UNIVERSITE DE LOME ANNEE UNIVERSITAIRE
Lomé- TOGO 2006 - 2007
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE
MEMOIRE POUR L'OBTENTION DE LA MAITRISE
ES-LETTRE
Option : HISTOIRE
COMTEMPORAINE
THEME :
AUXILIAIRES MEDICAUX ET MEDECINS
AFRICAINS AU TOGO SOUS DOMINATION COLONIALE :
1884- 1960
PRESENTE PAR :
DIRIGE PAR :
MAWUNOU Zinsê ASSIMA-KPATCHA
Essoham
Maître - Assistant en
Histoire contemporaine
INTRODUCTION GENERIALE
«Il vaut mieux,prenant la vérité
pour guide, attendre sa récompense de la postérité que de
nous livrer à la flatterie pour plaire à nos contemporains.Telle
est la règle,tel est le fil à plomb d'une HISTOIRE bien
écrite.»
LUCIEN de Samosate.
Partout dans le monde où la colonisation a eu à
s'affirmer, les Européens avaient non seulement exploité les
colonies mais aussi les forces de production dans le but d'accroître leur
profit (Sarraut 1923 : 94).
Cette logique n'épargne pas les colonies
européennes d'Afrique et même le territoire qui, en 1884,
deviendra TOGO en était victime. Entretenir les forces productrices
c'est-à-dire la main-d'oeuvre sous-entend la présence d'agents
capables, ou ayant du moins les notions élémentaires pouvant
encadrer et apporter aux colonisés les moindres satisfactions en cas de
maladies ou accidents. C'est ainsi que les Togolais avaient
« bénéficié de la médecine
moderne » selon les termes de Tolgou (1998 :32).
Toutefois, comme nous le disons plus haut,
« l'enseignement et la santé sont deux services qu'on peut
qualifier de sociaux même si dans la réalité leurs actions
étaient orientées de sorte qu'elles profitent aux colonisateurs.
Ils furent mis en oeuvre dans le but de soigner les autochtones pour
accroître les potentialités en main-d'oeuvre et de les former pour
qu'ils travaillent dans le sens des intérêts
coloniaux. » (Assima-Kpatcha 2004 :142).
Les débuts de la médecine moderne au Togo
étaient d'abord assurés par les Allemands. Mais « quand
début août 1914, éclate la guerre, [......] les Allemands,
assaillis de toutes parts, [......] doivent capituler dès 26
août, et les vainqueurs se partagent "provisoirement" le
territoire occupé. » (Marguerat 1992 :26). C'est ainsi
que les Allemands quittèrent le Togo laissant celui - ci aux
Français et aux Anglais selon leur zone.
En effet, la médecine telle qu'elle est connue de nos
jours n'est que le fruit, sinon le prolongement de ce qui a été
mis sur pied depuis l'époque allemande et poursuivi par les
Français. Tout au long de ce travail, il sera démontré
comment s'était constitué ce corps de métier, d'abord sous
les Allemands puis consolidé et renforcé par les Français
(Gayibor 2005 : 289 t2). D'autre part on verra dans quelle
mesure l'état de guerre favorisa l'émergence d'une nouvelle
catégorie socioprofessionnelle de médecins autochtones.
La période sur laquelle porte l'étude de ce
thème est de son côté bien significative. En effet,
l'année 1884 est celle qui, à la date du 5 juillet, vit la
naissance du Togo comme entité territoriale. En d'autres termes, c'est
à partir de cette date que la colonisation allemande, qui avait tout
organisé pour la mise en exploitation du Togo, commerça (Napo
1996).
En ce qui concerne l'année 1960, elle est
l'année à laquelle le Togo accéda à la
souveraineté internationale. Elle correspond au fait à
l'année à partir de laquelle les Togolais avaient rejeté
le joug colonial, s'affirmant ainsi et prendre en main la destinée de
leur pays. En vertu de toutes ces considérations, notre thème
« AUXILIAIRES MEDICAUX ET MEDECINS AFRICAINS AU TOGO SOUS
DOMINATION COLONIALE : 1884--1960 » garde toute sa
raison d'être.
Aussi, certaines raisons confèrent à notre
thème son originalité. D'abord c'est un sujet qui n'est pas
encore suffisamment étudié quand bien même Alonou (1994) a
fait une thèse sur la politique sanitaire de la France au Togo. Aussi,
certains enseignants du département d'Histoire, certains
étudiants en Histoire avaient-ils eux aussi produit des thèses,
des mémoires et des articles toujours dans le domaine de la
santé. Mais tous ne se sont intéressés pour l'essentiel
qu'aux actions d'organisation et de mise en oeuvre de l'action sanitaire.
Or ce n'est pas cet aspect qui est la préoccupation de
ce travail. Ici on s'intéressera essentiellement à l'histoire
d'un corps de métier c'est-à-dire insérer cette recherche
dans l'histoire du travail.
Quand à l'intérêt du sujet, soulignons
avant tout qu'il tient à apporter sa contribution à
l'écriture de l'histoire du Togo dans sa globalité. Il est aussi
intéressant dans la mesure où, embrassant toute la période
coloniale, il fera ressortir les nuances qui minaient les différentes
administrations qui dirigèrent le Togo pendant cette période
coloniale. Ensuite, ce thème nous paraît important à
travers la portée de sa problématique.
Toute l'époque coloniale, quelque soit le colonisateur
(Allemand ou Français) fut organisée de sorte à tirer le
maximum de profit du territoire colonisé. Cette idée suppose
l'entretien de la main-d'oeuvre par des agents susceptibles d'assurer cette
tâche. En fonction de cette réalité, quel a
été le processus de formation de la catégorie
socioprofessionnelle des auxiliaires médicaux et des médecins
africains au Togo pendant la période coloniale de 1884 à
1960 ?
Bien répondre à cette question principale
ci-dessus posée nous conduit évidemment à la subdiviser en
éléments pouvant aborder tous ses aspects.
Tout d'abord il est sans aucun doute admis que la
médecine existait bien au Togo sous une forme traditionnelle avant
l'arrivée des Européens (Gayibor 2005 : 289t2).
Dans cette logique, comment avait commencé à se former cette
catégorie socioprofessionnelle sous la période allemande de 1884
à 1914 ?
Ensuite, il est important de souligner qu'en 1914, le Togo a
été surpris dans son développement par la première
guerre mondiale qui bouleversa toutes les institutions allemandes. Alors, en
quoi l'état de guerre a - t - il entravé l'émergence d'une
véritable catégorie d'auxiliaires médicaux et de
médecins africains de 1914 à 1922 ?
Enfin à partir de 1922 la partie orientale du Togo a
été confiée à la France après le
départ des Allemands en 1914 ; ainsi continuèrent-ils
l'oeuvre sociale mise en place par leurs prédécesseurs. Alors,
comment s'est renforcée puis consolidée cette catégorie
socioprofessionnelle au temps de la colonisation française de 1922
à 1960 ?
A travers cette problématique structurée, nous
comptons atteindre certains objectifs tout en émettant certaines
hypothèses.
D'abord, nous tenons à faire ressortir la
nécessité d'un tel corps pour la colonisation allemande puis
française. De même on étudiera dans quelle mesure la
colonisation avait eu d'impacts sur ces premiers agents de santé et
durant la période d'occupation du Togo. Ce travail nous permettra
également de dégager l'influence qu'avaient eu les
différents statuts du Togo (mandat puis tutelle) sur l'évolution
de ce corps de métier.
Ensuite, plusieurs hypothèses ont guidé nos
recherches. Nous sommes parti du principe selon lequel la colonisation
était une machine bien organisée, et cela pour une bonne cause
qui est de faire profiter au maximum la métropole. Dire alors dans cette
logique que la main-d'oeuvre est entretenue pour développer le
territoire est inadmissible : le vrai but poursuivit est ailleurs. Enfin,
développer le Togo suppose offrir aux Togolais une condition de vie,ou
un niveau de vie acceptable : ce qui n'est pas le cas pour la plupart des
Togolais qui avaient travaillé aux côtés des
Européens comme agents de santé car leur formation et même
leur rémunération laissent à désirer. Notre
thème peut enfin être bien cerné à travers la
compréhension de ces concepts et surtout leurs sens que nous leur
attribuons.
Intitulé « AUXILIAIRES
MEDICAUX ET MEDECINS AFRICAINS AU TOGO SOUS DOMINATION COLONIALE :
1884-1960 », notre sujet renferme beaucoup de concepts que
nous nous sommes évertué à définir. Au fur et
à mesure que nous les définirons, ces concepts seront
regroupés afin de donner à notre thème son orientation ou
bien sa compréhension que nous lui avions voulu.
Le mot « auxiliaire » selon le Petit
Robert 1 et le Larousse du XXème siècle Tome 1 est définit
comme quelqu'un ou quelque chose qui aide par son concours ; il est aussi
défini comme une personne qui aide en apportant son concours ; qui
est recruté à titre provisoire par l'administration. Toujours
dans le Petit Robert 1 le mot « médical » veut dire
quelque chose qui guérit alors que dans le Dictionnaire
alphabétique et analogique de la langue française ce mot
désigne tout ce qui concerne la médecine ; on parle alors du
monde ou du corps médical pour désigner l'ensemble des
médecins.
Ainsi, parler d'auxiliaires médicaux dans le sens de
notre travail revient à comprendre ces mots comme un groupe de personnes
qui apportent leur aide à un autre groupe. Leur rôle est d'aider
un groupe techniquement plus fort et plus avancé qu'eux. Ils peuvent
seulement être initiés aux règles
élémentaires de soins primaires, formation qui puisse leur
permettre de pouvoir assurer leur rôle d'auxiliaire.
Quant au mot « médecin » le Petit
Robert 1 le définit comme une personne habilitée à
exercée la médecine après obtention d'un diplôme
sanctionnant une période déterminée d'études et le
Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française
dit de son côté que c'est une personne qui exerce la
médecine et qui est titulaire d'un diplôme de docteur en
médecine.
« Africain » selon le Larousse du
XXème siècle est définit comme une personne qui habite
l'Afrique, qui est de l'Afrique ou appartient à l'Afrique et au Petit
Robert 1 de le définir comme quelqu'un qui est spécialement de
l'Afrique Noire. Donc médecin africain est avant tout un noir africain
qui a acquis une certaine formation en médecine lui permettant d'exercer
ce métier. Par rapport aux auxiliaires médicaux, ces
médecins ont un diplôme d'étude ou un doctorat en
médecine ; ce qui leur confère une certaine qualité
professionnelle. Tout au long de notre travail cette expression
désignera ceux qui ont un niveau d'étude acceptable leur
permettant d'évoluer dans une carrière médicale.
Donc, même si auxiliaires médicaux et
médecins africains sont tous des agents de santé, ils sont tout
de même différenciés par leur formation et leur
degré d'évolution. Les premiers sont
« formés » seulement de pouvoir intervenir dans une
circonstance spéciale et très limitée alors que les
seconds sont formés et même spécialisés dans divers
domaines de la médecine, mais tous ont travaillé sous domination
coloniale ; expression qui, selon Encyclopédique Universalis,
désigne la période pendant laquelle le territoire togolais
était souverainement commandé par un autre pays : d'abord
l'Allemagne puis la France.
Tout compte fait et d'une manière
générale, ce travail comporte trois grandes parties
conformément à la problématique définie.
La première partie s'évertuera à
analyser le processus de formation de la catégorie socioprofessionnelle
sous la période coloniale allemande de 1884 à 1914. Ainsi, cette
partie est sectionnée en deux sous parties (chapitres) dont la
première fera l'état des lieux avant 1884. Ici, nous verront
comment la société « togolaise »
précoloniale, à travers ceux que nous appellerons les
guérisseurs traditionnels, arrivait à guérir et même
radier de son sein certaines maladies. Enfin, la deuxième sous partie se
consacrera à l'intrusion coloniale allemande et à
l'émergence d'un personnel médical autochtone de 1884 à
1914. Cette partie fera ressortir les débuts de la médecine
moderne au Togo sous les Allemands avec l'aide des premiers agents de
santé que nous nommons les auxiliaires médicaux.
La deuxième partie de son côté se donnera
pour tâche d'étudier les auxiliaires médicaux au Togo sous
occupation anglo-française sur la période de 1914-1922. Elle sera
également sectionnée en deux sous parties dont la première
nous éclairera sur les entraves aux activités
médicales : de la guerre de 1914-1918 à l'occupation du Togo
allemand. Cette section approfondira les effets de la guerre sur les
activités médicales et l'état des auxiliaires
médicaux pendant la période d'occupation. La deuxième sous
partie parlera de l'émergence d'un véritable personnel
médical autochtone au Togo de 1920 à 1922. Elle abordera les
moyens mis en oeuvre pour essayer de trouver une approche de solution au
problème de personnel sanitaire créé par la guerre.
La dernière partie de ce travail s'attachera au
renforcement et à la consolidation du corps des auxiliaires
médicaux et des médecins africains au temps des Français
de 1922 à 1960. Comme toutes les autres parties elle comprend aussi deux
sous parties. La première examinera les auxiliaires médicaux et
les médecins africains au Togo au temps du mandat c'est - à -
dire de 1922 à 1946 et la seconde de 1946 à 1960, ce qui
correspond à la période de la tutelle. Mais avant de revenir en
détail sur toutes ces parties, voyons ce qu'est le contenu da la
première partie.
PREMIERE PARTIE
L'EMERGENCE D'UN EMBRYON D'AUXILIAIRES MEDICAUX AU TOGO
SOUS LA COLONISATION ALLEMANDE : 1884-1914.
La vie passe d'abord par la santé, dit-on. Cette
santé avait pendant longtemps été la préoccupation
de la population togolaise pendant les temps immémoriaux ; cela par
le biais des certains éléments de cette même population.
C'est dire que le traitement des maux dont souffrent les Togolais n'est pas
d'actualité ; elle avait une source très lointaine dans
l'histoire avant même que le contact entre Européens et Togolais
ne soit noué. Même après qu'il y eût ce contact, ce
traitement avait continué sous d'autres formes. Ainsi, comment avait
commencé à se former cette catégorie socioprofessionnelle
des auxiliaires médicaux, allemande de 1884 à 1914 ?
La réponse à cette question s'appréhende
en deux volets. D'abord, nous ferons l'état des lieux avant 1884,
période au cours de laquelle ce furent ceux que nous appellerons
« les maîtres de la médecine traditionnelle »
qui étaient les principaux agents qui s'occupaient de la santé de
leurs frères. Ensuite, à partir de 1884, l'arrivée des
Allemands donna un nouveau ton à l'action médicale. Mais avant de
venir en détail sur les Allemands et leur oeuvre sanitaire au Togo,
comment les « Togolais » s'en prenaient dans la
société précoloniale ?
CHAPITRE PREMIER : Les guérisseurs
traditionnels togolais avant 1884
Un fait est très important à souligner dans
cette partie : avant 1884 on ne peut pas évoquer le nom TOGOLAIS
puisque le TOGO n'existait pas avant cette date. Utiliser ce terme avant cette
année relève par conséquent d'un pur par anachronisme que
nous sommes pourtant obligé d'accepter pour la commodité de ce
travail (Gayibor 2002 : 7).
Dans cette société togolaise, les maladies,
malédictions, mauvais sorts et autres trouvaient leurs traitements. Qui
étaient alors ceux-là qui détenaient cette médecine
dite traditionnelle et comment arrivaient-ils à ces fins ?
1 - Les maîtres de la médecine
traditionnelle
Les populations africaines et précisément
togolaises n'avaient pas attendu l'arrivée des Européens pour se
soigner. Chaque communauté, chaque village, même les coins les
plus enclavés avaient des guérisseurs et des féticheurs
qu'on appelle généralement les médecins traditionnels.
Leur pratique médicale est ce que nous appelons «la médecine
traditionnelle ».
La médecine traditionnelle est l'ensemble de toutes
les connaissances pratiques explicables ou non, pour diagnostiquer,
prévenir ou éliminer un déséquilibre mental ou
social en s'appuyant exclusivement sur l'expérience vécue et
l'observation transmise de génération en génération
oralement ou par écrit (Alonou 1994 : 41).
Le guérisseur traditionnel est une personne reconnue
par la collectivité dans laquelle il vit comme compétente pour
dispenser les soins de santé, grâce à l'emploi des
substances végétales, animales et minérales et autres
méthodes basées sur le fondement socioculturel et religieux aussi
bien que sur les connaissances, comportements et croyances liés au
bien-être physique, mental et social ainsi qu'à l'étiologie
des maladies et invalidités prévalant dans la collectivité
(Alonou 1994 : 9)
.
Ainsi donc, la société traditionnelle togolaise
disposait d'un éventail très large de guérisseurs comme
nous le démontrerons à travers quelques
éléments.
1-1- Le sorcier
Il est le détenteur incontesté de tous les
pouvoirs maléfiques, le jeteur de sorts. Il passe dans la
catégorie des guérisseurs parce qu'il est capable de
détruire ses propres sorts et ceux de ses autres confrères
sorciers moyennant un tribut.
Habituellement, on reconnaît deux catégories
principales de sorciers pour l'ensemble du territoire : ceux de bonne foi
et ceux mal intentionnés.
Seuls les premiers nous intéressent dans la mesure
où, dans certains cas ils combattaient les seconds.
1-2- Le féticheur ou
prêtre
Le féticheur est avant tout prêtre d'une
divinité. Il est l'ennemi principal des sorciers mal intentionnés
en fonction de son rôle social que nous verrons plus loin. Il passe aussi
pour un excellent guérisseur quand ses connaissances et sa sagesse lui
en offrent le talent. Il peut être à la fois prêtre, sorcier
de bonne foi, devin et guérisseur plus ou moins renommé.
1-3- Le devin
Il porte aussi l'appellation de voyant. Il existait dans
toutes les collectivités traditionnelles du Togo. Il y en avait de
plusieurs catégories avec des techniques variées.
