UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU
« U. C. B »
B.P. 285 BUKAVU
FACULTE DE DROIT
DE LA COMPETENCE DES JUGES DE L'ORDRE JUDICIAIRE DANS
LES LITIGES RELATIFS AUX ACTES OU AUX ACTIVITES DE L'ADMINISTRATION
Travail de fin de cycle présenté pour l'obtention
du diplôme de Graduat en Droit
Par NDUHURA NJABUKA Thérèse
Diplômée d'Etat des humanités Scientifiques,
Option : Chimie Biologie
Sous la direction de Maître LWANGO
Thomas
ANNEE ACADEMIQUE 2006 - 2007
INTRODUCTION GENERALE
I. PRESENTATION
Avant la séparation entre le pouvoir administratif et
judiciaire, la justice était confondue à l'administration. Tout
le pouvoir était entre les mains des agents seigneuriaux, qui
commandaient, jugeaient, et qui étaient assujettis au roi. Ce dernier
était souverain. Il était considéré comme
représentant de Dieu sur terre1(*).
Plus tard, avec la recherche de l'intérêt
général, le régime révolutionnaire affirme en
1790 ; le principe de la séparation des autorités
administratives et judiciaires. Ce principe interdisait aux tribunaux de juger
les litiges dans lesquels l'administration et ses agents étaient
impliqués2(*).
Ainsi, le droit administratif, étant une branche du
droit public, qui, régit l'administration, ce principe signifie que
l'action de l'administration, lorsque celle-ci se manifeste comme puissance
publique ne doit pas être jugée par les juridictions de l'ordre
judiciaire3(*).
II. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONNEMENT
L'interdiction faite aux juridictions de l'ordre judiciaire en
1790 paraît trouver contradiction dans des décisions
juridictionnelles où des litiges touchant au droit administratif sont
tranchés par le juge de l'ordre judiciaire. D'où la question.
Qu'est ce qui explique cette apparente contradiction ?
Quelles sont les matières du droit ou de l'activité de
l'administration, dont les litiges relèveraient de la compétence
du juge de l'ordre judiciaire et pour quelle raison ? Y a - t - il alors
des limites à cette compétence reconnue au juge de l'ordre
judiciaire ?
III. HYPOTHESE
On peut penser, d'emblée, que l'élan
révolutionnaire des 17ème et 18ème
siècles ait imprimé aux auteurs et à leurs textes la
volonté de remplacer l'absolutisme monarchique d'ancien régime
par des institutions et règles tranchées, absolues, mais que
comme cela arrive souvent dans l'histoire des idées, du droit et des
institutions, les esprits, bientôt moins tiraillés, aient dû
envisager les choses dans un souci de réalisme, prenant alors en compte
des intérêts apparemment opposés, mais méritant une
égale protection de la loi.
Ainsi, alors que le temps de la révolution
française a, peut être, privilégié à
l'excès l'intérêt général, il a fallu en
suite rechercher un juste équilibre en faveur de l'intérêt
privé réhabilité. D'autant plus que, par delà leur
extrémisme de circonstance, le penseur et le législateur
reconnaissaient quand - même des droits individuels comme fondamentaux.
Ayant réhabilité la fonction du juge, on reconnaît
bientôt sa compétence à l'égard d'actes de
l'administration. Mais on peut aussi penser que cette intervention du juge de
l'ordre judiciaire dans les affaires administratives, ayant un statut juridique
d'exception, a du être soumise à certaines conditions, à
des limitations assez strictes.
En effet, il est permis de penser qu'entre la limitation de la
compétence du juge d'un côté et de l'autre, la
dérogation à cette limitation, l'une exprime la solution de
principe et l'autre la règle exceptionnelle qui exclurait
l'interprétation extensive.
IV. METHODE
Pour mener à bien notre recherche, nous nous sommes
servi de la méthode juridique, qui consiste en une recherche des textes
légaux ainsi qu'à leur interprétation. Nous avons recouru
également à la méthode historico - sociologique,
recherchant la genèse de la juridiction administrative et de la
séparation de deux ordres de juridiction en France, ainsi que la
technique documentaire notamment les sources sur Internet.
V. CHOIX ET INTERET DU SUJET.
L'administration publique est le centre de la vie sociale et
Etatique. Ceci se justifie par sa mission d'ordre et de service public.
Il s'avère cependant que l'administration ne peut pas
à elle seule exercer cette mission, étant donné le volume
des tâches qui lui sont assignées. D'où la
nécessité de faire trancher les litiges dans un organe autre pour
permettre la conservation commune, le développement et le
progrès. Il faut donc l'intervention d'une juridiction autre que la
juridiction administrative à savoir la juridiction de l'ordre judiciaire
pour la sauvegarde des droits fondamentaux. Ce qui doit amener
le législateur à améliorer les mécanismes de
système choisi, notamment les mettre en concordance avec les acquis de
la science juridique que causent l'état des textes.
Comme le chercheur juriste doit avoir un esprit critique
substantiel portant sur le prescrit imposé à la
société, cette recherche constituera un exercice à la
tâche de savoir, de concevoir et de déterminer la valeur de tout
es éléments posés. Cet exercice étant
indispensable à notre formation de juriste.
VI. PLAN SOMMAIRE
Hormis l'introduction et la conclusion, notre travail sera
divisé en deux chapitres.
Le premier traitera de la séparation des
autorités administratives et judiciaires. Le second, des domaines du
droit administratif attribués au juge de l'ordre judiciaire.
Le premier chapitre sera subdivisé en trois sections
dont la première consacrée aux origines de cette
séparation, la deuxième au fondement de cette option et la
troisième à ses conséquences.
Dans le deuxième chapitre, nous aurons également
quatre sections, à savoir : les domaines du droit administratif
attribués au juge de l'ordre judiciaire qui fera objet de la
première section, la raison d'être de ce tempérament sera
traitée dans la deuxième section. La troisième section
quant à elle recherchera quelles juridictions sont compétentes en
cas de conflit de compétence entre la juridiction administrative et
celle de l'ordre judiciaire et enfin, la quatrième
s'intéressera à l'état du droit Congolais.
CHAPITRE PREMIER : LA SEPARATION DES AUTORITES
ADMINISTRATIVES ET
JUDICIAIRES.
Sous l'ancien régime, les pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire, étaient confiés à un organe
unique, le Roi. La révolution quant à elle va vouloir distinguer
les trois « pouvoirs »
L'administration étant considérée comme
l'instrument du pouvoir exécutif devait être distinguée
des fonctions législatives et judiciaires.
D'où, la séparation de la fonction
administrative et de la fonction judiciaire dans le but de préserver
l'indépendance de l'administration. S'imposera alors ainsi la
séparation entre les organes auxquels étaient confiées ces
fonctions.
Section. Ière : ORIGINE DE LA SEPARATION DES
AUTORITES
ADMINISTRATIVES ET
JUDICIAIRES
La séparation des autorités administratives et
judiciaires tire son origine de la séparation des pouvoirs
instituée en France par la loi des 16 et 24 Août 1790 et le
décret du 16 Fructidor4(*) qui, interdisent aux tribunaux de l'ordre judiciaire
de connaître des litiges intéressant l'administration, et les
actes émis par le pouvoir exécutif ou législatif.
