Auxiliaires médicaux et médecins africiains au Togo sous domination coloniale: 1884-1960( Télécharger le fichier original )par Zinse Emmanuel MAWUNOU Université de Lomé - Maitrise 2006 |
2 - Le personnel médical et les nouvelles innovationsLe personnel médical était relativement considérable à cette époque. Elle était composée sans doute de personnel européen et surtout de personnel indigène. Leurs actions étaient nombreuses et c'étaient d'elles que naîtront de nouvelles innovations. D'abord voyons comment était composé le personnel médical. 2-1- Le personnel médical Généralement, nous pouvons distinguer deux types de personnels :le personnel européen et le personnel autochtone. 2-1-1 Le personnel médical européen et ses activités. Le personnel sanitaire européen était composé de médecins militaires, de pharmaciens militaires, d'infirmiers militaires ; ils étaient soit des médecins généralistes, soit des médecins spécialistes (Alonou 1994 : 35). Le rôle des médecins européens était surtout un rôle de direction et de contrôle, ayant leur centre d'action au chef-lieu de la circonscription sanitaire. Ils avaient la haute main sur l'hôpital indigène ; mais, en général, ils se bornaient à y assurer un service technique de médecin consultant de façon à n'aliéner ni leur liberté, ni leur mobilité et à pouvoir, par des tournées fréquentes, suivre le personnel local, le conseiller, l'encourager et empêcher toute défaillance (Alonou 1994 : 36 ; Gayibor 2004 : 583). Concernant les médecins spécialistes, ils étaient en principe utilisés dans les colonies suivant leur spécialité et au mieux des intérêts et des nécessités du service médial outre - mer. Pendant des années, le corps de santé coloniale, qui a été pionnier de l'assistance indigène dans toutes les colonies, restait insuffisant pour accomplir une tâche efficace et durable. Pour lui permettre de faire face à de multiples fonctions, particulièrement importantes en Afrique, des mesures furent prises pour intensifier son recrutement. Malgré toutes ces mesures l'insuffisance du personnel français resta grande. Pour y remédier, il fut envisagé le concours des médecins togolais pour remplir les fonctions d'adjoint sous les ordres et le contrôle des médecins français (Alonou 1994 :36 ; Assima - Kpatcha 2004 :153). Le tableau suivant fait apparaître l'insuffisance du personnel médical européen et l'accroissement du personnel africain. Tableau N°2 : Nombre de postes médicaux et effectifs du personnel européen et africain de 1922 à 1927.
Source : Cornevin 1988 : 275 Dans ce tableau on constate une hausse continue du personnel européen et africain de même que du nombre de postes. Concernant le dernier en constate une hausse des effectifs de 88,06% entre 1922 et 1927. Précisons par ailleurs que pendant cette période, le personnel africain n'était pas composé seulement des Togolais mais aussi d'autres médecins venus de l'AOF et surtout du Dahomey. Mais toujours est - il que le personnel européen était aidé dans ses tâches par le personnel indigène c'est - à - dire autochtone.
En dehors des médecins européens, on notait à partir de l'entre - deux - guerres des médecins africains, appelés ainsi en comparaison des premiers, qui, seuls avaient le titre de docteurs. Parmi eux nous pouvons citer les docteurs Hospice Coco, Samuel Johnson, Trenou, Robert Fiadjoe (Marguerat et Péléi 1992 :122 ; Gayibor 2005 :584t1). On peut également citer les premières sages - femmes comme Bekea, Kponton, Adigo. Ce personnel représentait les éléments d'exécution essentiels dont l'action auprès des populations fut incessante. Ayant des affinités de langue ou parlant le même dialecte, connaissant la mentalité, les préjugés et les traditions, il représentait le meilleur moyen de pénétration et de persuasion, et c'est surtout par lui que les indigènes devaient apprendre à lutter contre les endémies et d'autres maladies (Alonou 1994 : 36). La place des sages - femmes était dans les dispensaires et les centres de consultation pour les examens à effectuer et les conseils à donner. Elles y pratiquaient les accouchements et y introduisaient les notions de puériculture. Les gardes sanitaires étaient chargés de la surveillance des mesures d'hygiène et de salubrité. Les médecins africains quant à eux étaient employés comme auxiliaires dans les hôpitaux et dispensaires disponibles sur toute l'étendue du territoire (Carte n°1). Le rapport annuel de 192318(*) précisait que ce personnel rendait d'excellents services. Certains médecins auxiliaires qui faisaient preuve d'une bonne instruction médicale suppléaient jusqu'à un certain point les médecins européens dans les dispensaires et lors de certaines tournées (Assima-Kpatcha 2004:153). Les aides médecins et les infirmiers dont quelques-uns avaient de 20 à 25 ans de service étaient aussi expérimentés