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UNIVERSITE CADI AYYAD FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES
ECONOMIQUES ET SOCIALES
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Réalisé par :
LAARIS SA
Mohamed Youssef
Sous la direction du
Professeur:
El BOUHAIRI Youssef
Projet de fin d'étude pour
l'octroi
d'une licence en Droit.
Guérilla et Droit International
Humanitaire :
Cas du conflit armé Colombien.
Remerciements:
Je tiens à remercier tout particulièrement mon
professeur
El BOUHAIRI Youssef, qui a bien voulu diriger ce
travail et me faire part de ses conseils et précieux
encouragements. Je lui dois, par son enseignement direct
comme par ses écrits, la découverte du noble champ
du
Droit Humanitaire.
Mes remerciements vont aussi à mon professeur Mme
LAGHRISSI Awatif pour son encadrement et sa
disponibilité à venir généreusement
à notre aide.
Que tous mes professeurs y trouvent le signe de ma
reconnaissance et ma gratitude pour leurs efforts et leur
dévouement à mettre à notre disposition leur
savoir et à
nous former de la meilleure manière.
Dédicaces :
· Yi mes parents et à ma petite soeur
Sophia.
· Yi mes camarades de classe en
particulier : Xanteng Albaz Loris
et Thioune Alamadou Diakité.
Plan :
Introduction :
Première partie : La qualification de la
guérilla en DIH.
Section 1 : La distinction entre guérilla et mouvements de
libération nationale.
1- Article 3 commun.
2- Le protocole additionnel II.
Section 2 : Guérilla et souveraineté :
1- Guérilla : « menace » contre la
stabilité politique de l'Etat.
2- Enjeux de la reconnaissance de Belligérance.
Deuxième partie : Le statut du
guérillero en DIH.
Section 1 : le Guérillero entre Terroriste et Combattant
de la liberté.
1- Guérilla et terrorisme.
2- Guérilla et population civile.
Section 2 : Le guérillero et les garanties humaines.
1- L'octroi du statut de prisonnier de guerre.
2- Le guérillero et les conditions de jugement
équitable. Conclusion.
INDEX DES
ABREVIATIONS UTILISEES.
- AUC: Auto defensas unidas de Colombia. (Auto-défenses
unies de Colombie).
- CANI : Conflit armé non international.
- CG : Convention de Genève.
- CICR: Comité internationale de la croix rouge.
- CPI : Cour pénale internationale.
- DIH : Droit international humanitaire.
- ELN: Ejercito de liberación nacional (Armée de
libération nationale). - FARC : Fuerzas armadas revolucionarias de
Colombia.
- FIDH: Fédération internationale des droits de
l'Homme.
- M19 : Movimiento del 19 de Abril.
- MLN: Mouvement de libération nationale.
- PA: Protocole additionnel.
- PG: Prisonnier de guerre.
- UP: Unión Patriotica.
INTRODUCTION
Le Droit International Humanitaire (DIH) est un ensemble de
règles qui, pour des raisons humanitaires, cherchent à
limiter les effets des conflits armés. Il protège les
personnes qui ne participent pas ou plus aux combats et restreint les moyens et
méthodes de guerre. Le DIH est également appelé «
droit de la guerre » ou «droit des conflits armés
(1).
Contrairement aux Droits de l'Homme, le droit humanitaire ne
pose pas de droits universels applicables à tous les individus. La
spécificité des quatre conventions de Genève est de
procéder par catégorisation (2).
En DIH, la qualification et la situation juridique des
individus représentent des enjeux juridiques et politiques très
importants, dont dépendent les dispositions humanitaires qui leurs
seront appliquées. Ceci dit, afin de limiter le danger de se trouver
avec des individus non protégés parce qu'ils n'appartiennent pas
à l'une des catégories, le DIH a énoncé des
dispositions humanitaires minimales qui sont en principe inaliénables,
comportant des garanties fondamentales applicables en tout temps, tout lieu,
à tous ceux qui ne bénéficient pas de droit plus
favorables.
C'est notamment le cas de l'article 3 commun aux quatre
conventions de Genève de 1949.
Avec l'avènement du principe du droit des peuples à
l'autodétermination, aussi bien à l'égard d'une puissance
colonisatrice dans le -cadre d'une guerre
(1) Services consultatifs en DIH, Qu'est-ce que le DIH ? , CICR,
Genève.
(2) BOUCHET SAULNIER Françoise, Dictionnaire pratique
de droit humanitaire, la Découverte, 3ème édition,
Paris ; 2006, P.218.
d'indépendance- qu'à l'égard d'un pouvoir
oppresseur -dans le cadre d'un renversement de régime-, et l'adoption
des deux protocoles additionnels aux quatre conventions de Genève de
1949, nous assisterons à l'élargissement de certaines notions et
à la naissance d'une nouvelle catégorie de combattant en Droit
international Humanitaire : le « Guérillero ».
Le Guérillero est un combattant pratiquant une lutte
armée appelée Guérilla. La Guérilla est un mot
provenant de l'espagnol et qui désigne « Petite Guerre » dans
le sens où celle-ci constitue une lutte armée inégale
opposant des combattants irréguliers à des troupes
régulières, ces troupes régulières
représentent généralement le pouvoir en place ou des
forces d'occupation.
La Guérilla représente la lutte armé du
faible contre le fort, menée par des bandes ou des
éléments légers qui s'efforcent de suspendre, de
déséquilibrer, d'user de l'adversaire, de la priver de sa
liberté d'action et ainsi de sa supériorité par des
actions multiples et incisives, toutes de souplesse, mobilité et
d'ubiquité.(3)
L'objectif de cette lutte est de défendre une cause que
les guérilleros jugent légitime et qui peut être de nature
politique, sociale, religieuse ou ethnique.
Si la pratique de Guérilla est très ancienne, le
terme n'a commencé à être utilisé que depuis le
XIXème siècle lors de la guerre d'indépendance
espagnole pour désigner la lutte des partisans espagnols contre les
forces d'occupation française. Au début du
XXème siècle, on verra apparaître d'autres
mouvements de Guérilla, comme la rébellion menée par le
Guérillero marocain Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi au Rif, ou la
révolte des tribus arabes contre les turcs, menée par Thomas
Edward Lawrence plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie. Après la
seconde guerre mondiale et l'avènement du principe des peuples à
l'autodétermination la pratique de la Guérilla va se
(3) Encyclopaedia Universalis 2004, version 10.
généraliser un peu partout dans le monde.
Toutefois, il est à mentionner que cette notion de
Guérilla est fortement liée et beaucoup plus enracinée en
Amérique latine. En effet, Les premiers mouvements de Guérilla
date du XIXème siècle et étaient conduit par
Miguel Hidalgo y Castilla au Mexique et par Simon Bolivar en Amérique du
Sud contre les colons espagnols. Le XXème siècle vit
défiler toute une série de guérilleros dont Pancho Villa
et Emiliano Zapata au Mexique, Augusto Sandino au
Nicaragua, Camilo Torres en Colombie qui enfantât la
légende du « Prêtre Guérillero » (4),
sans oublier le plus célèbre d'entre eux l'argentin Ernesto
Guevara.
Au cours de ce travail, nous essaierons d'avoir une vision
générale sur la situation du Guérillero en droit
international humanitaire, et de façon plus restreinte la situation de
ce dernier dans le cadre du conflit armé colombien, vu les importantes
spécificités de ce conflit qui en font un conflit unique.
La majorité des analystes s'accordent sur le fait que
le conflit colombien actuel trouve ses origines dans « EL Bogotazo »
le 9 avril 1948, suite à l'assassinat du leader libéral «
Jorge Eliécer Gaitan ».
Jorge Eliécer Gaitan était un avocat et homme
politique très populaire en son temps, il avait occupé plusieurs
postes dont celui de maire de Bogota et ministre de l'éducation. Il
était candidat du parti libéral (5) aux
élections présidentielles de 1950, et se proclamait
déjà comme futur Président de la Colombie.
Il était le premier homme politique à parler de
politique sociale, il prônait un
(4) Thibaut Käser, le Prêtre
Guérillero,
www.lecourrier.ch, 24
août 2006.
(5) Parti libéral colombien créé en
1848, ce parti a pour rival traditionnel le Parti conservateur colombien
créé en 1849, l'hégémonie de ces deux partis
politiques sur la scène politique colombienne a engendré
plusieurs guerres civiles.
libéralisme populaire, et il dirigeait de fortes critiques
à l'oligarchie gouvernante et aux multinationales
nord-américaines.
Il avait souvent l'habitude de dire : « Si algo me
pasa, en este Pais no quedara piedra sobre piedra, poque yo no soy un hombre,
soy un pueblo », qu'on pourrait traduire : « si quelque chose
m'arrive, ce pays tombera en ruine, car je ne suis pas un homme mais tout un
peuple » et « sans moi, il n'y a pas de paix » (6) . 60 ans
après sa mort le conflit continue, et on ignore les véritables
responsables de son assassinat.
Cependant, on peut constater l'existence d'une main invisible
chargée d'éliminer les candidats du peuple un peu partout dans le
monde.
Avec l'assassinat du leader ou du « Caudillo » comme
on avait l'habitude de l'appeler, le pays sombrât dans une guerre civile
« La Violencia » qui fit plus de 300.000 morts.
En 1953, un coup d'Etat orchestré par le
général « Gustavo Rojas Pinilla » mit fin à la
guerre civile qui ravageait le pays, ce dernier décrétât un
pacte national amnistiant les rebelles et les incitant à déposer
les armes. La majorité des partisans prirent part au processus de
démobilisation proposé par le général à
l'exception de quelques petites groupes de rebelles dont un à la
tête du quel se trouvait un certain « Pedro Antonio Marin »
alias « Manuel Marulanda Velez » ou « Tirofijo ».
Avec l'adoption en 1977 des deux protocoles additionnels aux
quarte conventions de Genève de 1949, le « Guérillero »
naîtra en droit international
(6) Gaitan : 60 años, El Espectador, Bogota, avril
2008.
humanitaire. Quelle est donc la place occupée par le
guérillero au sein de ce dernier ? Les dispositions du droit
international humanitaire, lui sont-elles favorables ou discriminantes ? Et de
qui dépend leurs applications et pourquoi ?
C'est ce à quoi nous essaierons de répondre au
cours de la première partie de ce travail, nous commencerons par
d'établir en premier temps une distinction entre « Guérilla
» et « mouvements de libération nationale » à la
lumière de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève,
et de son protocole additionnel II de 1977 (Section 1). Ensuite nous
évaluerons la portée et les limites de ces derniers, face
à la notion de Guérillero. Nous verrons après, la relation
entre « Guérilla » et la notion de « souveraineté
nationale », ainsi que les enjeux de la reconnaissance de situation de
belligérance dans un conflit armé non international (section
2).
Quant à la deuxième partie de ce travail, elle
portera sur les qualifications du Guérillero en DIH.
Vu l'ampleur que connaît la notion de « Terrorisme
» actuellement, nous avons souvent tendance à confondre «
Terroriste » avec « Guérillero ». Le guérillero
est-il un terroriste ou un combattant de la liberté ? Comment peut-on
distinguer entre les deux ?