La loi des 16 et 24 Août 1790 disposait en son article
13 : « Les fonctions judiciaires sont distinctes
et demeurent toujours séparées des fonctions administratives. Les
juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque
manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni
citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs
fonctions »5(*).
En France, cette séparation trouve son origine dans une
double rupture.
- La première résulte du principe ancien
à valeur constitutionnelle sous l'ancien Régime et à
valeur législative depuis la loi du 16-24 Août 1790, de la
séparation des autorités administratives et judiciaires qui
signifie l'incompétence de principe des juridictions judiciaires, en
matière administrative.
- La seconde résulte du principe moderne et à
valeur constitutionnelle de la séparation des pouvoirs, tel qu'il
résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme
et du Citoyen de 1789 et des décisions du Conseil d'Etat en dates des 22
juillet 1980 et 23 Janvier 1987, qui, signifie le transfert de
compétence en la même matière de l'administration active
à la juridiction administrative devenue enfin indépendante.
La séparation des autorités administratives et
judiciaires a été dans sa portée et en jurisprudence
consacrée, par l'arrêt Blanco du 08 Février 18736(*) en France, par lequel, le
tribunal des conflits consacre à la fois la responsabilité de
l'Etat à raisons des dommages causés par des services publics et
la compétence de la juridiction administrative pour en
connaître.
Il s'agissait d'un enfant qui avait été
renversé et blessé par un wagonnet d'une manufacture de tabac,
exploitée en régie par l'Etat. Le père avait saisi le
tribunal judiciaire pour faire déclarer l'Etat civilement responsable du
dommage. Le conflit fut élevé et le tribunal des conflits
attribuera la compétence pour connaître du litige à la
juridiction administrative.
Section. IIème : FONDEMENT
La séparation entre les ordres de juridiction
administrative et judiciaire résulte d'un processus historique.
En 1641, par l'Edit de Saint Germain, RiCHELIEU limite
strictement les attributions du Parlement au droit de remontrance,
c'est-à-dire, le droit du Parlement de remettre un édit royal en
question avant l'enregistrement si cet édit est contre les
intérêts du roi ou du peuple. Le parlement peut donc
émettre des observations sur la légalité des textes qu'il
doit enregistrer. Le droit de remontrance permet ainsi au parlement de
vérifier la concordance de l'édit ou l'ordonnance avec le droit
antérieur, les privilèges et les coutumes de la province, mais
aussi les principes généraux du droit. Peu à peu, le
parlement utilise ce droit comme contre pouvoir face au pouvoir
monarchique7(*)
La méfiance des révolutionnaires à
l'égard des juges, les incite à interdire aux tribunaux de
connaître des affaires de l'administration par la loi des 16 et 24
Août 1790 et le décret du 16 Fructidor an III, ces deux lois
proclament que les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront
toujours séparées des fonctions administratives.
La constitution du 22 frimaire an VIII et la loi du 28
plurose an VIII, qui datent du consulat, créent respectivement le
conseil d'Etat et les conseils de préfecture, ancêtres des
tribunaux administratifs. Ces juridictions acquièrent par la suite une
justice déléguée, donc une réelle
indépendance et fondent ainsi le dualisme des ordres de juridiction.
Celui-ci repose sur une conception spécifique de l'Etat
et de la séparation des pouvoirs et la raison d'être de la
juridiction administrative sur le principe selon lequel « juger
l'administration, c'est encore administré »8(*). La justification de l'existence
de deux ordres de juridictions est également fondée sur
l'idée de la nécessité d'avoir deux droits distincts.
C'est-à-dire, un droit administratif autonome qui est
adapté à la matière qu'il a à juger, notamment par
son articulation autour de la poursuite de l'intérêt
général. La séparation des ordres de juridiction a
également la création des formes de recours adaptés
à la matière dont ils doivent traiter, notamment le recours pour
excès de pouvoir par le juge administratif.
SECTION. IIIème : CONSEQUENCES DE LA SEPARATION
DES
POUVOIRS
§ 1. Révolution Française.
L'ancien régime consacrait le système de
confusion des pouvoirs. C'est-à-dire, tous les trois pouvoirs sont
détenus par le monarche. Le pouvoir du roi était
illimité. C'était un pouvoir totalitaire mais non arbitraire,
parce qu'il était limité par les lois fondamentales du royaume et
de la tyrannie9(*).
Plus tard, avec les révolutionnaires Français,
sera consacré le régime de séparation des pouvoirs.
Pour les révolutionnaires, juger l'administration,
c'est aussi administrer. C'est donc un empiètement du pouvoir par un
autre pouvoir. D'où les pouvoirs doivent être
séparés. Cette Séparation est considérée par
eux comme moyen d'assurer le respect des droits fondamentaux proclamés
par la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen dont l'exercice
pourrait être menacé par l'arbritaire des gouvernants10(*). Ils considéraient
donc la séparation des pouvoirs comme étant une arme pour
affaiblir le pouvoir des gouvernants11(*).
Dans la philosophie révolutionnaire, la théorie
de la séparation des pouvoirs a une fonction idéologique de
justification du fait que la décision politique est prise par la
bourgeoisie qui a fait la révolution et non plus par la noblesse
justifiée par le clergé catholique.
Pendant un certain temps, cette idée l'emporte, car le
contentieux administratif est porté devant les administrateurs actifs
eux-mêmes.
Malheureusement, le système n'a pas été
satisfaisant, parce que n'ayant pas offert des garanties d'impartialité
et l'administrateur était trop intéressé au maintien de
ses décisions.
§ 2. Evolution.
Depuis lors, toujours en France, la théorie de la
séparation des pouvoirs est interprétée.
Ainsi, en 1971, elle est utilisée comme une arme
politique permettant aux libéraux de prendre et garder la direction
politique de la France, en ne laissant au roi qu'un pouvoir d'exécution
des lois, ou un pouvoir limité.
Par après, la constitution, de 1973 pose des nouveaux
principes dans lesquels elle abandonne la séparation des pouvoirs
législatif et exécutif en faveur d'un régime
d'assemblée, où le pouvoir est concentré entre les mains
d'une seule assemblée unique et élue pour un an, au suffrage
universel direct.
Ce régime sépare le pouvoir judiciaire du
pouvoir législatif parce que, selon lui, les juges sont élus par
les peuples souverains. Mais cette constitution ne sera pas
appliquée.
La constitution de 1795, en réaction contre la terreur
de ROBESPIERRE, divise radicalement les pouvoirs
législatif et exécutif. La séparation ici est rigide et
paralyse l'action de l'Etat. Ce qui permet tous les abus et menace les droits
acquis.
Cette séparation rigide conduit à l'impuissance
d'une administration qui doit faire face à des difficultés
intérieures et extérieures considérables, et facilite
l'affairisme d'une classe dirigeante pressée de parvenir dans une
conjoncture aussi incertaine.
