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Communication via les médias à  base de réseaux

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par Marie-Josèphe Couturas
Université Paris 1 Sorbonne - DEA Sciences Politiques 2000
  

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3. Jeux, mondes virtuels et communication via les médias à base de réseau(x) :

C'est en l'année deux mille de notre ère que le secteur mondial des jeux vidéos a pour la première fois dépassé en chiffre d'affaire celui du cinéma. Ceci montre bien l'importance de la mécanique d'agrément qui peut être un moteur à la fois pour l'économie et la science. Les jeux sont associés à l'idée de plaisir, de loisirs. Avec l'éducation du plaisir, des sentiments naissent de nouvelles possibilités d'intégration. Le public est large, cultivé, pas forcément spécialiste. Les jeux sont à l'origine d'un espace de liberté qui gagne en intérêt. Petit à petit l'humain s'intègre lui-même aux oeuvres virtuelles avec lesquelles tantôt il se confond voire disparaît une première fois, tantôt il se ressemble, tantôt il se différencie voire s'oppose, tantôt il n'existe plus du tout et disparaît une deuxième fois.

Issus du monde des cédéroms, les jeux interactifs numérisés tendent à migrer vers les réseaux notamment Internet au fur et à mesure que la bande passante disponible permet de reproduire en ligne au moins une partie des caractéristiques rencontrées sur ordinateur local. Les jeunes disposant de liaisons rapides tarifées sur une base forfaitaire en profitent pour organiser des compétitions dans le contexte spatio-temporel offert par certains jeux. De nouvelles communautés naissent de ces duels virtuels, version planétarisée des gendarmes et voleurs d'antan. Ces jeux, tels "Tomb Raider", se présentent aussi sous forme de séries ou de feuilletons interactifs, de plus en plus associés à des montages en réseaux (réseau de joueurs dans une même salle ou bien éloignés, par grappes ou un à un, fixes ou non dans le temps).

Une même héroïne, par exemple Lara Croft qui a même donné récemment un film, maintient la continuité narrative d'une série de feuilletons interactifs. Son succès auprès des adolescents ne dépend certainement pas seulement de ses qualités combatives, mais également de son apparence passablement "sexy" qui a d'ailleurs engendré des sites web parodiques où elle apparaît un peu moins vêtue. Commercial, le système se décline et s'étend aisément au cinéma, aux jouets, aux vêtements etc... Le style Lara Croft est aussi une marque débordant sur un way of life.

Les créatures virtuelles ou artificielles peuplent une zone particulière de notre imaginaire, nourrie de vieilles légendes, d'espoirs et de peurs ancestrales comme de mythes futuristes. Elles sont largement présentes dans notre environnement quotidien. Les inforoutes de demain ne nous promettent-elles pas des "créatures virtuelles" qui matérialiseraient nos fantasmes, et jusqu'au "cybersexe" ?

Malgré l'allure de modernité dont se parent ces promesses, les créatures artificielles constituent une réalité ancienne qu'ont porté successivement la mythologie, la religion ou la magie, puis la littérature et le cinéma, en particulier dans la science-fiction. Entre la statue animée dont Pygmalion tombe amoureux, le Golem, figure de glaise qui traverse le Moyen Age et la Renaissance, le monstre du Docteur Frankenstein, les robots et autres ordinateurs intelligents des vingtième et vingt-et-unième siècles, le lien qui existe joue un rôle peut-être capital dans l'histoire des cultures humaines.

Les petites caméras ou "webcam" ancrent de nouvelles pratiques culturelles, souvent plus amusantes que sinistres, en dépit de certaines critiques. Un nostalgique de Paris peut ainsi s'amuser à vérifier l'état des Champs Elysées à tout moment. L'exercice parait frivole, l'est certainement, et pourtant attire de nombreux internautes. Judicieuse volonté de dominer l'espace ou bien jeux infantiles ? Le phénomène mérite certainement une interprétation.

Parmi les formes de communication inventées dans le réseau, l'Internet Relay Chat (IRC) offre à ses adeptes la possibilité de communiquer en se regroupant dans des "canaux" parfois fugaces, à l'accès plus ou moins ouvert. Le chat ou "bavardage", "causerie" électronique, véritable phénomène social, apparaît comme le haut lieu de toutes les clandestinités, undergrounds et trocs divers. Outil incontournable pour l'échange de photos, de logiciels ou d'airs à la mode, il est désormais colonisé par des centaines de milliers d'adolescents. Il est désormais doté de cams ou caméras numériques, ouvrant ainsi la possibilité d'usages qui vont de la télé- conférence sérieuse à l'exhibitionnisme en temps réel. On peut ainsi surveiller la météo à Séoul ou la chambre à coucher d'une jeune américaine. En parallèle, les MUDs (Multi- User Dungeons ou Domains) et des MOO (Multi- User Object- Oriented Environnements) offrent la possibilité de mener des jeux de rôle dans des espaces décrits en mots (pièces, grottes, châteaux, etc..), mais déjà leur importance s'estompe au profit d'espaces virtuels multimédias qui se multiplient, accompagnés de leurs "avatars" et transmettant souvent la voix.

