2. Législation concernant
les droits d'utilisation, les droits d'auteur, les usages abusifs...
Face à l'entrée massive de nouvelles techniques
dans le grand public, de nouvelles formes de criminalité apparaissent
comme c'est déjà le cas avec le réseau Internet. Des
hackers par exemple ont attaqué quelques uns des sites les plus
célèbres et les plus performants tels Yahoo ou e-bay (site
d'enchères), en les bombardant de milliers voire de millions de messages
ce qui a rendu momentanément impossible les communications. A chaque
fois le FBI malgré la grande compétence de ses enquêteurs,
a beaucoup de mal à localiser l'origine de ces offensives de grande
ampleur.
En France, le Service d'Enquêtes sur les Fraudes aux
Technologies de l'Information (SEFTI), tient désormais lieu de
dispositif de surveillance et de cyberpolice à l'encontre des
"technobandits".
En matière de criminalité, il est bon de se
rappeler également les problèmes liés à
l'exploitation illicite du cybersexe, ou de toute prétendue
médecine. En France par exemple, contrairement aux Etats-Unis, la vente
en ligne de médicaments reste illicite et prohibée par le Conseil
de l'Ordre.
D'un pays à l'autre, les lois contrôlant le droit
d'expression varient énormément. Les Etats-Unis, en vertu du
premier amendement de la Constitution et de la Liberté d'expression,
tolèrent, par exemple, le négationnisme, illégal ailleurs.
En revanche, les casinos virtuels inquiètent beaucoup les
autorités américaines, parfois plus que celles des autres pays.
Or la censure se révèle difficile à appliquer sur les
réseaux, quel que soit leur type, sauf à utiliser des moyens
draconiens incompatibles avec la vie en démocratie. La transmission de
paquets par radio se joue des frontières. La capacité de crypter
et de communiquer se généralise.
C'est par le réseau Internet que la compagnie
soviétique Relcom a pu contourner le KGB lors de la tentative de coup
d'Etat contre Mikhaël Gorbatchev en août 1991. C'est par le
même réseau également que le sous-commandant Marcos a pu
faire passer des messages sur la révolte des Chiapas en dépit de
l'étau gouvernemental mexicain. Les réseaux du grand banditisme
international utilisent ponctuellement d'autres réseaux comme le web
pour communiquer plus discrètement en incluant par exemple du texte dans
les images d'un ensemble de sites obtenus par recherche sur mot-clé. Un
micro-ordinateur doté d'un modem semble désormais aussi dangereux
pour un Etat qu'une division blindée, plus peut-être, mais
Napoléon disait des choses analogues des quotidiens.
A la suite des attentats qui ont eu lieu aux Etats-Unis, en
France par exemple, où le grand public reconnaît désormais
le mot "hacker" et l'associe au pire de l'Histoire, le Sénat vient de
confirmer des mesures exceptionnelles telles que la surveillance possible du
courrier électronique afin de permettre une sécurité
accrue du territoire par un arrêt des agissements suspects.
Reste, pour le lecteur, à valider ces messages. Cette
question, certes difficile, renvoie plus à la conception d'une
éducation adaptée aux réalités du cyberespace
qu'à la constitution d'un corps de médiateurs patentés.
Problématique voire impossible, la volonté de
réglementer a néanmoins permis d'identifier un
élément vulnérable : le fournisseur de service. Dans
plusieurs pays dont la France, des jugements ont commencé à
assimiler ce dernier à un éditeur plutôt qu'à un
simple transporteur ; il se retrouve ainsi responsable au moins en partie, des
contenus que ses clients décident de placer dans leur site.
Attaquer le fournisseur de service ne suffit pourtant pas
à faire disparaître les documents litigieux : ainsi les photos
d'Estelle Halliday nue, placées dans un site d'Alterne, ont conduit
à une condamnation de ce fournisseur par une cour française (se
reporter Conf 1 en annexe dans laquelle intervient un des juges de l'affaire
citée), mais les photos demeurent disponibles ailleurs dans le monde et,
par simple effet de publicité, se sont multipliées. Une
législation limitant trop efficacement les fournisseurs de service d'un
pays conduira simplement à un transfert des sites litigieux vers des
contrées plus laxistes, entraînant ainsi une perte totale de
contrôle et une perte partielle de revenus.