L'impuissance de l'Etat conduit la nouvelle classe dirigeante
libérale à la recherche du maintien de ses droits acquis12(*).
Après les révolutions républicaines de
Février et socialistes de Juin, on revient dans la constitution de 1848,
à la séparation rigide des pouvoirs.
Mais, en France, l'élection de Louis
NAPOLEON BONAPARTE conduit au retour à une confusion des
pouvoirs. Celle-ci ne choque pas le peuple mais limite tout simplement
l'exercice des libertés politiques, de la bourgeoisie, sans compromettre
son développement économique.
§ 3. Etat actuel
Actuellement, la théorie n'est ni de séparation
totale, ni de confusion totale de pouvoirs. Elle est plutôt celle de
collaboration entre les pouvoirs. Celle-ci se pratique en France sous la
troisième, la quatrième puis la cinquième
République qui connaissent officiellement le régime
parlementaire, qui de ce fait, favorise les jeux partisans mais qui permet,
également, une certaine progression de la garantie des droits
fondamentaux par l'organisation de l'exercice d'un grand nombre des
libertés publiques, la proclamation et l'organisation des
libertés sociales et économiques, le développement du
contrôle juridictionnel.
La collaboration des pouvoirs crée sous la
Troisième République, après la crise de Mai 1877, au
bénéfice du parlement, une certaine stabilité
institutionnelle malgré l'instabilité gouvernementale. Ce qui
permet le vote des textes législatifs porteurs des principes
fondamentaux13(*).
Elle permet en 1964, la rédaction de la constitution du
27 octobre dont le préambule reproclame que « tout être
humain, sans distinction de race, de religion, ni de croyance, possède
des droits inaliénables et sacrés »14(*).
La collaboration crée également un consensus
démocratique libéral, qui permet le développement du
contrôle juridictionnel du respect des droits fondamentaux et l'exercice
des libertés publiques par des jurisprudences du conseil d'Etat, de la
cour de cassation et du conseil constitutionnel.
Le conseil d'Etat a entendu soumettre l'administration au
Droit. Il constitue dans sa plus haute juridiction administrative, par sa
jurisprudence, une garantie contre les abus de l'administration. Il
régule et contrôle le fonctionnement de l'administration et permet
le maintient de l'intérêt général.
Le chef de l'Etat participe à la fonction
législative et à la fonction exécutive. Il est garant de
l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il est assisté
par le conseil Supérieur de la magistrature dont il nomme tous les
membres et qu'il préside15(*)
CHAPITRE DEUXIEME : DOMAINES DU DROIT
ADMINISTRATIF
ATTRIBUES AU JUGE DE L'ORDRE
JUDICIAIRE
La constitution et les lois en France accordent la
compétence matérielle aux cours administratifs pour
connaître des litiges qui mettent en cause l'administration.
Il existe cependant quelques exceptions, c'est-à-dire,
certaines matières administratives sont réservées au juge
de l'ordre judiciaire. (Section première), Qu'est ce qui peut donc
justifier ou constituer la raison d'être de ce tempérament ?
(Section deuxième) et en cas de conflit de juridiction,
qu'adviendra-t-il (Section troisième). Quelle est enfin, la situation de
la République Démocratique du Congo. (Section
quatrième)
Section. Ière : LES DOMAINES DU DROIT
ADMINISTRATIF
ATTRIBUES AU JUGE DE L'ORDRE
JUDICIAIRE
Il est reconnu au juge de l'ordre judiciaire, d'intervenir
dans certains cas constituants des litiges en matière administrative.
Ceci est une exception au principe selon lequel l'activité
administrative doit être soumise au juge de l'ordre administratif.
Cependant lorsque l'action administrative s'exerce dans les
mêmes conditions que celle d'une personne privée, elle est
à la fois régie par le droit privé et soumise à la
compétence judiciaire16(*).
Ainsi, la loi permet au juge de l'ordre judiciaire
d'intervenir dans la détermination des dommages et
intérêts, étant donnée que les juridictions d'ordre
administrative ne doivent intervenir que pour le contrôle de la
régularité ou l'irrégularité de l'acte
administratif ainsi que pour celui de l'opportunité et de
l'inopportunité de l'acte17(*).
D'où, le juge de l'ordre judiciaire sera
compétent en matière d'activité à gestion
privée, en matière de protection des droits et libertés
individuels ainsi que pour le cas d'application des lois spéciales. Mais
le transfert des compétences n'a eu ni pour objet, ni pour effet de
changer la nature des litiges et du droit applicable : les juridictions
judiciaires appliquent des solutions de droit public18(*).
§ 1. Les activités à gestion
privée
La compétence du juge judiciaire dans ce domaine
s'explique par la ressemblance du mode de gestion de celle-ci avec celui des
activités privées. Il n'est pas parfois nécessaire
d'appliquer le régime de droit administratif à l'activité
administrative, parce que dans certains cas, l'administration peut se mettre en
civil et utiliser les procédés du commerce juridique, et dans ce
cas, son activité se développe dans le sens de droit commun et
relève pour ce faire de la compétence des juridictions
judiciaires. Cette théorie est appliquée à des
degrés différents. Tantôt, elle concerne certains services
qu'elle soustrait dans leur ensemble à l'application de droit
administratif, tantôt elle s'applique seulement à certaines
opérations d'un service relevant par ailleurs du droit administratif
1. Les services publics à la gestion
privée
Ce sont des services, qui, tout en demeurant des services
publics, sont néanmoins soumis pour la majeure partie des leurs
activités au droit privé19(*). L'application de la notion de gestion privée
à des services publics est une innovation de l'arrêt
société commercial de l'ouest Africain20(*)
a. Services publics à caractère
industriel et commercial
Ces services réduisent la compétence du juge
administratif. Ils se distinguent du service administratif par leur objet qui
doit être industriel et commercial, et doit être porter sur des
opérations de production ou d'échange susceptibles d'être
exercée par les privées.
Les services publics industriels et commerciaux se rencontrent
surtout dans le secteur interventionniste. Dans ce domaine, il n' y a plus de
différence de nature entre activités privées et
activités administratives, à la différence du domaine
administratif classique où l'Etat exerçait des tâches
spécifiques inassimilables à celles assumées par des
personnes privées..
Quant aux conditions de fonctionnement21(*), le service public doit
être aménagé et géré dans les conditions
semblables à celles d'une entreprise privée. L'administration
doit avoir l'intention de ne pas soustraire ce service aux conditions de la
vie juridique du secteur privé. La puissance publique doit avoir
donné au service les formes et moyens de l'entreprise avec les moyens
matériels et psychologiques qui caractérisent cette
activité.
Signalons cependant, que les services publics à
caractère industriel et commercial ne sont pas exclusivement soumis au
droit privé, mais plutôt ils y sont principalement soumis. Ceci
parce que le droit administratif ressurgit dans chacun de leur activité.
Le droit public régit l'organisation de ces services et le droit
privé en régit l'activité. C'est ainsi que dans
l'arrêt du BAC d'ELOKA, le tribunal des conflits a décidé
que l'autorité judiciaire était compétente pour
connaître les actions intentées par les particuliers en
réparation des conséquences dommageables causées par un
service public industriel et commercial22(*).
b. Les services publics sociaux.
