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Les obstacles à la bonne qualité de l'eau dans les rivières péri-urbaines. L'exemple du bassin versant de l'Azergues (Rhône)

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par Nicolas Talaska
Université Lumière Lyon 2 - Maîtirise de géographie 2007
  

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3. Perception des acteurs

Les acteurs rencontrés font partie du Comité de Rivière du contrat de rivière Azergues. Nous partons donc du postulat que toutes ces personnes possèdent les mêmes informations sur la qualité de la rivière. Pourtant les critères pris en considération pour évaluer la qualité de l'eau divergent, tout autant que les perceptions de l'évolution de la qualité.

3.1 Des critères d'évaluation proches des critères objectifs, mais des utilisations restrictives au domaine de compétences des acteurs

Pour les acteurs impliqués dans la gestion de l'eau, les critères pris en considération pour évaluer la qualité de l'eau sont limités à leur domaine de compétence.

D'une manière générale, les élus locaux connaissent la technicité de l'évaluation de la qualité de l'eau et précisent à ce titre qu'ils se réfèrent aux « statistiques » pour connaître les évolutions de la qualité. « Nous ne sommes que des élus, pas des techniciens »90(*). Cette conception fait référence à la qualité physico-chimique puisqu'elle était souvent associée aux questions d'assainissement. L'assainissement étant de la compétence et de la responsabilité des communes ou de leurs regroupements, la focalisation des élus sur cet aspect de la qualité n'est donc pas surprenant. L'entretien des cours d'eau (enlèvement des végétaux morts, contrôle de la végétation riveraine) et leur propreté (pas de décharges sauvages sur les berges) sont également des éléments cités comme facteurs de la bonne qualité de l'eau de l'Azergues. En ce sens les élus sont assez proches des préoccupations des usagers. En outre, les élus ont systématiquement cités des indicateurs biologiques, au premier rang desquels, l'Ecrevisse à pattes blanches. L'évocation de cette espèce n'était le fait que des élus ou des spécialistes (techniciens de rivière) et jamais des usagers, à quelques exceptions près. Selon eux, la présence de cette espèce témoigne de la bonne qualité des cours d'eau. Il est vrai que cette espèce, très sensible à la qualité des milieux aquatiques, est présente dans certains affluents. C'est d'ailleurs ce qui fait la `renommée environnementale' de certains ruisseaux de l'Azergues. Mais les élus n'ont jamais évoqué la disparition de l'espèce sur certains cours d'eau suite à des aménagements ou à des rejets domestiques pas encore traités91(*). L'évocation de cette espèce emblématique92(*) par les élus, sans faire référence aux spécificités de ses conditions de vie ou de mort selon les espaces du bassin versant, ne véhicule t'elle pas une représentation excessivement positive de la qualité globale des milieux aquatiques ?

Contrairement aux élus locaux qui prennent essentiellement en considération la qualité physico-chimique, à l'exception des citations quasi anecdotiques de certaines espèces animales aquatiques, les acteurs de la pêche (ici la Fédération de Pêche du Rhône) abordent la qualité des milieux aquatiques par le prisme de la biologie. Pour eux les populations piscicoles, mais aussi toute la microfaune (invertébrés, diatomées) sont des indicateurs bien plus efficaces que les analyses physico-chimiques pour évaluer la qualité des cours d'eau. Toutefois le technicien interrogé souligne les limites des investigations biologiques. La faible fréquence des campagnes d'analyses et le nombre restreint de stations de mesures ne permet pas de comprendre l'évolution de la qualité sur le long terme. Ainsi, sur l'Azergues, les premières campagnes de mesures datent de 1985 sur huit stations. « C'est ridicule (le nombre de stations de mesures) vu la taille du bassin versant »93(*). Les dernières campagnes remontent à 1997 et 2005 et ces fois-ci, sur un nombre de stations encore plus faible (5). Entre des pas de temps aussi longs il est possible de ne pas prendre la mesure d'évènements exceptionnels. Par exemple, la sécheresse de 2003 a fortement réduit les populations piscicoles. Si un relevé est effectué en 2004, il est facile d'attribuer à une dégradation de l'eau la forte diminution des populations. De la même manière, et c'est là une question plus compliquée, comment faire la part des conséquences de la sécheresse ou de la qualité physico-chimique de l'eau sur la modification des peuplements ?

Enfin le technicien précise que la prise en compte de l'état physique des cours d'eau est capitale pour espérer retrouver une bonne qualité de l'eau des rivières. Or les élus sont peu sensibles à ce sujet. Il y'a même parfois des incohérences. Des efforts importants peuvent être faits pour traiter plus efficacement les rejets domestiques, mais ils peuvent rester sans effets sur la biologie si, à côté de ces actions, des plans d'eau sont créés sur les cours d'eau en têtes de bassins ou si la construction d'une route entraîne le busage d'une partie d'un ruisseau. Ces aménagements assez banals sont fréquents, et ce d'autant plus dans des espaces périurbains comme la Basse-Azergues.

Les préoccupations des acteurs départementaux de la pêche sont finalement assez proches des conceptions de la DCE. Leur approche de la qualité est basée sur la biologie et la prise en considération de l'état du milieu physique est forte.

Dans cette conception se retrouvent les missions de la Police de l'eau94(*) dont une grande partie concerne l'examen de dossiers de demandes de travaux en rivière95(*). A la DDAF, les critères de qualité de l'eau font référence à des normes et à des réglementations bien définies par le législateur. Les travaux en rivière, ou tout aménagement susceptible de perturber le milieu aquatique, sont fortement encadrés par la législation. Les agents de la DDAF sont ainsi tenus de faire respecter la réglementation. S'ils disposent des outils juridiques, la faiblesse des moyens humains sur le terrain rend parfois la tâche difficile. En comptant les personnels de l'ONEMA et de la DDAF, dix agents sont chargés de la surveillance des milieux aquatiques dans le département du Rhône. La conception très réglementaire de la qualité de l'eau par la DDAF et L'ONEMA est vivement contestée par les acteurs locaux. Le cadre réglementaire s'opposerait au pragmatisme nécessaire des actions de terrain. Beaucoup d'élus dénoncent la lourdeur administrative et technique des dossiers ainsi que la lenteur d'examen alors que les travaux sont parfois urgents. Certaines personnes ayant déjà fait l'objet de procès verbaux n'hésitent pas à parler des « cow-boys de la Police de l'eau ». Les tensions sont vives entre les acteurs locaux et la Police de l'Eau. Ce point est approfondi dans le chapitre suivant.

Ce tour d'horizon, aussi limité soit il, permet toutefois de mettre en lumière les visions assez différentes de ce qui fait la bonne qualité de l'eau chez les acteurs impliqués dans la gestion de l'eau. Ces divergences se retrouvent dans la perception de l'évolution de la qualité.

* 90 Entretien avec un élu de la Basse Azergues, avril 2007.

* 91 Fédération de Pêche du Rhône, 2001, Etude piscicole et astacicole pour le volet B du contrat de rivière Azergues

* 92 L'Ecrevisse à pattes blanches est une espèce à forte valeur environnementale. Elle est sous la protection de législations nationale, européenne et mondiale.

* 93 Entretien avec un technicien de la Fédération de Pêche du Rhône

* 94 Dans le département du Rhône la Police de l'Eau est assurée par la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF) pour le volet administratif et par les agents de l'Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), ex-Conseil Supérieur de la Pêche (CSP), sur le terrain.

* 95 Entretien avec un agent de la DDAF, service Police de l'Eau. La fiche de cet entretien est en annexe.

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