En tant que combattant et sujet du Droit international, le
Guérillero jouit d'une certaine protection et de garanties humaines qui
lui sont fournies par le DIH en cas de capture, notamment l'octroi du statut de
prisonnier de guerre et le droit à un jugement équitable. Quelles
sont donc ces dispositions et quel est leur degré d'applicabilité
? C'est à quoi essaiera de répondre la deuxième section de
la deuxième partie.
Première partie :
La qualification de la
guérilla en DIH.
SECTION 1 : LA DISTINCTION ENTRE GUERILLA ET
MOUVEMENTS DE LIBERATION NATIONALE.
Après la fin de la deuxième guerre mondiale,
s'instaureront les principes de non recours à la force, le principe de
non ingérence et le droit des peuples à
l'autodétermination. Ce dernier principe peut être abordable sous
deux aspects, le premier aspect concerne le fait de vouloir s'émanciper
d'une puissance colonisatrice dans le cadre d'un mouvement de libération
nationale, le deuxième est relatif à la volonté des
peuples de libérer d'un gouvernement oppresseur.
La notion de « Guérilla » et celle de «
Mouvement de libération nationale » sont fortement liées.
Nous pourrions les considérer comme l'un des moyens par le quel les
peuples peuvent exercer ce droit fondamental. Ces deux notions se
différencient de ce que l'on peut appeler « la guerre classique
» qui oppose deux forces armées régulières. En effet,
la guérilla et les mouvements de libération nationale opposent
généralement des forces armées régulières
à d'autres qui ne le sont pas.
Sur le plan juridique, les guerres de libération
nationale entrent dans le cadre d'un conflit international et sont
régies en principe par le protocole additionnel I aux quatre convention
de Genève, tandis que celles de guérilla entrent dans un cadre
révolutionnaire contre les régimes politique en place et sont
régies par le
protocole additionnel II relatif à la protection des
victimes des conflits armée à caractère non
international.
Cependant, comme Guérilla et guerre de
libération nationale entrent dans le cadre des conflits armés,
certaines règles du droit international humanitaire, leurs sont
communes.
Nous essaierons dans un premier temps de voir les portées
et limites de l'article 3 commun, pour passer à celles du protocole
additionnel II.
1- L'ARTICLE 3 COMMUN :
L'article 3 commun est la seule disposition légale
existante au sein des quatre conventions de Genève faisant allusion au
conflit armé non international, cependant cette dernière s'est
abstenue d'y donner une définition.
Cet article 3 commun contient les garanties fondamentales et
minimales aux quelles aurait droit tout individu lors d'un conflit armé
non international, son but est de sauvegarder les principes d'humanité
en toutes circonstances. Mais avant d'aller plus loin, il convient d'aborder
l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août
1949.
Ce dernier stipule qu'en cas de conflit armé ne
présentant pas un caractère international et surgissant sur le
territoire des Hautes parties contractantes, chacune des Parties au conflit
sera tenu d'appliquer au moins les dispositions suivantes :
1) A cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps
et en tout lieu, à l'égard des personnes mentionnées
ci-dessus :
a) les atteintes portées à la vie et à
l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;
b) les prises d'otages ;
c) les atteintes à la dignité des personnes,
notamment les traitements humiliants et dégradants ;
d) les condamnations prononcées et les exécutions
effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal
régulièrement constitué, assorti
des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les
peuples civilisés.
2) Les blessés et les malades seront recueillis et
soignés.
Un organisme humanitaire impartial, tel que le comité
international de la croix rouge, pourra offrir ses services aux parties au
conflit
Les Parties au conflit s'efforcent, d'autre part, de mettre en
vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres
dispositions de la présente Convention.
L'application des dispositions qui précèdent n'aura
pas d'effet sur le statut juridique des Parties au conflit.
Cet article 3 commun doit en principe entrer en application
dès qu'une lutte armée à l'intérieur de l'Etat en
cause cesse d'être une simple affaire de maintien de l'ordre
(7).
Pour revenir un peu sur les conditions d'adoption de cet
article, il faudrait signaler qu'un certain nombre de puissances, telles que la
France et la Grande Bretagne étaient très réticentes
à l'idée d'adopter une provision relative à l'humanisation
des guerres n'ayant pas de caractère international, ceci était
considéré comme portant atteinte aux droits des Etats. Surtout
que les puissances coloniales prévoyaient l'avènement des guerres
de libération nationale au sein de leurs colonies (8).
Au même temps, le refus d'une telle disposition (l'article
3 commun) au
(7) El BOUHAIRI Youssef, Droit humanitaire et conflits
internes : dialectique du juridique et du politique, université
Cadi Ayyad ; Collection de la faculté- série thèse et
mémoire numéro 7, Marrakech, 1999, P.19. (8)Centre de
droit international de l'institut de l'université libre de Bruxelles
(Centre Henri Rolin), Droit
humanitaire et conflits armés, Colloque des 28- 29et
30 Janvier 1970, édition de l'université de Bruxelles,
Bruxelles, 1970, P. 176.
lendemain de la plus grande guerre (IIe guerre mondiale),
aurait marqué le plus grand recul du droit humanitaire.
(9)
Ces dernières ont insisté sur le fait, qu'aucune
définition ne soit donnée à la notion de « Conflit
armé à caractère non international », afin qu'elles
puissent l'interpréter à leur aise et selon leurs
intérêts.
Le but principal de l'article 3 est de sauvegarder les
principes d'humanité dans les conflits quelque soit leur nature,
cependant seuls les Etats possèdent la compétence
d'appréciation de l'application des garanties minimales auxquelles a
droit tout individu.
Les Etats préfèrent invoquer le prétexte
de la souveraineté et donner une dimension interne à tout conflit
pouvant les inciter à appliquer le DIH à l'égard de ceux
qui les contestent par les armes. « Interner » les conflits, permet
aux Etats de neutraliser et d'éliminer les individus qui les contestent
par les armes dans leur ordre interne et par tous les moyens, au lieu de les
soumettre à l'ordre international.
Ainsi pendant la guerre d'Algérie, la France a tout
d'abord cherché à intérioriser le conflit en
déclarent que, du fait que l'Algérie était
rattachée à la France par l'ordonnance de 1834, tout conflit qu'y
viendrait à y naître ne pouvait être qu'interne. Ensuite
elle a cherché à se soustraire à l'application totale du
droit humanitaire contenu dans les conventions qu'elle a pourtant
ratifié, après avoir pris un rôle actif dans leur
élaboration. Dans les premiers temps de la guerre, les autorités
françaises disaient qu'il ne s'agissait que de banditisme
fréquent (10).
(9)Ibid, P. 177.
(10) Ibid ; pp 178-179).
Ce que l'on pourrait dire, c'est que la notion de «
mauvaise foi » joue ici un rôle primordial dans la relation de
l'Etat avec les groupes dissidents. Les Etats ont souvent tendance à
évoquer la notion de souveraineté dans l'application de l'article
3 commun. Pour eux, appliquer ses dispositions serait, porter atteinte au
principe de la souveraineté et attribuer aux insurgés des
garanties judiciaires et un traitement humain. En invoquant un tel
prétexte, les Etats font largement étalage de leur mauvaise foi
à l'égard de ceux qui ont osé les contester par les
armes.
La souveraineté n'est donc qu'un prétexte
erroné dont les Etats se servent, l'Etat qui respecte et applique les
dispositions de l'article 3 n'est pas tenu à attribuer le statut de
belligérant ou de prisonnier de guerre. Il n'y a absolument pas de
contradiction entre l'application de l'article 3 commun et le dogme de la
souveraineté nationale, la première n'exclue pas la
deuxième. L'article 3 ne demande pas aux Etats d'accorder aux
insurgés un statut spécifique, -le dernier alinéa est
clair à ce sujet, l'application des dispositions qui
précèdent n'aura pas d'effet sur le statut juridique des Parties
au conflit- mais de leur appliquer les dispositions humanitaires auxquelles
doit avoir droit tout Etre humain.
Dire que l'application de l'article 3 porte atteinte à
la souveraineté n'est en fait que l'expression de la mauvaise foi des
Etats. En réalité, la raison pour laquelle les Etats agissent
ainsi, est que ces derniers n'ont absolument pas envie de garantir aux
individus ayant contesté leur autorité par les armes un
traitement humain décent auquel aurait droit tout criminel de droit
commun.
Le comportement récalcitrant des Etats à
l'égard des dispositions du DIH peut les pousser-en cas de conflit
interne- à refuser le contrôle effectué par le CICR sur
leur territoire et à privilégier la raison d'Etat à
l'humanitaire.
Le cas de la Colombie est un cas spécial. Au point de
vue institutionnel la Colombie est un Etat de Droit. Elle est partie à
la quasi-totalité des conventions et traités de droits
humanitaires depuis la Convention de Genève du 22 août 1864 pour
l'amélioration du sort des militaires blessés dans les
armées en campagne. Genève, 22 août 1864(11).
La Colombie à l'honneur d'être l'un des premiers
pays indépendants à avoir défendu le principe selon lequel
les obligations humanitaires ne sont pas fondées sur la
réciprocité. En effet, bien avant que les premiers conventions de
Genève ou de la Haye soient signées en Europe, « El
Libertador », Simon Bolivar, avait signé « un traité
pour réglementer la conduite de la guerre » avec le
général Murillo, pour « éviter, dans toute la mesure
possible de verser le sang». Selon le juriste français Jules
Basdevant, cet accord est l'un des textes précurseurs les plus
importants du droit international applicable aux conflits armés : non
seulement, en effet, il contient des dispositions novatrices concernant le
traitement humain des blessés, des malades et des prisonniers, mais
encore il présente la première application connue des coutumes de
la guerre à ce que nous appelons aujourd'hui « guerre de
libération nationale ».
Peu de temps après, le 25 avril 1821, Bolivar a
émis une proclamation à l'intention de ses soldats, leur
ordonnant de respecter les règles régissant la conduite de la
guerre. Selon Bolivar, « même lorsque nos ennemis violent ces
règles, nous devons les respecter, afin que la gloire de la Colombie ne
soit pas entachée de sang » (12).
Concernant l'application des normes humanitaires, l'article 93 de
la
(11)
www.cicr.org
(12) SASSOLI Marco et BOUVIER Antoine A., Un Droit dans la
guerre : volume II, cas n° 184, Colombie ?
Constitutionnalité du Protocole II, Comité international de
la Croix Rouge, Genève, 2003, P. 1799.
constitution colombienne reconnaît la
supériorité des dispositions des traités et des
conventions relatives au droit de l'Homme et droit humanitaire ratifiés
par le congrès sur les dispositions du droit interne. L'article 214
stipule qu'en cas d'Etat d'exception, ne pourront être suspendu les
droits humains et libertés fondamentales et les règles de droit
humanitaire doivent impérativement être respectées.
Signalons qu'aussi strictes que puissent être des
dispositions de cette nature, les Etats trouvent toujours le moyen de s'en
déroger. Si contrairement à d'autres Etats d'Amérique
latine, la Colombie n'a pas eu recours à l' « Opération
Condor ». Cependant l'Etat colombien a trouvé qui fasse « la
guerre sale » à sa place, notamment par l'intermédiaire de
groupes paramilitaires, qui pour le Père Javier Giraldo sont, « le
bras illégal et clandestin de l'Etat, et ceci nous empêche de
parler de l'Etat colombien comme un « Etat de droit » »(13) .
Après avoir vu la portée et quelques limites de
l'article 3 commun, et la place de la notion de « mauvaise foi » des
gouvernements dans son application, nous passerons au protocole additionnel II
relatif à la protection des victimes des conflits armés non
internationaux.
(13) Les paramilitaires au coeur du terrorisme d'Etat colombien,
Monde diplomatique, avril 2003.
2- LE PROTOCOLE ADDITIONNEL II :
Avec l'adoption des deux protocoles additionnels aux quatre
conventions de Genève de 1977, les soldats réguliers et les
irréguliers, disposeront en théorie des mêmes droits et
mêmes obligations et seront sur le même pied
d'égalité. Cependant leur application, ne dépendra que de
la bonne volonté de l'Etat.
Prenons l'exemple du premier paragraphe de l'article 4 de la IIIe
conventions de Genève. Il stipule que :
« A. Sont prisonniers de guerre, au sens de la
présente, les personnes qui, appartenant à l'une des
catégories suivantes, sont tombées au pouvoir de l'ennemi :
1) les membres des forces armées d'une Partie au conflit,
de même que les membres des milices et des corps de volontaires faisant
partie de ces forces armées ;
2) les membres des autres milices et les membres des autres
corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance
organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en
dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si
ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de
volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés,
remplissent les conditions suivantes :
a) d'avoir à leur tête une personne responsable
pour ses subordonnés ;
b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à
distance ;
c) de porter ouvertement les armes ;
d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et
coutumes de la guerre ».
Les dispositions de cet article sont claires ; tout combattant
les ayant respecté sera considéré comme prisonnier de
guerre. Mais là encore, le pouvoir d'observation revient aux Etats, et
à eux seuls.
Concernant le protocole additionnel II, il est en principe
sensé complété l'article 3 commun aux quatre conventions
de Genève, et protéger les victimes des conflits armés non
internationaux. Cependant on pourrait dire aussi que ce dernier protège
plus les Etats que les principes d'humanité et les victimes des conflits
armés non internationaux, surtout lorsqu'il s'agit de défendre le
droit des individus ayant contesté leur autorité par les armes.
En effet, plusieurs de ses dispositions sont de nature à entraver
l'application des normes humanitaires dans les cas de conflit armé
à caractère non international.
Commençons tout d'abord par délimiter le champ
d'action de ce protocole. En principe, il doit s'appliquer à tous les
conflits non couverts par le premier protocole additionnel, qui se
déroule sur le territoire d'un pays y ayant adhéré et qui
opposent des forces armés régulières à des «
forces armées dissidentes ».
L'utilisation de « forces armées dissidentes
» n'est pas due au hasard. En DIH, à chaque fois qu'une formulation
peut entraver le champ d'action des Etats, on adopte des notions que ces Etats
peuvent interpréter à leur aise. La notion de «forces
armées dissidentes » n'échappe pas à la règle,
ici aussi l'Etat détient la compétence de lui attribuer la
définition la plus propice à ses intérêts. Le terme
« dissidentes », signifierait contraire à l'autorité
étatique, l'Etat peut donc tout à fait invoquer le
prétexte de souveraineté, et parler de rétablissement de
l'ordre publique comme l'y autorise l'article 3 de ce protocole afin de
disqualifier politiquement le groupe dissident et ainsi pouvoir soumettre ses
membres à son ordre interne, et les considérer comme de simples
criminels ayant troublé l'ordre
établi, vu que le dit protocole ne peut en aucun cas
être appliquer aux situations de troubles intérieures et
compagnie.
Pour que des forces armées irrégulières
puissent être reconnues en tant que forces belligérantes, -en plus
de devoir se soumettre aux dispositions de article 4 de la IIIe convention de
Genève- ces dernières doivent exercer sur une partie du
territoire un contrôle qui leur permette de mener des opérations
continues et concertées et il leur est impératif d'appliquer les
dispositions du protocole.
Ces exigences constituent une restriction majeure à
l'égard des guérilleros et même quand ces derniers veillent
à bien s'y soumettre, leur statut juridique restera toujours
attaché à la volonté de l'Etat.
En Colombie, les groupes armés exercent un vaste
contrôle sur plusieurs parties du territoire qui leur permet de mener des
opérations continues et concertées. Prenons le cas des FARC, bien
que ces derniers n'aient pas une forte présence dans les zones urbaines,
ils exercent un contrôle dans plusieurs régions du pays, qui sont
principalement des zones rurales (Caractéristique de la
Guérilla), ces zones représentent des routes qui relèvent
d'une grande vitalité, et d'une grande importance stratégique
pour le trafic d'armes et de stupéfiants. Ces derniers ont une forte
présence dans les département de, Nariño, Putumayo, Huila,
Cauca, Valle del Cauca, Vichada, Caqueta, Tolima, Vaupes, Quindio. (Voire
carte, page suivante).
Le gouvernement actuel ne les reconnaît pas en tant que
groupe belligérant, il parle de rétablissement de l'ordre public
mais aussi de l'application du protocole additionnel II. C'est là, une
attitude controversée de la part du gouvernement colombien.
Concernant l'article 5 du protocole, on peut remarquer là
aussi une dérogation à la notion de prisonnier de guerre. Les
rédacteurs du protocoles se sont abstenus
de faire allusion à la notion de prisonnier de guerre,
afin de laisser le champ libre aux Etats de juger à leur guise et selon
les dispositions de leurs choix les individus ayant osé porter
ouvertement les armes contre eux. Cette disposition permet aux Etats
d'appliquer aux guérilleros le droit pénal interne au lieu des
garanties auxquelles ont droit les prisonniers de guerre. Nous pourrions
ajouter l'idée comme quoi l'article 6 du protocole II, renforce la
position des Etats face aux guérilleros. Cet article contient soi-disant
les conditions de jugement équitable au quel a droit tout individu, mais
ce que l'on peut constater, c'est que la portée de l'article 6 reste
limitée au droit pénal interne, or un combattant tombé
entre les mains d'une puissance ennemie ne doit en aucun cas être
jugé par les juridictions internes de la puissance qui l'a
capturé. C'est pour cette raison que les Etats ont tendance à
gérer leur conflit sur le plan interne.
Les dispositions du protocole additionnel II et les autres
dispositions du DIH en général, laissent les guérilleros
et les autres catégories de combattants irréguliers à la
merci des Etats, c'est la raison pour laquelle nous pouvons les
considérer comme restrictives et discriminatoires à leur
égard.
L'application du DIH n'est pas basé sur un
critère objectif, mais elle est attaché à l'existence
d'une situation de fait qu'est le conflit, or le hiatus qui persiste dans ce
cas, et on ne le dira jamais assez, seuls les Etats possèdent le droit
de constater l'existence d'un conflit, et si ces derniers nient le conflit et
l'internent en évoquant le rétablissement d'ordre public,
l'application des dispositions humanitaires ne pourra avoir lieu, comme il n'y
a pas de fumée sans feu, il n'y a pas d'humanitaire sans la
reconnaissance de conflit, vu que le DIH n'est pas applicables aux situations
de troubles internes et rétablissement de l'ordre public. Les Etats
refusent d'adhérer à certaines règles de droit humanitaire
pour ne pas devoir les appliquer. Si nous prenons l'exemple des
protocoles additionnels, nous verrons que des Etats comme
Israël ou les Etats- Unis ne les ont pas ratifiés, et que d'autres
comme la Turquie ne les ont même pas signé (14).
Pour conclure, nous pourrions dire que le DIH ne peut
être que restrictif à l'égard des combattants
irréguliers, puisqu'il n'a été consenti et ratifié
que par les Etats eux même. Dans ce cas, on pourrait même parler de
« droit établi sur mesure ». D'ailleurs, si
l'application des dispositions du DIH ne dépendait pas que de la bonne
volonté des Etats, très peu d'Etats y auraient
adhéré.
Le DIH apparaît donc comme un ensemble d'outils mis
à la disposition des gouvernements pour se prémunir de la menace
que représente pour eux la Guérilla, puisque les gouvernements
dans ce genre de situation ont tout à perdre et rien à gagner.
(14)
www.cicr.org
SECTION 2 : GUERILLA ET SOUVERAINETE
NATIONALE.
Les Etats en tant qu'entités souveraines, s'acharnent
toujours à défendre cette souveraineté par tous les moyens
dont ils disposent et à considérer plusieurs actes et
événements comme portant atteinte à cette dernière.
Parmi les événements considérés comme une menace au
principe de souveraineté, nous trouvons la formation de groupes
armés dissidents sur le territoire d'un Etat. Nous verrons en premier
lieu la portée de cette menace à la souveraineté et
à stabilité politique de l'Etat (1), et en deuxième lieu
les enjeux de la de la reconnaissance de la guérilla en tant que groupe
belligérant (2).
1- LA GUERILLA COMME « MENACE » A LA
STABILITE
POLITIQUE DE L'ETAT.
Pour un Etat, l'existence de groupes armés dissidents
sur son territoire constitue une menace à sa stabilité
politique.
Au cours de notre première année à la
faculté de droit, bon nombre des cours auxquels nous avions eu droit,
portaient sur les éléments constitutifs de l'Etat. On essaiera
donc, de voir la portée de cette menace à la lumière des
trois éléments classiques, constitutifs de l'Etat, à
savoir : le territoire la population et la souveraineté. Nous
commencerons d'abord par la notion de territoire et nous verrons ensuite
respectivement celles de population et souveraineté.
Etat et territoire sont deux notions indissociables, ce sont
les frontières géographique qui limitent l'expansion du pouvoir
de l'Etat. Le territoire est l'élément objectif essentiel dans la
définition de l'Etat, et c'est lui qui définit le cadre de
compétence de ce dernier (15).
Le territoire est un moyen d'action pour l'autorité qui
y règne, le pouvoir de l'Etat comme celui du groupe dissident, peut
facilement obliger les individus à avoir un comportement donné.
Le territoire de l'Etat correspond au sol, sous-sol des espaces maritimes et
aériens qui surplombent le territoire terrestre, maritime et fluvial.
Dans le cas des guérilleros nous nous limiterons aux espaces terrestres
maritimes et fluviaux puisque ces derniers n'ont généralement pas
les moyens de contrôler plus.
(15) Rolland DEBBASCH, Droit constitutionnel, litec,
paris, 2000, p.8.
En principe chaque Etat doit défendre son territoire et
doit y être présent, il ne peut en aucun cas consentir à
l'abondons d'une partie de ce territoire. Cependant lorsqu'un Etat se confronte
au problème de l'existence de groupes dissidents, le principe de
l'intangibilité des frontières perd de son importance et
l'autorité Etatique se voit contrainte à abandonner une partie de
son territoire aux insurgés, surtout quand ces derniers sont assez forts
pour la contraindre à le faire.