Ces services ont été dégagés dans
une décision du 22 Janvier 1955 par le tribunal des conflits. Ils ne
forment pas une catégorie autonome car il n'existe pas un ordre des
juridictions sociales capables de leur appliquer un droit spécifique. La
soumission intégrale des services publics sociaux au droit privé
ne s'impose pas davantage : il s'agit des services publics qui manifestent
les exigences les plus modernes de la vie collective. Seuls certains rapports
juridiques nés dans les services sociaux paraissent susceptibles de
relever de la gestion privée. La gestion privée joue pour eux au
niveau des actes et non au niveau du service23(*).
c. La gestion du domaine privé (de
l'Etat)
En RDC, le domaine privé de l'Etat est une notion
probablement plus étendue qu'en droit Français et Belge.
Il comprend d'abord l'ensemble des biens de l'Etat autres que
composant le domaine public, en ceci, il ne diffère de son contenu en
France ou en Belgique.
Mais en RDC, surtout depuis la loi «
Foncière » du 20 juillet1973, toutes les terres ont
été dotées du statut de la propriété de
l'Etat. Elles sont divisées en deux catégories, à savoir,
les fonds de terre relevant du domaine public d'une part et d'autre part,
celles qualifiées de terres du domaine privé.
Ces dernières peuvent être
concédées aux particuliers, sans régime de concession
perpétuelle ou ordinaire d'emphytéose, de location, de
superficie, etc.... (Loi n°73/021)
Toutes ces concessions revêtent la forme de contrat de
droit privé. Les litiges relèvent du droit privé et sont
de la compétence des cours et tribunaux de l'ordre judiciaire (article
101 à 108 et 145 de la loi n°73-021 du 20 Juillet 1973 portant
régime général des biens)24(*).
Ainsi, en droit congolais, la compétence de ces
juridictions exigeant application du droit privé est beaucoup plus
étendue qu'en droit belge ou français.
Le service chargé de la gestion des terres relevant du
domaine privé peut être analysé comme un service public
à gestion privée.
Contrairement à la gestion du domaine public, celui-ci
obéit aux règles de droit privé. C'est-à-dire qu'il
exerce largement selon les procédures et régime de droit
privé.
En outre, il porte sur l'acquisition, la jouissance ou
l'extinction des droits privés, de la propriété ou de
« démembrements de la compétence du droit judiciaire
même lorsque le litige oppose un particulier à l'Etat.
§ 2. L'autorité judiciaire dans la protection
des droits et libertés
individuelles.
Pour défendre le droit des individus, il n'avait pas
été fait confiance au droit administratif ceci parce que le droit
administratif est trop lié à l'administration, à ses
missions, à ses prérogatives, et à ces
procédés de puissance publique, il cherchait donc à
défendre plus l'administration que les particuliers.
C'est pourquoi, il fallait recourir au près du juge
judiciaire qui est considéré comme le meilleur garant des droits
des individus. Il pourra alors intervenir en matières d'état de
capacité des personnes, tel que l'a stipulé l'article 326 du code
civil « les tribunaux de grande Instance seront seuls
compétents pour statuer sur les réclamations
d'Etat »
L'article 124 du code de la nationalité accorde
également à la juridiction civile, la compétence pour
connaître des contestations sur la nationalité française ou
étrangère25(*). Il a aussi compétence en matière de
liberté et droit de propriété. Dans ce cas, nous
étudierons deux théories, à savoir :
· L'emprise, et
· La voie des faits,
a. L'Emprise
Les textes attribuaient aux juridictions judiciaires un
rôle particulier dans la protection de la liberté individuelle et
du droit de propriété26(*). Seul le juge judiciaire pourra prononcer le
transfert de propriété et fixer la juste et préalable
indemnité. Une véritable dépossession
irrégulière dont l'administration se serait rendue coupable peut
aussi intervenir. La gravité de cette atteinte à la
propriété privée explique que la question ait fait l'objet
d'une jurisprudence spécifique, qui est celle de l'emprise.
Celle-ci est comprise comme une prise de possession de la
propriété immobilière par l'administration. Il s'agit
d'une main mise de l'administration sur l'immeuble, qui élimine le
propriétaire et le prive de l'utilisation de son bien27(*). Trois conditions justifient
l'application de la théorie de l'emprise :
Ø La dépossession :
l'administration doit avoir réalisé une main mise sur la
propriété privée.
La dépossession peut être totale ou partielle,
temporelle ou perpétuelle, et constitue dans tous les cas une
emprise.
L'atteinte doit porter sur la propriété
immobilière ou sur un droit réel immobilier. En cas de
dépossession mobilière, la compétence revient aux
tribunaux administratifs.
Ø L'emprise doit être
irrégulière
Le juge judiciaire ne peut donc pas connaître de
l'emprise régulière. Exception faite en matière de
réquisition, d'expropriation d'eau résultant de la construction
des barrages hydroélectriques.
L'emprise irrégulière à comme
conséquence :
· La répartition de l'ensemble du préjudice
par le judiciaire,
· Son incompétence dans l'appréciation de
caractère régulier ou irrégulier de l'emprise
· La seule condamnation de l'administration à
verser une indemnité,
b. Voie de fait
C'est un agissement administratif entaché d'une
irrégularité.
Une autorité administrative commet une action où
prend une mesure « manifestement insusceptible de se rattacher
à un texte législatif ou réglementaire » et qui
porte atteinte au droit de propriété ou à une
liberté fondamentale28(*).
Le champ d'application ici est plus vaste par rapport à
l'emprise :
- Il y a atteinte à la propriété
mobilière et immobilière,
- Atteintes aux libertés fondamentales. Cas d'un ordre
de retrait d'un passeport29(*).
Il s'agit du trésorier payeur général du
Bas-Rhin qui a fait diffuser une demande de retrait de passeport à
l'encontre de M. Eucat, débiteur de la somme
de 3216500 F au titre d'arriérés d'impôt sur le revenu des
personnes physiques des années 1977 et 1981 et que sur instruction du
ministère de l'intérieur, la police de l'air et de
frontière a procédé à ce retrait le 5 Mars 1985
à l'aéroport de Paris, qui estimant que cette mesure était
consécutive d'une voie de fait. Monsieur Eucat
a assigné le trésorier payeur général en
restitution de son passeport devant le juge des référés du
tribunal de grande instance de Strasbourg qui a fait droit à cette
demande, que saisie par le trésorier payeur, la cour d'appel de Colmar,
devant qui le préfet avait déposé un déclinatoire
de compétence, l'a rejeté et a confirmé l'ordonnance de
référé par un seul et même arrêt
Considérant que le motif de retirer le passeport
à Eucat au motif qu'il était redevable
des lourdes impositions et n'offrait pas des garanties de solvabilité,
ne découle ni des poursuites pénales, ni de la mise à
exécution d'une contrainte par ce corps, qu'une telle décision
qui porte atteinte à la liberté ci-dessus définie, est
manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir
conféré par la loi à l'administration pour assurer le
recouvrement d'impôts directs, qu'elle constitue donc une voie de fait,
que dès lors, le conflit a été à tort
élevé.