Du "Palace" à "Interspace", on voit se construire des ensembles plus ou moins actifs, souvent parasités par des considérations commerciales aux stratégies vacillantes mais fortement expansives sinon 'expensive'. Pour autant les outils distribués librement, peuvent donner lieu à des utilisations intéressantes.

Les communications interpersonnelles sont animées par une quête de reconnaissance dont dépend dans une large mesure la perception de soi. Besoin d'existence et de considération (être visible aux yeux d'autrui, être connu par son nom, être pris en compte, être respecté...), besoin d'intégration (être inclus dans un groupe ou dans une communauté, y avoir une place reconnue, être considéré comme semblable ou égal aux autres...), besoin de valorisation ( être jugé positivement, donner une bonne image de soi, être apprécié...), besoin de contrôle ( pouvoir maîtriser l'expression et l'image que l'on donne de soi, l'accès d'autrui à sa sphère d'intimité), besoin d'individuation (être distingué des autres, affirmer sa personnalité propre, pouvoir être soi-même et accepté comme tel), tels sont les besoins identitaires dont la demande de reconnaissance dans son expression suit les lignes de force. La quête de reconnaissance est à la fois l'un des moteurs inconscients de la communication et l'un des processus fondamentaux à travers lesquels se construit l'identité personnelle, qui reste très largement dépendante du rapport aux autres et du regard d'autrui. Ce regard, réel ou imaginaire, perçu ou anticipé, est un miroir dans lequel l'individu recherche constamment sa propre image. Sartre : "Il suffit qu'autrui me regarde pour que je sois ce que je suis." On touche là à l'intimité de l'être, du moins celle qui lui était couramment attribuée jusqu'à présent.

En réseau, notamment à travers des "chats", c'est à la fois l'un des moteurs inconscients de la communication et l'un des processus fondamentaux à travers lesquels se construit encore l'identité personnelle, mais si l'on considère certains ébats diffusés par la visioconférence de masse, force est de considérer que la notion d'intimité a changé.

"Toute identité requiert l'existence d'un autre : de quelqu'un d'autre, dans une relation grâce à laquelle s'actualise l'identité de soi" et le moi intime.

Ces identités situationnelles ou circonstancielles, ces jeux particuliers des acteurs, qui se forgent dans les communications interpersonnelles sont un peu plus de simples rôles qu'on endosserait comme un vêtement et qu'on abandonnerait ensuite au vestiaire. Pour retourner, dans la plupart des cas à sa "vraie vie" qui elle ne peut être confondue avec un jeu passager dans lequel le virtuel garantit de toutes les douleurs et de tous les accidents non dominés.

Un peu plus avant dans le domaine de l'illusion, c'est en intégrant la réalité virtuelle que sont nés les jeux de la deuxième génération. Chaque joueur doit s'équiper de lunettes stéréoscopiques, de gants tactiles, de capteurs, afin de se plonger dans l'univers créé par ordinateur, univers de synthèse; il peut, ainsi armé, y livrer bataille contre des monstres en tout genre. Ces nouvelles technologies sont actuellement plutôt réservées aux parcs d'attraction qu'aux foyers des particuliers, ne serait-ce qu'en raison de leur coût. L'audiovisuel a de son côté beaucoup apporté, et la puissance des consoles et des processeurs a rendu possible le passage à une hyper- réalité ludique.

Les mondes virtuels sont devenus les nouveaux labyrinthes, et confrontent à de nouvelles expériences de l'espace et du corps, à des paradoxes d'un nouveau genre. Mais surtout, ils obligent à un effort d'intelligibilité, à une meilleure intelligence des liens et des noeuds entrelaçant les réalités et les apparences, les illusions et les symptômes, les images et les modèles.

Le développement des techniques du virtuel et du synthétique oblige à apprendre à mieux lire les images pour mieux les comprendre, mais aussi à saisir les modèles sous-jacents aux apparences pour voir vraiment. Jusqu'alors enfermés dans les limites de la coupure métaphysique entre les modèles et les images, l'humain découvre grâce aux mondes virtuels les tissages neufs et subtils entre le domaine du conceptuel et celui du perceptuel. Une voie large de recherche s'ouvre ainsi, à travers une phénoménologie du virtuel.

Par ailleurs les titres à caractère "ludo- éducatif" connaissent un succès prometteur d'un décloisonnement possible entre les jeux et le secteur éducatif.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand