Assurer un accès à l'eau et à l'assainissement par la coopération décentralisée, le cas de Villa El Salvador et Rezé( Télécharger le fichier original )par Claire Gaillardou Sciences Po Bordeaux - DESS Coopération Internationale et Développement 2005 |
2. Une stratégie concertée d'accès à l'eau en trois tempsDès le démarrage des relations entre Rezé et Villa El Salvador, plusieurs actions ont été entreprises avec de nombreux partenaires (programme de densification de l'habitat, actions dans le domaine de la jeunesse, de l'eau). Dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, un appui logistique et financier a été apporté pour l'extension d'un réseau d'adduction d'eau potable et d'assainissement d'un quartier. Rezé a financé cette action sur un prélèvement opéré sur les factures d'eau des usagers du syndicat d'alimentation en eau de Rezé, Bouguenais, la Montagne; Les Sorinières, préfigurant ainsi les modalités de la Loi du 9 février 2006 (Loi Oudin). En 2004, à l'initiative de la Ville de Rezé, trois villes européennes se sont réunies à Villa El Salvador pour donner de la cohérence à leurs projets dans le cadre d'une démarche de développement durable. Elles ont pu étudier les modalités d'un projet conjoint portant sur la récupération des eaux "recyclées" et l'installation de canalisations pour irriguer les espaces verts de Villa El Salvador. L'objectif du projet soutenu par la commune de Rezé est d'accompagner la municipalité de Villa El Salvador dans le renforcement de la salubrité, l'hygiène et la santé publique, conformément aux recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Concrètement, il s'agit d'arborer les dix avenues principales de la ville, d'utiliser les eaux résiduelles retraitées pour l'arrosage des espaces verts, et de sensibiliser les populations afin de réduire la pollution de l'environnement. Ce projet qui a débuté en 2006 se déroule
en deux étapes sur trois ans.
2.1. Quand les usagers du nord financent l'accès à l'eau au sud44(*)Dans les communes de l'agglomération nantaise, 0,5 % de la facture d'eau des citoyens est prélevé pour l'aide aux populations du Sud. La commune de Rezé possède un savoir-faire en matière de gestion de l'eau puisqu'en France, cette compétence est du ressort des municipalités. La première réalisation du projet de coopération entre Rezé et Villa El Salvador a été l'alimentation en eau potable de plusieurs quartiers de Villa El Salvador. "Pour la financer, nous avons prélevé sur la facture des habitants de Rezé deux centimes de francs par mètre cube d'eau consommée", se souvient Caroline Narbey, responsable de la coopération à Rezé45(*). Cela fut voté au conseil municipal." Les usagers du Nord finançant directement l'accès à l'eau des usagers du Sud ? Cette idée novatrice, promue par les ministres de l'Environnement européens dès les années 1980, vise à accroître la coopération européenne dans le domaine de l'eau. Sensibilisées par le programme Solidarité Eau né dans la foulée46(*), plusieurs collectivités locales y trouvent des moyens d'actions de coopération sans susciter l'opposition des usagers, tant les sommes individuelles prélevées sont minimes. Rezé mais aussi Lille ou encore le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) se mobilisent alors. Mais ces opérations se déroulent dans un flou juridique. La loi de 1992 sur la coopération décentralisée autorise les collectivités territoriales à financer des actions de coopération internationale à partir de leur budget général, mais non avec les fonds dits annexes, tels ceux alimentés par la facture d'eau, qui ne peuvent servir qu'à des actions sur le territoire. Pourtant, les collectivités maintiennent leurs coopérations, à l'image du Sedif47(*), organisme pionnier de la coopération décentralisée liée à l'eau qui, flirtant avec l'illégalité, veille à ne pas trop attirer l'attention sur ses projets... Ce problème juridique a été résolu en février 2005 avec la loi Oudin48(*), présentée à l'Assemblée nationale par André Santini, président du Sedif. Ce texte autorise les communes, mais