Le cas du déboisement et du reboisement d'une parcelle
sans accord de son propriétaire ou le maintien d'office ou sans titre
d'une personne dans un établissement psychiatrique, est aussi
considéré comme voie de fait.
La voie de fait peut conserner non seulement une
dépossession, mais aussi une dégradation de la
propriété.
Elle peut être constatée par le juge
administratif et le juge judiciaire. Cas de la constatation de la
nullité des mesures constitutives de voie de fait. Alors que seul le
juge judiciaire a compétence pour décider du caractère
irrégulier de l'emprise.
Comme conséquence, la voie de fait, fait perdre
à l'activité administrative, le bénéfice de la
séparation des autorités administratives et judiciaires. Elle
donne aux juridictions judiciaires plénitude de juridiction, elles ont
toutes pouvoir pour constater, réparer, empêcher et faire cesser
la voie de fait30(*)
§ 3. Attribution légale de compétence au
juge de l'ordre judiciaire
La loi a attribué au juge de l'ordre judiciaire,
compétence en matière administrative dans les hypothèses
suivantes :
- Impôt indirect : on regroupe ici des impositions
recouvrées par l'administration des contributions indirects, par celle
de l'enregistrement, celles des litiges en matières de douane.
- Les accidents causés par des véhicules
administratifs, institués par la loi du 31 décembre 1957.
C'est le cas de l'arrêt DELVILLE. Il s'agit d'un
chauffeur du ministre de la reconstruction et de l'urbanisme
dénommé DELVILLE qui avait été condamné par
les tribunaux judiciaires à réparer l'intégralité
des conséquences dommageables d'un accident qu'il avait causé en
conduisant, en état d'ébriété un camion de
l'administration. Il demandait à celle-ci de rembourser des sommes qu'il
avait dû verser à la victime parce que l'accident était
imputable au moins pour partie, au mauvais état des freins du camion.
L'agent est donc condamné pour une faute personnelle
contre l'administration à raison de sa faute de service31(*).
Dans ce cas, la loi tient en considération tous les
véhicules, qu'ils soient terrestres, maritimes ou fluviaux, ou qu'ils
soient aériens.
Elle s'applique même lorsque la victime est un
fonctionnaire qui aurait pu se voir imposer devant le juge administratif, un
régime forfaitaire de réparation.
- La loi donne compétence au juge de l'ordre judiciaire
en matières de contestations relatives au brevet d'invention, en
matière de sécurité sociale, des dommages causés
aux élèves ou par les élèves de l'enseignement
public ou privé sous contrat.
- Le juge de l'ordre judiciaire est aussi compétent en
matière de responsabilité du service des postes, en
matière de responsabilité d'énergie des dommages
causés par le stationnement.
Il peut également intervenir en matière des
contentieux de la concurrence.
Section IIème : RAISON D'ETRE DE CE
TEMPERAMENT.
L'intervention du juge de l'ordre judiciaire en
matière administrative étant une exception, il doit y avoir
sûrement une justification de celle-ci.
Ainsi, Jacqueline Morand DEVILLER détermine deux
justifications. Elle explique la première en disant que l'application
d'un droit spécial confié à un juge spécial n'est
pas nécessaire lorsque l'administration se met en civil et utilise
dans ses activités les procédés identiques à ceux
de la gestion privée.
Dans sa deuxième justification, elle dit que la
protection traditionnelle de la liberté individuelle et du droit de
propriété par les autorités judiciaires s'exerce plus
énergiquement lorsque l'administration s'est mise hors du droit en
commettant une emprise ou une voie de fait32(*).
Georges DUPUIS, considère le
droit administratif comme étant au service de ceux qui gouvernent et la
juridiction judiciaire comme servant à défendre les
intérêts de la société civile33(*).
L'idée selon laquelle l'administration est au service
de la politique a trouvée son expression la plus récente en 1962,
lorsque le président de la République Française
considéra l'arrêt canal comme une intolérable prise de
position parce qu'en contradiction avec la politique du chef de l'Etat.
Par cet arrêt, le Conseil d'Etat a annulé une
ordonnance prise par le président de la République
Française sur le fondement d'une loi référendaire qui
instituait une cour militaire de justice au motif que la procédure
prévue devant cette cour et l'absence de tout recours contre ses
décisions portaient atteinte aux principes généraux du
droit pénal. Cette décision fut la cause d'une très vive
tension entre le Général de Gaule et le Conseil d'Etat, qui
sembla un instant menacé, si ce n'est dans son existence même, du
moins dans son rôle et dans ses attributions34(*).
On considère donc que l'impartialité des
décisions n'est pas garantie, parce que l'administration se juge
elle-même. La procédure de l'administration offre peu de garantie
aux justiciables dit on en France, du fait que le Conseil de préfecture
ne jouisse d'une meilleure réputation, à cause de la
médiocrité du recrutement de leurs membres.
A ceci, nous pouvons ajouter l'augmentation des recours dont
est saisi la juridiction administrative depuis un siècle. Celle-ci a
permis de rechercher des solutions permettant de faire face à cette
situation qui était non favorable aux requérants.
Maurice FLAMME pense que les modes
de contrôle administratif sont impuissants pour garantir aux citoyens une
véritable protection de leurs droits face à la puissance
publique. Ainsi pour être efficace, cette protection doit être
confiée à des organes juridictionnels indépendants de
l'administration, à savoir les cours et tribunaux de l'ordre
judiciaire35(*)
Section IIIème : LE TRIBUNAL DES CONFLITS EN
FRANCE.
L'existence de deux ordres de juridictions a été
à la base d'un problème de répartition des
compétences. Il peut arriver que le plaideur saisisse un juge
incompétent pour trancher un litige.
Ainsi, pour mettre fin à cet état des choses, il
a été crée en France, un tribunal des conflits. Celui-ci a
été institué pour la première fois par la
constitution de 1848.
C'est un organe départiteur de compétence. Il
est composé de membres du Conseil d'Etat et membres de la cour de
cassation. Il fut rétabli par la loi du 24 Mars 1872. Son fonctionnement
fut perfectionné par le décret du 25 juillet 196036(*)
Le tribunal des conflits statue sur les deux sortes de
conflits. Le conflit positif et le conflit négatif. Dans certains cas et
ceci de manière exceptionnelle, le tribunal peut-être juge de
fond.
En Italie et en Belgique, c'est la cour de cassation qui
jouait le rôle du tribunal des conflits. En France, par contre, c'est le
conseil d'Etat et ceci à l'époque de la justice retenue. Comme
déjà dit, la France a organisé enfin un tribunal de
conflits qui a su régler les situations les plus contestées et
procurer des règles claires et fermes de règlement de juger.