"Un fournisseur de services télématiques bloque
l'accès à des sujets désignés comme
pornographiques" :
ce titre du New York Times relate la tentative de censure des
documents pornographiques qui circulaient sur CompuServe, un des plus
importants fournisseurs de connexions en Allemagne. Ce geste parait
dérisoire pour plusieurs raisons. D'abord, si l'accès direct
à un site où se trouvent placés des documents jugés
indésirables est interdit, un accès indirect est toujours
possible. Ensuite, ces documents sont placés dans des forums bien
identifiés, qui jouent le rôle d'"abcès de fixation". Une
répression mal conçue pourrait donner lieu à l'irruption
soudaine de ces documents dans les forums les plus innocents. Enfin, aucun
système de surveillance ne peut prétendre contrôler des
documents faciles à déguiser et cryptés. Et puis, tous les
travers restent possibles voire usités. J'ai moi-même reçu
sur un site personnel hébergé aux Etats-Unis, des photos
extraites d'une bande dessinée pédophile qui à
l'évidence (mais il faudrait une expertise judiciaire et engager une
procédure qui le prouve) ne pouvaient que refléter des
modèles réels. Que faire alors ?
Produire de la musique sous forme numérique ne change rien
à la nature juridique de ces documents. Mais le droit d'auteur
dépend du contexte institutionnel, technique et éthique dans
lequel il tente de fonctionner, et aussi des conditions de son
applicabilité. Quand la multiplication des copies et leur circulation
s'effectuent pour un coût minime, discrètement, loin de la
surveillance et de la répression, on peut se poser quelques questions
sur la pertinence du droit d'auteur. L'ordre numérique vise à
déplacer radicalement l'imprimé et ses extensions, parmi
lesquelles se retrouve le droit d'auteur ; ce qui signifie qu'il va subir des
transformations radicales dans les décennies qui viennent.
Sur fond de révolution technologique, c'est en fait une
véritable révolution économique et juridique qui est en
train de voir le jour, notamment au travers de la montée en puissance du
format d'enregistrement de sons MP3. Un format qui s'est imposé en
quelques mois comme le standard de la transmission de musique sur les
réseaux. A l'origine, il s'agit d'un simple procédé de
compression qui, en réduisant douze fois la taille des fichiers,
économise de l'espace sur le disque dur des ordinateurs et réduit
les temps de téléchargement. Les fichiers MP3 garantissent en
outre une excellente qualité de son à la différence des
procédés comme Real Audio destinés à la diffusion
de sons en continu.
Résultat, il est possible de trouver, sans se
déplacer, des milliers de titres musicaux et de
télécharger sa chanson préférée en quelques
minutes. Sur réseaux le choix des morceaux devient très
rapidement phénoménal, et l'engouement ne cesse de se
développer.
D'après les responsables du moteur de recherche Lycos, MP3
est le second terme le plus demandé après "sex". Par ailleurs
Lycos met à disposition un service destiné uniquement à la
recherche de fichiers MP3, qui compte plus de 500 000 titres indexés
dans ses pages. On voit même apparaître particulièrement en
Asie des disques composés uniquement de tels fichiers.
Formidable opportunité pour les consommateurs de musique,
ce système est aussi une catastrophe pour les producteurs. A commencer
par les éditeurs de musique, les producteurs de disques et les musiciens
eux-mêmes, car habituellement la diffusion de musique répond
à des règles. Seuls les détenteurs de droits d'une musique
peuvent décider de la distribuer ou non. Devenu de plus en plus
populaire, le MP3 est aussi utilisé de manière illégale
pour mettre en ligne les oeuvres d'artistes sans demander leur autorisation ni
acquitter les droits qui s'y rattachent.
En France où le régime du droit d'auteur
prévaut, le problème est d'autant plus crucial. Le salaire du
musicien et de l'auteur provient en majorité de la diffusion de son
travail. Or la plupart des chansons disponibles sur les réseaux sont des
enregistrements pirates. Certains sites n'hésitent même pas
à vendre en ligne des oeuvres qui ne leur appartiennent pas.
Une véritable escroquerie qui enrichit les pirates et
prive de leurs revenus les auteurs, les producteurs, les techniciens et tous
ceux qui ont participé à la création et à la
réalisation de ces chansons.
En 1999, les spécialistes estimaient que 10 à 15
millions de CD enregistrables vendus en France étaient en fait
utilisés à des fins de recopie de musique pour diffusion et
revente illégales, ce qui représenterait prés de 10 % du
marché français évalué à 140 millions de
disques vendus pour un chiffre d'affaires de 7,6 milliards de francs.
Dépassés par ce raz de marée parti
d'Internet, les producteurs de disques, les sociétés d'auteurs
ainsi que les associations d'artistes sont de plus en plus
préoccupés par la copie illégale et la diffusion de
musique sur le Net, qui se traduit à la fois par le manque à
gagner et par une entorse aux droits de propriété
intellectuelle.
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