant. De ce fait, les TCA sont en constante augmentation dans les pays
occidentaux et ce depuis environ 30 ans. Celles-ci touchent 10% de la
population dont 10% d'hommes et 90% de femmes.
Il existe 3 facteurs qui ont été pris en
considération par les spécialistes :
socioculturels, familiaux ou psychologiques.
Le facteur socioculturel est dû à un
véritable culte de la minceur, voir de la maigreur, qui favorise une
certaine maîtrise, maîtrise de soi. De plus, dans notre
société, l'obésité et le surpoids sont très
mal perçus. Ce surpoids se voit traqué à coup de slogan
culpabilisants tel que : « manger-bouger».
Désormais, le repas n'est plus savouré, il est passé sur
le mode du calcul : « combien de calories j'ingurgite et comment
les éliminer ? ».... instaurant alors la notion, non plus
de plaisir, mais de culpabilité. Ainsi, dans notre
société, tout est à disposition de la femme trop
« ronde », tous les moyens sont déployés pour
contrôler son poids : les régimes alimentaires, les exercices
physique, les médicaments...C'est ainsi que s'oppose la culture, aux
attentes sociales. L'image de la femme ne la satisfaisant plus, et ne
correspond plus aux attentes de la société, ses
préoccupations physiques deviennent
« obsessions ».
Certains problèmes psychologiques ou
événements peuvent déclencher ou être
associés à un trouble du comportement alimentaire, ainsi que
l'influence des médias qui a un lourd impact sur l'image de soi et sur
les attentes de la société. Ces événements peuvent
être une faible estime de soi, de l'anxiété, une
dépression, des remarques humiliantes au sujet du poids, par exemples,
mais ceux-ci sont plus nombreux. Ces facteurs déclenchant sont
susceptibles de fragiliser la personne.
Enfin, le contexte familial peut aussi être très
influent, au delà de son origine génétique. En effet, s'il
peut y avoir plusieurs cas d'anorexie ou de boulimie dans une même
famille, cela peut être le résultat d'un modèle familial ou
de dysfonctionnements au sein de la cellule familiale tels que :
l'inceste, la maltraitance, l'alcoolisme d'un des parents, la rigueur et le
perfectionnisme d'un des parents, etc.
Evidement, pour le jeune concerné, il n'y a pas,
à mon point de vue, de plaisir immédiat à se passer de
manger ou de se faire vomir. Dans la catégorie autodestruction, le
plaisir est présent à travers des jeux que les jeunes semblent
adorer.
3.2.4.5 LES JEUX DANGEREUX, SOURCES DE SENSATIONS
INTENSES
Les jeux dangereux et les jeux violents,
dénommés par au moins 90 appellations différentes, sont
une pratique en constante augmentation. Ils peuvent aboutir à la mort ou
à des blessures graves.
Les jeux de non oxygénation (connus sous
différentes dénominations « jeu du foulard, rêve bleu,
jeu de la tomate... ») sont pratiqués par des jeunes qui ne sont
pas décrits comme suicidaires ; bien au contraire, ces jeux sont
utilisés pour éprouver des sensations intenses qui donnent aux
jeunes un réel sentiment d'exister.
Dans les jeux d'agression il est fait usage de violence
gratuite généralement par un groupe de jeunes envers l'un d'entre
eux. Ces jeux sont intentionnels ou contraints.
Dans les jeux intentionnels (« canette, petit pont
massacreur, bouc émissaire... ») un objet est lancé dans un
cercle et le joueur qui ne le rattrape pas est roué de coups par les
autres. Dans les jeux contraints (« carton rouge, couleur, taureau...
»), un enfant est désigné en fonction de certains
critères puis est frappé et humilié.
Il est difficile de cerner avec certitude le nombre d'enfants
et d'adolescents qui s'adonnent à ces « jeux » comme agresseur
ou comme victime. Ces jeux ne sont pas liés à un mal-être.
Ils offrent aux utilisateurs une façon de se procurer rapidement des
sensations fortes particulièrement pour les jeux de non
oxygénation. Ils sont l'expression des pulsions agressives
qu'éprouvent tous les enfants mais qui, dans ces cas, ne sont « ni
canalisées ni rendues socialement acceptables ». Cette
agressivité naturelle diffère radicalement de la violence
antisociale. Aussi, les éducateurs plaident ils pour que soient
proposés aux enfants et aux adolescents des jeux leur permettant
d'extérioriser leur agressivité tout en leur inculquant en
même temps les règles du jeu et leur respect.
Face à toutes ses façons que les jeunes ont de
nous montrer un certain mal être, la société, grâce
au modernisme et aux nouvelles technologies, a été en mesure de
trouver un type d'aide particulier : les médicaments.
3.3 LA
MÉDICALISATION
Quand un enfant est diagnostiqué comme en
difficulté, plusieurs moyens peuvent être mis en action par les
spécialistes. D'un côté, il peut y avoir un suivi
thérapeutique, qu'il soit dans le courant psychanalytique,
systémique ou comportementaliste. En tant qu'éducateur, nous
travaillons en collaboration avec ses différents psychologues en suivant
leurs recommandations, ce qui nous permet de pouvoir agir avec l'enfant dans le
quotidien.
En plus de ces thérapies, certains enfants sont
également suivis médicalement. Nous pouvons constater que de plus
en plus d'enfants ayant des difficultés se retrouvent
« médicalisés ».
Cette médicalisation est liée au DSM III
(dictionnaire statistique des maladies) en 1980. Cette
3ème édition a été créée
suite aux critiques apparues au sujet des versions précédentes du
DSM.
Il était reproché au dictionnaire statistique
des maladies :
Ø difficulté d'obtenir des dialogues fiables et
valides indépendant des différentes théories psycho-
pathologiques (comment mettre tout le monde d'accord ?)
Ø manque de validité dans les maladies mentales
(diversité des causes et des pathologies). Différentes
théories sur l'origine du trouble. Pas de recherche sur la cause de la
maladie.
Ø Peur de la diversité, pas d'accord suffisant
entre les différentes disciplines
La construction d'un langage commun est la seule solution afin
de mettre d'accord le neuroscientifique et le psychanalyste. Pour cela, il y
aura la suppression de la notion de cause et un consensus sur les syndromes
sera établi. Cet accord sera officiel avec le DSM III : ce langage
commun est construit sur la notion de syndrome faute de consensus sur les
causes.
Le DSM sert de repérage comportemental : on va
observer, questionner la personne, afin de remplir un questionnaire
précis. « La coche » sert à évaluer et
diagnostiquer la maladie dont souffre le patient. Suivant le résultat de
« la coche », le médecin ou le thérapeute,
par exemple, pourra prescrire un traitement médical pour combattre le
trouble.
Les neurosciences prennent leur essor. On traque la maladie
mentale du côté du gène, de la structure du cerveau, des
cellules ...
Face aux problèmes rencontrés dans
l'éducation, la solution qui semble la plus souvent prescrite est la
médication. Puisqu'un enfant ne peut pas rester calme, ce n'est pas
grave, on a un cachet qui le calmera qu'il le veuille ou non.
Evidemment, les grands gagnants dans cette course à la
sagesse sont les industries pharmaceutiques, qui disposent comme par magie du
remède miracle : le sauveur des parents.
