NOTE DE SYNTHESE
La Gestion Des Risques De Taux D'intérêt
Et De Change Par l'Approche ALM
Le Cas De La Banque Ouest Africaine De
Développement (BOAD).
Intérêt du thème
La notion de risque comporte deux aspects, l'un positif et
l'autre négatif. Le risque positif ou upside risk
représente pour une entreprise le risque de voir ses résultats
s'accroître. Le risque négatif ou downside risk est par
contre le risque de voir les résultats de l'entreprise tirés vers
le bas. C'est ce dernier qui inquiète le plus les responsables
d'entreprise qui doivent le gérer pour en éviter les
conséquences désastreuses.
En effet, pour une organisation, ne pas gérer son
risque, c'est non seulement manquer d'un outil puissant d'aide à la
décision, mais c'est également hypothéquer la
qualité de ses résultats et mettre en péril sa
solvabilité et sa pérennité. Cette question est d'autant
plus délicate que, dans le domaine bancaire en particulier, il existe
une multitude de risques qui peuvent se présenter sous diverses formes.
Ils sont en interrelation, les uns pouvant entraîner les autres. Une
identification ou taxinomie pertinente des risques, une bonne cartographie et
le choix d'une méthode idoine sont par conséquent un
préalable à la saine gestion des risques.
Plusieurs méthodes existent pour gérer les
risques comme l'immunisation, l'adossement, la couverture à terme
et la diversification. Mais ces dernières années les banques ont
de plus en plus recours à la Gestion Actif/Passif (GAP) ou Asset and
Liability Management (ALM) pour gérer les risques de taux
d'intérêt, de change et de liquidité. L'ALM s'efforce de
réaliser l'équilibre risque/rentabilité selon une
démarche en trois phases : attributions et relation avec les autres
divisions de l'organisation, identification et mesure des risques puis gestion
effective de ces risques en précisant les objectifs, contraintes et
actions de gestion. Pour ce faire, elle requiert entre autres une forte
implication de la haute direction, la constitution d'un comité de
gestion actif/passif et un bon système d'information.
Depuis 2001, la Banque Ouest Africaine de Développement
(BOAD) a mis en place un dispositif de gestion actif/passif (ALM).
Décrire l'expérience de la BOAD en matière de gestion
actif/passif pourrait participer à la vulgarisation de cette discipline.
Si davantage de banques peuvent utiliser une démarche ALM pour la
gestion de leurs risques, non seulement elles y gagnent mais cela profite
également à la BOAD qui en tant que acteur du système
bancaire est forcément en interdépendance avec les autres
banques. D'ailleurs, elle leur prête souvent des ressources par le biais
des Accords Cadres de Refinancements (ACR), ressources dont elle attend un
retour sur investissement. D'autre part, c'est le lieu de comparer la pratique
de l'ALM à la BOAD à ce qui devrait être fait en
théorie afin de relever les dysfonctionnements éventuels et de
proposer une solution améliorer la gestion de ses risques bancaires.
Problématique
Le but de notre étude est double :
- d'abord, proposer à la BOAD une démarche
complémentaire pour mesurer son risque de taux d'intérêt.
Il s'agit en l'occurrence de la mesure de valeur du risque de taux
d'intérêt. La BOAD, qui n'utilise que la mesure de marge pour
mesurer son risque de taux d'intérêt, est un peu trop tributaire
de cette mesure qui n'apprécie l'effet de la variation négative
des taux d'intérêt que sur le PNB. Avec la mesure de valeur, elle
disposera d'un instrument supplémentaire pour voir comment ses valeurs
patrimoniales et ses fonds propres réagissent aux fluctuations des taux
d'intérêt.
- ensuite, contribuer à la vulgarisation de l'ALM dans
le milieu bancaire de la zone UEMOA car sa pratique est encore très
timide dans nos pays. L'expérience de la BOAD pourrait à ce titre
être fort enrichissante pour les banques de la zone.
Démarche adoptée
Pour répondre aux préoccupations
précédentes, nous avons choisi de présenter, dans un
premier temps, le cadre conceptuel de la gestion des risques de taux
d'intérêt et de change par l'approche ALM et dans un second temps
de faire une description de la pratique de l'ALM à la BOAD. Nous
confrontons la gestion actif/passif de la Banque au cadre théorique
présenté pour en déduire les forces et les faiblesses de
ce qui est fait à la BOAD. A la lumière du cadre conceptuel, nous
proposons la mesure de valeur comme instrument complémentaire de la
mesure du risque de taux d'intérêt car la BOAD utilise
déjà les mesures de volume et de marge.
Difficultés rencontrées
Pour atteindre notre objectif nous avons rencontré une
difficulté majeure. Il s'agit de la confidentialité et la non
disponibilité de certaines informations qui nous ont contraint à
travailler avec des données de 2004 alors que nous aurions
préféré utiliser des informations de 2005,
c'est-à-dire des données encore plus récentes. C'est
notamment le cas du bilan que nous utilisons. Il s'agit non seulement un bilan
simplifié établi en valeurs comptables et non un bilan
détaillé et établi en valeurs de marché. Or la
mesure de valeur, s'entend par essence, comme une mesure faite à partir
des valeurs de marché du bilan.