Là où la force publique est vacante, l'Etat
n'exerce pas sa souveraineté, ceci concerne le territoire comme la
population. L'Etat se voit donc concurrencé et contesté par des
groupes qu'ils considère comme illégaux, et sur ce qui constitue
son territoire géographique. Il n'a donc aucune représentation
tangible et concrète sur ce territoire.
L'autorité possède de droit un territoire qui ne
lui appartient pas de fait, et dans le cas où ce territoire contiendrait
des ressources naturelles, l'Etat ne pourra pas les exploiter parce que le
groupe dissident l'en empêche.
Concernant le deuxième élément,
c'est-à-dire la population, on parle de l'Etat comme
société organisée parce qu'il se compose d'individus sur
lesquels il exerce son pouvoir. La population est un ensemble limité
d'hommes et de femmes soumis à un ordre juridique au sein des
frontières géographiques de cet Etat (16) . Dans le
cas d'existence de groupes guérilléros, ces dispositions
étatiques peuvent leur être assimilées.
En effet, quand un groupe dissident contrôle un
territoire déterminé, ses individus ne sont plus soumis à
l'autorité étatique mais à celle des insurgés,
cette soumission peut être consentie ou imposée par la
contrainte.
(16) Ibid. p.9.
La population des territoires contrôlés par les
insurgés, devient assujettie au pouvoir des rebelles et non à
celui de l'Etat à qui elle appartient juridiquement. Ces individus ne
sont donc plus soumis à l'ensemble des normes nationales comme le reste
des citoyens mais bien aux règles et aux normes qui leur sont
édictées par les groupes dissidents.
La souveraineté quant à elle constitue le
troisième élément, c'est la caractéristique
juridique de l'Etat, l'Etat est en principe le seul à posséder un
pouvoir souverain, elle lui permet de n'obéir à aucune autre
autorité si ce n'est la sienne(17). Cependant, la
présence de la guérilla représente un danger pour la cette
souveraineté, l'Etat ne peut pas exercer son pouvoir dans les zones
contrôlées par cette dernière, il n'est donc plus souverain
sur son propre territoire, et par conséquent il ne peut plus exercer son
pouvoir sur ses individus. Cette atteinte à la souveraineté est
beaucoup plus accentuée dans les cas où l'Etat en question est
absent physiquement de ces territoires, cette absence peut être
constatée aussi bien par l'absence de forces publiques que par l'absence
d'instances civiles.
L'Etat se retrouve donc dans une situation, où il n'est
plus souverain sur son propre territoire et où l'autorité des
guérilleros est supérieure à la sienne.
Pour résumer, nous pourrions dire qu'avec l'existence
de groupes dissidents contrôlant un territoire déterminé,
l'Etat possède juridiquement des territoires qui ne lui appartiennent
pas, et dont la population est soumise à des normes autres que les
siennes et que sa souveraineté est gravement bafouée. On pourrait
parler de l'existence d'un Etat dans l'Etat. Or aucun Etat n'assumerait
favorablement cette situation. Cette menace contre la stabilité
politique de l'Etat est encore plus éminente quand les groupes
guérilleros jouissent d'une reconnaissance internationale de la part
d'Etats tiers.
(17) Ibid. p.10.
Vu, la menace que représente l'existence des groupes
armés dissidents sur le territoire d'un Etat aussi bien au niveau
interne qu'international, on comprend pourquoi ces derniers adoptent un
comportement timoré à l'égard de leur reconnaissance en
tant que groupes belligérants.
2- ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DE LA
BELLIGERANCE.
La reconnaissance des groupes insurgés comme
belligérants est une étape beaucoup plus compliquée
à franchir pour les Etats que l'application des règles
humanitaires dont l'article 3 commun. Les Etats adoptent une attitude
timorée lorsqu'il s'agit de reconnaître une partie au conflit, en
effet si la question de l'application de l'article 3 commun n'est qu'une simple
question de volonté politique et ne représente aucune atteinte
à la notion de souveraineté nationale et ni à celle
d'intégrité territoriale, tel n'est pas le cas quand il s'agit de
reconnaître une situation de belligérance sur son territoire,
cette dernière comportent des enjeux beaucoup plus graves et dangereux
pour le dit Etat.
Les Etats souffrent d'une certaine peur et phobie lorsqu'il
s'agit de reconnaître une partie au conflit en tant que groupe
belligérant. Ce sentiment nous semble-t-il est tout à fait normal
et légitime, vu les enjeux d'ordre juridique et politique que
représente la reconnaissance de la partie insurgée aussi bien
pour lui que pour le gouvernement en place, ce dernier a beaucoup plus à
perdre qu'à y gagner, de là on peut comprendre la prudence et la
réticence des Etats vis à vis de cette reconnaissance.
La reconnaissance est l'acte par lequel un Etat
reconnaît l'existence d'un conflit armé à caractère
non international sur son territoire et attribut aux membres du groupe ou des
groupes armés dissidents le statut de belligérants avec les
garanties que ce dernier comporte.
L'origine de la « reconnaissance » remonte à
la guerre d'indépendance américaine. Avant cette date aucun
manuel de droit international n'y faisait allusion à l'exception des
travaux de « Grotius ». Cependant, cette reconnaissance ne
commençât à se matérialiser qu'à la fin du
XVIIIe siècle (18).
Les gouvernements sont souvent réticents à
reconnaître la belligérance, d'une part cette reconnaissance sera
interprétée comme un signe de faiblesse de la part du
gouvernement qui l'énoncera aussi bien au niveau interne
vis-à-vis de ses citoyens, qu'au niveau internationale. D'autre part,
cette reconnaissance pourrait renforcer l'autorité des groupes
dissidents qui peuvent en tirer de grands avantages dans leurs actions de
propagande envers l'opinion nationale et internationale. (19)
La reconnaissance peut être soit formelle ou tacite,
émaner du même Etat ou d'un Etat tiers.
Pour Wehberg et Jessup, la déclaration de
neutralité de la part d'un Etat tiers constitue une reconnaissance de
belligérance des insurgés. (20)
Cependant, la majorité des juristes accordent que la
reconnaissance reste un acte fortement attaché à la
volonté de l'Etat et qu'ils n'existent pas un critère objectif
pour reconnaître une situation de belligérance. Ceci dit, il
existe certains actes susceptibles de conduire à une reconnaissance
tacite d'une situation de belligérance.
Le fait pour un Etat de s'asseoir à la table des
négociations avec les représentants d'un groupe dissident
constitue bien une reconnaissance. Tout acte d'un Etat impliquant sa
personnalité juridique devant les insurgés, notamment
(18) Daoud L. Khairallah, Insurrection under International
Law, Publication of the Lebanese university,
Librairie du Liban, Beirut, 1973, page 16.
(19) Mohamed Bennouna, Le consentement à
l'ingérence militaires dans les conflits internes, édition
L.G.D.I, Paris, 1974, P.22.
(20) Daoud L. Khairallah, Insurrection under International
Law, op. cit , P 37.
tout traité passé avec eux équivaut à
une reconnaissance.
Pour le CICR, faire appel ou recevoir une assistance militaire
d'un pays tiers constitue un acte de reconnaissance d'une situation de
belligérance de la partie adverse (21).
Le fait d'exiger aux insurgés le respect des lois et
coutumes de la guerre, constitue une reconnaissance. Sinon pourquoi exiger
à des criminels de droit commun le respect des dispositions du droit des
conflits armés ?
Enfin, certains juristes pensent que - dans un souci de
réduire les atrocités et les souffrances des conflits
armées à caractère non international - le fait que l'Etat
veuille appliquer les dispositions du DIH ne constitue pas vraiment une
reconnaissance de belligérance.
La reconnaissance du statut de belligérant
confère aux groupes armés irréguliers le droit de conduire
la guerre dans les mêmes conditions d'égalité que l'Etat.
En cas de capture ils auront droit au statut de prisonnier de guerre avec les
garanties que ce statut comporte et ne pourront être jugés en tant
que criminels de droit commun. Ils passent d'être sujets de l'Etat
à être sujet de droit international, chose qui les pousse à
répondre de leurs actes devant les juridictions internationales, de ce
fait, ils ne pourront être soumis au droit pénal interne ni
répondre devant les juridictions internes. Or les Etats n'aiment pas
soumettre les individus ayant contredit leur autorité par les armes aux
juridictions internationales afin de pouvoir les éliminer dans leur
ordre interne. Cependant, lorsque ces groupes sont assez forts sur le plan
politique et militaire, ils peuvent contraindre l'Etat à les
reconnaître.
Concernant le cas colombien, les groupes armés dissidents
ont joui du statut de groupes belligérants à plusieurs reprises
par différents gouvernements.
(21) 21ème conférence de la croix rouge, Istanbul,
Septembre 1969, P.5.
Cependant cette reconnaissance n'émanait pas que de la
bonne volonté des gouvernements mais aussi du fait que ces groupes
dissidents disposaient de la force politique nécessaire pour obliger ces
derniers à les reconnaître.
Le dernier gouvernement à l'avoir fait est celui de
l'ex-président M. Andrés Pastrana (1998-2002). Ce dernier
s'était engagé dans un processus de paix notamment avec les Farc
et l'ELN au cours de son mandat. Suite à l'échec de ce processus,
M. Pastrana rompit, quelques mois avant la fin de son mandat
présidentiel les relations et les accords auxquels le gouvernement
était parvenu avec les groupes guérilleros.
Pendant les années 80 une fraction des FARC
décidât de déposer les armes et de constituer un parti
Politique l'« Union Patriotique » (UP). Ce parti participât
avec succès aux élections de 1986: 350 conseillers municipaux, 23
députés et 6 sénateurs furent élus au
congrès. Au cours de son mandat le président Virgilio BARCO
VARGAS (1986-1990) avait incité le « Mouvement du 19 avril »
(M 19), qui était le groupe guérillero le plus important de
l'époque à faire de même.
En 1991, le « M19 » a été
majoritairement représenté au sein de l'assemblée
constituante chargée d'élaborer une nouvelle constitution afin de
remplacer celle de 1886 qui était devenue obsolète
(22).
Le président actuel M. Alvaro URIBE VELEZ (2002-20 10),
premier président réélu grâce à une
modification de la constitution a basé son programme électoral
sur une politique de main de fer à l'égard des guérilleros
et sur une solution par voie militaire. Il est parvenu à faire des
groupes dissidents l'ennemi
(22) Breviario de Colombia, édition Panamericana,
Bogota, 2003, pages 170, 171 et 172.
public numéro de la Colombie, et refuse pour l'instant
toute solution pacifique au conflit.
Les dénominations utilisées par, ce dernier, son
gouvernement, les forces armées et de plus en plus par les médias
colombiens sont, celle de narcoterroriste qu'on n'a guère besoin de
définir et de subversif qui désigne toute personne portant
atteinte à l'ordre établi.
En outre, le président Uribe s'acharne à parler
de maintien de « l'ordre public » et à nier toute allusion
à la notion de conflit armée.
On constate une attitude contradictoire de la part des
autorités colombiennes actuelles, d'un côté on met en
évidence l'importance du respect du droit des conflits armés et
on insiste sur l'application de ses dispositions , et d'un autre
côté on nie l'existence d'un conflit et on parle ouvertement du
maintien de l'ordre public. Or le DIH n'est pas applicable en cas
d'émeutes, de troubles et de tensions intérieures ou lorsqu'il
s'agit du maintien de l'ordre public interne.
