Auxiliaires médicaux et médecins africiains au Togo sous domination coloniale: 1884-1960( Télécharger le fichier original )par Zinse Emmanuel MAWUNOU Université de Lomé - Maitrise 2006 |
CHAPITRE QUATRIEME : L'émergence d'un véritable personnel médical autochtone au Togo : 1920 : 1922Le début des années 1920 inaugura une nouvelle ère pour la profession médicale au Togo. Les bouleversements de la guerre et les coups reçus par les agents de santé avaient connus de nouvelles réformes. Ces réformes avaient été introduites par la nouvelle administration française qui venait à peine de prendre officiellement la charge du Togo. Elles avaient touché tous les aspects de la santé à savoir : les agents, leur hiérarchie, les soldes ou salaires, les conditions de travail et autres. Ces réformes encore appelées organisations redressèrent petit à petit les auxiliaires médicaux et jetèrent les bases d'un futur corps médical autochtone encore plus compétant que le précédent formé par les Allemands. Quelle a donc été cette nouvelle organisation qui donna un nouveau souffle à la profession médicale à partir de 1920 ? Quelles ont été les actions ou dans un large mesure les résultats de cette organisation sur les agents de santé autochtone togolais ? 1 La réorganisation de la profession médicaleAprès les revers de la guerre de 1914-1918 les Français s'étaient attelés à réorganiser la profession médicale qui connut de profondes blessures. Quelles ont été les raisons profondes de cette réorganisation et les premières réformes qui ont été introduites dans ce domaine ? 1-1- Les raisons de la réorganisation du corps des agents de santé Comme nous l'avions dit plus haut, les activités médicales avaient connu une crise au Togo à cause du déclanchement de la première guerre mondiale et surtout du départ des Allemands qui en furent les cadres. Arrivés, les Français s'étaient trouvés dans la nécessité de réorganiser la profession médicale. Les raisons de cette réorganisation furent nombreuses. Les premières raisons furent les problèmes nés de la guerre. En effet, la guerre a été la principale cause du départ des Allemands qui avaient sous leur ordre des auxiliaires médicaux autochtones. C'est pourquoi à leur départ ces autochtones avaient eu du mal à se mettre dans les conditions de la guerre pour lesquelles ils ne s'étaient jamais préparés. Même pendant la guerre et durant l'occupation la priorité des Français n'était pas d'assurer leur encadrement mais de répondre aux efforts de guerre et préparer les populations pour la future mise en exploitation du territoire. D'ailleurs, tous les auxiliaires médicaux de la période allemande n'avaient pas collaboré avec les Français dès leur arrivée. La plupart était écarté pour leur intérêt pour les Allemands et les quelques éléments qui étaient recrutés le furent après leur reconversion au Français (Assima-Kpatcha 2004 : 45). Ensuite nous devons insister sur le fait que la guerre avait renforcé le problème de déficit de personnel médical qui existait même au temps des Allemands. A ce problème de personnel s'ajoutait celui de l'insuffisance de formations sanitaires et aussi des problèmes financiers (Alonou 1994 : 33). Enfin il faut atteindre régulièrement les populations qui jusque là n'avaient que peu de contact avec la médecine moderne ou qui n'en avaient pas du tout. Toutes ces populations, les Français en auront besoin pour étendre et asseoir leur domination ; c'est pourquoi les soigner était parmi les priorités français. C'est de cette idée que naîtra la médecine mobile (que nous verrons en détail plus loin) qui exerçait dans les régions les plus reculées des centres administratifs (Alonou 1994 :33). Toutes ces raisons et contraintes avaient conduit les Français à penser à une réforme à partir de 1920.
Elles avaient pour but de donner au service de santé et à son personnel un nouveau souffle après la vague de tergiversation qu'ils venaient de traverser. Toutefois, précisons que ces réformes furent de moindre ampleur jusqu'en 1922. Elles touchèrent cependant la hiérarchie, les soldes et les conditions de recrutement et étaient généralement issues des arrêtés. Sur la fixation de la hiérarchie, ce fut un arrêté du 8 novembre 1920 qui l'instaura (Assima-Kpatcha 2004 : 47). Cet arrêté ne définissait pas clairement la hiérarchie des agents de santé et les sources dont nous disposons ne nous ont pas permis de la définir avec précision. Néanmoins selon l'arrêté n° 32 du 10 septembre 1920 il y eut des classements aux titres d'aides médecins de première et de troisième classe, d'infirmiers de deuxième et de troisième classe, d'infirmiers stagiaires et d'élèves infirmiers. A cette date deux personnes furent dans le premiers cas ; deux dans le deuxième ; trois dans le troisième et douze dans le derniers cas. Ces classements seraient probablement liés à leur ancienneté (surtout les Dahoméens et certains auxiliaires des Allemands) et à leur niveau d'instruction. Ce même arrêté du 8 novembre 1920 qui fixait la hiérarchie définissait aussi les soldes. L'échelle des soldes variait entre 6 000 francs par / an et 1200 francs/ an. Il existait, en outre, un surveillant d'hygiène de sixième classe rémunéré à 1300 francs / an et un autre de première classe dont la solde était de 1100 francs / an14(*). Cette grille salariale avait beaucoup varié dans le temps. D'autres arrêtés modifièrent celui du 8 novembre 1920, notamment l'arrêté du 7 octobre 1924 qui entra en vigueur le 1er janvier 1925 (Assima-Kpatcha 2004 : 151). Concernant le recrutement des agents de santé, il fut très bouleversé au début à cause des aléas que le service de santé a connu. Mais mises à part les embauches opérées durant la période d'occupation, des critères plus rigoureux furent introduits à partir à partir de 1922 grâce aux textes dont nous venons de citer quelques-uns. Mais d'après Marguerat (1992 : 161) il semble que le recrutement des sages-femmes (pourquoi pas des infirmiers ?) avait commencé déjà à partir de 1920 puisque la toute première promotion de sages-femmes togolaises était sortie de sa formation de Dakar en 1923 (Marguerat 1992 : 161 ; Assima-Kpatcha 2004 : 151). Mais d'une manière générale, c'est à partir de 1922 que les profondes réformes avaient commencé à être opérées. Toutefois sous les Français, ces premiers agents de santé avaient d'une manière ou d'une autre eu à accomplir certaines actions. Ce personnel médical de toute façon profita de cette réforme. * 14 Arrêté du 17 février 1921 portant classement du personnel indigène du cadre local du Service de Santé (J.O. du 1er mars 1921, p.21). |
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