que dévoués .Grâce à ces qualités, les dispensaires annexes qui étaient confiés à de simples aide médecins et infirmiers indigènes sous la surveillance des médecins- chefs des cercle fonctionnaient très bien. Les sages-femmes diplômées de l'école de Dakar et les infirmières étaient des plus utiles pour les soins aux accouchées, aux nourrissons et aux femmes malades. Elles pénétraient plus facilement que les médecins européens dans les familles indigènes pour faire des accouchements, pour donner des conseils aux jeunes mères et surveiller l'alimentation et l'hygiène des nouveaux-nés (Marguerat et Péléi 1992 : 163 ; 165). Ainsi, les tâches du personnel médical autochtone consistaient à maintenir sur le territoire des conditions sanitaires acceptables, c'est-à-dire soigner la population, à la vacciner, à dépister les maladies, à lutter contre les épidémies et les endémies, à veiller au maintien des conditions hygiéniques adéquates. C'est en fonction de tous ces éléments que les effectifs des personnels européens et surtout africains ont considérablement évolué entre 1928 et 1931 comme nous le montre le tableau suivant. Tableau N° 3 : Nombre de postes médicaux et des effectifs des personnels européens et africains de 1928 à 1931
Source : Cornevin 1987 : 275 Il est à constater dans ce tableau la hausse continue aussi bien du nombre de postes (+75 %) que des effectifs du personnel médical africain (+47,82 %) et européen (+66,66 %) entre 1928 et 1931 (Assima - Kpatcha 2004 : 299). La relation entre les « Dakarois » et les auxiliaires formés au Togo était au début un peu désagréable avant de se normaliser par la suite. Sur ce, voici le témoignage qu'en livre le Docteur Mikem (cité plus haut) : « La solidarité dans le travail ne s'est pas instaurée immédiatement. C'est avec le temps, petit à petit, qu'on s'est familiarisé, car, quand nous sommes arrivés, il y avait des anciens infirmiers qui faisaient fonction d'assistants des médecins de l'époque, et qui travaillaient très bien. Il y a eu des noms célèbres comme les Kpadénou, les Adigo, qui ont été des infirmiers réputés dans le temps, qui assistaient vraiment correctement les médecins dans leur travail ! Quand nous étions arrivés, il est vrai que l'entente ne s'est pas établie tout de suite, mais, petit à petit, on a appris à se tolérer, et l'entente a fini par prédominer.»(Marguérat et Péléi 1992 :153). Ces petits problèmes entre personnel togolais n'étaient pas de taille à compromettre la qualité de leurs prestations. Ces prestations se sont élargies avec de nouvelles innovations. 2-2-Les nouvelles in novations Ces innovations dont nous ferons cas concernent deux principaux services mis au point à l'endroit des indigènes et dont les principaux agents étaient les agents de santé togolais toujours dirigés par les Européens : c'étaient la médecine mobile et l'oeuvre de berceau. 2-2-1- La médecine mobile Ce service, crée par l'arrêté du 27 novembre 1923 avait pour but de porter les bienfaits de l'Assistance médicale dans les régions éloignées des postes pourvus de médecins.19(*) Un médecin fut chargé de ce nouveau service et passait un mois environ dans chaque circonscription médicale. Le service mobile exerçait dans les régions les plus éloignées des centres administratifs (Sokodé, Bassari, le pays Cabrais, Sansanné-Mango, les cantons Konkombas dans le Nord et dans le Sud les cercles de Lomé et d'Anecho ; la région montagneuse d'Akposso, Tététou et Sagada)20(*), en liaison étroite cependant avec les postes médicaux sur lesquels il dirigeait les malades les plus gravement atteints (Alonou 1994 : 33). Les médecins mobiles profitaient pour visiter les principaux centres les jours de marché où l'affluence était particulièrement considérable. Afin de faciliter leur tâche, les Administrateurs prévenaient à l'avance leurs administrés de la visite du médecin en les invitant à rassembler les malades au lieu et à l'heure de la consultation. Par ces consultations, les médecins soignaient un grand nombre d'individus, distribuaient de la quinine, et aussi donnaient des conseils d'hygiène et de puériculture. D'autres maladies comme la lèpre, la maladie du sommeil, la , le syphilis et le parasitisme intestinal étaient dépistés. En outre, les médecins mobiles donnaient aux chefs et aux notables d'utiles conseils sur l'assainissement des villages, la destruction des larves de moustiques dans les réservoirs d'eau, l'assèchement des mares, le débroussaillement, l'établissement de margelles autour des puits, les soins aux nouveaux-nés...(Alonou 1994 : 34). Cette médecine dite mobile était l'une des innovations de la période mandataire ; une autre innovation est l'oeuvre de berceau. 