1. Conflit Positif
Il y a conflit positif de compétence, lorsque le juge
est saisi d'une affaire que l'administration estime ne pas être de sa
compétence. L'administration estime que l'affaire devrait être
portée devant la juridiction administrative37(*). Le conflit existe donc,
non pas entre les deux ordres de juridictions, mais entre le juge judiciaire et
l'administration.
Le conflit positif a été organisé
dès 1828, il a un caractère unilatéral parce que c'est
seulement l'autorité administrative qui a la faculté de le
soulever.
2. Le conflit négatif
Le conflit négatif est destiné à
éviter le déni de justice. Il se produit lorsque chacun des deux
ordres a décliné sa compétence pour connaître d'une
affaire, au motif que c'est l'autre ordre de juridiction qui est
compétent. Dans ce cas, il appartient au plaideur de saisir le
tribunal des conflits.
3. Le tribunal des conflits : juge de
fond
La mission de juge de fond est attribuée au tribunal
des conflits à titre exceptionnel, parce que son rôle est
d'être régulateur suprême des compétences.
La loi du 20 Avril 1932 qui est une loi de circonstance lui a
confié le soin de trancher lui-même une affaire sur le fond, tout
simplement pour éviter l'injustice résultant du fait que sur le
fond, un tribunal judiciaire et un tribunal administratif ont rendu des
décisions contradictoires.
Dans ce cas, il y a déni de justice, mais le tribunal
des conflits n'aura pas à se prononcer sur la compétence et sera
conduit à trancher le fond de l'affaire.
SECTION.IVème : LA SEPARATION DES POUVOIRS
EN
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE
DU CONGO
§1. Valeurs de la séparation des pouvoirs
La séparation des pouvoirs en RDC est consacrée
par la constitution en son article 149 qui dispose : « le
pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du
pouvoir exécutif. Il est dévolu aux cours et tribunaux civils,
militaires, ainsi que les parquets rattachés à ces
juridictions »38(*)
En effet, la constitution précise à son article
151, que le pouvoir exécutif ne doit ni donner d'injonction au juge dans
l'exercice de sa fonction, ni statuer sur ses différents, ni entraver le
cour de la justice, ni opposer à l'exécution d'une
décision de justice39(*)
Ainsi, il est institué un ordre de juridiction
judiciaire, composé des cours et tribunaux civils et militaires
placé sous le contrôle de la cour de cassation. Celle-ci
connaît des pourvois en cassation formés contre les arrêts
et jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux civils et
militaires40(*). Le
pouvoir judiciaire est considéré comme le garant de la
liberté individuelle et des droits fondamentaux des citoyens41(*)
La constitution a également institué un ordre de
juridiction administratif composé du conseil d'Etat et des cours
administratif d'appel et tribunaux administratifs.42(*).
Le conseil d'Etat connaît en premier et dernier ressort,
des recours pour violation de la loi, formés contre les actes,
règlements et décisions des autorités administratives
centrales. Il connaît en appel des recours contre les décisions
des cours administratives d'appel.
Il connaît, dans le cas où il n'existe pas
d'autres juridictions, des demandes d'indemnité relatives à la
répartition d'un dommage exceptionnel, matériel ou moral,
résultant d'une mesure prise ou ordonnée par les autorités
de la République. Il se prononce en équité en tenant
compte de toutes les circonstances d'intérêt public ou
privé43(*).
Contrairement à la séparation des juridictions
de l'ordre administratif et judiciaire prévu par la constitution,
attribuant à chacune des juridictions sa compétence dans sa
section, le code de l'organisation et de compétence judiciaire, institue
le principe de l'unité des juridictions. C'est-à-dire que le
contentieux administratif n'est pas traité par la juridiction de l'ordre
judiciaire dans sa compétence judiciaire mais plutôt par celle-ci
dans sa compétence administrative.
C'est ainsi qu'il est dit à l'article 94 de
l'ordonnance loi n°82-017 du 31 Mars 1982 relative à la
procédure devant la cours suprême de justice ce qui
suit : « lorsqu'un particulier estime avoir subi un dommage
exceptionnel résultant d'une mesure prise ou ordonnée par les
autorités de la République, des régions ou des
collectivités locales et qu'il n'existe aucune juridiction
compétente pour connaître de sa demande de réparation du
préjudice subi, il peut introduire par voie de requête devant la
cour compétente de la juridiction judiciaire44(*)
§ 2. Le juge administratif en droit congolais
Le juge administratif a pour mission de statuer des recours
mettant en cause l'irrégularité d'actes administratifs.
Le droit administratif est un droit fondamentalement
jurisprudentiel et par conséquent, un droit non codifié. C'est un
droit créé par les cours et tribunaux. Il n'est consacré
par aucune loi congolaise qui ait pour objet propre de créer ou
structurer le système réglementaire.
Ainsi, comme en droit Français, les règles
administratives ont pour origine la jurisprudence.
Quand une loi emporte sur l'une ou l'autre, elle ne fait que
recueillir ce qui est considéré comme définitivement
établi par la jurisprudence casuistique et rend difficile la
codification.
D'ailleurs la théorie de la séparation des
pouvoirs pose la question de savoir et par répercussion dans le droit
congolais, si, dans le système Français, une codification par
voie législative serait valide.
Sur ce point, le droit congolais n'a point innové. Ce
système, au cours de nos quarante sept ans d'indépendance, a
montré une grande instabilité oscillant entre d'un
côté, le principe de la séparation des pouvoirs, et de
l'autre côté, ce qu'on a appelé « l'unité
des juridictions »
On peut même considérer que depuis le 18
février 2006, le pays vit une contradiction déplorable. La
constitution consacre clairement et fermement la séparation des
juridictions de l'ordre administrative d'avec celle de l'ordre judiciaire.
Mais, ces juridictions demeurent régies par le code de l'organisation et
de la compétence judiciaires construit sur l'option de l'unité
des juridictions.
Cet aspect n'a pas encore donné lieu à des
débats juridique (soit au plan académique ou théorique,
soit dans l'examen d'espèces soumises à jugement.
Ici comme en bien d'autres matières, le
législateur n'est pas pressé de prévenir l'apparition du
débat à l'occasion des litiges effectifs.
Sans doute, cette théorie risque de déboucher un
jour sur des plaidoiries désabusées
CONCLUSION
Le sujet de notre travail de fin cycle a porté sur la
compétence des juges de l'ordre judiciaires dans les litiges relatifs
aux actes de l'administration.
Notre problématique a été formulé
de la manière suivante, l'interdiction faite au juge de l'ordre
judiciaire en 1790 d'interférer en matière
administrative45(*) parait
trouver contradiction dans des décisions juridictionnelles en ce sens
que certains litiges nés de l'activité administrative sont
tranchés par les juridictions de l'ordre judiciaire.
Ce qui nous a amené à nous demander : ce qui
explique, cette apparente contradiction, quelles sont les matières du
droit administratif, dont les litiges relèveraient de la
compétence du juge de l'ordre judiciaire et pour quelle raison, et s'il
y a alors des limites à cette compétence reconnue au juge de
l'ordre judiciaire ?