Même si il n'y a pas assez de recul, par rapport
à l'usage de ses médicaments, le résultat immédiat
est primordial. C'est ce résultat qui compte, les gens sont satisfaits.
Mais qu'en est-il des effets à longs termes de ces traitements ?
Pouvons-nous assurer qu'ils n'auront aucun impact sur la santé mentale
ou physique de l'enfant ayant suivi un tel traitement pendant plusieurs
années ?
Oui, on parle bien d'années. Oui, car l'enfant
difficile a sûrement, à la base, une raison d'être
difficile, de se révolter. Avec les médicaments, on masque sa
souffrance intérieure en masquant les symptômes, mais on ne fait
pas disparaître son problème initial. Arrêter le traitement
revient à la situation de départ, où l'enfant a quelque
chose à partager, à extérioriser, mais qu'il ne peut pas
le faire ou n'en a pas l'occasion. Sa seule solution, même
inconsciemment, est de redevenir cet enfant difficile.
4 LA SOCIÉTÉ ET LES
ÉDUCATEURS :
En tant que future éducatrice, il y a bien entendu
différents facteurs que je dois prendre en compte. Il s'agit du rapport
à la loi, du travail fourni, de l'accompagnement des autres, et de la
place qu'une éducatrice peut prendre dans son institution.
4.1 LE RAPPORT
À LA LOI
Le code de déontologie (15 mai 1997) fixe les
règles et les principes qui doivent servir de référence
tant à l'égard des bénéficiaires et des demandeurs
de l'aide qu'à ceux qui l'apportent ou qui contribuent à sa mise
en oeuvre. Il garantit le respect de leurs droits en général et
plus particulièrement celui du secret professionnel, de
l'intimité des personnes, de leur vie privée et familiale, des
convictions personnelles et des différences, ainsi que l'utilisation
correcte des informations recueillies. Il détermine en outre, la
conduite, les devoirs et l'éthique professionnels qui doivent
prévaloir dans l'action des intervenants.
Le code aurait tendance à poser un climat de suspicion
où tous les parents sont potentiellement maltraitants. En
remédiant par le fait que si l'enfant a de mauvais parents, on confie le
jeune à un éducateur pour l'élever (art.
3 : « [...]Dans le respect de l'intérêt
du jeune, de ses droits et obligations, de ses besoins, de ses aptitudes et des
dispositions légales en vigueur, l'intervenant veille à respecter
et à favoriser l'exercice du droit et du devoir d'éducation des
parents notamment en ce qui concerne le développement physique, mental,
spirituel, moral, social et culturel de leur enfant.[...] »).
Lors du placement de l'enfant sur décision du juge, on
demande à l'éducateur de trouver le bonheur pour celui-ci et de
lui faire accepter son hébergement (art. 8 Les intervenants
s'assurent que le bénéficiaire ou ses représentants
apprécient en pleine connaissance de cause la nécessité,
la nature et la finalité de l'aide ainsi que ses conséquences et
puissent dès lors faire valoir leurs droits. [...]). Mais peut-on
dire qu'un enfant séparé de ses parents sera d'accord avec la
décision du juge ? L'enfant reste malheureux qu'il soit
maltraité ou qu'il soit placé, ce qui rend son
épanouissement difficile.
On lui demande d'accepter, de comprendre son placement et
l'aide qu'on lui procure. Mais celui-ci peut simplement ne pas être
d'accord avec la décision et refuser de suivre la voie que l'on lui
trace sans lui demander ce que serait son propre choix (s'il avait la
possibilité de le faire). L'enfant doit être aidé qu'il le
veuille ou non. L'éducateur doit le conseiller sur le chemin de sa vie
mais chacun doit pouvoir opérer des choses par rapport à sa
propre vie. L'enfant doit laisser ses émotions personnelles pour
satisfaire aux exigences de son aide et il doit en être satisfait,
heureux. Pourtant il est normal d'être en colère, de ne pas
accepter le placement contraint ni l'aide apportée par l'institution.
L'enfant n'a plus de place requise dans le langage. Sans langage, celui-ci ne
peut plus exister. On le condamne à chercher un bonheur qui n'existe
pas.
Structurellement parlant, l'enfant aura de grandes
difficultés à maintenir ce qui est au fond de lui. Dans l'aide,
le refus de l'enfant n'est pas pris en considération, son bonheur et sa
vie sont décidés par les autorités compétentes, ce
qui mène l'enfant à perdre sa propre identité (art. 2
L'intervenant recherche les solutions les plus épanouissantes pour
le bénéficiaire. Les intervenants veillent à proposer la
solution qui a la meilleure chance de succès. Ils ont le devoir
d'envisager la solution la plus adaptée et la plus accessible au jeune
et s'il échet à sa famille. [...] & art. 10 [...]
Les intervenants veillent dans ce sens à fixer et à respecter
des délais en rapport avec la nature, la gravité et l'origine de
la situation. Ils veillent aussi, sauf si l'urgence et la gravité le
justifient, à ce que le traitement de nouvelles situations n'entrave pas
le respect des échéances fixées dans les situations
déjà prises en charge. [...]).
Le code stipule que l'enfant doit connaître et
comprendre la situation dans laquelle il se trouve (art.8 Les intervenants
s'assurent que le bénéficiaire ou ses représentants
apprécient en pleine connaissance de cause la nécessité,
la nature et la finalité de l'aide ainsi que ses conséquences et
puissent dès lors faire valoir leurs droits [...], art. 10
[...] ils en informent les bénéficiaires [...] et art.
11 [...] L'intervenant est tenu d'en informer le
bénéficiaire.).
En lui demandant de comprendre, on lui demande de prendre une
place d'adulte apte à réagir de manière satisfaisante
à l'aide fournie. L'enfant reste le centre du sujet mais il se trouve
décalé par rapport à sa place de départ. Il devient
partenaire de l'aide, non plus bénéficiaire, en lui faisant
accepter l'aide reçue ainsi que les décisions prises en son nom.
Celui-ci est dirigé vers une voie prédéfinie qui n'est
peut-être pas la sienne.
Dans le code, on veut que l'enfant soit pleinement convaincu
que l'aide reçue est la meilleure solution pour lui. Le
bénéficiaire de l'aide doit adhérer à la
décision prise ce qui mène à penser que l'enfant ne peut
pas rester lui-même.
Chaque enfant est différent, même si son
histoire, son vécu peut paraître semblable à un autre
enfant. Il n'aura pas forcément les mêmes sentiments ni les
même souhaits que cet autre enfant. Or, il ressort du code que ce sont
les faits qui feront décider la suite du suivi social de l'enfant. Dans
cette optique, on ne parle plus d'un enfant précis, mais d'un
« cas ». La différence entre les êtres humains
est nécessaire et les actes d'aides devraient être
élaborés au « cas par cas »,
individuellement. Ce texte de loi différencie les enfants par rapport
à des catégories de maltraitances qui semblent être
classées par groupe.
Ce code en constante évolution ne permet pas à
l'enfant bénéficiaire de l'aide de rester à sa place de
départ, c'est-à-dire d'enfant insouciant et libre. En dirigeant
la vie des autres, le code ne risque-t-il pas de robotiser l'être humain
en voulant l'humaniser ?
