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Dépenses Militaires, Gouvernance et Efficience Economique: le cas de l'Afrique sub-Saharienne

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par Thérèse Félicitée AZENG
Université de Yaoundé 2-SOA - DEA 2008
  

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2.2. Les conséquences des dépenses militaires.

Il semblerait évident qu'un niveau minimum des dépenses militaires soit nécessaire afin de préserver l'ordre social et la protection contre des menaces extérieures, lesquels sont des pré-requis pour une éventuelle croissance économique. De l'autre côté, malgré le fait que les dépenses militaires soient manifestement un « bien politique » important, il est aussi évident qu'un Etat peut porter ce bien à l'extrême, ce qui entraînerait une éviction des autres capacités de développement et donc des résultats économiques négatifs (Zarko, 1993).

Dans la littérature économique, le poids des dépenses militaires dans l'économie d'un pays est le plus souvent estimé par deux indices : la part que représentent ces dépenses militaires dans le revenu total du pays, mesuré par le PIB, et le niveau de ces dépenses militaires ramené au nombre d'habitants. Quoique très contestables, ces mesures sont admises par la plupart des organisations internationales comme étant la seule méthode disponible pour comparer la charge économique dans le temps et selon les pays. Néanmoins, ces indices ont l'avantage de pouvoir être comparés à des indices équivalents établis à partir d'autres dépenses publiques, par exemple en matière de santé ou d'éducation (Dimitrova et Kamarachev, 2005).

2.2.1. Les conséquences économiques des dépenses militaires.

Les dépenses militaires ont plusieurs effets sur les différentes variables économiques d'un pays, notamment la croissance, l'inflation, l'emploi et l'investissement.

a) Les effets des dépenses militaires sur la croissance économique et l'inflation

L'étude pionnière, en matière d'incidence des dépenses militaires sur l'économie, est celle de Benoit (1973; 1978). Il part d'une analyse des données sur 44 PED entre 1950 et 1965 afin de déterminer le lien entre les dépenses militaires et les taux de croissance, les taux d'investissement, les aides extérieures et d'autres variables économiques.23(*) Il montre, à l'aide de régressions, que les dépenses militaires sont positivement et significativement liées à la croissance économique. Benoit avait été surpris par ces résultats car son modèle avait prédit qu'une hausse d'un point des dépenses militaires entraînerait une baisse de 25% de la croissance économique. Selon lui, les effets négatifs des dépenses militaires prédits par le modèle doivent probablement être compensés par quelques effets positifs méconnus ou non mesurés des programmes militaires.24(*)

Ces résultats de Benoit entraînèrent une littérature abondante dans la discipline économique, avec notamment de nombreuses critiques sur la méthodologie utilisée par l'auteur25(*), et des propositions méthodologiques alternatives26(*). En particulier, Sandler et Hartley (1995) critiquent l'hypothèse forte de Benoit en se basant sur l'étude de 25 économies, dont 60% concernent des pays sous-développés, durant la période 1973-1993. Leur recherche aboutit sur toutes les relations envisageables entre les dépenses miliaires et la croissance, classées des plus positives au plus négatives passant par les relations neutres; Selon les auteurs, les résultats obtenus ne permettent de fournir ni une conclusion définitive, ni une hypothèse aussi forte que celle avancée par Benoit.27(*)

Dans le but d'améliorer ces travaux, Biswas et Ram (1985) avancent l'idée que l'échantillon de Benoit soit biaisé du fait de la composition des PED. Selon eux, sur les 44 pays constituant l'échantillon de Benoit, seuls sept d'entre eux pourraient être classés dans la catégorie des PED à faible revenu.28(*) En ajoutant quelques PED moins avancés et divisant le groupe en sous-groupes, les auteurs ont été capables d'identifier les différences significatives dans les deux échantillons. Notamment, dans les PED les moins avancés, la corrélation entre les dépenses militaires et la croissance est considérablement négative. Dans la même optique, Nabe (1983) et Gyimah-Brempong (1989) prônent la distinction des PED en sous-groupes.29(*) Pour sa part, Taylor (1981) fait une analyse d'un échantillon de 69 Etats et trouve une relation négative entre les dépenses militaires et la croissance économique lorsque les données sont agrégées. Lorsqu'elles sont désagrégées, étape par étape en séries temporelles, il aboutit également à des résultats intéressants, notamment dans 72% des cas, soit 50 Etats, il ne décèle aucune relation entre dépenses militaires et croissance.30(*) Taylor (1981), se sert alors de ce résultat pour conclure qu'il n'existe pas de lien significatif entre les dépenses militaires et la croissance économique. Cependant le fait que Taylor choisisse d'ignorer les autres 30% cas, qui fournissent pourtant des résultats significatifs, est critiqué par Zarko (1993) qui estime qu'il est possible de trouver une multitude de variables qui ont des effets compensateurs rendant difficile la mesure des effets agrégés.

