Les facteurs explicatifs de la discontinuité des soins obstétricaux en Afrique: cas du Bénin( Télécharger le fichier original )par Appolinaire TOLLEGBE Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD) - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie 2004 |
Conclusion et recommandations.Conclusion générale.Face à la mortalité materno-infantile encore élevée dans la plupart des pays africains en général et au Bénin en particulier, une attention particulière mérite d'être accordée aux causes de ce phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur et qui est pourtant évitable ou peut tout au moins être amoindri. Pour A. Prual (1999), « Une étude réalisée en 1985 par l'OMS avait montré que 99 % des décès maternels survenant dans les PVD étaient évitables, même dans le contexte actuel.». En effet, ces décès maternels peuvent être évitées par un suivi de la grossesse depuis la conception jusqu'à l'accouchement et surtout dans le post-partum immédiat51(*). D'où l'intérêt de promouvoir la continuité des soins obstétricaux. Or les statistiques disponibles montrent une discontinuité de plus en plus préoccupante des soins obstétricaux en Afrique et au Bénin en particulier. Par ailleurs, la plupart des études concernant les soins obstétricaux, se sont focalisées sur les disparités offre/demande, urbain/rural en la matière. Seulement, il est indispensable d'aller au-delà de cette problématique afin de comprendre les causes des « déperditions obstétricales » notamment les raisons pour lesquelles certaines femmes ayant effectué au moins une consultation prénatale ne bénéficient pas d'une assistance qualifiée pendant l'accouchement. Le manque au niveau africain de documents de référence sur la discontinuité des soins obstétricaux constitue une des difficultés que nous avons rencontrées dans cette étude. Cette étude vient donc en partie combler cette lacune. La question fondamentale de recherche c'est de savoir quels sont les facteurs explicatifs de la discontinuité des soins obstétricaux au Bénin. Les objectifs poursuivis étant de : · Décrire des comportements des femmes relatifs du recours aux soins pendant la grossesse et l'accouchement en fonction de leurs caractéristiques socioculturelles, démographiques et économiques ; · Mettre en évidence les facteurs les plus pertinents dans l'explication de la discontinuité des soins obstétricaux ; · Contribuer à une explication plus fine de la discontinuité des soins obstétricaux en prenant en compte non seulement les facteurs relatifs à la demande mais aussi ceux relatifs à l'offre ; · Proposer des approches de solution pour accroître l'efficacité des politiques et des programmes mis en oeuvre en vue de limiter voire éradiquer la discontinuité des soins obstétricaux et faire en sorte que les femmes qui commencent leurs visites prénatales les terminent et accouchent normalement sous assistance qualifiée. Les analyses descriptives ont révélé en dehors de l'âge à l'accouchement, une association très significative entre les facteurs prédisposants notamment la parité, le niveau d'instruction, les antécédents de césariennes, l'ethnie, le milieu de socialisation de la femme d'une part, les facteurs facilitants en l'occurrence le département de résidence, le milieu de résidence, l'accessibilité et la qualité des services obstétricaux d'autre part et la discontinuité des soins obstétricaux d'autre part. Au niveau multivarié descriptif, nous constatons qu'au Bénin les femmes dont les soins obstétricaux sont discontinus résident en milieu rural et ont été socialisées en milieu rural. Elles appartiennent aux ethnies adja, bariba, dendi, yoa et lopka, bètamaribè et peulh et résident dans les départements de l'Atacora, du Borgou, du Mono ou du Zou. Elles ont effectué une mauvaise visite prénatale52(*) et habitent loin des centres de SMI (entre 5 et 15 km ou à plus de 15 km des SMI). Elles ont un faible niveau de vie, appartiennent aux générations de 35 ans et plus, sont grandes multipares53(*) et sont sans niveau d'instruction. Au niveau multivarié explicatif, les variables déterminantes dans l'explication de la discontinuité des soins obstétricaux sont l'ethnie, le niveau de vie du ménage, l'accessibilité et la qualité des services obstétricaux. L'affinement des analyses par milieu de résidence nous a permis de constater qu'en milieu urbain, seuls l'ethnie, la parité, le niveau d'instruction et l'accessibilité géographique expliquent la discontinuité des soins obstétricaux tandis qu'en milieu rural ce sont ce sont le milieu de socialisation, l'ethnie, le niveau de vie, l'accessibilité et la qualité des services obstétricaux qui ont une influence significative sur la discontinuité des soins obstétricaux. Les mécanismes d'action des différentes variables ont été mises en évidence par la régression logistique pas à pas. Il en ressort que pour les femmes appartenant aux ethnies bariba et bètamaribè, les risques de