Xavier MALON Sous la direction
de François DASCON
Ecole Nationale de
Formation Agronomique
ENFA - TOULOUSE
MEMOIRE DE RECHERCHE
LE RESEAU FORMATION FLEUVE AU SENEGAL :
POUR UNE REGULATION PARTICIPATIVE DE L'OFFRE DE FORMATION
AGRICOLE ET RURALE
Diplôme d'Université
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Ingénierie de la Formation
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Et des Systèmes d'Emploi
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Janvier 2007
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UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES - TOULOUSE 1
MEMOIRE DE RECHERCHE
LE RESEAU FORMATION FLEUVE AU SENEGAL :
POUR UNE REGULATION PARTICIPATIVE
DE L'OFFRE DE FORMATION
AGRICOLE ET RURALE
Les agricultures du Sénégal
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
7
I- PREMIERE PARTIE LE CONTEXTE
10
I .1- L'importance du secteur agricole au
Sénégal
10
I.1.1- Les missions assignées
10
I.1.1.1- Nourrir la population.
10
I.1.1.2- Fournir des ressources en devises
11
I.1.1.3- Permettre à ses acteurs de
vivre de leur travail dans des conditions décentes
12
I.1.1.4- Gérer l'exploitation durable
des ressources naturelles
12
I.1.1.5- Générer des emplois
13
I.1.2- Agriculture, pauvreté et
sous-alimentation
13
I.2- La régression de l'agriculture au
Sénégal : essai d'explication
16
I.2.1- De l'ère coloniale au
21ème siècle : des missions de moins en moins
assumées
16
I.2.2- L'évolution des politiques
agricole Vs la réalité du développement rural
18
I.2.3- Un dispositif global de formation
professionnelle en lambeaux
22
I.2.3.1- Formation de techniciens et
encadreurs
22
I.2.3.2- La formation professionnelle des
producteurs
23
I.3- Les défis à relever pour les
quinze prochaines années : des enjeux majeurs pour la
formation
28
I.4- La Vallée du Fleuve
Sénégal : une région entièrement à
part
30
I.4.1- L'utopie séculaire d'un potentiel
stratégique
30
I.4.2- Un foisonnement d'acteurs et
d'initiatives
32
I.4.3- Un terreau attractif pour les
expérimentations
33
I.5- Le RESOF : une tentative de
réponse-formation territorialisée
35
I.5.1- Des utopies coloniales et
post-coloniales de la mise en valeur du fleuve Sénégal, à
la Stratégie Nationale de F.A.R de 1999
35
I.5.2- La naissance du RESOF en 2000 : des
ambitions communes affichées, mais une initiative externe
39
PROBLEMATIQUE
41
DEUXIEME PARTIE Approche théorique d'un
réseau d'acteurs
de la formation agricole et rurale dans un
territoire
43
II- DEFINITION DES CONCEPTS MOBILISES
43
II.1- FORMATION AGRICOLE ET RURALE
44
II.2- LES RESEAUX
49
II.3- L'OFFRE ET LA DEMANDE : l'Approche
par la demande (de formation ?)
57
L'offre de formation
57
La demande de formation
57
Approche par la demande (de
formation ?)
58
II.4- REGULATION
62
II.5- REGULATION PARTICIPATIVE
67
II.6- DEVELOPPEMENT LOCAL
70
Troisième partie : le Réseau
Formation Fleuve (RESOF)
74
AVERTISSEMENT
74
III.1- La naissance du RESOF : une
finalité équivoque
76
III.2- Acteurs et systèmes en
présence
80
III.2.1- Les invariants du système
RESOF
80
III.2.1.1- Les informations porteuses de
sens
80
III.2.1.2- Le système à
considérer
82
III.2.1.3- Les marges de manoeuvre du
système RESOF
88
III.2.1.4- Les solutions déjà
tentées
90
III.2.1.5- Les évolutions
prévisibles
92
II.2.2- Les interactions
récurrentes
93
III.3.3- Les produits du système :
quelle valeur ajoutée ?
94
III.4- Un fonctionnement perfectible ?
97
Conclusion
99
1- Quelle lecture de l'impact du
RESOF ?
99
2- Quelques propositions pour avancer
100
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
101
WEBOGRAPHIE
103
TABLE DES ILLUSTRATIONS
105
ANNEXES
106
LA CHARTE DU RESOF
107
Principes et règles de fonctionnement
109
REPARTITION DES ORGANISATIONS MEMBRES
113
Panorama des structures de formation rurale au
Sénégal
(dont la formation est la mission principale)
115
Actes de l`atelier de réflexion et de
partage sur le pilotage de la Formation
Agricole et Rurale dans la
Vallée du Fleuve Sénégal (30/11 -01/12/2004)
116
REMERCIEMENTS
Je tiens ici à remercier Monsieur François
DASCON, professeur à l'ENFA, pour avoir accepté de diriger ce
mémoire et pour ses précieux conseils.
Mes remerciements s'adressent également au coordinateur
du RESOF, Monsieur Mody AW, et à Monsieur Jacques FAYE, sociologue
rural, pour les informations et le temps qu'ils m'ont consacré
malgré des emplois du temps chargés.
Je remercie enfin du fond du coeur tous mes collègues
du Bureau Formation Professionnelle Agricole que je veux nommer ici :
Monsieur Abdourahmane FAYE,
Monsieur Souleymane SARR,
Monsieur Elhadji Abdou GUEYE, Chef du Bureau
Qui m'ont été d'un grand secours, à
chaque instant, par leur soutien moral, leur bonne humeur et leur
compréhension.
Un grand merci enfin à mon épouse et mes
enfants, pour leur compréhension sans faille et leur présence
irremplaçable dans les moments parfois difficiles.
INTRODUCTION
La construction progressive d'un dispositif
cohérent et articulé de formation agricole : une
impérieuse et incontournable nécessité
De très majoritairement rurale, la
société sénégalaise est passée en quelques
décennies à une urbanisation exacerbée, largement
alimentée par l'exode rural et l'attrait de l'activité
économique foisonnante de la capitale, Dakar.
Depuis 2004 en effet, la population urbaine représente
désormais 51 % de la population totale, et cette proportion va encore
croître, nous y reviendrons.
Cependant, à la différence de pays comme la
France, qui a aussi connu ce basculement rural-urbain, le Sénégal
ne peut compter sur un secteur secondaire développé et en
expansion pour absorber les flux de main d'oeuvre issus de l'exode rural.
L'activité économique, qui se situe massivement
dans « l'informel » (à plus de 90%), n'offre aucune
garantie aux plus exposés, c'est à dire à ceux qui n'ont
que leur seule force de travail pour faire vivre leur famille ; les
diplômés, y compris du Supérieur, ne sont guère
logés à meilleure enseigne étant donné
l'étroitesse du marché de l'emploi relatif au secteur formel (le
seul qui permette de valoriser un niveau de formation certifié).
Il est difficile dans ces conditions de se construire un
avenir, et pire même : de l'imaginer.
On en mesure mieux aujourd'hui la conséquence la plus
visible et la plus médiatisée ; il s'agit du
phénomène des « pirogues-people », né
immédiatement après les évènements tragiques qui se
sont produits dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, en 2005, et
dont l'ampleur n'a fait que révéler crûment une
émigration moins visible mais croissante jusqu'à cette date.
Ce phénomène, qui révèle
l'état de désespérance des jeunes, prêts à
affronter la mort pour une hypothétique clandestinité dans des
pays qu'ils ne connaissent le plus souvent que par la télévision,
semble vouloir être combattu par les plus hautes autorités de
l'Etat depuis mi 2006.
Celles-ci misent beaucoup sur un plan de retour vers
l'agriculture, destiné aux clandestins rapatriés au
Sénégal, mais aussi à tous ceux qui sont tentés par
l'émigration.
Toutefois, au vu des conditions de vie peu enviables du
paysannat, les jeunes ont largement fait savoir que leurs ambitions
étaient toutes autres.
La question est donc : comment faire pour
améliorer l'attractivité des métiers de l'agriculture,
tant sur le plan de la réduction de la pénibilité des
travaux, que sur celui d'une rémunération plus décente du
travail ?
Un rapide survol du développement rural, au cours des
cent dernières années, nous renseigne sur les leviers qui ont
été actionnés pour faire décoller le secteur
agricole ; ils ont pour noms culture attelée, encadrement et
vulgarisation de nouvelles technologies, aménagements hydro agricoles,
semences améliorées, intégration verticale de
filières destinées à l'exportation, telle l'arachide.
Pour l'essentiel, la formation n'a concerné que les
seuls agents d'encadrement et les cadres techniques de l'Etat, ce qui a pu
apparaître logique dans une agriculture administrée, la seule qui
intéressait véritablement les décideurs.
Les quelques tentatives d'expérimentation de formation
à l'intention des agriculteurs ont toutes tourné court, du fait
de financements non pérennes, et du désintérêt
manifeste des principaux bénéficiaires visés.
Ceux ci se sont très vite rendus compte que les
formations proposées (et les formateurs avec) méconnaissaient
largement les contraintes de leur propre réalité au quotidien, et
ne s'attachaient qu'à transférer des techniques importées
d'ailleurs, qu'eux-mêmes n'avaient pas les possibilités
financières de mettre en pratique. Sans en connaître le nom, ces
paysans touchaient déjà du doigt ce qui s'apparente à une
injection paradoxale.
Nous sommes tentés de résumer tout ceci en
soulignant que le développement rural, sous sa forme la plus
institutionnelle, s'est focalisé sur l'augmentation de la production, en
oubliant de s'intéresser à l'amélioration de la
productivité de l'agriculture, et plus encore à la
productivité des exploitations agricoles, dans une optique de
durabilité et d'amélioration des systèmes de
production.
C'est ainsi que cette agriculture « de
cueillette », au sens ou il s'agit prioritairement de cueillir
à moindre coût la fertilité des ressources naturelles, a
laissé de côté le développement humain (au sens de
capital humain). Une expression couramment répandue permet de
déceler cet état de fait : si ailleurs on parle de paysans,
de cultivateurs ou d'éleveurs, d'agriculteurs, ici le vocable le plus
utilisé est sans conteste celui de producteurs : un producteur doit
...produire, c'est sa principale raison d'être !
Ce faisant, on oublie un peu vite qu'un producteur ne peut se
contenter de produire : il doit anticiper sur ses futures
spéculations, en fonction du marché, des aléas
climatiques, il doit évidemment vendre sa production, combiner au mieux
les facteurs de production à sa disposition pour, si possible, vivre du
fruit de son travail. Il doit enfin, si les conditions requises sont
réunies, essayer de développer son exploitation, pour en vivre de
mieux en mieux et satisfaire durablement les besoins de la famille.
Bien sûr, appliquée de façon solitaire, la
solution Formation ne peut seule laisser espérer des gains significatifs
de productivité, et à travers eux, une attractivité
nouvelle des métiers de l'agriculture.
En revanche, nous savons désormais que le
déploiement d'un dispositif de mesures de relance du secteur, qui ferait
l'impasse sur ce levier privilégié pour obtenir des changements,
est par avance condamné et donc doublement coûteux.
La prise de conscience tardive, au plan international, du
caractère indispensable et prioritaire d'une Education Pour Tous, va
dans ce sens ; c'est désormais fort heureusement une des toutes
premières priorités, mais elle ne saurait à notre sens se
suffire à elle-même.
Comment ces Etats, très jeunes et économiquement
fragiles, pourront-ils gérer demain les résultats du processus
EPT ?
Ce sont des cohortes de plusieurs centaines de milliers de
jeunes instruits et diplômés qui exigeront impatiemment des
emplois qualifiés et rémunérés en
conséquence, qui n'existent pas aujourd'hui à cette
échelle.
Pour le Sénégal, comme pour ses voisins, il est
difficile d'imaginer comment la structure actuelle de l'emploi salarié
formel pourrait évoluer pour être à même d'y faire
face dans les quinze années à venir.
Sans rejeter à priori les marges de progrès
afférentes à cette frange de l'économie nationale, il
semble pour le moins réaliste et urgent se s'attacher à mettre en
place des conditions plus favorables aux initiatives individuelles,
créatrices d'auto emplois notamment en milieu rural, qui concentre en
2005 plus des deux tiers de l'ensemble emplois et auto-emplois.
Ainsi, en partant de la finalité recherchée,
à savoir des acteurs économiques qui ont envie d'investir et de
s'investir dans une activité en milieu rural, nous proposons de
« remonter la chaîne des logiques à
l'oeuvre », de la façon suivante :
A la suite de ces constats, nous nous attacherons à
étudier comment la formation devrait être imaginée pour en
espérer des résultats tangibles : quelles sont les
modalités de définition et de mise en oeuvre les mieux à
mêmes d'en garantir l'efficacité ?
I- PREMIERE PARTIE LE
CONTEXTE
I .1- L'IMPORTANCE DU
SECTEUR AGRICOLE AU SÉNÉGAL
I.1.1- LES MISSIONS
ASSIGNÉES
Les travaux de Pierre Debouvry produits au cours de la
dernière décennie constituent une référence
incontestée au plan international. Partant des missions
généralement assignées au secteur agricole, il se livre
à un travail approfondi de collecte et d'analyse des données
disponibles au niveau d'un Etat, pour mettre en perspective l'évolution
en tendance des performances du secteur agricole, à l'aune des
projections démographiques pour les vingt prochaines années.
Nous nous appuierons donc largement sur ces travaux, d'autant
plus que nous avons eu la chance de l'accompagner durant deux semaines en
octobre 2004, lors de l'étude Sénégal1(*) que le Bureau de la Formation
Professionnelle lui avait demandé de produire sur financement Banque
Mondiale. (étude disponible sur le site d'
Agropolis,
ou sur celui du
BFPA)
Ces missions, parfois contradictoires puisque les
priorités seront différentes selon les acteurs en
présence, peuvent être résumées au nombre de
cinq :
Nous reviendrons sur chacune de ces missions, en indiquant
dans quelle mesure elle est assumée par le secteur agricole, dans le cas
du Sénégal.
I.1.1.1- Nourrir la
population.
Si l'on regarde l'évolution des principales productions
agricoles de 1990 à nos jours, force est de reconnaître qu'il
s'agit au mieux d'une stagnation générale. En parallèle,
sur la même période, la population est passée de 7.6
à plus de dix millions d'habitants en 2005.
L'analyse des importations de céréales (riz et
blé) est sans équivoque : celles-ci ont doublé au
cours des quinze dernières années, et sur la période 1960
- 2003, elles ont pratiquement décuplé, passant de 90 000 tonnes
à 870 000 tonnes en volume annuel, pendant que la population totale
triplait ; ces importations ne sont donc pas proportionnelles à
l'évolution démographique. Elles sont aujourd'hui du même
ordre de grandeur que celles du Nigéria, pourtant douze fois plus
peuplé.
L'évolution des importations
céréalières per capita confirme cette dégradation
: (toujours pour la même période) elles ont crû de 72
à 93 kg par habitant.
Ainsi, il n'est pas exagéré d'affirmer que dans
un contexte d'urbanisation rapide, le secteur agricole n'est plus capable
d'alimenter correctement les populations des centres urbains, obligeant l'Etat
à mobiliser une part croissante de ses devises pour importer la
nourriture nécessaire à cette partie désormais majoritaire
de la population sénégalaise.
I.1.1.2- Fournir des
ressources en devises
Les ressources du secteur primaire exportées sont peu
nombreuses, il s'agit presque exclusivement, et dans un ordre
décroissant, de l'arachide, des produits halieutiques et du coton.
Pour ce dernier, la production n'a connu qu'une hausse de 10%
depuis 1993, pour se situer à environ 55 000 tonnes. La situation est
tendue du fait notamment du très haut niveau de subventions
pratiqué par les Etats-Unis.
Après une période de forte croissance, la
production halieutique connaît aujourd'hui au mieux une stagnation, du
fait de la pression trop forte sur la ressource.
Enfin, l'arachide est une filière en crise,
structurellement, en raison d'une désaffection importante des
consommateurs mondiaux, qui lui préfèrent d'autres huiles
d'origine végétale.
De un million de tonnes au début des années 60,
la production est tombée à moins de 400 000 tonnes au
début des années 2000.
En partie du fait de la mondialisation des échanges
commerciaux, qui induit une concurrence souvent inégale avec les
agricultures subventionnées des pays développés,
l'agriculture sénégalaise assume à l'évidence de
moins en moins cette mission qui, faut-il le rappeler, fut la première
assignée d'abord par le colonisateur, puis par le nouvel Etat
indépendant.
I.1.1.3- Permettre à
ses acteurs de vivre de leur travail dans des conditions décentes
En raison de la dégradation de la fertilité, du
morcellement croissant des unités de production à chaque
génération, de l'absence d'investissements structurels dans les
exploitations agricoles mais aussi en milieu rural de façon
générale (écoles, santé, approvisionnement en
énergie, réseaux de communications), la situation devient
critique.
Les dernières études conduites dans le cadre du
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP)
montrent que la pauvreté se concentre en milieu rural (à
près de 75 %) et rend particulièrement fragile cette
population.
Le métier d'agriculteur ou d'éleveur repousse
aujourd'hui plus qu'il n'attire, comme le résumait fort bien, lors de la
restitution du diagnostic que le Bureau Formation Professionnelle Agricole a
conduit avec l'appui méthodologique du CNEARC de Montpellier et du CESAG
de Dakar en mai 2004, le représentant régional du CNCR en
Casamance en affirmant que « pour rien au monde, aucun
Sénégalais ne voudrait que ses enfants deviennent
paysans », et il a défié quiconque parmi les 40
participants présents de lui affirmer le contraire : il n'a pas
été démenti !
I.1.1.4- Gérer
l'exploitation durable des ressources naturelles
Cet aspect a été évoqué
indirectement un eu plus haut : la montée des densités
rurales, dont la population continue d'augmenter, accentue les
prélèvements sur les ressources naturelles (parcours de
bétail, sols, ressources halieutiques, déforestation), qui ne
disposent plus du temps nécessaire à leur
régénération naturelle.
Les jachères ont quasiment disparu, les sols du bassin
arachidier sont en partie victime de remontées salines, tout comme les
terres situées de part et d'autre de la route nationale Saint Louis -
Matam dans la Vallée du Fleuve Sénégal sans compter
l'érosion, les pirogues rentrent au port de moins en moins pleines et
les conflits agriculteurs - éleveurs deviennent récurrents.
On le voit, la dégradation des ressources naturelles,
engendrée par la surexploitation, est bien réelle. Si l'on y
prend garde, l'abandon de l'activité agricole, déjà en
cours dans certaines régions, va prendre de l'ampleur, sans que
n'existent des solutions palliatives pour fournir une activité
économique à leurs habitants. A terme, sans changement des modes
de gestion, c'est bien l'ensemble des capacités productives du secteur
qui est menacé, durablement qui plus est.
I.1.1.5-
Générer des emplois
Nous l'avons abordé dans notre partie
introductive : les jeunes générations, qui accèdent
plus facilement qu'avant à l'école, ne veulent plus travailler
dans les mêmes conditions que leurs parents.
A ce constat vient s'ajouter le fait que les mentalités
évoluent également à la campagne, et qu'il est de plus en
plus difficile pour un jeune qui a accès aux médias de masse tels
que la télévision, d'accepter d'attendre un âge mûr
(autour de 40 ans) pour se voir enfin libre de décider de ses
décisions ; les anciens ont en effet toujours la haute main sur le
foncier, qu'il s'agisse de la ressource productive ou de la caution qu'elle
peut représenter pour accéder au financement de certains
investissements productifs.
Dans cette optique, l'école et le niveau
d'éducation qu'elle procure sont perçus comme le moyen
privilégié d'échapper à la condition
« ancestrale » du paysan ; de plus l'absence
d'enseignement des sciences du vivant (tout au moins une initiation) au
Primaire ne milite pas en faveur d'une connaissance plus objective du
métier de leurs parents.
Si l'on ajoute à tout ce qui précède un
développement plus que timide des métiers d'amont et d'aval de la
production, l'on ne s'étonnera guère de l'accentuation de l'exode
rural vers les villes et de l'émigration vers les pays du nord.
Déjà aujourd'hui, certaines petites régions naturelles
sont en proie à un déficit de main d'oeuvre au moment des pointes
de travaux agricoles.
En conclusion, nous sommes contraints de reconnaître que
le secteur agricole et rural assume de plus en plus difficilement les
principales missions qui lui sont dévolues.
I.1.2- AGRICULTURE,
PAUVRETÉ ET SOUS-ALIMENTATION
Sous ce titre, nous souhaitons attirer l'attention sur la
permanence des maux dont souffrent les ruraux. Nous ne pouvons nous
empêcher d'établir un parallèle entre les agriculteurs
sénégalais et leurs voisins de Guinée, pays que nous
connaissons bien pour y avoir séjourné plusieurs
années.
Le Sénégal bénéficie d'une manne
financière considérable à travers l'aide publique au
développement bi et multilatérale, sa transition vers
l'Indépendance a été réalisée en douceur,
sans soubresauts, et sa démocratie est encore aujourd'hui plutôt
considérée comme un modèle de réussite dans cette
partie du monde.
A l'inverse, la Guinée « Sékou
Touré » comme l'appelle l'homme de la rue, a été
saignée à blanc dès le lendemain du
« Non » de Sékou Touré au
général de Gaulle ; l'administration coloniale est partie en
quelques jours, en emportant avec elle sa connaissance et toutes ses
archives.
L'isolement diplomatique qui s'en est suivi, assez mal
compensé par l'aide des pays du bloc soviétique et de Cuba, a
marqué le début d'une longue descente aux enfers sur le plan
économique où la pénurie est devenue la règle
commune, et qui s'est accompagnée de la montée en puissance d'un
régime dictatorial et passablement sanguinaire (exécution de
milliers d'opposants, ainsi que du secrétaire général de
l'OUA, DIALLO Telly, exposition fréquente plusieurs jours durant des
pendus sous le pont désormais tristement célèbre à
l'entrée de la ville, persécution des Peulhs du Fouta-Djalon,
plus nombreux à l'extérieur que dans le pays, etc.).
Dans ce contexte, l'aide international se situe à un
niveau infiniment inférieur à celle que reçoit le
Sénégal depuis 45 ans.
Malgré tout, nous sommes frappés par une
observation simple, à la portée immédiate de quiconque
s'aventure dans le territoire rural de ces deux pays : la condition des
paysans est exactement la même.
|
|
|
Même niveau de revenus, mêmes méthodes et
outils de travail, même inconfort de l'habitat (peu de constructions en
dur, accès à l'eau et à l'électricité
problématique), même indigence des services sociaux de base, taux
d'analphabétisme comparable, sous-nutrition à certaines
périodes de l'année, taux de mortalité néo-natale
et infantile élevés et comparables.
|
Tout se passe en fait comme si l'aide au développement,
pourtant massivement orientée vers le secteur rural au cours des
premières décennies post-indépendance, avait
été détourné au seul profit des communautés
urbaines ; il n'est pour s'en convaincre qu'à comparer
l'architecture de Dakar et celle de Conakry, ancienne perle de l'Afrique de
l'Ouest au temps des colonies.
A tel point qu'aujourd'hui, ce sont près de 30% des
sénégalais qui vivent dans la capitale et sa banlieue.
Nous sommes tentés face à ce constat de
dénoncer ce cercle vicieux, où la pauvreté
concentrée en milieu rural ne peut guère produire autre chose que
des pauvres de plus en plus pauvres, qu'il convient de briser au plus vite,
pour éviter autant que possible des catastrophes humanitaires de grande
ampleur lors d'une prochaine et inévitable sécheresse.
Le développement du monde rural ne pourra nous semble
t-il s'asseoir durablement que s'il est réellement pris en charge et
porté par les principaux intéressés, au quotidien sur le
plan local, mais aussi au plan national et sous-régional, à
travers la construction d'un poids d'influence significatif pour peser sur la
définition des politiques macro-économiques.
I.2- LA RÉGRESSION
DE L'AGRICULTURE AU SÉNÉGAL : ESSAI D'EXPLICATION
I.2.1- DE L'ÈRE
COLONIALE AU 21ÈME SIÈCLE : DES MISSIONS DE MOINS EN MOINS
ASSUMÉES
Il est difficile de résumer plus de deux siècles
d'évolution en quelques lignes, aussi face à cette tâche
ardue, nous nous bornerons à signaler différentes étapes
historiques qui peuvent en donner un aperçu succinct.
Quelques repères chronologiques2(*) :
1444 : Nuno Tristâo
« découvre »l'embouchure du fleuve
Sénégal.
1628 : Première installation du comptoir du
Sénégal.
1638 : Thomas Lambert s'établit à l'embouchure
du fleuve.
1659 : Fondation de Saint-Louis du Sénégal par
Louis Caullier.
1749 : Mission du botaniste Michel Adanson à
Saint-Louis pour étudier la possibilité d'y cultiver des
denrées coloniales.
1763 : Traité de Paris signé par Louis XV et
sanctionnant la dissolution du domaine colonial français.
1783 : Traité de Versailles redonnant le
Sénégal à la France.
1809-1816 : Seconde occupation anglaise.
1814 : Traité de Paris restituant le
Sénégal à la France.
1815 : Traité de Paris confirmant la restitution du
Sénégal.
Du dernier tiers du XVIIème siècle à la
fin du XVIIIème : la traite se développe,
caractérisée par une vive rivalité entre la France et
l'Angleterre, qui occuperont à tour de rôle et à plusieurs
reprises le Sénégal. Cependant, les possessions françaises
représentent peu de choses au moment du départ des Anglais en
1816 ; elles se limitent à quelques îlots fortifiés
(Saint-Louis, Gorée) et quelques petits comptoirs dispersés sur
la côte3(*).
1848 (27 avril) : Abolition de l'esclavage par la France.
Les mesures anti-esclavagistes et le tarissement du trafic
humain obligent progressivement à une reconversion du commerce, ce qui
se traduit par plusieurs missions d'exploration à l'intérieur des
terres, durant la première partie du XIXè siècle.
Mais c'est surtout après 1850, sous l'impulsion de
Faidherbe, que va s'esquisser la pénétration en direction du
Niger par le biais de traités et de protectorat, plutôt que par
administration directe. Parallèlement, moins de dix ans seront
nécessaires pour unifier la zone littorale (construction d'un fort
après le débarquement à Dakar en 1857).
Les axes de pénétration , créés et
sécurisés par Faidherbe, vont se révéler de
formidables voies de communication qui vont transformer le commerce et assurer
la propagation de l'arachide.
En effet, dès 1830, l'Europe connaît des besoins
croissants en oléagineux, et l'arachide semble en mesure de
répondre à la demande (huile de table, savon de Marseille,
tourteaux et lubrifiants).
La France s'appuiera alors sur sa main-mise sur le
Sénégal pour satisfaire cette demande, celui-ci acquérant
le titre de principal pourvoyeur dès la seconde moitié du 19e
siècle.
Après 1890, d'importantes dynamiques migratoires
coloniales, essentiellement en provenance du nord, se traduiront par une forte
expansion du Bassin arachidier, pour des raisons non seulement
économiques, mais aussi religieuses4(*).
L'arachide a transformé profondément les
rapports économiques, et l'intérêt du colonisateur a
paradoxalement permis aux paysans non seulement de s'émanciper des
règles dictées par l'aristocratie locale, en faisant d'eux des
acteurs économiques capables de décider de vendre et d'acheter
(et surtout capables économiquement d'acheter des biens
manufacturés importés !), mais aussi à certains
d'entre eux d'accéder aux anciennes positions tenues par cette
aristocratie.
Il existe cependant un revers à cette
médaille : la forte dépendance des paysans à une
culture de rente, essentiellement destinée à l'exportation, dont
la structure et l'évolution du marché leur étaient
totalement étrangères.
L'Afrique Occidentale Française est créée
en 1895, et fait de Saint Louis du Sénégal sa capitale, avant de
rejoindre rapidement Dakar dès 19025(*).
C'est ainsi que le développement de la monoculture
arachidière devient le pivot de l'économie coloniale, qui
perdurera jusqu'en 1960.
On notera avec intérêt que ce
développement considérable ne repose ni sur des investissements
conséquents de la puissance coloniale (sauf après la seconde
guerre mondiale, avec l'intervention du Fonds d'Investissement et de
Développement Economique et Social des Territoires d'Outre-Mer), ni sur
une importation massive de colons français pour exploiter et diriger des
fermes arachidières performantes.
Les performances relevées, techniques, commerciales et
humaines (car ce sont bien des humains qui en sont les acteurs) sont
indéniables. De 25 000 tonnes en 1887, les exportations d'arachide sont
passées à 141 000 tonnes en 1900, puis 480 000 tonnes en 1926 et
892 000 tonnes en 1960.
Ainsi naît l'extrême dépendance du
Sénégal à l'arachide, et l'extraversion de son
économie.
Nous avons tenté au chapitre précédent de
mettre en relief un certain nombre de constats, qui laissent peu de doute quant
à la façon dont le secteur agricole assume les différentes
fonctions qui lui sont assignées. La description des dégradations
survenues doit cependant s'accompagner d'une analyse destinée en mettre
en exergue la prégnance d'un contexte global, responsable des
orientations retenues en matière de développement rural.
A la suite de cette revue historique qui met le focus sur
l'arachide, nous observerons le contexte post indépendance sous l'angle
de l'évolution des politiques agricoles, et tenterons de montrer leur
décalage par rapport aux réalités du développement
rural « de terrain », et en premier lieu par rapport aux
ressources humaines de ce secteur.
I.2.2- L'ÉVOLUTION DES
POLITIQUES AGRICOLE VS LA RÉALITÉ DU DÉVELOPPEMENT
RURAL7(*)
Nous passerons très rapidement sur les premières
décennies qui conduiront au début de l'effondrement marqué
par l'ajustement structurel, imposé par les institutions
financières internationales de Brettons Wood à des Etats au bord
du dépôt de bilan.
A l'avènement de la République et de l'autonomie
interne, en 1958, le Sénégal se tourne brièvement vers des
options socialistes (c'est la période des coopératives et de
l'animation rurale), mais dès 1964, le virage vers des politiques
productivistes est pris. Nous le résumerons à travers
l'importance accordée aux transferts de technologies, à
l'encadrement des producteurs agricoles et l'administration des populations
rurales.
Il s'agit plus d'un modèle d'économie
administrée que d'une véritable libéralisation de
l'économie. C'est la période de gloire des Offices nationaux et
des Sociétés Régionales de Développement Agricole
(contrôlés par l'Etat), mais aussi des écoles de formation
agricole qui tournent à plein régime pour fournir les bataillons
nécessaires à l'encadrement des producteurs, sans se soucier de
leur devenir, puisque leur intégration au sein de la Fonction Publique
est automatique.
Tout ce dispositif finira par coûter trop cher aux
finances publiques et, les comptes de la nation se dégradant, conduira
en 1979 aux portes de l'ajustement structurel qui, de l'avis de nombreux
observateurs, n'est toujours pas terminé aujourd'hui.
Pour le secteur agricole, cet ajustement conduira à
l'élaboration du Programme d'Ajustement Structurel du
Secteur Agricole (PASA), qui consista essentiellement à
supprimer les Offices et sociétés de développement
étatiques, sans vraiment proposer d'alternatives : du jour au
lendemain, les paysans se retrouvent sans interlocuteurs ni techniciens, et
éprouvent les plus grandes difficultés à s'approvisionner
en intrants.
Le Programme d'Investissement pour le Secteur
Agricole en sera la suite logique mais tardive ; le mal est
fait, mais surtout sa traduction opérationnelle sur le terrain mettra
des années à se mettre en place (les premiers programmes et ou
projets viennent seulement de s'achever en 2005).
L'évaluation du Programme National de
Vulgarisation Agricole (1990 - 1995) n'est guère
réjouissante : elle pointe du doigt i)une approche
thématique ne tenant pas compte des préoccupations des
producteurs dans le cadre de leurs systèmes de production, ii) un faible
taux de couverture malgré un dispositif lourd et iii) la faible
implication des Organisations de Producteurs dans la définition des
programmes.
En 1995, la Lettre de Politique de
Développement Agricole se veut un cadre pour asseoir de
nouvelles orientations en vue de corriger les dysfonctionnements
constatés dans les précédentes politiques, de saisir les
opportunités offertes par le changement de parité du FCFA
(dévaluation de 100% en 1993) et d'impulser une dynamique de croissance
dans le secteur agricole.
Elle redéfinit les missions de services publics du
Ministère de l'Agriculture en distinguant celles qui sont
régulièrement dévolues à l'Etat, telles que la
définition des politiques et stratégies agricoles au niveau
national et leur traduction au niveau régional, la recherche agricole,
la vulgarisation et la formation de base, la police et le contrôle pour
l'application des lois et règlements ou encore la collecte et la
diffusion de l'information (statistiques) et enfin les actions
préventives et curatives face aux risques majeurs et aux
calamités naturelles.
Toutes les autres missions sont transférées aux
acteurs non étatiques du monde rural, telles que l'animation et la
structuration du monde rural, l'assistance technique et la diffusion des
technologies et la participation des plus démunis ( jeunes, femmes et
petits producteurs )
Le Document d'orientations stratégiques
(DOS)
Lors de la réunion du Groupe consultatif des bailleurs
de fonds sur le Sénégal d'avril 1998, le Gouvernement a
présenté le Document d'orientations stratégiques pour le
secteur (DOS) et s'est engagé à établir les conditions de
réalisation d'une croissance soutenue du secteur agricole sur la base
d'un renforcement de la capacité du secteur à améliorer sa
productivité et sa compétitivité. Ce document a pour
objectif essentiel de relancer le secteur agricole après l'ajustement
intervenu au niveau des différentes filières.