On a du mal à être en accord avec le
président Uribe, en effet, quand on a des groupes armés
dissidents qui contrôlent plusieurs portions du territoire national et
comptent plusieurs dizaines de milliers d'Hommes dans leurs rangs, il est
difficile, voire absurde de parler de maintien de l'ordre interne et la
préservation de l'intégrité territoriale.
Lorsqu'on visite le site officiel de l'armée
colombienne (23) on se trouve avec des slogans tels que : « Le
respect du DIH est la meilleur façon de regagner la confiance du peuple
colombien en son armée ». Mais quelles sont les raisons qui
poussent à adopter de telles attitudes ? Le gouvernement s'engage-t-il
vraiment à
(23)
www.ejercito.mil.co
respecter et appliquer les règles du DIH et de cet fait
les dispositions constitutionnelles qui l'y obligent, ou le fait-il uniquement
parce que ce dernier a compris et comme il l'a exprimé à
plusieurs reprises : «qu'il n'y pas de victoire sans le soutien de la
population ».
Au-delà des raisons humanitaires, on trouve les raisons
idéologiques. Le gouvernement s'efforce t- il à faire respecter
les dispositions constitutionnelles dans le but de respecter le DIH et la
constitution colombienne qui est très exigeante en matière de
droits humains ? Ou fait-il cela dans un but purement idéologique ?
Puisque l'humanitaire apparaît comme un instrument politique dont chaque
Etat peut se servir, au gré de ses besoins idéologiques.
(24)
Quel est le véritable objectif du Président de
la République ? Pourquoi veut-il acharnement mettre fin au Farc en
particulier et à la guérilla en général ? Surtout
par voie militaire. Serait-ce pour rendre une faveur à son pays en
débarrassant la Colombie des FARC et compagnie? Ou uniquement dans le
but de pouvoir venger la mort de son père ? Ou pour défendre les
intérêts nord-américains en Colombie et dans la
région ?
Après avoir vu dans une première partie, les
différentes qualifications de la Guérilla en DIH, ainsi que
l'importance du concept de reconnaissance, et la portée de la menace de
l'existence de la Guérilla à la souveraineté nationale des
Etats. Nous essaierons de voir au cours de la deuxième partie de ce
travail le statut juridique du Guérillero, et les garanties humaines aux
quelles il doit avoir droit.
(24) El BOUHAIRI Youssef, op.cit, P 65.
Deuxième Partie :
Le statut du guérillero
en DIH.
Section 1 : Le guérillero entre Terroriste
et
combattant de la liberté
La notion de « terrorisme » connaît de nos
jours une ampleur considérable sur la scène internationale,
l'accroissement fulgurant des organisations dites terroristes en est la preuve.
En outre on a tendance à confondre terrorisme et guérilla. Quelle
est donc la nature de la relation entre les deux ? Le guérillero est-il
un terroriste ou un combattant de la liberté ? Nous essaierons
d'établir quelque critère de distinction entre les deux dans un
premier temps, ensuite nous verrons la nature de la relation entre
guérilla et population civile.
1- Guérilla et Terrorisme.
Comme pour « la notion de conflit armé non
international », il n'existe pas de définition précise de la
notion de « terrorisme ». Ce terme reste chargé de
connotations politiques et idéologiques (25).
Cette situation d'ambiguïté profite principalement
aux Etats. Là encore, la définition de la notion de terrorisme
dépend strictement du caractère qu'ils veulent lui attribuer. En
effet, si plusieurs dispositions du DIH condamnent les actes terroristes, ces
dernières ont laissé le champ libre aux Etats de les
interpréter à leur guise. L'appréciation des actes
terroristes relève donc strictement de la compétence de l'Etat.
Pour eux, tout acte émanent d'un groupe dissident doit être
considéré comme acte terroriste.
Concernant, la différence entre combattant de la
liberté et terroriste, il faut signaler que la distinction entre les
deux émane d'un critère subjectif et non pas objectif : comme le
prouve un célèbre adage « Le terroriste des uns est le
combattant des autres ». Il est difficile d'établir un
critère précis qui permette de distinguer la notion de combattant
de la liberté de celle de terroriste, aux yeux des Nazis par exemple les
maquisards français étaient bien des terroristes, tandis que pour
tout français désirant l'indépendance de son pays, ces
derniers étaient des résistants et des combattants de la
liberté. La même situation paradoxale s'appliquait au cas de la
France coloniale vis-à-vis des mouvements de résistance au
Maghreb ; la guerre d'Algérie en est un exemple.
Selon un témoignage : « Face aux obus des chars,
aux bombardements
(25) BOUCHET SAULNIER Françoise,
Dictionnaire pratique de droit humanitaire, op.cit, p.517.
des avions F-16, aux missiles des
hélicoptères Apache de l'armée d'occupation, que pouvons
nous faire d'autre qu'envoyer nos enfants se faire tuer en Israël ?
», disait tristement Ismaïl Abou Shanab l'un des fondateurs du
Hamas au journaliste britannique Phil Rees(26).
Pour Phil Rees, les Palestiniens sont des résistants,
au même titre que les israéliens sous le mandat britannique
(1922-1948) et les Français sous occupation nazie.
Donc, si aujourd'hui le Hamas est considéré
comme groupe terroriste par Israël et compagnie, tel n'est sûrement
pas le cas pour une grande partie des palestiniens.
De nos jours, Les Etats Unies tendent à définir
comme terroriste toute organisation portant atteinte à leurs
intérêts ou à ceux de leurs alliés, et à
condamner tout mouvement ou régime qui résistent à leur
hégémonie (Iran, Venezuela...).
Cependant, si le critère de distinction reste
principalement subjectif, on peut quand même établir certains
critères de distinction entre terroriste et guérillero.
Tout d'abord, signalons que la guérilla et les MLN
jouissent d'un statut international dans le cadre du principe du droit des
peuples à l'autodétermination, alors que le terroriste ne peut en
aucun cas avoir un statut international ni songer à en avoir.
Le fait que la guérilla et les MLN ne soient pas des
organisations terroristes, ne les empêche pas d'avoir recours au
terrorisme. Le terrorisme est un fait, et les théoriciens de la
guérilla le proclament ouvertement(27).
(26) ERIC ROULEAU , « Le bien, le mal et le terrorisme
», Le monde diplomatique, mai 2007 -- Pages 24 et 25.
(27) Extrait de la communication du professeur Henry
Meyrowitz, Centre de droit international de l'institut de l'université
libre de Bruxelles (Centre Henri Rolin), Droit humanitaire et conflits
armés, Colloque des 28- 29et 30 Janvier 1970, édition de
l'université de Bruxelles, Bruxelles, 1970, p 198 et 199.
Le Guérillero et le résistant ont recours
à la terreur uniquement comme moyen, ils visent
généralement des symboles de l'Etat, comme ses institutions, ses
représentants ou ses défenseurs. Contrairement au terroriste qui
à côté des symboles étatiques, n'hésite pas
à s'attaquer à la population civile et fait de la terreur une fin
en soi.
Une autre différence est que le terroriste ne porte ni
de signe distinctif reconnaissable à distance, ni ouvertement les armes,
il cherche à garder l'anonymat et agir en toute clandestinité
afin d'optimiser-avec un minimum d'effectifs- le degré de terreur
jugé nécessaire à l'accomplissement de son acte.
D'autre part, si le soutien de la population civile est un
élément vital pour le guérillero, le terroriste peut s'en
passer, il n'en n'a aucunement besoin pour atteindre son but et il n'a pas
l'obligation de respecter le DIH.
Malgré le fait que les guérilleros recourent
souvent au terrorisme, ceci ne peut servir comme prétexte aux Etat
belligérant pour leur refuser ou leur retirer la reconnaissance comme
belligérant, ni pour leur dénier le statut de prisonnier de
guerre.
Les insurgés doivent néanmoins, respecter les
dispositions du DIH, non pas pour le respect du DIH, mais pour la population
civile, les violations abusives de ce dernier peuvent ternir l'image des
insurgés auprès de la population civile elle- même, et donc
après avoir joui du soutien volontaire de la population, cette
dernière pourrait se retourner contre eux. Dans ce cas ils seraient
obligés de s'imposer à la population civile par la force, ce qui
nuirait d'avantage à leur image et à la cause qu'ils
défendent.
2- La Population civile :
La population civile forme partie des catégories des
personnes protégées par les quatre conventions de Genève
et leurs protocoles additionnels. Toutefois, malgré son caractère
apparemment inoffensif, cette dernière peut s'avérer d'une
importance transcendantale en tant que force indirecte de soutien aux
guérilleros
(29).
La population civile est un élément vital pour
les insurgés et sans lequel ils ne peuvent survivre, aucun mouvement
rebelle n'aurait de chance de réussir s'il n'a pas le soutien de la
population civile (30). Elle forme une catégorie de «
combattant indirect » qui est typique des mouvements de guérilla.
Cette dernière vit par l'environnement civil ; c'est la population
civile qui dans tous les sens du mot nourrit la guérilla
(31).
Pour Mao Zedong, le combattant de la liberté doit
s'immerger dans la population comme « un poisson dans l'eau
», il y trouve en principe la complicité et la sympathie
nécessaires pour son ravitaillement, son financement tout en offrant une
couverture contre la répression étatique. Quand le soutien est
assez fort les forces armées de l'Etat parviennent difficilement
à bout des insurgés qui se confondent au sein de la population
civile.(32)
La population civile remplit une fonction stratégique
et tactique pour cette lutte, elle représente l'environnement qui
nourrit l'insurrection contre le pouvoir en place. Néanmoins, elle ne
lui y est utile qu'à condition de rester dans l'état
(29)Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz,
op.cit, p 190.
(30) El Bouhairi Youssef, op.cit, p 221.
(31) Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz,
op.cit, p190.
(32) El Bouhairi Youssef, op.cit, p 221.
civil.(33)
Cette relation entre population civile et guérilla met
cette dernière gravement en danger. Cette situation peut les mener
à être victime d'innombrables abus de la part des forces
gouvernementales, ou de groupes anti-insurrectionnels comme les AUC en
Colombie, qui se charge d'éliminer toute personne
soupçonnée d'appartenir à la guérilla ou de lui
apporter soutien.(34)
Il faut signaler aussi que cette même population civile
peut être victime de la propre guérilla dans le cas où elle
se montrerait récalcitrante. En effet, la population demeure
protégée et bien traitée lorsque cette dernière
collabore volontairement, dans le cas contraire la guérilla
n'hésite pas à recourir à la terreur pour l'y obliger.
Si la population civile est un composant aussi vital pour la
réussite de tout mouvement d'insurrection que l'est l'eau pour le
poisson, c'est pour cette raison que le combattent de la liberté doit
veiller à la protéger et à la préserver, puisque
dans le cas contraire tout mouvement de guérilla sera voué
à l'échec, comme l'affirme Mao « si l'eau se retire ou
se tarit, le partisan n'échappe pas à la mort », donc
si la guérilla perd le soutien de la population, elle ne pourra plus
atteindre son objectif.