2 - Leurs rôles sociaux
Les guérisseurs traditionnels dont nous venons de
faire l'inventaire jouaient différents rôles dans leurs
collectivités et cela leur attribuait un véritable prestige
social.
2-1- Les moyens d'intervention
Les guérisseurs traditionnels sauvaient la vie des
patients par les vertus des plantes ; ce qui faisait qu'ils étaient
de grands botanistes.
Dans leurs interventions, ils faisaient également
usage des pouvoirs spirituels pour décanter et savoir les origines des
maladies et comment les guérir.
Le prêtre de son côté est le protecteur de
sa communauté ; il est le bouclier de son entourage.
Quant au devin il s'appliquait, grâce à ses
pouvoirs mystiques, à la recherche des causes de la maladie et dans
certains cas même de la mort. Il rendait les oracles et faisait souvent
des prescriptions en indiquant les remèdes ou les sacrifices
spécifiques dans la composition desquelles entrant toujours les
plantes.
2-2- Leur prestige social
Aux yeux de leurs populations, les guérisseurs
traditionnels avaient un prestige sans partage.
En effet, étant considérés comme
dignitaires et représentants des divinités locales, les
différentes communautés dans lesquelles ils étaient les
élevaient au sommet du mysticisme dans la sphère de leur
localité.
Certains mêmes dépassaient leur environnement
social et avaient une influence régionale. Sur cet aspect, voici ce que
nous a confié AKLOBESSI1(*) : « Les
« Bokonon » et les « Hounon »
étaient et demeurent pour nous ce que peut être un parapluie pour
celui qui est pris par un orage. Ils nous protègent et nous
délivrent des attaques étrangères (...). Certains
mêmes voyagent très loin pour chercher des solutions à
leurs problèmes auprès des guérisseurs
renommés ».
Il est à souligner que le prestige de ces
guérisseurs relève de deux éléments que nous tenons
ici à évoquer.
D'abord ils étaient ceux qui étaient à
même de sauver une personne d'un mauvais sort qui lui avait
été jeté ; et parfois tout un village est
« couvert » et « sauvé » ainsi
par les sorciers bienfaiteurs. Peut-être en guise de reconnaissance, de
témoignage de respect pour eux ils avaient petit à petit acquis
une considération qui se métamorphosa en une grande valeur qu'est
le prestige qu'ils avaient
.
Ensuite, ce prestige proviendrait aussi sans aucun doute de
leur aptitude à rentrer en contact avec les esprits et recevoir de ces
derniers consignes et des recommandations pour la masse populaire. Ainsi, leur
niveau de mysticisme était un véritable élément qui
caractérise leur considération et leur rang social.
C'était de cette manière que dans la
société traditionnelle togolaise les maladies étaient
éliminées, cela bien entendu par le savoir-faire d'une frange de
la société qui en avait la vertu : ainsi avaient-ils toute
la considération que cela exigeait.
Toutefois, cette valeur qu'avaient les guérisseurs
traditionnels avait été secouée par l'intrusion coloniale
allemande à partir de 1884.
CHAPITRE DEUXIEME : L'intrusion coloniale allemande
et l'émergence d'un personnel médical autochtone :
1884-1914.
La colonisation allemande sur le Togo débuta le 4
juillet 1884 avec la signature du traité de protectorat entre Nachtigal
et le roi Mlapa III de Togoville à Baguida (Alonou 1994 :15)
traité qui sanctionna la naissance de la colonie allemande avec la
présence effective des Allemands qui entreprirent plusieurs travaux
notamment dans le domaine social où un programme d'équipement
sanitaire et d'éradication des épidémies a
été mis sur pied.
Cette entreprise nécessita sans doute des agents pour
concrétiser cette ambition. Alors, comment à partir de quelques
médecins allemands y avait-il eu émergence d'un personnel
autochtone et quelles furent les activités de ce personnel
médical sous les Allemands ?
1- L'implantation de la médecine moderne coloniale au
Togo par les
Allemands
L'implantation de la médecine moderne au Togo avait
été un processus élaboré par les médecins
allemands. En effet, les premiers Allemands en s'installant au Togo avaient
introduit la médecine moderne pas pour soigner les indigènes mais
les Européens et leurs collaborateurs autochtones (Tolgou 1998 :
32) qui sont les soldats, les cuisiniers, les boys et les employés des
commerçants européens. Ce n'était que par après,
lorsque l'administration a eu besoin des forces indigènes qu'elle avait
étendu les soins aux autres couches sociales seulement dans le but
d'accroître la productivité. Quoi qu'on en dise, cette entreprise
avait donc besoin de personnel sanitaire dont les pionniers furent les
médecins allemands.
1-1- Le personnel de santé
allemand
Le premier médecin allemand à s'installer au
Togo était le docteur August WICKE qui y arriva le 7 janvier 1888
(Tolgou 1998 ; 32), ce qui laisse entrevoir que l'assistance
médicale n'était présente qu'à partir de cette
année.
C'est d'ailleurs sous ce médecin que fut ouvert, en
1894, le premier hôpital togolais baptisé hôpital Nachtigal
à Aného (Gayibor 2005 : 573t1). Mentionnons ici
qu'à part WICKE le Togo utilisa les services d'autres médecins
parmi lesquels on peut citer :
* le docteur WOLF plus connu comme explorateur et
missionnaire.
* les docteurs SCHILLING et ENGELHARDT qui ont
travaillé sur la maladie du sommeil.
* le docteur SCHMIDTS qui était spécialiste de
la variole.
Ces docteurs ci-dessus mentionnés avaient passé
un temps relativement long au Togo dans l'exercice de leur fonction. D'autres
par contre y avaient passé un temps encore plus court. Parmi ces
derniers, y figurent les docteurs KRUEGER, ZUPITA, von RAVEN, von der HELLEN et
le docteur RODENWALDT (Alonou 1994 : 17).
D'une manière générale, le corps des
médecins allemands peut être scindé en différents
groupes :
* les médecins civils ou militaires d'origine allemande
détachés du service colonial et travaillant sous la seule
direction du gouverneur du territoire. Ils étaient tous des
médecins généralistes et leur séjour au Togo leur
permettait d'acquérir des expériences dans leur domaine de
spécialisation.
* les membres de groupements telle que l'association des
infirmières allemandes de la Croix-Rouge ou aussi des groupements du
« Deutsche Frauen Verein » qui assuraient
bénévolement certains services médicaux, surtout l'oeuvre
du berceau (Alonou 1994 :17 ; Tolgou 1998 : 32).
Ainsi en 30 ans le Togo a bénéficié du
service de 31 médecins. Toutefois, de tout ce que nous venons de parler
une ambiguïté subsiste : comment expliquer la présence
de médecins allemands déjà à ce début de la
période coloniale ?
Après analyse, il ressort que les premiers soucis des
médecins colons étaient d'améliorer leur connaissance en
médecine et surtout de protéger les leurs contre les maladies.
Ils devaient alors s'intéresser à la santé des
indigènes, c'est-à-dire s'en servir comme un cobaye pour faire
progresser la science.
A côté de cette motivation, il faut ajouter la
volonté des colons d'augmenter l'espérance de vie des
indigènes afin de bénéficier de leurs taxes civiques et de
la main-d'oeuvre qu'ils constituaient. Donc ces médecins colons, dans la
logique de ces idées, n'avaient pas introduit la médecine au Togo
pour le bien de la population mais pour faire le maximum de profit à la
métropole. Ce constat est d'ailleurs bien souligné par Jean
Martet (1933 : 20)2(*)
« Une bonne colonie qui produira et qui durera est une colonie
où le matériel humain est amené à son maximum de
rendement physique et intellectuel. Le devoir de la puissance colonisatrice est
le même, qu'on le considère du point de vue de l'idéal ou
du point de vue de l'intérêt. Il faut que l'indigène de
porte bien, qu'il conserve sa santé et ses forces le plus longtemps
possible, qu'il fonde une famille, que ses enfants vivent, se
développent : voilà ce que nous enseigne
l'intérêt ». Voilà alors les idées
forces de l'implantation de la médecine moderne dans les colonies ;
ce qui n'avait pas épargné le Togo.
Mais ces médecins colons, en nombretres limité
et ne comprenant pas la langue des autochtones, devaient faire recours aux
indigènes qui manipulaient un peu leur langue : c'est ainsi
qu'était née l'idée de la profession infirmière
autochtone au To
1-2- L'ébauche d'un personnel
autochtone
L'administration coloniale allemande avait eu besoin d'un
personnel local non seulement pour résoudre le problème de
communication, mais également d'arriver à pénétrer
les différentes composantes de la population et aussi d'inspirer
auprès de leurs frères noirs la confiance dans cette
médecine moderne.
En effet, l'implantation de cette médecine n'à
pas été chose aisée dans la mesure où la
médecine traditionnelle avait déjà eu la confiance des
autochtones avec, avions-nous déjà mentionné, une large
connaissance en botanique des charlatans et guérisseurs.
Malgré tout, les colons allemands ont réussi
à introduire et imposer la médecine moderne. Notons tout de
même que cette action s'est pendant longtemps limitée dans le Sud
car dans le Nord le caractère frustre des populations limitait l'action
du médecin aux tournées de vaccinations (Cornevin 1987 :
217). Ainsi donc dans le Sud, quelques notions en médecine moderne
étaient enseignées aux indigènes ayant un niveau
d'instruction peu élevé et une formation rudimentaire. Mais
d'abord, voyons comment étaient le recrutement et la condition
d'admission des futurs auxiliaires médicaux.
1-2-1- Le recrutement et la condition
d'admission
Le recrutement se faisait exclusivement par le gouvernement
colonial allemand sur demande du médecin général
résidant au Togo. Peuvent être recrutés les
élèves ayant le niveau sixième dans les écoles
officielles de Zébé et de Lomé3(*).
1-2-2- La formation professionnelle
La formation des indigènes à la médecine
moderne était très rudimentaire. D'ailleurs, aucun programme de
formation n'existait si bien que la formation se réduisant à la
pratique ; une pratique elle aussi très limitée.
En effet, c'était une formation qui, très
hâtive, se faisait sur le tas et auprès d'un médecin
allemand4(*).Celui-ci devait
enseigner aux futurs auxiliaires médicaux certains gestes
médicaux tels que les pansements, les frictions, les installations de
collyre dans les yeux, les injections et autres soins médicaux.
La formation proprement dite durait de six à neuf
mois à l'issue de laquelle le titre de Heilgehilfen (aide chirurgien ou
aide médecin) leur était décerné. Ces infirmiers,
malgré leurs formations qualitativement insuffisantes, avaient acquis
des expériences au fils des années dans l'exercice de leur
fonction ; c'est ce qui leur a valu la qualification de médecin
auxiliaire (Tolgou 1998 : 33).
En 30 ans les colons allemands ont formé 28 infirmiers
dont 21 polyvalents, 5 spécialisés dans la maladie du sommeil et
2 spécialisés en vaccination comme l'indique le tableau
suivant :
Tableau N° I : Nombre
d'infirmiers en fonction de leur spécialité et de leur
année d'engagement
Années
|
Nombre d'infirmiers polyvalents
|
Nombre d'infirmiers spécialistes en
vaccination
|
Nombre d'infirmiers spécialistes dans la maladie
du sommeil
|
1894
|
01
|
00
|
00
|
1899
|
02
|
00
|
00
|
1906
|
02
|
00
|
00
|
1907
|
06
|
00
|
00
|
1908
|
02
|
00
|
00
|
1909
|
01
|
00
|
00
|
1910
|
06
|
01
|
01
|
1911
|
01
|
00
|
01
|
1912
|
00
|
01
|
00
|
1914
|
00
|
00
|
03
|
TOTAL
|
21
|
02
|
05
|
Source : Tolgou 1998 : 34
D'après les données contenues dans ce tableau,
le nombre d'infirmiers polyvalents fait à lui seul 75,00 % des
infirmiers formés par les médecins allemands. Il était dit
plus haut que les auxiliaires étaient formés auprès d'un
médecin allemand ; donc ce pourcentage de polyvalence des
infirmiers formés confirme l'idée selon laquelle les
médecins allemands étaient tous les médecins
généralistes et que c'était leur séjour au Togo qui
leur permettait d'acquérir des expériences dans leur domaine de
spécialisation. Cette spécialisation n'étant pas
poussée, on comprend aisément pourquoi les infirmiers
spécialistes en vaccination et dans la maladie du sommeil sont en
pourcentages très réduits respectivement 7,41% et 17,85%.
En plus de ces auxiliaires médicaux, les inspecteurs
sanitaires aussi étaient recrutés. Leur recrutement se faisait de
la même façon que les infirmiers, mais ils ne recevaient aucune
formation particulière en matière de santé. Ils
étaient seulement chargés de transmettre aux indigènes le
message des médecins portant sur les notions élémentaires
d'hygiène dans les habitations. Au total 27 inspecteurs sanitaires ont
été recrutés par les Allemands.
De tout ce que nous venons de dire sur la formation
donnée aux indigènes en matière de santé, une
inquiétude subiste : quelle analyse pouvons-nous faire de cette
formations donnée aux indigènes ?
La réponse à cette interrogation revêt
deux interprétations.
D'abord nous pouvons supposer que si cette formation si
rudimentaire est donnée, cela peut être dû au manque de
structures pouvant permettre une formation quantitative et qualitative. Le
personnel médical allemand fut certes de l'ensemble de qualité
(Cornevin 1987 : 217) mais la qualité de la formation
relèverait de l'absence d'infrastructures adéquates.
Ensuite, cette mauvaise qualité de la formation
pouvait résulter de la volonté des Allemands de former les
indigènes à un niveau inférieur, de les réduire
à un état de serviteurs. Sinon, comment expliquer que pendant les
trente (30) années de leur présence au Togo les Allemands n'aient
formé que 55 agents de santé (infirmiers et inspecteurs
sanitaires) et parmi eux aucun n'avait accédé au diplôme
d'Etat ni bénéficié d'une formation supplémentaire
en Allemagne ?
Après analyse de ces deux hypothèses, la
seconde nous paraît plus fondée dans la mesure où les
Allemands ne manquaient pas de possibilité d'envoyer les Togolais en
Allemagne afin de suivre des études en médecine ou
compléter celles qu'ils ont reçues au Togo. Un exemple frappant
de cette période était le cas de Pedro OLYMPIO. En effet, ce
dernier était envoyé en Allemagne (non pas par les colons
allemands) suivre des études en médecine.5(*) Les auxiliaires médicaux
togolais ainsi formés l'étaient pour travailler aux
côtés des médecins allemands. Alors, comment avaient-ils
exercé cette profession sous les Allemands ?
2 - Les auxiliaires médicaux sous les Allemands
La santé a été l'une des tâches
prioritaires de l'administration allemande au Togo (Dadja 1983 : 263).
Pourtant, les Allemands ont eu la difficile charge d'amener les
indigènes à la pratique médicale des Blancs, tâche
délicate du fait que les guérisseurs et les charlatans avaient
« pignon sur rue » et avaient parfois des connaissances en
botanique (Cornevin 1987 : 217). Ce qui présage que les actions des
auxiliaires médicaux n'étaient pas chose aisée. Mais avant
d'en arriver là, voyons si ce corps socioprofessionnel avait une
législation.
2-1- Le régime législatif du
personnel des auxiliaires médicaux et les salaires
Le corps des auxiliaires autochtones avait connu un
début un peu difficile. Concernant la législation, ce corps
n'était qu'un résidu issu du besoin du colon allemand
présent sur place. C'était d'ailleurs sur proposition du
médecin général résidant au Togo que se faisait le
recrutement des futurs auxiliaires médicaux.
Dans ces conditions, et surtout que la colonisation
était à ses débuts pour l'Allemagne qui s'était
lancé dans cette aventure très tard, aucun texte juridique ne
réglementait la profession des auxiliaires médicaux.6(*) Ce qui veut dire que tout se
réduisait à la volonté du médecin
général.
Cette latitude qu'avait le médecin
général avait des répercussions sur les salaires des
agents de santé autochtones. En ce qui concerne le travail
salarié, il avait beaucoup souffert sous l'administration allemande.
N'ayant pas pu l'éliminer car existant bien avant leur
arrivée, les Allemands avaient du mois déformé de
façon considérable le salaire en le fixant à son niveau le
plus bas (Gayibor 2005 : 233t2).
Toutefois, on pouvait remarquer qu'il y avait eu une
politique d'augmentation de salaire sous l'administration allemande. Cette
augmentation dépendait entre autre de l'ancienneté dans la
profession, de la qualité des services rendus par l'agent de
santé. Ces critères étaient importants dans la
définition de la hiérarchie.
2-2- La hiérarchie des auxiliaires
médicaux
La hiérarchie des auxiliaires médicaux,
avons-nous dit, était définie par rapport à leur
ancienneté dans cette profession ; ce qui veut dire que les
auxiliaires médicaux d'une promotion sont, selon la hiérarchie,
supérieurs à ceux qui les suivront et ainsi de suite.
Mis à part cette façon de définir la
hiérarchie, certains agents qui montraient du zèle dans les
travaux, et par là avaient acquis la considération et la
confiance du Blanc étaient promus parmi leurs promotionnaires.
De toute façon les auxiliaires médicaux avaient
exercé des activités très considérables sous
l'administration allemande.
2-3- Les actions les auxiliaires
médicaux
Les auxiliaires médicaux avaient eu différentes
activités sous l'administration allemande. Malgré la formation
très insuffisante qu'ils recevaient, leurs prestations furent
remarquables.
On les retrouvait dans les villages, même les plus
isolés, en poste ou en tournée de vaccination. Le fait qu'ils
arrivaient, par leurs soins gratuits, à soulager certains malades leur
valait beaucoup de considération et de respect (Gayibor 2005 :
289t2).
Très souvent les tournées se faisaient en
compagnie de leurs supérieurs blancs dans les localités et
régions de l'intérieur pour procéder aux vaccinations.
C'était lors des épidémies de variole, de peste et parfois
même de paludisme que s'organisaient ces genres de tournées au
cours desquelles les Allemands profitaient pour faire des recensements et
contrôler les mouvements migratoires dans les régions.