discontinuité sont plus élevés en milieu urbain qu'en milieu rural. Ce qui conforte notre cadre théorique à savoir qu'avant de demander des soins obstétricaux, la femme devra au préalable y être prédisposée. Sinon, quelles que soient les facilités qui lui seront offertes on assistera inévitablement à une discontinuité des soins. Nous avons aussi trouvé entre autres que le niveau de vie agit sur la discontinuité des soins obstétricaux à travers l'accessibilité et la qualité des services obstétricaux. Les hypothèses vérifiées sont les suivantes : H1 : C'est moins le milieu de socialisation qui explique les disparités urbain/rural en termes de discontinuité que le fait de résider en milieu urbain. H3 : Les femmes multipares auront une discontinuité plus élevée des soins obstétricaux que les primipares. Cette hypothèse est en partie vérifiée dans la mesure où la parité n'influence pas significativement la discontinuité des soins obstétricaux en milieu rural, ce qui empêche de faire toute comparaison entre milieux urbain et rural. H4 : Les femmes vivant dans des ménages de niveau de faible niveau de vie auront une discontinuité plus élevée que les femmes vivant dans des ménages aisés. H6 : Les femmes vivant dans le département de l'Atlantique ont une discontinuité plus faible que celle des femmes vivant dans les autres départements. H7 : Plus éloigné est le centre de SMI le plus proche, plus élevé sera la discontinuité des soins obstétricaux. Ce travail comme tout oeuvre humaine comporte des limites notamment : La nature des données n'as ne nous a pas permis de bien opérationnaliser certains de nos indicateurs composites en l'occurrence l'indicateur de qualité des services et l'indicateur de niveau de vie. Il aurait été intéressant de coupler notre base de données avec celle provenant d'une enquête qualitative ; cela aurait permis de mieux affiner les analyses surtout pour ce qui concerne les mécanismes d'action des différentes variables sur la discontinuité et surtout de comprendre les fondements sociales et culturelles des pratiques conduisant à la discontinuité des soins obstétricaux. @ Pour ce fait, nous recommandons vivement l'organisation d'enquêtes spécifiques à l'instar de l'EDS et de l'EMF visant à collecter des données détaillés et approfondies sur les variables susceptibles de contribuer à la discontinuité des soins obstétricaux. Ceci, dans le but de mieux comprendre le phénomène et donc de le combattre efficacement. Ces données si elles sont collectées à une échelle régionale ou sous-régionale serviront en même temps à mener des études comparatives entre différents pays africains ou entre diverses régions du monde. Pour ce qui concerne les actions ciblées, nous avons formulé les recommandations suivantes : @ Considérer les femmes qui effectuent leur première consultation et les grandes multipares comme une cible particulière qu'il faut sensibiliser dans le but de les fidéliser à l'appareil médical. Ceci consistera à montrer à la femme les avantages d'effectuer une bonne CPN et de bénéficier de soins de qualité et les inconvénients en cas de non compliance, tout en ayant soin de leur dire que le risque zéro n'existe pas mais que l'on pourrait s'en rapprocher avec leur collaboration. @ Sur le plan national, organiser des campagnes de sensibilisation à l'instar de ce qui fait pour les campagnes de lutte contre les IST/Sida en ciblant les groupes les plus touchés par la discontinuité afin de leur montrer le bien fondé des consultations prénatales et d'un accouchement médicalement assisté. @ Pour le milieu rural, contribuer à la production d'un film documentaire ou d'un court métrage faisant ressortir d'un côté les avantages d'effectuer normalement les CPN et d'accoucher à l'aide d'une assistance qualifiée et de l'autre, les risques encourus en cas de non compliance aux règles obstétricales en vigueur. Ce film sera projeté lors d'une campagne nationale dans des villages ou des quartiers et aura l'avantage plus que des paroles, de susciter l'émotion, la joie ou la douleur auprès des populations qui l'auront suivi et ceci dans leur dialecte afin qu'indépendamment de leurs obédiences culturelles ou religieuses, elles comprennent une fois pour toutes le bien fondé des soins obstétricaux. Pour les études à venir, nous recommandons vivement que le domaine soit approfondi par une étude comparative de la discontinuité des soins obstétricaux entre plusieurs pays africains. En effet, bien que certains facteurs explicatifs soient communs à la plupart des pays africains, chaque pays comporte des spécificités qui peuvent être à l'origine de la discontinuité des soins obstétricaux. * 50 Ce rejet a empêché l'utilisation de 33 observations, ce qui pourrait affecter la nature des résultats obtenus. * 51 Les études ont montré la plupart des décès maternels surviennent dans cette période. * 52 Moins de 4 visites prénatales |
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