Le code de déontologie précise que les
intervenants ne doivent pas faire de prosélytisme, en laissant de
côté leurs expériences, leurs convictions et même
leurs sentiments. Cependant il leur accorde le droit à un lien
établi, et la possibilité de vivre avec l'enfant quelque chose
d'une relation intime. Par ailleurs, les intervenants, l'éducateur,
doivent convaincre l'enfant de son bonheur d'être placé,
séparé de ses parents, en poussant ce dernier à accepter
la décision prise pour lui. Le texte de loi nous met face à un
paradoxe sur le prosélytisme.
La base du métier d'éducateur est d'accompagner,
de résonner avec l'enfant dans sa propre souffrance, afin que celui-ci
puisse se construire, trouver son identité et bâtir son propre
bonheur. Mais, dans le cadre de la loi, nous prenons les décisions
à sa place, en estimant qu'elles sont les meilleures dans sa situation
et en le rendant entièrement dépendant de notre institution.
C'est aussi le cas pour l'éducateur. Il ne parle que
dans le but d'obtenir de l'enfant ce que les autorités
compétentes ont choisi pour lui. Il n'est plus autonome dans sa
façon de parler, de penser ou d'agir puisque celles-ci sont
guidées par la loi, en prenant les décisions qui ont les
meilleures chances de succès.
L'éducateur et l'enfant sont dirigés vers une
voie prédéfinie qui n'est pas forcément la leur.
L'enfant victime de maltraitance est pris en charge par
l'état afin de le préserver. Or, nous avons découvert
qu'en dirigeant la vie de l'enfant, en prenant les décisions à sa
place, et en voulant le rendre heureux, que cet enfant continuera de souffrir
au fond de lui-même quelle que soit la situation vécue. De plus,
la décision d'hébergement le rendra entièrement
dépendant et nuira à sa construction personnelle.
L'éducateur, quant à lui, devra convaincre cet
enfant, tout en sachant au fond de lui-même qu'il ne peut rendre une
personne heureuse sans lui permettre de connaître la souffrance, pilier
de l'identité de chaque être humain. Et la vie de l'institution le
rendra dépendant, tout comme son protégé, en suivant les
recommandations des autorités supérieures à la lettre et
en oubliant son « moi intérieur ».
Nous pouvons nous demander si c'est bien cela le but à
atteindre, le métier de l'éducateur.
4.2 LE TRAVAIL DE
L'ÉDUCATEUR
Avant de savoir ce qu'est exactement un éducateur, il
me semble nécessaire de faire le point sur le sujet principal qui relie
l'éducateur et l'enfant, c'est-à-dire l'éducation. Selon
le dictionnaire Larousse, l'éducation est l'action ou la manière
d'éduquer. C'est également l'ensemble des aptitudes
intellectuelles et physiques et des acquisitions morales de quelqu'un. Nous
retrouvons également le mot éducation dans le système
éducatif et l'institution sociale. La notion d'éducation s'est
considérablement élargie au cours du dernier quart de
siècle. L'obligation scolaire est devenue plus longue (école
obligatoire jusque 18 ans), l'école n'a dorénavant plus le
monopole de l'éducation, qui s'est partagé avec les médias
(internet, presse, télévision, etc.), mais surtout
l'éducation est devenue pluridisciplinaire. Avant l'éducation
était centrée sur l'intelligence et la mémoire.
Actuellement, elle est plus centrée sur l'affectivité, la
personnalité et le développement corporel.
La définition du métier d'éducateur n'est
pas aisée, elle n'est pas clairement établie par rapport à
la multitude de tâches accomplies. Un éducateur est défini
ainsi : personne qui s'occupe d'éducation (les parents par
exemple), personne qui a reçu une formation professionnelle
spécifique pour se consacrer à l'éducation de certaines
catégories de jeunes posant des problèmes
particuliers21(*).
D'après la loi sur le statut d'éducateur
spécialisé du 29 avril 1994 : « Par
éducateur-accompagnateur spécialisé au sens de la
présente loi, on entend la personne qui, titulaire du diplôme
prévu à l'article 2, favorise par la mise en oeuvre de
méthodes et de techniques spécifiques, le développement
personnel, la maturation sociale et l'autonomie des personnes qu'il accompagne
ou qu'il éduque. Il exerce sa profession soit au sein d'un
établissement ou d'un service, soit dans le cadre de vie habituel des
personnes concernées. (Article 1) ». Mais
celui-ci a été annulé par la cour d'arbitrage. L'article
1er de la loi précisait en effet l'objectif que devait poursuivre, dans
l'exercice de son activité, la personne qui souhaite porter le titre
d'éducateur-accompagnateur spécialisé. La Cour estime que
cette condition ne constitue pas un élément indispensable pour
réglementer la profession et pour organiser la protection du titre.
Le rôle de l'éducateur se situe dans le domaine
des relations sociales, il se doit également de vérifier
l'hygiène des éduqués ainsi que le travail scolaire des
enfants dont il a la charge. Un éducateur joue un rôle important
au niveau du quotidien, des règles à suivre dans l'institution
ainsi que des interdictions. Il est un des principaux accompagnants de l'enfant
dans sa vie de tous les jours, son référent, son confident, le
garant de l'ordre et de la discipline, ainsi que le compagnon de jeu. En fait,
un éducateur a de multiples casquettes, qu'il vêt en fonction du
moment, du besoin ou de la nécessité. L'éducateur n'est
pas une personne de remplacement des parents. Son rôle est de guider sans
imposer, et de mettre un cadre à l'enfant. L'éducateur doit faire
preuve de patience, avoir du temps et de l'énergie à donner
à ses accompagnés, une certaine capacité d'analyse, une
bonne maîtrise de lui et être capable de travailler en
équipe.
Selon Karl Rogers, l'éducateur doit être
congruent, c'est-à-dire authentique, assumer sa personnalité, se
présenter tel qu'il est, plus au niveau de l'être que de l'avoir.
Il doit faire preuve d'empathie et avoir une considération
inconditionnelle positive. C'est-à-dire qu'il doit accepter tout le
monde sans condition d'une manière positive, accepter l'autre comme
différent de soi, et quel qu'il soit (handicap par
exemple).L'éducateur se doit de respecter les périodes sensibles
et critiques (Maria Montessori), tenir compte du degré de
maturité de l'enfant, de
l'hétérogénéité dans le groupe dont il a la
charge.
Il existe différentes façons de travailler la
relation avec les éduqués : la relation directive,
démocratique et le laisser-faire. Dans la relation directive, les
étapes de la tache sont imposées par l'éducateur au groupe
ainsi que les techniques. Dans la relation démocratique,
l'éducateur définit la perspective des différentes
étapes. Il suggère, c'est le groupe qui décide, qui vote
à la majorité. Dans la technique du laisser-faire,
l'éducateur fournit des matériaux variés et laisse le
groupe travailler selon ses envies.
Du point de vue de la discipline, l'éducateur se doit
de motiver ses éduqués, de les occupés, de savoir bien
gérer l'emploi du temps et d'être lui-même convaincu de sa
démarche éducative. Du point de vue didactique,
l'éducateur doit être capable de savoir hiérarchiser ses
objectifs, être capable de choisir des moyens appropriés
d'intervention, et être capable d'évaluer les résultats
obtenus.