Toutefois, des difficultés étaient
enregistrées au cours des travaux. Elles s'illustraient par le
caractère de méfiance qu'avaient les populations envers les
agents de santé.
La raison en était que beaucoup de personnes tombaient
malade et parfois même mourraient malgré les tournées de
vaccination. Par exemple, après une tournée de vaccination contre
la variole, les populations étaient parvenues à la conviction que
les régions soumises à la vaccination affichaient un taux de
mortalité très élevé et que la pratique ancienne
qui consistait à contaminer légèrement les personnes
valides procurait une immunité beaucoup plus efficace que la vaccination
pratiquée par les Européens.
Ainsi, on comprend aisément pourquoi les
médecins avaient besoin du concours non seulement des chefs
traditionnels mais aussi (cas rares) des policiers.
Parfois, certains fuyaient dans les brousses ou simplement se
cachaient à l'approche des médecins. C'est ainsi que la
commission de lutte contre la maladie du sommeil confirme cette
résistance des malades et ainsi, la lutte contre les grandes
endémies (lèpre, maladie du sommeil) entreprise par les Allemands
donna finalement peu de résultats (Gayibor 2005 :
577t1).
Mais après tout, quel a été le bilan de
l'action médicale allemande au Togo ?
2-4- Bilan de l'action médicale allemande au
Togo
A la lumière de ce qui précède, nous
pouvons dire que la période allemande a utilisé uniquement les
services de médecin généralistes d'origine allemande. En
matière sanitaire, les Allemands ont fait très honnêtement
leur travail. Plusieurs médecins de très hautes valeurs
marquèrent le pays par des études poussées, tels le
professeur Rodenwaldt et les docteurs von Raven, Külz, Sunder et
Krüger.
Ces médecins allemands étaient aidés par
des Togolais dont aucun n'avait bénéficié d'une formation
de médecin en Allemagne. Ainsi, tous les Togolais ayant servi dans le
domaine sanitaire étaient tous des agents subalternes. Toutefois,
ceux-ci, n'ayant bénéficié d'aucune structure
particulière ni d'écoles de formation étaient
néanmoins appréciés par leurs supérieurs et par la
population.
Notons par ailleurs qu'officiellement aucune formation de
sage-femme n'a été donnée au cours de la période
allemande. Cependant dans son mémoire « Un médecin
des tropiques raconte sa vie », 1957, le docteur Rodenwaldt
affirmait avoir introduit l'éducation des sages-femmes dans le pays.
Mais on ne saurait donner le nombre de personnes formées ni le lieu
où cette formation avait été donnée (Tolgou
1998 : 35).
De plus, notons que la médecine curative était
essentiellement basée dans le Sud du pays et seule la médecine
préventive s'étendait vers le Nord en cas
d'épidémie.
Les malades noirs et blancs n'étaient pas
traités de la même manière dans les hôpitaux, car il
se pratique un traitement discriminatoire (Gayibor 2005 :
575t1). Certes, tous étaient consultés par le
même médecin mais dans des salles différentes. Les soins
étaient gratuits pour les soldats les élèves et les
prestataires. En effet, cette gratuité des soins pour ces groupes
n'était que l'application d'une réglementation datée du 4
février 1909.7(*) Ces
groupes, selon cette réglementation, appartenaient à la
première catégorie.
La deuxième catégorie comprenait les habitants
aisés qui pouvaient également se faire soigner en payant un tarif
compris entre 2 et 3,4 marks.
Enfin la dernière catégorie comprenait les
habitants indigents qui payaient un tarif compris entre 1,5 et 2 marks. (Sebald
1988 : 509).
Au nombre d'infrastructures sanitaires, les Allemands ont eu
certaines réalisations. Le premier hôpital vit le jour à
Petit Popo (Aneho). Il fut ouvert en 1894 et baptisée Nachtigal.
Après l'hôpital Nachtigal, il y a eu construction d'autres
hôpitaux tels que l'hôpital Reine-Charlotte (1909) à
Lomé, le dispensaire de Kpalimé (1907) et celui d'Atakpamé
(1912) (Gayibor 205 : 574t1 ; Tolgou 1998 : 32 ;
Cornevin 1987 : 217).
D'une manière générale, la
médecine traditionnelle qui était en vogue depuis la nuit des
temps a été supplantée par la médecine moderne
introduite par les Allemands, ainsi jetèrent-ils les bases de cette
médecine moderne au Togo. Leur rôle principal était la
protection sanitaire et l'hygiène des populations, la lutte contre les
endémies afin d'entretenir la force de travail indispensable à la
mise en valeur du territoire.
La naissance des professionnels de la santé dans la
société togolaise découle de la volonté politique
des Allemands d'amener à la pratique médicale occidentale des
populations qui ne se soignaient que par des plantes. C'est alors que des
équipements sanitaires furent mis en place, dotés de personnel
médical blanc aidé par les autochtones.
Tout était mis en place pour la mise en oeuvre de
l'idéal allemand quand brusquement, en 1914, les Allemands avaient
été surpris par la première guerre mondiale après
seulement trente ans de présence au Togo.
DEUXIEME PARTIE
LES AUXILIAIRES MEDICAUX AU TOGO SOUS OCCUPATION
ANGLO-FRANÇAISE : 1914-1922
L'année 1914 marque une rupture dans l'histoire du
monde des auxiliaires médicaux au Togo. En effet, cette année a
été celle qui a vu se développer un conflit mondial qui
bouleversa toutes les institutions allemandes et remis en cause leurs
réalisations.
La guerre de 1914-1918 avait donc porté un coup dur au
corps socioprofessionnel des auxiliaires médicaux. Alors, en quoi
l'état de guerre a-t-il entravé l'émergence d'une
véritable catégorie d'auxiliaires médicaux et de
médecins africains de 1914 à 1922 ?
Cette interrogation, noyau principal de cette partie renferme
bien d'autres idées. D'abord nous verrons comment la guerre de
1914-1918 avait entravé les activités médicales et comment
le corps d'auxiliaires médicaux a été géré
par la coalition anglo-française qui occupa provisoirement le Togo
après le départ des Allemands.
Ensuite, à partir de 1920, un
réaménagement intervint favorisant l'émergence d'un
véritable personnel médical autochtone au Togo, l'ébauche
de ce que nous appellerons les médecins africains. Mais d'abord, comment
la guerre s'était déroulée et quels ont été
ses effets sur les agents de santé laissés par les
Allemands ?
CHAPITRE TROISIEME : Les entraves aux
activités médicales : la guerre du 1914-1918 et l'occupation
du Togo allemand.
Quand la guerre éclata en Europe, les Allemands ne
l'avaient pas envisagée possible en Afrique, à plus forte raison
dans le Schutzgebiet Togo8(*). Ne s'y attendant pas, les Allemands ne
s'étaient pas préparés et donc avait été
surpris au Togo par cette guerre. Ne pouvant rien contre la coalition
anglo-française qui attaquait de toute part, les Allemands
étaient obligés de capituler en abandonnant la colonie aux mains
de cette coalition (Tcham 2005 : 585).
Alors, comment cette guerre s'était
déroulée dans la colonie allemande du Togo et quels ont
été les problèmes créés par cette
guerre ? Comment les Anglo-français ont essayé de trouver
des solutions à ces problèmes ?
1 - La guerre et les activités médicales
C'est par les télégrammes des 4 et 5 août
1914 que les Allemands s'étaient rendus compte de l'effectivité
et de la possibilité de la première guerre mondiale au Togo.
Quelle était la psychologie allemande de la guerre au
Togo et comment s'y était-elle déroulée ?
1-1- La guerre de 1914-1918 au Togo
Si l'Allemagne était la principale actrice de cette
guerre en Europe, ce qui veut dire que si elle s'en était
préparée pour cette guerre en Europe, au Togo les Allemands ne
s'attendait pas à cette guerre.
En effet, le Togo paraissait bien loin de l'Europe à
telle enseigne qu'aucun des territoires (anglais, français ou allemand)
n'avait envisagé la guerre comme possible dans cette partie de l'Afrique
(Cornevin 1988 : 221). C'est pour cette raison que quand Von
Doering9(*) s'était
rendu compte que cette guerre allait être transférée au
Togo, il proposa aux gouverneurs du Dahomey, de la Gold Coast et de l'AOF de
neutraliser son territoire pour ne pas donner aux Africains le spectacle des
guerres entre Européens. Malheureusement ces gouverneurs
refusèrent, ce qui rendait évident la guerre dans cette partie de
l'Afrique.
Ainsi donc, en considérant les conditions de
déclaration de la guerre et surtout la proposition de neutralité
du Togo de Von Doering, nous pouvons déduire que cette guerre a
été une surprise pour les Allemands au Togo.
La capitale Lomé était occupée sans
résistance (Tcham 2002 :579) car pour Von Doering il ne fallait pas
se battre pour la capitale mais concentrer toutes les forces pour
protéger la station de radio de Kamina10(*). Et pourtant Kamina n'offrait pas une position
aisée à défendre. Le problème était que
« Kamina est une plaine surplombée de hauteurs. Et
aussi : La distance entre les tours extérieurs était de plus
d'un kilomètre, et il était très difficile de
défendre u pareil périmètre » (Marguerat
1987 : 64).
Alors les Allemands, ne voulant pas abandonner ce dispositif
aux Anglo-français décidèrent de sa destruction. C'est
ainsi que dans la nuit du 24 au 05 août la remarquable station de radio
fut anéantie. Les Allemands capitulèrent et la campagne du Togo
était ainsi terminée après deux semaines
d'opérations (Marguerat 1992 : 26).
Ainsi prenait également fin la domination allemande
sur le Togo et donc les activités médicales entreprises par les
Allemands reçurent aussi un coup.
1-2- L'étouffement des activités
médicales
Pendant la période de guerre (1914-1918), les
activités médicales avaient été
énormément affectées. Cela était lié
à certains éléments dont la non préparation des
Allemands à la tenue de la guerre au Togo.
En effet, les agents de santé autochtones
étaient sous le commandement des médecins allemands dont certains
étaient des militaires (médecins militaires). Or c'étaient
ces militaires qui avaient pris part aux opérations militaires qui
avaient duré deux semaines au Togo. De même les médecins
allemands étaient aussi pris au coup par la manière brusque dont
la guerre avait commencé. D'ailleurs, ces médecins allemands
étaient en nombre réduit au Togo à cette époque.
Ainsi donc, la guerre les ayant surpris, les Allemands n'avaient pas pu
préparer les autochtones à les suppléer dans ces genres de
circonstance ; de plus la guerre n'avait pas si duré au Togo pour
qu'ils puissent profiter de l'état de guerre pour former certains
autochtones à pouvoir prendre la relève au cas où ils
seraient absents. C'est pourquoi le départ des Allemands du Togo a
été un frein aux activités médicales.
Les auxiliaires médicaux de leur part étaient
déboussolés car leurs maîtres ont été vaincus
et chassés du Togo. Les activités médicales dans ces
conditions ne pouvaient que ralentir puisque les auxiliaires médicaux
avaient des domaines d'action très limités et par
conséquent des connaissances médicales très restreintes
pour prétendre relayer les médecins allemands.
Cependant, l'hôpital de Lomé continua à
fonctionner pendant toute la guerre (Gayibor 2005 :
579t2 ; Cornevin 1987 : 274) probablement sous la
direction des occupants, c'est-à-dire les militaires
anglo-français.
Le Togo allemands, alors devenu orphelin de la guerre, est
donc à la merci de la coalition anglo-française.
2 - L'attentisme et les solutions anglo-françaises
au problème médical.
Après la guerre, c'est-à-dire à partir
de 1918, le problème du personnel s'est accentué parce qu'il y
avait un climat des méfiance qui régnait vis-à-vis de la
colonie allemande : le TOGO.
2-1- L'attentisme
anglo-français
Pendant la guerre et durant toute la période
d'occupation, la gestion du Togo avait connu un caractère ambigu. Au
fait, cette ambiguïté résulte de l'incertitude du sort de la
colonie laissée par les Allemands.
Beaucoup de problèmes avaient favorisé ce
climat de méfiance. Entre autre, nous pouvons mentionner les
rivalités politiques et idéologiques anglo-françaises sur
la côte des esclaves et surtout du statut réel du Togo qui
n'était pas encore déterminé.
C'est pour ces raisons que Anglais et Français
hésitaient à investir et à prendre la relève des
Allemands une fois que ces derniers étaient vaincus parce que ni les uns
ni les autres ne voulaient pas prendre le risque d'investir au Togo pour enfin
se voir évincer de ce territoire. En effet, dans l'idée des
Alliés (les Anglais précisément) plusieurs options
étaient possibles sur le sort du Togo11(*).
D'abord le Togo pourrait être restitué à
l'Allemagne (hypothèses très peu probable) ; ensuite le Togo
pourrait être partagé entre la Grande Bretagne et la France ;
aussi, le Togo sera cédé en entier soit à la Grande
Bretagne soit à la France et enfin le Togo et le Dahomey seront tous les
deux cédés à la Grande Bretagne en échange d'autres
territoires attribués à la France.
Cette formule purement anglaise était
différente de celle formulée par les Français. Pour
ceux-ci, Gabriel Augoulvant en donna le ton dans une lettre adressée au
ministre des Colonies dans laquelle il prônait l'initiative de proposer
un remembrement « définitif » de l'Afrique
Occidentale après la guerre12(*), qui supprimerait de nombreuses enclaves sur la
côte en absorbant la Gambie, la Guinée portugaise, le
Libéria. Le Togo sous occupation peut ainsi être sacrifié
sans grand remords.
Revenu à son poste, Clozel ouvre le dossier le 15 mars
1917 et veut de sa part la totalité de l'Afrique Occidentale sans
toutefois préciser ce qui serait offert à la Grande Bretagne en
contrepartie. Son succession Joast van Vollenhoven trouve qu'il faut avant tout
mettre en valeur les territoires mais le Togo ne doit pas être rendu
à l'Allemagne.13(*)
Comme on le constate, les solutions possibles étaient
fort diverses et ne favorisaient pas une réelle prise en charge du
personnel médical autochtone laissé par les Allemands.
2-2- Le problème de personnel médical
créé par la guerre.
Au sujet des prestations sanitaires et du personnel
médical autochtone, il est difficile, voire impossible, de dire avec
précision quel était la situation sanitaire et comment le
personnel médical fut géré pendant la guerre et durant
l'occupation (Assima-Kpatcha 2004 : 49).
Mais d'après notre documentation et pour les raisons
évoquées plus haut, il est presque certain que la guerre et la
défaite des Allemands désorganisèrent totalement le
système médical et aucune oeuvre significative n'y fut entreprise
avant le début des années 1920.
Tout d'abord, le personnel médical autochtone
« formé » par les Allemands était en nombre
très réduit. Ce nombre était alors à la merci des
aléas de la guerre car les médecins et les autres membres du
personnel médical étaient mobilisés pour la guerre qui ne
s'était achevée qu'en 1918.
Cette mobilisation et aussi le temps qu'avait pris la guerre
n'avaient pas permis aux occupants de continuer d'encadrer et même de
former des auxiliaires médicaux autochtones.
Ainsi donc, toutes les énergies et l'attention des
Européens étaient canalisées vers la guerre. Soigner les
autochtones d'un territoire occupée n'était pas une
priorité, en plus le sort du Togo était incertain. Il y eut donc
un certain attentisme (Assima-Kpatcha 2004 :49).
Ce climat n'avait pu qu'aggraver la catégorie
socioprofessionnelle des auxiliaires médicaux.
Toutefois, durant la période d'occupation, le service
de santé fut confié aux médecins du corps
expéditionnaire (Alonou 1994 : 29). Ces médecins militaires,
en nombre très réduit, assurèrent de leur mieux un service
élémentaire durant toute cette période (Cornevin
1987 : 274).
Tel a été le problème sanitaire
posé par la guerre. C'est alors que chacun de son côté,
Anglais et Français en avaient trouvé une formule
2-3- Les solutions anglo-françaises au
problème
En 1919 eut lieu le traité de Versailles qui
clarifiait le sort du Togo. D'après ce traité, l'Allemagne
perdait définitivement le Togo qui passa désormais aux
vainqueurs. C'est ainsi que le Togo subit diverses tractations sur ses
frontières pour donner ce que nous connaissons aujourd'hui.
Alors la Grande Bretagne et la France se sont partagés
le Togo ; la première reçut la partie occidentale et la
seconde la partie orientale. Cela permit à chacune d'organiser sa
portion de sorte à rayer dans la mesure du possible le déficit
né de la guerre. C'est ainsi que des mesures furent prises par la France
pour organiser la santé publique (Assima-Kpatcha 2004 : 49).
C'était dans ce but que les médecins militaires arrivèrent
au Togo ; mais en nombre réduit. Ils étaient probablement
aidés par les autochtones recrutés dès les débuts
de l'administration civile en 1919. Ces autochtones seraient d'anciens membres
du personnel médical de la période allemande mais surtout des
Dahoméens.
Sur le personnel médical de la période
allemande nous tenons à préciser un fait. En
réalité, beaucoup d'entre eux, jugés trop proches des
Allemands c'est-à-dire ceux qui étaient germanophiles
étaient évincés de la profession par les Français
car considérés par ces derniers comme dangereux à leur
administration. Les autres qui avaient pu être recrutés par les
Français avaient été reconvertis au français
(Assima-Kpatcha 2004 : 45).
Sur le personnel du Dahomey, l'administration
française eut à importer des médecins et des sages-femmes
auxiliaires qui encadrèrent les infirmiers et agents sanitaires
formés par les Allemands (Tolgou 1998 : 35). Ce personnel
était importé du Dahomey (l'actuelle République du
Bénin) parce que cette colonie était aussi administrée par
la France ; et ce faisant, la France peut amoindrir ses dépenses
coloniales.
D'une manière générale, disons que la
première guerre mondiale avait laissé des effets de grande
ampleur sur le Togo allemand et donc sur le personnel de santé
formé par ces Allemands. Elle avait donc étouffé les
activités médicales à cause de l'expulsion des Allemands.