Notre hypothèse était que des
révolutionnaires des 17ème et 18ème
siècles, ont imprimé aux auteurs et à leurs textes la
volonté de remplacer l'absolutisme monarchique d'ancien régime
par des institutions et règles tranchées absolues, mais que, par
la suite cette solution a été tempérée pour
prendre en compte les intérêts méritant une égale
protection.
Il a fallu rechercher un juste équilibre en faveur de
l'intérêt privé réhabilité, d'autant plus que
les penseurs et législateurs reconnaissaient quand même les droits
individuels comme fondamentaux.
Ayant réhabilité la fonction du juge, on
reconnaît bientôt sa compétence à l'égard
d'actes de l'administration. On a aussi pensé que cette intervention du
juge ayant un statut juridique d'exception, a due être soumise à
certaines limitations assez strictes.
Etant donné que nos recherches ont porté sur le
droit Français d'un côté et le droit congolais d'un autre,
nous avons précisé dans notre travail que la séparation
des autorités administratives et des autorités de l'ordre
judiciaire, qui tire son origine de la séparation des pouvoirs
instituée en France par la loi des 16 et 24 Août 1970 et le
décret du 16 Fructidor an III, consacrée par l'arrêt Blanco
du 08 Février 1873. Arrêt par lequel le tribunal des conflits a
institué la compétence de la juridiction administrative, a
été le résultat d'une double préoccupation à
savoir la méfiance des révolutionnaires vis-à-vis du
pouvoir judiciaire qui s'explique par la crainte d'un retour du gouvernement
des juges ainsi que la nécessité pour le gouvernement de
contrôler l'administration.
Mais à ces deux préoccupations s'ajoute la
raison d'être de la juridiction administrative qui repose sur le
principe selon lequel, juger l'administration, c'est encore administrer, la
considération de l'administration comme un service de ceux qui
gouvernent ou comme instrument de la politique. Il a été
considéré que l'impartialité des décisions
n'était pas garantie parce que l'administration se jugeait
elle-même. Les modes de contrôle administratif sont devenus
impuissants pour garantir aux citoyens une véritable protection de leurs
droits face à la puissance publique.
Ainsi pour faire face à tous ces abus engendrés
par le droit administratif et pour assurer la protection des droits des
citoyens face à la puissance publique, s'impose la
nécessité de confier cette protection à des organes
juridictionnels indépendants de l'administration à savoir les
tribunaux de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'ordre judiciaire sera amené à
intervenir en matière de protection des droits fondamentaux, des droits
et libertés individuelles, comme c'est le cas pour l'emprise et la voie
de fait. Il sera compétent en matière de détermination des
dommages et intérêts, en matière d'impôts indirects,
des accidents causés par des véhicules administratifs, en
matière de contestations relatives au brevet d'invention, en
matière de sécurité sociale, ...
Vu ce qui précède, l'existence de deux ordres de
juridiction ne saurait être sans conséquence sur la
répartition des compétences. C'est- à- dire que le
plaideur peut saisir un juge incompétent pour trancher un litige. C'est
pourquoi un tribunal des conflits a été créé en
France pour jouer le rôle d'organe départiteur de
compétence.
Quant au droit congolais, il n'y a pas eu d'innovation en
matière de séparation des pouvoirs mais ce droit a montré
une certaine instabilité en ce sens qu'il prône d'une part le
principe de séparation des pouvoirs et l'unité de juridiction, de
l'autre.
Une contradiction déplorable est vécue dans
notre pays. La Constitution consacre clairement la séparation des
juridictions de l'ordre administratif d'avec celle de l'ordre judiciaire
(article 149), mais ces juridictions demeurent régies par le Code de
l'organisation et de la compétence judiciaire construit sur
l'unité de juridiction. (Article 146 du Code de l'organisation et de la
compétence judiciaire)
Il est ainsi clair que notre hypothèse se trouve
confirmée :
Une position absolue au départ a été
par la suite ramenée à ses justes limites.
En leur état actuel, nos règles
constitutionnelles en la matière énoncent l'option
équilibrée par la jurisprudence Française. Mais elles
n'ont pas été suivies des textes de mise en oeuvre.
Nous suggérons à l'Etat Congolais en
général et au législateur en particulier d'adapter les
lois à la Constitution, de mettre en place des mesures d'application de
ces textes, d'assurer une meilleure formation des juges pour permettre la
meilleure protection des citoyens en rendant une justice équitable.
BIBLIOGRAPHIE
I. OUVRAGES
1. BRAIBANT Guy, QUSTIAUX Nicole, Céline WIENER, Le
contrôle de l'Administration et la protection des citoyens, éd
Cujas, Paris.
2. CHABANOL Daniel, La pratique de Contentieux
administratif, 2ème éd, Litec, Paris, 1991.
3. DEBBACH Charles, Science administrative,
4ème éd, Dalloz, Paris, 1980.
4. DEBBACH Charles, RICCI JC, Contentieux
administratif, 5ème éd, Dalloz, Paris, 1990.
5. DEVILLIER Jacqueline Morand, Cours de droit
administratif, 9ème éd, Mont Chrétien,
Paris, 2005.
6. DUPUIS Georges et al, Le contrôle juridictionnel
de l'Administration, éd Economia, Paris 1991.
7. FLAMME Maurice André, Droit Administratif,
tome I, éd Bruylant, Bruxelles, .... ;
8. GOHIN Olivier, Contentieux administratif, Litec,
Paris, 1999.
9. HAURIOU A., Droit constitutionnel et institutions
politiques ; 4ème éd, Mont Chrétien,
Paris, 1970.
10. LAUBARIERE A (de), Manuel de Droit Administratif,
10ème éd, LGDJ, Paris, 1976.
11. LONG M., WEIL P. et al, les grands arrêts de la
jurisprudence administrative, 12ème éd., Dalloz,
Paris, 1999
12. RIVERO Jean, WALINE J., Droit Administratif,
20èmè éd, Dalloz, Paris 2004.
13. TOURET Denis, Droit constitutionnel, éd
d'organisation, paris 1991.
14. VEDEL Georges, Droit Administratif, éd PUF,
Paris 1976.
15. VEDEL Georges, DELVOLVE Pierre., Droit
Administratif, Tome I, PUF, Paris 1959.
16. VEDEL Georges, DELVOVE Pierre, Le système
Français de protection des administrés contre
l'administration, éd. Sirey, Paris, 1991
II. TEXTES DE LOI
1. Code de l'organisation et de la compétence
judiciaire ;
2. La constitution de la République Démocratique
du Congo, 2006 ;
3. Code foncier, immobilier et régime des
sûretés, J.O. N° spécial du 05 avril 2006 ;
4. Ordonnance - loi N°82-017 du 31 mars 1982 relative
à la procédure devant la cour suprême de justice, J.O.
N°7 du 1er avril 1982 ;
5. Ordonnance - loi N°82-020 du 31 mars 1982 portant code
de l'organisation et de la compétence judiciaire.
III. COURS
1. BUSANE W., polycopies du Cours de droit
administratif, G3 Droit, UCB, 2006 - 2007 ;
IV. RESSOURCES SUR INTERNET (EN LIGNE)
1. Dualité des Juridictions, article consulté
sur encyclopédie, disponible sur le site web
www.wikipedia.org consulté
le 15 Mars 2008.