« Choisir un bon conducteur qui ait la
tête bien faite plus que bien pleine...qu'il sache lui faire goûter
les choses, les choisir et les discerner, quelquefois lui ouvrant le chemin
quelquefois lui laissant ouvrir. Je ne veux pas qu'il invente seul. Je veux
qu'il écoute son disciple parler à son tour...Il est bon qu'il le
fasse trotter devant lui pour juger de son train...Qu'il ne lui demande pas
compte de sa leçon mais du sens...Qu'il juge du profit qu'il aura fait
non le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie...
Qu'il lui fasse tout passer par l'étamine. Ne loge
rien dans sa tête par simple autorité et crédit. Qu'on lui
propose une diversité de jugement...il choisira s'il peut. Ce que l'on
sait droitement on en dispose sans regarder au patron »22(*)
Un éducateur se construit petit à petit ;
la responsabilité, la confiance et l'autorité s'acquiert avec
l'expérience. Ce sont des mécanismes sensibles, vaporeux que les
techniques éducatives n'offrent pas naturellement.
L'éducateur est responsable de l'enfant dont il a la
charge mais il est également responsable de ses actes par rapport
à la loi. S'il prend une mauvaise décision, c'est lui qui sera
mis en cause. On lui confie une responsabilité, il se doit de l'assumer
et de la meilleure manière possible. L'éducateur est seul
responsable devant la loi.
Un éducateur doit faire la différence entre son
propre désir et le désir de l'autre. Il faut voir l'autre comme
il est, car si on l'emmène avec soi dans son désir, l'autre n'est
plus lui. En effet, si je persuade l'autre que mon point de vue est le
bon, je ne tiens plus compte de ce que lui estime, pense, a construit en lui
les années auparavant. Je l'emmène ainsi dans mon propre
désir, et j'ignore le sien, j'enfouis son désir en le recouvrant
par le mien.
L'éducateur n'a pas une méthode
particulière, enseignée d'une manière
détaillée et standardisée, mais il doit la construire avec
l'expérience. Il se sert pour cela de sa créativité et de
ses expériences rencontrées lors de sa pratique. Il ne peut y
avoir une méthode standardisée en partant du fait que chaque
personne accompagnée est différente, a un vécu, une
histoire, des désirs différents d'une autre personne. Dans le
métier de l'éducateur, il y a quelque chose qui se construit qui
pourrait s'apparenter avec le témoignage. L'éducateur est en
quelque sorte un témoin de sa pratique, de l'accompagnement de l'enfant,
et de la résonnance avec les autres.
Il se doit de penser sa pratique, d'interroger ce qu'il est en
train de faire. Il doit également penser sa place par rapport à
l'institution où il travaille et par rapport à la personne qu'il
a en face de lui. Ainsi, il fait une construction avec l'accompagné et
une construction avec la réalité du terrain afin de pouvoir
gérer, accommoder l'un avec l'autre.
Par rapport à l'institution où il travaille et
à la société, l'éducateur a des comptes à
rendre. Il se doit de prouver des résultats obtenus auprès de la
personne accompagnée. Quand un enfant en difficulté lui est
confié, on demande à l'éducateur d'arriver à un
objectif, par exemple réintégrer l'enfant dans son école
où son comportement violent est inadapté. Le travail de
l'éducateur est évalué par rapport au comportement de
l'enfant suivi, dans ce cas-ci. Mais il est nécessaire que
l'éducateur fasse attention de ne pas perdre de vue la loi, le cadre qui
l'entoure dans l'accompagnement, sinon il pourrait à son tour devenir
tyrannique. Car celui-ci sera jugé en fonction du résultat
souhaité (ou obtenu), ce ne sera pas automatiquement le comportement de
l'enfant qui sera remis en cause. L'éducateur et l'institution
représentent le savoir que les parents, la société,
recherchent pour « guérir » l'enfant.
La base du métier de l'éducateur est
d'accompagner, de résonner avec l'enfant dans sa propre souffrance, afin
que celui-ci puisse se construire, trouver son identité et bâtir
son propre bonheur.
4.3
L'ACCOMPAGNEMENT
L'éducateur doit essayer d'apprendre au jeune à
mentaliser, à mettre des mots sur ses ressentis afin que ceux-ci ne
provoquent pas une réaction violente. Lorsque le jeune est en crise,
nous devons tenter de remettre chaque chose à sa place avec lui. Pour
cela, il est nécessaire d'attendre un petit moment pour que la tension
qui envahit le jeune puisse retomber, car les actions en pleine crise ne
seraient peut-être pas adaptées et risqueraient d'amplifier la
révolte. Ensuite, nous nous devons de parler avec le jeune, afin de
l'aider à mentaliser, à mettre des mots sur sa souffrance, de lui
faire se rendre compte de sa réaction inadaptée et ainsi
comprendre l'élément déclencheur. De part ses
différentes actions, nous pourrons alors lui faire assumer la
conséquence de ses actes, et remettre le cadre de la loi dans notre
relation.
On peut accompagner quelqu'un pour qu'il prenne conscience de
la loi mais on ne peut l'obliger à suivre la loi. Par ceci, je veux dire
que je peux dire à un enfant qu'il n'a pas le droit de fumer dans sa
chambre, en lui rappelant le règlement interne de l'institution, afin
qu'il en prenne conscience ; mais je ne peux pas le forcer à suivre
cette règle. S'il a décidé de déroger au
règlement, la seule chose que je puisse faire est de lui donner une
sanction, qui peut-être, lui permettra d'intégrer la loi. Je ne
peux pas l'obliger, le forcer à suivre une ou plusieurs
règles.
Nous punissons la désobéissance au
règlement, mais cette sanction est susceptible de mener l'enfant
à être en colère. Cette colère peut être
légitime, il a le droit d'être en irrité, de ne pas
accepter le règlement, mais il a comme devoir de le suivre malgré
tout. Nous ne devrions pas sanctionner un enfant qui exprime son irritation,
mais l'aider à comprendre pourquoi cette sanction est donnée, et
lui rappeler les termes du règlement d'ordre intérieur de
l'institution dans laquelle il vit.
Dans les réunions, l'ensemble de l'équipe
pluridisciplinaire parle du dossier de l'enfant. Cela leur permet de voir les
tenants et les aboutissants de son évolution au sein de l'institution,
que ce soit positif ou négatif.
Chaque professionnel tient sa place par rapport à sa
spécificité. Il évalue les progrès ou les
régressions de l'enfant dans son domaine en fonction des
réactions de celui-ci avec les autres intervenants et les membres du
personnel de l'institution.
Lors de réunions, les intervenants se doivent
également de tenir compte des demandes de l'enfant. Ce dernier peut
considérer l'institution et ses intervenants comme son foyer et sa
famille. Chaque enfant est différent et vivra l'aide apportée
dans l'institution différemment d'un autre. De même, il pourra
développer des affinités particulières avec certains des
intervenants et pas avec d'autres. L'enfant peut en venir à se confier
à l'un d'eux même si l'intervenant à l'écoute de la
confidence n'est pas celui dont la profession le prédispose à
l'entendre.
L'éducateur, dans l'institution, est mené, dans
le cadre de sa profession, à parfois être le confident de
l'enfant. Sa place d'accompagnant, de soutien vis-à-vis de l'enfant,
fait que ce dernier se tournera plus facilement vers l'éducateur.