aussi les syndicats et les agences de l'eau, à consacrer jusqu'à 1 % de leurs ressources eau et assainissement à des actions de coopération décentralisée. A Nantes Métropole, on s'en réjouit. Créée en 2001, la communauté des 24 communes de l'agglomération nantaise gère désormais les services de l'eau et de l'assainissement et donc, les projets de coopération dans ce domaine. Nantes Métropole participe ainsi à la mise en oeuvre des Objectifs du millénaire pour le développement de l'ONU, dont l'un vise à réduire de moitié le nombre de personnes n'ayant pas accès à l'eau potable dans le monde d'ici 2015. "Nous avons voté un budget pour la solidarité liée à l'eau alimenté par un prélèvement de 0,5 % sur la facture d'eau", explique Camille Durand, premier vice-président de Nantes Métropole. Pourquoi pas 1 %, comme l'autorise la loi ? "49(*)Il y a eu débat, certains élus ne voulaient pas augmenter le prix de l'eau." Alors que Nantes Métropole venait d'harmoniser le prix de l'eau de ses 24 communes, alourdissant la facture de certains usagers, une nouvelle augmentation aurait pu être électoralement risquée... Les 0,5 % sont donc prélevés sur les économies générées par des gains de productivité. Résultat ? Un prix de l'eau stable et 300 000 euros dégagés, soit presque la moitié du budget de coopération de Nantes Métropole et le troisième budget de solidarité internationale pour l'eau des communautés de communes françaises, après Paris et le Grand Lyon. Un montant néanmoins insignifiant face à l'ampleur des défis: pour que 2 000 ruraux bénéficient d'un système d'adduction d'eau au Sud, il faut débourser 120 000 euros... Mais pour Pierre-Marie Grondin, directeur du programme Solidarité Eau, la coopération décentralisée est tout sauf dérisoire. "La loi Oudin mobilise aujourd'hui 8 millions d'euros. Si elle était mise en oeuvre partout à hauteur de 1 %, on atteindrait environ 100 millions. En comparaison, l'aide bilatérale de l'Etat dans le domaine de l'eau et de l'assainissement n'est "que" de 165 millions d'euros....". Sur le terrain, l'action de Nantes Métropole a un impact certain. Au Sénégal, un équipement hydraulique alimente en eau potable 25 000 habitants en zone rurale. La collaboration avec Villa El Salvador, elle, se poursuit avec la création d'espaces verts qui réutilisent des eaux usées pour l'irrigation de milliers d'arbres, contribuant ainsi à la dépollution et à l'amélioration de la santé des habitants50(*). * 44Titre inspiré de l'article de BAIL Raphaële, juin 2007, Nantes métropole : Quand les usagers du nord financent l'accès à l'eau, article tiré du dossier « Du nord au sud, des communes solidaires », Alternatives Internationales numéro 35. * 45 D'après une enquête de BAIL Raphaële, juin 2007, Nantes métropole : Quand les usagers du nord financent l'accès à l'eau, article tiré du dossier « Du nord au sud, des communes solidaires », Alternatives Internationales numéro 35. * 46 Créé en 1984, le programme Solidarité Eau (PS-Eau) est une association française qui encourage et facilite la concertation entre les acteurs de la coopération internationale dans le domaine de l'eau. www.pseau.org * 47 Sedif = Syndicat des Eaux d'Ile de France. * 48 La loi Oudin comporte 2 articles modifiant respectivement le code général des collectivités territoriales et celui de l'environnement. Cette loi autorise les collectivités locales françaises, les établissements publics intercommunaux et les syndicats des eaux et/ou d'assainissement à mobiliser pour des actions de coopération de nouvelles sources de financement qui peuvent venir compléter les opportunités déjà existantes. Elle autorise également les Agences de l'Eau à mener des actions de coopération internationale. * 49 Propos tirés de l'enquête de BAIL Raphaële, juin 2007, Nantes métropole : Quand les usagers du nord financent l'accès à l'eau, article tiré du dossier « Du nord au sud, des communes solidaires », Alternatives Internationales numéro 35. * 50 C'est le programme « Villa Verde ». |
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