2-2-2- L'OEuvre du Berceau L'autorisation de la création de L'OEuvre du Berceau a été possible grâce à l'arrêté en date du 22 mai 192421(*). Cet arrêté autorisait au fait la création à Lomé d'un Comité de la Croix-Rouge française, dépendant de l'Union des Femmes de France et ayant pour but l'assistance aux mères et aux nourrissons indigènes.22(*) L'OEuvre du Berceau était donc une organisation privée qui était chargée d'effectuer le redressement nécessaire en ce qui concerne les mesures de présentation et de protection de la première enfance. Fondée par les femmes européennes, l'OEuvre du Berceau était sous le patronage de l'épouse du Gouverneur Bonnecarrère et rattachée au siège central à Paris. L'un des éléments essentiels de cette organisation était la construction des maternités. La première fut construite en 1925 à Lomé. Une annexe de l'OEuvre du Berceau était créée à Aného en 1927 ; l'année suivante ce fut à Kpalimé que cette oeuvre s'étendit. Les villes d'Atakpamé et Kara connurent chacune la construction d'une maternité par la progression de l'oeuvre en 1929-1930 (Gayibor 2005 : 593t1). Ces différentes maternités ajoutées à celle qui furent créées par l'administration avaient enregistré les données contenues dans le tableau suivant : Tableau N° 4 : Nombre d'accouchements pratiqués dans les maternités
Source : Gayibor 2005 : 593t1 Des résultats de l'oeuvre avaient été satisfaisants ; ce qui explique l'augmentation du nombre d'accouchements chaque année d'une manière très considérable. A part ces accouchements, l'oeuvre faisait également les consultations au cours desquelles les mères amenaient leurs enfants qui étaient examinés par un médecin puis immatriculés dans un registre muni du livret de nourrisson. Ce livret contenait l'état civil de l'enfant, les observations faites à la naissance, la courbe du poids pendant les premières années et le résumé des consultations. Ces consultations sont résumées dans le tableau suivant : Tableau N° 5 : Nombre de consultations
Sources : Gayibor 2005 : 294t1 Ces chiffres contenus dans le tableau nous témoignent l'effectivité de la tâche accomplie par les sages-femmes au Togo sous mandat administré par la France. Précisons toutefois que ces sages-femmes qui avaient travaillé dans le service du Berceau n'étaient pas toutes françaises. En effet, elles étaient les principales directrices des activités mais étaient aidées par des sages-femmes africaines. Ces dernières étaient composées aussi bien des femmes ressortissantes des pays de l'AOF mais surtout du Dahomey (Le Bénin actuel) et des premières sages-femmes togolaises formées à Dakar car la toute première promotion de sages femmes du Togo en était sortie en 1923 (Marguerat et Péléi 1992:161). Elles devaient donc faire partie des sages - femmes de L'OEuvre du Berceau. D'une manière générale, la période de mandat du Togo sous la France correspondant à la période de 1922 - 1946 était une période de profondes mutations. Ces mutations ne touchaient pas seulement les nouvelles dispositions sur le recrutement des auxiliaires médicaux mais aussi leur formation prit de nouvelles orientations. La même période donna aussi naissance à un nouveau corps d'agent de santé autochtone qui est les médecins africains, les sages - femmes, les infirmiers. Ce nouveau corps était techniquement plus formé que le premier. Il n'était pas formé au Togo comme c'est le cas des auxiliaires médicaux mais pour la plupart à Dakar, capitale de l'AOF. Des innovations marquaient également cette période. Nous avions énuméré deux services sociaux rattachés à la santé qui furent créés pour le bien des populations indigènes. C'étaient la médecine mobile et L'OEuvre du Berceau. Ces services marquèrent de leur sceau la vie des Togolais par les nombreux rôles qu'ils avaient joué dans cette société. Mais à partir de 1945, le Togo changea de nouveau son statut, ce qui marqua également le corps des auxiliaires médicaux et des médecins africains. CHAPITRE SIXIEME: Les auxiliaires médicaux et les médecins africains au temps de la tutelle: 1946 - 1960. La période allant de 1946 à 1960 est celle qui correspond à la période de tutelle de la France sur le Togo. En effet, c'est à partir de 1946 que le TOGO passa du statut du mandat de la SDN pour celui de la tutelle de l'ONU. Ce nouveau statut, bien que différent du précédent de part ses recommandations vis- à - vis de la France, n'avait pas assez marqué le corps des agents médicaux autochtones. Cependant, certaines dispositions nouvelles avaient été prises. Quelles furent ces dispositions qui marquèrent la fin de la colonisation française au Togo sur les auxiliaires médicaux et les médecins africains? Quel est enfin l'état général de ces agents de santé autochtones? * 18 Rapport annuel à la SDN 1923 p37 * 19 Rapport annuel à la SDN, 1924 : 45 * 20 Idem * 21 Rapport annuel à la SDN, 1924 : 44 * 22 Rapport annuel à la SDN, 1924 : 44. |
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