Par ailleurs, les nouveaux occupants administraient avec une main molle puisque
chacun de son côté jouait sur le sort du Togo. Ce n'est
qu'à partir de 1919 que le sort du Togo a été
clarifié confiant donc une partie du Togo allemand à la France
qui, depuis cette année, en était devenue officiellement la
nouvelle tutrice. Ainsi, à partir des années 1920 la France mis
en oeuvre de nouvelles structures notamment dans le domaine de la santé
pour faciliter l'émergence d'un véritable personnel
médical autochtone au Togo.
CHAPITRE QUATRIEME : L'émergence d'un
véritable personnel médical autochtone au Togo : 1920 :
1922
Le début des années 1920 inaugura une nouvelle
ère pour la profession médicale au Togo. Les bouleversements de
la guerre et les coups reçus par les agents de santé avaient
connus de nouvelles réformes. Ces réformes avaient
été introduites par la nouvelle administration française
qui venait à peine de prendre officiellement la charge du Togo. Elles
avaient touché tous les aspects de la santé à
savoir : les agents, leur hiérarchie, les soldes ou salaires, les
conditions de travail et autres. Ces réformes encore appelées
organisations redressèrent petit à petit les auxiliaires
médicaux et jetèrent les bases d'un futur corps médical
autochtone encore plus compétant que le précédant
formé par les Allemands.
Quelle a donc été cette nouvelle organisation
qui donna un nouveau souffle à la profession médicale à
partir de 1920 ? Quelles ont été les actions ou dans un
large mesure les résultats de cette organisation sur les agents de
santé autochtone togolais ?
1 La réorganisation de la profession
médicale
Après les revers de la guerre de
1914-1918 les Français s'étaient attelés à
réorganiser la profession médicale qui connut de profondes
blessures. Quelles ont été les raisons profondes de cette
réorganisation et les premières réformes qui ont
été introduites dans ce domaine ?
1-1- Les raisons de la réorganisation du
corps des agents de santé
Comme nous l'avions dit plus haut, les activités
médicales avaient connu une crise au Togo à cause du
déclanchement de la première guerre mondiale et surtout du
départ des Allemands qui en furent les cadres. Arrivés, les
Français s'étaient trouvés dans la nécessité
de réorganiser la profession médicale. Les raisons de cette
réorganisation furent nombreuses.
Les premières raisons furent les problèmes
nés de la guerre. En effet, la guerre a été la principale
cause du départ des Allemands qui avaient sous leur ordre des
auxiliaires médicaux autochtones. C'est pourquoi à leur
départ ces autochtones avaient eu du mal à se mettre dans les
conditions de la guerre pour lesquelles ils ne s'étaient jamais
préparés. Même pendant la guerre et durant l'occupation la
priorité des Français n'était pas d'assurer leur
encadrement mais de répondre aux efforts de guerre et préparer
les populations pour la future mise en exploitation du territoire. D'ailleurs,
tous les auxiliaires médicaux de la période allemande n'avaient
pas collaboré avec les Français dès leur arrivée.
La plupart était écarté pour leur intérêt
pour les Allemands et les quelques éléments qui étaient
recrutés le furent après leur reconversion au Français
(Assima-Kpatcha 2004 : 45).
Ensuite nous devons insister sur le fait que la guerre avait
renforcé le problème de déficit de personnel
médical qui existait même au temps des Allemands. A ce
problème de personnel s'ajoutait celui de l'insuffisance de formations
sanitaires et aussi des problèmes financiers (Alonou 1994 : 33).
Enfin il faut atteindre régulièrement les
populations qui jusque là n'avaient que peu de contact avec la
médecine moderne ou qui n'en avaient pas du tout. Toutes ces
populations, les Français en auront besoin pour étendre et
asseoir leur domination ; c'est pourquoi les soigner était parmi
les priorités français. C'est de cette idée que
naîtra la médecine mobile (que nous verrons en détail plus
loin) qui exerçait dans les régions les plus reculées des
centres administratifs (Alonou 1994 :33).
Toutes ces raisons et contraintes avaient conduit les
Français à penser à une réforme à partir de
1920.
1-3- Les timides réformes des années
1920-1922
Elles avaient pour but de donner au service de santé
et à son personnel un nouveau souffle après la vague de
tergiversation qu'ils venaient de traverser. Toutefois, précisons que
ces réformes furent de moindre ampleur jusqu'en 1922. Elles
touchèrent cependant la hiérarchie, les soldes et les conditions
de recrutement et étaient généralement issues des
arrêtés.
Sur la fixation de la hiérarchie, ce fut un
arrêté du 8 novembre 1920 qui l'instaura (Assima-Kpatcha
2004 : 47). Cet arrêté ne définissait pas clairement
la hiérarchie des agents de santé et les sources dont nous
disposons ne nous ont pas permis de la définir avec précision.
Néanmoins selon l'arrêté n° 32 du 10 septembre 1920 il
y eut des classements aux titres d'aides médecins de première et
de troisième classe, d'infirmiers de deuxième et de
troisième classe, d'infirmiers stagiaires et d'élèves
infirmiers. A cette date deux personnes furent dans le premiers cas ; deux
dans le deuxième ; trois dans le troisième et douze dans le
derniers cas. Ces classements seraient probablement liés à leur
ancienneté (surtout les Dahoméens et certains auxiliaires des
Allemands) et à leur niveau d'instruction.
Ce même arrêté du 8 novembre 1920 qui
fixait la hiérarchie définissait aussi les soldes.
L'échelle des soldes variait entre 6 000 francs par / an et 1200
francs/ an. Il existait, en outre, un surveillant d'hygiène de
sixième classe rémunéré à 1300 francs / an
et un autre de première classe dont la solde était de 1100 francs
/ an14(*). Cette grille
salariale avait beaucoup varié dans le temps. D'autres
arrêtés modifièrent celui du 8 novembre 1920, notamment
l'arrêté du 7 octobre 1924 qui entra en vigueur le 1er
janvier 1925 (Assima-Kpatcha 2004 : 151).
Concernant le recrutement des agents de santé, il fut
très bouleversé au début à cause des aléas
que le service de santé a connu. Mais mises à part les embauches
opérées durant la période d'occupation, des
critères plus rigoureux furent introduits à partir à
partir de 1922 grâce aux textes dont nous venons de citer quelques-uns.
Mais d'après Marguerat (1992 : 161) il semble que le recrutement
des sages-femmes (pourquoi pas des infirmiers ?) avait commencé
déjà à partir de 1920 puisque la toute première
promotion de sages-femmes togolaises était sortie de sa formation de
Dakar en 1923 (Marguerat 1992 : 161 ; Assima-Kpatcha 2004 :
151).
Mais d'une manière générale, c'est
à partir de 1922 que les profondes réformes avaient
commencé à être opérées. Toutefois sous les
Français, ces premiers agents de santé avaient d'une
manière ou d'une autre eu à accomplir certaines actions. Ce
personnel médical de toute façon profita de cette
réforme.
2 Le personnel médical autochtone et les
réformes
Ces différentes réformes dont nous venons de
faire l'inventaire avaient, d'une certaine manière, redressé le
personnel médical autochtone. Elles avaient revalorisé ce
personnel et jeté les bases d'un nouveau corps de personnel
médical autochtone sous les Français.
2-1- La revalorisation du personnel
autochtone
Le personnel médical autochtone et sa formation
n'étaient pas une invention française. Ils existaient même
depuis l'époque allemande.
Sous les Allemands, le personnel médical autochtone
était sans statut. Les auxiliaires médicaux n'avaient presque pas
de considération ou de valeur aux yeux des colons allemands dans la
mesure où aucune législation officielle ne touchait ce personnel.
Plus encore, les salaires n'avaient pas clairement été
définis.
Par contre sous l'administration française, les
auxiliaires médicaux avaient une législation officielle qui
définissait clairement certaines préoccupations des agents de
santé de l'époque. Il est vraisemblablement possible que les
Français eussent l'idée de dominer cette classe
socioprofessionnelle autochtone mais notre intérêt ici est de
mettre l'accent sur la volonté de l'administration qui voulait donner un
statut, une certaine valeur aux auxiliaires médicaux.
Evidemment, par ces différents arrêtés et
décisions administratives, la hiérarchie était clairement
définie ; les soldes également étaient clairement
précisées même si des arrêtés les avaient
constamment modifiées au gré des intérêts
français. De toutes les façons ce corps avait connu une
revalorisation sensible, ce qui annonçait également une nouvelle
ère pour le corps des agents médicaux autochtones.
2-2- Les débuts d'un nouveau corps d'agents
de santé autochtones
Les réformes entamées à partir des
années 1920 inaugurèrent une ère pour le personnel
autochtone. Elles donnèrent une nouvelle forme et un aspect nouveau
à la prestation des auxiliaires médicaux.
Comme nous l'avons dit plus haut, ces différents
arrêtés n'étaient que le début d'un long processus
de remise en état de la fonction des agents de santé autochtones.
En effet, les auxiliaires médicaux avaient déjà une
idée sur la formation médical que donneront les Français
par rapport à ce qu'avaient, quelques années auparavant,
donné les Allemands. Ainsi, les possibilités d'évolution
de ce corps socioprofessionnel étaient apparentes et chaque agent y
pouvait avoir accès.
La période de 1920-1922 avait alors été
un moteur ou encore un stimulateur qui bouleversa les anciennes données
en y instaurant de nouvelles dans le but d'approfondir les connaissances des
auxiliaires médicaux et de préciser leur statut financier et
hiérarchique. En cela, cette période avait servi
d'intermédiaire entre un corps d'auxiliaires pratiquement ignorés
et perdus et un autre corps d'auxiliaires cette fois-ci conscients de leur
existence et de leur profession. Cette émergence d'un nouveau corps
d'auxiliaires médicaux autochtones avait évolué pour
connaître un renforcement et une consolidation à partir de
1922.
D'une manière générale, nous pouvons
affirmer que les réformes des années 1920-1922, si timides et
minimes soient-elles, avaient été d'une grande importance pour
les agents de santé autochtones. Par elles, la profession
médicale prit un nouvel élan pour, à partir de 1922, se
renforcer et se consolider et donner le jour à un nouveau corps :
les médecins africains.
TROISIEME PARTIE
LE RENFORCEMENT ET LA CONSOLIDAION
DU CORPS DES AUXILIAIRES MEDICAUX ET DES MEDECINS
AFRICAINS AU TEMPS DES FRANÇAIS : 1922 - 1960
A partir de 1922 et jusqu'en 1960 plusieurs
événements intervinrent dans l'histoire du Togo ;
événements qui, d'une manière ou d'une autre, avaient
défini l'évolution des agents de santé que sont les
auxiliaires médicaux et les médecins africains.
En effet, après la Conférence de Versailles en
1919 la partie orientale du Togo a été confiée à la
France mais à partir de 1922 le Togo passa sous le mandat de la SDN
administré par la France et à partir de 1946 il passa sous la
tutelle de l'ONU toujours administré par la France pour accéder
à l'indépendance en 1960.
Mais toujours est-il qu'entre 1922 et 1960 les agents de
santé avaient bien évolué. Alors, comment s'est
renforcée puis consolidée cette catégorie
socio-professionnelle des auxiliaires médicaux et des médecins
africains au temps de la colonisation française pendant la
période de 1922-1960 ?
Cette question principale de cette partie mérite
d'être abordée en deux grands domaines. D'abord, nous verrons
quelle a été l'évolution de ce corps entre 1922 et 1946
c'est-à-dire sous le régime de mandat puis entre 1946-1960 sous
le régime de tutelle.
CHAPITRE CINQUIEME : Les auxiliaires
médicaux et les médecins
africains au temps du mandat : 1922-1946
A partir de l'année 1922, les agents de santé
autochtones avaient connu une évolution considérable. Au corps
d'auxiliaires médicaux qui existait auparavant venait s'ajouter un autre
beaucoup plus compétent, celui des médecins africains. Comment
les auxiliaires médicaux et les médecins africains étaient
recrutés puis formés ?
Ce personnel médical autochtone avait sans doute,
accompli plusieurs activités et avec eux il y eut beaucoup
d'innovations. Quelles étaient ces activités et les innovations
intervenues dans le domaine médical ? Mais avant de répondre
à cette interrogation, voyons d'abord quelles étaient les
conditions de recrutement des auxiliaires médicaux.
1- Les auxiliaires médicaux et les médecins
africains : conditions de
recrutement et formations
Encore appelés « personnel
indigène, » le recrutement et la formation des auxiliaires
médicaux et des médecins africains ont beaucoup
évolué. Qu'en était-il des auxiliaires
médicaux ?
1-1- Les auxiliaires médicaux :
conditions de recrutement et formation professionnelle.
Cette catégorie d'agent de santé existait depuis
l'époque allemande mais
les conditions de recrutement avaient assez varié.
1-1-1- Les conditions de
recrutement
Avant 1945, le personnel infirmier était
recruté sur le tas et sur ordre du Commissaire de la République,
ce qui veut en d'autres termes signifier que c'est le système de
recrutement allemand qui se poursuivait jusqu'à cette date à
partir de laquelle les conditions ont évolué. Ce n'étaient
plus les élèves intelligents, les élèves ayant une
écriture lisible, les boys et autres qui étaient recrutés
mais le choix se porta sur les élèves ayant un niveau
élevé.
Ainsi, pour être admis à effectuer les
études préparant au diplôme d'aptitude, les candidats
devaient être âgé de 17 ans au moins et 24 ans au plus et
remplir les conditions suivantes :
- être de nationalité française (citoyen,
sujet ou administré) ;
- formuler une demande d'admission sur papier timbré,
adressée au
Commissaire de la République, accompagnée des
pièces suivantes :
· un extrait d'acte de naissance ou toute autre
pièce en tenant lieu ;
· Une copie du Certificat d'Etudes Primaires
Elémentaires (CEPE) ou d'un diplôme équivalent.
C'était là la première étape qu'on
peut qualifier de présélection. Si la
demande est agrée, le postulant aura à
compléter son dossier par :
- un extrait du casier judiciaire ;
- un certificat médical constatant que le candidat est
apte au service de
l'assistance médicale indigène. Les trois
dernières pièces devaient dater de moins de trois mois.
Le candidat devait alors mentionner sur sa demande
d'admission le lieu choisi pour subir les épreuves du concours, ainsi
que l'adresse à laquelle la convocation devait lui être
envoyée.
Le concours était ouvert dans chaque chef-lieu du
cercle à la date et à l'heure fixée par le commissaire de
la République et sous la direction de l'administrateur commandant le
cercle.
Les épreuves du concours étaient du niveau du
certificat d'étude et comportaient une composition française
d'une durée de 2 heures et deux problèmes arithmétiques
d'une durée de 2 heures. Chaque épreuve terminée, elles
étaient adressées sous plis cachetés à la Direction
de la Santé Publique et corrigées par une commission
(Marguerat1992 :122). Le nombre d'élèves à recruter
était fixé annuellement par le Commissaire de la
République.
A l'issue de ce concours, certains candidats étaient
retenus pour être formés.
1-1-2- La formation professionnelle
La formation professionnelle pendant cette période
était appréciable. Déjà en 1932 une école de
garde sanitaire a été créée à Lomé.
En 1938, une autre école de microspistes et d'infirmiers
spécialistes de la trypanosomiase ont été
créées à Bafilo et à Alédjo15(*) (Alonou 1994 : 37 ;
Gayibor 2004 : 583).
Comme nous l'avions dit un peu plus haut, le recrutement du
personnel jusqu'à cette date se faisait sur le tas et leur formation,
outre celle que recevait le personnel dans les écoles
énumérées plus haut il y avait également la
formation sur le tas héritée de l'époque allemande.
C'était finalement le décret N° 274/P
portant création de l'école des infirmiers et signé le 29
Mai 1945 par le Gouverneur Noutary qui sonna le glas du début d'une
formation d'importance au Togo. Cette école avait pour but de
préparer à leurs fonctions les infirmiers et infirmières
et était rattachée à la formation sanitaire de Lomé
et fonctionnait sous la direction du médecin-chef de cette formation
assisté d'un médecin résident (Tolgou 1998 : 38).
La durée de la formation, de 6 mois au début
fut portée à 1 an puis à deux à la création
de l'école et était calquée sur un programme de formation
bien défini (Marguérat 1992 :122).
Le programme de formation comportait un stage pratique qui
s'effectuait par roulement dans les différents services hospitaliers,
ainsi qu'à la pharmacie, au laboratoire de bactériologie et au
service d'hygiène.
L'enseignement théorique était assuré
l'après-midi et les cours étaient professés par les
médecins, les pharmaciens, médecins africains en service à
Lomé. Les matières enseignées au début de la
création étaient basées sur la morale professionnelle, le
rôle de l'infirmier, la technique des soins d'usage courant à
donner aux malades, le mobilier et matériel médicochirurgical, la
stérilisation et la désinfection, des notions
élémentaires de pharmacie et de laboratoire (Tolgou
1998 : 39 ; Marguerat 1992 : 122).
A la fin de la formation, les élèves
subissaient un examen de sortie qui comportait des épreuves
écrites, orales et pratiques. Les élèves qui
réunissaient à cet examen de sortie étaient nommés
infirmiers stagiaires et affectés, à ce titre, dans les
différentes formations hospitalières du territoire où ils
étaient soumis à un stage d'un an avant qu'il soit statué,
d'après leur aptitude et leur manière de servir, sur leur
titularisation. Titularisés, ils faisaient partie du cadre local des
infirmiers du Togo (Tolgou 1998 : 40 ; Marguérat 1992 :
122). Tels étaient le recrutement et la formation des auxiliaires
médicaux. Qu'en était-il des médecins ?