Les composantes majeures du DOS sont :
i) le renforcement des capacités des collectivités
locales et des organisations paysannes;
ii) le développement de l'investissement privé;
iii) la mise en place de services agricoles (recherche,
vulgarisation, formation, structures techniques d'encadrement) adaptés
au contexte de régionalisation et de partenariat avec les organismes
socioprofessionnels;
iv) la mise en place des infrastructures en milieu rural.
La Lettre de Politique de Développement
Institutionnel du secteur agricole ( 1999)
Elle vient confirmer les orientations fixées par la
LPDA, en affirmant que la politique de l'Etat privilégiera trois
axes :
Elle reconnaît que les Organisations de
Producteurs sont devenues des interlocuteurs crédibles et que le
processus de décentralisation habilite progressivement les
collectivités locales dans la prise en charge de la gestion de leurs
ressources et leur développement économique et social.
Il n'est pas exagéré d'affirmer que cette LPDI
constitue l'annexe principale de l'accord de crédit signé avec la
Banque Mondiale pour le financement du Programme des Services Agricoles et
d'Appui aux Organisations de Producteurs (PSAOP, dont la seconde phase devrait
démarrer dans les prochaines semaines).
Elle constitue aujourd'hui le « socle
politique » sur lequel s'appuient tous les acteurs en ce sens qu'elle
reconnaît le rôle dominant de l'agriculture paysanne multi
fonctionnelle à travers des exploitations familiales polyvalentes. Elle
aborde et officialise également, et c'est une première, la
modernisation irréversible des systèmes de production, et la
nécessité de rendre durables les systèmes de production en
tenant compte de la préservation des ressources naturelles.
Cette même année 1999, la Lettre de
Politique de Développement Rural
Décentralisé s'est focalisée sur des
objectifs stratégiques, plaçant les populations rurales au centre
du processus de développement rural au niveau local. Ces populations
doivent être les promotrices et maîtresses d'ouvrage, par le biais
de leurs institutions décentralisées (Conseil rural) et de leurs
structures associatives, dans le cadre d'un partenariat effectif avec
l'administration du territoire et les services déconcentrés de
l'État.
L'objet de la LPDRD est de permettre aux populations
d'accéder efficacement aux services sociaux essentiels et aux
infrastructures de base avec comme conséquences des indicateurs de
développement humain améliorés et le désenclavement
total de toutes les Communautés rurales (CR) du pays. Elle met l'accent
aussi sur une gestion durable des ressources naturelles qui sont à la
base des activités de production à travers une meilleure
maîtrise des systèmes de production.
Le principe retenu dans la LPDRD de co-gestion et de partage
des coûts de réalisation et de maintenance des infrastructures
socio-économiques entre l'État et les collectivités
décentralisées a connu un début de mise en oeuvre avec le
Programme national des infrastructures rurales (PNIR), et le Programme de
soutien aux initiatives de développement local (PSIDEL). Cette mise en
oeuvre se poursuit avec la toute récente fusion du PNIR et de l'Agence
du Fonds de Développement Social, au sein d'un programme très
ambitieux de plus de 100 milliards de FCFA (Programme National de
Développement Local).
L'objectif premier de la LPDRD est de consolider le partage du
processus de gestion du secteur agricole avec l'ensemble des partenaires de
l'État sur la base d'un système de concertation, de participation
dans les prises de décisions dans la conception, l'élaboration et
la mise en oeuvre des politiques de développement agricole.
La Stratégie Nationale de Formation Agricole et
Rurale (SNFAR)
A la même époque, une réflexion
engagée en 1998 va aboutir à la validation en juin 1999, lors
d'un atelier national réunissant 120 acteurs de la formation agricole et
rurale, d'un document de référence intitulé :
« Former les acteurs d'une nouvelle économie agricole et
rurale - Orientations et stratégies de formation à l'horizon
2015 ».
Cet exercice a été suivi et encouragé par
les différents ministères concernés jusqu'à la
concrétisation de ce document, qui sert aujourd'hui de
référence. Son contenu est organisé autour d'une triple
analyse historique, diagnostique, et prospective, qui propose le choix de la
modernisation de l'agriculture paysanne face à la tentation d'une
agriculture sans paysan. Ce choix permet d'esquisser un ensemble
cohérent de politiques inclusives en faveur d'un développement
agricole et rural durable.
A partir des constats mis en évidence, le document pose
la problématique en ces termes :
« La Formation Agricole et Rurale doit avoir pour
priorité la modernisation de l'agriculture familiale, l'émergence
d'une véritable économie rurale et leur intégration dans
une économie nationale et internationale ouverte. Elle doit appuyer
aussi le développement d'une agriculture intensive à base de
capitaux. »
Quatre grandes orientations et les stratégies
d'intervention ont été définies à partir
de ces nouvelles missions et priorités :
Nous terminerons logiquement ce tour d'horizon des politiques
agricoles par la Loi d'Orientation Agro-Sylvo-Pastorale
(LOASP) dont l'esprit a été guidé par les
documents de politique qui l'ont précédé.
La loi d'orientation, aux ambitions très (trop ?)
vastes, a le principal mérite d'inclure dans la législation du
Sénégal des notions fondamentales telles que la
nécessité d'accompagner le développement de l'exploitation
familiale, la nécessaire reconnaissance des métiers de
l'agriculture, ainsi que le statut des Organisations Professionnelles,
désormais habilitées de par la Loi à prendre part à
la définition, à la mise en oeuvre et au contrôle des
politiques agricoles.
Dans un soucis d'exhaustivité, nous signalerons
également les lois de décentralisation de 19968(*), transférant aux
collectivités locales neuf domaines de compétence ; la Loi
n° 96-07, dans son Titre second, liste ainsi les responsabilités de
la Région, de la Commune, et de la Communauté Rurale pour chacun
des quatre volets suivants : l'éducation, l'alphabétisation,
la promotion des langues nationales et la formation professionnelle.
Si les orientations reflétées par
l'évolution des politiques agricoles vont dans le même sens, ce
qui est plutôt encourageant, il n'en reste pas moins que le
décalage est profond avec la réalité quotidienne
vécue par les « producteurs » et les autres
ruraux.
Les intentions sont louables et l'Etat, sous la pression des
autres acteurs (notamment les Organisations Professionnelles et les Partenaires
au développement), a admis qu'il ne peut plus être le seul
maître à bord.
Au quotidien, subsistent cependant des velléités
de toute puissance héritées d'un long passé
d'administration de l'agriculture, mais subsistent surtout des lacunes dans la
gestion des filières (quasi absence d'interprofessions), ou même
dans la réorganisation des circuits d'approvisionnement en intrants et
de collectes des produits.
Là ou l'Etat a dû se désengager, qui
concerne des aspects éminemment stratégiques tels que les
semences, la mise à disposition d'engrais au bon moment, le secteur
privé peine à s'implanter : il semble plus exact d'affirmer
qu'il n'en manifeste pas l'envie, du fait de conditions assez peu favorables
(atomisation de la demande, besoins formulés au dernier moment en raison
de trésoreries fragiles, concurrence de produits subventionnés
par l'Etat épisodiquement, par exemple dans le cadre de programmes
spéciaux de relance d'une culture).
Enfin, dans les domaines de la formation et du conseil
agricole, l'expression de la demande est encore largement conditionnée
par l'offre de services, souvent plus proche de l'organisme financeur que le
demandeur lui-même.
Même dans les cas où les producteurs, via leurs
organisations représentatives, sont réellement les commanditaires
des actions de renforcement de capacités qu'ils sollicitent,
l'expérience montre que l'absence de dispositif devant accompagner une
réelle construction de la demande de services n'a pas permis de faire en
sorte que les actions déroulées s'écartent des sentiers
battus9(*) :
I.2.3- UN DISPOSITIF GLOBAL DE
FORMATION PROFESSIONNELLE EN LAMBEAUX
Assez naturellement, c'est vers la puissance colonisatrice
que le Sénégal s'est tourné, pour s'inspirer d'un
modèle de formation professionnelle agricole.
Nous avons déjà eu à évoquer le
fait que pour l'essentiel, la formation des producteurs agricoles a en
réalité été le fait de la vulgarisation et de
l'encadrement technique, les agents techniciens de l'Etat ayant pour
principale, voire unique mission, de s'assurer de la bonne application des
recommandations techniques et de « paquets technologiques »
imposés aux agriculteurs.
Cependant, plusieurs tentatives pour implanter des
systèmes de formation agricole, formelle et non formelle, ont vu le
jour, toujours à titre plus ou moins expérimental. Nous
dresserons un rapide portrait d'ensemble des instruments mis en place.
I.2.3.1- Formation de
techniciens et encadreurs
La formation des techniciens a toujours relevé
exclusivement du dispositif de formation public. A notre connaissance, la plus
ancienne école date de 1938 : il s'agissait alors d'un centre de
formation d'aides-vaccinateurs ; celui-ci a évolué au fil du
temps pour devenir d'abord l'Ecole des Agents Techniques d'Agriculture10(*), puis en 1990, le Centre National de
Formation des Techniciens d'Elevage et des Industries Animales. (CNFT.EIA)
La seconde à voir le jour sera l'école
d'horticulture de Dakar en 1962, destinée à former les ouvriers
de la Direction des Parcs et Jardins publics de Dakar ; basée dans
la banlieue de Dakar, elle existe toujours sous le nom de Centre de Formation
Professionnelle Horticole de Cambérène, et délivre un CAP
et un Brevet de Technicien Horticole.
Au cours des années 60 et 70, d'autres écoles de
techniciens ont été créées, en nombre très
limité cependant ; citons pour information :
Une particularité mérite d'être
soulignée à ce stade : tous ces centres revêtent un
caractère monopolistique, en ce sens qu'ils constituent des cas uniques,
chacun dans leur spécialité ou domaine de formation.
Ajoutons également que, jusqu'à la
décision prise au début es années 90 de mettre un terme au
recrutement automatique dans la Fonction Publique des sortants de ces
écoles, toutes formaient uniquement des
élèves-fonctionnaires, ainsi qu'un nombre variable mais non
négligeable de jeunes ressortissants de pays d'Afrique de l'Ouest et du
Centre.
« Par définition » pourrait-on
dire, aucun producteur au sens « commun » ne pouvait y
accéder, même s'il convient de remarquer que depuis 1992, quelques
techniciens formés et non fonctionnarisés se sont malgré
tout installés comme exploitants agricoles. Cette réalité
est cependant marginale et ne concerne que quelques individus, souvent
pluri-actifs ; du reste, aucun décompte n'est disponible.
I.2.3.2- La formation
professionnelle des producteurs
Nous aborderons successivement ces deux pendants, que sont
l'offre de formation initiale, et l'offre de formation continue.
I.2.3.2.1- L'offre de formation initiale (non
diplômante, en totalité)
A quelques rares exceptions près11(*), celle-ci est l'apanage
(relatif) d'un dispositif de formation public, dont les premiers centres ont
été créés à la suite de l'école
d'horticulture de Cambérène déjà citée, au
tout début des années 60.
Il s'agit d'un dispositif (national) de modeste ampleur, qui
compte six Centres d'Initiation Horticole (CIH) aux configurations très
proches (3 formateurs en moyenne), répartis dans la moitié des
onze régions administratives que compte aujourd'hui le
Sénégal. (Dakar, Thiès, Saint-Louis, Diourbel, Kaolack et
Ziguinchor).
La nouvelle école d'horticulture de
Cambérène, et ses premiers produits formés, ont
constitué une opportunité pour doter en personnels formateurs les
CIH, qui furent imaginés par la tutelle de l'époque
(Ministère de la Promotion Humaine) comme une réponse à la
difficulté d'insertion des jeunes ruraux quittant précocement le
système scolaire (écueil du concours d'accès en
6ème). Il s'agissait donc de leur proposer d'acquérir une
capacité technique en maraîchage, aviculture, petit élevage
et en apiculture, dix mois durant.
Cette formation devait théoriquement permettre à
ces jeunes ruraux (de 16 à 24 ans) de retourner dans l'exploitation
familiale, pour y mettre en pratique les techniques
« modernes » apprises au centre et ainsi contribuer
à la modernisation progressive de ces exploitations, en
améliorant la productivité (jugée trop faible) et les
techniques de production (jugées archaïques) d'un paysannat
généreusement qualifié de traditionnel par les techniciens
de l'Etat.
De 1965 à la fin des années 90, moins de 20
jeunes (âgés de 14 à 24 ans) ont été
formés annuellement dans chaque CIH, dont un cinquième environ a
pu poursuivre une formation diplômante (CAP) au Centre de Formation
Professionnelle de Cambérène.
Depuis qu'il a été mis fin au système
d'aides scolaires, au bénéfice des apprenants, les centres
peinent de plus en plus à recruter : certains ont mis un terme
à ce cycle standardisé, d'une durée de 9 mois et non
diplômant, depuis 1999, faute de candidats tandis que d'autres ont
abandonné les tests de sélection à l'entrée et
malgré cela doivent se contenter de promotions aux effectifs
réduits (de l'ordre de la douzaine). Une réflexion est en cours
avec la profession agricole, à l'initiative de la tutelle, pour adapter
le dispositif en place à la demande réelle, et lui permettre de
recouvrer une utilité sociale qu'il semble bien avoir perdu.
En parallèle du dispositif ci-dessus, peu attractif,
des initiatives éparses, localisées et non reliées entre
elles existent ou ont existé ; citons rapidement :
On le constate donc, le tableau d'ensemble est sombre et il
n'est pas exagéré d'affirmer que, si la formation initiale des
jeunes futurs agriculteurs s'est de tout temps cantonnée dans la
marginalité, elle a quasiment disparu du paysage aujourd'hui.
Sans vouloir analyser ici en détail cet échec
manifeste, qui fait l'objet d'un développement dans le cadre du dossier
élaboré en lien avec le module de base du cours Systémique
de cette formation Master, nous pouvons toutefois donner quelques
éléments d'ordre explicatif.
Commençons tout d'abord par ce constat
irréfutable :
Dans un pays majoritairement rural, dont la moyenne
d'âge est de 15 ans et où la majorité des ruraux vivent
principalement ou accessoirement des activités agricoles et
d'élevage, force est de reconnaître que l'offre plurielle de
formation professionnelle agricole initiale n'attire pas les jeunes, ni
aujourd'hui, ni même hier !
Selon les données du Recensement National Agricole de
1999, il existait 450 000 exploitations agricoles au
Sénégal ; or, sur la base d'un renouvellement
générationnel tous les 30 ans, nous en déduisons
approximativement que ce sont environ 15 000 exploitations familiales qui
changent de main annuellement.
Il est donc périlleux d'affirmer dans ces conditions
que la demande de formation (au moins potentielle) est inexistante ;
vraisemblablement, il semble s'agir plutôt d'un problème de
pertinence et/ou d'attractivité de l'offre de formation
proposée.
Pour essayer d'éclairer cette hypothèse, nous
sommes tentés de résumer la philosophie qui prévalait
dès la fin des années 60 par la « sentence »
suivante, qu'il nous arrive encore d'entendre parfois, à l'occasion d'un
discours introductif dans tel ou tel séminaire :
« l'avènement d'un secteur agricole
productif et performant passe par le remplacement de nos paysans traditionnels,
cultivant sur un mode archaïque, par une nouvelle race d'agriculteurs
modernes, pilotes, capables d'exploiter des équipements et des
techniques de pointe, identiques à ceux qu'utilisent les agricultures
des pays développés du nord ».
Ainsi, de ce postulat découle l'idée
simplificatrice qu'il suffirait de former des jeunes, plus réceptifs,
à l'utilisation de techniques importées et performantes, pour
progressivement doter le secteur agricole au sens large de ressources humaines
de qualité.
Avec le recul, on le sait désormais, c'était
aller un peu vite en besogne, en faisant totalement abstraction de
l'environnement global du secteur productif en milieu rural, et de ses
nombreuses contraintes qui rendent pour le moins hypothétique le
bénéfice attendu d'un simple transfert de technologie. Cependant,
cette logique correspondait à tout point de vue à celle des
tutelles successives du dispositif CIH ( Education nationale, puis Formation
Professionnelle, en enfin Agriculture depuis 1998 jusqu'en 2003), mais aussi
des autres acteurs (Maisons Familiales exceptées, nous y
reviendrons).
Dans les programmes de ces formations, le focus est mis
systématiquement sur la création d'un nouveau profil de
professionnel : le paysan moderne ! A aucun moment, l'enseignement
mis en place n'essaie de comprendre comment les paysans environnants
pratiquent, ni quelles sont les raisons qui les poussent à pratiquer de
la sorte.
C'est en quelque sorte sur une négation
délibérée de la réalité quotidienne
environnante que se sont implantés dans le paysage rural ces centres de
formation professionnelle, avec pour principale conséquence que les
produits formés se sont retrouvés dans l'impossibilité
technique, financière mais aussi sociale de reproduire à leur
retour dans leur famille ce qu'ils avaient appris durant leur formation.
La distance certaine entre l'institution Education Nationale
et les problématiques de développement rural explique sans doute
en partie ce parti pris d'isolement, fondé sur la croyance que rien
d'intéressant ne pouvait être emprunté aux pratiques multi
séculaires d'un paysannat massivement analphabète.
Si elle l'explique en partie, elle n'explique cependant pas
tout ; en effet, la plupart des centres de formation agricoles (et leurs
programmes) a été largement inspirée par le modèle
de l'enseignement agricole français (LEGTA, CFPPA), qui a
participé directement à les façonner, soit par des
partenariats directs avec des lycées agricoles, soit par le
détachement d'enseignants français en position de
coopérants techniques.
Là encore, le mirage du transfert de savoirs et de
technologies, comme réponse unique et irrécusable aux
problèmes rencontrés par les agricultures du sud, n'a pas
facilité l'ancrage et l'adaptation de ces centres de formation dans leur
terroir.
La tentative d'implantation à l'identique du
système des Maisons Familiales Rurales Françaises
s'avérera également trompeuse : bien que s'attelant cette
fois à construire à partir de l'existant, pour
l'améliorer, la formation initiale en alternance sur le modèle
français atteindra vite ses limites (en raison principalement de son
coût, mais pas uniquement) avant d'être purement et simplement
abandonnée.)
Ce dispositif se cherche actuellement un second souffle ;
c'est d'ailleurs en ce sens qu'il a demandé en 2006 l'appui du
dispositif MFR français, qui l'a répercuté au
Comité mixte Franco-Sénégalais pour le
développement du secteur agricole, qui s'est réuni en septembre
2006 à Gorée, sous la présidence de l'ancien directeur
général de l'Enseignement et de la Recherche du Ministère
français de l'agriculture, Monsieur Henri-hervé BICHAT.
I.2.3.2.2- L'offre de formation professionnelle
continue (professionnels en activité)
Cette offre est éminemment plurielle, mais au final
très peu diversifiée. Le secteur public est moins présent
que dans le domaine de la formation initiale : seuls subsistent
aujourd'hui deux Centres de Promotion Agricole, en quasi cessation
d'activité.
Mis en place durant la période du Programme Agricole,
caractérisée par un fort interventionnisme de l'Etat dans les
années 70 (intrants, commercialisation, équipements et
subventions, encadrement) grâce à l'appui technique et financier
du Bureau International du Travail (BIT), ce dispositif qui comprenait
également des centres de formation d'artisans ruraux a vécu sous
perfusion, de façon relativement artificielle : les adultes en
formation étaient obligatoirement de jeunes couples, et la bourse
accordée, à laquelle s'ajoutait le fruit de leur travail pratique
sur l'exploitation « moderne » du centre de formation
durant toute une année, étaient censés leur permettre de
s'installer ensuite à leur compte, avec un capital de départ.
Mis à part ce cas anecdotique, l'ensemble de la
formation continue proposée aux producteurs en activité est le
fait d'ONG, de consultants individuels et bureaux d'études, et de
quelques (mais rares) fédérations d'Organisations
Professionnelles. Elle est de très courte durée (un jour à
une semaine) et revêt un caractère très ponctuel, du fait
de l'incertitude liée aux canaux de financement, largement
exogènes au milieu rural.
Autrement dit, l'élaboration rationnelle d'un plan de
formation se heurte en général (pour sa mise en oeuvre) à
la rareté ou l'imprévisibilité des bailleurs de fonds
intéressés. (les possibilités de contribution
pécuniaire des bénéficiaires directs permettant rarement
de dépasser 10 à 20 % du budget nécessaire).
Enfin, et bien que ce secteur de la formation fasse l'objet
d'une forte marchandisation, en raison de la forte compétition des
acteurs en présence sur l'offre, la qualité ne semble pas au
rendez-vous tant l'impact global apparaît manquer de
visibilité.
L'expression de la demande est encore largement
conditionnée par l'offre de services non renouvelée, souvent plus
proche de l'organisme financeur que le demandeur lui-même.
Même dans les cas où les producteurs, via leurs
organisations représentatives, sont réellement les commanditaires
des actions de renforcement de capacités qu'ils sollicitent,
l'expérience montre que les actions déroulées ne sortent
pas des sentiers battus :
· aux femmes les thèmes récurrents de
fabrication de savon ou de teinture et tricot ;
· aux hommes, l'embouche bovine et le maraîchage,
« de A à Z » et du nord au sud du pays.
L'inventaire des libellés des multiples actions de
formation entreprises par les projets, programmes, ONG et même par les
Organisations professionnelles agricoles prouve à loisir qu'il ne s'agit
pas d'une exagération.
Dès lors, on pourrait presque affubler l'offre de
formation (dans son acception globale) des qualificatifs d'apesanteur et
d'atemporelle.
En conclusion, nous ne pouvons nous empêcher de
remarquer que la plupart de ces établissements de formation
professionnelle s'adressent principalement voire exclusivement, au
marché du travail...salarié (pour la formation initiale), ou
à un public considéré comme captif car peu solvable par
lui-même (formation continue).
Or, le secteur agricole, et plus largement rural, se situe
très majoritairement dans le secteur informel, lequel valorise
plutôt mal le diplôme acquis. Pire, l'emploi dans le secteur
agricole est en réalité de l'auto emploi, dans plus de 90% des
cas, et la prise en compte du profil de chef d'entreprise (ou chef
d'exploitation) est totalement absente des référentiels et
programmes de formation en vigueur.
Il y a là matière à réflexion, au
niveau de la définition des politiques éducatives nationales,
d'autant plus que les singularités évoquées ci dessus pour
caractériser le secteur rural se trouvent être les mêmes
dans les secteurs secondaires et tertiaires (rappelons à nouveau les
données issues de l'étude de Pierre Debouvry d'octobre 2004,
basée sur les données officielles au plan
macro-économique, qui font état d'un secteur formel national ne
représentant que 8% de l'emploi et auto-emploi, secteurs public et
privé confondus).
I.3- LES DÉFIS
À RELEVER POUR LES QUINZE PROCHAINES ANNÉES :
DES ENJEUX
MAJEURS POUR LA FORMATION
Le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole a
demandé en octobre 2004 à Pierre Debouvry, consultant
indépendant, de réaliser une
étude
destinée à mettre en lumière les enjeux auxquels le
Sénégal sera confronté au cours des vingt prochaines
années12(*). Il s'agissait pour nous de disposer d'arguments
forts pour convaincre les Pouvoirs Publics d'investir massivement dans le sous
secteur de la formation, pour relever ces défis posés.
La compréhension de cette étude peut se limiter
à la lecture d'une quinzaine de graphiques, proposés en annexe,
qui se suffisent à eux-mêmes. Ils sont basés sur les
données officielles disponibles. Ces enjeux sont quintuples, et peuvent
se décliner comme suit :
Transition démographique
Education Pour Tous
Productivité du secteur agricole et
préservation de la fertilité
Insertion socioprofessionnelle des cohortes de jeunes
Emigration, exode rural et entretien de l'espace
rural.
Dans ce paragraphe, nous nous appuierons essentiellement sur
ces travaux pour montrer l'ampleur des défis à relever, et pour
lesquels la formation agricole et rurale pourrait être un levier puissant
pour faire évoluer plus favorablement la situation d'ensemble, en
développement les capacités des ressources humaines du secteur
rural, et en permettant à une partie des jeunes ruraux d'être
mieux armés pour s'insérer à la ville.
Résumées très brièvement, les
projections faites à partir des tendances démographiques du
Sénégal révèlent un Sénégal autour de
17 millions d'habitants en 2025 (contre 11 aujourd'hui, et 3 millions en 1960).
Cette prévision est plausible, même si la fécondité
diminue, ne serait-ce qu'en raison du nombre croissant de femmes en âge
de procréer. Elle se traduit par une urbanisation galopante et
l'inversion du ratio urbains/ruraux ; nous allons passer de 1 urbain pour
7.75 ruraux en 1930, à 1 urbain pour 0.8 ruraux en 2025.
Cela pose le problème de la productivité du
travail dans le secteur agricole, et signifie en principe que chaque rural
devrait produire dix fois plus de denrées pour alimenter les villes.
Malgré l'exode rural, la population rurale va encore
continuer d'augmenter, certes plus lentement que la population urbaine, mais la
densité rurale est déjà telle que cela va encore
accroître considérablement la pression sur le foncier : de 40
habitants au km² en 1960, il est prévu d'atteindre 110
habitants/km² en 2020.
Cette pression risque de se traduire, en l'état actuel
des choses, par une dégradation continue de la fertilité des sols
et des parcours, et plus largement une dégradation de l'ensemble des
ressources naturelles qui risque de s'accélérer (halieutiques,
forêts, salinisation des sols, appauvrissement de la biodiversité
et disparition des jachères).
Face à ce constat démographique,
l'évolution de la sécurité alimentaire paraît
problématique ; en effet, les productions agricoles,
vivrières ou d'export, progressent peu depuis 40 ans tandis que les
importations céréalières
« explosent » ; elles ont déjà
décuplé entre 1960 et 2003, jusqu'à friser le million de
tonnes. On notera d'ailleurs qu'au delà de l'augmentation de la
population, ce décuplement est largement dû aux transformations
des habitudes alimentaires puisque on est passé de 30 kg de
céréales importées par habitant ( 1960), à plus de
90 kg/tête en 2003.
La répartition des emplois et auto emplois au plan
national indique par ailleurs que le secteur formel (public et privé) ne
« pèse » que 8 % du total des actifs, tandis que le
secteur rural massivement situé dans l'« informel »
représente 64 % de l'ensemble.
C'est donc pour l'essentiel dans ce secteur
d'activités, qu'on le veuille ou non, que trouveront à
s'insérer chaque année l'essentiel des 360 000 jeunes de la
tranche 15 - 24 ans (effectifs correspondant au 1/10ème de la tranche
15-24 ans).
La combinaison des tendances démographiques, et de la
volonté d'atteindre rapidement l'Education Pour Tous, vont
entraîner un doublement des cohortes à scolariser entre 1990 et
2030, et un triplement des jeunes à insérer sur le marché
du travail pour la même période. Les jeunes qui arrivent en
terminale ne représentent que 7 % des cohortes scolarisées ;
ils constituent donc de fait une élite ; malgré tout,
certains établissements de formation agricole au niveau technicien
espèrent toujours recycler leurs programmes classiques pour permettre
à cette élite de s'installer sur des exploitations agricoles.
Sur cette base, les exclus du système sont les suivants
: accès en Cours d'Initiation : 262 319 (hors redoublement),
accès en CM2 : 126 266 ; accès en 6ème : 64 483
jeunes.
De fait, La très grande majorité des futurs
chefs d'exploitation aura au mieux un niveau voisin du Certificat de Fin
d'Etudes Primaires, et c'est à eux que doit s'adresser prioritairement
le dispositif global de formation, ce qui n'a jamais été fait
auparavant. La majorité de ceux-ci s'insèrent par un processus de
dévolution de l'exploitation paternelle largement enraciné
socialement, à la différence des expériences malheureuses
d'installation de jeunes diplômés bacheliers, transplantés
avec un pécule de départ dans un milieu qu'ils ne connaissent pas
ou dont leur trajectoire scolaire les a coupé.
Au Sénégal, les processus de dévolution
entre les générations, sur la base d'un total de 450 000
exploitations familiales, concernent donc environ 15 000 jeunes (parfois
âgés de 40 ans). Une action systématique dans leur
direction ne pourra donc se concevoir sous les formes existantes actuellement
(formation à plein temps, longue et diplômante), dans la mesure
où le total des établissements concernés se
caractérise par des flux annuels de l'ordre de la centaine seulement.
Pour restaurer les missions premières assignées
au secteur agricole, la formation de masse pour engendrer un impact
significatif sur la productivité d'ensemble s'apparente à ne
obligation impérieuse ; cette condition n'est toutefois pas
suffisante, car l'amélioration de l'environnement de la production et
des services sociaux en milieu rural conditionnera en grande partie la
capacité d'absorption des jeunes à insérer dans la vie
active, en milieu rural.
C'est bien ce dernier point que mettent en avant les candidats
à l'émigration, qui ne veulent ni du type de travail ni des
conditions de vie qu'ils ont fui en quittant leurs villages.
C'est bien la stabilité politique et la cohésion
sociale qui sont en jeu pour les prochaines années.
I.4- LA VALLÉE DU
FLEUVE SÉNÉGAL : UNE RÉGION ENTIÈREMENT
À PART
I.4.1- L'UTOPIE
SÉCULAIRE D'UN POTENTIEL STRATÉGIQUE13(*)
Après la double période d'occupation anglaise,
la France récupère ses anciennes colonies ; la
société coloniale africaine, fondée par des
négociants bordelais, affrète une expédition de quatre
navires destinés à acheminer la nouvelle administration (et les
soldats) au Sénégal.
Cette aventure restera gravée dans l'Histoire :
l'un des quatre bâtiments est en effet la frégate La
Méduse, à bord de laquelle se trouve le nouveau gouverneur de
Saint Louis, le colonel Schmaltz.
Le 2 juillet 1816, à la suite d'une erreur de
navigation, La Méduse se brise sur un banc ; les naufragés
les plus élevés dans l'échelle sociale embarquent sur des
chaloupes, remorquant un radeau imposant sur lequel est entassé le petit
peuple. Le commandant Duroys de Chamareis, pour accélérer
l'allure des embarcations, finira par couper les amarres du
célèbre radeau, condamnant à une mort lente la plupart de
ses passagers.
Quelques mois plus tard, une première expérience
de colonisation agraire par des métropolitains tournera court :
deux cent colons en feront les frais, victimes du climat et des moustiques.
Le souvenir de cet échec cuisant devait cependant
s'effacer, dans un contexte marqué par l'abolition de la raite, devant
une volonté politique forte de « compenser la suppression du
trafic de bois d'ébène par la revalorisation des produits
traditionnels », selon la formule utilisée par le ministre de
la Marine, Portal.
D'un cantonnement classique à quelques comptoirs de la
côte Atlantique, on passe alors à la prospection vers
l'intérieur des terres, en longeant le Fleuve Sénégal et
en sécurisant par des accords avec les chefs locaux cette voie de
navigation indispensable pour acheminer les produits d'exportation jusqu'au
port côtier.
La voie ainsi libre permet d'esquisser la mise en oeuvre de la
colonisation agricole, dont la réussite repose sur une
représentation idyllique du potentiel démographique et es
potentialités des zones riveraines du fleuve, sur plusieurs centaines de
kilomètres jusqu'à Bakel. L'idée était
double : approvisionner la métropole en produits exotiques
appréciés (café, indigo, coton), et assurer une
dépendance croissante et irréversible des populations
indigènes.
Il n'est pas superflu de rappeler que le Pacte Colonial
consistait d'abord en l'obligation faite aux colonies de commercer
exclusivement avec la puissance colonisatrice. (accessoirement, il leur
interdisait également de transformer sur place leurs produits
agricoles).
Bien vite, les ambitions doivent être revues à la
baisse ; en effet, les attaques répétées
orchestrées par les populations Maure et Bambara obligent le
colonisateur à se rabattre sur un territoire plus aisément
maîtrisable, limité entre Saint Louis et Dagana (ce que l'on
appelle aujourd'hui le delta du fleuve Sénégal).
Les troubles inter-ethniques, les négociants qui
s'opposent au système de monopole, et l'adversité Maure auront
finalement raison de l'implantation des colons.
Entre alors en scène le baron
Roger...
En 1822, Jacques ROGER est nommé gouverneur de Saint
Louis ; il était depuis trois ans intendant du jardin d'essai de
l'habitation royale créée par son prédécesseur.
Sorte de gentleman farmer, idéaliste mais plein d'entregent, il
réussira à se faire nommer baron rapidement, en vantant ses
« succès » au gouvernement lointain.
Il ambitionne pour le Sénégal de remplacer la
place qu'occupaient auparavant les colonies perdues des Caraïbes, pour
approvisionner la France, et il a été choisi pour son option
pacifiste (coloniser par les outils agraires plutôt que par les
canons).
En réalité, quelques colons seulement
répondirent à l'appel : quarante deux exactement, qui mirent
en valeur 1200 hectares sur les dix mille qui leur furent
concédés. La main d'oeuvre attendue fit cruellement
défaut, les sénégalais libres préférant
travailler leurs propres champs, en s'opposant à la spoliation
foncière.
L'instauration d'un système incitatif coûteux de
primes à la plantation (ricin, coton, café et indigo) n'y
changera rien : en repiquant à tout va des branches de leurs
plantations, qui se dessèchent un peu plus tard, les rusés colons
(dont une bonne partie sont des Saint louisiens) s'emparèrent des primes
et permirent au baron Roger de claironner SA réussite : 4,5
millions de plants de cotonnier recensés.
Sur les trois années qui suivirent, on ne
récolta en tout et pour tout que 50 tonnes de coton, et pas
d'indigo !
Les rapports flatteurs sur son bilan que Roger adresse
régulièrement au gouvernement finiront par être
rattrapés par la brutalité des chiffres : les recettes
d'exportation ne couvriront qu'un huitième des dépenses
consenties...
