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Les obstacles à la bonne qualité de l'eau dans les rivières péri-urbaines. L'exemple du bassin versant de l'Azergues (Rhône)( Télécharger le fichier original )par Nicolas Talaska Université Lumière Lyon 2 - Maîtirise de géographie 2007 |
2. Le décalage des discours sur la gestion des milieux physiques2.1 Entre postures théoriques de l'Agence de l'eau et difficile application à l'Azergues dans le cadre du contrat de rivière. La restauration physique en questionLes progrès de la recherche scientifique sur les hydrosystèmes démontrent de plus en plus le rôle primordial de l'état physique des cours d'eau dans leur fonctionnement général et notamment vis-à-vis de la qualité physico-chimique et biologique. Du fonctionnement hydromorphologique des cours d'eau dépendent la qualité des habitats des communautés vivantes aquatiques, et donc son « bon état écologique » au sens de la DCE. « La présence d'habitats favorables et des processus qui sous tendent leur existence et leur renouvellement (tels que les crues justes débordantes, les capacités de déplacement du lit des cours d'eau dans leur espace de liberté) conditionnent le fonctionnement physico-chimique et biologique des milieux aquatiques, et par conséquent, les possibilités d'atteinte du bon état écologique des eaux »115(*). L'utilisation récente du concept d'« espace de liberté »116(*) des cours d'eau dans les réflexions autour des politiques de gestion de l'eau est révélatrice de l'importance accordée aux caractéristiques physiques comme facteurs essentiels de la qualité des milieux aquatiques. Ce concept sera largement repris dans le futur SDAGE RMC qui prévoit, parmi ces orientations fondamentales, d'« agir sur la morphologie, le décloisonnement et l'hydrologie des milieux aquatiques »117(*). Dans la même lignée, les travaux de H.Piégay démontrent le rôle bénéfique du bois mort en rivière sur la qualité biologique des cours d'eau118(*). Dans le bassin de l'Azergues, la question des milieux physiques prend une importance particulière. Les deux masses d'eau aval de l'Azergues sont identifiées comme fortement impactées quant à leur fonctionnement physique. La partie aval est en outre pré-identifiée comme une masse d'eau fortement modifiée (MEFM)119(*). Ces dégradations du fonctionnement physique sont héritées des usages passés de la rivière, mais sont aussi le résultat d'aménagements contemporains. Ces dégradations sont en partie responsables des risques de non-atteinte du « bon état écologique ». Le tableau 8 présente les principales altérations physiques de l'Azergues ainsi que les mesures prévues pour réduire leurs impacts sur le « bon état écologique ». Tableau 8. Inventaire des pressions physiques de l'Azergues et mesures prévues (Source : DDAF du Rhône, cellule Eau, 2003)
La prise en compte des problèmes liés au fonctionnement physique est assez faible dans le contrat de rivière. Les actions de « restauration physique » captent moins de 11,5 % du budget. Toutefois, ces opérations sont globalement moins coûteuses que celles liées à l'assainissement. Elles sont donc plus nombreuses malgré un budget qui leur est consacré assez faible. Certaines actions programmées vont entièrement dans le sens des préconisations du SDAGE et de la DCE. A titre d'exemple, deux opérations visent à « renaturaliser » deux affluents de la Moyenne Azergues fortement dégradés (busage, requalibrage, déconnexion à l'exutoire). En revanche certains acteurs émettent quelques nuances en précisant que la plupart des actions de restauration physique ont été rajoutées au contrat pour satisfaire les financeurs qui avaient demandés de diminuer l'ampleur, en nombre et en coûts, des seules opérations d'assainissement. Or, aux dires de certains acteurs interviewés, ce sont ces actions rajoutées qui risquent le plus de ne pas être réalisées. « Les élus n'ont pas vraiment la fibre écologique ». Les raisons explicites de l'émergence du contrat de rivière n'étaient d'ailleurs pas tant la reconquête des milieux aquatiques que la résolution des problèmes d'urbanisation liée à la rivière. A savoir, l'assainissement (cela permet bien sur de réduire les dégradations de la qualité de la rivière, par ailleurs identifiées comme un des problèmes principaux par le contrat de rivière, mais s'il n'était pas aux normes, il interdisait les possibilités d'urbanisation) et la lutte contre les inondations qui limitait dans certains secteurs les possibilités d'extension urbaine. A l'intérêt plutôt faible des élus pour les questions de restauration physique, peut aussi s'ajouter leur relative inexpérience en la matière. La majorité des opérations de restauration physique sont des `actions communes'. C'est-à-dire que la structure porteuse du contrat de rivière (le SMRPCA compétence contrat de rivière) en est le maître d'ouvrage. Les actions programmées sont ainsi financées par l'ensemble des collectivités du bassin versant, et la préparation des travaux incombe aux gestionnaires de rivière du Syndicat contrat de rivière. D'autres opérations relèvent de la maîtrise d'ouvrage de certaines communautés de communes (CC) qui n'ont pas souhaitées déléguer leurs `compétences-eau-rivière' au syndicat. Ces compétences historiques sont en réalité plus liées à des actions hydrauliques, dont le technicien de la Fédération de Pêche souligne leur relative incompatibilité avec de véritables opérations de restauration physique. Alors que les actions de restauration physique ont une réelle finalité environnementale, les actions hydrauliques visent plutôt la protection des secteurs urbanisés par le recours à des techniques parfois peu en phase avec le milieu (canalisation, busage, requalibrage). Sur les cinq actions de restauration physique prise en charge par les CC, aucune n'est réalisée en 2007. A l'inverse, trois opérations sur trois programmées en protections hydrauliques sont réalisées120(*). Si les CC semblent plus à l'aise avec les techniques de protection hydrauliques, elles sont peut-être moins `armées' sur les dossiers plus complexes de restauration physique. Le chargé de mission souligne à ce titre le choix peu judicieux d'une CC pour un bureau d'étude dans le cadre d'une opération visant la reconnexion d'un ruisseau à l'Azergues. La CC a confié l'étude à un bureau très performant mais aussi très cher. Le résultat est que l'étude a capté une bonne partie du budget total de l'opération prévue initialement. Au final, le projet est en attente. Ces quelques considérations ont permis de mieux connaître les problèmes de qualité liés aux milieux physiques de la rivière, et leur mode de prises en charge dans le cadre du contrat de rivière. Voyons maintenant plus en détail deux types de problèmes de gestion liés aux perturbations physiques de l'Azergues : la rupture de la « continuité écologique » par les seuils, et la gestion de la charge sédimentaire dans la basse Azergues. Les solutions esquissées à ces problèmes révèlent des oppositions nettes entres différents acteurs ayant chacun une représentation différente de la qualité de l'eau. * 115 Comité de bassin RMC, 2005, ibid. p. 181. * 116 « Cette notion est apparue en 1990 aux Assises nationales de l'eau (Protection des milieux naturels aquatiques, Ministère de l'environnement, 1990); elle a été reprise par le groupe de travail "Protection et gestion des plaines alluviales" de l'Agence de l'Eau Rhône-Méditerranée-Corse (1996) ». Source : Comité Nationale Français des Sciences Hydrologiques (Page consultée le 15 mai 2007). Dictionnaire français d'hydrologie, [En ligne]. Adresse URL : http://www.cig.ensmp.fr * 117 Comité de bassin Rhône Méditerranée. (Page consultée le 15 mai 2007). Préparation de l'avant projet de SDAGE, [En ligne]. Adresse URL : http://www.rhone-mediterranee.eaufrance.fr * 118 PIEGAY (H.), LE LAY (Y.F.), 2007, « Le bois mort dans les paysages fluviaux français : éléments pour une gestion renouvelée », L'espace géographique, n°1, pp. 51-64. * 119 Comité de bassin Rhône Méditerranée, mars 2005, Etat des lieux bassin du Rhône et des cours d'eau côtiers méditerranéens : Caractérisation du district et registre des zones protégées, 330 p. * 120 Tableau de bord Contrat de Rivière, 2007. |
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