Diagnostic de la situation
Le dispositif de gestion actif/passif mis en place par la
BOAD, depuis 2001 au sein de l'Unité de Gestion des Risques (UGR) qui
est devenue la Division de la Gestion des Risques (DGR) depuis janvier 2005, a
pour objet de prendre en charge la gestion des risques de taux
d'intérêt et de change puis de façon connexe le risque de
liquidité. Ce dispositif s'appuie sur un Outil de Gestion Actif/Passif
appelé « Outil GAP » et qui est en fait un progiciel
conçu par Crédit Agricole Consultants, un cabinet français
spécialisé dans le domaine. Un Comité de Gestion
Actif/Passif ou Comité ALM a également été
constitué. Il se réunit trimestriellement et fait des
propositions d'actions correctives au Président de la BOAD après
l'analyse des risques de taux d'intérêt et de change contenus dans
le bilan. C'est au Président de la Banque de prendre les
décisions idoines et de les communiquer aux directions
opérationnelles pour exécution.
Mais la question de l'ALM est délicate. Il s'agit d'un
domaine complexe, récent dans la gestion bancaire et a fortiori
pour la BOAD. C'est pourquoi, il est bon de noter que le dispositif ALM de la
BOAD présente non seulement des forces mais également des
faiblesses.
Les forces sont relatives notamment à :
- l'existence d'un Comité ALM qui se réunit
régulièrement
- la formation accrue du personnel à la gestion
actif/passif
- la mise en place d'un outil de simulation pour gérer
les risques de taux d'intérêt et de change
- la fixation de limites ou seuils d'intervention pour la
couverture de ces risques.
Mais, certaines faiblesses limitent encore l'efficacité
de ce dispositif. Il s'agit essentiellement :
- de la composition variable du Comité ALM qui peut
être à l'origine d'un manque de suivi dans le temps des
recommandations faites par ce comité
- de l'effectif très réduit de la Division de
la Gestion des Risques (DGR)
- du système d'information qui ne permet pas de traiter
les informations en temps réel
- de la mesure du risque de taux limitée à son
impact sur le Produit Net Bancaire (PNB)
- des seuils d'intervention pour la couverture des risques
qui semblent non pertinents
- de l'absence d'un éclatement notionnel de la Banque
en centres de responsabilités pour prendre en compte les prix de
cessions internes dans la tarification et pour mieux allouer les fonds propres
à la couverture des risques.
Propositions de Recommandations
Eu égard aux faiblesses énumérées
ci-dessus, nous proposons les huit (8) recommandations suivantes pour
améliorer la gestion actif/passif à la BOAD :
- accroître l'effectif de la DGR
- améliorer le système d'information pour
disposer d'informations en temps réel
- améliorer l'outil de simulation pour qu'il fournisse
davantage d'états en vue d'une meilleure gestion du risque de change
- accélérer la mise oeuvre de la
comptabilité et du contrôle de gestion
- intégrer la mesure de valeur du risque de taux
d'intérêt
- réétudier l'idée d'un transfert futur
du risque de change aux clients car cela peut accroître le risque de
contrepartie surtout que ces clients ne sont pas mieux nantis que la Banque
pour gérer un tel risque
- revoir la pertinence, aujourd'hui, des seuils d'intervention
pour la couverture des risques et dont le calcul date des années 80.
La nécessité d'une saine gestion des risques de
taux d'intérêt et de change par l'ALM milite en faveur de la prise
en compte des recommandations ci-dessus. Nous aimerions particulièrement
insister sur l'intégration de la mesure de valeur du risque de taux
d'intérêt parmi les outils de mesure du risque de la BOAD.
Les résultats de nos calculs prouvent que quand elle
est bien menée, la mesure de valeur reste cohérente avec les
autres formes de mesure du risque de taux d'intérêt. En outre,
elle permet de visualiser le risque sous l'angle de son impact, non plus
seulement sur le PNB, mais également sur la valeur patrimoniale et les
fonds propres de la banque et donc de mieux maîtriser l'allocation des
fonds propres à la couverture des risques. Dès lors, elle offre
au risk manager la possibilité d'affiner l'analyse et la
gestion de ce risque et, partant, d'améliorer les décisions
commerciales et stratégiques qu'induit la gestion du risque de taux
d'intérêt.
Décisions
Nous suggérons :
- dans un premier temps, qu'il soit mis en place un
comité d'étude pour approfondir la réflexion sur la mise
en oeuvre de la mesure de valeur compte tenu des limites et des
difficultés que nous avons rencontrées au cours de notre
étude. Ce comité devra disposer de tous les moyens, humains,
financiers et matériels. Il fera ensuite des recommandations utiles au
Président de la Banque pour prise décision.
- dans un second temps, il faut mettre en place les
instruments techniques ou matériels que nécessite cette solution,
former en interne ou recruter à défaut les personnes
compétentes pour une gestion du risque de taux d'intérêt
intégrant la mesure de valeur.
- en dernier lieu, il faut utiliser de façon pleine et
entière cette méthode puis en mesurer et contrôler les
résultats de façon périodique.
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