Les inspections qui seront diligentées par un
gouvernement de plus en plus suspicieux aboutiront à la conclusion que
les conditions particulières du
« Sénégal » (sols, climat, facteur humain)
sont peu compatibles avec sa mise en valeur agricole, et qu'il convient de
favoriser à nouveau et au plus tôt le commerce, moins
risqué. En 1829, ces évaluations du bilan du baron Roger
proposaient donc d'en revenir à la simple exploitation des comptoirs.
Comme le remarque très justement P. DEBOUVRY, cette
longue litanie d'erreurs, seulement esquissée ici, n'empêchera pas
le modèle de se reproduire pendant les cent cinquante années
suivantes. « il annonçait, contre toute logique, la
série des futurs projets de mise en valeur fondés sur
l'imposition autoritaire de structures et de formes d'exploitation de l'espace,
en s'appuyant sur l'injection massive de capitaux et d'expertise, sans soucis
des us et coutumes des populations locales ».
Dès 1850, une approche différente, plus
inductive, à l'initiative du gouverneur PROTET allait assurer l'essor
fulgurant de l'arachide, sans intervention directe sur la production mais en
sécurisant son environnement et son écoulement. La pistache de
terre, comme on l'appelait à l'époque, originaire du
Brésil correspondait à une nouvelle demande européenne
(huile de table, savon) et sa production (expérimentale au
départ, par des maisons de négoce bordelaises) allait passer de
1000 à 20 000 tonnes entre 1840 et 1870, pour atteindre un million de
tonnes en 1970.
Ainsi naîtra le bassin arachidier,
caractérisé par sa monoculture, au centre du pays...bien loin de
la Vallée du Fleuve Sénégal qui restera à
l'écart de cette dynamique.
I.4.2- UN FOISONNEMENT
D'ACTEURS ET D'INITIATIVES
De ce point de vue, le contraste est flagrant entre la
région septentrionale de Saint Louis et la Casamance au sud, de
Ziguinchor à Kolda.
Dans cette dernière, la pluviométrie importante
du climat soudano-guinéen, à l'origine d'une
végétation luxuriante et de la forêt riche en produits de
cueillette, et l'abondance des terres agricoles ont pour beaucoup
contribué à l'autarcie très marquée qui
caractérise encore cette région et ses habitants. Aujourd'hui
encore, il est socialement très mal vu de vendre ou d'acheter du riz
(pour un rural s'entend), cette culture à la base de l'alimentation
devant être produite par la famille, pour la famille.
Aux facteurs naturels, il convient bien évidemment
d'ajouter l'isolement de cette région, lié d'une part à
l'enclave Gambienne issue du tracé des frontières par la France
et l'Angleterre, et d'autre part au conflit casamançais qui
s'éternise ; l'origine de ce dernier a du reste beaucoup à
voir avec l'isolement géographique de cette région agro
écologique, et le sentiment que le pouvoir central de Dakar n'a pas
consenti, loin s'en faut, les mêmes efforts qu'ailleurs pour en assurer
le développement économique et social.
A l'inverse, la bande la plus septentrionale du
Sénégal st caractérisée par un
écosystème sahélien, à la frontière du
Sahara dont seul le fleuve Sénégal la sépare par endroit.
Les conditions de survie y sont naturellement plus rudes pour l'homme et, en
l'absence d'investissements hydro-agricoles massifs, le milieu se prête
peu au développement d'une agriculture pluviale intensive et
performante.
Ces conditions hostiles, l'histoire de sa colonisation et de
ses échecs agraires, l'omniprésence du fleuve et la culture Maure
proche ont donc été propices au développement du commerce,
générateur d'échanges multiples, et de brassage de flux
monétaires assez importants pour générer de multiples
dynamiques (les dynamiques organisationnelles n'étant pas des moindres,
nous y reviendrons plus loin).
En l'absence de tissu industriel, avec un secteur primaire peu
développé au début, ce sont donc les services qui ont
porté durablement l'économie régionale : petit
commerce, artisanat, puis progressivement des services plus
« intellectuels », tels que le conseil et la formation.
Les tentatives de la puissance coloniale pour y
développer l'agriculture, avec le succès que l'on sait, à
l'aide d'apports financiers très importants ont contribué
à accentuer ce phénomène, en permettant à de
multiples acteurs économiques de graviter autour de l'environnement de
la production, laquelle s'apparente presque à un prétexte. Il est
ainsi frappant de constater aujourd'hui à quel point la rive gauche du
Fleuve Sénégal est une zone de concentration de bureaux
d'études et de conseil, de consultants de tout poil et autres
formateurs.
Dans l'histoire contemporaine, les ressources
financières mobilisées pour le développement de cette
région, qui n'ont pas d'équivalent dans le reste du pays, ont
été à l'origine de modes d'organisation
évolués et très répandus ; les interventions
sont multiples, du barrage aux casiers rizicoles aménagés, e
passant par le foisonnement de micro-actions générées par
la coopération décentralisée, plus présente
qu'ailleurs.
C'est dans la Vallée du fleuve Sénégal
qu'on dénombre le plus d'organisations professionnelles et
d'associations de toute sortes, dont l'origine peut être attribuée
à deux causes principales et généralement
liées :
De fait ces organisations, dont bon nombre ont
été suscitées pour bénéficier d'appuis
externes, se pérennisent en cherchant à développer non
seulement des services en direction de leurs membres, mais aussi et de plus en
plus en développant des prestations à l'externe, pour
générer davantage de revenus.
Ainsi chaque organisation, et chaque détenteur d'une
compétence particulière en leur sein, est donc un prestataire de
services en puissance. Il s'en suit un secteur très concurrentiel, et
une marchandisation parfois exacerbée de toutes formes de prestation.
C'est dans ce contexte particulier que nous observerons
comment fonctionne le Réseau des acteurs de la Formation de la
vallée du Fleuve Sénégal (RESOF), qui fut
créé pour permettre à ses membres de contribuer à
la régulation des pratiques dans le domaine des prestations de
formation, et à l'assainissement du secteur.
I.4.3- UN TERREAU ATTRACTIF
POUR LES EXPÉRIMENTATIONS
Là ou partout ailleurs dans le pays (Dakar
excepté) les ressources financières font défaut, rendant
problématiques les contributions financières même modiques
des bénéficiaires des appuis, la Vallée fait exception. Il
faut souligner la contribution singulière des émigrés qui
rapatrient une partie de leurs revenus.
Ces fonds seraient de l'ordre de 50 milliards de Francs CFA
par an, si l'on se base sur les mouvements comptabilisés (Transfert
union notamment).
Ainsi à Bakel, petite ville proche de la
frontière malienne, il n'est pas are que le petit commerçant de
détail vous rende la monnaie ...en Euros.
Il convient bien sûr de rappeler également
l'importance des investissements lourds consentis dans l'agriculture
irriguée depuis les années 60, par le truchement de la
société d'aménagement des terres du delta (SAED) ;
cette structure étatique tentaculaire durant les deux premières
décennies, a employé des effectifs considérables de
techniciens et encadreurs.
L'ambition de faire de cette région le grenier à
riz (après le coton et l'indigo) s'est traduite par l'aménagement
de nombreux périmètres irrigués en gestion collective,
confiés à des unions hydrauliques qui négocient chacune
des centaines de millions de FCFA de prêts annuels avec la Caisse
National de Crédit Agricole.
Enfin, l'installation d'agro-industries pour rentabiliser en
partie les investissements hydro-agricoles est une autre
spécificité de la région ; la SOCAS (concentré
de tomate), la CSS (canne à sucre), et tout dernièrement les
Grands Domaines du Sénégal (Fruitière de Marseille) pour
les cultures maraîchères d'exportation versent chaque mois une
masse salariale importante (les GDS emploient jusqu'à 3500 saisonniers,
et ce n'est qu'un début).
Les masses financières qui drainent ainsi
régulièrement la Vallée ne sont donc pas
étrangères à l'importance des multiples dynamiques
locales. Il en va ainsi dans des domaines très variés :
Plans locaux de développement, charte du domaine irrigué, mise en
place d'un cadastre dans plusieurs Communautés Rurales (échelon
de base de la décentralisation), implantation du conseil de gestion et
comptabilité pour les Organisations Professionnelles Agricoles, tourisme
et croisière fluviale, centre de formation paysanne, soutenu par la
Coopération française et reconnu d'utilité publique par
l'Etat, etc.
Ce n'est donc pas un hasard si l'expérimentation d'un
dispositif de régulation participative de la Formation Agricole et
Rurale s'est porté instinctivement sur cette région, et y a
rencontré un écho favorable.
I.5- LE RESOF : UNE
TENTATIVE DE RÉPONSE-FORMATION TERRITORIALISÉE
I.5.1- DES UTOPIES COLONIALES
ET POST-COLONIALES DE LA MISE EN VALEUR DU FLEUVE SÉNÉGAL14(*), À LA STRATÉGIE
NATIONALE DE F.A.R DE 1999
Prenant sa source en Guinée, dans le massif du
Fouta-Djalon, le fleuve Sénégal coule vers le nord, et traverse
des contrées de plus en plus arides, confinant au désert
près de son embouchure. De tout temps, la crue du fleuve a
été essentielle à la mise en culture des deux rives,
d'autant plus que les pluies se raréfiaient. Cette crue annuelle
apparaît en fin de saison des pluies et permet l'exploitation de la
moyenne vallée, plaine alluviale cultivée en saison sèche
après le retrait des eaux. Un système de production
millénaire s'est ainsi construit dans le temps, jouant de la
complémentarité des cultures et parcours de décrue dans le
Walo (basses terres), qui succédaient aux cultures et pâturage s
sous pluie du Diéri (hautes terres).
Selon une étude de l'IRD pour l'Organisation de Mise en
valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) en 1999, sur la période
1946-1971 65 000 hectares sont cultivés côté
Sénégal, alors que les surfaces inondées sont
estimées à 312 000 ha des deux côtés du fleuve (pour
108 000 ha cultivés).
Ainsi que l'explique assez crûment Adrian Adams,
« .../...Les projets de mise en valeur du fleuve, fondés
depuis l'époque coloniale sur la riziculture irriguée, n'ont
jamais tenu compte de ce système de production millénaire. A
partir des années 1960, les pluies et la crue ont fortement
diminué, disparu même certaines années. Pour
l'élevage comme pour l'agriculture, la sécheresse allait
simplifier les choses, en permettant aux « développeurs » de
faire comme si les systèmes de production traditionnels de la
Vallée appartenaient désormais au passé ; l'avenir,
c'était l'agriculture irriguée. Avec l'adhésion du
Sénégal au programme de l'OMVS, la politique de la table rase
devenait irrévocable ; les barrages projetés ne supprimeraient
pas la pluie, mais ils permettraient de supprimer en grande partie la
crue ».
Plusieurs décisions de l'OMVS, créée en
1972, lui donnent malheureusement raison, nous allons le découvrir.
Au nombre de ses objectifs figurent la sécurisation des
économies pour les rendre moins dépendantes des conditions
climatiques, et l'amélioration des revenus des habitants du bassin du
fleuve, cette organisation annonce un programme fondé sur la
construction de deux barrages estimés à 136 milliards de FCFA fin
70, l'un pour constituer une réserve en amont et l'autre en aval pour
empêcher la remontée des eaux salées.
L'irrigation, la navigation et l'énergie (centrale
hydro-électrique au barrage de Manantali) sont les trois volets
prévus.
Il était prévu de mettre en valeur rien de moins
que 400 000 hectares de cultures irriguées (blé et riz), soit
quatorze fois plus qu'avant, et dans un délai de moins de dix ans ;
après vingt ans de crue artificielle mais dégressive, il
paraissait évident que l'intégralité de la population de
la Vallée serait occupée à travailler dans les
périmètres irrigués (PNUD- OMVS, 1974).
En 1987 et de 1989 à 1992, l'OMVS est directement
responsable de l'absence d'emblavement puis de la destruction des cultures de
décrues : elle privilégie la hauteur d'eau du
réservoir et refuse d'opérer les lâchers
nécessaires, ou le fait à contre emploi, noyant ce qui a
été emblavé.
Peu à peu, on assiste à une dichotomie
régionale :
Les stratégies traditionnelles de survie, où
l'on se détourne ponctuellement de l'agriculture lorsque les conditions
de l'année hypothèque la rentabilité des maigres moyens
disponibles, risquent alors d'aboutir à l'exclusion des paysans
« historiques » du domaine irrigué, dont on doit
rentabiliser l'investissement initial chaque année, et si possible deux
fois l'an.
A la suite de plusieurs études et critiques très
virulentes contre la politique de l'OMVS, de 1987 à 1990, les travaux de
l'Institute for Development Anthropology, basé aux Etats-Unis,
démontrent le double intérêt des cultures de décrue,
plus rentables et productives à surfaces égales, en minimisant
les risques. Le Sénégal est favorable à cette option,
privilégiant l'idée d'une crue permanente contrôlée
à partir du barrage, sans que cela ne soit incompatible avec la
production d'électricité.
Ce point de vue s'attirera les foudres du Haut Commissaire de
l'OMVS qui le considérera comme un affront à l'autorité de
l'OMVS, et l'expert de l'Institut ayant produit cette étude se verra
rappeler par le personnel OMVS « qu'il était dangereux
même de poser des questions au sujet de la crue artificielle, car cela
pourrait donner à croire aux paysans qu'ils y avaient
droit ».
Au final, comme au temps du baron ROGER, la
réalité des chiffres ramène les objectifs initiaux
à ce qu'ils n'ont jamais cessé d'être, c'est à dire
des utopies :
Potentiel irrigable : 240 000 hectares
Superficies aménagées : 94 000 hectares
Superficies encore exploitable : 64 000 hectares (
où la maîtrise de l'eau est possible)
Surfaces cultivées : 35 à 40 000 hectares
(tous systèmes confondus)
Production de riz : 85000 tonnes (début 60),
jusqu'à 200 000 T (2002-2004)
On notera pour l'anecdote que l'objectif fixé l'an
passé est de doubler cette production d'ici à trois ans
(seulement) pour satisfaire la demande nationale ; celle-ci a
obligé le pays à importer (en moyenne sur la période 2000
- 2003) 630 000 tonnes de riz, et 240 000 tonnes de blé...
En 1985, la Nouvelle Politique Agricole, qui butera sur les
contraintes de l'ajustement structurel, puis le Programme National de
Vulgarisation Agricole jusqu'en 1995, se focaliseront au plan national sur
l'augmentation de la production, pour accroître les recettes
d'exportation du jeune Etat Nation. Elles oublieront l'importance de la
productivité, et feront peu de cas du Capital Humain du secteur
agricole, réduisant le rôle du producteur à la seule
exécution des tâches techniques de production, très
encadrées par les techniciens de l'Etat.
Le bon encadreur, pour avoir des résultats,
n'hésitait pas parfois à brandir la menace de la chicote
lorsqu'un producteur de son secteur manifestait quelques
velléités d'indépendance.
La chute tendancielle des cours mondiaux des matières
premières agricoles, combinée aux effets de la sécheresse
(et de la descente au sud des isohyètes), ainsi que le
désengagement brutal de l'Etat des fonctions d'approvisionnements et de
collecte, laissera exsangue l'économie rurale et ses principaux acteurs,
peu préparés à s'adapter à un nouvel environnement
plus contraignant, dont ils ignorent les règles de fonctionnement du
marché.
Cette situation sonnera le glas de la vulgarisation de type
« training and visit », conceptualisée par le
« gourou » de la Banque Mondiale, D. BENOR.
Il s'agissait en ait d'un système de type Top-down de
transmission de consignes techniques (sous forme de paquets technologiques)
identifiées par le sommet de l'échelle du dispositif comme les
plus pertinentes ; mais cette position était très
éloignée des réalités sociologiques et du terrain.
Les vulgarisateurs étaient désormais évalués sur le
nombre de thèmes techniques diffusés, le nombre de visites
effectuées chez les producteurs, et accessoirement sur le taux
d'adoption de ces nouvelles pratiques performantes en milieu paysan.
Malheureusement pour ce système de développement
et ses défenseurs, et heureusement pour les paysans, leur bon sens
légendaire leur permettra de faire le tri des innovations dont ils
pouvaient tirer une plus value, et d'ignorer les autres, dont certaines
étaient manifestement inadaptées aux réalités, ou
qui auraient pu leur coûter cher.
Nous citerons par exemple l'incitation à abandonner les
cultures associées dans les champs de case, technique jugée trop
brouillonne et peu compatible avec la performance moderne et
cartésienne, qui utilisent pourtant rationnellement l'espace, la
fertilité du sol et les complémentarités de plantes aux
besoins différents, et qui représentent surtout par leur
diversification une garantie de sécurité alimentaire plus
efficace que la monoculture, en cas d'attaque parasitaire massive ou d'incident
climatique.
L'ancien paradigme, qui avait montré ses limites,
laissera alors la place à une approche participative, non directive et
plus réactive : la naissance du Conseil Agricole et Rural renvoie
la vulgarisation ancienne formule à la préhistoire.
Sous l'impulsion de la Banque Mondiale, la plupart des pays
d'Afrique sub-saharienne élaborent durant la seconde partie des
années 90 des Programmes de Services Agricoles (conseil, recherche) et
d'Appui aux Organisations de Producteurs.
Englués dans la crise liée à
l'affaiblissement de l'Etat, mais aussi sans doute aveuglés par leur
statut social avantageux qui les avait coupé durablement des
réalités du monde agricole, les acteurs du dispositif national de
formation agricole, quasi-exclusivement public, ne surent saisir
l'opportunité de prendre en marche le train des réformes du
développement rural.
La réflexion nationale qui conduira à la
conception, puis la mise en oeuvre du programme PSAOP, à l'aube du
troisième millénaire, laissera les professionnels
« institutionnels » de la formation sur le bord du chemin.
Il s'agissait pourtant du principal programme d'investissement du secteur
agricole issu de l'ajustement structurel, et l'un des plus largement
dotés en financement.
Au démarrage de sa mise en oeuvre, ce sont
essentiellement des chercheurs sénégalais qui s'apercevront du
hiatus ; ils initieront et piloteront à son terme une vaste
réflexion spécifique à la F.A.R, en considérant que
même si le dispositif existant était jusque là très
peu impliqué dans la formation directe des producteurs, il n'en
demeurait pas moins le seul dispositif pourvoyeur de ressources humaines
qualifiées dont avait besoin le nouveau Conseil Agricole et Rural. La
nouvelle Agence Nationale du Conseil Agricole et Rural (ANCAR) prévoyait
de pourvoir assez rapidement chacune des 320 Communautés Rurales en
conseiller agricole de base, via ses dix directions régionales.
Cette réflexion spécifique, qui durera un an et
demi s'appuiera sur une triple analyse historique, diagnostique et prospective,
pour proposer en mai 1999 une Stratégie Nationale de FAR ; celle-ci
sera validée au cours d'un atelier national réunissant 120
acteurs de la formation et du développement rural.
En faisant le choix d'une agriculture paysanne familiale, elle
pointe pour la première fois la nécessité de
répondre aux besoins des ruraux dans tous les domaines, pour accompagner
les mutations d'une nouvelle économie rurale dans laquelle
émergeront de nouveaux métiers (liés au
désengagement de l'Etat d'un certain nombre de fonctions qu'il assumait
jusque là).
En insistant par ailleurs sur l'indispensable
alphabétisation de tous les ruraux, la SNFAR recommande de mettre en
place, sous forme participative, la régulation du sous-secteur pour
améliorer la qualité globale des prestations offertes, et
réduire le décalage important constaté entre l'offre et la
demande de F.A.R.
A la suite de cet atelier national, l'Etat créera un
comité national de planification stratégique de la FAR (2000),
qui restera lettre morte en raison de l'alternance politique intervenue au
même moment.
La coopération suisse, très engagée dans
la FAR depuis 1975 (à travers un appui direct aux établissements
de formation des techniciens et ingénieurs), et dont la
représentation locale compte plusieurs acteurs de la Recherche
Agronomique sénégalais, sera à l'initiative de plusieurs
expérimentations conduites à l'échelon local et
régional, dont notamment :
I.5.2- LA NAISSANCE DU RESOF EN
2000 : DES AMBITIONS COMMUNES AFFICHÉES, MAIS UNE INITIATIVE
EXTERNE
Notre entretien avec Jacques FAYE, sociologue rural et ancien
directeur général de l'Institut Sénégalais de
Recherche Agronomique (ISRA) au moment des faits, éclaire les conditions
dans lesquelles a émergé l'idée de faire travailler en
réseau les acteurs de la formation agricole et rurale, dans la
Vallée du Fleuve Sénégal. C'est lorsqu'il travaillait sur
le nouveau projet d'établissement de l'ISRA, qui a conduit à la
création du Fonds National de Recherche Agricole et Agroalimentaire, que
cette idée a germé.
La question centrale était alors la suivante :
« Comment s'organiser pour en faire davantage, sachant que nos pays
disposent de moyens limités ? »
Le constat était unanimement partagé : des
personnels nombreux, répartis dans de nombreuses institutions oeuvrant
dans le développement rural. Il paraissait donc logique de les faire
travailler ensemble, pour permettre d'additionner les avantages comparatifs de
chaque institution, tout en décloisonnant des institutions qui
travaillaient pour le même bénéficiaire final.
La question qui venait immédiatement après
était donc : comment on va s'y prendre ?
Deux options se présentaient alors :
1) fusion de ces institutions
Mais très rapidement, les nombreux freins
identifiés incitèrent à penser que cette solution ne
menait nulle part.
2) les faire fonctionner en réseaux (sur
des sujets d'intérêt commun).
Dans ce cas, il fallait que quelque chose motive les gens
à aller dans ce sens car une limite apparaissait
immédiatement : les moyens financiers. En effet,
« outre le fait qu'il n'est pas illimité, l'argent qu'on
« flaire » attire du monde, et pas nécessairement
pour la bonne cause ».
Le contexte général était cependant
favorable pour conduire certaines réformes ; le ministre de
l'époque (Robert SAGNA) souhaitait redonner une image positive au
ministère, et le gouvernement voulait remettre un peu d'ordre dans le
secteur.
Il était également question de créer une
véritable Direction de la Formation Professionnelle Agricole ; le
président de la République avait donné le feu vert, et la
Banque Mondiale et la Coopération Française étaient
également d'accord pour l'appuyer.
Tous les décideurs s'accordaient sur la
prégnance d'un exode rural déjà bien visible à
cette époque. Il paraissait évident que tous les jeunes ruraux ne
pourraient pas s'installer en tant qu'agriculteurs, et que la Formation
(Agricole et Rurale) était un moyen de donner aux jeunes les clés
pour entrer dans l'économie urbaine, et les armer pour qu'ils puissent
affronter cette mutation avec un minimum de chances de réussite
d'insertion.
« Au départ, l'idée était
aussi de concéder le service public aux ONG et opérateurs
privés qui souhaitaient gérer des centres de formation. Cette
idée valait également pour le Conseil agricole, car selon moi,
l'ANCAR ne devait pas disposer de personnels de terrain (contrairement à
la version actuelle qui a été mise en place dans le cadre du
programme des Services Agricoles et d'Appui aux Organisations de
Producteurs(trices) PSAOP). »
« On a donc dit à ces acteurs, qui se
situent dans le champ de l'opérationnel : « Si vous vous
mettez en réseau, en nous expliquant pour quoi faire, on vous donnera
les moyens de travailler » ! C'est la
« carotte » que nous avions trouvé pour les inciter
à aller dans ce sens. »
Six ans plus tard, Jacques FAYE reconnaît que les
avancées sont minces, et en attribue d'abord la cause à
l'alternance politique de 2000, la nouvelle équipe gouvernementale
aurait découragé les acteurs impliqués en mettant
« au placard » les dossiers en cours, hérités
de l'équipe précédente.
En vérité, au nombre de ces acteurs figuraient
en bonne place les paysans eux-mêmes, et ils ne semblent pas s'être
beaucoup investi dans les réseaux émergents, peut être en
raison du fait que cette initiative n'était pas parti d'une demande
formelle de leur part.
Pourtant, l'idée de départ se limitait à
rendre visible quelque chose qui existait en partie déjà dans les
faits, au quotidien. Ainsi, les représentants de la profession, comme le
président de l'imposante Fédération des
Périmètres Autogérés, et l'Ecole Nationale
d'Economie Appliquée, travaillaient déjà ensemble sur les
problématiques du Conseil et de la Formation Agricole.
Cet éclairage nous incitera à nous
intéresser au point de vue des divers membres du RESOF, lorsque cette
idée leur a été proposée en 2000, pour mieux
appréhender leurs motivations respectives et mieux comprendre comment
celle-ci pouvait trouver sa place dans les dynamiques en cours.
PROBLEMATIQUE
Le Réseau des acteurs de la Formation de la
Vallée du fleuve Sénégal (RESOF), créé en
2000, regroupe un certain nombre d'acteurs ruraux, situés soit sur
l'offre, soit sur la demande de formation (public, privé et
associatif).
La Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale,
déclinée en 1999, recommandait aux acteurs de la formation de
s'organiser en réseaux pour leur permettre de faire jouer les
complémentarités et pour mettre en oeuvre collégialement
une régulation de leurs pratiques.
Six ans plus tard, la visibilité du RESOF semble
perfectible, les acquis semblent fragiles tant pour des raisons internes
qu'externes (absence de cadre de pilotage du sous-secteur), et le dispositif
semble faire du « sur place » à cause principalement
de la vive concurrence sur le marché de la formation ; il s'en suit
que les échanges de pratique tout comme les velléités
d'assainir le secteur avec une plus grande transparence, butent sur une
méfiance générale.
Notre travail consistera à répondre à la
question suivante :
En quoi l'organisation en
réseau, au sein d'un territoire donné,
des acteurs situés sur l'offre et sur la demande
de formation agricole et rurale (F.A.R.) peut-elle
contribuer à la régulation
participative de l'offre de services, pour permettre
à celle-ci de mieux satisfaire la demande ?
Nous explorerons dans un premier temps les différents
concepts mobilisés pour nos travaux afin de leur donner une
signification concrète, et d'en tirer des indicateurs observables pour
mesurer les avancées obtenues par le RESOF et ses acteurs dans le champ
de la régulation de la formation agricole et rurale.
Nous aborderons successivement :
1) La notion de Formation Agricole et Rurale (FAR)
2) L'organisation d'acteurs en Réseaux
3) L'offre et la demande de formation
4) La Régulation
5) Le concept de participation appliqué à la
régulation
6) Le développement local
Afin d'étayer notre raisonnement, nous nous adosserons
aux deux hypothèses de départ suivantes :
· Un réseau favorise la production d'une
intelligence collective, qui va au delà de la somme de ses membres. Il
peut constituer un cadre privilégié où s'élabore
une vision holistique partagée et où se construit le
consensus.
· Mais les réseaux (humains) ajoutent de la
complexité aux problématiques déjà complexes qui
ont motivé leur création.
En l'occurrence, la régulation envisagée sous
forme participative (plutôt que directive) par le réseau concerne
un secteur d'activité marchand où une partie de ses membres
offreurs de formation, publics et privés, se retrouvent en situation de
concurrence, tandis que d'autres membres se situent sur la demande (acheteurs
de formation). Cette mixité, à priori complémentaire,
peut s'apparenter de ce fait à un frein lorsqu'il s'agit de proposer et
mettre en oeuvre une régulation des pratiques.
Dans un second temps, nous ferons appel aux indicateurs que
nous aurons mis en évidence pour procéder à l'analyse du
RESOF, au cours de laquelle nous nous attacherons à observer i) les
connaissances et les compétences nouvelles (et partagées)
éventuellement produites, ii) les innovations en termes de
régulation, imputables à l'influence du RESOF, et iii) les
changements d'ordre comportemental induits.
DEUXIEME PARTIE
APPROCHE THÉORIQUE D'UN RÉSEAU D'ACTEURS DE LA FORMATION
AGRICOLE ET RURALE DANS UN TERRITOIRE
II- DEFINITION DES CONCEPTS
MOBILISES
DEUXIEME PARTIE
Approche théorique d'un réseau d'acteurs
de la formation agricole et rurale dans un territoire
DEFINITION DES CONCEPTS MOBILISES
II.1- FORMATION AGRICOLE ET
RURALE
Cette appellation peut sembler saugrenue, en raison de
l'apparent pléonasme qu'elle renferme ; en effet les formations
agricoles sont déjà incluses dans le domaine des formations
rurales.
Avant d'aller plus loin, nous nous sommes tournés vers
Alain Maragnani et Pierre Debouvry, qui nous proposent un glossaire mentionnant
ces deux termes15(*) :
FORMATION AGRICOLE
|
Formation professionnelle concernant les activités de
production, transformation, distribution des produits agricoles et alimentaires
et de services à l'agriculture.
Elle peut être initiale (apprentis, élèves
et étudiants), ou continue (exploitants et exploitantes agricoles,
jeunes en cours d'installation, salariés agricoles ou des organisations
professionnelles agricoles).
|
FORMATION RURALE
|
Les formations rurales concernent toutes activités de
formation en zones rurales.
Elles peuvent être d'éducation primaire,
d'éducation de base, d'enseignement technique (agricole ou non), de
formation professionnelle initiale (notamment d'apprentissage) ou continue.
|
A l'origine, il était question de formations agricoles
au sens premier du terme, c'est à dire
« agricolo-agricoles », centrées sur le
métier d'agriculteur, mais par la suite est apparue la
nécessité d'adopter une approche plus systémique.
Nous notons que le concept de « Formations Agricoles
et Rurales » (FAR) semble plutôt réservé aux pays
en développement. En qualité de pur produit de l'enseignement
agricole public français, nous devons avouer que cette terminologie nous
était inconnue jusqu'au moment où nous nous sommes
expatriés.
Dans les lycées agricoles, outre l'enseignement et la
formation professionnelle agricole, on parlait jusqu'à aujourd'hui de
ruralité, de diversification, voire de pluri activité (de plus en
plus), de gîtes ruraux, de transformation et de vente à la
ferme...mais pas de formations agricoles et rurales.
La raison est en sans doute, qu'en France, les professions
sont parfaitement définies et que la quasi totalité des
activités est encadrée par autant de réglementations (ou
de législations) spécifiques et fort détaillées.
(en tout cas depuis la fin de la seconde guerre mondiale). A l'inverse, dans un
pays d'Afrique sub-saharienne tel que le Sénégal, les normes sont
l'exception :
De ce fait, le « métier » de
paysan (certains parlent plutôt de condition) consiste à
gérer de courtes périodes de pointe et une inactivité
agricole qui peut s'étaler sur huit mois de l'année.
Les rendements sont faibles (largement inférieurs
à dix quintaux par hectare en vivrier, quand les agriculteurs du Bassin
Parisien se plaignent de rendements inférieurs à 90 qx en
blé tendre) tout comme le sont les superficies unitaires des
exploitations familiales (de dix à vingt fois inférieures
à leurs homologues françaises en céréaliculture et
polyculture-élevage). Pourtant, il faut générer un revenu
qui permette à la famille de subvenir à ses besoins toute
l'année.
Dans ces conditions, chacun des membres de la famille en
âge de se livrer à une activité professionnelle essaie
ailleurs de monnayer en morte saison ses compétences et sa force de
travail. C'est ainsi que la grande majorité des paysans possède
au moins les rudiments de deux ou trois métiers différents :
agriculteur, maçon ou menuisier, conducteur d'engins de TP, etc.
Les jeunes p artent temporairement dans les grandes villes
avec un attelage pour y être charretier, d'autres manutentionnaires ou
manoeuvres. Les femmes s'emploient sur place à la vannerie, au tissage,
à la teinture et à la cueillette de nombreux produits
végétaux et forestiers. Selon les opportunités, elles
n'hésitent pas à partir travailler comme ménagères
à la ville ; elles sont nombreuses dans la Vallée du Fleuve
Sénégal à traverser le fleuve pour trouver à
s'employer comme « bonnes » en Mauritanie.
Cette extraordinaire diversité de situations n'a jamais
été prise en compte par les différentes catégories
d'opérateurs de formation agricole, dont l'offre de service trop
spécialisée conduirait la plupart du temps à segmenter
artificiellement un ensemble cohérent d'activités
professionnelles complémentaires et parfaitement synchronisées
tout au long de l'année, pour sécuriser le revenu de la
famille.
D'un autre côté, la formation professionnelle
classique, dans les secteurs secondaire et tertiaire, s'intéresse
exclusivement elle aussi à la technicité de métiers
parfaitement identifiés et spécialisés dans un seul
domaine, comme la plupart des métiers de l'artisanat (s'agissant du
monde rural). C'est donc en réponse au décalage important entre
l'offre de formation spécialisées et la demande,
caractérisée par une pluri activité élevée
au rang de règle généralisée, qu'est né le
concept de formation agricole et rurale.
Rapidement cependant, ce concept engloba l'ensemble des
activités professionnelles, pour peu qu'elles se déroulent en
milieu rural. C'est ainsi que s'en emparèrent les professionnels de la
santé, de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la
démographie et du planning familial, de la décentralisation, de
la nutrition, et bien d'autres encore.
Très vite, les problématiques de l'agriculture
stricto sensu se sont retrouvées noyées, pour ne pas dire
à la marge Ainsi sommes nous tentés de justifier cet apparent
paradoxe : formations agricoles et rurales, pour que
l'agricole ne soit pas oublié dans la masse des préoccupations
s'intéressant à un (juste) titre ou un autre aux acteurs du monde
rural dans son ensemble.
Après une période assez stérile de
polémiques, où les adeptes du « tout-global »
se sont vu opposer une résistance farouche des
« agriculturophiles » , chacun a fini par se rendre
à l'évidence : vouloir intervenir simultanément sur
toutes les facettes de la ruralité conduit à la dispersion des
efforts et des ressources, sans véritable impact visible si ce n'est un
accord général sur la complexité d'une telle approche.
La FAR est ainsi revenue naturellement à sa vocation
première : s'intéresser au développement rural,
plutôt qu'au développement provincial ! Son champ
d'intervention mieux circonscrit, les difficultés ne font pourtant que
commencer tant le domaine est étendu, depuis l'alphabétisation,
fonctionnelle ou non, jusqu'aux formations supérieures agronomiques et
vétérinaires. S'ajoute à cette difficulté
l'approche (pas toujours critique) par les formateurs de la notion de
professionnalisation, dans le contexte des agricultures paysannes que nous
avons brièvement évoqué plus haut.
En effet, dans le domaine agricole également, le
formateur lambda de la formation professionnelle a le défaut
d'être avant tout un technicien, aux yeux duquel les savoirs paysans
traditionnels ne trouvent pas grâce. Le technicien est épris de
techniques modernes et productives (et de techniques seulement) qui sont sous
ces cieux généralement importées et rarement
adaptées en l'état à un contexte fort différent de
celui pour lequel elles ont été mises au point. Le second
défaut du formateur tient au fait que la prégnance de la
dimension pédagogique tend à réduire son champ de vision
et de compréhension, dans son approche de la formation, comme le
rappellent Denis Pesche et Loïc Barbedette16(*) dans l'encadré ci dessous.
Relativiser la dimension "pédagogique" dans
l'approche de la formation : Cette première remarque - dont nous
forçons volontairement le trait - peut paraître paradoxale,
d'autant que nous sommes nous-mêmes issus de "l'espace des
pédagogues" ; elle s'est pourtant imposée à nous à
travers l'expérience : les questions de méthodes
pédagogiques ne sont pas premières et sont souvent des "questions
refuge". En cela nous partageons tout à fait l'hypothèse qui
avait été avancée par le groupe "formation" du
réseau recherche-développement dans le travail
précédemment cité et selon laquelle l'adoption
d'innovations et l'acquisition de nouveaux savoir-faire par les paysans (et de
façon plus générale les acteurs adultes) n'est pas d'abord
une question de pédagogie : quand les conditions externes
(économiques, écologiques, institutionnelles...) favorables
existent ou sont créées, les acteurs qui ont une structure
cognitive de base (ce qui est le cas de la plupart des adultes, même non
alphabétisés) apprennent vite s'ils peuvent avoir accès
aux sources d'information pertinentes.
On reviendra à propos de
"l'apprentissage" sur les implications de cette observation. Pour le moment
elle indique l'importance qu'il y a à prendre en considérations
d'autres domaines (le développement global, la profession, le cadre de
dialogue...) que le seul domaine de la formation, et ainsi de pouvoir
identifier les "conditions-cadres" dans lesquelles vont s'inscrire les
stratégies de formation, mais sur lesquelles il peut aussi
s'avérer prioritaire d'agir pour permettre le développement de
capacités.
Tous ces éléments contribuent à faire
douter de la pertinence d'un dispositif de formation agricole et rurale, qui
serait calqué sur le modèle conventionnel de la formation
professionnelle classique. (ce qui peut expliquer l'état comateux de
l'actuel dispositif mis en place au lendemain de l'Indépendance)
L'inéluctable nécessité de prendre
en compte l'apprentissage familial ( Pierre Debouvry )17(*)
(...) "En Afrique de l'Ouest, la formation professionnelle
agricole est de fait assurée, dans la très grande majorité
des cas, par le canal de l'apprentissage familial. Dans ce contexte, la
formation gestuelle se fait principalement par l'observation ; l'apprenti
regarde ses parents travailler, peu à peu, il essaie seul, par
mimétisme, de reproduire ce qu'il a vu, il se corrige et se fait
corriger ; il s'informe, notamment sur le "comment" et le "pourquoi"
auprès de ceux qui savent. Il n'a pas de "cours" mais des "situations de
formation" apportant des enseignements au fur et à mesure de la
maîtrise des techniques par l'apprenant et au rythme des calendriers
agricoles.
L'apprenti est d'abord un autodidacte. Cette formation ne
se limite pas à la transmission des pratiques manuelles et des savoirs
technologiques comme le font le plus souvent les écoles; elle
prépare également le/la formé(e) à toutes les
fonctions de relations sociales du métier : avec la famille et la
collectivité villageoise (éducation sociale), les fournisseurs et
les clients (qui, quoi, où, comment, combien ?), l'Etat (état
civil, fiscalité, législation foncière), les autres
producteurs/trices et autres métiers ruraux avec les systèmes
d'épargne et/ou de crédits (formels, informels).
Tous ces aspects relationnels sont, en règle
générale, sous-estimés dans les enseignements initiaux, y
compris professionnels, qui sont censés former des "agents du secteur
moderne" (fonction publique, entreprises agricoles, agro-industrie), où
le futur employeur assumera l'essentiel de ces relations avec
l'extérieur, pour ne laisser aux employés que la production et la
relation au savoir technique. L'apprentissage familial est donc beaucoup plus
qu'une simple transmission de savoirs gestuels et techniques. Fondé sur
la "pédagogie de l'activité" et "l'auto-formation", il permet
à l'apprenant de se forger par l'expérience des attitudes
(ajustement, défense, expression, caractérisation)
nécessaires à l'exercice des fonctions sociales.../...
Cette distinction entre formation et apprentissage bouleverse
l'univers de pensée traditionnel...des formateurs, comme l'explique
très clairement le même Loïc Barbedette :
« .../... le quatrième cas de figure
identifié par Quaternaire-Education (transformation d'un milieu de
travail en milieu éducatif) était à l'époque le
plus nouveau et apparaissait comme le plus porteur d'avenir. La mise en oeuvre
d'interventions selon cette orientation supposait que "toutes les tâches
d'ingénierie dont un milieu de travail est le siège soient faites
sous une forme participative". La perspective éducative est ici
inversée : elle n'est plus centrée sur la formation et la
relation du formateur vers le formé, mais sur l'apprentissage, c'est
à dire sur la construction du rapport de l'apprenant au savoir. Depuis
lors, le courant de pensée D.O. ("développement organisationnel")
a élaboré cette distinction entre formation et
apprentissage. »
dans un secteur très exposé aux
conséquences de la mondialisation, qui peut faire d'une culture rentable
aujourd'hui une spéculation déficitaire demain, la
finalité n'est plus le transfert de connaissances et l'acquisition de
savoirs-faire techniques, mais bien de développer davantage l'autonomie
de pensée et d'action des acteurs, en développant leurs
capacités d'auto apprentissage.
Enfin, la dimension sociologique a été trop
longtemps sous estimée par les professionnels de la formation
agricole ; la plupart du temps, les dispositifs classiques de formation
s'efforcent de préparer les individus à exercer un métier,
alors que l'apprentissage familial, sur le tas, s'est toujours donné
pour mission première de préparer à vivre dans la
société rurale, et à y exercer des responsabilités
au plan social.
Les paroles de plusieurs responsables de la
Fédération des ONG au Sénégal (FONGS), lors d'un
échange avec Daouda Diagne18(*) et Denis Pesche en 200219(*), sont édifiantes sur ce
dernier point :
« La formation traditionnelle était un support
pour acquérir les connaissances globales pour s'insérer dans la
société, disposer des éléments pour cela. La
motivation n'était pas le métier, mais vivre dans sa
société. Cela existe toujours dans les temps modernes. Quand je
pars dans le champ avec mon fils, je lui explique que ce que l'on fait apporte
la sécurité à la famille. Ce n'est pas l'apprentissage du
métier qui est déterminant, mais qu'il comprenne que le travail
est indispensable pour vivre. »
« Former, oui, mais pour qui ? est-ce individuel ou
plus global ? Je reviens sur l'exploitation familiale : est-ce que dans la
famille la transmission ne se faisait pas en fonction d'un objectif global, qui
touche toute la famille (j'apprends en fonction de tous), alors que
l'apprentissage moderne ne concerne que l'individu. Celui qui est formé
globalement appliquait de façon collective, alors que l'individu trace
son avenir en solo. »
« Dans le bassin arachidier, c'est le chef
d'exploitation seul qui a bénéficié de la vulgarisation
agricole, pourtant, les femmes travaillaient aussi dans les champs. Cela a
créé un déséquilibre. Cette tare des techniciens,
on en retrouve les effets aujourd'hui. Impliquer les femmes, cela a
été le défi de l'animation rurale, faire en sorte qu'elles
participent aux réunions sous l'arbre à palabre. Dans la famille,
il faut qu'il y ait un équilibre dans la formation entre les
différentes personnes. »
« Quand tu vas à l'école, tu es
calé à partir du diplôme ; quand tu es formé sur le
tas, tu es calé à partir de la
responsabilisation. »
Comment prendre en compte et valoriser le modèle
dominant de formation que représentent les apprentissages paysans au
Sénégal ?
Cette question nous ramène instantanément
à la réflexion que devrait logiquement s'approprier les acteurs
qui se positionnent sur la régulation du sous secteur de la FAR. Le
RESOF est l'un de ces acteurs dans la Vallée, et l'appui à la
mise en oeuvre de la régulation participative est l'une de ses
principales missions...
II.2- LES RESEAUX
Le réseau en tant que forme d'organisation est
d'origine récente ; cependant, au fil d'une évolution des
organisations de toutes formes, marquée par une complexification
croissante du fait d'interactions et d'interdépendances toujours plus
nombreuses, les réseaux prolifèrent.
Même si beaucoup meurent précocement, il s'en
crée de plus en plus chaque jour, à l'image des associations (de
type Loi 1901), dont le rythme de création annuel est passé en
France de 20 000 en 1960 à plus de 60 000 au début des
années 90.
Au delà du domaine informatique qui a grandement
contribué à populariser la notion de réseau, nous nous
intéresserons essentiellement aux réseaux humains,
composés d'acteurs reliés entre eux pour le
bénéfice d'une cause commune, que celle-ci soit à haut
risque comme un réseau de résistants, ou pour faire avancer la
connaissance et en retirer un intérêt économique ou
social.
Les exemples sont légion, du Réseau Voltaire20(*) fondé en 1994 pour la
défense des libertés individuelles et de la
laïcité», au réseau international des Instituts Pasteur
créé en 1988, mais parti de l'impulsion de
Jacques Monod lorsqu'il
créa en 1972 le conseil des Directeurs des Instituts Pasteur.
Un réseau tentaculaire peut parfois partir d'une action
individuelle ; c'est le cas du Réseau des Réseaux, dont le
libellé exact est Mouvement des Réseaux d'Echanges
Réciproques de Savoirs. (MRERS).
Au tout début des années 1970, une institutrice
d'Orly21(*) ressent la
nécessité d'éveiller l'esprit des enfants et d'ouvrir
l'école sur la cité. Cette première coopération
entre les acteurs de la ville et l'école primaire, en favorisant son
ouverture, se donnera pour objectif de créer du lien social pour
favoriser la réussite scolaire. Dix ans plus tard, celle-ci participera
activement à la naissance du Réseau d'Evry, ville nouvelle en
plein chantier, dont les responsables ont pris conscience de la
nécessité d'humaniser les échanges entre ses habitants.
L'esprit du réseau est basé sur la
réciprocité des échanges...de savoirs :
« je connais quelque chose qui peut intéresser d'autres
personnes, donc je peux échanger cette connaissance ou ce savoir-faire
avec quelqu'un qui, en retour, pourra m'apprendre ce que je cherche et que je
maîtrise mal » ; il s'agit bien d'une forme de troc de la
connaissance universelle, sans incidence financière.
La vitalité de ce réseau est aujourd'hui intacte
(il rassemble plus de 600 réseaux en France, et près de 150 en
Afrique et en Amérique Latine) même s'il connaît depuis
l'été 2006 des difficultés financières qui lui ont
valu un redressement judiciaire.
Qu'est ce exactement qu'un
réseau ?
De nombreuses définitions sont proposées, pour
l'essentiel dans les domaines de l'informatique et des
télécommunications ; voici celle que nous propose le site
Wikipédia22(*) :
Un réseau est un ensemble d'objets ou de personnes
connectés ou maintenus en liaison, et désigne par
métonymie l'ensemble des liaisons ainsi établies. Un
réseau est plus souvent désigné par la nature et le nombre
de ses liaisons que par la nature des objets qui le composent.
La définition du Petit Larousse Illustré est
relativement étroite ; si l'on met de côté les
références aux réseaux hydrographiques, ferroviaires,
électriques, elle définit le réseau comme « un
ensemble de personnes qui sont en liaison, en vue d'une action
clandestine ».
L'éthymologie du mot réseau nous vient du latin
RETS, qui renvoie au filet des pêcheurs ou des dentellières.
L'image est forte et permet de comprendre d'un coup le mode d'organisation et
de fonctionnement des réseaux : aucun des noeuds n'occupe une
position centrale ou dominante, mais tous sont en relation.
Ainsi, les réseaux de professionnels sont ils des
systèmes organisés de relations entre des acteurs, et
caractérisés par les points suivants23(*) :
Plus qu'une mode, les réseaux sont devenus une
nécessité pour progresser dans un mode plus complexe, dès
lors qu'apparaissent les limites de l'action individuelle.
Cette mode (en apparence seulement) repose sans doute en bonne
partie sur les possibilités nouvelles qu'offrent aujourd'hui les
technologies modernes de l'information et de la communication, dont les
performances progressent chaque jour : ainsi depuis 1965, la loi de Gordon
Moore nous enseigne sans être démentie par les faits que le nombre
de transistors des microprocesseurs sur une puce de silicium double tous les
dix huit mois environ.
Or, le dynamisme d'un réseau (et donc ses performances)
est directement lié aux moyens de communication :
téléphone portable, internet, messageries instantanées
permettent désormais de communiquer en temps réel et en
s'affranchissant des distances, pour s'échanger de multiples
informations sous les formes les plus diverses : voix, sons, images,
données.
Le quadrillage d'un territoire, accompagné d'une
réduction sensible des coûts d'équipements, d'accès
et de connexion, nous amène tout droit dans une ére nouvelle
où la seule limite semble être d'ordre humain : comment se
mettre d'accord autour d'objectifs communs, et imaginer ce qui pourrait
être fait mais qui n'existe pas encore.
La limite de l'action individuelle apparaît de plus en
plus fréquemment ; qu'il s'agisse de grands projets
d'aménagements urbains ou de l'organisation de la prise en charge de
certaines pathologies, leur complexité provient pour l'essentiel de la
diversité des compétences à mobiliser dans des champs
très différents. De multiples compétences disciplinaires,
souvent très pointues, doivent être combinées pour
concevoir une réponse globale et cohérente. Même le CNRS
fait désormais de l'interdisciplinarité une priorité, en y
consacrant 20 % des postes de chercheurs qui seront ouvert à
l'avenir.
Les réseaux ont aussi leur raison d'être dans la
régulation et l'amélioration du fonctionnement des organisations
qui ont atteint un haut degré de complexité ; tournant le
dos au taylorisme, l'organisation du travail privilégie désormais
la souplesse, la réactivité et la polyvalence pour que leur
capacité d'innovation puisse affronter la concurrence.
Travailler en flux tendus ne s'improvise pas, surtout avec un
objectif de qualité totale. A tous les niveaux d'intervention, de
l'ouvrier au responsable de site de production, prendre la bonne
décision dans l'urgence d'une situation inattendue ne peut relever
raisonnablement de la seule intuition, mais doit au contraire pouvoir s'appuyer
sur des savoirs-faire explicites qui servent de référence
collective.
Les réseaux peuvent et doivent produire de
l'innovation, grâce à la rencontre de compétences et de
points de vue multiples. Le réseau permet de pallier la parcellisation
excessive des savoirs épars en permettant de les re-combiner et de
partager les bonnes pratiques et les expériences, jouant ainsi un
rôle central dans les processus de capitalisation que les anglophones
nomment Knowledge Management, et concrétisant ainsi le concept
nouveau de méta-connaissance.
D'un point de vue économique, les réseaux de
communautés professionnelles permettent un travail collaboratif qui
optimise les savoirs et les ressources en les mutualisant pour abaisser les
coûts de production et de développement. Ces nouvelles formes de
partenariat, holistiques par nature, peuvent déboucher sur une
productivité d'ensemble accrue, là où chacun des segments
pris isolément semblait atteindre sa limite.
Pour bien fonctionner, le réseau a besoin que ses
membres développent une culture de la communication, où l'on
accepte de donner pour recevoir.
Cette forme d'organisation, multicéphale et
guidée par un esprit de convergence de ses acteurs, est aussi un
formidable outil de veille, que ce soit en terme d'évolution des
marchés ou de surveillance d'épidémies.
La moindre prémisse qui aurait pu passer
inaperçu depuis un niveau centralisé d'observation va ainsi
être repérée localement, et cette
« nouvelle » va pouvoir être transmise par les canaux
appropriés à l'ensemble des membres, quasiment à la
vitesse de la lumière.
On le voit, les avantages d'un réseau et les multiples
possibilités d'application sont légions.
Ces atouts peuvent se résumer simplement : c'est
la construction d'une intelligence collective, qui permet d'explorer de
nouvelles dimensions hors de portée des compétences individuelles
ou solitaires. L'ère de la méta-connaissance et des
méta-organisations24(*) est
plus qu'une simple mode passagère, c'est une nouvelle voie de
progrès rendue obligatoire par les tensions de l'économie et
l'obligation du zéro-défaut dans de nombreux domaines
sensibles.
La diversité des buts poursuivis par les réseaux
nous incline à penser que leur mode d'organisation n'est pas uniforme,
pas plus que ne le sont les compétences nécessaires pour qu'un
réseau fonctionne efficacement.
Guy Le Boterf, dans son ouvrage entièrement
consacré au travail en réseaux25(*), propose une typologie fondée sur la mission
principale qu'ils poursuivent ; selon lui, quatre types distincts de
réseaux peuvent être retenus sur cette base. Il s'agit :
1) des réseaux de support d'un acteur (individuel ou
collectif)
2) des réseaux d'action collective
3) des réseaux de partage et de capitalisation des
pratiques
4) des réseaux d'appui et d'apprentissage mutuel.
Nous passerons sans nous y attarder sur la première
catégorie, dont la raison d'être est de fournir les ressources
dont a besoin un professionnel dans sa relation avec le client ou
l'usager ; il peut s'agir par exemple de centres de réinsertion,
des missions locales pour l'emploi ou de la prise en charge de pathologies
lourdes avec un médecin référent.
Le quatrième modèle s'apparente à une
bourse d'échanges de savoirs, dont l'exemple a déjà
été fourni précédemment avec le Mouvement des
Réseaux d'Echanges Réciproques de Savoirs.
Nous examinerons plus en détail les deux derniers types
de réseaux, dans la mesure où leur finalité se rapproche
le plus des objectifs assignés au Réseau Formation Fleuve (RESOF)
à sa création.
Les réseaux d'action collective
Tournés vers l'action, ils se différencient du
premier type évoqué par leur orientation au service d'une mission
collective ; il peut s'agir de la gestion du changement dans le cadre de
la fusion d'entreprises, de mission de veille technologique, sanitaire ou
marketing, de l'accompagnement de l'individualisation des réponses dans
les dispositifs de formation en alternance, ou encore dans le cadre d'un projet
de territoire pour mieux gérer les compétences mobilisées.
Les réseaux d'influence ou le Réseau Européen
d'accompagnement des Femmes vers l'Emploi relèvent également de
cette catégorie.
En fonction du « déroulé »
des étapes intermédiaires qui conduisent vers l'objectif, sa
configuration peut évoluer selon les besoins du moment ; la
qualité et la réactivité de leur coordination est
primordiale, au moins tant que la coopération entre les acteurs peine
à devenir un réflexe.
Les flux d'échanges sont avant tout horizontaux ;
le rôle de la coordination se limite à éviter les fausses
notes, à donner le rythme et à identifier et lever les
contraintes qui freinent le déroulement des échanges ; ce
n'est pas rien.
Le RESOF pourrait donc être assimilé à un
réseau d'action collective, de par sa finalité de contribuer
à réguler les interventions et les opérateurs oeuvrant
dans le sous secteur des formations agricoles et rurales.
Par contre, nous verrons plus tard que son mode de
fonctionnement est au contraire caractérisé par des flux
verticaux, qui peuvent s'expliquer par la difficulté à concilier
l'intérêt collectif (en l'absence des Pouvoirs Publics et des
Collectivités Locales) et les intérêts individuels
d'acteurs situés tant sur la demande que sur l'offre de services, et
parfois même les deux simultanément.
Les réseaux de partage et de capitalisation des
pratiques
Leur mission prédominante consiste à permettre
à chacun de partager ses pratiques professionnelles avec les autres,
pour que tous puissent progresser et produire simultanément un savoir
commun, des références communes. Ce type de réseau doit
donc faire face aux nombreuses difficultés propres aux processus de
capitalisation en règle générale :
Sur la forme :
Problèmes relationnels, maîtrise des techniques
de communications, qualité d'écoute et respect de la
diversité.
Sur le fond :
· Domaines traités parfois sensibles, dans un
secteur concurrentiel ou la plupart des membres sont déjà
liés par ailleurs, en dehors du cadre du réseau.
· Difficulté à expliciter des savoirs-faire
tacites.
· Embarras à soumettre au regard des autres ses
propres façons de faire.
· Prise de recul nécessaire pour
décontextualiser les expériences décrites, les
conceptualiser afin de pouvoir ensuite les recontextualiser.
Cette construction collective est en général
l'affaire de spécialistes ou de passionnés dans leur
domaine ; les individus sont plus engagés que les organisations
qu'ils représentent, ce qui peut poser problème à
l'occasion car un réseau est grand consommateur de temps, et les
progrès collectifs enregistrés sont lents. La
compréhension de leur hiérarchie doit aller jusqu'à les
soutenir, faute de quoi le réseau pourrait cesser de fonctionner
prématurément.
Le partage et la capitalisation des pratiques figurent en
bonne place dans les missions assignées au RESOF. Par le biais d'une
régulation participative, il en était attendu une plus grande
synergie entre des acteurs aux compétences complémentaires, une
plus grande transparence destinée à assainir le secteur et
à terme, une amélioration sensible de la qualité des
prestations.
Il nous faut maintenant nous pencher sur les menaces qui
planent sur le fonctionnement des réseaux. A la différence d'une
entreprise ou d'une administration dans lesquelles l'organigramme
répartit clairement les rôles et les responsabilités de
postes concrets de travail, à la différence également de
réseaux physiques, ferroviaires ou hydrographiques, les réseaux
d'acteurs ne sont que virtuels !
Suscitant l'engouement général au départ,
cette immatérialité en fait leur force, en échappant ainsi
au carcan des organisations classiques, mais elle n'est pas exempte de
faiblesses.
La vie d'un réseau ne vaut que par les flux
d'échanges entre ses acteurs ; que ceux-ci soient
déçus par les retombées obtenues, par la lenteur de la
progression ou par les motivations à visées trop personnelles de
certains membres, et c'est alors la vulnérabilité du
réseau tout entier qui est posée. Guy Le boterf identifie une
dizaine de dérives possibles, conduisant à la sclérose
d'un réseau ; parmi celles-ci, nous retiendrons :
1. la dérive du réseau en faisceau
Dans un tel cas, le réseau multipolaire, qui doit
faciliter la communication horizontale entre tous ses membres, dérive
insensiblement vers une coordination centralisée et son corollaire, la
communication verticale et hiérarchisée. Cette tendance
apparaît souvent en réponse à des dysfonctionnements
répétés, souvent causés par la lenteur des
processus engagés ou le manque de coopération de certains
acteurs.
2. la routine, ou le sur-place
lorsque le réseau devient victime de l'habitude, il ne
produit plus que du conformisme ; malgré l'activité
apparente, la production ne répond plus aux attentes des membres. La
désillusion, l'absence de visibilité face à l'avenir et au
chemin déjà parcouru, conduisent progressivement au
désintérêt des acteurs et à la paralysie du
réseau. Le rôle de l'animateur est alors crucial pour ne pas en
arriver à cette perte collective de sens et de repères.
3. D'autres formes de dérive sont liées à
l'intérêt personnel ou catégoriel.
C'est le cas lorsqu'un acteur s'accapare le pouvoir du fait de
sa position ou de son statut, ou encore lorsqu'un des membres ne vise
qu'à piller le travail collectif pour le présenter ensuite comme
le sien.
4. D'autres dérives réduisent
considérablement l'intérêt et la plus-value d'un
réseau.
Tel est le cas de la juxtaposition des
membres, qui remplace progressivement leurs interactions et la
mise en synergie recherchée : chacun travaille dans son coin, sur
le modèle de la division du travail.
Nous terminerons ce tour d'horizon des risques encourus par
une dérive fréquente dans les réseaux de mutualisation de
pratiques, liée à la difficulté de transférer ces
pratiques ; en effet, il ne suffit pas de décrire ses pratiques
professionnelles aux autres, ni même de les écrire noir sur blanc,
pour qu'ils puissent en tirer profit dans leurs propres contextes.
Fonctionner en réseau implique pour ses acteurs de
savoir, de pouvoir26(*), et de
vouloir travailler différemment des méthodes habituelles qui
prévalent au sein de leurs organisations respectives.
Un réseau est d'abord, et peut être même
seulement, un construit humain caractérisé par
l'imprévisibilité du comportement individuel de ses membres, mais
aussi par l'indétermination à priori de sa cohésion
collective.
Dans ce domaine, les recettes n'existent pas et la pertinence
des comparaisons avec les systèmes mécaniques paraît bien
douteuse, et Guy Le Boterf nous le rappelle à juste titre : les
hommes ne sont pas des rouages qu'il suffirait de bien huiler pour qu'ils
fonctionnent de façon idéale, conformément à leur
programmation.
Par contre, une métaphore provenant des Etats-Unis
semble beaucoup plus pertinente, il s'agit du « gardening
management » ; Plutôt que de paraphraser maladroitement Le
Boterf, nous préférons rapporter in extenso la description qu'il
en fait :
« De même que le jardinier ne tire pas sur
ses plants pour les faire pousser, de même le manager ne peut forcer les
membres d'un réseau à coopérer !
la stratégie du jardinier consiste à
créer et à entretenir un environnement favorable aux
plantes : traitement du sol, ventilation, ensoleillement, tuteurs, etc.
Plus cette écologie comportera un ensemble cohérent de
conditions favorables, plus la probabilité de réussite sera
grande. La démarche est donc probabiliste, et non
déterministe. »
Le schéma ci-dessus résume l'ensemble des
conditions favorables dont ont besoin les trois pôles du Savoir, du
Vouloir et du Pouvoir pour faire fonctionner efficacement un réseau.
Si le Savoir coopérer relève selon nous de
processus collectifs d'apprentissage sur la forme (d'une nouvelle
manière de travailler avec les autres), il nous semble que le Vouloir et
le Pouvoir coopérer relèvent quant à eux d'une
méthodologie de « guidance » du réseau,
portant prioritairement sur le fond.
« Piloter » (cf. concept Pilotage),
préciser les résultats attendus et les étapes
intermédiaires, formaliser celles-ci en les capitalisant, instaurer des
moments de régulation avant que la désorientation ne s'installe,
tout ceci relève de fonctions vitales pour la pérennité et
l'efficacité du réseau, qui ne pourrait survivre longtemps au
désintérêt de ses acteurs.
Nous en terminerons par un rappel de la difficulté
à conduire avec succès des démarches de capitalisation,
objectif commun à tous les réseaux de partage et de mutualisation
des pratiques professionnelles. Leurs fréquents échecs se
traduisent par l'insatisfaction des acteurs, qui ont beaucoup donné et
qui croulent parfois sous une montagne d'informations accumulées sans
que celles-ci ne puissent être utiles dans l'opérationnel, tant
semble impossible leur adaptation à des contextes particuliers
différents.
Pour dépasser cet écueil, Guy Le Boterf propose
une méthode de partage d'expériences, partant des savoirs tacites
jusqu'à leur recontextualisation.
Il n'entre malheureusement pas dans ce cadre de traiter
l'ampleur de cette démarche globale, au risque de la caricaturer ;
sa complexité et l'importance des outils connexes qu'elle mobilise
mériteraient qu'un travail spécifique y soit entièrement
consacré.
Nous aurons cependant l'occasion d'y faire
référence dans notre dernière partie.
II.3- L'OFFRE ET LA
DEMANDE : L'APPROCHE PAR LA DEMANDE (DE FORMATION ?)
Ces aspects ont déjà fait l'objet d'une
exploration par Alain Maragnani27(*)
en juin 2004, la place est donc étroite mais il est possible d'y ajouter
quelques éléments en se référant
spécifiquement au contexte des agricultures paysannes familiales
subsahariennes, et en s'appuyant sur les travaux réalisés sur la
formation agricole et rurale au Sénégal depuis mi 2004.
L'offre de formation
A. Maragnani s'étonnait à l'époque de
n'avoir pu trouver aucune définition pour cette expression, ni dans la
terminologie AFNOR, ni dans les dictionnaires d'éducation et de
formation, ni sur le net. Deux ans plus tard, ce constat reste valable à
une exception près, dénichée sur
un site
belge, qui propose la définition suivante :
« Description de l'action proposée par un
organisme de formation (privé, public ou associatif). Elle peut
revêtir la forme de : un catalogue, une réponse à une
demande spécifique, une réponse à un appel
d'offre. »
La qualité de l'offre peut être approchée
par la norme NF X 50 - 760 »
On le voit, cette définition est assez étroite,
en la limitant aux seuls organismes de formation, c'est à dire aux
organisations dont la formation constitue l'activité principale voire
unique. C'est faire peu de cas de la pluralité des catégories
d'acteurs qui se positionnent sur « l'offre de
formation » : ONG, associations, bureaux d'études,
consultants, organisations professionnelles, chambres consulaires, etc., qui
pour la plupart ne font pas de la formation leur principale activité.
L'offre de formation est évidemment plurielle, elle
peut recouvrir en partie l'enseignement dispensé au sein du
système scolaire (formation professionnelle initiale), et s'étend
depuis l'alphabétisation fonctionnelle des adultes jusqu'au fameux
Capacity Building, que traduit fort mal l'expression francophone
galvaudée : Renforcement de capacités.
Plus encore, la formation se définit
généralement comme un processus d'acquisition de connaissances,
de compétences et de qualification, qui se déroule dans le temps
avec des moments situés dans un espace social
déterminé.
Or, cette définition n'est qu'un pis aller, dans la
mesure où l'on s'accorde généralement à
considérer qu'une compétence se construit plutôt qu'elle
s'acquiert d'une part, et que d'autre part la mise en situation professionnelle
au quotidien, en forgeant l'expérience face aux multiples situations
imprévues, est elle-même source d'apprentissage donc de
formation.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ces aspects lorsque nous
aborderons la qualité de la formation dans la troisième
partie.
La demande de formation
L'AFNOR précise que « la demande de formation
est l'expression d'un souhait ou de résultats attendus, exprimés
par des personnes salariées ou non, des responsables
hiérarchiques, des entreprises ou institutions ».
Il est généralement admis jusqu'à
aujourd'hui qu'une demande de formation, s'il y est donné suite, va
enclencher un processus d'ingénierie de formation devant
nécessairement conduire à la définition de besoins de
formation.
Dans l'économie « formelle », les
processus sont parfaitement normalisés ; ainsi, la norme AFNOR NF X
50- 756 définit elle les informations à communiquer par une
entreprise (client) à ses prestataires potentiels, pour l'aider à
clarifier sa demande afin d'obtenir une prestation de service correspondant
à ses besoins.
Or, il n'existe pas une, mais des demandes, qui peuvent
être contradictoires en fonction des points de vue respectifs des
différents acteurs d'un secteur donné. De même, au sein
d'une même organisation, il est important de savoir qui porte la demande,
s'il en est à l'origine ou non, quels sont les réseaux informels
internes, pour mieux relativiser l'importance des fonctions officielles
détentrices de pouvoir dans l'organigramme.
Mais surtout, on ne peut considérer comme un manque ce
qu'on ignore ; pourtant, dans la majorité des cas, on sollicite la
formation dans l'espoir inconscient qu'elle soit la réponse la mieux
adaptée au problème plus ou moins exploré du moment, ce
qui est tout sauf évident.
Souvent aussi, la formulation d'une demande de formation
s'apparente dans le milieu de l'entreprise à un moyen de satisfaire
à bon compte les revendications des partenaires sociaux.
Si l'on tente de recontextualiser ces différentes
données à prendre en considération, pour les utiliser dans
le secteur du développement rural au Sénégal, on
s'aperçoit assez rapidement que leur niveau de sophistication les rend
impropre à un usage tel quel (copier-coller). Cette inadaptation tient
pour l'essentiel aux caractéristiques suivantes du contexte
d'intervention :
A notre sens, la demande de formation est ainsi une notion
qui, souvent, est mise en avant trop tôt : parler de demande de
formation dès la phase de l'expression d'une demande d'appui revient
à considérer à priori que la réponse-formation va
de soi.
Il ne faut pas oublier également que cette demande peut
avoir été exprimée formellement (courrier adressé
à un prestataire), qu'elle peut avoir été suscitée
dans le cas du démarrage d'un nouveau projet, ou encore reposer sur un
rapide recueil de « doléances », à l'occasion
d'une tournée d'animateurs de terrain.
Dans ces conditions, on ne s'étonnera pas que le
consultant, ou pire le formateur appelé à la rescousse pour
établir un diagnostic préalable (et souvent rapide), se fasse un
devoir de proposer une liste plus ou moins longue de besoins de formation
à satisfaire.
Approche par la demande
(de formation ?)
Après plusieurs décennies durant lesquelles
chacun en était arrivé à estimer que la compétence
d'un prestataire de formation se mesurait à la qualité de son
catalogue de produits, une inversion de tendance s'est amorcée depuis
quelques années, en partie liée au fait que de nombreux
organismes, qu'ils soient publics ou privés, se sont contentés de
gérer une rente en renouvelant peu leur offre.