L'éducateur devra juger par lui-même si les
confidences de l'enfant doivent être transmises à ses
collègues. Parfois, cela peut être un vrai dilemme pour
l'éducateur. L'enfant qui aura confié un secret à son
éducateur ne souhaitera pas que celui-ci trahisse son secret. Mais si le
sujet est important dans le suivi de l'enfant, l'éducateur doit choisir
entre trahir le jeune en dévoilant ce savoir lors de la réunion,
et ainsi risquer de perdre la confiance de l'enfant ou alors se taire, en
prenant le risque de frustrer ses collègues et peut-être nuire
à l'évolution du dossier de l'enfant.
Nous pouvons en déduire que les éducateurs sont
des êtres de langage et de relation.
4.3.1 LA PLACE DU LANGAGE
Il y a deux catégories de langage : celui du
dictionnaire et le langage lui-même, qui n'est pas seulement quelque
chose à décoder. L'idée que nous sommes des êtres de
langage s'adresse à tout être humain. C'est dans ce cas là
que le langage et le métier de l'éducateur sont liés.
C'est le langage qui permet une relation, qui fait notre
identité ; il a une détermination directe sur notre
existence. La dimension du langage, c'est que les mots disent qui nous sommes
suivant notre façon de parler. Le fait de parler ouvre sur une certaine
intimité, découvre la personne qui parle. Cette dimension
dépasse celle du comportement. A chaque fois que nous parlons, nous
témoignons d'un lien entre l'instinct et le langage. L'instinct de
l'être humain, c'est le langage, même si cet être parlant
vient aussi du règne animal. Le langage n'a pas pris toute la place de
l'instinct, c'est l'instinct qui est traversé par le langage : il
s'agit du soma.
La différence entre l'homme et l'animal est le langage.
Chez les animaux, ce sont les signaux instinctifs (des codes) qui les font
vivre. Chez l'être humain, il ne s'agit pas d'un simple décodage
des mots. Dans l'instinct, il n'y a pas de ratage possible par rapport au
langage. L'instinct est tourné vers la vie, en comparaison avec l'homme
qui se tourne vers la destruction, le langage provoquant un ratage par le fait
que l'on ne peut rattraper une personne, une chose en parlant. Notre
qualité d'être humain nous donne la chance d'éprouver une
sorte de souffrance par rapport à l'animal, c'est le langage qui fait la
différence.
Toutes les zones de notre existence sont rendues plus
complexes par rapport au langage, le rapport à la nourriture, à
l'autre sexe, à la communication, etc.
Quand l'autre vient nous parler, il fait résonner
quelque chose en nous. C'est un peu de lui et aussi un petit peu de nous qui se
trouve dans cette parole. Quand nous parlons, on ne sait pas ce que l'autre va
entendre. Les paroles prononcées ne seront peut-être pas
interprétées par l'autre de la manière que l'on
souhaitait. Ce qui peut créer un malentendu dans la relation ou qui peut
être constructif. Ce que l'autre a capté de nos paroles peut,
peut-être, nous apprendre quelque chose de nous. Ce qui est susceptible
de créer en nous une souffrance constructive. La réflexion sur ce
malentendu peut nous permettre de nous épanouir, de nous remettre en
question. Parfois le malentendu est imposé volontairement par les
êtres de langage. Dans ce cas précis, ils ne souhaitent pas
être compris, afin de préserver leurs intimités, leurs
identités.
L'adolescent, par exemple, inventera un langage
« codé » pour établir une barrière
entre son monde et celui de l'adulte, par rapport à une mentalité
dont il ne veut pas accepter les règles. En se cachant derrière
ce malentendu, il va pouvoir construire sa vie sur ses propres
expériences et trouver sa personnalité, son identité avant
de rentrer dans ce monde d'adultes qu'il ne comprend pas encore. Il pourra
ainsi créer naturellement un lien entre lui et l'autre. Il ne cherche
pas à être compris, sinon ça serait l'équivalent de
perdre son épanouissement, l'identité qu'il se découvre
doucement et donc sa vie.
Il n'y a que la loi qui permet la structure d'une relation.
S'il n'y avait plus de loi, une parole pourrait provoquer une agression. Elle
permet de trouver l'équilibre afin que le langage mette tout le monde
d'accord. C'est en passant par la loi que le langage permet à l'individu
d'accéder à ses responsabilités.
Mais le langage a également ses défauts et ses
risques. Les risques de dérive dans notre métier sont
sous-jacents, on ne peut en prendre conscience qu'en étant
confronté à la pratique.
4.3.2 LES DÉRIVES DU
MÉTIER
Le métier d'éducateur est une profession avec de
multiples facettes. Certes, ce travail est très enrichissant,
très ouvert sur l'autre, mais demande également beaucoup de
maîtrise de soi et de tolérance envers autrui. Parfois les
éducateurs peuvent être confrontés à des faits
difficiles à accepter moralement, à de la violence tant physique
que verbale, et à de nombreux obstacles dus aux comportements, aux
ressentis, et parfois même au cadre établi. Etre éducateur,
je pense que c'est avant tout être ouvert à tous et à
toutes, quels que soient leurs qualités et leurs défauts, les
faits qu'ils aient commis, leurs erreurs ; mais ceci tout en gardant
à l'esprit l'espoir de retrouver de bonnes bases, qu'il est toujours
possible à un être humain de trouver sa place dans cette
société même si ce n'est pas si facile que certaines
personnes le pensent.
Le métier d'éducateur a un caractère
utopiste de part la motivation et le dynamisme qui peuvent être
différents en début et en fin de carrière, la
confrontation à l'humain et à l'institution qui incluent le fait
de trouver sa place et le juste milieu en tant qu'éducateur.
Lorsque l'éducateur encadre un enfant, l'accompagne, la
relation qui s'établie entre eux est susceptible d'être
bénéfique à chacun d'eux. L'accompagné peut se
sentir soutenu dans ses différentes démarches et
l'éducateur est, de part cette relation, en constante évolution
dans sa pratique. Les paroles échangées entre eux peuvent servir
à signifier quelque chose à l'un d'eux, voir aux deux ;
cette parole peut également cheminer dans le temps et, de ce fait,
mettre quelque temps à être utile.
L'éducateur est face au risque du passage de
l'éducateur au grand coeur au totalitarisme. Dans ce cas de figure, il
courre un grand danger en risquant d'ignorer l'autre. L'éducateur se
doit de tenter de ne pas imposer à l'autre son histoire personnelle, ses
désirs et sa vision des choses. L'autre doit pouvoir se construire
à partir de ce que lui-même a au fond de lui, et non à
travers son éducateur, en simulant une copie de la vie de
l'intervenant.
L'éducateur n'est pas responsable du bonheur des
autres. Pour respecter quelqu'un, on doit pouvoir lui permettre de rencontrer
la souffrance. L'éducateur lui-même doit se mettre en contact avec
sa propre souffrance afin de lui permettre de se trouver uniformément
avec ce qu'il est, ce qu'il ressent. Ce qui fait notre totalité, c'est
autant notre amour, notre colère, nos agacements, nos sentiments. La
richesse dans la relation, que ce soit pour soi-même et avec autrui, est
l'ambivalence.
L'éducateur est le garant de la loi dans l'institution,
c'est lui qui remet le règlement en avant lorsqu'un de ses jeunes le
déroge. Son rôle est de lui faire entendre la loi, faire prendre
conscience de la loi à l'enfant. Mais quand on se retrouve face à
un jeune récalcitrant, qui ne veut rien entendre de la loi, on peut se
demander comment agir pour lui faire entendre raison. Car nous ne pouvons
nullement forcer cette personne à se plier à un règlement,
quand les sanctions sont répétées et vaines.