2. Parlement (Ancien régime), disponible sur le site
web
www.wikipedia.org consulté
le 15 Mars 2008.
3. Arrêt canal, disponible sur le site web du conseil
d'Etat Français, www. Conseil-etat.fr
4. Introduction générale au droit administratif,
article consulté sur le site web
www.playemdroit. free. fr
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE...............................................................................I
DEDICACE
..............................................................................II
REMERCIEMENT
.................................................................. .III
INTRODUCTION
GENERALE.....................................................1
I.PRESENTATION
.......................................................................1
II. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONNEMENT
..............................1
III. HYPOTHESE
........................................................................2
IV. METHODE
..........................................................................3
V. CHOIX ET INTERET DU SUJET.
................................................3
VI. PLAN SOMMAIRE
................................................................4
CHAPITRE PREMIER. LA SEPARATION DES AUTORITES
ADMINISTRATIVES ET
JUDICIAIRES....................................................5
Section. Ière : ORIGINE
.................................................................5
Section. IIème : FONDEMENT
.........................................................7
Section. IIIème : CONSEQUENCE DE LA SEPARATION
DES
POUVOIRS
................................................................................8
§ 1. Révolution Française
...............................................................9
§2.
Evolution..............................................................................10
§ 3. Etat actuel
............................................................................11
CHAP. II. DOMAINES DU DROIT ADMINISTRATIF ATTRIBUE AU
JUGE DE L'ORDRE
JUDICIAIRE.............................................13
Section. Ière : LES DOMAINES DU DROIT ADMINISTRATIF
ATTRIBUES
AU JUGE DE L'ORDRE
JUDICIAIRE..........................................13
§ 1. Les activités à gestion privée
................................................14
§ 2. L'autorité judiciaire dans la protection des
droits et libertés
individuelles...........................................................................17
§ 3. Attribution légale de compétence au juge
de l'ordre judiciaire .....21
Section IIème : RAISON D'ETRE DE CE
TEMPERAMENT...................23
Section IIIème : LE TRIBUNAL DES CONFLITS EN
FRANCE..............25
Section. IVème : LA SEPARATION DES
POUVOIRS EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
...................................................27
§ 1. La valeur de la séparation des
pouvoirs....................................27
§ 2. Le juge administratif en droit
congolais....................................29
CONCLUSION.....................................................................
.....31
BIBLIOGRAPHIE.....................................................................35
I. OUVRAGES
...................................................................... ...35
II. TEXTES ...................................................
.................................36
III.
COURS..................................................................................36
IV. RESSOURCES EN LIGNE
......................................................36
TABLES DES
MATIERES...........................................................38
* 1 Introduction
générale au droit administratif, playemdroit [ressources en
lignes] disponible sur www.playemdroit.free.fr
* 2 G. VEDEL, P. DELVOVE, le
système français de protection des administrés contre
l'administration, éd. Sirey, Paris, 1991, p.21
* 3 Playemdroit,
op.cit
* 4 J. RIVERO, J. WALINE,
Droit administratif, 20ème éd. Dalloz, Paris,
2004, p.17
* 5 Ibid, p.1
* 6 M. LONG- P.WEIL at al,
les grands arrêts de la jurisprudence administrative,
12ème éd. Dalloz, Paris, 1999, p.1
* 7 Wikipedia, Parlement (Ancien
Régime) [ressource électronique] disponible sur www.
fr.Wikipedia.Org
* 8 Wikipedia, la dualité
de Juridictions [ressource électronique] disponible sur www.
fr.Wikipedia.Org
* 9 A. Hauriou, Droit
constitutionnel et institutions politiques, 4ème
éd., Montechretien, Paris, 1970, p.665
* 10 Denis Touret, Droit
constitutionnel, éd. d'organisation, Paris, p.160
* 11 A Hauriou,
op.cit, p.665
* 12 D. TOURET ,
Op.cit, p.162
* 13 D. TOURET, Op.cit,
p.163
* 14 Ibid., p.165
* 15 D. TOURET, op.cit,
p.165
* 16 M. LONG, P. WEIL,
op.cit. p.541
* 17 W. BUSANE, cours de
droit administratif, Troisième Graduat droit, Université
Catholique de Bukavu, Année Académique 2006-2007
* 18 M LONG, P. WEIL, at al,
op cit, p.543
* 19 Charles DEBBASCH, JC
ROCCI, contentieux administratifs, 5ème éd.
Dalloz, Paris, 1990, p.85
* 20 M. LONG, P. WEIL, at al,
op.cit, p.224
* 21 C. DEBBASCH, J.C ROCCI,
Op.cit, p.87
* 22 M.LONG, P.WEIL at al,
op.cit.p.224
* 23 Ibid, p.93
* 24« Code foncier
Immobilier et du régime de sûreté » in
Journal Officiel de la République de la République
Démocratique du Congo, n° spécial,
47ème année, du 05 Avril 2006, pp 32-33
* 25 D.DEBBASSCH ., ROCCI J.,
Op.cit. p.96
* 26 P. DELVOVE , G. VEDEL,
le système français de protection des administrés
contre l'administration, éd.Sirey, Paris, 1991, p. 254
* 27 Ibid, p.255
* 28 J.M. DEVILLER , Cours
de droit administratif, 9ème éd.
Montchrétien, Paris, 2005, p.646
* 29 D. CHABANOL, La
pratique de contentieux administratif, 2ème éd.
Litec, Paris, 1991, p.35
* 30 P. DELVOLVE , G.VEDEL,
op cit, p.259
* 31 M. LONG, P.WEIL at al,
op.cit, p.468
* 32J.M-DEVILLER, Cours de
droit administratif, 9ème édition,
Montchrétien, Paris, 2005, p.638
* 33 G.DUPIUS et al. , le
contrôle juridictionnel de l'administration, édition Economia,
Paris, 1991, p.29
* 34 Conseil d'Etat 2006,
Arrêt canal du 19 octobre 1962 [Ressource en lignes], consulté le
07 Mai 2008 disponible sur www.conseil-etat.fr
* 35 André FLAMME,
Droit administratif, Tome I, édition Bruylant, Paris, 1989,
p.93
* 36 J. RIVERO, le droit
administratif, 20ème édition, Dalloz, Paris,
2004
* 37J. RIVERO, op.cit,
p.19
* 38 « Constitution
de la République Démocratique du Congo », in Journal
Officiel de la République Démocratique du Congo,
47ème Année, Numéro Spéciale du
18Février 2006, p.51
* 39 Ibid., p.53
* 40 Ibid., p.53
* 41 Ibid p.50
* 42 Ibid, p.54
* 43 Ibid, p. 54
* 44 « Ordonnance loi
n°82-017 du 31 Mars 1982 relative à la procédure devant la
cour suprême de Justice », in Journal Officiel
n°7, du 1er Avril 1982, p.229
* 45 G. VEDEL, P. DELVOLVE,
op.cit, p.21
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