Ce constat, largement partagé par les clients
habituels, s'est traduit d'abord par une désaffection puis un rejet de
l'offre-catalogue (les tentatives de mesurer l'impact réel des
formations dispensées sur l'amélioration des performances des
bénéficiaires, organisations et individus, n'y sont pas non plus
étrangères).
La demande s'est alors largement réorientée vers
l'attente de services « sur mesure »,
individualisés, pour tenter de réduire le gap constaté
entre les apports trop abstraits, trop généraux, de la formation,
au regard de la complexité et de la spécificité des
réalités du terrain.
Bon gré mal gré, les offreurs de formation ont
donc été contraints de se réajuster, dans un contexte de
concurrence de plus en plus vive. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui,
tous les opérateurs de formation se réclament d'une
démarche d'approche par la demande de formation.
Dans la région de Kaolack (bassin arachidier), une
quarantaine d'entretiens conduits et initiés par le Bureau de la
Formation Professionnelle Agricole (Ministère de l'Agriculture)
auprès d'acteurs situés sur l'offre, sur la demande, et pour
certains sur les deux volets, a mis en évidence que tous revendiquent
une approche guidée par la demande de formation, qui recouvre selon les
cas des modalités, des postures et des compétences très
diverses et parfois assez éloignées.28(*)
Dans certains cas rencontrés, l'expression des besoins
a lieu annuellement, à l'occasion d'une assemblée
générale villageoise ; parfois, elle constitue une
étape, au démarrage du projet. En règle
générale, les outils généralement mis en oeuvre
sont peu nombreux : diagnostic rapide, étude-filière,
entretiens préalables, bibliographie existante sur le sujet.
Force est de constater cependant qu'un biais
considérable est introduit au début même du
processus ; ce biais se situe à un double niveau :
On constate donc que cette nouvelle approche,
proclamée comme une révolution dans le monde de la formation, a
peu modifié les pratiques, et n'a que modérément permis
d'atteindre les effets escomptés, à savoir une plus grande
satisfaction du demandeur, et un impact plus visible sur les pratiques des
formés.
Tout au plus peut-on mettre à son actif l'instauration
d'un dialogue moins superficiel entre l'offreur et le demandeur, lequel
accède ipso facto au statut d'interlocuteur crédible ; il
s'agit bel et bien d'une avancée, toutefois l'atteinte des
résultats espérés bute encore sur l'absence ou la
maîtrise limitée d' outils spécifiques.
Au Sénégal, le diagnostic sur l'offre et la
demande de formation agricole et rurale réalisé en 2004, avec
l'appui du CNEARC de Montpellier, a permis de mettre en évidence
l'intérêt et d'appliquer le concept de construction sociale de la
demande de formation. Ce souhait reposait au départ sur la
volonté de mettre en pratique les principes issus de l'atelier de 1999
qui a abouti à la définition de la stratégie nationale
FAR :
Dans le cadre de l'agriculture familiale, les mêmes
interlocuteurs expriment à la fois une demande sociale et une demande
économique. Dès lors, les services techniques d'appui au
développement, rural comme local, doivent s'adapter pour remplir
efficacement leur rôle d'accompagnement des acteurs locaux dans un
environnement complexe et fluctuant. Des responsables d'organisations
professionnelles agricoles, d'associations de développement
féminines, le disent à leur façon :
- « L'environnement de la production est plus
important que la production elle-même ».
-« Le travail sur la demande, trop parcellaire,
aboutit encore souvent à « des demandes passéistes,
éventées », par méconnaissance des
opportunités potentielles que pourrait offrir l'environnement
global.29(*)
Dans l'approche mise en oeuvre au cours de ce diagnostic dans
la région de Ziguinchor30(*),
nous avons considéré que :
1) Tout changement technique ou organisationnel
durable résulte d'un processus social de construction de
problèmes et de recherche de solutions, menés par les
professionnels, face à une situation qu'ils jugent difficile,
2) Ces processus de dialogue, réflexion,
expérimentation produisent de la connaissance,
3) La formation est un levier, parmi d'autres,
d'accompagnement des acteurs dans le changement.
Dans ce cadre, la demande est donc l'expression par les
professionnels de leurs préoccupations, dans un cadre qui permet de les
transformer en problèmes traitables. Il s'agit donc en
réalité d'une demande d'aide à la recherche de solutions,
la solution pouvant éventuellement être de la formation.
On parle donc de construction de la demande : une demande
ne s'identifie ni ne se recueille, elle n'est jamais donnée, mais
construite, grâce à un processus interactif de réflexion.
On parle de construction sociale, car l'ensemble des acteurs concernés
sont impliqués dans l'analyse et le dialogue.
A la démarche traditionnelle identification,
recensement des besoins de formation, nous privilégions désormais
l'appui à la formulation d'un problème et la recherche d'une
solution (la formation pouvant en être une). Ce passage s'appuie sur les
travaux de Jean-Pierre DARRE31(*), docteur en ethnologie et fondateur du GERDAL (Groupe
d'expérimentation et de recherche développement et actions
localisées) ainsi que sur les travaux du CNEARC32(*) de Montpellier qui s'en est
inspiré. Cette démarche guide depuis 2003 les interventions du
Bureau Formation Professionnelle Agricole du ministère de l'agriculture
du Sénégal.
Les besoins de formation recensés posent comme
évidente la logique du « problème », que
sous-tend la demande initiale ; une expression courante traduit
parfaitement cette façon de procéder :
« recueillir les besoins de formation » ; on serait
tenté de forcer le trait en parlant de « cueillette des
besoins de formation ».
La réalité est somme toute plus complexe dans la
majorité des cas ; un problème s'apparente davantage
à une construction intellectuelle qu'à un fruit que l'on cueille,
et la recherche de solutions peut commencer quand le problème est
formulé. Dans cette perspective, la demande est le point de
départ de l'appui, mais : qu'entend-on par demande ? Comment
la faire exprimer ?
Le point de départ
une situation, vécue comme non satisfaisante
la demande initiale
un point de vue, une préoccupation (pour l'acteur
concerné)
point de vue lui même résultant d'une position
sociale et d'une pratique professionnelle
l'appui à la construction sociale de la
demande
1- transformation en problème traitable
Aide à l'exploration, à l'extension de la
surface du problème
2- formulation d'un problème :
comment faire pour .... ?
3- recherche co-active de solutions
(agriculteurs, élus, agents de développement,
formateurs)
Dans ce schéma, les principaux intéressés
à l'origine de la demande sont acteurs du processus ; ils
participent à la réflexion, à l'analyse de la situation,
apportent leur connaissance de l'environnement social, environnemental,
économique.
La recherche de solution conduite avec eux rend possible leur
prise d'initiative et rend plus improbable la perspective de solutions
inapplicables car trop éloignées des contraintes qu'impose le
contexte : nous sommes très loin d'un besoin de formation au sens
d'une situation subie, au sens d'un besoin physiologique.
C'est pourquoi nous serons tenté de conclure ce
paragraphe en considérant qu'il est plus prudent de parler d'approche
par la demande, par opposition à l'approche par la demande...de
formation.
II.4- REGULATION
Ce concept a été largement exploré, et
ses fondements théoriques justifieraient à eux seuls d'y
consacrer un Mémoire de recherche spécifique. Pour donner une
idée de sa complexité, nous nous bornerons simplement à
évoquer, dans le champ de l'économie, l'Ecole française de
l'Approche par la Théorie de la Régulation (ATR), née au
moment de la crise économique du milieu des années 70, ce qui ne
signifie nullement, bien évidemment, qu'elle soit à l'origine du
terme Régulation, bien plus ancien.
Nous renverrons pour cela le lecteur à la
conférence de Mr Benjamin CORIAT33(*), à Nagoya - Japon 1986, auteur de
« La théorie de la régulation . Origines ,
spécificités et perspectives ». Les
références y sont nombreuses, des approches néo-classiques
(le paradigme de base est celui du marché autorégulateur et de
l'équilibre) aux positions keynésiennes et marxistes.
Instruit de la complexité des notions, champs
d'application et théories que ce terme, simple d'apparence, recouvre,
nous commencerons prudemment par rechercher un panel de définitions
couramment proposées, couvrant pour l'essentiel des champs d'application
susceptibles de nous intéresser, au moins par similarité.
Quelques définitions :
· Branche de l'automatisme, dont le but est
d'étudier et de concevoir des systèmes qui font en sorte qu'une
valeur (de sortie) soit égal à la valeur consigne
(entrée). (Source : encyclopédie Wikipédia/Snyke -
http://encyclopedie-fr.snyke.com/articles/regulation.html
- recherche du 30/09/2006).
· Dans le secteur des
télécommunications, la régulation peut se définir
comme l'application par l'autorité compétente, dite de
régulation, de l'ensemble des dispositions juridiques,
économiques et techniques en vue de permettre aux activités de
télécommunications de s'exercer dans des conditions optimales,
conformément aux lois et règlements en vigueur.34(*)
· Toute action qui concourt à faire mieux
fonctionner le système de soins, en permettant d'assurer l'accès
de tous à des soins de qualité au meilleur coût. Cela dans
le cadre d'un budget donné. Par exemple :
- diffusion des bonnes pratiques médicales ;
-
signature d'accords de bon usage des soins ;
- campagnes de
prévention ;
- formation des médecins, par exemple sur la
prescription des médicaments génériques ou sur le bon
usage des antibiotiques ;
- contrôle des pratiques et des
prescriptions
(Source :
Site de
l'Assurance-Maladie en Ligne)35(*)
En référence aux nombreuses analogies entre le
corps humain et la machine, tous deux ayant progressivement glissé vers
la dénomination de systèmes, nous mentionnerons également
ici un dossier proposé par le Centre National de Documentation
Pédagogique, consacré à « L'être vivant
conçu comme une machine. »36(*)
Nous y apprenons que dès 1865, Claude Bernard se
distingue en traitant l'organisme humain comme une machine, dont la
spécialisation des composants et la complexité de l'ensemble
nécessitent une coordination.
C. Bernard invente le concept de milieu intérieur qui
permet de rendre compte du transport des substances, et assure une certaine
constance des conditions de vie des cellules. Il découvre un
mécanisme de régulation et de contrôle de cette constance,
appelé d'abord sécrétion interne.
L'existence d'un milieu intérieur dont la constance est
obtenue par compensation des écarts ou des perturbations constitue, pour
les organismes régulés, une assurance d'indépendance
relative face aux variations survenant dans les conditions externes :
L'être vivant est un système informé et
régulé.
Nous en arrivons ainsi à l'origine de la
définition que nous livre le Petit Robert :
· Opération qui consiste à maintenir
une grandeur entre des limites fixées.
· Les fonctions de régulation assurent la
constance des caractères du milieu intérieur d'un animal, en
dépit des variations du milieu extérieur.
On le voit, la régulation ne se définit pas par
elle-même, mais par rapport à un secteur d'activité, ou un
système. Dès lors, cette régulation ne saurait être
mise en oeuvre de façon isolée, par un individu, mais
relève plutôt de la responsabilité d'un système
également, mais quel système ?
On imagine mal une instance de régulation qui,
livrée à elle-même, définirait sa propre feuille de
route, son champ d'intervention, déciderait des moyens à
mobiliser et des résultats à atteindre.
Cette fonction de régulation, composée de
rétroactions critiques et de procédures correctives, a besoin
qu'on donne du sens à son action ; en d'autres termes, elle a
besoin de connaître le cap à suivre : sans cap clairement
fixé, comment procéder aux ajustements nécessaires pour
atteindre un objectif ?
La fixation de ce cap à suivre, ou plus
précisément la définition des orientations, relève
de ce que l'on a coutume d'appeler le pilotage.
Cette expression relativement galvaudée s'apparenterait
presque aujourd'hui à un truisme, et il n'est pas certain que cette
évocation fort répandue soit toujours
précédée d'une réflexion sur le sens qu'il convient
de lui donner, sur la délimitation des responsabilités qu'elle
recouvre.
Pour augmenter à la confusion, on rappellera que les
termes de pilotage et de régulation sont souvent accolés dans la
même phrase.
Dans ces conditions, il paraît souhaitable de proposer
une distinction aussi claire que possible entre ces deux expressions, afin de
prévenir d'éventuelles confusions dans les rôles respectifs
des acteurs.
Si l'on s'intéresse aux définitions existantes,
force est de reconnaître qu'elles ne nous sont que de peu
d'utilité dans cet essai de distinction.
Quelques définitions du terme Pilotage
· Etre aux commandes ; diriger (Petit
Robert)
· Action de guider, programmer et
gérer.
(Source Agence de Médecine Préventive
d'Abidjan : extrait du glossaire du cours "Formation des Personnels",
partie intégrante du Programme EPIVAC aboutissant au Diplôme
Inter-Universitaire de 3ème cycle "Organisation et management des
systèmes publics de prévention vaccinale dans les pays en
développement", délivré par les Universités de
Paris-Dauphine (France) et Cocody-Abidjan. (
http://www.transfer32.bj.refer.org/dleab/index.html)
· Le pilotage est défini comme " l'action de
diriger, conduire, donner des orientations, surveiller, contrôler et
ajuster le déroulement d'un processus".
(Source : Guy Herniaux, 1993, cité par Melchior
Salgado de l'Université Claude Bernard Lyon I, et Stéphan
Bourcieu, de l'Université Lumière Lyon 2 )37(*)
· L'entreprise assurant le pilotage est la seule
responsable devant le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage, tant
en ce qui concerne la qualité des prestations, que le respect du
calendrier d'exécution.
(Source : Centre de Ressources et d'Informations
Techniques38(*), service
créé par l'École d'Architecture de Nancy en partenariat
avec l'École d'Architecture de Strasbourg).
A dire vrai, les choses sont moins tranchées qu'on
pouvait l'espérer de prime abord : il s'agit presque des deux faces
d'une même médaille, dans la mesure où l'on peut se rallier
à l'énoncé suivant, formulé par le recteur Alain
Bouvier à l'occasion d'une conférence39(*) à l'académie de
Clermont-Ferrand le 21 mai 2003 :
« Le pilotage exprime la volonté d'un
système de vouloir réguler son action ; parler pilotage,
c'est donc vouloir réguler son action, c'est à dire
procéder à des réajustements dans les processus en cours
pour, in fine, améliorer la qualité et/ou l'efficience des
résultats. »
La complexité est croissante dès lors qu'on
entre dans le vif du sujet :
· de quel système parlons-nous : une
entité au degré d'organisation peu sophistiqué ? un
système concret de formation ? le dispositif national de FAR au
Sénégal ? ...
· le pilotage ne se réalise pas seul, mais par un
système d'acteurs ; on peut donc parler de système de
pilotage, qui doit avoir autant de complexité que le système
qu'il pilote, s'il se veut performant.
Ainsi, exercer une responsabilité de pilotage consiste
à vouloir influer sur ce qui se passe à la sortie du
système (outputs) dont on a la responsabilité. Cependant, cette
influence serait illusoire si l'on n'a pas les moyens d'agir aussi sur les
entrées, et sur le fonctionnement de tout le système. Or, c'est
ce qu'on appelle faire de la régulation !
Le recteur A. Bouvier ajoute encore à la
difficulté lorsqu'il propose une typologie des différents modes
de pilotage :
Qu'est ce qu'un pilotage par les procédures et les
process, sinon, selon notre compréhension, le pouvoir de décision
relatif à la mise en oeuvre d'un ensemble de procédures
correctives en amont de la transformation du produit dont on souhaite
réajuster les caractéristiques ?
Comment s'y retrouver lorsqu'il s'agira d'appliquer ces deux
concepts de régulation et de pilotage à la stratégie
nationale de formation agricole et rurale, qui n'est pas à proprement
parler un système, même s'il est déjà question de
mettre en place un Système national de Formation Agricole et Rurale
?
En guise de synthèse de ce qui précède,
nous nous risquerons à formuler un ensemble de considérations,
comme suit :
· Pilotage et régulation traduisent des fonctions
opérationnelles différentes, mais intimement liées.
· En amont, Piloter consiste
à définir le cap à suivre, les orientations, et à
programmer les actions qui concourent à tendre vers les objectifs
définis.
· En aval, Piloter consiste à s'assurer de
la qualité des produits, en se référant aux objectifs
fixés.
· Les fonctions de surveillance et de contrôle
assumées par l'instance de pilotage seront sans effets sur l'atteinte
des résultats attendus, si cette dernière ne dispose pas du
pouvoir (et des moyens correspondants) nécessaire pour ajuster le
déroulement des processus.
· La Régulation consiste à
opérer ces ajustements, en agissant sur les intrants du système
ET sur l'amélioration des processus de transformation donnant naissance
aux extrants.
Dans ces conditions, on mesure mieux l'importance des risques
de dévoiement et de blocage engendrés par une instance de
régulation qui serait souveraine et indépendante de l'instance de
pilotage. Le cap suivi n'aurait pas probablement rien d'une ligne droite, et on
pourrait craindre que les résultats escomptés initialement ne se
fassent attendre.
De même, une instance de pilotage, nationale ou
régionale, qui se limiterait à définir des orientations
sans disposer du pouvoir d'influer sur leur mise en oeuvre, revêtirait
une efficacité douteuse.
En définitive, il revient donc à l'instance de
pilotage de définir non seulement les orientations d'un système
considéré, mais également de piloter les mécanismes
de régulation qui lui permettront de maintenir le cap lors des
ajustements successifs tendant à faire coïncider la valeur de
sortie et la valeur consigne.
Enfin, dans un soucis de re-contextualisation, nous ne
résisterons pas au plaisir de citer les objectifs qu'assignent à
cette régulation les chercheurs Sénégalais qui sont
à l'origine de la définition de la stratégie nationale de
formation agricole et rurale (SNFAR), et qui sont aujourd'hui en position de
l'appuyer.
Se basant sur le fait que l'Etat du Sénégal a
reconnu depuis des années qu'il ne peut pas être le seul
opérateur de la formation, mais qu'il doit rester un Etat
stratège et co-régulateur, Adama FAYE et Alain MBAYE40(*) estiment que
« l'Etat doit organiser un système ouvert où les
opérateurs associatifs (ONG, OP) et privés, les
collectivités locales et les bénéficiaires participent,
avec les services publics, au pilotage, au financement et à la gestion
de la formation professionnelle pour le développement
rural. »
Cet objectif recouvre plusieurs aspects, principalement
:
«
· assurer l'adéquation entre
l'offre et la demande ;
· garantir la qualité de l'offre en certifiant
les compétences et les services fournis par les différents
opérateurs ;
· développer une capacité de veille sur
le système de formation en créant des synergies entre les
institutions publiques, associatives et privées, la recherche, les
organisations de conseil agricole et rural ;
· faire participer les collectivités
territoriales et les utilisateurs au pilotage du système et à sa
durabilité sur le plan financier. »
Nous examinerons donc l'activité du RESOF sous ces
quatre angles, dans la troisième partie.
II.5- REGULATION
PARTICIPATIVE
Une recherche rapide sur le net (
Google ) a
donné le résultat suivant, appliquée au
changement :
«Models of change are those that recommend change
managers to consult widely and deeply with those affected and to secure their
willing consent to the changes proposed.» 41(*)
Nous traduirons celle-ci par :
« Les modèles de changement participatifs
sont ceux qui recommandent aux responsables en charge d'un changement à
conduire de procéder à une consultation large et approfondie de
tous ceux qui en seront affectés, pour mieux s'assurer de leur
consentement durant la phase de mise en oeuvre de ce changement. »
Bien que se référant à un objet
particulier, cette définition semble très
« orientée » : l'approche participative n'est
envisagée que comme un moyen nécessaire pour s'assurer du
consentement ultérieur d'une population qui sera affectée par les
changements...imaginés et décidés par d'autres.
Il nous semble que nous sommes dans ce cas plus proche d'une
manipulation collective, que de l'acception courante :
« participer ensemble à... », où encore
« impliquer tous les acteurs concernés, pour construire
collectivement quelque chose ».
Par analogie, nous commenterons les interventions de Joël
de Rosnay, lors d'un débat sur Lemonde.fr en janvier 2006,
intitulé «
Internet,
dix ans de révolution »42(*).
A la question de savoir si, grâce aux NTIC, les citoyens
pourront à l'avenir intervenir de plus en plus dans la gestion de leur
ville et de leur pays, Joël de Rosnay avait répondu que
« la technologie ne résout pas les problèmes d'ordre
sociétal, mais que par contre, leur ré-appropriation
sociétale par les citoyens, en fonction de leurs besoins et de leurs
souhaits, peut contribuer à trouver des voies. »
Un peu plus loin, précisant que les internautes ne font
plus confiance à l'information ou aux réglementations
descendantes (top-down), celui-ci en vient à évoquer une nouvelle
forme de démocratie participative, et même une
co-régulation citoyenne, qui nous rapproche singulièrement du
concept de régulation participative, sans que ce terme ne soit
formellement utilisé.
Bien que le sujet du débat auquel nous nous
référons soit pour le moins éloigné de notre objet
d'étude, nous ne pouvons nous empêcher d'y voir d'étranges
similitudes. En effet, à la suite de l'ajustement structurel et de la
dévaluation du début des années 90, qui ont
contribué à l'affaiblissement des services publics et de
l'intervention étatique, une multitude d'opérateurs privés
et associatifs ont investi le secteur de la formation, sous les yeux d'un Etat
affaibli et non préparé à assumer ses fonctions
régaliennes de contrôle, dans un paysage recomposé.
C'est dans ce contexte qu'est apparue la
nécessité d'imaginer de nouveaux modes de régulation,
visant à garantir la qualité des prestations offertes, plus
participatifs et qui tiennent compte non seulement de la place prise par les
différentes catégories d'acteurs issus de la
société civile, mais aussi de leurs compétences.
En réponse aux carences relevées au niveau des
services étatiques, et à la méfiance
généralisée qu'elles induisaient, cette
nécessité se fondait plus précisément sur le double
intérêt d'un filtrage collaboratif, gage d'une plus grande
transparence des pratiques individuelles, et d'un processus collectif de
vérification de la qualité à chaque niveau
d'intervention.
Nous citerons une dernière fois J. de Rosnay, qui
propose l'image suivante :
« c'est un peu comme dans l'industrie automobile
où, sur la chaîne de montage, la voiture totalement
assemblée n'est pas testée seulement à la fin pour sa
qualité, mais à chaque vis ou à chaque poignée
introduite au cours de l'assemblage ».
Ce parallèle nous permet de souligner que, dans un
marché au fonctionnement imparfait (dû à l'information
elle-même très imparfaite des acteurs), régulation
participative ne signifie pas que chacun va intervenir comme il l'entend, en
s'affranchissant de toute contrainte (à quoi ressemblerait alors le
produit final ?), mais plutôt que doivent être
créées les conditions d'une régulation coordonnée
par l'Etat, à laquelle collaborent tous les acteurs impliqués.
Nous terminerons ce rapide tour d'horizon en nous
intéressant au caractère supposé novateur que les agents
de développement et les décideurs accolent
généralement au paradigme du développement
participatif.
Pour Jean Pierre Chauveau43(*), l'histoire institutionnelle du développement
semble pouvoir être caractérisée par deux sortes de
légitimité s'appuyant sur des systèmes disposant de leurs
propres systèmes de valeur :
Pour JP Chauveau, cette culture populiste du
développement sera à l'origine « d'une
représentation stéréotypée du milieu rural
africain, invariablement communautaire, solidaire et
égalitariste. »
Réfutant les idées couramment admises qui
voudraient faire du développement participatif une conception
alternative et récente du développement rural, JP Chauveau
propose, pour dater la diffusion du modèle participatif de
développement rural dans les administrations coloniales française
et britannique, la période post conquête militaire, durant
laquelle les tentatives d'implanter des entreprises coloniales se
révélèrent des échecs patents, et lorsque
l'expérience d'une économie administrée (durant la
première guerre mondiale) par les puissances occupantes se
révéla utopiste.
Il en veut pour preuve l'influence qu'exerça
« l'Indirect Rule » britannique sur notre administration
coloniale d'après guerre, qui évoluera ainsi sensiblement du
Pacte colonial, fondé sur une exploitation autoritaire des ressources
« minières » à l'association des paysans. Le
ministre Sarraut prônera ainsi une politique de mise en valeur
axée sur la croissance économique mais aussi sur le
développement humain.
A ce stade, il nous faut conclure : en quoi
concrètement cette exploration va enrichir notre observation du
Réseau des acteurs de la Formation dans la Vallée du Fleuve
Sénégal (RESOF) ?
La question pourrait être formulée
ainsi :
A quels niveaux se situe la participation des membres du RESOF
dans les aspects régulation de l'offre de formation et de ses
pratiques ?
Si nous préférons à ce stade la
première hypothèse, nous devrons toutefois nous intéresser
à la pluralité des niveaux auxquels se prennent les
décisions et s'élaborent les consensus, ainsi qu'aux
différents échelons de leur opérationnalisation (où
s'effectuent, comme sur une chaîne d'assemblage, les différents
points de contrôle de la qualité d'ensemble recherchée).
II.6- DEVELOPPEMENT LOCAL
La paternité du concept de développement semble
pouvoir être attribuée au père Joseph LEBRET ; devant
la détresse des petits pêcheurs bretons durant la crise des
années 30, cet ancien officier de marine devenu frère
prêcheur dominicain s'attachera à les aider. Ce faisant, il
développera une théorie humaniste, dans laquelle
l'économie se mettrait enfin au service de l'Homme.
Fondateur d'Economie et Humanisme, le père LEBRET
influencera de nombreux chrétiens et intellectuels engagés, en
Europe mais aussi en Amérique latine et au sud du Sahara. Avant sa mort
en 1966, il accédera au rang de conseiller du pape Paul VI, et inspirera
largement l'Encyclique papale publiée en 1967 et consacrée au
développement : « Populorum Progressio ».
Celle-ci affirmait entre autres que la question sociale était devenue
mondiale, avec l'émergence du Tiers-Monde44(*).
L'expression « mondialisation »
n'était pas encore connue à l'époque, pourtant certains
passages de l'Encyclique pressentaient les interdépendances croissantes
des économies nationales, et entre les continents ; celles-ci
justifiaient désormais d'appréhender la justice sociale et la
solidarité à l'échelle mondiale, toutes deux garantes
d'une paix durable sans laquelle « le développement de tout
l'Homme et de tous les hommes »45(*) ne peut accompagner, pour l'humaniser, la croissance
économique.
L'Indépendance fraîchement acquise, le jeune Etat
sénégalais46(*)
invitera le père LEBRET, en tant qu'économiste, pour conseiller
le gouvernement dans l'élaboration du premier Plan, dont la prise en
compte du développement économique et social du pays se voulait
une rupture pour tourner la page de l'administration coloniale.
Sa contribution sera à l'origine de la Loi 66-64 du 30
juin 1966 d'abord, portant Code de l'administration communale, puis de celle du
19 avril 1972 ; cette dernière crée les Communautés
rurales, qui constituent le premier maillage de la décentralisation
à l'échelon du pays tout entier.
Les Communautés Rurales peuvent être
comparées (par soucis de simplification) aux communes françaises,
bien que leur emprise géographique soit beaucoup plus importante :
320 Communautés rurales se partagent en effet un territoire national
équivalent à la moitié de la France
métropolitaine.
Ce processus de décentralisation se poursuivra par la
suite avec les deux lois de 1996, portant transfert de compétences aux
régions, aux communes (urbaines) et aux communautés rurales, dont
le fonctionnement sera régi par le nouveau Code des Collectivités
Locales.
Il convient de noter à ce stade une
particularité « sénégalaise » :
en effet, dès 1872 la décentralisation y était à
l'honneur, à la suite de la décision de la puissante occupante
d'ériger Saint-Louis et Gorée en communes (conférant la
nationalité française à leurs ressortissants) ;
celles-ci seront rejointes en 1880 et 1887 respectivement par Rufisque
(banlieue de Dakar, et ancien port commercial) et Dakar.
Ce rappel historique de la popularisation du terme
« développement », depuis la France jusqu'au
Sénégal, nous conduit à mieux distinguer croissance et
développement.
Si la première fait expressément
référence aux lois de l'économie, en exprimant
l'augmentation quantitative de la richesse d'un pays, le développement
quant à lui procède davantage du qualitatif ; c'est un
processus au long cours, qui vise à une transformation en profondeur de
la société pour faire évoluer les comportements et les
mentalités, dans une optique humaniste par opposition au
matérialisme qu'induit la croissance économique.
Les progrès engendrés par un
développement raisonné et volontaire se traduisent par des
transformations structurelles majeures. Education et démocratie,
démographie, assistance aux plus démunis et mutualisation des
risques de la vie, etc. : tous ces domaines participent de la
qualité de vie des hommes.
Lorsque le développement s'intéresse à un
territoire particulier, une commune, une région ou une petite
région naturelle, on parle alors de développement local.
En France, le développement local est un concept
relativement jeune ; est-il besoin de rappeler que notre pays
« jouit », au moins depuis Colbert, d'une solide
réputation internationale de centralisme politico-administratif, c'est
à dire où les orientations et les financements
« descendent » depuis la capitale jusqu'aux
administrés.
Dans un article paru sous le titre
« Découpages administratifs et territoires vivants : le
cas français », Paul Houé retrace avec une grande
clarté les principales étapes de l'évolution du mode de
gouvernance de notre pays : depuis la Révolution jusqu'aux lois
DEFERRE de 1982, qui induisent par la décentralisation un nouvel
équilibre dans les rapports entre l'Etat central et les
collectivités territoriales, en passant par la Vème
République (déconcentration de l'Etat, avec les préfets de
départements puis de Région) et la crise économique
provoquée par les chocs pétroliers, qui fera rentrer dans le rang
la Délégation à l'Aménagement du Territoire (DATAR)
créée en 1963.
Le cas français s'apparente à un paradoxe :
raillée pour son centralisme étatique omnipotent dans la
conduite « de la vie de la Cité », la France compte
pourtant depuis près de deux siècles 36 550 communes !
Le paradoxe n'est cependant qu'apparent, un Etat fort se
satisfait pleinement de l'atomisation des pouvoirs locaux.
Mais ce n'est pas la seule justification ; en effet, les
Français (comme leurs 500 000 élus municipaux) sont très
attachés à leur identité locale. La suppression
régulièrement envisagée de milliers de communes à
peine viables et dépeuplées soulève invariablement une
levée de boucliers, tandis que leur regroupement sous la forme de
communautés de communes fait généralement grincer les
dents.
S'il en existait déjà 95 en 1972, leur nombre ne
dépassait pas 1241 en 1998. Par comparaison, il existe 17 523 syndicats
intercommunaux, dont l'attrait est considérable : ils permettent de
développer une coopération technique intercommunale, sans perte
identitaire.
Sans prendre parti, nous nous contenterons d'évoquer le
rapport de la Commission MAUROY, « Refonder l'action publique
locale », qui évoque une « richesse
démocratique irremplaçable et unique en Europe ».
Cette affirmation semble donner raison à Paul HOUE,
pour qui « si rien ne naît sans les hommes, rien ne dure sans
les institutions » : celles de l'Etat, et celles relevant de
territoires vivants, qui permettent de dépasser les approches
exclusivement sectorielles ; de leur capacité à
coopérer naît la démocratie participative, où chacun
apporte sa contribution et son implication au service d'un développement
ascendant.
Dans son analyse des expériences françaises,
Jacqueline MENGIN met en exergue plusieurs éléments qui
structurent les dynamiques de développement local47(*) :
Au Sénégal, comme dans d'autres pays
sub-sahariens et ex colonies françaises, la nécessité de
démarches d'appui au développement local a été mise
en évidence par les projets de gestion de terroirs villageois de la
coopération française ; ces terroirs dépassant
généralement l'emprise foncière du village, le besoin
d'impliquer les acteurs locaux, via des mécanismes de décision et
de suivi inter-villageois, ouvrait ainsi la voie à leur plus grande
responsabilisation.
Sans argent_ »nerf de la guerre »_, la
responsabilisation des acteurs locaux, c'est à dire leur capacité
à décider ou influer sur les décisions, n'est que
virtuelle, tout comme leur responsabilité devant leurs concitoyens.
C'est la raison pour laquelle, dans un contexte de relative
pauvreté au plan individuel et de difficultés récurrentes
pour collecter les taxes locales à un niveau significatif, le principal
instrument imaginé pour servir de déclencheur aux projets de
développement locaux revêt généralement la forme de
fonds d'investissements locaux.
Ces financements exogènes, sans lesquels rien ou
presque n'est possible au plan opérationnel, sont constitués
d'argent « froid », c'est à dire dont la valeur est
toute relative pour les bénéficiaires qui n'ont pas eu à
« transpirer » pour l'obtenir.
Aussi, pour éviter d'éventuelles dérives,
des mécanismes bien rôdés ont été mis en
place, pour intégrer la contribution financière (obligatoire) de
ces bénéficiaires. Cet apport, variable selon les actions
envisagées entre 5 et 25 % du coût total des investissements, et
intégré dans une enveloppe globale, responsabilise
pécuniairement les acteurs locaux, en leur permettant d'apparaître
comme les commanditaires des actions de développement à
l'échelle locale.
Tout n'est pas parfait cependant, au vu du triple constat
suivant :
Ces inconvénients sont également
prégnants au Sénégal. Sa souveraineté
récente, la jeunesse de sa démocratie, combinées aux
responsabilités nouvelles des collectivités locales (issues des
lois de 1996), augmentées d'un taux élevé
d'analphabétisme en milieu rural, peinent à rendre comptable de
leurs décisions les élus locaux devant leurs
administrés.
La pauvreté occupe également une place
importante dans ce tableau, en limitant les ressources fiscales de
collectivités auxquelles l'Etat du Sénégal a
transféré d'un coup neuf domaines de compétences, sans que
la dotation globale qu'il leur consent n'atteigne un niveau suffisant pour leur
exercice.
Dès lors, il ne nous paraît pas surprenant que la
Région manifeste peu d'empressement pour s'impliquer réellement
dans la « feuille de route » du RESOF, tant l'écart
semble important entre les moyens disponibles et les missions à
assumer.
Peut être faudrait-il également pointer du doigt
la difficulté, pour les élus du Conseil Régional, à
concilier la satisfaction de la population urbaine de la capitale
régionale, et les attentes d'un territoire essentiellement rural.
TROISIÈME
PARTIE : LE RÉSEAU FORMATION FLEUVE (RESOF)
AVERTISSEMENT
Le travail présenté dans cette dernière
partie ne prétend ni à l'exhaustivité ni à
l'impartialité ; de ce fait, il doit être compris comme une
réflexion préalable portant sur
« l'expérimentation RESOF ».
Il est du reste prévu que ce premier Mémoire (de
diplôme d'Université) fasse par la suite l'objet d'un
approfondissement conséquent, dans le cadre de notre Mémoire de
Master IFSE, avec l'ambition de proposer des pistes viables
d'amélioration et/ou d'évolution de l'existant.
Les contraintes rencontrées sont liées d'une
part à notre activité professionnelle et à
l'intensité de la première partie du cycle Master (combiné
au parcours de D.U), et d'autre part à l'étendue de l'objet
d'étude ; le RESOF regroupe en effet une quarantaine
d'organisations, certaines de plusieurs dizaines de milliers de membres,
d'autres éloignées du siège du RESOF de plus de 400
kilomètres.
C'est pourquoi il ne nous a pas été possible de
rencontrer un échantillon suffisamment représentatif des
différentes catégories d'acteurs membres (mais aussi non membres,
en relation avec le RESOF).
A l'exception de quelques rares entretiens, nos investigations
reposent essentiellement sur nos échanges professionnels, liés
à notre actuelle fonction, et sur la documentation existante :
Procès-verbaux d'assemblée générale, compte-rendu
de réunions, auto-diagnostics, programmes pluriannuels du Réseau
et de son principal soutien, la coopération
sénégalo-suisse.
Par soucis d'honnêteté, ou pour prévenir
la critique, nous devons d'ores et déjà affirmer que notre
travail présenté à la suite n'est pas d'une
objectivité indiscutable, pour au moins deux raisons, différentes
de celles évoquées plus haut, et illustrée en page
suivante :
· Notre position d'observateur
extérieur49(*),
o Dont l'angle de vue peut déformer la
réalité des interrelations qui se déroulent à
l'intérieur du RESOF, entre ses membres.
o Qui ne permet pas de se situer dans le même
espace-temps :
l'horloge biologique du Réseau (son rythme) est
différente du nôtre, et calée sur celle de ses membres qui
doivent eux-mêmes composer avec les contraintes de leurs organisations
d'appartenance.
D'autre part, le temps qui l'a modelé pendant six ans,
en notre absence, ne peut que réduire la portée d'une observation
statique, à un instant t.
A la différence de l'observateur 1, celui situé
à l'extérieur du système ne dispose pas des repères
(les frontières intérieures) qui lui permettraient de situer les
échanges relativement aux autres ; selon l'angle d'observation
qu'il choisira, ou qui lui sera imposé, l'observateur 2 aura tendance
à se focaliser sur les relations qui lui apparaissent les plus visibles,
et à sous-estimer celles qui lui sont en partie cachées, et les
plus éloignées de sa position.
Même si les échanges de flux d'information au
sein du RESOF ne sauraient rivaliser avec la vitesse de la lumière, le
schéma ci-dessus permet de bien rendre compte du déphasage de la
perception de l'observateur situé sur le quai, relativement
à ce qui se passe dans le train. Nous rappellerons également que
la théorie de la relativité nous a appris à nous
méfier des apparences : on ne sait jamais si c'est l'observateur
qui est en mouvement (par rapport à quelque chose d'autre) ou l'objet
observé.
· Notre positionnement professionnel, dans la
dynamique FAR du Sénégal.
o A la différence de la
« virginité » d'un étudiant qui
découvrirait le Sénégal, puis le Résof pour la
première fois, notre position depuis septembre 2003 au sein du service
du Ministère de l'Agriculture en charge de la coordination de la
stratégie nationale implique un certain degré de connaissances du
dispositif global et des principaux acteurs au plan régional. Nous avons
eu d'ailleurs à travailler étroitement et à maintes
reprises avec le Résof, notamment sur la question de la
régulation.
Il ne saurait donc être question d'un regard totalement
neuf sur le fonctionnement et les dysfonctionnements éventuels de cette
organisation, de même pour certains de ses membres, avec qui nous
collaborons également.
III.1- LA NAISSANCE DU
RESOF : UNE FINALITÉ ÉQUIVOQUE
La vocation première d'une organisation des acteurs de
la FAR en réseau semble évidente aujourd'hui : impacter
significativement sur la montée en puissance d'une régulation,
sous forme participative, de l'offre de services ; il en est attendu une
amélioration de la qualité de celles ci, devant en principe
passer par des procédures normatives d'agrément, ainsi qu'une
meilleure articulation avec les attentes des acteurs situés sur la
demande.
La dynamique qui a porté en 1999 la SNFAR sur les fonds
baptismaux s'est heurtée à un défi gigantesque pour
appliquer au niveau opérationnel les principes et orientations
retenus : tout ou presque était à faire, depuis
l'alphabétisation de tous les ruraux jusqu'à la réforme de
l'enseignement supérieur !
L'urgence de l'action, amplement démontrée par
les constats d'alors, a sans doute contribué (selon notre perception)
à brouiller les cartes de « l'opérationnel »,
en regroupant des objectifs parfois contradictoires au sein des programmes
d'action.
Ainsi, le document « Bilan et perspectives de la
phase 1999-2002 » du programme d'appui au renforcement des
capacités des acteurs du monde rural au Sénégal50(*) présente t-il le
troisième chantier financé comme suit :
« étude de faisabilité de Pôles
régionaux de formation / recyclage des techniciens, conseillers
agricoles, et des jeunes agriculteurs ».
S'appuyant sur l'une des stratégies d'intervention
recommandée par la SNFAR, il y est question de mettre en réseau
au sein d'une même région les compétences dispersées
dans les diverses structures publiques et privées (centres de formation,
de recherche, bureaux d'études et ONG, sociétés de
développement).
Cette réorganisation sur une base territoriale
était dictée par le soucis i) d'articuler l'offre à la
spécificité de la demande locale, ii) d'exploiter le potentiel
dispersé de l'offre de formation, et iii) de responsabiliser les
élus, les OP et les opérateurs privés dans le pilotage et
le financement de la formation agricole et rurale.
Des économies d'échelle importantes en
étaient attendues, à travers une réponse concertée
et efficace à la demande de formation.
Ce Bilan rappelle qu'à Ziguinchor, l'initiative a
été prise par le Conseil Régional qui a mis sur pied un
comité régional de planification stratégique de la FAR,
regroupant les principales Organisations Professionnelles et les
établissements publics et privés de formation.
A Saint-Louis, ce sont les structures de formation qui ont
conduit la concertation ayant abouti à la mise sur pied d'un
réseau regroupant OP, écoles, ONG et services d'appui.
Dès leurs débuts, ces deux entités
(distantes de près de 800 km) se sont attelées à
l'élaboration d'un répertoire de compétences.
Le document du Bureau d'Appui conclut le chapitre
consacré à ce troisième chantier en précisant que
l'analyse de la demande et la réalisation de programmes-test de
formation permettront de structurer et de consolider la démarche.
Ce document nous inspire deux remarques :
- au niveau de l'intitulé du chantier qui
nous intéresse
« étude de faisabilité de
Pôles régionaux de formation / recyclage des techniciens,
conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs ».
il s'agit bien de mettre en réseau les
compétences des différents offreurs de formation, pour mieux
répondre à la demande régionale ; de ce fait, les
acteurs sur la demande devraient rester à l'extérieur du
réseau.
En ce sens, la configuration idéale ressemble de
très près à celle d'un réseau de santé, dans
lequel la demande du patient va s'adresser à un interlocuteur unique qui
va coordonner l'intervention de multiples compétences médicales
et administratives en vue d'apporter une réponse globale au
problème à traiter.
Nous reviendrons par la suite sur la façon dont a
évolué la représentation des acteurs de la FAR au sein du
RESOF (et bien que nous ayons déjà eu à signaler que
chaque acteur est un prestataire de services en puissance).
La notion de pôles régionaux de formation traduit
généralement l'idée de concentration et de
complémentarité des forces présentes, et de leurs
avantages comparatifs, pour les canaliser au service d'un but commun ; en
l'occurrence la mission assignée consistait en « la formation
/ recyclage des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes
agriculteurs ».
Cependant, la mise en réseau des compétences ne
signifie pas nécessairement participer à la régulation du
sous-secteur de la FAR.
De même, la mise en réseau des compétences
(dispersées) semble assez éloignée d'un objectif de
responsabilisation des élus, des OP et des opérateurs
privés dans le pilotage et le financement de la Formation Agricole et
Rurale.
- au niveau des porteurs de l'initiative, que sont
les seules structures de formation
Cette prise de responsabilité laisse à penser
que cette catégorie d'acteurs était inquiète, à la
suite de la mise en évidence de ses lacunes importantes (diagnostic de
la SNFAR), et qu'il était stratégique pour elle de piloter ce
processus de réseautage pour ne pas être mise à
l'écart par la suite.
De là à imaginer que la motivation
première des prestataires « institutionnels » de
formation reposait davantage sur la conquête de nouveaux marchés
(ou la consolidation de leurs créneaux traditionnels), il y a un pas que
nous ne franchirons pas encore ; cependant le doute est d'ores et
déjà permis...
Chronologiquement, l'aboutissement de la SNFAR et le programme
d'appui à la formation agricole et rurale évoqué plus haut
se situent au même moment : ce dernier est en effet le cadre
d'application de l'accord de coopération signé en juin 1999 entre
la Suisse et le Sénégal. C'est donc bien dans le cadre du
troisième chantier de ce programme d'appui que sont créées
les conditions qui amèneront à la création du RESOF, le 21
juin 2000.
Nous relevons dans le rapport d'activité de la
coopération suisse de décembre 2000 les constats suivants (points
104 à 107 du rapport) :
· Une méconnaissance, par la majorité des
partenaires potentiels du pôle (élus locaux, OP, privés) de
la stratégie nationale qui sous-tend la création de pôles
régionaux de formation.
· Des acteurs locaux qui peinent à clarifier le
rôle du pôle et à aller au delà de la seule mise en
place d'un cadre organisationnel.
· La prégnance des écoles et centres de
formation dans la dynamique nouvelle, avec « le risque de limiter le
pôle à une simple expression de l'offre de
formation ».
Cette absence de vision partagée par tous les acteurs
est pointée comme une faiblesse majeure, de nature à provoquer
l'enlisement de la démarche.
Du côté des élus locaux, il faut bien
comprendre que les nouvelles responsabilités à assumer sont
très larges ; depuis les lois de décentralisation de 1996,
les collectivités locales se sont vues transférer neuf domaines
de compétences, et elles n'ont pas les moyens de leur politique. Elles
bénéficient d'une dotation globale de l'Etat central sous
évaluée, et peinent à récupérer les
impôts et taxes locales.
Le conseil régional de Saint-Louis a pourtant mis en
place son Agence Régionale de Développement, censée
être le bras technique des différents échelons des
collectivités locales, sans que toutes les ressources humaines et
financières n'y soient affectées ; il a également
piloté l'élaboration d'un Plan Régional de
Développement Intégré, dont la mise en oeuvre bute sur les
mêmes difficultés.
Dans ce contexte, on peut comprendre la prudence des
collectivités locales à s'engager, et leur réticence
à mettre en commun leurs ressources et leurs compétences.
D'autre part, au plan des logiques institutionnelles, leurs
nouvelles responsabilités en matière d'éducation et de
formation professionnelle les ont peut être porté à croire
que le sous secteur des formations agricoles et rurales, éclaté
entre de multiples tutelles, était marginal dans le dispositif
éducatif global.
Il s'y ajoute le fait, comme cela nous fut rappelé
à plusieurs reprises, que l'agriculture ne figurait pas au nombre des
compétences nouvelles transférées.
Vingt mois plus tard, en janvier 2002, le rapport annuel du
RESOF présente dans son préambule le
« pôle » comme suit : « un cadre de
concertation, de réflexion et d'échanges entre ses membres et
avec l'extérieur, dans le domaine de la FAR ».
L'évolution semble notable, et notoirement
éloignée de l'idée originelle de pôle
régional de formation, si tant est qu'un pôle de formation a
vocation à faire de la formation (cf. notre précédent
parallèle avec un réseau de professionnels de santé).
Les objectifs déclinés dans ce même
document le confirment : il s'agit désormais de faciliter la
réflexion collective sur des thèmes fédérateurs et
les échanges de pratiques, de diffuser les expériences, de
faciliter la mobilisation des ressources et de contribuer à
l'élaboration de la politique régionale de FAR.
Un dernier objectif (en réalité, le premier de
la liste) a trait à la promotion de la qualité dans la conception
et la réalisation des programmes de formation.
Ceci est du reste confirmé dans le projet de programme
de mise en oeuvre du pilotage régional de la FAR. Ce document,
proposé par le Secrétariat du RESOF en mai 2006, réaffirme
son ambition « de faire une place primordiale à la
régulation participative de la FAR dans la mise en oeuvre
de la Stratégie Nationale dans la Vallée du Fleuve
Sénégal ».
Le démarrage du RESOF fut laborieux ; d'abord
assurée par la structure hébergeante51(*) au cours des neuf premiers
mois, son animation sera confiée en mars 2001 à l'assistant des
programmes de formation du CIFA, qui deviendra ainsi l'animateur principal du
RESOF. Au nombre de ses missions, figurent (déjà) la
re-dynamisation du réseau et la mobilisation des acteurs majeurs
présents dans son environnement.
D'ailleurs, si à la naissance du RESOF en juin 2000,
quinze organisations ont payé la cotisation annuelle (5 000 Francs CFA,
soit moins de huit Euros), elles ne sont plus que trois l'année
suivante, dont la structure hébergeante. (malgré
l'adhésion de deux nouveaux opérateurs privés en 2001).
Lors de la dernière Assemblée
Générale du 29 décembre 2005, le décompte des
membres ressort à 46 organisations (cf. Annexes). Celles-ci se
répartissent à peu près équitablement sur les deux
catégories de l'offre et de la demande.
Cette longue introduction, relative aux finalités du
réseau, tente de montrer que chacun des acteurs pressentis à
l'origine pour participer à cette dynamique de rupture avec le
passé est venu avec en perspective sa propre stratégie :
· pour les uns, peu nombreux, il s'agissait de contribuer
à mettre en place un instrument destiné à assainir les
pratiques dans le secteur, et à faire évoluer la
réponse-formation globale par des échanges de pratiques et la
diffusion d'expériences originales ;
· pour d'autres, les plus nombreux, il s'agissait
davantage de se positionner, en perspective de remplir son carnet de
commande ;
· pour les organisations professionnelles et quelques
associations de développement communautaires, le réseau semblait
représenter un espace intéressant pour faire valoir leur point de
vue en tant que demandeurs de formation.
· quelques autres enfin, ont « acheté
leur ticket, pour voir » ; il s'agit essentiellement des
services d'appui au développement rural.
Ces attentes multiples, et l'équilibre qui en est
résulté, ont sensiblement modifié l'idée originelle
de pôle régional de formation jusqu'à sa forme actuelle,
plus proche d'un cadre de concertation.
Nous verrons cependant par la suite que les activités
conduites mêlent encore parfois les deux finalités, apportant
parfois de la confusion lorsque le réseau commandite et prend en charge
des actions de renforcement de capacités au bénéfice
d'individus issus de ses organisations membres, ses situant alors en position
de concurrence avec certains de ses membres, opérateurs, voire
financeurs de formation.
III.2- ACTEURS ET
SYSTÈMES EN PRÉSENCE
Notre approche, délibérément
systémique, va conduire notre regard à se focaliser sur deux
catégories d'éléments essentiels à la
compréhension52(*) ; il s'agit :
III.2.1- LES INVARIANTS DU
SYSTÈME RESOF
III.2.1.1- Les informations
porteuses de sens
III.2.1.1.1- La demande initiale
La demande initiale qui conduira à la création
du RESOF est d'origine exogène ; sa formulation résulte des
recommandations du groupe de travail national qui conduiront à la
validation de la stratégie nationale de formation agricole et rurale,
lors de l'atelier national de mai 1999.
De plus, les acteurs les plus volontaires et les plus
influents à l'origine de cette dynamique appartenaient au monde de la
recherche, et non à celui de la formation. On peut donc craindre,
dès ce stade, que les professionnels de la formation se soient
résignés « à montrer dans le train des
réformes », sans nécessairement en partager les
motivations, mais prêts à en saisir les opportunités qui
pourraient leur convenir. En forçant le trait, nous sommes tentés
de parler de mensonge par omission.
III.2.1.1.2- Le déclencheur
Le déclencheur, qui a permis de passer de la
théorie à l'application, nous semble bien être le programme
d'appui au renforcement des capacités des acteurs du monde rural au
Sénégal, conçu et financé par le Bureau d'Appui
à la Coopération sénégalo-suisse.
Ce partenaire au développement est managé par
d'anciens chercheurs de l'Institut Sénégalais de Recherche
Agronomique, très actifs lors de la conception de la stratégie
nationale.
Ce déclencheur est donc beaucoup plus proche d'un
prolongement de la demande initiale, telle que rappelée ci-dessus, que
d'une préoccupation forte des principaux acteurs de la FAR dans la
Vallée du Fleuve Sénégal.
Ces deux premières informations appuient l'impression
que, à défaut de subir, les acteurs régionaux sont
restés pour le moins passifs jusque très tardivement dans le
processus de création du RESOF.
III.2.1.1.3- Les niveaux d'objectifs
Le repérage des différents niveaux d'objectifs
est destiné à mieux éclairer l'orientation et la
cohérence de la demande. Au chapitre précédent
(« une finalité équivoque »), nous avons
tenté de montrer l'évolution des objectifs assignés au
RESOF depuis son origine, et leur caractère ambigu au moment de sa
création.
Si nous convenons d'appeler N la période se situant
juste avant la conception du RESOF, les niveaux d'objectifs se déclinent
selon nous de la façon suivante :
· Objectif à la date N
Mettre en place un pôle de formation régional,
pour faire jouer la complémentarité de compétences
dispersées sur le territoire, et bénéficier
d'économies d'échelle.
· Objectif N+1 (proposition du groupe de réflexion
préalable à l'assemblée générale
constituante)
Mettre en place une organisation de type réseau,
légère, informelle et sur une base volontaire, ayant pour
finalité de contribuer à l'élaboration d'une politique
régionale de formation agricole et rurale au service du
développement.
Cette finalité était
déclinée en trois objectifs : i) améliorer la
qualité de la formation, ii) mettre en relation les membres, et iii)
capitaliser les expériences de chacun.
On notera que ces trois objectifs, s'intéressant
spécifiquement à l'offre de formation, ne convergent pas
nécessairement vers la finalité avancée, à savoir
contribuer à l'élaboration d'une politique régionale de
formation.
· Objectif N+2
En perspective, les acteurs envisageaient par la suite de
contribuer, via cet instrument, au pilotage du secteur de la FAR dans la
Vallée, afin de peser sur les orientations et l'allocation des
financements. Cet objectif n'est sans doute pas étranger au poids
équivalent de la représentation des acteurs situés tant
sur la demande que sur l'offre de formation, au sein du RESOF.
La formation professionnelle figurant au nombre des domaines
de compétences transférés aux collectivités
locales, et au vu de leur absence d'engagement dans ce processus, nous sommes
en droit de douter du réalisme (à l'époque) des membres du
RESOF, qui souhaitaient atteindre via celui-ci un poids
« politique » pour peser significativement sur les
orientations en matière de politique régionale de formation.
Dans un autre registre, le staff technique du RESOF,
composé du Secrétariat, de l'animateur et du directeur du CIFA,
modérateur, a cru devoir préciser lors de l'assemblée
générale de décembre 2005 que l'appui en
équipements pédagogiques aux structures de formation n'entrait
pas dans la vocation du Réseau.
Nous retiendrons, pour ce qui nous concerne, que l'objectif
réaffirmé de cadre de concertation et d'échanges
d`expériences entre bel et bien dans une logique de régulation
participative, où l'amélioration de la qualité des
prestations se construit au quotidien par effet d'entraînement,
plutôt que par l'instauration de procédures réglementaires
descendantes, dont l'application et le contrôle se sont toujours
révélés problématiques à la mise en
oeuvre.
Néanmoins, ce point positif est handicapé par
l'adjonction d'autres objectifs, qui sont de nature à empêcher
tous les acteurs en présence d'atteindre une vision partagée et
claire du but à atteindre ; c'est ainsi que nous comprenons une
partie des activités récentes de l'organisation, visant à
dérouler des plans minimaux de formation des producteurs ; leur
logique (et leur apparente incohérence avec les objectifs de
départ) seront exposées dans la partie consacrée aux
acteurs du système.
III.2.1.1.4- Les résultats attendus
Les résultats attendus de cette construction collective
ne paraissent pas prêter à confusion ; parfaitement
circonscrits dans la Stratégie Nationale de FAR, ils ont trait
à :
Les résultats attendus doivent être
considérés comme les fondations des réponses
cohérentes à construire ; sous cet angle, les tentatives
ambitieuses de rayonnement géographique du Réseau sur quatre
régions administratives, dont Louga relativement excentrée par
rapport à la Vallée du Fleuve, ainsi que le démarchage
engagé à une époque dans le bassin arachidier
(région de Kaolack) semblent nuire à son efficacité.
Ses efforts ne peuvent se concentrer sur une
expérimentation territorialisée aux dimensions
maîtrisables, et risquent de retarder d'autant l'impact des
résultats attendus par ses membres, voire de les hypothéquer
purement et simplement en exacerbant l'impatience et les frustrations.
III.2.1.2- Le
système à considérer
III.2.1.2.1- Les acteurs ressources et freins
Au delà d'un simple recensement des acteurs partie
prenante du dispositif, l'analyse devrait conduire à identifier les
acteurs neutres, les acteurs-ressources, et ceux qui constituent des freins
à la progression de l'organisation ; l'idée sous-jacente est
bien entendu de s'appuyer sur les ressources pour parvenir à
gérer les résistances au changement, si sa
nécessité apparaît incontournable.
Comme nous l'avons rappelé dans l'avertissement au
début de ce chapitre, nos investigations limitées ne nous
permettent pas de traiter à ce stade cet aspect complexe et hautement
délicat, avec tout le sérieux et les garanties
nécessaires.
Cette partie sera en revanche l'objet de toute notre attention
lorsque nous nous attellerons à notre second Mémoire, de Master
cette fois.
Nous renvoyons donc le lecteur à la liste des 46
membres du RESOF53(*) figurant en
annexe, pour disposer d'une vue d'ensemble du panel des acteurs
représentés. Les prestataires de service, publics et
privés, s'y retrouvent à égal niveau de
représentation avec les Organisations Professionnelles agricoles et les
associations de la société civile.
La répartition géographique laisse
transparaître un déséquilibre entre les trois pools, qui
peut s'expliquer en partie par leurs superficies respectives : Pool de
Saint-Louis : 23
Pool du Delta : 8 Pool Podor/Matam/Bakel :
23 Kaolack : 1
III.2.1.2.2- Les relations entre les acteurs
Le RESOF est structuré comme suit :
Le CIFA occupe les locaux de l'ancien centre de formation de
la Société publique d'aménagement des terres du Delta
(SAED) ; présidé par la profession agricole, il est reconnu
d'utilité publique et reçoit via la SAED une dotation annuelle de
l'Etat d'environ cinquante millions de F CFA.
L'organisation du Réseau en pools a été
décidée pour restaurer un caractère de proximité
à son action, vis à vis de ses membres répartis tout au
long de la Vallée du Fleuve Sénégal, de la côte
Atlantique jusqu'à Bakel (région administrative de Tambacounda),
où le fleuve pénètre au Sénégal.
En avril 2004, un atelier organisé par le RESOF avec
l'appui de l'International Institute for Environnement and Development (IIED)
s'est déroulé dans la région de Louga. Regroupant entre
autres six membres de cette région54(*), cet atelier s'inscrivait dans le cadre d'un des
Résultats Intermédiaires du plan d'action 2003 - 2005 :
« renforcer les acquis en vulgarisant l'esprit et les valeurs du
réseau, en vue d'en re-dynamiser le
fonctionnement ».
Cet objectif découlait de la léthargie qu'avait
connu le RESOF en 2002.
Cet atelier de diagnostic visait à familiariser les
participants avec les bonnes pratiques d'un réseautage efficace, et
à évaluer les points faibles de l'organisation et du
fonctionnement du RESOF.
A partir de l'expression de chacun des participants,
l'animateur de l'IIED en est arrivé à résumer la situation
par la construction du schéma relationnel suivant :
Animateur
Pool
St Louis
Pool
Dagana
Pool
Podor
Secrétariat
Inter-relations
Absence de relation
Exagérément simplificateur (les membres du
secrétariat proviennent des trois pools), il a cependant le
mérite d'être très parlant; un réseau au sein duquel
les membres ne peuvent échanger entre eux que par l'intermédiaire
d'un animateur est-il encore un réseau ? la réponse semble
négative si l'on se réfère à la typologie des
réseaux telle que proposée par G. LE BOTERF55(*).
Ce schéma modélisant les relations a servi
à mettre en relief les principales contraintes qui pèsent sur le
fonctionnement du réseau, et qui se résument à la
:
· Prégnance de l'animateur sur toutes les
activités du réseau,
· Faible participation des membres dans l'animation,
· Absence de relations horizontales (d'égal
à égal) entre les membres et les pools,
· Mauvaise circulation de l'information en interne,
Cette situation a pour conséquence un relatif
désintérêt des organisations membres, insuffisamment
informées, du fait également d'une trop grande personnalisation
des relations.
III.2.1.2.3- Les enjeux
L'appréhension des enjeux est nécessaire pour
rendre compte de l'implication des acteurs, tout au moins si l'on se place dans
la perspective d'un changement à accompagner.
Nous opérerons d'entrée de jeu une distinction
nette entre les enjeux « affichés », relevant de
l'organisation RESOF, et les enjeux spécifiques propres à ses
membres, que révèle leur décision de matérialiser
leur appartenance à travers leur adhésion.
S'agissant des seconds, l'exercice n'est pas aisé car
nous pourrions assez facilement répartir l'ensemble des organisations
membres en une douzaine au moins de catégories d'acteurs selon les buts
qu'ils poursuivent (au moins de par leur statut).
Privés (bureaux d'études, conseil)
|
Associations de dév. local
|
Dispositifs de formations paysannes
|
Ecoles et CF publics
|
Organisations professionnelles
|
projets
|
Centres de formation privés
|
Services étatiques d'appui
|
Centres de formation interprofessionnels
|
ONG
|
Sociétés régionales de
dévt
|
Réseaux thématiques
|
Là également, des entretiens de
compréhension permettront dans un avenir proche de cerner plus
précisément leurs attentes et stratégies respectives,
à court terme et à long terme.
Enfin, il n'est pas interdit de penser que les enjeux
généraux affichés et les enjeux particuliers plus ou moins
cachés puissent se recouper selon les acteurs, et selon les
périodes.
La difficulté de démêler l'écheveau
des interrelations, des interactions et des stratégies émanant de
quarante cinq organisations aux profils très variés s'apparente
à un casse-tête chinois (les plus compliqués), sans compter
les stratégies individuelles qui peuvent différer au sein de ces
mêmes organisations.
Au plan de la première catégorie d'enjeux, ceux
pour lesquels l'entité RESOF oeuvre au quotidien, la visibilité
n'est pas aussi parfaite que nous pourrions l'espérer de prime abord.
Nous avons eu à en faire cas lorsque nous nous sommes
attachés à montrer la diversité des finalités et
objectifs poursuivis, et leur relative fluctuation dans le temps.
Entre :
· la mise en réseau de compétences, pour
faire jouer les complémentarités et proposer une
réponse-formation globale,
· un cadre de concertation, de réflexion et
d'échanges entre professionnels de la formation,
· la régulation, pour assainir le secteur, piloter
la rationalisation de l'allocation des financements qui le drainent et tendre
vers une meilleure adéquation de l'offre à la demande de
formation des ruraux,
...le grand écart semble difficilement contournable.
Il est tentant (et sans doute trop facile) de faire le
parallèle avec le jeu des chaises musicales : nul ne sait quand
s'arrêtera la musique, mais chacun n'a qu'une préoccupation en
tête, celle de batailler ferme pour trouver au final une place assise
afin de ne pas se faire éliminer prématurément.
Cette stratégie de positionnement produit
nécessairement une dynamique ; en revanche, elle peut
représenter une masse d'inertie redoutable dès lors que certains
termes apparaissent porteurs de danger, à tort ou à raison.
Il en va ainsi de la régulation, surtout lorsqu'on lui
accole les expressions « certification » ou
« agrément », qui peuvent à juste titre
provoquer la crainte d'un bureau d'études ou d'un consultant, dont la
vente de prestation formation est son gagne-pain.
Cette inquiétude peut également peser sur des
enseignants du secteur public, nombreux à intervenir en
« freelance » au gré des opportunités.
Dans un autre registre, la recherche de synergies entre des
compétences (publiques et privées, qui plus est) jusque là
en situation de concurrence sur le marché relève d'un
équilibre subtil et instable ; tant que sa réalité
n'a pas été éprouvée, l'espoir d'une relation
gagnant-gagnant cède le pas au statu quo, par crainte d'y perdre.
La satisfaction du statu quo ne représente certes pas
la panacée, mais elle nous semble cependant traduire un consensus dont
s'accommodent bon nombre des membres du réseau.
L'approche douce annihile la défiance, produit de la
confiance et du dialogue, et à terme de la transparence ;
l'appartenance à un réseau d'envergure peut être source de
légitimité voire de prestige pour les organisations les plus
petites, elle procure dans tous les cas une « carte de
visite ».
Les relations développées et le carnet
d'adresses mis en commun peuvent être source d'opportunités, tant
pour les offreurs de services que pour les acteurs situés du
côté de la demande, ou encore pour certaines structures
d'intermédiation ou d'appui dans le développement rural, comme
dans le développement local.
La demande enfin, en côtoyant l'offre de services
plurielle, peut parfaire son information et opérer une
présélection discrète en vue de futures
décisions.
Ces aspects positifs ne sont pas négligeables, on peut
seulement leur reprocher d'être difficilement mesurables. Finalement,
chacun y trouve, peu ou prou, ce qu'il est venu chercher mais
l'intérêt collectif, sur un plan plus
« macro », reste mal quantifiable car le pas de temps gomme
les avancées, comme le ferait une fonction de lissage pour une
courbe.
Un des champs d'action les plus fédérateurs, et
le plus facile à mettre en oeuvre, consisterait dans ce contexte
particulier à mobiliser des ressources (ce qui ne signifie pas ses
ressources propres, issues des adhésions) pour développer des
actions de renforcement de capacités au service de ses propres
organisations membres ; les avantages sont quadruples :
1) - Satisfaction des bénéficiaires directs,
2) - Consensus général (une formation
ponctuelle ne représente pas un danger pour l'avenir),
3) - Génération d'activités,
mobilisatrice : il se passe quelque chose,
4) - Justification « visible » de la
pertinence de la structure, qui est en mesure d'offrir des services à
ses membres.
Nous verrons un peu plus tard l'application concrète de
ce principe, sous la forme de plans minimaux de formation des producteurs
(notamment).
Nous terminerons ce tour d'horizon relatif aux enjeux
multiples, nous avons tenté d'en rendre compte, en nous
intéressant aux acteurs extérieurs au RESOF, mais occupant une
position institutionnelle privilégiée ; nous aborderons
notamment le cas des Conseils régionaux (quatre sont directement
concernés par la zone d'action du réseau) et des services
déconcentrés des ministères sectoriels en charge du
développement rural et de l'éducation.
Le conseil régional a vocation à élaborer
et conduire une politique de formation, à l'échelle de la
région administrative. Or, si la
« mécanique » très centralisée du
dispositif Education Nationale lui échappe en grande partie pour la
dimension éducative, en revanche la formation professionnelle,
très éclatée entre de multiples acteurs institutionnels et
non institutionnels, n'apparaît pas être mieux prise en charge
à son niveau.
Au cours d'un entretien récent auquel participait
l'animateur du RESOF, le Secrétaire général du conseil
régional de Saint-Louis nous a fait part de l'intérêt qu'il
portait à l'élaboration d'une future « carte
scolaire » de la formation professionnelle, notamment dans sa
composante rurale, la plus dispersée et donc la moins connue.
Ce cadre paraissait désireux de travailler avec le
réseau dans ce sens, au moins pour un début de collaboration.
Nous avions noté que cet acteur clé ne connaissait pas le RESOF,
bien que ses services aient été démarchés à
plusieurs reprises au cours des années précédentes (de
même que l'Agence Régionale de Développement).
Nous avons également souvenir du discours
prononcé par le vice-président de celle collectivité,
à l'occasion d'un atelier sur la mise en place d'un pilotage
régional de la FAR dans la Vallée organisé par le RESOF en
décembre 2004.
Au cours de l'entretien évoqué plus haut, il
nous avait semblé symptomatique que nos interlocuteurs confondent
à plusieurs reprises le RESOF et le CIFA (qui l'héberge) ;
nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir sur ce point.
Les relations entre l'organisation et les trois autres
conseils régionaux ne paraissent pas davantage suivies ; pourtant,
l'objectif d'impliquer fortement les élus locaux dans le pilotage et le
financement de la FAR, grâce à l'action du RESOF, est
déjà ancien.
Ainsi, au chapitre Perspectives, qui conclut le bilan
réalisé par le Bureau d'Appui à la Coopération
sénégalo-suisse, pour la phase 1999-2002, on peut lire que les
conseils régionaux de Saint-Louis et de Ziguinchor sont impliqués
dans la mise en place des pôles régionaux de formation.
S'agissant des services étatiques
déconcentrés, ou même des chambres consulaires, la
situation est comparable ; citons parmi ceux-ci les Directions
Régionales du Développement Rural, les Inspections
Régionales des Services Vétérinaires, les Services
Régionaux des Eaux et Forêts, et l'Inspection
d'académie.
La logique d'un réseau de ce type, par essence souple
et informel, nous empêche de leur reprocher de rester à
l'écart, c'est à dire de ne pas intégrer le réseau.
Cependant les interactions pourraient être nombreuses dans le champ des
formations rurales, et plus largement dans le domaine du renforcement de
capacités.
En réalité les moments de dialogue sont rares
et, au quotidien, ces services ignorent superbement la présence du RESOF
en tant qu'acteur du territoire, même s'il leur arrive de répondre
ponctuellement à une invitation ; nous notons d'ailleurs que
l'initiative des contacts est souvent à sens unique.
Deux explications peuvent être avancées ;
ces différents services doivent déjà gérer leurs
propres contraintes de fonctionnement et de positionnement dans la logique de
recentrage de l'Etat sur ses missions
« régaliennes ».
La seconde hypothèse tient peut être à ce
que l'intérêt de développer un nouveau partenariat ne leur
apparaît pas évident.
Même si l'ambition du RESOF se limitait aux
échanges de pratiques entre ses membres (ce qui n'est pas le cas) pour
permettre à chacun de progresser, nous ne pourrions malgré tout
que nous étonner du caractère aussi ténu du tissu
relationnel développé par le RESOF avec les autres
systèmes de son environnement qui sont sources d'interdépendances
fortes dans le territoire : financements, aspects réglementaires,
orientations politiques.
III.2.1.3- Les marges de
manoeuvre du système RESOF
La marge de manoeuvre peut se définir comme l'autonomie
marginale dont il dispose, après déduction de l'ensemble des
contraintes qui pèsent sur son rayonnement (nous compléterons cet
essai de définition par la suite).
Or, ces contraintes sont nombreuses ; sans
prétendre à l'exhaustivité, nous pensons en avoir
identifié quelques unes, certaines d'ordre général, et
d'autres plus spécifiques au réseau lui-même.
· Le taux d'alphabétisation assez faible des
ruraux, et plus encore pour les femmes, notoirement connues pour leur dynamisme
et leur contribution à l'économie rurale. Ce frein pèse
sur les échanges et sur l'accès à l'information d'une
manière générale : ce qui va de soi dans un
réseau en France pose problème ici.
Sauf à vouloir travailler de façon
élitiste, avec les seules personnalités les plus
éduquées, c'est toute la stratégie de communication qui
mériterait d'être repensée.
· L'aire d'intervention du réseau est importante
dans l'absolu
Les
régions de
Saint-Louis, Matam et Louga totalisent 73 315 km², auxquels il
convient d'ajouter une partie des 60 000 km de la région de
Tambacounda ; cela équivaut à environ treize
départements français, répartis sur une bande de plus de
cinq cent kilomètres de longueur. La couverture de cette aire doit aussi
s'apprécier au regard des voies de communication terrestres, dont seuls
quelques axes principaux sont praticables en toute saison, mais aussi de
l'accès encore limité aux NTIC en milieu rural.
De ce fait, la communication interne se réduit parfois
à une activité ponctuelle, aux temps forts que constituent les
rencontres physiques entre ses membres à l'occasion d'une réunion
ou d'un atelier.
· Le caractère pressent des attentes
particulières à satisfaire
Nous opposerons ce point à la construction d'une
intelligence collective, qui nécessite du temps ; le soucis de
préserver la cohésion du groupe oblige à prendre en
considération ces attentes, parfois relativement éloignées
de la raison d'être de l'organisation.
· Le mélange des membres, acteurs de l'offre et de
la demande de formation.
Sous certaines conditions que nous aborderons au terme de
notre réflexion, cette réalité peut constituer un atout
décisif ; néanmoins au stade actuel il nous semble que le
focus sur l'objectif de satisfaction de la demande (en tant que membre)
hypothèque l'évolution qualitative espérée
initialement de la part des offreurs de service.
Il est à craindre en retour que cette prégnance
ne soit préjudiciable à la qualité des réponses
apportées aux préoccupations des ruraux, et donc à leur
impact ; en d'autres termes, la paix négociée à court
terme peut s'avérer désastreuse sur le long terme si la valeur
ajoutée collective du RESOF n'apparaît pas manifeste.
· L'effacement des institutions membres derrière
la forte personnalisation des relations
On rétorquera que c'est là le propre des
réseaux, toutefois, le poids potentiel du RESOF se mesure bel et bien
à l'aune de ses organisations membres ; ce sont elles qui
adhèrent en cotisant, et non les individus qui les
représentent.
Nous devrons encore poursuivre nos investigations avant de
pouvoir affirmer que celles-ci sont régulièrement
informées des activités du RESOF, et qu'elles se reconnaissent
à travers son action.
· L'apparente perplexité (mais peut être
n'est-ce que de la prudence) dont font preuve les autres systèmes
situés dans l'environnement du réseau ; le cas des
collectivités locales a déjà été
évoqué, aussi nous illustrerons notre propos à l'aide de
deux autres exemples :
o L'Agence Nationale de Conseil Agricole et
Rural (ANCAR), dont deux de ses directions régionales sont
membres, et
la SAED dont l'emprise sur la
Vallée est très forte sont les principaux services d'appui, de
conseil et d'intermédiation ; on pourrait croire que la
collaboration est naturelle et quotidienne, mais cette hypothèse nous
paraît hasardeuse à ce jour.
o Les projets de développement rural, ou de
développement local, dont l'énumération serait fastidieuse
semblent pareillement ignorer le RESOF, alors qu'ils travaillent
régulièrement avec une bonne partie de ses organisations
membres.
Lorsque l'on connaît le contexte rural dans lequel se
déroulent les interventions des uns et des autres et la fréquence
des opportunités de rencontres, on ne peut qu'être surpris de ce
cloisonnement quasi étanche, dont le caractère artificiel
apparaît à maints égards illogique.
· L'identité floue du RESOF
Il est peu sélectif, d'autant qu'il cherche à
élargir sa base, et ses membres ont des profils très
divers ; il n'a pas de statut formel et ne peut donc se prévaloir
de la personnalité morale au plan juridique ; les actes techniques
et de gestion qu'il pose portent donc la seule signature du CIFA,
légalement reconnue.
Pour couronner le tout, il est hébergé par ce
même CIFA, dont un des formateurs assure à mi-temps l'animation du
réseau ; on ne s'étonnera donc pas de la confusion entre ces
deux entités dans l'esprit de nombreux acteurs, y compris parmi les
organisations structurées qui sont représentées au sein de
son secrétariat. Que dire alors de sa visibilité vis à vis
des tiers ?
· Une dernière contrainte, et non des moindres,
nous paraît être l'extrême dépendance
financière ; les fonds collectés par le biais des
adhésions et cotisations annuelles ne sont guère plus que
symboliques, et son existence ne dépend que du bon vouloir de son unique
partenaire qu'est la coopération suisse.
La marge d'autonomie est donc faible, et le fonctionnement
peut être stoppé net indépendamment de sa volonté,
comme l'a révélé le gel momentané des appuis
financiers entre juillet et décembre 2003 (dont fait état le
RESOF dans son rapport d'activité 2003-2005).
A la suite de cette énumération, nous pourrons
nuancer notre première définition des marges de manoeuvre, en y
adjoignant un certain nombres d'atouts potentiels ; nous en avons
identifié trois qui, subtilement manoeuvrés, peuvent se
révéler de puissants moteurs :
· De puissantes organisations membres
Certaines ont prouvé leur capacité à
négocier avec les partenaires au développement. La
première d'entre elle, l'Association Sportive et Socio Culturelle des
Agriculteurs du Walo (ASESCAW) se caractérise à la fois par un
poids démographique très important, une dimension
régionale, des ramifications au sein des collectivités locales
avec un certain nombre d'élus, et compte parmi ses membres des acteurs
d'un poids économique considérable (en lien avec la gestion des
périmètres irrigués).
Celle-ci jouit par ailleurs d'une légitimité
historique dans le mouvement associatif sénégalais : ce sont
ses responsables qui sont à l'origine du mouvement paysan :
Fédération des ONG du Sénégal (FONGS - Action
paysanne) d'abord, puis Conseil National de Coopération et de
Concertation des Ruraux (CNCR) ; tous deux sont internationalement
reconnus pour leur indépendance, leur capacité de mobilisation et
leur force de proposition.
· Les opérateurs de formation membres (publics et
privés) ont des bases qui restent fragiles, et de ce fait pourraient
être disposés à évoluer en se servant du RESOF comme
levier.
Les privés n'ont pas atteint la taille critique qui
leur permettrait de lisser leur charge de travail, dans un secteur ou la
compétition est d'autant plus féroce que les compétiteurs
viennent souvent de Dakar.
Les établissements publics sont en règle
générale mal en point, et les ruraux ont pris l'habitude de
bouder leur offre, à qui ils reprochent une rigidité excessive
héritée du temps ou ces établissements formaient
essentiellement pour le compte de l'Etat employeur ; ceux relevant de
l'Education font exception, pas tous, mais ils sont confrontés au
même désintérêt de leurs cibles lorsqu'ils
s'aventurent sur le terrain de la formation continue, dont ils convoitent une
partie des flux financiers.
· La possibilité d'éveiller
l'intérêt des décideurs locaux, et au premier chef les
collectivités locales.
Celles-ci pourraient, de par leurs pouvoir propre et leurs
partenariats multiples, se révéler de puissants catalyseurs pour
peu que le RESOF s'intéresse à leurs attentes spécifiques
dans le domaine opérationnel, et fasse montre de réalisme en leur
proposant un début de réponse sous une forme très
concrète.
Les contacts répétés de sensibilisation
à leur endroit pourraient du reste être rangées au nombre
des solutions déjà tentées par le RESOF, que nous
aborderons à la suite.
Au final, les marges de manoeuvre apparaissent à la
fois limitées, du fait de la prégnance de contraintes objectives,
mais aussi réelles, moyennant quelques adaptations nécessaires
dans la forme et les méthodes.
III.2.1.4- Les solutions
déjà tentées
Pour remédier aux difficultés que le RESOF a
rencontré, dont certaines déjà évoquées sont
récurrentes (léthargie, méconnaissance par ses membres de
l'esprit de réseau, dispersion des objectifs poursuivis), des solutions
ont été mises en oeuvre, à des périodes
différentes.
Il importe de les connaître pour mieux
appréhender la trajectoire du RESOF, et pour en mesurer la pertinence
à postériori, vis à vis des objectifs poursuivis par
l'organisation.
Comme l'explique P. WATZLAWICK56(*), « L'expérience montre que même, et
peut-être surtout, en cas de perturbations maximales, les systèmes
tendent à appliquer une recette aux effets généralement
pervers, celle du toujours plus de la même chose, quitte à
accroître inéluctablement les difficultés qui perturbent
leur fonctionnement ».
C'est dans cette catégorie que nous prendrons le parti
de ranger les actions répétées de sensibilisation des
membres à l'esprit de réseau, dont les résultats
paraissent mitigés.
Cet écart nous renvoie aux stratégies
particulières des acteurs membres, aux multiples objectifs poursuivis
par ceux-ci et qui peuvent s'opposer et prendre le pas sur ceux assignés
au RESOF, ou encore aux finalités floues de cette construction
collective.
· Le « mécénat »
C'est ainsi que nous qualifierons certaines des actions du
réseau consistant à prendre en charge financièrement, lors
de foires et salons, les stands de ses membres.
Bien loin de sa raison d'être, ce type d'appui
s'apparente à une tentative de séduction pour re-mobiliser les
troupes ; il est susceptible de créer de la frustration chez les
autres membres non servis, et présente le risque majeur de faire
apparaître le réseau comme un bailleur de fonds. Si tel devait
être le cas, les jours du RESOF seraient alors probablement
comptés.
· La création de pools géographiques
Confronté à la difficulté d'être
suffisamment au contact des acteurs de terrain qui se trouvent à
l'échelon des Communautés Rurales (la collectivité
territoriale de base), le RESOF a créé en 2004 trois pools
répartis dans la Vallée, que sa plaquette présente comme
« un dispositif décentralisé de concertation et de mise
en oeuvre pour rapprocher l'offre et la demande locale de FAR, composé
d'élus locaux, d'OP, d'opérateurs de formation et des projets de
développement ».
Ils sont personnalisés par autant de points focaux,
à qui il revient d'en assurer l'animation et la liaison avec l'animateur
du RESOF. Mais il est à craindre que les difficultés de
communication et d'animation à l'échelon supra se retrouvent
également dans le fonctionnement des pools, d'autant que leurs missions
sont larges :
o Concertation entre acteurs, pour définir les
priorités de formation (mais quelle légitimité, sauf
à apparaître comme un financeur ?).
o Mobilisation des partenaires et diffusion de l'information.
o Renforcement de capacités pour l'élaboration de
programmes.
o Validation des programmes de formation des OP
o Appui à la recherche de financement
o Suivi et évaluation de la mise en oeuvre
o Participation à la régulation de la formation au
niveau local
Nous verrons, en lien avec le point suivant, que ces pools
amènent l'entité RESOF à revendiquer la prise en charge de
la demande de formation et de ses spécificités au niveau local,
en prenant le risque de se positionner comme un concurrent des prestataires de
formation classiques.
Si l'attention portée à la proximité du
terrain est légitime au regard du rayon d'action, le schéma des
relations internes proposé par l'IIED57(*) révèle qu'avec les pools on a ajouté
de la sophistication à ce qui était déjà complexe,
mais ne renseigne pas sur la façon dont circulent les échanges au
sein de ces sous-systèmes.
· Les plans minimaux de formation des producteurs
Imaginés depuis 2004, ils constituent, avec le pool, le
second instrument décentralisé de gestion participative du
programme du RESOF. Basé sur cinq modules conçus par les
formateurs issus des organisations, le plan minimal est validé par le
pool qui doit mobiliser toutes les ressources locales disponibles pour sa
réalisation.
Un programme de dix plans minimaux est en cours
d'exécution, mais le RESOF avoue que la mobilisation des acteurs majeurs
comme la SAED ou les agro industriels pose encore problème.
· Le fonds de formation local
Provenant d'une ligne budgétaire de l'appui suisse au
RESOF, ce fonds local va bientôt être mis en place au niveau de
chaque pool pour (nous citons) « construire une approche novatrice
d'appui-conseil ».
Ces deux derniers points feront l'objet d'un
développement dans nos travaux futurs, cependant ils semblent confirmer
à ce stade le glissement du Réseau vers la maîtrise
d'oeuvre directe d'actions de formation au bénéfice des
producteurs, et vers la réunion de la fonction opérationnelle de
régulation et de celle de pilotage, via les fonds de formation.
III.2.1.5- Les
évolutions prévisibles
Nous aborderons celles-ci sous l'angle des risques encourus,
dans le prolongement du paragraphe précédent.
Le RESOF ne poursuit pas de but lucratif, ce n'est ni un
acteur économique, ni une association de défense
d'intérêts catégoriels. Les évolutions
récentes de cette structure transversale que nous avons jugé
utile de relever portent à croire qu'il s'oriente désormais vers
une intégration verticale rassemblant les rôles de maîtrise
d'ouvrage (décision et financement), de maîtrise d'oeuvre
(coordination, validation et choix des solutions) et d'opérateur via ses
membres (réalisation des sessions de formation).
Les procédures de gestion et de mise en place de ses
fonds de formation étant en cours d'élaboration, nous
éviterons de porter tout jugement précoce ; toutefois, il
n'est pas interdit de penser que cette nouvelle configuration, dont le penchant
à l'autarcie transparaît de prime abord, rende plus
aléatoire la perspective de création d'une instance
régionale légitime de pilotage de la FAR.
De plus, le caractère conflictuel de leur future
cohabitation, sur des missions qui se chevauchent, ne doit pas être
écarté.
Dans un tout autre registre, et à niveau constant de
ressources humaines et financières, l'attention nécessaire que le
RESOF devra consacrer aux activités relevant « de
l'opérationnel » risque de faire passer au second plan
l'importance des enjeux stratégiques originels.
Sans enjeux stratégiques, et en l'absence d'enjeux
économiques à forte visibilité, l'hypothèse d'un
retrait des membres les plus influents au plan politique et économique
ne peut pas être écartée.
II.2.2- LES INTERACTIONS
RÉCURRENTES
pour dépasser l'apparence floue du fonctionnement du
RESOF, l'observation et l'analyse systémique de ces interactions nous
permettront d'accéder à la partie stable de l'organisation,
où des règles précises structurent durablement les
échanges entre acteurs et entre systèmes en leur permettant de se
reproduire.
L'école de PALO ALTO nomme redondances
interactionnelles ces répétitions ordonnées qui rendent
possibles les interactions récurrentes caractéristiques d'une
organisation donnée.
Il convient de souligner que c'est bien la structuration des
échanges qui devra retenir notre attention, et non leur contenu58(*).
Cette partie n'est rappelée ici brièvement que
pour mémoire, son traitement ne pouvant s'envisager qu'à partir
d'enquêtes de terrain suffisamment approfondies et d'observations dans la
durée, par exemple à l'occasion d'un stage.
III.3- LES PRODUITS DU
SYSTÈME : QUELLE VALEUR AJOUTÉE ?
Le système mobilise des intrants pour mettre en oeuvre
des process au service de sa production.
Les intrants
Ils sont constitués essentiellement de moyens
financiers (frais de fonctionnement, salaire de l'animateur), de
compétences sollicitées et du temps qu'y consacrent les
différents acteurs.
Par exemple, le budget de l'année 2001 s'élevait
à 11.5 MF Cfa et avait été exécuté à
90%. Sous l'intitulé « fonctionnement de
l'animateur », le budget était ventilé entre frais
généraux, frais de mission, carburant et entretien
/réparation. Les fonds provenaient de la contribution du CIFA, pour 4.9
MF (soit 43 %), et de la coopération sénégalo-suisse pour
57 %. Celle-ci avait ajouté 1.8 MF, pour la tenue de deux
journées thématiques d'information.
Plus proche de nous, le programme 2005 - 2009 d'appui au
renforcement des capacités des acteurs du monde rural (de cette
même Coopération) alloue au RESOF une enveloppe de 70 MF,
dont :
30 pour le soutien à la promotion de programmes de
formation régionaux ;
30 pour la contribution à un fonds de formation dans la
région de Saint-Louis ;
10 millions pour le soutien à la concertation pour une
régulation participative de la FAR.
Ce programme d'appui s'inscrit très fortement dans une
démarche de recherche-action, par le biais d'expériences pilotes
incitant les acteurs à travailler ensemble, destinées à
servir de support à l'approfondissement de la réflexion, et
à orienter les actions futures au vu des résultats obtenus.
Il en est ainsi des plans locaux de formation, conçus
avec les services d'appui en réponse aux demandes des Organisations
Professionnelles à la base, mais dont la phase préalable
d'identification, puis les étapes de mises en oeuvre et de pilotage
associent également les collectivités locales.
Il en va de même des fonds de formation,
co-gérés par les OP et les Collectivités locales.
Le programme de ce partenaire vital, en renforçant les
capacités des acteurs à la base par la formation, le conseil et
l'information, « fait l'hypothèse qu'il contribue à
leur donner les moyens de participer aux processus de concertation et de
décision sur des questions stratégiques concernant leur
développement économique et social ».
La cohérence de l'ensemble du programme, que nous ne
pouvons pas développer ici car il soutient de nombreux acteurs,
n'appelle pas de critique particulière. Cependant, le poids de l'unique
partenaire financier du RESOF semble influer considérablement sur la
stratégie de celui-ci, en lui faisant porter la responsabilité de
fonds de formation locaux, et de programmes de formation régionaux.
Il n'est pas certain que ces nouvelles fonctions correspondent
parfaitement aux missions d'un réseau d'échanges de pratiques
entre professionnels et de capitalisation des expériences de ses
membres, ayant pour finalité de contribuer à
l'amélioration des pratiques de formation étendue, par effet
d'entraînement, à l'ensemble des opérateurs de la
Vallée.
Les processus de transformation des ressources
mobilisées sont de différente nature :
Animation du réseau
Promotion, communication, diffusion (interne et externe)
Identification et/ou validation de besoins de formation, et
appui à la mise en oeuvre de sessions de formation
Collecte de données
Organisation de journées de réflexion
thématiques
Organisation de la concertation
Appui logistique aux membres
Pilotage d'exercices de capitalisation, pour valoriser ce qui
a été réalisé et produire de l'information utiles
aux membres et aux autres acteurs de l'environnement.
Tous ces processus apparaissent infiniment plus complexe que
ceux nécessaires à la production d'un bien de consommation
courante ! Ils ne sont pas normés, standardisés, et doivent
s'adapter en permanence à des contextes et micro-contextes
précis, non généralisables. De plus, le matériau de
base est constitué d'hommes et de femmes, et d'organisations,
éminemment complexes et imprévisibles.
Or, les flux d'échanges horizontaux, entre les acteurs
du réseau, sont faibles comme il a été
signalé ; c'est donc essentiellement sur l'animateur (ses
capacités, dans la limite des contraintes auxquelles il doit faire face)
que repose la mise en marche de ces processus, mais aussi leur contrôle
jusqu'au produit final. L'indisponibilité prolongée de
l'animateur risque de gripper derechef les processus engagés ;
même sans aller jusqu'à cette extrémité, des retards
chroniques dans les délais de réalisation sont à
craindre.
Les « produits »
Nous en dresserons tout d'abord la liste indicative, puis nous
reviendrons sur les extrants qui nous paraissent majeurs en raison de leur
forte adéquation (ou l'inverse) avec notre problématique.
Quelle valeur ajoutée ?
Sans conteste, les missions assignées sont
ardues : impulser une prise de conscience collective, chercher à
influer sur les représentations et les comportements tant individuels
que collectifs, alimenter la réflexion, accompagner jusqu'à leur
terme des processus de capitalisation sont des tâches complexes, qui
demandent beaucoup de temps, et dont l'aboutissement n'est jamais tout à
fait palpable, ni l'irréversibilité garantie.
Tout ceci relève du domaine de l'immatériel, et
la forme choisie (un réseau d'acteurs) ajoute à la
difficulté de définir avec précision les contours de cet
instrument et de son impact sur son environnement.
Au nombre des avancées, la mise en relation des acteurs
est incontestable ; ils se connaissent mieux, le dialogue est constructif
et la transparence plus grande. Cet acquis n'est pas mince, car la confiance ne
se décrète pas ; il est porteur d'espoir pour construire
durablement des partenariats plus performants et complémentaires, qu'ils
soient axés sur des intérêts économiques ou sur
l'intérêt général de plus long terme.
Cette avancée est appréciée à sa
juste valeur à d'autres niveaux d'intervention, contribuant ainsi
à la réputation du RESOF en dehors de « ses
frontières ».
Nous nous risquerons par ailleurs à déduire que,
si les membres historiques y sont toujours fidèles, en dépit de
périodes parfois difficiles, c'est peut être qu'ils y trouvent un
motif de satisfaction : un espace d'ouverture sur l'extérieur, de
dialogue entre pairs sur une problématique importante mais souvent
ignorée, ou encore un porte-voix à l'occasion des manifestations
organisées.
A ce stade pourtant, le bénéfice direct de
quelques actions de formation des membres ne nous paraît pas primordial
dans leurs stratégies.
Cependant, l'appréciation globale reste mitigée.
Au bout de six années, son influence sur la régulation semble
mineure ; l'information imparfaite des décideurs locaux est
toujours d'actualité, et le réseau éprouve des
difficultés à susciter leur intérêt.
Le projet d'un pilotage partagé au niveau
régional piétine depuis plusieurs années ; la
production de nouvelles connaissances engendrée par l'intelligence
collective reste méconnue : les travaux sont peu
diffusés ; études de cas et partages de pratiques semblent
confiner au confidentiel...
La recherche d'économies d'échelle
recherchée à l'origine semble avoir été
abandonnée en cours de route, et les instruments de communication
prévus au démarrage se font toujours attendre (bulletin
électronique, lettre d'information, site web).
Enfin, les activités pressenties telles
qu'énumérées dans l'article 10 de l'annexe de la Charte,
intitulé « Principes et règles de
fonctionnement », semblent céder le pas à des actions
de terrain plus directement opérationnelles, mais moins naturelles pour
une organisation en réseau.
III.4- UN FONCTIONNEMENT
PERFECTIBLE ?
Toute proposition visant à améliorer le
fonctionnement d'un système devrait partir de la projection du but que
souhaite atteindre l'organisation, en l'aidant à préciser
celui-ci, pour choisir en fonction de la situation les leviers les plus
pertinents pour y parvenir.
Une autre démarche, plus courante mais que nous
n'emprunterons pas, consisterait à se focaliser sur la recherche des
causes explicatives des dysfonctionnements, supposés ou réels, au
risque de faire « toujours plus de la même chose »,
ou de considérer que l'objectif à atteindre se réduit
à résoudre le problème identifié au
départ.
Le facteur humain a battu en brèche la relation de
causalité chère à la pensée rationaliste, pour qui
toute reproduction de la cause identifiée reproduit invariablement les
mêmes effets. L'exemple déjà ancien mais toujours
cité de l'expérience de Elton MAYO, avec la Westhern Electric, a
mis en évidence une relation de comportement-finalité, là
où la non réversibilité de la relation de cause à
effet ne pouvait plus expliquer les comportements des ouvriers59(*)
Cette expérience doit nous inciter à la
prudence.
Dans le cas présent, la finalité de
l'organisation est insuffisamment précisée, ce qui rejaillit
nécessairement sur la définition des étapes
intermédiaires. A l'examen, le vocabulaire employé porte les
stigmates de cette perte de précision du sens : « le
RESOF a appuyé, ...a participé... » (sous quelle forme,
pour arriver à quoi ?).
Les termes « consolidation »,
« promouvoir » participent également de ce qui
pourrait être qualifié d'évitement de la précision
pour décrire les activités réalisées et les
processus qui y ont conduit.
Les conséquences de cette
« culture » sont traduites de la même
façon : soucis (récurrent) de
« de-dynamiser » le réseau, « prise en
charge plus affirmée de la capitalisation des
expériences », (recherche de l') « accroissement de
l'implication des collectivités locales dans les activités du
réseau », etc.
Comme le note très justement Dominique BERIOT, dans le
cas où l'on s'appuie sur l'objectif désigné,
l'énergie mobilisée est entièrement tournée vers le
futur, tandis qu(avec l'analyse des causes, l'expérience montre que
cette énergie tend à se dissiper dans la compréhension du
passé, qu'il faut reconstituer sans jamais y parvenir à
l'identique, pour finir par s'y perdre.
Notre préférence va bien sûr, on l'aura
compris, à la logique systémique, qui nous paraît plus
adaptée à la complexité du champ d'étude que la
logique analytique, qui va délier des éléments qui ne font
sens que par les relations qui les unissent.
Ce choix nous permet maintenant de revenir à la
question de départ : un fonctionnement
perfectible ?
Un recadrage nous paraît nécessaire pour
ambitionner une vision partagée du rôle du réseau, et de
ses objectifs.
Décliner en termes plus explicites pour être
opérationnels les finalités et objectifs actuels, très
généraux, passe par la formulation de résultats attendus
et bien évidemment d'indicateurs mesurables.
Cette remise à plat (un effort collectif de
clarification) permettrait à moyen terme de rendre plus visibles les
avancées dont le RESOF pourrait se prévaloir, et valoriserait les
étapes intermédiaires dans la mesure où le chemin serait
mieux balisé ; nous y voyons là une source puissante de
satisfaction pour ses membres. Or, la satisfaction entretient la motivation, et
la motivation est la clé de l'engagement des acteurs.
Conduite avec doigté et toute la qualité
d'écoute requise, cette entreprise de clarification des objectifs ne
devrait pas mettre en danger l'actuel consensus, obtenu presque par
défaut tant ses bases paraissent floues. Une approche plus
concrète pourrait au contraire « piquer » la
curiosité et redonner du tonus à une organisation qui s'est
déjà essoufflée à plusieurs reprises.
Davantage de concret, ce peut être par exemple tester de
nouvelles approches, ou produire des références :
Plus de concret ne signifie pas nécessairement se
lancer dans la mise en oeuvre et la gestion de sessions ou plans de formation,
avec l'objectif premier de satisfaire la demande de formation des ruraux ;
dans le champ opérationnel, les acteurs en lice sont pléthores et
les actions de formation, sous leur forme la plus classique, y sont
nombreuses.
Un acteur supplémentaire n'aurait que peu d'incidences
sur la configuration du paysage, et un tel positionnement dans un secteur
hautement concurrentiel pourrait être mal perçu, jusqu'à
hypothéquer les interactions recherchées.
CONCLUSION
1- QUELLE LECTURE DE L'IMPACT
DU RESOF ?
Le cadrage que nous proposons ne remet pas en cause les
nouvelles orientations telles que les plans « minimaux » de
formation des producteurs. Il offre au contraire l'opportunité de
valoriser la mise initiale : en proposant aux acteurs de s'accorder sur un
sens de plus long terme, et en conférant à cette initiative un
caractère expérimental, plus qu'un but quantitatif, ces plans de
formation pourront produire, au delà des résultats, des
indications précieuses pour alimenter le processus de pilotage de la FAR
dans la Vallée du Fleuve Sénégal.
L'approche systémique se prête bien au cas du
RESOF. S'il est malaisé de dire en quoi précisément il a
permis de contribuer à mieux réguler l'offre de formation
agricole et rurale, en revanche un constat simple doit retenir notre
attention : gourmand en temps de bénévolat, non
rémunérateur, à l'impact diffus, difficile à mettre
en évidence, le RESOF cumule de nombreux inconvénients pour les
individus qui le font vivre ; force est malgré tout de constater
que ses acteurs y sont restés fidèles, et que les
défections sont l'exception.
Sauf à supposer un élan de masochisme collectif
inexplicable, il faut bien envisager la possibilité d'un jeu à
somme positive.
Cette lecture doit également nous inciter à nous
souvenir de notre position d'observateur extérieur, doublement
extérieur en vérité : à la culture du
Réseau, mais aussi à la culture sénégalaise (sans
entrer dans la distinction pourtant fort utile entre Wolof, Peulh,
Sérère), à laquelle la Vallée du Fleuve apporte une
touche spécifique.
Nous prendrons donc garde de porter un jugement trop
hâtif et définitif sur ce système, tant il subsiste de
zones d'ombre dans notre perception de la structuration des échanges qui
s'y déroulent, comme dans le repérage des affinités et des
oppositions entre ses membres.
Il n'en demeure pas moins qu'au regard de quelques rares
cadres de concertation relevant plutôt du secteur de l'Education, le
RESOF apparaît comme le seul et unique cadre permanent de concertation
sur la problématique Formations rurales.
Le ciment qui a permis de sceller des alliances, tout comme
les écueils qu'il a pu rencontrer en les surmontant à sa
manière, sont autant d'atouts pour l'avenir ; la pugnacité
de son partenaire financier l'a rendu possible, à la différence
de l'approche traditionnelle de type projet, qui perdure encore malgré
ses réalisations éphémères et bien que ses travers
soient largement connus.
Nonobstant, il faudra bien tôt ou tard que les
principaux concernés prennent le relais, et prouvent leur appropriation
de l'outil en « payant leur écot » : ce
pourrait être les membres directement, ou via les instances par qui
transite l'impôt, si un bénéfice collectif paraît
être à portée.
En ce sens, la mise sur pied d'une instance de pilotage
régionale, dont la nécessité est relevée par
l'ensemble des acteurs sans exception, pourrait représenter un
début de solution.
2- QUELQUES PROPOSITIONS POUR
AVANCER
Toutes les pistes d'amélioration qui apparaissent en
filigrane au fil de notre développement devraient donc passer d'abord
sur le « marbre », le gabarit des objectifs
visés :
· La fréquence plus rapprochée des
rencontres, aux différents échelons du dispositif,
· Une information plus conséquente, objet d'une
diffusion plus large et plus systématique,
· La mise en place de canaux facilitant les
échanges internes,
· L'imprévisibilité calculée, pour
ne pas sombrer dans la routine,
· Le changement d'approche en direction des
décideurs, pour une relation gagnant-gagnant,
· Une plus grande capacité de veille, pour une
plus grande réactivité, et pour lutter contre l'entropie du
système,
· Des manifestations ciblées, à
caractère stratégique, d'où émergent des
idées nouvelles, ou bien qui portent en germe l'évolution des
comportements de demain,
· La recherche d'une identité plus visible, pour
affirmer son expertise,
· Un engagement net en faveur des bonnes pratiques, en
les citant,
· L'expérimentation de pratiques qui s'inscrivent
clairement en rupture des modèles en usage.
Tous ces points ne peuvent produire leurs effets de
manière efficiente que si un point de mire se détache de
l'horizon ; dans la négative, la dispersion des ressources
occasionnée par les tâtonnements et les bifurcations, ainsi que la
désorientation qui en résultera d'une partie des acteurs seront
source de nouveaux problèmes.
Nous sommes conscient des limites de notre entreprise, et nous
prévoyons, si l'opportunité nous en est donnée, de
consacrer davantage de temps sur le terrain par la suite, au contact des
acteurs principaux pour « visualiser » les échanges
à l'interne, et avec l'extérieur, et tenter d'en proposer une
représentation graphique aussi fidèle que possible afin de mettre
en relief les zones nodales et les points qui posent problème.