1-2- Les médecins africains :
conditions de recrutement et formation
professionnelle
Il nous est important de rappeler ici que auxiliaires
médicaux et médecins
africains étaient tous des agents de santé ayant
servi sous la direction des médecins européens. Pourtant, tous
n'avaient pas le même niveau d'instruction, ne recevaient pas la
même formation et aussi n'étaient pas formés ensemble. Les
premiers (auxiliaires médicaux) étaient formés au Togo
alors que les seconds (médecins africains) l'étaient hors du
Togo. Leur formation ne leur permettant pas d'accéder au diplôme
d'Etat, ils étaient valables seulement pour l'Afrique d'où leur
nom : médecins africains (Tolgou 1998 : 35). Quelles
étaient alors les conditions de recrutement de ces médecins
africains à cette époque et quelle était la qualité
de la formation qu'ils recevaient, telles sont les principales questions de
cette sous-partie.
1-2-1- Les conditions de
recrutement
Les conditions d'admission aux études des
médecins africains étaient diverses. Ils pouvaient y parvenir
après un processus ou être directement recrutés sur
concours.
Sur le processus après lequel on pouvait avoir
accès à ces études, voici les propos tenus par le Docteur
MIKEM qui fut l'un des médecins togolais ayant suivi ce
processus :16(*) « C'est après l'obtention
du CEPE que j'ai été admis, sur concours, au cours
complémentaire, le « Petit-Dakar » de Lomé.
Par la suite, certains services du Togo ayant été
transférés au Bénin (le Dahomey d'alors) ; en 1935,
le cours complémentaire et même la Direction de la Santé
ont été aussi transférés là-bas. Nous avons
été donc formés à l'école Victor Ballot de
Porto-Novo, de là, nous avons passé un concours qui nous a permis
d'être admis d'abord à l'école normale supérieure de
Sébicotane, puis, par la suite, grâce à un autre concours,
nous avons été admis à l'école de médecine
de Dakar. » (Marguerat et Péléi 1992 :
157).
Cette interview du Docteur MICKEM nous révèle
les étapes à suivre, à partir du CEPE, pour atteindre
l'école de médecine de Dakar. Cette étape, relativement
longue serait celle en vogue au début de la colonisation
française et probablement jusqu'aux années 1930.
Par contre, d'autres Togolais étaient aussi
recrutés directement pour la formation de Dakar. Les médecins et
les pharmaciens y étaient admis avec le baccalauréat tandisque
les sages-femmes et les infirmiers pouvaient y entrer avec le BEPC (Alonou
1994 : 37), tous sur un concours qui se faisait dans toute l'Afrique
Occidentale Française (AOF) le même jour (Marguerat et
Péléi 1992 : 161). Les épreuves du concours
étaient du niveau exigé pour le concours dans chaque
catégorie et pouvaient avoir accès à ce concours tous les
Africains ressortissants des pays de l'AOF. Les candidats reçus à
la suite du concours doivent alors rejoindre le Sénégal pour
être formés.
1-2-2- La formation professionnelle
La formation du personnel qui comprenait donc les
médecins africains, les sages-femmes, les vaccinateurs, les infirmiers,
les vaccinateurs pour ne citer que ceux-la se faisait à Dakar (qui
était à l'époque la capitale de l'AOF) au
Sénégal mais aussi au Cameroun (où l'on formait les
infirmiers du service de lutte contre la trypanosomiase) et plus tard en France
(comme nous le verrons plus loin).
Mais puisque c'est à Dakar que la plupart des Togolais
de cette époque étaient formés, nous privilégierons
cette ville par rapport aux autres pays.
Le programme de formation de l'Ecole de Dakar (école
crée en 1919) était basé sur tout ce qui se rapportait
à la médecine préventive et à l'hygiène
(Alonou 1994 : 37).
Selon la spécialisé choisie, les futurs agents
de santé n'étaient pas formés dans une même
école à Dakar puisque la ville de Dakar était en ces
moments dotée de :
- un hôpital principal recevant les Européens et
certaines catégories d'Africains. L'établissement comprenait une
maternité et tous les services de spécialité ;
- Un hôpital central avec Services de
spécialités réservé à l'Assistance
Médicale Indigène ;
- Une maternité uniquement réservée aux
Africains ;
- Une polyclinique dite Polyclinique Roume, organisme de
consultations externes ;
- Un institut pasteur, organisme de recherches
scientifiques ;
- Une Ecole Africaine de Médecine et de Pharmacie avec
des promotions moyennes de 20 élèves et
- Un Ecole de Sages-femmes africaines17(*)
C'étaient dans ces différentes écoles et
établissements qu'étaient formés les médecins
africains, les sages-femmes, les infirmiers et autres.
La durée de formation était de 4 ans pour les
médecins et de 3 ans pour les
pharmaciens et les sages-femmes (Alonou 1994 : 37) ;
Marguerat et Péléi 1992 : 162). A la fin de cette formation,
un examen de sortie était organisé à la suite duquel les
diplômes leur étaient donnés. A la sortie, ils revenaient
au Togo pour commencer leur profession.
De toute évidence, ces médecins africains
étaient mieux formés que les auxiliaires médicaux et par
conséquent, avaient une connaissance plus approfondie que les
auxiliaires ; mais tous formaient le personnel médical
autochtone.
2 - Le personnel médical et les nouvelles
innovations
Le personnel médical était relativement
considérable à cette époque. Elle était
composée sans doute de personnel européen et surtout de personnel
indigène. Leurs actions étaient nombreuses et c'étaient
d'elles que naîtront de nouvelles innovations. D'abord voyons comment
était composé le personnel médical.
2-1- Le personnel médical
Généralement, nous pouvons
distinguer deux types de personnels :le personnel européen et le
personnel autochtone.
2-1-1 Le personnel médical européen
et ses activités.
Le personnel sanitaire européen était
composé de médecins militaires, de pharmaciens militaires,
d'infirmiers militaires ; ils étaient soit des médecins
généralistes, soit des médecins spécialistes
(Alonou 1994 : 35).
Le rôle des médecins européens
était surtout un rôle de direction et de contrôle, ayant
leur centre d'action au chef-lieu de la circonscription sanitaire. Ils avaient
la haute main sur l'hôpital indigène ; mais, en
général, ils se bornaient à y assurer un service technique
de médecin consultant de façon à n'aliéner ni leur
liberté, ni leur mobilité et à pouvoir, par des
tournées fréquentes, suivre le personnel local, le conseiller,
l'encourager et empêcher toute défaillance (Alonou 1994 :
36 ; Gayibor 2004 : 583).
Concernant les médecins spécialistes, ils
étaient en principe utilisés dans les colonies suivant leur
spécialité et au mieux des intérêts et des
nécessités du service médial outre - mer. Pendant des
années, le corps de santé coloniale, qui a été
pionnier de l'assistance indigène dans toutes les colonies, restait
insuffisant pour accomplir une tâche efficace et durable. Pour lui
permettre de faire face à de multiples fonctions,
particulièrement importantes en Afrique, des mesures furent prises pour
intensifier son recrutement. Malgré toutes ces mesures l'insuffisance du
personnel français resta grande. Pour y remédier, il fut
envisagé le concours des médecins togolais pour remplir les
fonctions d'adjoint sous les ordres et le contrôle des médecins
français (Alonou 1994 :36 ; Assima - Kpatcha
2004 :153).
Le tableau suivant fait apparaître l'insuffisance du
personnel médical européen et l'accroissement du personnel
africain.
Tableau N°2 : Nombre de
postes médicaux et effectifs du personnel européen et africain de
1922 à 1927.
Années
|
Nombre de postes médicaux
|
Personnel européen
|
Personnel africain
|
1922
|
11
|
5
|
30
|
1923
|
11
|
6
|
46
|
1924
|
11
|
6
|
49
|
1925
|
12
|
9
|
56
|
1926
|
12
|
9
|
65
|
1927
|
17
|
10
|
86
|
Source : Cornevin 1988 :
275
Dans ce tableau on constate une hausse continue du personnel
européen et africain de même que du nombre de postes. Concernant
le dernier en constate une hausse des effectifs de 88,06% entre 1922 et
1927.
Précisons par ailleurs que pendant cette
période, le personnel africain n'était pas composé
seulement des Togolais mais aussi d'autres médecins venus de l'AOF et
surtout du Dahomey. Mais toujours est - il que le personnel européen
était aidé dans ses tâches par le personnel indigène
c'est - à - dire autochtone.
1.1.2. Le personnel autochtone et ses
activités
En dehors des médecins européens, on notait
à partir de l'entre - deux - guerres des médecins africains,
appelés ainsi en comparaison des premiers, qui, seuls avaient le titre
de docteurs. Parmi eux nous pouvons citer les docteurs Hospice Coco, Samuel
Johnson, Trenou, Robert Fiadjoe (Marguerat et Péléi
1992 :122 ; Gayibor 2005 :584t1). On peut
également citer les premières sages - femmes comme Bekea,
Kponton, Adigo.
Ce personnel représentait les éléments
d'exécution essentiels dont l'action auprès des populations fut
incessante. Ayant des affinités de langue ou parlant le même
dialecte, connaissant la mentalité, les préjugés et les
traditions, il représentait le meilleur moyen de
pénétration et de persuasion, et c'est surtout par lui que les
indigènes devaient apprendre à lutter contre les endémies
et d'autres maladies (Alonou 1994 : 36).
La place des sages - femmes était dans les dispensaires
et les centres de consultation pour les examens à effectuer et les
conseils à donner. Elles y pratiquaient les accouchements et y
introduisaient les notions de puériculture.
Les gardes sanitaires étaient chargés de la
surveillance des mesures d'hygiène et de salubrité.
Les médecins africains quant à eux
étaient employés comme auxiliaires dans les hôpitaux et
dispensaires disponibles sur toute l'étendue du territoire (Carte
n°1).
Le rapport annuel de 192318(*) précisait que ce personnel rendait
d'excellents services. Certains médecins auxiliaires qui faisaient
preuve d'une bonne instruction médicale suppléaient
jusqu'à un certain point les médecins européens dans
les dispensaires et lors de certaines tournées (Assima-Kpatcha
2004:153).
Les aides médecins et les infirmiers dont quelques-uns
avaient de 20 à 25 ans de service étaient aussi
expérimentés que dévoués .Grâce à ces
qualités, les dispensaires annexes qui étaient confiés
à de simples aide médecins et infirmiers indigènes sous
la surveillance des médecins- chefs des cercle fonctionnaient
très bien.
Les sages-femmes diplômées de l'école de
Dakar et les infirmières étaient des plus utiles pour les soins
aux accouchées, aux nourrissons et aux femmes malades. Elles
pénétraient plus facilement que les médecins
européens dans les familles indigènes pour faire des
accouchements, pour donner des conseils aux jeunes mères et surveiller
l'alimentation et l'hygiène des nouveaux-nés (Marguerat et
Péléi 1992 : 163 ; 165).
Ainsi, les tâches du personnel médical
autochtone consistaient à maintenir sur le territoire des conditions
sanitaires acceptables, c'est-à-dire soigner la population, à la
vacciner, à dépister les maladies, à lutter contre les
épidémies et les endémies, à veiller au maintien
des conditions hygiéniques adéquates.
C'est en fonction de tous ces éléments que les
effectifs des personnels européens et surtout africains ont
considérablement évolué entre 1928 et 1931 comme nous le
montre le tableau suivant.
Tableau N° 3 : Nombre de
postes médicaux et des effectifs des personnels européens et
africains de 1928 à 1931
Années
|
Nombre de postes
|
Personnel européen
|
Personnel africain
|
1928
|
20
|
12
|
115
|
1929
|
25
|
15
|
148
|
1930
|
32
|
21
|
149
|
1931
|
35
|
20
|
170
|
Source : Cornevin 1987 :
275
Il est à constater dans ce tableau la hausse continue
aussi bien du nombre
de postes (+75 %) que des effectifs du personnel
médical africain (+47,82 %) et européen (+66,66 %) entre 1928 et
1931 (Assima - Kpatcha 2004 : 299).
La relation entre les « Dakarois » et les
auxiliaires formés au Togo était au
début un peu désagréable avant de se
normaliser par la suite. Sur ce, voici le témoignage qu'en livre le
Docteur Mikem (cité plus haut) : « La
solidarité dans le travail ne s'est pas instaurée
immédiatement. C'est avec le temps, petit à petit, qu'on s'est
familiarisé, car, quand nous sommes arrivés, il y avait des
anciens infirmiers qui faisaient fonction d'assistants des médecins de
l'époque, et qui travaillaient très bien. Il y a eu des noms
célèbres comme les Kpadénou, les Adigo, qui ont
été des infirmiers réputés dans le temps, qui
assistaient vraiment correctement les médecins dans leur travail !
Quand nous étions arrivés, il est vrai que l'entente ne s'est pas
établie tout de suite, mais, petit à petit, on a appris à
se tolérer, et l'entente a fini par
prédominer.»(Marguérat et Péléi
1992 :153).
Ces petits problèmes entre personnel togolais
n'étaient pas de taille à
compromettre la qualité de leurs prestations. Ces
prestations se sont élargies avec de nouvelles innovations.
2-2-Les nouvelles in novations
Ces innovations dont nous ferons cas concernent deux
principaux services
mis au point à l'endroit des indigènes et dont
les principaux agents étaient les agents de santé togolais
toujours dirigés par les Européens : c'étaient la
médecine mobile et l'oeuvre de berceau.
2-2-1- La médecine mobile
Ce service, crée par l'arrêté du 27
novembre 1923 avait pour but de porter
les bienfaits de l'Assistance médicale dans les
régions éloignées des postes pourvus de
médecins.19(*)
Un médecin fut chargé de ce nouveau service et
passait un mois environ
dans chaque circonscription médicale. Le service mobile
exerçait dans les régions les plus éloignées des
centres administratifs (Sokodé, Bassari, le pays Cabrais,
Sansanné-Mango, les cantons Konkombas dans le Nord et dans le Sud les
cercles de Lomé et d'Anecho ; la région montagneuse
d'Akposso, Tététou et Sagada)20(*), en liaison étroite cependant avec les postes
médicaux sur lesquels il dirigeait les malades les plus gravement
atteints (Alonou 1994 : 33).
Les médecins mobiles profitaient pour visiter les
principaux centres les jours de marché où l'affluence
était particulièrement considérable. Afin de faciliter
leur tâche, les Administrateurs prévenaient à l'avance
leurs administrés de la visite du médecin en les invitant
à rassembler les malades au lieu et à l'heure de la consultation.
Par ces consultations, les médecins soignaient un grand nombre
d'individus, distribuaient de la quinine, et aussi donnaient des conseils
d'hygiène et de puériculture. D'autres maladies comme la
lèpre, la maladie du sommeil, la , le syphilis et le parasitisme
intestinal étaient dépistés.
En outre, les médecins mobiles donnaient aux chefs et
aux notables d'utiles conseils sur l'assainissement des villages, la
destruction des larves de moustiques dans les réservoirs d'eau,
l'assèchement des mares, le débroussaillement,
l'établissement de margelles autour des puits, les soins aux
nouveaux-nés...(Alonou 1994 : 34).
Cette médecine dite mobile était l'une des
innovations de la période mandataire ; une autre innovation est
l'oeuvre de berceau.
2-2-2- L'OEuvre du Berceau
L'autorisation de la création de L'OEuvre du Berceau a
été possible grâce à l'arrêté en date
du 22 mai 192421(*). Cet
arrêté autorisait au fait la création à Lomé
d'un Comité de la Croix-Rouge française, dépendant de
l'Union des Femmes de France et ayant pour but l'assistance aux mères et
aux nourrissons indigènes.22(*)
L'OEuvre du Berceau était donc une organisation
privée qui était chargée d'effectuer le redressement
nécessaire en ce qui concerne les mesures de présentation et de
protection de la première enfance.
Fondée par les femmes européennes, l'OEuvre du
Berceau était sous le patronage de l'épouse du Gouverneur
Bonnecarrère et rattachée au siège central à
Paris.
L'un des éléments essentiels de cette
organisation était la construction des maternités. La
première fut construite en 1925 à Lomé. Une annexe de
l'OEuvre du Berceau était créée à Aného en
1927 ; l'année suivante ce fut à Kpalimé que cette
oeuvre s'étendit. Les villes d'Atakpamé et Kara connurent
chacune la construction d'une maternité par la progression de l'oeuvre
en 1929-1930 (Gayibor 2005 : 593t1).
Ces différentes maternités ajoutées
à celle qui furent créées par l'administration avaient
enregistré les données contenues dans le tableau
suivant :
Tableau N° 4 : Nombre
d'accouchements pratiqués dans les maternités
Années
|
Nombre d'accouchements
|
1922
|
8
|
1923
|
14
|
1925
|
24
|
1926
|
64
|
1927
|
274
|
1928
|
306
|
1929
|
378
|
Source : Gayibor 2005 :
593t1
Des résultats de l'oeuvre avaient été
satisfaisants ; ce qui explique l'augmentation du nombre d'accouchements
chaque année d'une manière très considérable.
A part ces accouchements, l'oeuvre faisait également
les consultations au cours desquelles les mères amenaient leurs enfants
qui étaient examinés par un médecin puis
immatriculés dans un registre muni du livret de nourrisson. Ce livret
contenait l'état civil de l'enfant, les observations faites à la
naissance, la courbe du poids pendant les premières années et le
résumé des consultations. Ces consultations sont
résumées dans le tableau suivant :
Tableau N° 5 : Nombre de
consultations
Années
|
Lomé
|
Aného
|
Kpalimé
|
Atakpamé
|
Sokodé
|
Kara
|
Mango
|
1924
|
1083
|
|
|
|
|
|
|
1925
|
3061
|
|
|
|
|
|
|
1926
|
6172
|
|
|
|
|
|
|
1927
|
6864
|
4212
|
|
|
|
|
|
1928
|
7332
|
4525
|
3224
|
|
|
|
|
1929
|
7431
|
2906
|
2071
|
46
|
|
|
|
1930
|
8529
|
8776
|
3516
|
1937
|
1168
|
1140
|
4603
|
1931
|
8380
|
9248
|
3445
|
1097
|
3621
|
8243
|
7863
|
Sources : Gayibor 2005 :
294t1
Ces chiffres contenus dans le tableau nous témoignent
l'effectivité de la tâche accomplie par les sages-femmes au Togo
sous mandat administré par la France.