Dès 1986, Deger tente d'identifier les facteurs spécifiques impliqués dans la relation entre dépenses militaires et croissance. Elle avance que le fardeau militaire, l'épargne, l'investissement et par-dessus tout, la croissance, sont les facteurs interdépendants et requiert un système d'équations simultanées basé sur une théorie spécifique propre. L'auteur réalise également la première étude majeure permettant de comparer les effets d'offre et de demande. Selon elle, l'une des sources possibles de la croissance est la création d'une demande additionnelle agrégée, qui est une variable d'intervention déterminante pour la croissance économique. Ceci pourrait alors expliquer l'écart entre les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire. Son analyse a permis notamment la prise en compte du surplus de capacité productive comme facteur encourageant la croissance économique, à travers une stimulation de la demande keynésienne. Deger procède à un modèle à équations simultanées, et conclut que l'équation de la croissance, indépendamment de l'épargne, est compatible avec les résultats de Benoit selon lesquels les dépenses militaires accélèrent la croissance économique à travers la stimulation de la demande agrégée. Cependant, lorsque cet effet est combiné à un effet « crowd-out » négatif sur l'épargne agrégée, la somme des impacts positif et négatif renvoie à un effet total négatif sur la croissance.

Analysant les effets des dépenses militaires du côté de l'offre, Looney (1989) affirme que l'existence d'une industrie locale de production d'armement influence positivement les effets des dépenses militaires sur la croissance économique. Lorsque les pays producteurs et les non-producteurs sont séparés, les effets des dépenses militaires sur la consommation et l'investissement changent. Dans les pays producteurs, une consommation accrue s'accompagne d'une hausse proportionnelle de l'investissement. Il est envisageable qu'une hausse des dépenses d'armement stimule la demande, notamment dans les industries qui requièrent alors une main-d'oeuvre nouvelle avec des salaires élevés. L'effet multiplicateur apparaît alors lorsque ces nouveaux travailleurs consomment et permettent une seconde stimulation de la demande dans les autres secteurs de l'économie. Par ailleurs l'acquisition d'une industrie locale de production d'armement représente une forme d'investissement par le gouvernement dans l'extension de ses capacités productives et l'accroissement du travail qualifié. Dans les pays non-producteurs par contre, une hausse de la demande entraîne une diminution de l'investissement. Ce qui est une conséquence naturelle car, du fait que les armes sont achetées à l'étranger, le capital qui aurait pu servir à l'investissement dans l'économie civile est perdu.

Dans le cadre du budget de l'Etat, le financement du poste Défense est susceptible d'alourdir le fardeau de la dette extérieure et intérieure. Le service de la dette grossit les déficits et peut engendrer un cercle vicieux qui ralentit l'investissement privé (Bertelemy et al, 1994). Par ailleurs, les dépenses militaires ont une certaine résilience lorsque les dépenses nationales sont amputées. Ce phénomène se traduit par un renforcement des effets d'éviction dont pâtissent les autres postes du budget. Même si l'on ne détermine pas a priori quels secteurs sont touchés, car cela varie d'un pays à un autre en fonction des choix du gouvernement en place ; dans bien des cas l'on note que les réductions budgétaires touchent d'abord les dépenses en capital et les achats d'équipements et de matériels.

Krause (1997), dans un graphique présentant la relation entre les dépenses militaires en pourcentage du PIB et les taux de croissance de l'économie, montre que parmi les pays dépensant plus de 6% de leur PIB dans la défense, il y a trois fois plus de pays ayant des taux de croissance négatifs que ceux ayant des taux de croissance positifs. De la même manière, Bjerkestrand (1997) trouve dans ses analyses des données empiriques que les dépenses militaires ont un effet négatif sur la croissance du PIB, et aboutissent à une pression croissante de l'économie et sur les prix (Bjerkestrand 1997; Oden 1988). Les dépenses militaires financées par des crédits tendent à accroître la demande de monnaie, et partant, accroissent les taux d'intérêt et l'inflation (Miyazaki 1996; Oden 1988). Ceci va également tendre à réduire les investissements privés (Bjerkestrand 1997). Dans le cas des dépenses militaires financées par la taxation ou par une augmentation de l'offre de monnaie, l'effet sera une hausse générale des prix qui affectera la population.

En somme, les dépenses militaires, indépendamment de leur taux dans les dépenses publiques, influencent dans une certaine mesure le développement économique. Cette influence est double et se manifeste à travers les effets sur l'économie nationale. Le bénéfice, la création et l'emploi rationnel du potentiel de combat est le but du système de défense pour assurer une stabilité de la croissance économique (Dimitrova et Kamarachev, 2005).

* 23 BENOIT E. (1978), «Growth and defense in developing countries», Economic Development and Cultural Change, n° 26, 2, pp 271 - 280.

* 24 De fait, les chercheurs, après ces résultats de Benoit, se sont attelés à identifier et à mesurer ces potentiels effets positifs.

* 25 Notamment pour son raisonnement ad hoc et l'insuffisance de ses bases théoriques.

* 26 Par exemple, des modèles de « demand and supply side » ou des modèles combinés « demand-supply ».

* 27 En fait des 8 études portant sur des pays développés y compris les Etats-Unis, seules 3 ont montré un effet négatif des dépenses militaires, 3 aboutissant à un effet positif et 2 ne montrant aucun impact.

* 28 Biswas B. and Ram R. (1985), «Military Expenditure and Economic Growth in Less Developed Countries: An Augmented Model and Further Evidence», Economic Development and Cultural Change, January 1985, Vol. 34, n°2, pp. 363. In ZARKO C. (1993), «Analysing the economic impact of military expenditure across the third world», Political science program, University of Michigan.

* 29 Du fait notamment que les études des deux auteurs sont spécialement consacrées à l'impact des dépenses militaires en Afrique.

* 30 Dans 14 cas il observe une relation négative nette, et une relation positive dans 5 cas.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius