Le concept d'Ontologie Sociale( Télécharger le fichier original )par Jules Donzelot Université de Provence - Master 1 - Maà®trise de philosophie 2004 |
Ontologie des phénomènes sociaux / Ontologie objets des sociauxL'ontologie sociale contemporaine marque la volonté de mettre à jour la vraie structure de la réalité sociale. Il ne s'agit plus de faire ressortir les présupposés ontologiques fondamentaux de diverses théories philosophiques classiques, mais bien de chercher à déterminer un nouveau modèle ontologique, en adéquation avec la réalité sociale. L'ontologie sociale constitue ainsi un nouveau champ de recherche pour les philosophes : opérant un retour sur les questions que se posaient les théoriciens fondateurs de la sociologie, mais aussi sur celles qu'avaient envisagées Husserl, Znamierowski, Reinach et Dewey, les ontologues sociaux proposent de nouveaux concepts, de nouvelles idées, de nouvelles théories. La littérature que nous offrent actuellement les théoriciens de l'ontologie sociale porte d'une part sur les phénomènes sociaux et d'autre part sur les objets sociaux. Des auteurs comme Barry Smith, John Searle, Frédéric Nef, Pierre Livet, Maurizio Ferraris et Paolo di Lucia tentent d'expliquer le mode d'existence des objets sociaux, lorsque d'autres théoriciens, incluant Margaret Gilbert, Philipp Pettit ou John Greenwood se donnent pour but de déterminer l'essence des phénomènes sociaux. Or, si le concept de phénomène social fut utilisé par les théoriciens fondateurs des sciences sociales, celui d'objet social, en revanche, est propre à l'ontologie sociale contemporaine. Nous avons choisi d'organiser notre travail sur la base de cette distinction conceptuelle. L'ontologie des phénomènes sociaux hérite des questions que se posaient les fondateurs de la sociologie : Quelle est l'essence des phénomènes sociaux ? Un phénomène social consiste-t-il en la rencontre de deux ou plusieurs subjectivités (Weber) ou la subjectivité elle-même est-elle déterminée dans son contenu par une sorte de conscience collective (Durkheim) ? L'opposition de l'individualisme au holisme n'est plus traitée sur un plan méthodologique, mais ontologique. On parle alors d'individualisme ontologique et de holisme ontologique : « L'individualisme ontologique considère que les groupes sociaux ne sont rien au-delà des individus qui en sont les membres », alors que « le holisme ontologique soutient au contraire que les groupes sociaux existent en eux-mêmes, au-delà des individus qui les composent. »7(*) L'ontologie des phénomènes sociaux apparaît comme une radicalisation des problématiques sociologiques : on ne se demande plus seulement s'il vaut mieux essayer de comprendre les phénomènes sociaux en partant de la société ou en partant des individus, mais surtout si la société est une entité qui existe au-delà de ses membres et si les individus peuvent exister indépendamment d'une société. L'ontologie des objets sociaux hérite pour sa part des problèmes que posait dès le début du XXe siècle la notion d'intentionnalité. Cette dernière, à la différence de la notion de conscience dont elle prit la place, définit l'esprit en termes d'interaction avec son environnement extérieur plutôt qu'en terme de relation cognitive. L'esprit n'est pas coupé d'un monde extérieur dont il lui faudrait constituer une infinité de représentations, bien plutôt il est en interaction constante avec le monde dans lequel il évolue par l'action. Ce passage d'une philosophie de la connaissance à une philosophie de l'interaction esprit/environnement favorisa le renouveau d'un certain questionnement métaphysique. La nécessité de redéfinir le mode d'existence de la réalité sociale se fit, en particulier, sentir. La réponse à ce besoin se manifesta dans les travaux de Brentano et de Husserl, ainsi que dans ceux de leurs successeurs. On parlait alors d'ontologie du monde du sens commun plutôt que d'ontologie sociale. Mais l'ontologie des objets sociaux connaît actuellement un renouveau, en particulier à travers le livre de John Searle, The Construction of Social Reality. Nous avons choisi de concentrer notre présentation de l'ontologie sociale contemporaine sur les deux figures philosophiques qui actuellement prédominent et correspondent chacune à l'un de ses versants. Il s'agit d'abord de Margaret Gilbert et de son ouvrage On Social Facts, qui concerne en particulier l'ontologie des phénomènes sociaux. Gilbert tente, dans cet essai, d'échapper à la fois à l'individualisme et au holisme ontologique en présentant une théorie nouvelle, l'intentionnalisme. Le second ouvrage décisif au sein de l'ontologie sociale est celui de John Searle, The Construction of Social Reality, au cours duquel l'auteur fournit une théorie complète qui vise à expliquer, à l'aide de nouveaux concepts, le mode d'existence des objets sociaux. * * * PREMIÈRE PARTIE* 7 Margaret Gilbert, On Social Facts, pages 428-430. |
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