Précisons toutefois que ces sages-femmes qui avaient
travaillé dans le service du Berceau n'étaient pas toutes
françaises. En effet, elles étaient les principales directrices
des activités mais étaient aidées par des sages-femmes
africaines. Ces dernières étaient composées aussi bien des
femmes ressortissantes des pays de l'AOF mais surtout du Dahomey (Le
Bénin actuel) et des premières sages-femmes togolaises
formées à Dakar car la toute première promotion de sages
femmes du Togo en était sortie en 1923 (Marguerat et Péléi
1992:161). Elles devaient donc faire partie des sages - femmes de L'OEuvre du
Berceau.
D'une manière générale, la
période de mandat du Togo sous la France correspondant à la
période de 1922 - 1946 était une période de profondes
mutations. Ces mutations ne touchaient pas seulement les nouvelles dispositions
sur le recrutement des auxiliaires médicaux mais aussi leur formation
prit de nouvelles orientations.
La même période donna aussi naissance à un
nouveau corps d'agent de santé autochtone qui est les médecins
africains, les sages - femmes, les infirmiers.
Ce nouveau corps était techniquement plus formé
que le premier. Il n'était pas formé au Togo comme c'est le cas
des auxiliaires médicaux mais pour la plupart à Dakar, capitale
de l'AOF.
Des innovations marquaient également cette
période. Nous avions énuméré deux services sociaux
rattachés à la santé qui furent créés pour
le bien des populations indigènes. C'étaient la médecine
mobile et L'OEuvre du Berceau. Ces services marquèrent de leur sceau la
vie des Togolais par les nombreux rôles qu'ils avaient joué dans
cette société.
Mais à partir de 1945, le Togo changea de nouveau son
statut, ce qui marqua également le corps des auxiliaires médicaux
et des médecins africains.
CHAPITRE SIXIEME: Les auxiliaires médicaux
et les médecins africains au temps de la tutelle: 1946 -
1960.
La période allant de 1946 à 1960 est celle qui
correspond à la période de tutelle de la France sur le Togo. En
effet, c'est à partir de 1946 que le TOGO passa du statut du mandat de
la SDN pour celui de la tutelle de l'ONU. Ce nouveau statut, bien que
différent du précédant de part ses recommandations vis-
à - vis de la France, n'avait pas assez marqué le corps des
agents médicaux autochtones. Cependant, certaines dispositions nouvelles
avaient été prises. Quelles furent ces dispositions qui
marquèrent la fin de la colonisation française au Togo sur les
auxiliaires médicaux et les médecins africains? Quel est enfin
l'état général de ces agents de santé
autochtones?
1-Les nouvelles dispositions de la tutelle
Ces dispositions seront comprises par l'étude de
certains faits comme la seconde guerre mondiale et la Conférence de
Brazzaville mais aussi par l'analyse de l'esprit de la tutelle sur les agents
sanitaires.
1-1- L'héritage de la période du
mandat.
Plusieurs évènements eurent lieu pendant mandat
qui ont valablement soutenu et avantagé le corps médical
autochtone: c'étaient la seconde guerre mondiale et la Conférence
de Brazzaville
.
1.1.1. La seconde guerre mondiale
Sur la seconde guerre mondiale, elle n'avait pas
créé de rupture dans le service de santé comme l'avait
fait la première guerre mondiale. Lors de la première grande
guerre (comme nous l'avions démontré plus haut), le personnel
médical togolais était délaissé par le personnel
allemand qui lui servait de cadre. Par contre, pendant la seconde guerre
mondiale, le personnel autochtone était toujours encadré comme la
période d'avant guerre. Sur ce, voici ce que nous livre un document
secret daté du 16 juillet 193123(*) :« En temps de guerre, le Service de
Santé est dirigé par le Chef du Service de Santé du temps
de paix.Le Chef du Service de Santé du Territoire en temps de guerre est
placé sous les ordres directs du Commissaire de la République qui
lui délègue tous les pouvoirs nécessaires au
fonctionnement de ce service.»
Ces phrases nous révèlent sans commentaires la
continuité des oeuvres sanitaires même pendant la période
de guerre. Ces oeuvres se poursuivaient toujours avec l'aide des agents
sanitaires autochtones.
Pendant la guerre ce document permettait au chef du Service de
Santé d'établir un plan d'action en tenant compte des
nécessités suivantes:24(*)
- Utiliser au maximum le personnel médical
européen non soumis aux obligations militaires; militaires;
- Assurer l'assistances pré et post- natale, celle des
adultes et des vieillards;
- Assurer l'hygiène individuelle et collective des
Indigènes et des Européens;
- Continuer la lutte contre la trypanosomiase dans les foyers
particulièrement importants et procéder à des sondages
dans les régions où elle a été
précédemment révélée;
- Procéder aux vaccinations préventives,
varioliques en particulier;
- Assurer dans les grands centres la prophylaxie des maladies
endémiques (paludisme, fièvre jaune, amibiase, etc.)
- Procéder aux soins curatifs du pian;
- Augmenter le rayon d'action des secteurs sanitaires
maintenus.
Comme nous pouvons clairement le constater, ces dispositions
prévues pour la période de guerre n'étaient pratiquement
pas différentes de celles existant en période de paix; ce qui
veut également dire que le Service de Santé n'avait tellement pas
senti les coups de la seconde guerre mondiale comme pendant la première
guerre.
Aussi est - il important de souligner que, puisque le Service
de Santé dépendait aussi de l'apport des auxiliaires
médicaux et médecins africains, ceux - ci avaient pendant cette
période existé et travaillé comme en temps de paix. Par
ailleurs, leur formation aussi s'était toujours poursuivie, même
à Dakar (Marguerat et Péléi 1992: 158).
De tout ceci, on peut estimer que la guerre de 1939 - 1945
n'avait pas été un facteur défavorable aux
activités médicales au Togo. Plus encore l'a été
la Conférence de Brazzaville qui poussa même loin l'idée de
l'épanouissement des indigènes.
1.1.2. La Conférence de Brazzaville
Tenue dans la capitale congolaise du 30 janvier au 8
février 1944, la Conférence de Brazzaville a été,
sans vraiment le vouloir, un déclencheur de l'affirmation de la
personnalité africaine francophone.
Initiée par le général Charles de Gaulle,
chef du Gouvernement de la France Libre sous la présidence du
Commissaire aux Colonies René Pleven, cette conférence
réunit exclusivement les hauts fonctionnaires coloniaux en
activité en Afrique: les gouverneurs et les lieutenants - gouverneurs
(Gayibor 2005 :204t1). Le Togo a été
représenté par le Commissaire de la République Jean
NOUTARY.
De retour au Togo, NOUTARY se chargea de mettre en application
les décisions de la conférence qui sont d'ordre politico-
administratif et social afin de conduire à améliorer les
conditions matérielles, spirituelles et morales des populations
colonisées qui doivent consentir à s'adapter aux valeurs de la
civilisation française (Gayibor 2005: 205t1)
En effet, la France entendait ouvrir le chemin aux Africains
afin qu'ils arrivent à petit coup à se prendre en charge et
à s'initier à la politique administrative.
C'était dans ce but que les Togolais avaient eu cette
latitude de pouvoir se mettre aux côtés des Français pour
pouvoir acquérir des connaissances qui leur permettront de pouvoir les
suppléer à terme.
Dans le domaine de la Santé, plusieurs mesures avaient
été prises pour l'émancipation des médecins
africains comme nous le verrons plus loin. C'est ce qu'on peut comprendre
à travers les écrits de Miège (1973: 310 - 311 in Gayibor
2005: 205t1) «La Conférence de Brazzaville (30
janvier - 8 février 1944), sans avoir le caractère
révolutionnaire et décolonisateur qui lui sera prêté
par la suite, remet en cause l'organisation passée...».
A partir de cette conférence, les agents de
santé eurent un nouveau départ dans leur niveau d'étude.
Ces dispositions héritées de la période
du mandat et les nouvelles recommandations de la tutelle hissèrent la
profession médicale autochtone très haut.
1.2. L'esprit de la tutelle et les agents
sanitaires autochtones.
La SDN (Société des Nations) qui institua le
régime du mandat avait connu sa chute par le déclenchement de la
seconde guerre mondiale en1939. C'est ainsi qu'à la fin de cette guerre,
LONU (Organisation des Nation Unies) fut créée et, à son
tour, institua le régime de tutelle.
Ces deux régimes sont identiques sur le fait qu'ils
prenaient la direction des colonies allemandes confiées à la
France et la Grande Bretagne; mais leur différence réside dans la
souplesse des mesures prises et la volonté d'expansion des colonies
voulues par l'ONU.
En effet, pour contribuer efficacement à la
réalisation de ces nouvelles dispositions, le Conseil de Tutelle exigea
désormais de la France et du Royaume - Uni de produire des rapports
annuels portant sur certains points.
Une nouveauté dans ces dispositions était que la
Commission de tutelle pouvait envoyer dans les territoires des missions
d'observation, qui, dans le cadre du Togo, furent un élément
important de son évolution politique et social (Gayibor 2005: 183
t1).
C'est en fonction de ces dispositions que la France fut
obligée d'assouplir ses armes de domination sur le Togo.
Sur le personnel de santé autochtone, ces dispositions
furent saisies pour que le personnel togolais autochtone puisse s'affranchir
des liens et de la volonté des Français de tarder voire bloquer
l'évolution de ce personnel
En un mot, de la seconde guerre mondiale en passant par la
Conférence de Brazzaville jusqu'aux dispositions du régime de
tutelle, on peut retenir que tous ces éléments avaient
donné un résultat commun qui est l'éclosion et
l'émancipation de la profession médicale autochtone au Togo. Dans
la réalité, comment avait donc évolué ce corps des
auxiliaires médicaux et de médecins africains au Togo pendant
cette période de tutelle?
2 Le personnel médical autochtone au Togo sous le
régime de la tutelle.
Sous le régime du mandat comme sous la tutelle, le Togo
était administré par la France, ce qui sous - entend que le
personnel médical autochtone était sous les ordres des
médecins français. Pourtant l'administration des deux
régimes était quand même différente l'une de l'autre
en fonction des recommandations de chaque régime. En quoi donc le
régime de tutelle différait de celui du mandat sur la vie des
auxiliaires médicaux et des médecins africains?
Quelles étaient les conditions de vie des auxiliaires
médicaux et des médecins africains à traverses les
témoignages des agents sanitaires togolais de cette période?
Toutes ces questions seront analysées sans passer sous silence le bilan
de l'action sanitaire de la France au Togo.
2.1. L'approfondissement des réformes sous le
régime de tutelle.
Le régime du mandat a connu sa fin avec l'instauration
de celui de la tutelle. Sous celui- ci, plusieurs dispositions avaient
été prises.
Sur le recrutement, c'était le système du
régime du mandat qui étai poursuivi. Cela signifie que seuls les
jeunes gens titulaires d'un certificat d'études primaires étaient
admis au stage d'élève infirmier sur concours. Ce concours avait
lieu sur décision du gouverneur (Tolgou 1998:37).
En 1947, l'arrêté N° 379/P du 28 mai
modifia ce système d'admission. Désormais, l'admission à
l'école a lieu chaque année par voie de concours dans la
première quinzaine du mois de juillet. (Tolgou 1998:38). Cette
disposition accrut considérablement le nombre des auxiliaires
médicaux pendant la tutelle.
Recrus, les élèves étaient
formés. Le programme et les méthodes de formation
demeurèrent mais furent élargis par le décret N°379/P
du 28 mai 1947 cité plus haut. Ainsi les nouvelles matières
ajoutées étaient l'anatomie, la physiologie, l'hygiène,
l'épidémiologie, la bactériologie, la parasitologie, les
sémiologies médicale et chirurgicale, la pratique d'urgence, la
petite chirurgie, la pharmacologie et l'administration.
L'école de formation de Lomé, à cette
date, ne disposait pas de salle de cours à proprement parler, ni de
matériel, ni de salles de démonstrations pratiques. Les cours
étaient irrégulièrement dispensés à cause de
la non disponibilité des professeurs qui étaient des
médecins de l'hôpital ou de la ville. Ces absences chroniques des
enseignants avaient réduit la formation infirmière aux stages
pratiques dans les différents services (Tolgou 1998:39).
D'autres catégories d'auxiliaires étaient
également créées à cette époque. Il s'agit
des agents sanitaires, des agents techniques et des agents d'hygiène.
Le cadre des agents sanitaires, créé par un
arrêté daté du 16 juin 1947 comprenait des agents
sélectionnés dans le cadre des infirmiers. Ils étaient
recrutés, après concours spécial, parmi les infirmiers
titulaires du certificat d'études primaires après examen de la
qualité des services du candidat.
Les candidats admis au concours effectuaient un stage
d'instruction d'un an à l'hôpital de Lomé dans les services
hospitaliers. L'instruction théorique était assurée par
les cours professés par les médecins africains en service
à Lomé (Gayibor 2005: 584t1).
La sévérité de la sélection
expliquait la qualité des agents de ce cadre qui étaient les
auxiliaires des médecins. Ils étaient chargés de
l'exécution des soins différenciés, des fonctions
d'encadrement et de la tenue des dispensaires les plus importants (Tolgou
1998:40). Ensuite viennent les agents techniques.
Il s'agit d'un nouveau corps de cadre supérieur
créé par l'arrêté N°1034 - 54/ C.P. du 6
décembre 1954 comportant des agents dûment
sélectionnés dans les cadres des agents sanitaires, des
infirmiers et destinés à remplacer le cadre des agents
sanitaires. Ces agents étaient recrutés soit sur titre, soit par
voie de concours ou examen professionnel. Ceux recrutés sur concours ou
examen professionnel devaient avoir au moins cinq ans d'ancienneté dans
le service. (Tolgou 1998:40-41). Enfin venaient les agents sanitaires.
Créé par l'arrêté du 16 juin 1947,
ce cadre, composé d'agents d'hygiène assermentés,
était chargé d'assurer sous l'autorité des médecins
du service d'hygiène, l'exécution des mesures d'hygiène et
de la prophylaxie prévues par les règlements. Leurs formations et
leurs avancements étaient superposables à ceux des infirmiers.
Les cours théoriques et pratiques se déroulaient au service
d'hygiène de Lomé (Tolgou 1998:41).
En résumé, la formation des cadres subalternes
avait été quantitativement et qualitativement insuffisante
d'abord pour des raisons énumérées plus haut et aussi pour
des raisons budgétaires de 1945 - 1957. Pour ces raisons les concours
d'infirmiers n'avaient pu avoir lieu en 1952, 1954et en 1955. En 1956 le
concours avait permis de recruter seulement 10 élèves infirmiers.
Mais à partir de 1958 le développement de l'instruction publique
offrait des candidats en grand nombre et par conséquent donnait une
sélection satisfaisante (Tolgou 1998:41).
Au total, les services de santé togolais utilisaient
en 1950 un personnel de santé composé de 13 Européens et
de 419 Africains comme nous le montre le tableau suivant :
Tableau N°6: Personnel
européen et africain servant au Togo en 1950
QUALITE
|
EUROPEENS
|
AFRICAINS
|
TOTAL
|
|
MILITAIRES
|
CIVILS
|
|
|
Docteur en
médecine
|
08
|
02
|
02
|
12
|
Médecins
africains
|
00
|
00
|
00
|
00
|
Chirurgiens
dentistes
|
00
|
01
|
00
|
01
|
Pharmaciens
chimistes
|
01
|
00
|
00
|
01
|
Pharmaciens
africains
|
00
|
00
|
01
|
01
|
Sages-femmes contractuelles
|
00
|
01
|
00
|
01
|
Sages-femmes africaines
|
00
|
00
|
03
|
03
|
Agents sanitaires
|
00
|
00
|
23
|
23
|
Infirmiers (ères) de cadres
|
00
|
00
|
243
|
243
|
Infirmiers (ères) auxiliaires.
|
00
|
00
|
27
|
27
|
Infirmiers (ères) journalières.
|
00
|
00
|
77
|
77
|
TOTAL
|
09
|
04
|
419
|
432
|
Source: Tolgou 1998:37.
Ce tableau nous révèle la part importante des
Africains au Togo dans la profession médicale, ce qui atteint un
pourcentage de 96,99% d'Africains contre environ 3,01% d'Européens. Mais
à partir des années 1950 d'autres avantages se
présentèrent aux Togolais
La multiplication, le développement et la
différenciation des services sanitaires entraînaient dans les
années cinquante le recrutement d'un personnel de plus en plus nombreux
et de plus en plus instruit. Le relèvement considérable du niveau
des études devait permettre le recrutement et la formation de toutes
catégories de personnels nécessaires au service de santé.
Toutes les facilités étaient données aux étudiants
togolais pour poursuivre leurs études en France à l'aide de
bourses. Ces dernières étaient offertes sans discrimination
aucune, à tous les étudiants. Outre les études en France,
d'autres possibilités étaient offertes aux étudiants
togolais d'entreprendre leurs études médicales à la
nouvelle Ecole de Médecine de Dakar (Tolgou 1998: 42).
Les boursiers togolais en cours d'étude en France en
1956 étaient au nombre de 29 dont 13 étudiants en médecine
comme l'indique le tableau qui suit.
Tableau N°7: Situation des
boursiers togolais en cours d'étude en France en 1956.