En Colombie, si pendant plusieurs années les groupes
armées dissidents jouissaient d'une certaine popularité
auprès de la population civile, tel n'est plus le cas actuellement. En
effet, on pourrait dire que par leurs méthodes condamnables les groupes
armés dissidents sont parvenus à faire de leur premier
(33) Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz,
op.cit, p190.
(34) Lors d'un interview télévisé, Carlos
Castaño, chef des AUC pour justifier les massacres commis par ses
troupes, disait qu'elles ne faisait que s'attaquer à des
guérilleros habillés en civils ou à leurs
collaborateurs.
soutien leur première victime.
En Amérique latine, jamais un mouvement de
Guérilla n'a été aussi sanguinaire et n'a commis autant
d'atrocités comme la Guérilla colombienne ces dernières
années.
Signalons qu'en Colombie, les affrontements les plus sanglants
ont lieu entre la Guérilla et les groupes paramilitaires, la nature de
ces affrontements n'a pas uniquement une connotation politique, mais
relève d'une grande importance stratégique, puisque ces derniers
se disputent généralement des points de passage
stratégique vitaux au trafic illicite.
L'usage d'armes non conventionnelles comme les cylindres
à gaz représente un énorme danger pour les civiles. En
2002, lors d'un affrontement avec les AUC, les FARC avaient bombardé une
église où s'étaient réfugiées plusieurs
personnes, l'explosion causa plus d'une centaine de morts dont 40 enfants, et
plusieurs dizaines de blessés. Le pape Jean-Paul II qualifiât cet
acte, d'acte terroriste. Cet événement est connu sous le nom de
« Massacre de Bojaya ».(35)
Bien qu'en théorie les guérilleros et les
paramilitaires soient ennemis jurés, ceci ne les empêche pas de
s'allier de temps en en temps lorsque des intérêts communs
relatifs au trafic de stupéfiants entrent en jeu. (36) . Ce
qui nous, mène à l'idée que le trafic de drogue est un
facteur non négligeable du conflit armé colombien.
Les Nations Unies, Amnisty international, et Human Rights Watch,
ont accusé les FARC d'avoir commis de graves violations du DIH. Parmi
les
(35)Rapport du bureau colombien du haut
commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Bureau colombien du
haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, 2 mai 2002.
(36)Farc y las Águilas Negras se
alían en negocios de narcotráfico en el sur de Bolívar,
Semana, Bogota, avril 2008.
violations les plus importantes, on trouve, le recrutement de
mineurs (37),traitement inhumains et dégradent à
l'égard des otages (38), déplacement
forcé(39) et la prise d'otages (40) .
Concernant le recrutement, selon Human Rights watch, les FARC
recruteraient des enfants de moins de 18 et 15 ans. Le nombre d'enfant soldats
en Colombie est estimé à environ sept mille mineurs.
Ajoutons aussi le fait que les FARC soient
considérées comme les plus grands poseurs de mines
antipersonnelles au monde, elles n'hésitent pas à les poser aux
alentours d'endroits protégés comme les églises, les
écoles et les parcs, la Colombie est le pays ayant le plus grand nombre
de victimes de mines antipersonnelles.(41)
Autre technique très courante chez les FARC est le
recours à la prise d'otage. La prise d'otage peut être à
des fins lucratives ou à des fins politiques et dont la plus tristement
célèbre est Madame Ingrid Betancourt, kidnappée depuis
2002 et dont les médias français sont parvenus à en faire
un vulgaire produit télévisé (42). J'ajouterai
même que le véritable souci des français n'est pas la
libération d'Ingrid mais simplement le fait de vouloir apparaître
comme ses libérateurs, chose que jusqu'à présent, ils
n'ont pas réussi à faire. En outre, le fait de commettre des
attentats par l'utilisation d'animaux, de cadavres et de véhicules
protégées comme les ambulances, n'améliore pas les choses
pour les FARC.
(37) Rapport de Human Rights Watch: «Colombia: Armed Groups
Send Children to War», 22 février 2005. Version en ligne 1
septembre 2006.
(38) Human Rights Watch: Traitement inhumain à
légard des capturés.
(39) Human Rights Watch: Déplacement des civiles
causé par les FARC.
(40) Human rights watch -- le DIH et la conduite des farc.
(41) Human rights watch -- le DIH et la conduite des farc.
(42) les souffrances humanitaires demeurent un produit
télévisé, bien construit, bien manipulé par les
médias. El BOUHAIRI Youssef, op.cit, p.358.
Face à des guérilleros qui commettent autant de
violations au DIH, il est très difficile de les qualifier de combattant
de la liberté. Cependant, aussi atroces soient leurs actes ces derniers
ne perdent pas en principe leur statut de combattant.
La guérilla doit respecter le DIH, non de façon
dogmatique, ni pour se voir attribuer un statut juridique donné, puisque
le respect du DIH n'est pas basé su la réciprocité et que
le fait de le respecter n'entraîne pas la reconnaissance de la partie qui
l'applique, mais uniquement dans un souci humanitaire pour le bien de la
population civile.
Après avoir vu quelques critères de distinction
entre guérillero et terroriste, et la relation du guérillero avec
la population civile, nous essaierons d'aborder au cours de la dernière
section la question des garanties auxquelles a droit le guérillero et
leur degré d'applicabilité.
SECTION 2 : LE GUERILLERO ET LES GARANTIES
HUMAINES.
Le Guérillero en tant que sujet de droit international
jouit des mêmes droits et garanties humaines que le soldat
régulier, en cas de capture, le statut de prisonnier de guerre doit lui
être attribué, et dans le cas où ce dernier ait commis des
crimes de guerre, il doit avoir droit à un jugement équitable.
Nous verrons tout d'abord l'octroi du statut de prisonnier de
guerre, ensuite nous verrons les conditions de jugement équitable
attribué au guérillero par le DIH et leur degré
d'applicabilité.
1-L'octroi du statut de prisonnier de guerre.
Le prisonnier de guerre est en théorie, tout individu
appartenant à une partie dans un conflit qui tombe entre les mains d'une
partie adverse. L'octroi de ce statut comporte un nombre important de garanties
dont bénéficie toute personne qui se le verra attribué.
Signalons quand même que si l'octroi de ce statut est chose facile dans
le cadre d'un conflit armé international, tel n'est pas le cas dans le
cadre d'un CANI.
En adoptant les dispositions de l'article 4 de la
IIIe Conventions, les négociateurs de 1949 ont
réalisé une extension importante du statut de prisonnier de
guerre par rapport aux textes existants auparavant. En 1977 avec l'adoption des
deux protocoles additionnels, le statut de prisonnier de guerre sera
élargi d'avantage, notamment en élargissant la notion de forces
armées et celle de Combattant.
Concernant le premier protocole additionnel, l'article 4 3
stipule que « les forces armées d'une partie au conflit se
composent de toutes les forces, tous les groupes et toutes les unités
armés et organisés qui sont placés sous un commandement
responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette Partie,
même si celle-ci est représentée par un gouvernement ou une
autorité non reconnus par une Partie adverse. Ces forces armées
doivent être soumises à un régime de discipline interne qui
assure, notamment, le respect des règles du droit international
applicable dans les conflits armés.
La première disposition de l'article 44 du dit protocole
stipule que tout combattant entrant dans l'une de ces catégories
citées dans l'article 43, qui tombe sous le pouvoir d'une partie
adverse est un prisonnier de guerre. La
disposition est claire, tout combattant capturé devrait
immédiatement avoir droit au statut de « Prisonnier de Guerre
», et bénéficier des dispositions de la troisième
convention de Genève relative à la protection des prisonniers de
guerre. Mais, la seule appréciation dépend des gouvernements.
En effet, malgré l'existence de coutumes
internationales relatives aux prisonniers de guerre, les Etats ont toujours
cherché à déroger l'ennemi capturé du statut de
prisonnier de guerre. Pendant la seconde guerre mondiale, certains
belligérants ont utilisé la notion de « Capturé
» pour refuser le statut de prisonnier de guerre à plusieurs
milliers de membres de la Wehrmacht et des forces armées japonaises
(43) . Cette dérogation est beaucoup plus accentuée
dans le cadre d'un CANI.
Toute personne considérée comme «
prisonnier de guerre » aura droit à la protection de la
troisième convention de Genève relative au traitement des
prisonniers de guerre, et tout violation à l'une de ces dispositions
sera perçue comme une violation du DIH.
L'un des principaux avantages dont bénéficie un
prisonnier de guerre est celui de « l'immunité du Combattant
». Selon ce principe, le prisonnier de guerre ne pourra en aucun cas
être jugé pour le seul fait de s'être battu, et il devra
être libéré dès la fin des hostilités. Dans
le cas d'un CANI, on peut comprendre la réticence des Etats à
attribuer ce statut à leurs citoyens ayant pris les armes contre eux.
Autre disposition protégeant le prisonnier de guerre
est elle qui interdit les interrogatoires à ces derniers dans le but de
leur soutirer des informations, et ce par le recours à des pratiques
interdites en DIH. En effet, la puissance détentrice n'a le droit
d'interroger les prisonniers de guerre que sur leur nom et prénom,
(43) HAROUEL- BURELOUP Véronique, Traité de
droit humanitaire, PUF, Paris, 2005, p.292.
grade et numéro de matricule militaire.
Avant d'aller plus loin, il convient de revenir à
l'article 1è de la IIIe CG relative au traitement des PG.
ARTICLE 17. -« Chaque prisonnier de guerre ne sera tenu de
déclarer, quand il est interrogé à ce sujet, que ses nom,
prénoms et grade, sa date de naissance et son numéro matricule
ou, à défaut, une indication équivalente.
Dans le cas où il enfreindrait volontairement cette
règle, il risquerait de s'exposer à une restriction des avantages
accordés aux prisonniers de son grade ou statut.
Chaque Partie au conflit sera tenue de fournir à toute
personne placée sous sa juridiction, qui est susceptible de devenir
prisonnier de guerre, une carte d'identité indiquant ses nom,
prénoms et grade, numéro matricule ou indication
équivalente, et sa date de naissance. Cette carte d'identité
pourra en outre comporter la signature ou les empreintes digitales ou les deux,
ainsi que toutes autres indications que les Parties au conflit peuvent
être désireuses d'ajouter concernant les personnes appartenant
à leurs forces armées. Autant que possible, elle mesurera 6,5 X
10 cm et sera établie en double exemplaire. Le prisonnier de guerre
devra présenter cette carte d'identité à toute
réquisition, mais elle ne pourra en aucun cas lui être
enlevée.
Aucune torture physique ou morale ni aucune contrainte ne pourra
être exercée sur les prisonniers de guerre pour obtenir d'eux des
renseignements de quelque sorte que ce soit. Les prisonniers qui refuseront de
répondre ne pourront être ni menacés, ni insultés,
ni exposés à des désagréments ou
désavantages de quelque nature que ce soit.
Les prisonniers de guerre qui se trouvent dans
l'incapacité, en raison de leur état physique ou mental, de
donner leur identité, seront confiés au Service de
santé.