Quand on veut absolument convaincre l'autre du bien
fondé de la loi, on risque de donner un rapport à la violence,
qu'il s'agisse d'une violence morale ou physique. On ne peut pas forcer
quelqu'un à s'interroger lui-même. La violence physique est
illégale et injustifiable et la violence morale est moins reconnue et
dénoncée (on peut l'assimiler à de l'harcèlement
moral) mais peut être apparentée à du
prosélytisme.
L'apprentissage de la frustration est nécessaire pour
montrer que tout n'est pas permis ou possible. Il est nécessaire d'avoir
été un minimum frustré. Dans une relation éducative
autoritaire, on n'aboutit pas à des personnalités authentiques,
les personnes jouent un rôle, les valeurs ne sont pas
intégrées à la personnalité. Les sujets sont
passifs, sans initiative, ils développent un sentiment d'angoisse. Les
punitions sont efficaces si elles sont justes par rapport aux actes commis.
Heureusement, l'éducateur n'est pas seul pour faire
face à tous ses risques, il est entouré et épaulé
par d'autres professionnels spécialisés.
4.4 LEUR PLACE PAR
RAPPORT AUX AUTRES INTERVENANTS
Dans une institution, nous pouvons retrouver au
côté de l'éducateur, différents spécialistes
de l'intervention chez les enfants. Il y a le directeur, les psychologues, les
éducateurs, les assistants sociaux, le personnel de maintenance et
d'entretien, etc.
Par rapport aux autres intervenants, l'éducateur n'a
pas une méthode particulière. On pourrait presque dire que
l'éducateur a un côté « bonne à tout
faire ». Il peut être sur tous les fronts
simultanément : du côté de l'enfant et,
parallèlement, en connivence avec l'équipe éducative.
Lors des réunions, l'éducateur écoute et
prend conseil auprès de l'équipe pluridisciplinaire. S'il n'a pas
réussi à imposer sa place au sein de l'équipe, il ne sera
pas écouté s'il donne son avis et ses réactions par
rapport au suivi de l'enfant. Par contre, si sa place est bien
déterminée, l'équipe pluridisciplinaire lui marquera sa
confiance en l'écoutant et en tenant compte de son avis personnel.
Lorsque toute l'équipe pluridisciplinaire a
établi sa place spécifique au sein de l'institution autour de
l'enfant, et que chacun respecte le rôle de l'autre, il y a plus de
chance de succès dans l'aide apportée. De plus, l'ambiance de
travail sera bonne et les réactions de chacun des intervenants plus
saines et efficaces lors d'un éventuel problème.
Par contre, si l'équipe n'arrive pas à
s'entendre sur les limites de chaque intervenant, l'institution devra faire
face à des frustrations, des tensions au sein de son personnel.
L'échange des données sur l'enfant lors des réunions ne
sera pas constructif et risquera de nuire à l'enfant lui-même,
donc à son évolution.
L'éducateur, dans l'institution, est mené, dans
le cadre de sa profession, à parfois être le confident de
l'enfant. Sa place d'accompagnant, de soutien vis-à-vis de l'enfant,
fait que ce dernier se tournera plus facilement vers l'éducateur.
L'éducateur devra juger par lui-même si les
confidences de l'enfant doivent être transmises à ses
collègues. Parfois, cela peut être un vrai dilemme pour
l'éducateur. L'enfant qui aura confié un secret à son
éducateur ne souhaitera pas que celui-ci trahisse son secret. Mais si le
sujet est important dans le suivi de l'enfant, l'éducateur doit choisir
entre trahir le jeune en dévoilant ce savoir lors de la réunion,
et ainsi risquer de perdre la confiance de l'enfant ou alors se taire, en
prenant le risque de frustrer ses collègues et peut-être nuire
à l'évolution du dossier de l'enfant.
Dans les réunions, l'ensemble de l'équipe
pluridisciplinaire parle du dossier de l'enfant. Cela leur permet de voir les
tenants et les aboutissants de son évolution au sein de l'institution,
que ce soit positif ou négatif. Ces réunions permettent de faire
le point sur les différents points de vue de l'équipe
pluridisciplinaire, et elles permettent à l'éducateur de faire le
lien entre l'enfant et l'équipe.
Chaque professionnel tient sa place par rapport à sa
spécificité. Il évalue les progrès ou les
régressions de l'enfant dans son domaine en fonction des
réactions de celui-ci avec les autres intervenants et les membres du
personnel de l'institution. Mais les réactions, le comportement de
chacun sont également liés à leur histoire, à leurs
ressentis ; toute réaction est subjective en fonction de la
personne. Ce qui mène à dire qu'aucun des intervenants est
complètement neutre dans la pratique de son métier.
La subjectivité de chacun pourrait être une
source de conflits mais le travail de l'un pourrait être
complémentaire dans le travail de l'autre. Elle permet à
l'éducateur de s'enrichir de l'expérience de son collègue,
à travers sa subjectivité et celle du partenaire social. Plus les
éducateurs tireront profit de ses différentes expériences,
de la subjectivité des autres, plus l'enfant en ressentira un certain
équilibre. Au contraire, si l'éducateur se cantonne uniquement
dans sa propre expérience, sans accepter la subjectivité de ses
collègues, plus l'enfant ressentira un malaise qui sera susceptible de
nuire à son épanouissement. Comme dans un milieu familial
(père et mère), la bonne entente est nécessaire puisque
l'enfant s'identifie et se construit en fonction du modèle parental, qui
peut être représenté par l'équipe pluridisciplinaire
de l'institution.
Lors de réunions, les intervenants se doivent
également de tenir compte des demandes de l'enfant. Ce dernier peut
considérer l'institution et ses intervenants comme son foyer et sa
famille. Chaque enfant est différent et vivra l'aide apportée
dans l'institution différemment d'un autre. De même, il pourra
développer des affinités particulières avec certains des
intervenants et pas avec d'autres. L'enfant peut en venir à se confier
à l'un d'eux même si l'intervenant à l'écoute de la
confidence n'est pas celui dont la profession le prédispose à
l'entendre.
5 CONCLUSION
Nous en sommes à l'heure où on recherche comment
faire pour rendre nos enfants heureux mais les excès sont bien
évidement présent. La preuve en est par le nombre croissant de
thérapies et la recherche de la solution miracle, pour irradier les
différents symptômes.
Les termes « troubles obsessionnels
compulsifs » et « troubles du comportement
alimentaire », par exemple, sont des termes qui enferment le sujet
dans des concepts simplistes et réducteurs. Certes, le symptôme
sera éradiqué, mais les causes profondes de la souffrance ne
seront toujours pas perçues par le sujet, qui demeurera toujours dans
une ignorance totale quant à son fonctionnement psychique. Un
symptôme qui n'a pas été compris en profondeur se
manifestera à nouveau sous une forme ou une autre. Les causes de
l'hyperactivité, qui est un mot dénué de sens, sont tout
à fait autres que ce que ce concept ne le laisse entrevoir. Les causes
profondes ne peuvent être perçues si, avant même de
recevoir le patient, le thérapeute lui a déjà
conceptualisé son problème. Votre enfant a un comportement qui
correspond à l'hyperactivité, il est donc hyperactif. Il n'y a
eu, dans ce contexte, aucune place à l'écoute et à la
souffrance. Il n'y a eu qu'un personnage qui, tel un ordinateur savant, a
posé un diagnostic rudimentaire et réducteur.