Niveau d'étude
|
Etudiants en Médecine
|
Chirurgiens
dentistes
|
Pharma-
ciens
|
Sages- femmes
|
Infir-
miers
|
1ère année
|
00
|
00
|
00
|
03
|
02
|
2ème année
|
01
|
00
|
00
|
00
|
00
|
3ème année
|
01
|
00
|
01
|
01
|
00
|
4ème année
|
03
|
00
|
01
|
00
|
00
|
5ème année
|
01
|
01
|
01
|
00
|
00
|
6ème année
|
02
|
00
|
00
|
00
|
00
|
Certificats spéciaux
|
00
|
01
|
04
|
00
|
00
|
Spécialisation
|
05
|
00
|
00
|
01
|
00
|
Total
|
13
|
02
|
07
|
05
|
02
|
Source: Tolgou 199:42
Il est à retenir que les premiers médecins
togolais avec une formation complète en sept années apparurent
dans les années 1950. Parmi ces "médecins complets" nantis d'un
doctorat en médecine nous pouvons citer les docteurs KPOTSRA. KEKEH et
VOVOR dans les années 1956-1960 (Marguerat et Péléi
1992:123; Gayibor 2005:584t1). Ces derniers exercèrent dans
le public contrairement à Pédro Olympio qui, lui, était
dans le privé (Gayibor 2005:584t1).25(*)
Ces médecins furent bien accueillis par les agents de
santé et les populations. A la lumière des témoignages de
ces agents de santé, analysons les conditions de vie du corps des
professionnels de la santé au Togo à cette époque.
1.2. Les conditions de vie des agents de
santé sous la tutelle:
les témoins parlent.
Les recommandations de la tutelle en collaboration avec les
legs du mandat firent de la période 1946-1960, sur le plan des
conditions de vie des agents de santé une période
prospère. Beaucoup de témoignages montrent que ces fonctionnaires
trouvaient que leurs conditions de vie et de travail, à défaut
d'être bonnes, étaient quand même acceptables. Sur ce,
laissons parler les témoins.
Sur les conditions de travail, voyons d'abord ce
qu'était l'effectif du personnel avant d'arriver au matériel. Au
sujet des effectifs du personnel, le Docteur Pierre Mikem
racontait:«Je ne sauvais vous donner un chiffre exact. Je sais
qu'à cette époque, travaillaient le médecin - commandant
Chavenon, des troupes coloniales, le médecin Leponcin, et d'autres
médecins qui venaient, mais qui ne restaient pas longtemps. Le docteur
Chavenon s'occupait de la chirurgie générale et de docteur
Leponcin de la médecine générale et de la
pédiatrie. Madame Bru, une sage - femme européenne, s'occupait de
la maternité, avec cinq ou six sages - femmes africaines. Il y avait
à l'époque le médecin. Colonel Lot, qui était
là au moment des transferts de l'hôpital; le commandant Chavenon;
de la chirurgie étant parti, le médecin - commandant Moran
étai venu le remplacer (...) Comme médecins togolais il y avait
le Dr Coco Hospice, le Dr Yébovi, le Dr Samuel Kokoroko Johnson et moi:
on était à la chirurgie. En médecine
générale, il y avait des agents techniques qui secondaient les
médecins. Les médecins togolais étaient surtout
affectés dans le nord du pays; (...) Le Dr Olympio travaillait
comme médecin privé.» (Marguerat et
Péléi, 1992: 147- 148; 150 - 151).
Sur l'effectif des sages-femmes, Marie - Louise Mikem, sage -
femme raconte « : On n'était pas nombreuses comme sages -
femme, à la maternité. On était quatre. (...) Nous
étions secondées par une infirmière, et on avait la chance
de travailler avec les anciennes infirmières comme Mesdames Anna Wood,
Anna Lawson, Adjgo et tant d'autres. Elle (l'infirmière) travaillait
avec nous et quand il y avait un cas grave, on faisait appel aux
médecins. » (Marguerat et Péléi
1992:162-163).
Comme nous pouvons le constater le personnel était
composé d'Européens et d'Africains mais ces derniers aussi
avaient à leur charge certains services.
Concernant les conditions de travail et à la question
de savoir si elles étaient améliorées Marie - Louise Mikem
répondait. « Ah oui, forcément, parce que, quand on
était en bas (...) il n'y avait pas de gants ; on travaillait avec
les mains nues, si bien qu'à chaque accouchement, surtout quand il
s'agissait des cas d'infection, nous avions du mal; ce n'était pas
agréable...Mais à Tokoin, il y avait des gants ; et
jusqu'à maintenant, les jeunes soeurs travaillent dans des conditions
que je dirais faciles, et qui n'existaient pas avant. Il faut dire qu'un grand
pas a été fait; elles sont beaucoup plus à l'aise pour
travailler.» (Marguerat et Péléi 1992:165).
Cette condition de travail difficile au début mais
satisfaisant par la suite a été soulignée par le Dr Pierre
Mikem au moment du transfert à l'hôpital de Tokoin:« Nous
sommes partis de Lomé avec sept malades seulement, les plus graves, qui
devaient constituer le premier lot de malades à être
traités dans ce nouvel hôpital. (...) C'est finalement au mois
d'août 1954 que tout le reste, le gros matériel, le personnel, a
été amené. Tout était en vrac le jour où
nous avions démarré le travail à Tokoin. Au service de la
chirurgie, alors qu'on avait encore rien installé au bloc
opératoire, nous recevions dès la première nuit une
urgence chirurgicale: c'était une hernie étranglée...On a
dû travaillé dans des conditions impossibles, mais nous
étions très contents parce que, finalement, on a réussi
à le tirer d'affaire...»; mais seulement quelques temps
après, continue l'interlocuteur, «le personnel était
satisfait, parce qu'il pouvait travailler dans de meilleurs conditions, avec du
matériel médico- chirurgical meilleur! Les installations, les
structures étaient également plus accueillantes que ce qu'il y
avait à Lomé.» (Marguerat et Péléi 1992:
150 - 151)
Parmi ces conditions de travail, l'accueil n'en manquait pas.
L'état de ces accueils d'abord entre infirmiers et médecins
togolais revenus de Dakar puis entre les «Dakarois» et les jeunes
docteurs revenus d'Europe.
Sur ces points, voici ce que nous livrait le Dr Mikem d'abord
sur l'accueil Infirmiers-Dakarois «La solidarité dans le
travail ne s'est pas instaurée immédiatement. C'est avec le
temps, petit à petit, qu'on s'est familiarisé, car, quand nous
sommes arrivés, il y avait des anciens infirmiers qui faisaient fonction
d'assistants des médecins de l'époque, et qui travaillaient
très bien. Il y a eu des noms célèbres comme les
Kpadénou, les Adjgo, qui ont été des infirmiers
réputés dans le temps, qui assistaient vraiment correctement les
médecins dans leur travail! Quand nous étions arrivés, il
est vrai que l'entente ne s'est pas établie tout de suite, mais, petit
à petit, on a appris à se tolérer, et l'entente a fini par
prédominer.»
Concernant eux - mêmes formés à Dakar et
les docteurs revenus d'Europe il disait ceci: «En tout cas, nous les
avons bien accueillis, tout au moins pour moi! J'ai trouvé là la
possibilité d'avoir encore du personnel médical; ce qui
permettait de partager ma tâche, car, quand j'étais médecin
résident, il y avait un seul médecin pour la chirurgie, le
docteur Brimbusson, qui, avec me docteur Moran, assumaient les tâches
dans tout le service chirurgical. J'étais littéralement
sollicité à chaque instant, pour les urgences médicales
comme
les urgences chirurgicales! La tâche était
énorme...Donc c'était un plaisir pour moi de pouvoir partager ces
tâches avec des confrères nouvellement arrivés. Ces
nouveaux étant d'ailleurs plus ou moins la famille, parce que la plupart
des médecins avaient envoyé leurs enfants pour la
relève......» (Marguerat et Péléi).
De tout ce qui précède, il est certain que les
agents de santé autochtones que sont les auxiliaires médicaux et
les médecins africains avaient connu une évolution
considérable sous le régime de la tutelle, c'est à - dire
entre 1946 - 1960. Cette sensible évolution était tributaire de
certains grands événements dont la seconde guerre mondiale et la
Conférence de Brazzaville. Ces éléments avaient
donné un nouveau souffle aux agents sanitaires autochtones; mais avec
l'esprit de la tutelle, le corps autochtone des agents de la santé connu
un éclat sans précédant.
En effet, l'approfondissement des réformes qui a
été enregistré à partir des années 1940
marqua profondément la carrière médicale. Les
différents décrets et arrêtés portants sur
l'organisation du service de santé et sur la création de nouveaux
corps d'auxiliaires médicaux avaient atteint leur sommet par la chance
qu'avaient alors les Togolais, grâce aux bourses d'études, de
poursuivre les études en Europe pour sortir nantis du doctorat.
Toutes ces dispositions avaient assoupli et
amélioré les conditions de vie et de travail des agents de
santé des Togolais.
3. Bilan de l'action médicale française au
Togo
Comme bilan, nous pouvons noter que les activités
médicales continuèrent à se résumer à
l'exécution des mesures d'hygiène, de salubrité et
d'assainissement intéressant la protection de la santé publique,
prescrites par le chef du territoire; à assurer dans les
agglomérations rurales et urbaines le dépistage des maladies
endémiques, épidémiques et appliquer instantanément
toutes mesures propres à les combattre et empêcher leur extension;
à développer chez les populations autochtones, sous la direction
des médecins, les notions élémentaires d'hygiène,
surveiller l'hygiène de l'enfance et collaborer à la lutte contre
les causes de la mortalité infantile; à encadrer solidement le
personnel indigène affecté aux services d'hygiène
(Assima-Kpatcha 2004:300.)
Les services sanitaires du Togo sont calqués sur celle
des autres colonies françaises. Le territoire est partagé en
subdivisions sanitaires correspondant généralement aux limites
des cercles. A la tête de chaque subdivision sanitaire est placé
un médecin qui dirige et contrôle un personnel composé
d'infirmiers, de médecins auxiliaires et de sages- femmes. De chef de
subdivision sanitaire ordonne et dirige les recensements démographiques,
donne les conseils d'hygiène nécessaires, examine les malades
graves et au besoin assure leur évacuation sur la formation sanitaire la
plus proche. Cette action, menée avec persévérance
auprès des Africains et appuyée par des tournées
périodiques de prospection, obtient un plein succès. Le nombre de
dispensaires et de postes de traitement augmente régulièrement et
la lutte contre les maladies endémo épidémiques
s'intensifie (Tolgou 1998:35).
Dans l'ensemble, le territoire fut partagé en sept
subdivisions sanitaires correspondant aux limites territoriales ou encore aux
subdivisions administratives (Cornevin 1987:405; Alonou 1994:30).
A Lomé, il existait un service de police sanitaire
maritime chargé de la reconnaissance et l'arraisonnement des navires. Ce
service était exercé par le chef du service de santé et
des agents sanitaires placés sous son autorité. Il avait
également sous ses ordres: le médecin arraisonneur, le gardien de
lazaret, les gardiens sanitaires et les sous- agents sanitaires.
Dans chaque subdivision administrative, il était
créé une commission sanitaire d'hygiène composée du
médecin de cercle, du commandant de circonscription, d'un notable
indigène et d'un commerçant européen. Les médecins
de circonscriptions étaient vice-présidents des missions
sanitaires d'hygiène et veillaient à la stricte observation des
règlements sanitaires dans toute l'étendue du cercle. Ils
signalaient également à la commission tous les accidents
sanitaires qui se produisaient dans me cercle (Alonou 1994:30-31).
Au centre de chaque circonscription sanitaire il y avait un
hôpital indigène organisé avec petit laboratoire,
matériel de désinfection mobile, dépôt de
médicament, sérums et vaccins, moyens de transport et tout le
matériel utile pour l'organisation, l'approvisionnement et le
ravitaillement des services sanitaires mobiles. (Alonou 1994:34).
C'était ainsi que le service de santé colonial
était organisé pour que tout le territoire soit couvert et les
populations bien suivies. Avec les actions, la détermination et la
bravoure des agents de santé autochtone, ces objectifs avaient
été atteints.
CONCLUSION GENERALE
En somme, disons que la formation du personnel autochtone en
science de la santé remonte à l'époque coloniale. La
naissance des professionnels de la santé dans la société
togolaise découle de la volonté politique des Allemands d'amener
à la pratique médicale occidentale des populations qui ne se
soignaient que par les plantes avec leur médecine traditionnelle.
Les Allemands avaient eu la difficile charge d'amener les
indigènes à la pratique médicale des Blancs, tâche
délicate du fait que les guérisseurs et charlatans avaient
"pignon sur rue" et avaient parfois des connaissances en botanique.
Au fait, les "Togolais" n'avaient pas attendu
l'arrivée des Européens pour se soigner. Chaque communauté
avait ses guérisseurs, généralement appelés les
médecins traditionnels.
Cette médecine dite traditionnelle a ses fondements
dans la culture des peuples où les traditions rentrent en ligne de
compte. Elle était fortement ancrée dans les différentes
communautés traditionnelles et les maîtres de cette
médecine avaient du poids aux yeux de leurs frères. C'est dans ce
contexte que le colonisateur allemand avait cherché à introduire,
non sans difficulté, la médecine moderne. Donc elle chercha, pour
avoir du crédit aux yeux des populations, à combattre les
maladies pour au même moment écarter la main - mise des
guérisseurs traditionnels sur cette médecine. C'est à
cette tâche que s'étaient attelés les médecins
coloniaux.
Les difficultés de ces médecins, l'ignorance
des coutumes et dialectes "togolaises", mais surtout le nombre très
insuffisant du personnel allemand, avaient contraint les Allemande à
ébaucher la formation d'un corps d'auxiliaires médicaux
autochtones.
Les conditions de recrutement de ces agents de santé
qui pour la plupart étaient de niveau très peu
élevé et surtout la formation professionnelle qui leur
était donnée firent de ces auxiliaires médicaux des cadres
subalternes qui restaient sous les ordres des médecins allemands. Ainsi
donc, ce personnel de santé, composé d'Allemands et de Togolais
avaient accompli certaines actions à l'endroit des populations
togolaises car, souligne DAJA «La santé a été
l'une des tâches prioritaires de l'administration allemande au
Togo» (Dadja 1983:263). C'était le cas de la variole dont la
vaccination constituait la principale arme. C'était la maladie qui
était la plus répandue, la plus récurrente et qui faisait
le plus de ravage parmi les populations de cette époque. Pourtant,
malgré les énormes efforts pour endiguer le fléau, celui
-ci ne s'arrête pas. Durant l'été 1911, la variole
s'étant encore déclarée dans toutes les parties du Togo
avec l'importantes pertes en vies humaines dans certains cercles, il faut
encore multiplier les vaccinations. Certains cercles avaient enregistré
jusqu'à 4000 personnes ravagées par ce fléau.
La variole n'était pas la seule maladie ciblée
par le personnel de santé de la période allemande. Il y avait
aussi la maladie du sommeil, la méningite
cérébro-spinale.
Si avec la maladie du sommeil il y a un traitement et que
contre la variole il existe un vaccin préventif, il n'en était
pas de même pour certaines épidémies dont la
méningite cérébro-spinale face à laquelle les
Allemands ne disposaient d'aucun remède.
Malgré ces difficultés qu'éprouve le
pouvoir colonial dans sa lutte contre certaines maladies, on peut dire,
s'agissant de l'ensemble du protectorat dans le domaine médical que les
infrastructures existent et des médecins aussi; ces derniers
étant bien entendu aidés dans leurs travaux par les auxiliaires
médicaux autochtones.
De réels efforts sont fait dans une partie du
territoire, ce qui constitue un facteur d'évolution social important,
contrairement à la situation qui prévalait encore à
Kété- Kratchi, Sokodé- Bassari et surtout Mango -
Yendi.
Ainsi, jusqu'à la fin de la présence allemande,
ces régions ne connaissent que le régime de vaccination. En
dehors de celui -ci, pas d'infrastructures, ni de présence permanente de
médecins pour suivre régulièrement les populations et les
soigner d'autres maladies.
De toutes les circonscriptions de l'arrière - pays,
Mango-Yendi semblait la plus mal lotie. Elle ne connut qu'une campagne de
vaccination en 1908 et ceci grâce à la présence d'un
médecin dans la commission de délimitation de la
frontière.
En dehors donc de ces campagnes de vaccination, il n' y avait
plus rien comme structures sanitaires dans toute cette vaste région,
à l'exception des 2 villages de lépreux dans le cercle de
Sokodé - Bassari et celui de Bogou dans le cercle de Mango - Yendi, ce
que Ali Napo qualifie de « vide territorial de la région,
à son peuplement et surtout aux besoins en santé pour
médical que l'on peu même qualifier d'absolu si l'on fait
référence à l'étendu ces populations.»
(1995:1878t4).
De toute évidence, la formation des auxiliaires
médicaux datait depuis l'époque allemande. Mais quelle que soit
la formation, aucun d'eux n'accédait au diplôme d'Etat. Ce
comportement du colonisateur était - il au refus
délibéré pour sauvegarder sa suprématie ou
était - il dû au bas niveau intellectuel des autochtone? Deux
réponses peuvent être envisagées à cette question.
Tout d'abord la première assertion peut être
vraie dans la mesure où le personnel subalterne qu'ils acceptaient de
former était plus une contrainte qu'un souci de promouvoir
l'éducation des autochtones en science de la santé. Les
épidémies et les maladies dues au manque d'hygiène qui
sévissaient au début de la colonisation ne pouvait pas laisser
indifférents les colons car ils avaient besoin de la main- d'oeuvre
autochtone et de percevoir les taxes civiques. Il fallait alors « sauver
» ces autochtones. Mais le nombre de médecins colons était
très insuffisant pour prendre en charge tous les malades autochtones.
Pour pallier à ce déficit, les colons avaient
introduit l'enseignement de quelques notions de médecine moderne aux
autochtones. Ceux- ci, étant initiés, devaient prendre en charge
leurs compatriotes malades. Leur nombre étant aussi insuffisant pour
couvrir tout le pays, les colons avaient trouvé la
nécessité d'enseigner aux autochtones les notions
d'hygiène afin qu'ils évitent de contracter certaines maladies.
C'est d'ailleurs ce qui explique la primauté de la médecine
préventive à l'époque allemande.
La formation des autochtones n'étant pas une
priorité de l'administration mais un besoin éprouvé par le
médecin colon, on comprend pourquoi aucun programme de formation
n'était mis sur pied et que la formation elle - même
s'était réduite qu'à la pratique.