L'identité de ces prisonniers sera établie par tous
les moyens possibles, sous réserve des dispositions de l'alinéa
précédent.
L'interrogatoire des prisonniers de guerre aura lieu dans une
langue qu'ils comprennent. »
L'interdiction du recours à certaines méthodes
d'interrogations représente la pierre angulaire du refus des Etats
à accorder le statut de PG à leurs détenus. En effet, les
Etats engagés dans ce qu'ils appellent « la lutte contre terrorisme
» doivent souvent faire recours aux méthodes interdites par le
premier paragraphe de l'article 3 commun et l'article 17 ci-dessus. C'est l'une
des raisons pour
lesquels les Etats utilisent l'argument de la non conciliation
de l'application des dispositions du DIH et la politique de lutte contre le
terrorisme (44), puisque des méthodes comme les traitements
cruels, tortures et supplices peuvent malheureusement donner des
résultats.
Pendant la guerre d'Afghanistan en 2001, les Etats-Unis
adoptèrent un nouveau concept pour désigner les combattant
capturés, à savoir : la notion de « Combattant
illégal » (45).
Ces derniers utilisent cette notion pour désigner les
combattant qui n'ont pas respecté leurs obligations et devoir, et en
conséquent ne peuvent jouir ni de la protection de l'article 3 commun ni
de celle de la IIIe CG.
Le concept de « combattant illégal »
représente tout d'abord un grave danger pour la personne à qui il
est attribué, et il est utilisé comme un moyen pour les Etats de
se dispenser de la moindre application du DIH à l'égard de cette
catégorie de combattant capturé. Du point de vue juridique, cette
notion ne possède aucun fondement valable, si le capturé jouit du
statut de combattant, il sera protégé par la IIIe CG, sinon il
devra bénéficier de la protection de l'article 3 commun, et en
cas de doute sur son statut le deuxième paragraphe de l'article 5 de la
IIIe CG stipule , qu'en cas de doute sur le statut juridique du capturé,
le statut de prisonnier de guerre doit leur être attribué en
attendant qu'un tribunal compétant puisse déterminer leur
statut.
Les dérogations à l'octroi du statut de PG sont
beaucoup plus accentuées lorsqu'il s'agit d'attribuer le statut de PG
à un individu ayant contesté l'autorité de la puissance
colonisatrice dans le cadre d'une guerre de libération
(44) SASSOLI Marco et BOUVIER Antoine A., op.cit, cas n° 57,
Etats-Unis d'Amérique, le président rejette le protocole I, p 798
Genève, 2003.
(45)Laurent Colassis, Personnes privées de
liberté en Irak ; la protection du droit international humanitaire,
CICR, p.4.
nationale ou celle du pouvoir en place. Dans de tels cas, les
gouvernements sont juges et parties.
Le refus des Etats à attribuer le statut de PG au
guérilléro peut s'expliquer, d'une part, par le fait ne pas avoir
à leur appliquer les dispositions de la IIIe convention de
Genève, puisque son application risque d'entraver leur processus de
« lutte contre le terrorisme », et d'autre part pour pouvoir les
neutraliser au sein de l'ordre interne. Chose qui bafoue le droit du
guérillero en tant que sujet du droit international et susceptible de
jouir de garanties et de conditions de jugement équitable.
2- Le guérillero et les conditions de jugement
équitable.
En cas de capture, le guérillero en tant que combattant
et sujet de droit international, a droit à un ensemble de droits et de
prérogatives dont celui de pouvoir bénéficier d'un
jugement équitable. Afin de pouvoir en profiter, ce dernier doit d'abord
posséder le statut de combattant et celui de PG, or l'obtention de ces
statuts reste strictement attachée à la volonté des
Etats.
Si dans le cadre d'un conflit armé international
l'individu capturé accède facilement au statut de prisonnier de
guerre, en sein d'un CANI les Etats font tout leur possible pour refuser
à cet individu le statut de belligérant et de PG, afin de le
soumettre à leurs juridictions internes, pour en faire un sujet de droit
commun et pouvoir le juger d'après les dispositions du code pénal
interne.
On trouve certaines dispositions relatives aux conditions de
jugement et aux poursuites pénales dans l'article 6 du PA II qui stipule
:
1. Le présent article s'applique à la poursuite et
à la répression d'infractions pénales en relation avec le
conflit armé.
2. Aucune condamnation ne sera prononcée ni aucune peine
exécutée à l'encontre d'une personne reconnue coupable
d'une infraction sans un jugement préalable rendu par un tribunal
offrant les garanties essentielles d'indépendance et
d'impartialité. En particulier :
a) la procédure disposera que le prévenu doit
être informé sans délai des détails de l'infraction
qui lui est imputée et assurera au prévenu avant et pendant son
procès tous les droits et moyens nécessaires à sa
défense ;
b) nul ne peut être condamné pour une infraction si
ce n'est sur la base d'une responsabilité pénale individuelle
;
c) nul ne peut être condamné pour des actions ou
omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le
droit national ou international au moment où elles ont été
commises. De même, il ne peut être infligé aucune peine plus
forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a
été commise. Si postérieurement à cette infraction
la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le
délinquant doit en bénéficier ;
d) toute personne accusée d'une infraction est
présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie ;
e) toute personne accusée d'une infraction a le droit
d'être jugée en sa présence ;
f) nul ne peut être forcé de témoigner
contre lui-même ou de s'avouer coupable.
3. Toute personne condamnée sera informée, au
moment de sa condamnation, de ses droits de recours judiciaires et autres,
ainsi que des délais dans lesquels ils doivent être
exercés.
4. La peine de mort ne sera pas prononcée contre les
personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction
et elle ne sera pas exécutée contre les femmes enceintes et les
mères d'enfants en bas âge.
5. A la cessation des hostilités, les autorités au
pouvoir s'efforceront d'accorder la plus large amnistie possible aux personnes
qui auront pris part au conflit armé ou qui auront été
privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit
armé, qu'elles soient internées ou détenue
L'article comme on peut le constater, ne fait aucune allusion
au statut juridique de la personne jugée, ce qui laisse le champ libre
aux Etats de statuer sur ce dernier, le guérillero est donc
laissé à la merci de l'Etat puisque ces derniers feront tout pour
l'assujettir à leurs juridictions nationales, au lieu de le soumettre
aux juridictions internationales.
Dans un premier temps, il faut dire que les Etats ne prennent
pas en considération le principe de « l'immunité du
Combattant », afin de pouvoir juger le guérillero rien que pour le
fait d'avoir osé contester l'autorité de l'Etat par les armes.
Car rares sont les Etats qui voudront soumettre des individus ayant -selon
eux- troublé l'ordre public et porté atteinte
à la souveraineté nationale et à l'intégrité
territoriale à des juridictions autres que les leurs.
Le fait que l'obtention du statut de PG et l'application des
garanties qu'il comporte, dépendent uniquement des Etats dans le cadre
d'un CANI reflète l'infériorité du guérillero face
à l'Etat en DIH, et laisse ce dernier sans aucune chance de pouvoir
être jugé en tant que prisonnier de guerre en bonne et due
forme.
En Colombie, au cours de l'année 1999, fut
créé le « Programme de démobilisation » dont le
but est de permettre aux membres des « organisations armées
illégales » de pouvoir se démobiliser sans attendre à
qu'il y est l'instauration d'un processus formel de Paix. En 2003, le programme
de démobilisation fut élargi et ouvert aux membres des « AUC
» souhaitant se réincorporer au sein de la société
(46).
Avant d'aller plus loin, faisons une brève description
du processus de démobilisation.
Tout d'abord Le combattant irrégulier commence par se
rendre aux autorités les plus proches de l'endroit où il se
trouve et remettre le maximum d'arme en sa possession, il
bénéficiera d'une indemnisation en fonction des armes qu'il aura
rendu.
L'Etat s'engage à fournir au démobilisé,
sécurité, santé, logement, nourriture, éducation,
travail, et dans certains cas le regroupement familial. Le
démobilisé en contre partie, doit d'abord se compromettre
à cesser toute activité belliqueuse ou délictueuse,
à faire part de sa volonté de réintégrer la
société et de retourner à une vie normale, il demeurera en
liberté surveillée pendant une période n`allant pas
au-delà de 18 mois et devra accomplir des travaux d'intérêt
général.
(46)Observatorio de los derechos humanos y derecho
humanitario en Colombia, Programa presidencial de los Derechos Humanos y
Derecho Internacional Humanitario Vicepresidencia de la República
En cas de non respect de l'une des dispositions de ce
processus de démobilisation, le démobilisé perdra les
prérogatives accordées par le processus et sera condamné
et jugé selon le droit pénal interne.
Si le déserteur est un mineur, il
bénéficiera de garanties plus favorables et pourra rejoindre sa
famille dans les plus brefs délais (47) ·
Un autre processus de démobilisation verra le jour en
2005 à l'initiative du Président actuel « Alvaro Uribe
» dans le cadre de la « loi de Justice et Paix » ou « loi
975 de 2005 ». Cette loi était principalement destinée aux
membres des AUC, néanmoins les membres d'autres groupes armés
illégaux peuvent en bénéficier.
L'objectif de cette loi est de faciliter le processus de paix
et de permettre la démobilisation collective ou individuelle
réincorporation des membres des groupes armés illégaux,
tout en garantissant le droit des victimes à la vérité, la
justice et la réparation (48).
La loi est dirigée aux membres de groupes armés
illégaux- aussi bien les paramilitaires que les guérilleros-
ayant été reconnus comme responsables de crimes et délits
dont ces groupes sont accusés. Les autres membres quant à eux
profiteront du programme cité antérieurement. Les
bénéficières de cette loi ne seront pas jugés
d'après le code pénal colombien, mais ils auront droit à
des peines alternatives allant de 5 à 8 de prison et il ne pourront en
aucun cas être extradés. Les bénéficiers doivent
quant à eux s'engager à respecter les dispositions de la loi, et
devront pendant leur séjour en prison exprimer leur bonne volonté
de réintégration à la vie sociale, par le travail, les
études et l'encouragement du programme de démobilisation.
(47)Boletín Estadístico del Programa
presidencial de derechos humanos y Derecho Humanitario, n ° 6,
décembre 2004.
(48) Article 1 de la loi 975 de 2005.
En cas de non respect de l'une des dispositions de la loi 975,
les bénéficières perdront tous leurs avantages
accordés par la loi, et seront jugés par les dispositions du
droit commun et seront extradé si cela est jugé nécessaire
(49).
Selon les autorités, plus 45.OOO individus auraient
bénéficié du programme de démobilisation depuis
2003, 31.671 étaient des anciens membres des AUC à s'être
démobilisés de façon collective dont 28.751 hommes et
2.920 femmes (50).
En outre des démobilisations collectives, plus de 13.629
personnes se seraient démobilisés de façon individuelle,
dont 7754 appartenant aux FARC, 3.629 aux AUC, 1839 à l'ELN et 407
appartenant à d'autres groupes armés
illégaux (51).
Ce processus de démobilisation et la loi 975 ont
été fortement critiqués par plusieurs organismes de
défense des droits de l'Homme.