La psychologie se distingue donc sans conteste de l'image qui
est véhiculée dans les médias actuellement. Le
comportementalisme s'inscrit dans une époque où seules les
démarches pouvant mener à un bonheur futile, illusoire et
immédiat sont mises en exergue. Nous sommes dans l'ère du
coaching, de la quête du maître, de celui qui nous aidera et nous
guidera. Toutes ces démarches s'inscrivent corrélativement dans
un investissement de plus en plus important de l'homme dans le matériel,
tout en manifestant de plus en plus d'exigences au niveau de ses désirs,
au détriment de l'être qui lui se trouve réifié
chaque jour davantage.
L'essentiel reste de savoir comment l'enfant peut parler des
difficultés auxquelles il se heurte. Dans le choix actuel de notre
société, l'enfant, traité comme un corps dérangeant
à rééduquer, à réadapter, à
guérir chimiquement, demeure le grand absent. On doit se rendre à
l'évidence que la place qu'il occupe et ce qu'il a à dire de son
histoire singulière n'intéressent pas. Ce qui constitue le
paradoxe de notre société actuelle où le discours ambiant
tendrait à nous faire croire l'inverse et dans laquelle l'enfant roi est
susceptible de tout entendre !
« Pourquoi avons-nous si peur du jugement
critique des enfants, alors qu'ils ne deviendront jamais eux-mêmes s'ils
n'ont pas critiqué leurs parents, soumis aux mêmes lois
qu'eux ? »23(*)
Les parents craignent les réactions de l'enfant. Chacun
connait la loi qui le concerne, même les enfants qui l'ont apprise
à l'école, ou par des campagnes d'information. Les parents, ont
de ce fait là, la crainte, que s'ils se montrent « trop
autoritaires », que l'enfant puisse en parler autour de lui et qu'ils
soient étiquetés comme « mauvais
parents ».
Mais ils ont surtout la crainte de perdre leur objet d'amour.
En étant autoritaire, ferme sur leurs décisions en contradiction
avec leur enfant, celui-ci pourrait cesser de les aimer et prendre son
indépendance d'une manière ou d'une autre.
L'enfant, qui de nos jours est le centre de
l'intérêt, pour lequel on sacrifie beaucoup de chose pour faire
son bonheur, que l'on désire protéger des malheurs, de la
souffrance, risquerait de nous tourner le dos et de couper les ponts.
« Perdre l'objet d'amour », vous n'avez
jamais entendu ça ? Si bien sûr, mais le plus souvent
lorsqu'on vous parle d'un enfant qui craint de perdre l'amour de ses parents.
Comme si les parents retournaient en enfance, un retour à leurs
origines. Ne serait-ce pas justement parce qu'on responsabilise de trop
l'enfant, qu'il est porteur de tant d'intérêt que les parents
retrouvent des réactions enfantines ? On pourrait presque penser
qu'il y a eu un échange des rôles adulte/enfant !!!!
Que dire de cette hyper-protection de l'enfant ? Celui-ci
ne risque-t-il pas d'être face, plus tard dans la vie, à des
problèmes que ses parents ne pourront pas résoudre ? Ne
sera-t-il jamais confronté à la réalité de la
vie ? Avons-nous oublié, dans notre dévouement la raison
principale de l'éducation ?
Ils ont besoin de stabilité, de règles, de
références pour leur avenir, de savoir faire la différence
avec leur futur enfant, pour leur vie sociale, leur équilibre.
A force de toujours vouloir placer l'enfant au centre des
préoccupations, n'aurait-on pas falsifié le développement
de celui-ci ?
L'enfant, sous le couvert de toutes ces lois, et de la
reconnaissance de la psychologie de l'enfant, n'a-t-il pas
bénéficié de trop de pouvoir ? N'a-t-il pas perdu sa
place d'enfant en étant très souvent considéré
comme l'égal d'un adulte ?
« N'est-ce pas l'exagération d'une
certaine conduite éducative qui consiste à tenter de nous montrer
toujours sous notre meilleur jour plutôt que de parler et d'assumer nos
faiblesses ? »24(*)
En effet, dans la société actuelle, beaucoup de
choses sont en lien avec le semblant. Il faut toujours « avoir
l'air » d'être bien, bien élevé, poli, conforme
aux règles. L'erreur ne semble plus permise.
Or, quand on se rend compte d'une de nos faiblesses, on ne
peut l'avouer ou on ne le veut pas. Perdre la face serait une catastrophe. Que
penserait l'opinion publique et surtout comment nos enfants pourraient accepter
l'idée que leurs parents n'arrivent pas eux-mêmes à
être parfait alors qu'ils les poussent, eux encore enfants et innocents,
sans responsabilité, à être bon à l'école,
à montrer qu'ils sont bien élevés, bien
intégrés dans la société, etc.
Il faudrait peut-être accepter l'idée que
l'être humain parfait n'existe pas et n'existera jamais. Du moins tant
qu'il s'agira de vrais êtres humains et non de robots. La
société actuelle recherche la perfection de ses citoyens. Chaque
pays souhaite être le meilleur, la référence par rapport
aux autres pays. N'y-a-t-il pas des concours, des études, des
statistiques et des analyses de résultats de l'éducation, de la
santé mentale et physique, de l'économie même parfois sous
la fausse preuve d'intérêt politique mondiale sur le
réchauffement planétaire pourtant crucial ?
Je n'ai pas désiré faire, dans mon travail de
fin d'études, une comparaison entre différents pays. Que ce soit
la Belgique, la France, les pays scandinaves, ainsi que tous les autres pays
industrialisés, tous rencontrent le problème de
l'éducation. Mais mon refus se situe surtout au niveau de la
compétition mondiale qu'ils se font afin de savoir qui est le meilleur,
qui a développé le meilleur système d'éducation,
les meilleures méthodes pédagogiques, etc.
A mes yeux, ces compétitions faussent
complètement l'intérêt de notre évolution sociale.
L'éducation de nos enfants n'est pas un enjeu financier mais
l'expression d'une volonté humaine de construire des relations
sûres et durables.
Prendre le temps de s'occuper d'un enfant. Ce ne sont pas la
télévision, les jeux vidéos, etc. qui le feront
évoluer. C'est la promiscuité, l'échange, la
complicité avec sa famille qui lui permettront d'ouvrir grand ses yeux
sur le monde. Il sera curieux de découvertes, de connaissances, et
trouvera toujours une envie d'avancer. Un désir derrière lequel
il sera toujours en train de courir.
Nous sommes arrivés à un tel point de
difficultés de langage, en français notamment, que les
professionnels de la langue française ont décidé de
simplifier la langue : en supprimant certains accents, en modifiant
certaines règles (le « s » de mathématique(s)
par exemple). En faisant cela, en s'adaptant à la nouvelle
génération en difficulté, ne fait-on pas un affront aux
racines de notre langue ? N'oublie-t-on pas l'histoire de nos mots et, par
la même occasion, notre histoire ? En adaptant et en facilitant
l'apprentissage, faisons-nous réellement un acte bénéfique
pour les enfants ? Ne leur simplifie-t-on pas, une fois de plus, la vie en
écartant les obstacles (pourtant bénéfiques à la
construction de l'identité).