Cependant, la réponse envisagée
précédemment pourrait être réfutée parce que
les colons utilisaient une langue différente de celle des autochtones et
compte tenu du bas niveau intellectuel de ceux - ci, il n'était pas
aisé pour les colons de promouvoir leur formation. Nous avons pour
preuves le recrutement et la formation des premiers auxiliaires
médicaux. Ces derniers étaient analphabètes, mais au fur
et à mesure que le niveau intellectuel s'élevait, le choix se
portait sur les élèves de niveau des auxiliaires médicaux,
des conditions de recrutement et de la formation qui leur était
donnée, leur apport a été considérable au
côté des médecins allemands. Ils arrivaient à
intégrer certains milieux inaccessibles et hostiles aux Allemands.
Toutefois, les Allemands étaient contraints de laisser
le Togo, et donc les auxiliaires médicaux, après leur
défaite de la première guerre mondiale.
Les conditions du déclanchement de la guerre mais
aussi de sa durée au Togo (juste deux semaines) n'avaient pas permis aux
Allemands de préparer une relève qui s'occuperait du personnel
médical à leur départ.
Ainsi, le personnel médical autochtone laissé
par les Allemands en avait souffert. Par là, la guerre de 1914 - 1918
laissa de sérieuses répercussions sur les activités
médicales et sur l'émergence d'un personnel médical
autochtone.
Après le climat d'attentisme, c'est - à dire de
méfiance des Anglais et Français vis - à - vis du Togo
allemand et surtout le problème de personnel médical
créé par la guerre, certaines solutions, à titre
temporaires avaient été élaborées conjointement par
les Anglais et les Français, chacun dans sa zone d'occupation.
Mais on pouvait espérer les débuts d'une
véritable volonté de résoudre cette crise pendant la
période 1920 -1922.
Pendant ces dernières années au cours desquelles
le Togo était sous occupation anglo-française, certaines
réformes étaient enregistrées dans la partie du Togo
administrée par les Français (partie orientale).
On peut dire qu'en matière de recrutement les premiers
personnels médicaux sous occupation française, il y eut d'
abord une période de flottement entre 1914 et 1919. Mais à
partir de 1920, des clarifications furent introduites afin de définir
les règles devant régir le travail salarié.
Dans ce cadre, la situation des auxiliaires médicaux
embauchés antérieurement sans statut précis
commença à être spécifiée. Plusieurs
arrêtés furent alors signés procédant à
l'organisation des cadres, à l'établissement de la
hiérarchie professionnelle et à la fixation précise des
soldes. Mais ces réformes seront approfondies à partir de
1922.
Entre 1922 et 1960, les différents statuts
internationaux du Togo avaient de toute façon renforcé puis
consolidé le corps des auxiliaires médicaux d'une part et
favorisé l'émergence d'un nouveau corps de médecins
africains de l'autre.
D'abord entre 1922 et 1946 le Togo était sous le
régime de mandat de la SDN .Pendant cette période, les
Français inaugurèrent et affinèrent lentement une
politique de santé qui devint plus dynamique à partir des
années 1930. Une attention particulière était
accordée à l'état de santé des populations et le
recul des endémies revient sans cesse dans les rapports annuels
adressés à la SDN
.
C'était sous le régime du mandat que le
recrutement des auxiliaires médicaux connut une évolution
significative grâce aux décrets et arrêtés de cette
période. Ainsi, le niveau était alors élevé, ce
qui pouvait permettre aux auxiliaires médicaux une formation
aisée. La formation elle-même prit des avancées
considérables. Il y avait alors un programme de formation qui
concernait plus la pratique que la théorie.
Par leur rôle, ces infirmiers étaient proches des
populations. On les retrouvait dans les villages isolés en poste ou en
tournées de vaccination. Le fait qu'ils arrivaient, par leurs soins
gratuits, à soulager certains malades leur valait beaucoup de
considération et de respect.
Les principaux auxiliaires médicaux des Français
avaient joué un rôle prépondérant dans les
nouvelles innovations qu'étaient la médecine mobile et l'OEuvre
de Berceau. Etant de création française, ces innovations
avaient pour moteurs principaux le personnel médical autochone
même si elles étaient dirigées par les Français.
Par leurs oeuvres , le personnel autochtone contribuait
à la lutte contre les endémies comme la rougeole, la syphilis,
le pian , la variole et surtout la maladie du sommeil vigoureusement combattue
à partir de 1927.
Progressivement, on passa des auxiliaires médicaux aux
médecins africains. Les conditions de recrutement de ceux-ci
étaient plus rigoureuses et la formation qu'on leur donnait
n'était pas des moindres. Ils étaient formés dans une
école spéciale à Dakar d'où ils sortaient avec
le diplôme d'Etat. Un autre décret avait été pris
pour permettre aux médecins, sages- femmes et pharmaciens africains
d'accéder aux études de médecine en France à
partir des années 1950.
Ces années 1950 se situaient dans la période de
tutelle de l'ONU où le Togo était administré par la
France.
Cette tutelle couvrait de 1946 à 1960. Donc cette
facilité qu'avaient les Togolais de pourvoir compléter leur
formation en France pour être des « docteurs
complets » était le fruit de certaines circonstances. Nous
pouvons faire cas des héritages de la seconde guerre mondiale et de la
Conférence de Brazzaville. Ces circonstances, surtout la seconde a
été un effet déclencheur du brassage de connaissance
entre Français et Africains, précisément les
Togolais.
Ainsi, les réformes datant du régime du mandat
avaient été approfondies ; ce qui améliora
considérablement les conditions de vie du personnel de santé
autochtone.
En tout état de cause, nous reconnaissons que la
formation du personnel médical autochtone remonte au début de la
colonisation avec les Allemands. Ils ont été remplacés
par les Français à partir de 1914 et ces derniers étaient
présents jusqu'en 1960. Pendant toute l'époque coloniale, les
structures pouvant garantir une formation quantitative et qualitative n'avaient
pas été mises sur place jusqu'en 1956, année au cours
de laquelle le Togo est devenu République Autonome. Par ailleurs, la
formation qualitative du personnel autochtone n'a été effective
qu'après l'indépendance du pays en 1960 ?
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
DOCUMENTS D'ARCHIVES A L'A.N.T. /
LOME
Série H : La
Santé
Sous série 1 H
Dossier 24 : Correspondances et
rapports sur le fonctionnement du service de santé au Togo. Etat
nominatif du personnel employé dans les services sanitaires.
Dossier 42 : Instruction
relative à la mobilisation sanitaire en temps de guerre.
Dossier 45 : Législation
de l'exercice de la médecine et de l'art dentaire.Dossier concernant le
Docteur Pedro Olympio.
Dossier 62 : Rapport sur le
personnel du corps de santé colonial.
Série L : Travail et lois
sociales
Sous série 1L
Dossier 3 : Arrêté
instituant des livrets de contrats de travail et réglementant la visite
sanitaire de travail.
Règlement sur le pécule des
travailleurs auxiliaires indigènes employés dans
l'administration.
Sous série 2L
Dossier 2 : Circulaire
n°2202 du 22/09/1924 relative aux mesures de protection sanitaire à
appliquer aux travailleurs indigènes.
Série 4APA : Relations avec les colonies
voisines (TOGO-DAHOMEY)
Dossier 4 : Lettre confidentielle
du gouverneur Fourn de la colonie du Dahomey au gouverneur
général de l'AOF sur l'organisation politique et administrative
du Togo sous occupation française notamment rattachement de certains
services du territoire à ceux du Dahomey.
BIBLIOGRAPHIE
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sanitaire allemande à Lomé de 1897 à1914,
mémoire de maîtrise en allemand, UB, 147p.
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Guid'AOF : Afrique occidentale français cercle par cercle
1949. Dakar, 431 p
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sanitaire de la France au Togo à l'époque coloniale :
1919-1960. Thèse de doctorat, Université de Poitiers
,303p
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et salariat au Togo dans l'entre-deux- guerres : 1914-1939.
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dès origines à nos jours. Paris ,556p
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Togo « Musterkolonie ». Souvenirs de l'Allemagne
dans la société togolaise. Thèse de doctorat
3eme cycle, Université de Provence, tome 1, 544p.
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des Togolais de 1884 à 1960, Tomes 1et 2544p.
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une brève histoire de la capitale du Togo, Karthala et Haho,
64p.
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1992 : Si Lomé m'était comptée....
PUB ; tome 1, 240p + photos.
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valeur des colonies africaines. Paris, 656 p.
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doctorat d'Etat, Université de Lomé, tome 2, pp. 387-622.
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Médicale et Paramédicale au Togo. Thèse de doctorat
en médecine UB, 130 p.
ZÖLLER (H.), 1890: Le Togo en
1884. Karthala et Haho, 216p
Table des tableaux et carte
Tableau N° 1 : Nombre
d'infirmiers en fonction de leurs spécialités et de leurs
années d'engagement
........................................................................18
Tableau N° 2 : Nombre
de postes médicaux et effectifs du personnel européen et
africains de 1922 à 1927
...................................................................42
Tableau N° 3 : Nombre
de postes médicaux et des effectifs des personnels européens et
africains de 1928 à
1931......................................................45
Tableau N° 4 : Nombre
d'accouchements pratiqués dans les maternités ......48
Tableau N° 5 : Nombre
de consultations ..........................................48
Tableau N° 6 :
Personnel européen et africain servant au Togo en 1950......56
Tableau N° 7 :
Situation des boursiers togolais en cours d'étude en France en
1956..............................................................................................57
Carte : Etablissements sanitaires
en 1928 .........................................44
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE 2
PREMIERE PARTIE : L'EMERGENCE D'UN ENBRYON
D'AUXILIAIRES MEDICAUX AU TOGO SOUS LA COLONISATION ALLEMANDE :
1884-1914 8
CHAPITRE PREMIER : Les
guérisseurs traditionnels togolais avant 1884...10
1. Les maîtres de la médecine
traditionnelle.................................10
1.1. Le
sorcier.......................................................................10
1.1. Le féticheur ou
prêtre..............................................................11
1.2. Le
devin............................................................................11
2. Leurs rôles sociaux
...............................................................11
2.1. Les moyens d'intervention
.......................................................11
2.2. Leur prestige
social................................................................12
CHAPITRE DEUXIEME :
L'intrusion coloniale allemande et l'émergence
d'un personnel médical autochtone :
1884-1914..........13
1. L'implantation de la médecine moderne
coloniale au Togo par les
Allemands...........................................................................13
1.1 Le personnel de santé
allemand...................................................13
1.2 L'ébauche d'un personnel autochtone
..........................................15
1.2.1 Recrutement et condition d'admission
.......................................15
1.2.2 La formation
professionnelle..................................................15
2. Les auxiliaires médicaux sous les
Allemands...............................18
2.1 Le régime législatif des auxiliaires
médicaux sous les Allemands et les
salaires...................................................................................18
2.2 La hiérarchie des auxiliaires
médicaux.........................................18
2.3 Les actions des auxiliaires
médicaux............................................19
2.4 Bilan de l'action médicale allemande au
Togo.................................20
DEUXIEME PARTIE : LES AUXIAIRES MEDICAUX
AU TOGO SOUS OCCUPATION ANGLO-FRANÇAISE :
1914-1922.........................................................22
CHAPITRE TROISIEME : Les
entraves aux activités médicales : la guerre de 1914-1918 et
l'occupation du Togo allemand.......24
1. La guerre et les activités
médicales..............................................24
1.1 La guerre de 1914- 1918 au Togo
................................................24
1.2 D'étouffement des activités
médicales...........................................25
2. L'attentisme et les solutions anglo-
françaises au problème médical.....26
2.1 L'attentisme anglo- français
.......................................................26
2.2 Le problème de personnel médical
créé par la guerre..........................27
2.3 Les solutions anglo- françaises au
problème....................................28
CHAPITRE QUARTRIEME :
L'émergence d'un véritable personnel médical autochtone au
Togo : 1920-1922................30
1. La réorganisation de la profession
médicale ..............................30
1.1 Les raisons de la réorganisation du corps des
agents de santé...............30
1.2 Les timides réformes des années
1920-1922...................................31
2. Le personnel médical autochtone et les
réformes...........................32
2.1 La revalorisation du personnel
autochtone......................................32
2.2 Les débuts d'un nouveau corps d'agents de
santé autochtones .............33
TROISIEME PARTIE : LE RENFORCEMENT ET LA
CONSOLIDATION DU CORPS AUXILIAIRES MEDICAUX ET DES MEDECINS AFRICAINS AU
TEMPS DES FRANÇAIS :
1922-1960..............................34
CHAPITRE CINQUIEME : Les
auxiliaires médicaux et les médecins africains au
temps du mandat :
19922-1946..................36
1. Les auxiliaires médicaux et les
médecins africains : conditions de recrutement et
formations......................................................36
1.1 Les auxiliaires médicaux ; conditions de
recrutement et formation professionnelle.
...................................................................36
1.1.1 Les conditions de recrutement
...............................................36
1.1.2 La formation
professionnelle.................................................36
1.2 Les médecin africains : conditions de
recrutement et formation professionnelle
....................................................................38
1.2.1 Les conditions de recrutement
...............................................39
1.2.2 La formation
professionnelle.................................................40
2. Le personnel médical et les nouvelles
innovations ........................41
2.1 Le personnel médical
.............................................................41
2.1.1 Le personnel médical européen et ses
activités.............................41
2.1.2 Le personnel autochtone et ses activités
...................................42
2.2 Les nouvelles innovations
........................................................46
2.2.1 La médecine mobile
...........................................................46
2.2.2 L'OEuvre de
Berceau..........................................................47
CHAPITRE SIXIEME : Les
auxiliaires médicaux et les médecins africains au temps de la
tutelle : 1946-1960............................50
1. Les nouvelles dispositions de la tutelle
..........................................50
1.1 L'héritage de la période du
mandat................................................50
1.1.1 La seconde guerre mondiale
......................................................50
1.1.2 La Conférence de
Brazzaville...................................................51
1.2 L'esprit de la tutelle et les agents sanitaires
autochtones........................52
2. Le personnel médical autochtone au Togo sous
le régime de la tutelle.....53
2.1 L'approfondissement des réformes sous le
régime de tutelle....................54
2.2 Les conditions de vie des agents de santé sous la
tutelle : les témoins
parlent....................................................................................58
3. Bilan de l'action médicale française
au Togo....................................60
CONCLUSION
GENERALE..........................................................63
Sources et
Bibliographie...............................................................69
Table des tableaux et
cartes...........................................................73
Table des
matières.......................................................................74
* 1 Adepte du culte
« Vodou » communément connue sous Da Vodou.
Interviewée le 11-03-06 à Aklakougan, 56 ans.
* 2 Passage cité par
ALONOU et SEBALD en introduction à l'article « l'OEUVRE
SANITAIRE DE LA COLONISATION » de L'Histoire desTtogolais de 1884
à 1960, VII, t1, P. 273
* 3 Les écoles
officielles de Zébé et de Lomé étaient les seules
écoles existant à l'époque
* 4 Les moniteurs du
département infirmier EAM-LOME, 2001 : Déontologie de
l'infirmier€ et histoire du nursing, p. 42
* 5 ANT-Lomé, 1H. Dossier
45 portant sur la législation de l'exercice de la médecine et de
l'art dentaire concernant le Dr Pedro OLYMPIO.
* 6 La profession des
auxiliaires médicaux évoque plusieurs
éléments : le recrutement des futurs auxiliaires ; leur
formation et la durée de la formation ; le personnel et ses
conditions de travail ; les salaires.
* 7 C'était une
réglementation relative aux médecins, aux hôpitaux, aux
polycliniques et à la pharmacie.
* 8 Expression allemande
désignant le Protectorat du Togo
* 9 Von Doering assurait en ce
moment l'intérim du duc de Mecklembourg alors en congé.
* 10 Cette station radio
était très vitale pour l'empire allemand outre-mer ; aussi
Berlin donna l'ordre à Von Doering de la défendre à tout
prix.
* 11 Ces options
(hypothèses) étaient élaborées par Clifford le 30
Octobre 1914 à la demande du Colonial Office, au cas où la guerre
en Europe aboutirait à la victoire des Alliés.
* 12 La lettre en question
était datée du 7 Octobre 1916. En effet Gabriel Angoulvant
assurait à cette époque l'intérim de Clozel au
gouvernement général de l'AOF.
* 13 Concernant les
différentes positions anglaise et française sur le Togo, se
référer à : Gayibor 1997 : 105-108 et Gayibor
2005 :156-159.
* 14 Arrêté du 17
février 1921 portant classement du personnel indigène du cadre
local du Service de Santé (J.O. du 1er mars 1921, p.21).
* 15 Rapport annuel à la
SDN, 1932, 1944.
* 16 Interview
réalisée par MARGUERAT et PELEI avec le Docteur Pierre Dosseh
Nicoué MIKEM, l'un des doyens des médecins togolais.
* 17 Agence de distribution de
presse : Guid'AOF : Afrique Occidentale Française cercle
par cercle 1949, 1949 p.23
* 18 Rapport annuel à la
SDN 1923 p37
* 19 Rapport annuel à la
SDN, 1924 : 45
* 20 Idem
* 21 Rapport annuel à la
SDN, 1924 : 44
* 22 Rapport annuel à la
SDN, 1924 : 44.
* 23 ANT, 14 dossier 42.
Instruction relative à la mobilisation sanitaire en temps de guerre.
* 24 A.N.T., 1H dossier
42.Instruction relative à la mobilisation sanitaire en temps de
guerre.
* 25 Pedro Olympio avait obtenu
le grade de docteur en médecine en Allemagne en 1925. Il avait, pour
cela, été autorisé spécialement à exercer sa
profession au Togo mais à titre privé puisqu'il n'était
pas formé en France selon les lois en vigueur à cette
époque. ANT, 1H dossier 45 consernant le docteur Pédro
Olympio.
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