Pour la FIDH, l'adoption d'une telle loi représente une
atteinte au DIH, du fait, que les individus ayant été reconnus
coupables doivent en principe être conduit au sein des juridictions
internationales et non pas être jugés en Colombie, d'autant plus
que la loi 975 leur permet de bénéficier de peines alternatives
beaucoup plus clémentes.
La FIDH remet en doute les chiffres présentés
par les autorités colombiennes relatifs aux nombres de personnes
démobilisées et constate que plusieurs d'entre elles auraient
repris leurs activités délictueuses au sein de nouveaux groupes
ayant été formés après le
démantèlement des AUC et estime que les victimes n'ont pas eu
droit à la réparation exigée par la loi de « Justice
et Paix » (52).
Toute fois, nous constatons que, malgré les nombreux
avantages que peuvent offrir le programme de démobilisation et la loi
975, ces derniers ne sont qu'un
(49) Ibid, Article 29.
(50) XVe rapport du processus de démobilisation,
septembre 2007, (
www.ejercito.mil.com).
(51) Ibid.
(52) Rapport de la FIDH sur le processus de
démobilisation des membres de groupes armés illégaux en
Colombie, octobre 2007, (
www.fidh.org) .
moyen élaboré par le gouvernement colombien pour
détourner les dispositions du DIH relatives à l'octroi du statut
de prisonnier de guerre aux membres des groupes armés illégaux se
trouvant sur son territoire.
Malgré l'adhésion des Etats au statut de Rome
(53), ces derniers cherchent toujours le moyen pour détourner
ses dispositions, ces dérogations sont comme on l' vu beaucoup plus
flagrantes dans le cas du gouvernement colombien actuel, en effet non seulement
il juge au sein de tribunaux internes, soit par application du code
pénale colombien, soit par la loi de paix et justice
décrétée par le président et dont les peines vont
de 5 à 8 de prison, mais il se permet aussi d'extrader des individus
ayant commis d'innombrables atrocités auprès de la population
civile aux Etats-Unis non pour répondre de crime contre
l'humanité mais pour trafic de drogue. Le dernier de ces cas remonte au
mois de mai 2008.
Les individus ayant été extradé
étaient des chefs démobilisés des AUC, qui
bénéficiaient de la loi de justice et paix et ne pouvaient en
principe être extradés et jugés, ailleurs qu'en
Colombie.
La raison présentée par le président
Uribe était que ces derniers n'avaient pas respecté les
dispositions de la dite loi et n'avaient pas collaboré de la
façon dont il fallait le faire. Là encore, la question qu'on peut
se poser est la suivante : Ces ex-chefs paramilitaires, n'ont-ils vraiment pas
respecté les dispositions de la loi 975 de 2005 ? Ou serait-ce pour le
fait, qu'au bout de chaque procès auquel participaient ces derniers et
livraient leurs témoignages, surgissaient les noms de fonctionnaires
publiques et de hauts gradés des forces armées colombiennes dans
les diverses massacres perpétrés par les AUC dans
différentes régions du pays ? Et que ceci n'était pas
très compatible avec l'image héroïque donnée par le
gouvernement Uribe des forces armées à l'opinion publique.
(53) La Colombie a adhéré au Statut de
Rome depuis le 5 août 2002. (www.icc-cpi.int)
Suite à ces remarques, nous pourrions dire que tout
processus d'amnistie aussi clément soit- t'il ne constitue qu'un moyen
parmi d'autre dont les Etat font usage, dans le but de contourner l'octroi du
statut de prisonnier à certaines catégories de combattant. Le cas
de la loi de « Justice et Paix » ne fait que confirmer la
volonté des Etats à vouloir toujours garder l'emprise sur leurs
citoyens au lieu de les soumettre aux juridictions internationales. Ce qui nous
pousse à dire que, la « Raison d'Etat » prévaut
toujours sur toutes les dispositions du DIH et sur une application objective,
neutre et impartiale de ce dernier.
Conclusion :
La recherche que nous avons mené, nous a montré
que la non application du droit humanitaire, en temps de conflit « interne
» démontre que le plus important, ce n'est pas l'adoption formelle
de règles juridiques, mais la volonté politique de les appliquer
(54) . D'autre part nous remarquons l'infériorité
juridique du guérillero face aux gouvernements et sa dépendance
accrue à la volonté de ces derniers en matière de DIH.
Le cas colombien nous montre que rien ne sert d'avoir une
constitution contraignante et très exigeante en matière
d'application du DIH et qui reconnaisse la supériorité de la CPI
sur ses juridictions internes, si les gouvernements trouvent les moyens de
contourner ses dispositions. A rien ne sert non plus d'inculquer au «
Soldat Colombien » l'Humanitaire (55), si l'Etat confie le
travail que ses soldats ne peuvent pas faire, aux paramilitaires. En attendant,
la population rurale reste la grande oubliée et la victime principale de
ce conflit.
L'opinion publique colombienne est lasse de tant de violence -
aussi bien celle causée par la Guérilla, que celle
perpétrée par les paramilitaires- et des souffrances qu'elle
engendre. Les manifestations du 4 février 2008 contre les FARC et celle
du 6 mars 2008 contre les crimes d'Etat et le para-militarisme, qui ont eu lieu
dans plusieurs villes du pays le démontrent (56).
Ces 60 ans de lutte armée n'ont rien changé sur la
scène politique colombienne. Leur bilan sur le plan humanitaire et
social a été désastreux et catastrophique.
(54) El BOUHAIRI Youssef, op.cit, P.354.
(55) au cours de l'année 2007, le CICR aurait
organisé plus de 265 séances d'information auxquelles auraient
participé plus de 14650 militaires et 2800 policiers, le point sur
les activités du CICR en Colombie, 2007, p.4. (
www.cicr.org)
(56) Colombia cansada de violencia, Semana, 3 juin 2008.
Aussi, sur le plan politique l'oligarchie gouvernante
détient toujours les rênes du pouvoir, et la présence des
« Gringos » (57) n'a jamais été aussi forte en
Colombie, le « Plan Colombie » (58) et le « Plan Patriote
»(59) en sont la preuve.
Les groupes rebelles quant à eux ont subi au cours de
cette année 2008 de sérieux revers, ils ont perdu leur influence
dans plusieurs zones du pays, zones qu'ils avaient sous leur contrôle
depuis des décennies, les activités exercées par ces
derniers et leur violation du droit humanitaire vis-à-vis de la
population, ont rendu ces derniers de moins en moins populaires, leur taux de
popularité n'a jamais été aussi bas. Les autorités
gouvernementales prônent leur fin dans les années à venir,
les plus optimistes parlent de la fin des groupes dissidents avant la fin du
mandat présidentiel, c'est-à-dire avant 2010.
S'il nous est permis de donner notre avis, nous dirions que la
solution ne peut pas n'être que militaire, et que le dialogue politique
est indispensable.
Cependant, avec l'historique de la « violence politique
en Colombie » il est difficile de songer dans l'immédiat au
dialogue et à une solution pacifique définitive, quand on
constate le degré de mauvaise foi de la classe dirigeante et la
façon par laquelle ont disparu des formations politiques comme l'Union
Patriotique (60) et le nombre de candidats présidentiels
sauvagement assassinés. depuis la mort de « Jorge Eliecer Gaitan
» en 1948. Il est difficile pour les guérilleros de retrouver la
confiance suffisante pour entamer un véritable
(57) Locution très courante en Amérique latine
pour désigner les nord-américains.
(58) (59) officiellement : aides militaires fournies par les
Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Pour certains observateurs ces aides entre dans le cadre de la lutte
anti-insurrectionnelle contre les groupes guérilleros.
(60) L'Union Patriotique, prônait un discours
socialiste, ces partisans étaient farouchement opposés à
l'oligarchie gouvernante, aux paramilitaires, aux narcotrafiquants et aux
multinationales et l'impérialisme américains. Ce parti a
participé avec succès aux élections de 1986: 350
conseillers municipaux, 23 députés et 6 sénateurs
élus au congrès. Mais des vagues d'assassinat fauchent 4000
dirigeants, cadres et militants. Certains observateurs parlent de
génocide politique. Claudia Giron Ortiz et Iván Cepeda Castro,
Comment des milliers de militants ont été liquidés en
Colombie, le Monde diplomatique, mai 200
processus de paix. Signalons aussi que, si ces derniers sont
longtemps apparus comme les défenseurs du peuple, ils sont à
l'heure actuelle loin de l'être, leurs actions les ont rendus de plus en
plus impopulaire, et la politique de main de fer du président semble
donner ses fruits.
Avec la montée en force de l'hégémonie
socialiste en Amérique latine, la peuple colombien devrait prendre
exemple sur ses voisins, les choses doivent changer, l'hégémonie
bipartisane lui a fait beaucoup de mal. Mais tant que le sectarisme et la
violence politiques, ainsi que le para militarisme resteront enracinés
au sein du contexte social et politique colombien, il sera toujours
difficile de voir -un jour un « Jorge Eliécer GAITAN
» - à la « Casa de Nariño » (61).
(61) Siège du président de la
République à Bogota.
Tableau du peintre colombien « Fernando Botero
» représentant les massacres perpétrés contre la
population rurale, principale victime du conflit armé en Colombie.
bibliographie
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1970.
· El BOUHAIRI Youssef et MESKINI
Mohamed, L'humanitaire : droit et pratique - acte du colloque
international du 19 et 20 mars 2002, université Cadi Ayyad ;
Collection de la faculté- série colloque et
séminaire numéro 21, Marrakech, 2003.
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· Résume des conventions de Genève du
12 août 1949 et de leurs protocoles additionnels, CICR,
Genève.
· Loi 975 de 2005 dite loi de « Justice et
Paix ».
WE~OGgApHYE:
·
www.cicr.org
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www.ejercito.mil.co
·
www.eln-voces.com
·
www.monde-diplomatique.fr
·
www.monde-diplomatique.es
·
www.elespectador.com
·
www.eltiempo.com
·
www.semana.com
SOMMAIRE :
LISTE DES ABREVIATIONS
|
1
|
INTRODUCTION
|
6
|
PREMIERE PARTIE : La qualification de la guérilla
en DIH
|
.11
|
Section 1 : La distinction entre guérilla et mouvements
de libération nationale. 12
1- Article 3 commun
|
.14
|
2- Le protocole additionnel II
|
...20
|
|
Section 2 : Guérilla et souveraineté
|
...26
|
1- Guérilla : « menace » contre la
stabilité politique de l'Etat
|
..27
|
2-Enjeux de la reconnaissance de Belligérance
|
31
|
DEUXIEME PARTIE : Le statut du guérillero en DIH
|
. 37
|
Section 1 : le Guérillero : terroriste ou Combattant de la
liberté
|
38
|
1- Guérilla et Terrorisme
|
39
|
2-Guérilla et population civile
|
42
|
Section 2 : Le guérillero et les garanties humaines
|
46
|
1- L'octroi du statut de prisonnier de guerre
|
....47
|
2-Le guérillero et les conditions de jugement
équitable
|
53
|
CONCLUSION 60
BIBLIOGRAPHIE 64
SOMMAIRE 66
|