Il ne faudrait pas élever nos enfants de la même
manière que nous avons été élevé, ni vouloir
leur inculquer nos connaissances, notre savoir ; ils sont nés dans
un monde différent de celui où l'on est né, c'est une
génération différente de la nôtre.
Ne pas être pressé de les voir grandir, ne pas
tout faire pour qu'ils sachent tout, tout de suite. Il faudrait leur laisser le
temps de grandir à leur rythme, afin de favoriser leur
épanouissement personnel.
En tant que future éducatrice, je souhaite avant tout,
par l'intermédiaire de ce travail, ne pas me retrouver dans certaines
situations décrites, comme dans le rôle de l'éducateur
totalitaire, par exemple. Dans ce métier, il me semble que la place la
plus importante doit être donnée à la tolérance, qui
permet d'accepter les autres comme ils sont, malgré leurs faits et
gestes, et de toujours croire que l'erreur est humaine, qu'une seconde chance
existe, et que tout à chacun est libre de choisir sa voie.
Ce travail de fin d'études pourrait ne jamais
être terminé. Il y a de nombreux sujets que je n'ai pas
abordés, d'autres que je n'ai pas approfondis. Il ne m'était pas
possible de tout regrouper dans ce travail, et dans une même idée,
le nombre de pages dans ce cas-là aurait fait fuir le lecteur. Les
sujets que j'ai ainsi abordés sont une sorte d'exemple pour illustrer
mon propre ressenti vis-à-vis de l'éducation face à la
société.
Puissions-nous toujours être en harmonie avec notre
conscience.
« Etre libre, ce n'est point pouvoir faire ce
que l'on veut, mais c'est vouloir ce que l'on peut. »
Jean
Paul Sartre
6 BIBLIOGRAPHIE
6.1 COURS
- Cours de 1ère année (2006 - 2007)
-Didactique
- Cours de 1ère année (2006 - 2007)
-Psychologie générale
- Cours de 1ère année (2006 - 2007) -
Psychologie générale
- Cours de 1ère année (2006 - 2007)
et 2ème année (2006 - 2007) - Pratique
professionnelle
- Cours de 1ère année (2006 - 2007) -
Créativité
- Cours de 2ème année (2006 - 2007) -
Analyse des phénomènes de société
- Cours de 2ème année (2006 - 2007) -
Communication sociale
- Cours de 2ème année (2006 - 2007) -
Education spécialisée
- Cours de 3ème année (2007 - 2008) -
Analyse des phénomènes de société - Travaux de
groupe
- Cours de 3ème année (2007 - 2008) -
Analyse comparée des systèmes éducatifs
- Cours de 3ème année (2007 - 2008) -
Pédagogie comportementale - Travaux de groupe
- Cours de 3ème année (2007 - 2008) -
Communication sociale
6.2 LIVRES
- C'est pour ton bien, racines de la violence dans
l'éducation de l'enfant - Alice Miller - Editions Aubier - 1983
- Michel De Montaigne - Les essais - 1595 - Textes
français et Histoire littéraire - Edition Fernand Nathan - 1984
- Ces enfants qu'on sacrifie...au nom de la protection de
l'enfance - Maurice Berger -Editions Dunod - 2005
- L'enfant en miettes - Pierre Verdier - Edition Dunod -
2001
- Enfants-rois, plus jamais ça - Christiane Olivier -
Editions Albin Michel - 2002
- De l'enfant roi à l'enfant tyran - Didier Pleux -
Editions Odile Jacob - 2002
- Outsider. Etudes de sociologie de la déviance -
BECKER, Howard - Métaillié - Paris - 1985 (Ed originale 1963)
- Malaise dans la protection de l'enfance : la violence
des intervenants - Catherine Marneffe -Temps d'arrêt - Editions Henry
Ingberg - 2004
- Ce qui fait grandir l'enfant - Maurice Nanchen - Editions
Saint-Augustin - 2002
6.3 INTERNET
- Apprendre l'autonomie, apprendre la socialisation CHRONIQUE
SOCIALE 1987 - Marie Agnès Hoffmans-Gosset
- La famille et l'école : L'enfant au centre des
relations école-famille - Article publié dans Le Point sur la
Recherche en Education N° 21 - Décembre 2001
- Les enfants tyrans : Article
« Enfants-tyrans : quand les parents
capitulent ! » - Doctissimo - 2007
- Centre lexical de ressources textuelles et lexicales -
http://www.cnrtl.fr/
- Les risques de l'assistance : La Défenseure des
enfants - Rapport thématique 2007 : "Adolescents en souffrance :
plaidoyer pour une véritable prise en charge"
- Observatoire français des drogues et des toxicomanies
- enquête ESPAD 2005.
- Risques et conduites suicidaires de l'enfant et de
l'adolescent - Pr Duverger, Dr Malka
* 1 Cité par Alice
Miller - C'est pour ton bien, racines de la violence dans l'éducation de
l'enfant- Page 28
* 2
Montaigne
(1533 - 1592)
* 3 La Défenseure des
enfants - Rapport thématique 2007 : "Adolescents en souffrance :
plaidoyer pour une véritable prise en charge"
* 4 Edwige Antier, Vive
l'éducation, page 14
* 5 Ces enfants qu'on
sacrifie...au nom de la protection de l'enfance - Maurice Berger - Page 15
* 6 La Défenseure des
enfants - Rapport thématique 2007 : "Adolescents en souffrance :
plaidoyer pour une véritable prise en charge"
* 7 « L'enfant en
miettes » de Pierre Verdier, édition Dunod, 2001
* 8 Christiane Olivier,
« Enfants rois, plus jamais ça ! »
* 9 Christiane Olivier,
« Enfants rois, plus jamais ça ! »
* 10 Apprendre l'autonomie,
apprendre la socialisation CHRONIQUE SOCIALE 1987
* 11 Edwige Antier, Vive
l'éducation, page 73
* 12 La Défenseure
des enfants - Rapport thématique 2007 : "Adolescents en souffrance :
plaidoyer pour une véritable prise en charge"
* 13 Cité dans
l'article « Enfants-tyrans : quand les parents
capitulent ! » de Doctissimo
* 14 Edwige Antier, Vive
l'éducation, page 52
* 15 Edwige Antier, Vive
l'éducation, page 69
* 16 Maurice Nanchen,
psychothérapeute, « Ce qui fait grandir l'enfant».
Editions Saint-Augustin, 2002
* 17 Catherine Marneffe
« Malaise dans la protection de l'enfance : la violence des
intervenants, page11
* 18 Pr Duverger, Dr Malka,
Risques et conduites suicidaires de l'enfant et de l'adolescent.
* 19 Observatoire
français des drogues et des toxicomanies, enquête ESPAD 2005.
* 20 La Défenseure
des enfants - Rapport thématique 2007 : "Adolescents en souffrance :
plaidoyer pour une véritable prise en charge"
* 21 Centre lexical de
ressources textuelles et lexicales
* 22 Montaigne 1553-1592
"Essais"
* 23 Caroline Eliachefff,
« à corps et à cris » « être psychanalyste
avec les tout-petits »
* 24 Caroline Eliachefff,
« à corps et à cris » « être
psychanalyste avec les tout-petits »
|