Nous avons largement employé dans nos travaux le terme
de régulation, appliquée aux pratiques à l'oeuvre dans le
sous-secteur des formations agricoles et rurales, mais sans
véritablement nous pencher sur la régulation interne du
système RESOF, en tant qu'organisation autonome.
Nous comptons bien par la suite axer nos investigations sur
les différentes fonctions qui permettent au système d'assurer sa
survie en poursuivant sa route, et sur l'analyse stratégique qui nous
permettra de comprendre d'où partent les acteurs, comment ils s'y
prennent pour vouloir coopérer, pour savoir coopérer, et pour
pouvoir coopérer.
Le handicap de l'observateur extérieur, que nous avons
illustré auparavant, peut alors se métamorphoser en atout
important, grâce à sa distanciation.
En proposant aux acteurs du système une autre lecture
des freins, des obstacles, mais aussi des espaces de liberté qui
pourraient être mis à profit, il est permis de croire que les
acteurs concernés, quels qu'ils soient, travaillent à
améliorer cet outil unique au service du territoire, tant les enjeux,
qu'il s'agisse de développement rural, de développement local, de
citoyenneté, sont cruciaux pour cette région et ses habitants.
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
ETUDES
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DEBOUVRY P., Décider pour aménager,
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ANGOTTI A., Aborder facilement la complexité, Editions
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BERNOUX Ph., La sociologie des organisations, Edition du Seuil,
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PUBLICATIONS PROFESSIONNELLES
PESCHE D. et BARBEDETTE L., Formations professionnelles rurales
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MARAGNANI A., et DEBOUVRY P., Ingénierie des dispositifs
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ADAMS A., A claim to land by the river : a household in Senegal
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CHAUVEAU JP., « Le « modèle
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MARAGNANI A., La création d'une expertise
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Document de travail préparatoire à la réunion du groupe de
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THESES, MEMOIRES, RAPPORTS DE STAGE
DIARRA I., et HAMIDOU N., Mémoire de première
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.DEBOUVRY P., Du commerce illicite au commerce licite :
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Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale
(SNFAR Sénégal) - Min. Agriculture
VIème Lettre de Mission de la
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du Delta (SAED) -1998
Lois de décentralisation de 1996 - Ministère de
l'Intérieur : Loi n° 96-06 du 22 mars 1996
portant Code des Collectivités locales, Loi n°
96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux
régions, aux communes et aux communautés rurales.
Lettre de Politique de Développement Agricole du
Sénégal
Lettre de Politique de Développement Institutionnel
pour le secteur agricole
Lettre de Politique de Développement Rural
Décentralisé
Document d'Orientation Stratégique pour le secteur
agricole
Loi d'Orientation Agro-Sylvo-Pastorale, promulguée en
2004.
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AGROPOLIS Montpellier
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Sénégal - Bureau Formation Professionnelle Agricole
http://www.senswiss-far.org/part/bfpa.html
Bureau d'Appui à la Coopération
sénégalo-suisse
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Moore
Sénégal - Ambassade de France
http://www.ambafrance-sn.org/article.php3?id_article=319
International Institute for Environment and Development - IIED
http://www.iied.org/pubs/pdf/full/X170IIED.pdf
RESOF
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Mouvement des Réseaux d'Echanges Réciproques de
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Encyclopédie SNYKE
http://encyclopedie.snyke.com/
RDDH - Réseau de Développement Durable de
HAÏTI
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Multitudes SAMIZDAT
http://multitudes.samizdat.net/La-theorie-de-la-regulation.html
CNDP Centre National de Documentation Pédagogique
http://www.cndp.fr/accueil.htm
AAMP - Agence de Médecine Préventive
http://aamp.org/
EURO TECHNOPOLIS
http://www.eurotechnopolis.org/docs/Manag_cooperations_Salgado_Bourcieu.pdf
CRIT Centre de Ressources et d'Informations Techniques
http://www.crit.archi.fr/Web%20Folder/bois/Bois/9.Glossaire/p.html
GLOBENET
http://www.globenet.org/archives/web/2006/www.globenet.org/horizon-local/humanisme/houee.html
Académie Clermont-Ferrand
http://www3.ac-clermont.fr/cadres2/conferences/conf_bouvier_210503_cr.htm
LE MONDE - Veille pédagogique
http://veillepedagogique.blog.lemonde.fr/veillepedagogique/files/pronetariat.doc
PRENHALL
www.prenhall.com/wps/media/objects/213/218150/glossary.html
APAD - Association Euro-Africaine pour l'Anthropologie du
changement social et du Développement
http://apad.revues.org/document380.html
Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural
http://www.ancar.sn/
SAED
http://www.saed.sn/
Conseil Régional de Saint-Louis
http://www.cr-saintlouis.sn/
AFNOR
http://www.afnor.org/portail.asp
TV 5 - Dictionnaire MEDIADICO
http://dictionnaire.tv5.org/dictionnaires.asp
Laboratoire CRISCO - CAEN
http://elsap1.unicaen.fr/cgi-bin/cherches.cgi
Délégation Générale à la
Langue Française et aux langues de France - CRITER (Corpus du
Réseau Interministériel de Terminologie)
http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/terminologie/La_base_de_donnees_CRITER.htm
FAO
http://www.fao.org/docrep/V8260B/V8260B1f.htm
CTA - Observatoire des Sciences et des technologies au niveau du
développement agricole et rural dans les pays ACP
http://knowledge.cta.int/fr/content/view/full/924
Laboratoire LIFE - Université Genève
http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/life/livres/alpha/D/Darre_1999_A.html
Bibliothèque Nationale de France
http://signets.bnf.fr/html/categories/c_370education.html
INRP - Service d'histoire de l'Education
http://www.inrp.fr/she/accueil.htm
IEP - Université LYON
http://doc-iep.univ-lyon2.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/MFE2000/pasquerw/these_body.html
Gouvernement du Sénégal
http://www.plan.gouv.sn/admin/docs/SYNTESEPDRGRESUM..doc.
FEMMES ET ASSOCIATIONS . ORG
http://www.femmesetassociations.org/portraits/bioMengin.htm
Centre National de la Recherche Scientifique (catalogue de
documents pour le chercheur CAT-INIST)
http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=14040932
WIKIPEDIA - Réseau Voltaire
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_Voltaire
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Page de Couverture : Le radeau de la Méduse
: Carte des agricultures du Sénégal
Carte : densités de population entre 1960 et 1988
...........................................4
Graphique : évolution des importations
céréalières depuis 1961 ...........................8
Carte : baisse de la pluviométrie entre 1931 et
1990..........................................9
Photo : membres d'un groupement maraîcher
.............................................11
Photo : Femme et arrosage manuel
..........................................................11
Photo : récolte manuelle du riz, dans la zone du
Delta .....................................11
Carte : grands domaines climatiques
.........................................................26
Carte : aménagements hydro-agricoles de la
Vallée du Fleuve ............................31
Schéma : triangle du Savoir, du Pouvoir et du
Vouloir Coopérer ........................52
Schéma : démarche de capitalisation
d'expériences ........................................53
Schéma : biais lié à l'observation
d'une personne A .......................................73
Schéma : observation selon la théorie de la
relativité ......................................73
Schéma : les interrelations au sein du dispositif
RESOF .................................82
ANNEXES
La charte du RESOF
Principes et règles de fonctionnement
Liste des organisations membres, et répartition des
pools du RESOF
Panorama des opérateurs de formation rurale (FAR) au
Sénégal.
(dont la formation est l'activité
principale).
Résumé de l`atelier de réflexion et de
partage sur le pilotage de la Formation Agricole et Rurale dans la
Vallée du Fleuve Sénégal (2004).
Réseau Formation Fleuve
LA CHARTE DU RESOF
Des opérateurs de la formation agricole et rurale
de la zone nord du Sénégal :
· Issus des différents catégories
socioprofessionnelles (Organisations Professionnelles Non Gouvernementales,
instituts publics et privées d'enseignement, d'éducation et de
formation, sociétés et projets de développement) qui
entreprennent des actions dans la formation agricole et rurale ;
· Considérant les orientations et les objectifs
des nouvelles politiques économiques (désengagement de l'Etat,
privatisation, libération...) et corrélativement le
nécessité du développement de nouvelles compétences
chez les producteurs appelés désormais à construire une
nouvelle économie agricole et rurale ;
· Déplorant les faiblesses actuelles de la
formation agricole et rurale (absence de coordination de l'offre de formation,
insuffisante politique de financement de la formation) ;
· Considérant l'existence des atouts que sont les
jeunes, les femmes plus réceptifs à la formation et la
nécessité d'un potentiel humain et matériel de
qualité pour une bonne conduite des formations ;
Ont décidé de crée le
Réseau Formation Fleuve
Les membres de ce réseau placent au coeur de leurs
préoccupations la formation des acteurs du monde agricole et rural.
Cette formation s'inscrit dans un projet global de
développement social, économique et humain de la Vallée du
Fleuve Sénégal qui dépasse les seuls membres et concerne
l'ensemble des organisations, institutions et populations de cette
région.
C'est en fonctionnement des orientations de l'Etat
sénégalais en matière de politique agricole et rurale de
la Vallée que les membres du réseau déterminent et mettent
en oeuvre une politique et des actions de formation conformément
à leurs responsabilités respectives.
La qualité de membre du réseau formation
fleuve s'acquiert par :
L'adhésion aux objectifs
suivants :
· Faciliter la réflexion des membres sur des
thèmes de formation importants et fédérateurs,
· Promouvoir la recherche de la qualité dans la
conception et la réalisation des programmes de formation,
· Susciter l'échange sur des méthodes,
outils et autres supports didactiques performants et adaptés au contexte
de la vallée,
· Favoriser la circulation de l'information sur les
ressources (personnes et organismes) en termes de domaines d'expertise, de
qualification et de compétence,
· Mettre en relation les acteurs pour le
développement de partenariat et d'échanges de stagiaires, moyens
matériels et ressources humaines,
· Mettre en place un espace nodal de capitalisation,
valorisation et diffusion de larges gammes d'informations recueillies
auprès des membres et de diverses autres sources (autres réseaux,
abonnement de journaux, autres périodiques, autres publications,
...).
L'engagement :
· Au respect de la charte du réseau
· A l'acquittement des droits d'adhésion de
départ et des cotisations annuelles,
· A la participation active à la vie du
réseau au travers de ses activités,
· Au partage de son savoir et de ses compétences
avec les autres membres du réseau,
· Au développement par ses actions d'une formation
agricole et rurale de qualité.
PRINCIPES ET RÈGLES
DE FONCTIONNEMENT
Préambule :
Le réseau se définit comme un lieu de concertation,
de réflexion et d'échanges entre partenaires. Il est surtout un
lieu et un moyen de développement des compétences, de
capitalisation et de diffusion des différentes expériences de
formation agricole et rurale. C'est un carrefour de donner et du recevoir.
· La contribution à l'amélioration de la
qualité de la formation ;
· La mise en relation des acteurs de la formation ;
· La capitalisation des expériences.
Article 1 - Création - Dénomination -
Durée :
Il est créé le 21 juin 2000 un réseau des
acteurs de la formation agricole et rurale dans la vallée du fleuve
sénégal. Le réseau est dénommé Réseau
« Formation Fleuve » (RESOF). Sa durée est
indéterminée.
Article 2 - Objet :
Le réseau sert de cadre de concertation, de
réflexion et d'échanges entre les membres, et avec
l'extérieur, dans le domaine de la formation agricole et rurale.
Article 3 - Objectifs :
Le réseau poursuit les principaux objectifs
suivants :
· Faciliter la réflexion des membres sur des
thèmes de formation importants et fédérateurs
· Promouvoir la recherche de la qualité dans la
conception et la réalisation des programmes de formation
· Susciter l'échange sur des méthodes,
outils et autres supports didactiques performants et adaptés au contexte
de la vallée
· Favoriser la circulation de l'information sur les
ressources (personnes et organismes) en termes de domaine d'expertise, de
qualification et de compétence
· Mettre en relation les acteurs pour le
développement de partenariat autour de stagiaires, de moyens
matériels, de ressources humaines
· Mettre en place un espace nodal de capitalisation,
valorisation et diffusion de larges gammes d'information recueillies
auprès des membres et de diverses autres sources (autres réseaux,
abonnement de journaux, autres périodiques, autres publications ...).
Article 4 - Adhésion :
Elle se fera par demande adressée au secrétariat du
réseau.
La décision d'acceptation de la demande sera faite sur la
base des informations fournies par l'animateur du réseau sur le
demandeur : identification des activités du demandeur,
notamment.
Article 5 - Obligations des membres :
Les membres du réseau s'engagent à :
· S'acquitter de leur droit d'adhésion,
fixé au départ à 5 000 F par membre, qui donne droit
à une carte de membre
· S'acquitter de leur cotisation annuelle fixé au
départ à 5 000 F la première année et modulable en
fonction de la situation financières du réseau. La cotisation est
destinée à contribuer aux frais de fonctionnement du
réseau.
· Respecter la charte du réseau
· Participer activement aux activités du
réseau.
Article 6 - la perte de la qualité de
membre :
La perte de qualité de membre intervient par :
· démission
· exclusion prononcée par l'Assemblée
générale ;
· dissolution de l'organisme membre du RESOF.
La perte de qualité de membre ne donne pas lieu au
remboursement des cotisations quel que soit le motif de départ.
Article 7 - Composition des membres :
Peuvent être membres du réseau :
· des personnes morales
· des personnes physique, sous réserve de leur
parrainage par, au moins, un membre du réseau.
Des personnes physiques ou morale peuvent être
invitées ou utilisées comme personnes ressources, en fonction des
besoin et des thèmes de travail du réseau.
Article 8 - Organisation du réseau :
Le réseau sera structuré avec 3 niveaux :
· Assemblée Générale des
membres
Elles est composée de l'ensemble des membres du
réseau, chacun d'entre eux étant porteur d'une voix. Elle se
réunit une fois par an pour faire le point des activités et des
finances et pour définir les grandes orientations du réseau. Elle
se réunit en plus de façon exceptionnelle en cas de besoin. Elle
ne peut délibérer qu'en présence d'au moins la
moitié des membres. Elle élit les membres du secrétariat
et désigne la structure hébergeant.
· Secrétariat général du
réseau
Le secrétariat est composé d'un animateur, de la
structure qui héberge le réseau et de deux autres membres.
La structure hébergeant est responsable de la gestion
administrative et financière du réseau. Le secrétariat
assure le suivi budgétaire et des activités. Il recrute
l'animateur qui sera sous son autorité. Il délibère sur
les demandes d'adhésion. Il se réunit une fois par trimestre. Le
secrétariat prépare les réunion de l'Assemblée des
membres.
· Animateur
Il représente le niveau opérationnel du
réseau. Il bénéficie d'une souplesse de fonctionnement
pour réaliser sa mission et appuyer les groupes de travail
thématiques.
En parallèle à ces trois
niveaux :
· La structure hébergeant sert de cadre de
référence et d'appui à l'animateur, de même qu'elle
est la structure de support et de contractualisation vis à vis de
l'extérieur, des bailleurs de fonds notamment.
· Des groupes de travail thématique sont
spécialement et temporairement montés pour travailler sur des
sujets d'actualité qui intéressent la majorité des
membres.
Article 9 - Rôle de l'animateur
L'animateur :
· Collecte, traite et diffuse l'information
· Recherche avec le secrétariat les moyens
financiers permettant de faire vivre le réseau
· Appuie les groupes de travail en fonction des
thèmes et des besoins
· Développe un système d'informations et
d'échanges au sein du réseau et à l'extérieur
· Fait la promotion du réseau pour rechercher des
partenaires actifs et de nouveaux adhérents
· Réalise toute activité concourrant
à la vie du réseau, sur sa propre initiative ou à la
demande de l'Assemblée ou du secrétariat.
Pour ce faire, l'animateur devra être un
spécialiste de l'information et de la communication, ayant une bonne
expérience du développement rural et de la formation.
Article 10 - Activités du réseau
Ses activités tournent autour des points suivant :
· Diffuser largement l'information sur le réseau
(charte, principe de fonctionnement, programme d'activités ...) pour
susciter le maximum d'adhésion,
· Mettre en place et alimenter un bulletin d'information
de type flash sous forme de lettre du réseau,
· Réaliser des journées de
réflexions thématiques sur la base de documents
élaborés par des groupes de travail thématiques,
· Recueillir l'information la plus
détaillée possible sue les adhérents, concernant leur
identification, leurs ressources humaines, les méthodes et outils
utilisés et produits,
· Informatiser, traiter, classer et diffuser les
données, périodiquement ou à la demande des membres
· Produire, mettre à jour et diffuser
semestriellement un répertoire organisé des membres sur des
informations de base à définir,
· Elaborer notre compréhension du concept de
« la qualité » dans la formation, en
précisant, à tous les niveaux, les éléments de sa
qualification : critères de qualité, niveau /
échelle, méthode d'évaluation ...
REPARTITION DES
ORGANISATIONS MEMBRES
ASSEMBLE GENERALE ORDINAIRE DU RESOF, DU 29 DÉCEMBRE
2005
Légende
Organisations Professionnelles & associations : OP
Etablissements publics de formation : EPF
Opérateurs privés de formation : Prest
Services d'appui (publics) : SAP
Pool Saint-Louis
|
|
|
Pool Delta
|
|
Pool Podor-Matam-Bakel
|
N°d'ordre
|
STRUCTURES/localisation
|
Pools
|
1 Prest
|
GRAPEF/ Louga
|
SAINT-LOUIS
|
2 OP
|
CIFA Centre Interprofessionnel pour la Formation aux
Métiers de l'Agriculture/Ndiaye
|
Delta
|
3 OP
|
GROPEN : Groupe pour la promotion de l'élevage au
nord/Richard-Toll
|
Delta
|
4 EPF
|
CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en
Economie Familiale et Sociale Dagana
|
Dagana
|
5 SAP
|
ANCAR Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural
|
SAINT-LOUIS
|
6 SAP
|
ANCAR Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural
|
Matam
|
7 Prest
|
CONFORME ; Conseil Formation
|
SAINT-LOUIS
|
8 Prest
|
MICRIFINEDABASE : micro finance et gestion de projets
|
SAINT-LOUIS
|
9 Prest
|
GRIFEI : Groupe d'Initiative pour la Formation à
l'Entreprenariat et à l'Insertion
|
SAINT-LOUIS
|
10 EPF
|
CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en
Economie Familiale et Sociale Saint-Louis
|
SAINT-LOUIS
|
11 EPF
|
CPFP : Centre Polyvalent de Formation des Producteurs /
Ogo
|
Matam
|
12 OP
|
CNCF : Comité Nationale de Concertation de la
Filière Patate Douce / Richard-Toll
|
Delta
|
13
|
GIE Bamtaaré Cali
|
Matam
|
14 EPF
|
CNFTEIA : Centre National de Formation des Techniciens de
l'Elevage et des Industries Animales
|
SAINT-LOUIS
|
15 EPF
|
CPP : Centre de Perfectionnement des Pêcheurs de
Mbane
|
Delta
|
16
|
RADI : Réseau Africain pour le Développement
Intégré Saint-Louis
|
SAINT-LOUIS
|
17 OP
|
FAFD: Fédération des Associations du Fouta pour le
Développement/ Agnam Thiodaye
|
Matam
|
18 OP
|
FEPRODES: Fédération des Groupements et
Associations de Femmes Productrices du Delta du Sénégal
|
SAINT-LOUIS
|
19 OP
|
ADENA: Association pour le Développement de Namarel
|
Podor
|
20 OP
|
CORAD: Coopérative Rurale des Agropasteurs pour le
Développement de Ndioum
|
Podor
|
21 OP
|
AFUP: Association des Fédérations et Unions des
Producteurs de Podor
|
Podor
|
22 Asso
|
ARP/TPS: Association pour le Développement du Pulaar
|
SAINT-LOUIS
|
23 Prest
|
CEFP: Centre d'Echanges et de Formation Pratique/ Bakel
|
Bakel
|
24 Asso
|
Clubs UNESCO/Kanel
|
Matam
|
25 OP
|
CECAP : Caisse d'Epargne et de Crédit des Artisans/
Ndioum
|
Podor
|
26 EPF
|
CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en
Economie Familiale et Sociale Matam
|
Matam
|
27 OP
|
UJAK: Union des Jeunes Agriculteurs de Koyli Wirndé
|
Podor
|
28 OP
|
Maisons Familiales Rurales de Guédé
|
Podor
|
29 Prest
|
CGER: Centre de Gestion et d'Economie Rurale/ Ndiaye
|
Delta
|
30 Prest
|
ASRADEC : Association pour la Recherche et l'Appui au
Développement Communautaire
|
Podor
|
31 Prest
|
AVC Association Vallée Consult/ Gamadji
|
Podor
|
32 Prest
|
Nord Agrivet/ Ndioum
|
Podor
|
33 EPF
|
CIH: Centre d'Initiation Horticole
|
SAINT-LOUIS
|
34 Prest
|
EMRG: Entreprise Mamadou Racine Gaye/ Ndioum
|
Podor
|
35 OP
|
ASESCAW: Association Socio-économique et Culturelle des
Agriculteurs du Walo Ross-béthio
|
Delta
|
36 OP
|
ADEBO: Association pour le Développement de
Bombodé/ Ndioum
|
Podor
|
37 OP
|
Association Ndoro fanaye/ Fanaye
|
Podor
|
38 OP
|
GIE JAMM JALLO/ Richar-toll
|
Delta
|
ABSENTS
|
1 Asso
|
ANAFA : Association Nationale pour la Formation des
Adultes
|
SAINT-LOUIS
|
2 Asso
|
UASE : Union des Associations pour la Sauvegarde de
l'Environnement/Ndiawara
|
Podor
|
3 OP
|
DBAT : Association Dental Bamtaaré
Tooro :Tarédji
|
Podor
|
4 OP
|
FAED: Fédération des Agro éleveurs pour le
Développement /Nguenar
|
Podor
|
5 Prest
|
CSAO
|
Kaolack
|
6 SAP
|
SAED
|
SAINT-LOUIS
|
7 Prest
|
ID Consulting
|
Podor
|
8 ONG
|
FPGL: Fondation Paul Gerin Lajoie
|
SAINT-LOUIS
|
PANORAMA DES STRUCTURES DE
FORMATION RURALE AU SÉNÉGAL
(DONT LA FORMATION EST LA MISSION
PRINCIPALE)
Source : BFPA
ACTES DE L`ATELIER DE
RÉFLEXION ET DE PARTAGE SUR LE PILOTAGE DE LA FORMATION AGRICOLE ET
RURALE DANS LA VALLÉE DU FLEUVE SÉNÉGAL (30/11
-01/12/2004)
RESUME
EXECUTIF DU FORUM
Le forum régional sur la FAR, organisé
à Saint-Louis du 30 / 11 au 1er / 12 / 2004 grâce
à l'appui de la coopération suisse s'assignait comme objectif de
mettre en place une structure de pilotage de la FAR dans la vallée du
fleuve Sénégal. Il visait à travers cet objectif d'assurer
l'interface entre le niveau national,, la base et les partenaires.
Cette exigence se justifie d'autant plus que l'état des
lieux de la FAR dans la vallée du fleuve Sénégal
révélait un ensemble de contraintes dont les plus importantes
sont ;l'absence de qualification des dispositifs mis en place,
l'utilisation peu rationnelle des moyens disponibles ,un système
d'information peu fiable et un forte compétition entre les acteurs.
L'ensemble de ces contraintes analysées par le forum
produisent des conséquences dont l'impact négatif peut être
décliné en un ensemble de difficultés dont les plus
importantes sont : le défaut de coordination des actions ,la
duplication des actions, l'insuffisance de la qualité, le faible niveau
d'expertise qui sont autant de freins à l'amélioration des
contenus et des stratégies de formation.
Le forum ,à l'issue des deux jours de réflexion
a abouti au constat de non operationnalité du CRPS de la FAR.
Dans le chapitre des recommandations mandat a
été donné au RESOF de mettre en place un comité de
suivi qui pourra s'adjoindre toute personne utile pour proposer dans un
délai de trois mois un cadre opérationnel de pilotage de la FAR
dans la vallée du fleuve Sénégal, ceci en rapport avec le
bureau de la formation du ministère de l'agriculture. Ce comité
qui sera cogéré par les acteurs devra être souple et
léger et ne devra pas comporter un effectif de plus de dix membres.
L'ARD, le conseil régional ,les communes, les communauté rurales
les centres de formation, les structures d'appui et de conseil ,les
organisations des producteurs y seront représentés chacun par un
membre
Dans le même chapitre le forum a recommandé :
--la mise en place d'une structure inter régionale de
coordination et d'impulsion
--la mise en place d'un fonds régional animé par
le comité de pilotage dans le but de juguler la faiblesse des moyens
financiers et la lenteur dans la mobilisation des ressources et
l'iniquité et le déséquilibre dans l'utilisation des
moyens
· l'amélioration des règles de
fonctionnement du RESOF. Ce dernier doit se restructurer aux niveaux inter
régional, régional et local
* 1
« Développement du capital humain du secteur agricole -
Programme d'appui aux services agricoles et aux organisations paysannes (PSAOP)
Mission d'appui à la mise en place d'un groupe de nationaux
chargé de l'élaboration d'une
« Stratégie nationale de Formation
agricole »
* 2 Source : Debouvry
Pierre, in « Du commerce illicite au commerce licite »
* 3
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chronologie_de_l'esclavage
* 4 Barry Boubacar, 1984, La
Sénégambie du 15e au 19e siècle. Traite
Négrière, Islam et Conquête Coloniale. Paris,
L'Harmattan
* 5 6 Ambassade de
France
http://www.ambafrance-sn.org/article.php3?id_article=319
* 7 source : Jacques
Faye. « Evolution et impact des politiques agricoles de 1960
à 2005 » - Forum sur l'arachide au CNCR - 7 et 8
décembre 2005 à Dakar
* 8 Loi n° 96-06 du 22
mars 1996, portant Code des Collectivités locales, et Loi 96-07 du
22/03/1996, portant transfert de compétences aux régions, aux
communes et aux communautés rurales.
* 9 Source : Rapport
d'achèvement de la première phase du programme PSAOP
* 10 On remarquera que cette
appellation renvoie à un grade de la Fonction Publique, plus qu'à
un diplôme.
* 11 Voir panorama de
l'offre de formation agricole et rurale en annexe.
* 12
http://www.senswiss-far.org/part/bfpa/ter/debouvry1_far.pdf
* 13 Ce chapitre s'inspire
largement d'une série de recueil de fiches de lecture de P. Debouvry,
dont notamment : « Du commerce illicite au commerce
licite : abolition de l'esclavage et de la traite
négrière », et « La saga des Bordelais, ou
l'émergence de l'arachide sénégalaise ».
(disponible chez l'auteur)
* 14 Source :
http://www.iied.org/pubs/pdf/full/X170IIED.pdf.
L'auteur, Adrian Adams vit depuis vingt ans au Sénégal et
travaille avec une association paysanne de la Vallée. Dans son dernier
livre «A claim to land by the river : a household in Senegal
1720-1994» elle décrit comment les organisations paysannes ont
lutté pendant 20 ans pour défendre leur vision du
développement, centré sur les populations locales, en contraste
avec les objectifs de développement des organisations gouvernementales
responsables des projets d'irrigation dans la Vallée
* 15 Extrait de «
Ingénierie des dispositifs de formation professionnelle agricole et
rurale - Glossaire ». Pierre DEBOUVRY, Alain MARAGNANI. 2005.
http://www.agropolis.fr/formation/pdf/2005_Glossaire.pdf
* 16 Denis Pesche et
Loïc Barbedette : in « Formations professionnelles rurales
en Afrique sub-saharienne. Prendre en compte les modes d'apprentissages
paysans » - Annexe 3 : Repenser l'appui à la
définition de stratégies de formation rurale dans les pays de la
Zone de Solidarité Prioritaire ; Février 2002
Inter-Réseaux -
http://www.inter-reseaux.org
* 17 Annexe 4 de l'ouvrage
« Prendre en compte les apprentissages paysans... »,
déjà cité plus haut
* 18 appui technique de la
FONGS, et membre du comité directeur d'Inter-Réseaux.
* 19 Mécanismes
d'apprentissages et modes d'acquisition des savoirs et savoirfaire chez les
paysans, hier et aujourd'hui (Sénégal)
* 20
fr.wikipedia.org/wiki/Réseau_Voltaire
* 21 Claire HEBER-SUFFRIN.
Voir le site du MRERS :
http://www.mirers.org/
* 22
fr.wikipedia.org/wiki/Reseau
* 23 Source : Emmanuel
LAZEGA - Réseaux sociaux et structures relationnelles. PUF 1998
* 24 titre de l'ouvrage de
D. Ettighoffer et P. Van Eneden : Met@-organisations - Village mondial -
2000
* 25 G. Le Boterf -
Travailler en réseau. Editions d'organisation - 2004
* 26 le risque de
l'injonction paradoxale est souvent découvert après coup :
cela consiste à exiger quelque chose de quelqu'un, tout en
l'empêchant d'y parvenir.
* 27 Offre, demande et
besoin de formation - Alain Maragnani (avec Pierre Debouvry pour le glossaire
proposé).
* 28
Dossier
de capitalisation des expériences de formation dans la région de
Kaolack -BFPA disponible sur le net.
* 29
Atelier
sur l'approche par la demande - Kaolack 06/2006.
* 30 Dossier 1 - restitution
finale, in Diagnostic de l'offre et de la demande de FAR 05/2004
(CNEARC-CESAG)
* 31 Auteur de La production de
connaissances pour l'action. Arguments contre le racisme de l'intelligence,
Paris, Maison des sciences de l'Homme, 1999
* 32 Equipe
BROCHET M.- TOUZARD I.-BOUSSOU V. (CNEARC Montpellier)
* 33
http://multitudes.samizdat.net/La-theorie-de-la-regulation.html
* 34 (Source : Loi (2000) de la
République d'Haïti, portant réforme institutionnelle du
secteur des télécommunications - chapitre 1 - Définitions
générales.) -
http://www.rddh.org/documents/loi1.doc
(recherche du 23/09/2006).
* 35 )
http://www.ameli.fr/213/DOC/1247/article.html
- (recherche du 23/09/2006).
* 36 :
http://www.cndp.fr/magsvt/genes/aprat_gene.htm
* 37
http://www.eurotechnopolis.org/docs/Manag_cooperations_Salgado_Bourcieu.pdf
* 38
http://www.crit.archi.fr/Web%20Folder/bois/Bois/9.Glossaire/p.html
* 39
http://www3.ac-clermont.fr/cadres2/conferences/conf_bouvier_210503_cr.htm
* 40 (Source :
intervention de Adama Faye et Alain Mbaye aux 9èmes Journées
d'études Ingénierie des dispositifs de formation à
l'international - 8/9 décembre 2005 Montpellier/ Agropolis
International : « Politique Agricole et enjeux de la Formation
Agricole et Rurale au Sénégal : la question de la
régulation »
http://www.agropolis.fr/formation/pdf/9Idf/FayeMbaye.pdf
* 41
www.prenhall.com/wps/media/objects/213/218150/glossary.html
- recherche du 28/10/06.
* 42 Auteur de « La
révolte du pronétariat » (Fayard, 2006) - débat
Lemonde.fr du 27/01/2006 :
http://veillepedagogique.blog.lemonde.fr/veillepedagogique/files/pronetariat.doc
* 43 Jean-Pierre Chauveau,
« Le « modèle participatif » de
développement rural est-il alternatif ? », in le bulletin
de l'APAD n°3. Mis en ligne le 4/07/06, consulté le 2/10/06
http://apad.revues.org/document380.html
* 44 Moins de quinze ans
après que SAUVY eut employé pour la première fois
l'expression « troisième monde ».
* 45 Formule extraite de
l'Encyclique de 1967.
* 46 A l'instigation de
Mamadou DIA, Président du Conseil.
* 47 Ce paragraphe
emprunte, une fois encore, à Pierre DEBOUVRY et sa fiche-méthode
« développement local ».
* 48 Ne dit-on pas que toute
procédure mise en place éclaire les voies qui permettront de la
contourner.
* 49 Nous illustrerons cette
différence de perception en empruntant deux schémas à
André ANGOTTI : « Aborder facilement la
complexité »- Editions d'organisation - 2004
* 50 Conçu et
financé par le Bureau d'Appui à la coopération
sénégalo-suisse, unique soutien financier du RESOF.
* 51 En l'occurrence le
Centre Interprofessionnel de Formation aux métiers de l'Agriculture
(CIFA), situé à Ndiaye, à 30 km de Saint-Louis.
* 52 D'après le
référentiel d'accès à la complexité
proposé par D. BERIOT, dans son ouvrage « Manager par
l'approche systémique » - Editions d'organisation 2006 (
préfacé par Michel CROZIER)
* 53 à la date de la
dernière Assemblée Générale du 29 décembre
2005.
* 54 Conformément
à la stratégie d'élargissement des bases du réseau
telle que définie par son secrétariat
* 55 Travailler en
réseau - Guy LE BOTERF Editions d'organisation 2004
* 56 WATZLAWICK P., WEAKLAND
J., FISH R., Changements, paradoxes et psychothérapie, Ed. du Seuil
1975
* 57 (cf. partie
consacrée aux relations entre acteurs)
* 58 Dominique BERIOT -
Manager par l'approche systémique
* 59 qui, après une
augmentation de la productivité liée à
l'amélioration des conditions d'éclairage, continuèrent
à être encore plus productifs alors que, pour les besoins de
l'expérience, l'éclairage ambiant était à nouveau
réduit volontairement.